Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Je ne vous cache pas que je suis partagée sur l’instauration de la taxe prévue à l’article 52 quater. Si elle offre l’opportunité de renforcer les ressources budgétaires du FNAP, elle apparaît tout de même quelque peu contradictoire avec votre volonté, monsieur le ministre, d’augmenter les cessions de logements – vous proposez de les faire passer de 8 000 actuellement à plus de 40 000 à la fin du quinquennat.
Dans ce contexte, l’amendement que j’ai déposé propose un compromis : l’assiette de la taxe ne porterait plus sur les prix de cession, mais sur les plus-values réalisées lors de ces cessions. Cette proposition permettrait de ne pas taxer la cession lorsqu’il en résulte une moins-value pour les organismes.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-581.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Il est défendu.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-607, présenté par M. Lurel, est ainsi libellé :
Amendement n° II-581, alinéa 8
Après les mots :
cessions de logements
Insérer les mots :
situés en France métropolitaine
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Ce sous-amendement vise à éviter une double peine. Je crois que la commission des finances a proposé, ce matin, d’émettre un avis favorable sur ma proposition. J’espère que le Gouvernement aura la même position.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-654 rectifié, présenté par M. Magras, Mme Malet et M. Daubresse, est ainsi libellé :
Amendement n° II-581, alinéa 9, première phrase
Après les mots :
des cessions de logements
insérer les mots :
situés en France métropolitaine
La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Ce sous-amendement a le même objectif que celui qu’a défendu à l’instant M. Lurel. Je précise simplement qu’il vise à rétablir le texte dans sa version initiale de manière à éviter que les outre-mer ne payent cette taxe, alors même que ces territoires ne bénéficient pas du FNAP. J’ajoute que les deux sous-amendements modifient des alinéas différents, mais ils touchent exactement le même sujet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. La commission des finances est plutôt favorable à ces deux sous-amendements, mais souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement est favorable aux amendements déposés par M. Dallier et Mme Estrosi Sassone. Nous poursuivons en effet le même objectif : conforter le dispositif de vente de logements sociaux. Je rappelle que ces ventes n’atteignent aujourd’hui que 0,2 % du parc. L’objectif du Gouvernement est d’atteindre 1 % à la fin du quinquennat.
Action Logement est prêt à débourser 300 millions d’euros par an pour procéder à des achats en bloc, en confiant la gestion aux organismes d’HLM. C’est donc sans risque pour les locataires. C’est un processus vertueux, qui a déjà été utilisé, de manière plus forte, sur certains territoires ; je pense par exemple à Toulouse, où la mise en œuvre de ce dispositif, qui existe depuis deux ans, se déroule dans de très bonnes conditions.
Je suis convaincu qu’il nous faut développer de telles ventes de logements sociaux et que nous pouvons réussir à le faire.
En ce qui concerne les sous-amendements de MM. les sénateurs Lurel et Magras, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-654 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-442 rectifié et II-581, modifiés.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° II-435 n’a plus d’objet.
L’amendement n° II-435, présenté par M. Lurel, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Sont exemptés de cette taxe les organismes d’habitation à loyer modéré et les sociétés d’économie mixte agrées des départements et collectivités d’outre-mer.
Je mets aux voix l’article 52 quater, modifié.
(L’article 52 quater est adopté.)
Article 52 quinquies (nouveau)
Le I de l’article L. 2252-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Pour les opérations d’acquisition réalisées par les organismes de foncier solidaire définis au premier alinéa de l’article L. 329-1 du code de l’urbanisme. » – (Adopté.)
Article 52 sexies (nouveau)
À la fin du premier alinéa de l’article 9-2 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, le montant : « 6 milliards d’euros » est remplacé par les mots : « 10 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros provient de subventions de l’État ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 52 sexies
Mme la présidente. L’amendement n° II-454 rectifié, présenté par MM. Capus, Malhuret et Bignon, Mme Mélot et MM. Chasseing, Wattebled, Decool, Guerriau, Fouché, Lagourgue et A. Marc, est ainsi libellé :
Après l’article 52 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 1er janvier 2019, un rapport d’information sur l’opportunité de créer un indicateur de performance de la mission « Cohésion des territoires » sur la présence des services publics ou parapublics dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans les zones rurales. Ce rapport évalue notamment les critères à prendre en compte pour construire cet indicateur afin de mesurer les inégalités territoriales accentuées par le manque de services publics ou parapublics à proximité des populations en ayant le plus besoin.
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Je serai bref, madame la présidente.
Chacun le sait, certaines zones de notre territoire national éprouvent un véritable sentiment d’abandon, provoqué par une pénurie de services publics. Cet amendement vise uniquement à commander au Gouvernement un rapport d’information sur l’opportunité de créer un indicateur d’évaluation de la présence des services publics et parapublics dans ces quartiers prioritaires de la politique de la ville ou dans ces zones rurales, ni plus ni moins.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. Notre collègue Emmanuel Capus nous propose un rapport supplémentaire. La tendance est plutôt à limiter le nombre de rapports.
M. Emmanuel Capus. Je propose de créer un indicateur !
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. Cela étant, l’intégration dans les documents budgétaires de critères de performance sur les services publics en milieu urbain, dans les quartiers sensibles ou en milieu rural nous paraît intéressante. La commission, dans sa bienveillance, s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. À regret, je n’émettrai pas un avis favorable. Certes, précédemment, j’ai accepté que des rapports soient remis au Parlement, mais on ne peut quand même pas les multiplier !
En matière de politique de la ville, je rappelle que de précédents gouvernements ont créé l’Observatoire national de la politique de la ville. Nous avons d’ailleurs assisté ces dernières années à la création de quantité d’observatoires – nous ne cessons d’être observés dans ce pays (Sourires.) –, sans compter les Hautes Autorités diverses et variées. Donc, cet observatoire existe…
En ce qui concerne les territoires ruraux, le CGET et l’INSEE ont élaboré des outils indicateurs, des cartes des données territoriales, qui permettent d’estimer la disponibilité des services et le temps d’accès de la population.
Je veux bien qu’on commande un nouveau rapport, mais reste à savoir s’il sera déposé. Le Parlement a souvent commandé des rapports, qu’il attend toujours…
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 52 sexies.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-717 du 3 mai 2017 portant création de l’établissement public Paris La Défense est parvenue à l’adoption d’un texte commun, ce qui n’est pas si fréquent. (Sourires.)
9
Loi de finances pour 2018
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Crédits non répartis
Action et transformation publiques
Compte d’affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l’État
Régimes sociaux et de retraite
Compte d’affectation spéciale : Pensions
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » (et article 55 ter), « Crédits non répartis », « Action et transformation publiques », du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale « Pensions ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Crédits non répartis » et « Action et transformation publiques ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, chers collègues, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est la principale mission du pôle économique et financier de l’État. L’administration fiscale et l’administration des douanes représentent les trois quarts de cet ensemble, le reste étant composé de diverses structures transversales ou d’états-majors.
Les crédits de la mission sont stables en 2018, à environ 11 milliards d’euros. D’une manière générale, les dépenses sont maîtrisées, la programmation budgétaire est sincère et l’évaluation de la performance s’améliore. Après tout, ce sont les domaines où Bercy doit donner l’exemple.
La masse salariale représente à elle seule 80 % des crédits de la mission. C’est donc sur ce point que portera l’essentiel de mes remarques.
Cette année encore, ce sont les ministères économiques et financiers qui contribuent le plus fortement à la réduction du nombre d’agents publics, avec la suppression de 1 450 emplois. Je rappelle, par comparaison, que les suppressions nettes sur l’ensemble du périmètre de l’État atteindront 1 600 emplois. Toutefois, cet effort s’est atténué depuis deux ans. Auparavant, le schéma d’emplois était plus proche de 2 000 emplois temps plein par an. Cette inflexion a deux raisons principales.
Du côté de l’administration fiscale, comme l’année dernière, 500 postes seront « préservés » afin de préparer la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Je rappelle qu’il s’agit d’une réforme très complexe – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement a choisi de la décaler à 2019.
Du côté de l’administration des douanes, l’exercice 2018 verra la création de 200 postes supplémentaires, qui font suite aux créations de 2016 et de 2017. C’est d’abord la réponse à une série de crises ponctuelles : les attentats de 2015, puis le Brexit – en effet, 85 % des liaisons routières entre le Royaume-Uni et le continent passent par la France. Plus fondamentalement, c’est aussi l’aveu que les défis de notre époque – la sécurité des biens et des personnes, la lutte contre les trafics, la croissance des échanges – requièrent une administration des douanes moderne et bien équipée. Le cycle de renouvellement des moyens aéromaritimes touche d’ailleurs à sa fin.
Cela étant, pour l’administration fiscale comme pour la douane, il y a pour ainsi dire deux mouvements parallèles qui sont à l’œuvre : d’un côté, les nouvelles priorités dont je viens de parler, qui justifient les créations de postes ; de l’autre, un chantier de plus longue haleine, celui de la rationalisation de leur réseau territorial.
La DGFiP compte plus de 4 000 implantations, et les regroupements se sont accélérés depuis deux ans : 55 centres des impôts et 125 trésoreries rurales trop fragiles devraient faire l’objet d’une fusion l’année prochaine. Il en va de même pour les quelque 840 brigades et bureaux de douane. Un service ne peut pas fonctionner correctement avec moins de quatre ou cinq agents !
Cependant, si cette évolution est nécessaire, la concertation avec les acteurs locaux reste trop souvent défaillante. Chaque administration a tendance à prendre ses décisions seule « de son côté », de sorte qu’un territoire peut perdre plusieurs services publics à la fois. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous prendre à cet égard quelques engagements ? Je vous suggère, au minimum, de ne pas arrêter de décision avant le vote des schémas départementaux d’amélioration et de l’accessibilité des services au public prévus par la loi NOTRe. Vous pourriez aussi vous engager à assurer une certaine prévisibilité lorsque les évolutions seront évidentes ; je pense, par exemple, aux trésoreries hospitalières ou à l’adaptation à la nouvelle carte intercommunale.
J’évoquerai rapidement la mission « Crédits non répartis ».
Cette mission comprend deux dotations prévues par la LOLF, afin de couvrir des dépenses qui ne peuvent être réparties au moment du vote de la loi de finances. Son montant atteint 124 millions d’euros, compte tenu de l’amendement du Gouvernement adopté par l’Assemblée nationale. Quant à la dotation « Provision relative aux rémunérations publiques », elle n’est plus budgétisée. Le programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles » est, pour sa part, majoré de 100 millions d’euros par rapport à 2017. Le Gouvernement justifie cette majoration par l’objectif de compenser partiellement la baisse du taux de mise en réserve des crédits par mission de 8 % à 3 %. Si cette réduction de la mise en réserve s’inscrit dans un plus grand respect de l’autorisation parlementaire des dépenses,…
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. … l’augmentation des crédits de cette mission, qui échappe au principe de spécialité des dépenses, appelle toutefois cette remarque : nous serons vigilants, monsieur le secrétaire d’État, quant à l’exécution des crédits non répartis au cours de l’année 2018.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Crédits non répartis » et « Action et transformation publiques ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, s’agissant de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », je souhaiterais, pour ma part, appeler l’attention du Gouvernement sur deux points particuliers.
Le premier est l’organisation interne des services de la DGFiP. L’année prochaine, plusieurs réformes majeures auront un impact systémique sur le travail des agents : le prélèvement à la source, la suppression progressive de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers, la mise en place du prélèvement forfaitaire unique de l’impôt sur la fortune immobilière ou encore la suppression, en 2019, du CICE. À ce stade, nous constatons peu d’anticipation et un certain attentisme sur les conséquences de ces décisions, mais peut-être pourrez-vous nous rassurer sur les orientations prévues, monsieur le secrétaire d’État ?
Le deuxième point porte sur les grands chantiers informatiques, qui font, cette année, l’objet d’investissements importants. Les ministères économiques et financiers représentent 15 % des projets informatiques de l’État et 20 % des dépenses. Il faut le souligner, ceux-ci n’accusent pas, ou plus, de surcoûts ou de retards excessifs par rapport aux autres ministères. Cela dit, c’est avant tout parce que les projets les plus importants sont terminés… ou qu’ils ont échoué. Je vous rappelle à cet égard le précédent de l’opérateur national de paye, mené en pure perte avant d’être interrompu en 2014. Plusieurs projets actuels, notamment en matière de gestion des ressources humaines, visent seulement à « réparer » les conséquences de cet « accident ».
Pour réussir les grands projets informatiques de demain, les pistes sont claires : une gouvernance renforcée au niveau interministériel, une meilleure mutualisation des projets, une réduction de la dépendance aux prestataires extérieurs et, corrélativement, une meilleure expertise en interne.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les conséquences du décret du 20 novembre 2017 relatif à la direction interministérielle de la transformation publique et à la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État ?
L’un des grands enjeux pour l’avenir concerne d’ailleurs la capacité de recruter – et de fidéliser – des profils de haut niveau dans les métiers du numérique. Je présenterai deux amendements permettant d’aborder cette question essentielle pour l’État et les administrations de réseau de la mission.
Le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » ne représente que 10 % de la dépense immobilière de l’État, le reste étant porté par les différentes missions du budget général, soit quarante-quatre programmes. Il incarne pourtant l’État propriétaire et constitue le vecteur budgétaire de la direction de l’immobilier de l’État. Il participe du principe essentiel de distinction entre l’État propriétaire et les ministères occupants. Sur ce sujet, je ferai deux remarques.
D’abord, un constat : l’intégration des dépenses d’entretien lourd de l’ancien programme 309 a pu se traduire par une modification de la dépense du compte. La part des dépenses de fonctionnement a certes progressé au détriment des dépenses d’investissement, mais celles-ci diminuent de 30 % en 2018 par rapport à 2017. J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, connaître votre analyse sur cette évolution.
Ensuite, un décryptage : la stabilité des crédits du compte par rapport à 2017 est en trompe-l’œil en raison d’une opération exceptionnelle prévue en 2018. Les établissements d’enseignement supérieur déménageant vers le plateau de Saclay feront exception à la mutualisation des produits de cessions, décidée lors d’une précédente loi de finances. L’intégralité sera donc reversée au ministère de l’enseignement supérieur. Ainsi neutralisés, les crédits immobiliers effectivement disponibles sur le compte diminuent de 12 % par rapport à 2017. Ce recul contraste avec les nouvelles orientations dont la politique immobilière a besoin.
Avec notre ancien collègue, Michel Bouvard, nous avions proposé une feuille de route pour renouveler la gestion de l’immobilier de l’État. Dix ans après la création du compte, il nous faut évoluer de la rationalisation initiale à la recherche d’une meilleure valorisation du patrimoine immobilier, pas forcément par des cessions, d’ailleurs.
Plusieurs éléments semblent annoncer une nouvelle orientation après la création de la direction immobilière de l’État. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais connaître vos projets en la matière.
Je terminerai mon propos en évoquant le Grand Plan d’investissement. La participation du compte d’affectation spéciale est artificielle, dès lors qu’il s’agit de crédits qui étaient déjà prévus les années précédentes. Tel n’est pas le cas pour la nouvelle mission du budget général « Action et transformation publiques ». L’intégralité de ses crédits doit participer au Grand Plan d’investissement, au titre de la rénovation des cités immobilières et du fonds pour la transformation de l’action publique. Un montant de 1,7 milliard d’euros est prévu pour les cinq prochaines années. Cependant, la démarche demeure, à ce stade, principalement programmatique, puisque l’essentiel des crédits devrait être ouvert à compter de 2020. Surtout, en vertu du principe de réallocation des crédits du Grand Plan d’investissement, les crédits prévus dans la programmation pluriannuelle pourront être réalloués entre les différentes actions.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. Je conclus, monsieur le président.
La commission des finances vous propose, mes chers collègues, l’adoption des crédits de la mission, en précisant que nous resterons vigilants sur les évolutions à venir. À titre personnel, compte tenu des modifications adoptées par la majorité de la commission, je ne pourrai les adopter.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteur spécial, pour la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je relève le défi de vous présenter un rapport qui retrace un compte de 65 milliards d’euros en cinq minutes ! La mission « Régimes sociaux et de retraite » est dotée de 6,3 milliards d’euros versés par l’État pour équilibrer certains régimes spéciaux – SNCF, RATP, marins, mines, etc. – et le compte d’affectation spéciale « Pensions », doté de 58,4 milliards d’euros, comprend notamment les pensions civiles et militaires de retraite.
Je commencerai par les régimes spéciaux. Le nombre de cotisants étant très inférieur au nombre de retraités, la contribution de l’État pour en assurer l’équilibre a fortement augmenté entre 2006 et 2012, puis a baissé entre 2015 et 2017.
En 2018, la contribution augmente de 0,4 % sous l’effet, en année pleine, de la revalorisation des pensions début octobre. Le ratio démographique de la SNCF et de la RATP se dégrade encore, et le déficit sera supérieur aux économies des régimes fermés, mais sans tenir compte d’un éventuel retour de croissance.
La subvention d’équilibre de l’État représente 68 % du financement des retraites des régimes spéciaux. Pour mémoire, l’ensemble des régimes spéciaux compte 500 000 actifs pour 1,1 million de pensionnés, et le régime général compte 18 millions d’actifs pour 15 millions de pensionnés.
Les régimes spéciaux ne se singularisent pas seulement par le déséquilibre démographique ; des différences institutionnelles et économiques persistent également. Ainsi de l’âge de départ à la retraite, fixé à cinquante ans, puis à cinquante-deux ans pour le personnel roulant de la SNCF et de la RATP, et à cinquante-cinq ans, puis à cinquante-sept ans pour les autres personnels de ces entreprises, alors que l’âge légal est de soixante-deux ans.
En dehors de toute réforme, le déséquilibre des régimes spéciaux se serait quand même réduit pour la SNCF : il serait passé de 4 milliards à 2,5 milliards d’euros par an d’ici à 2050 ; les réformes successives de ces dernières années l’atténuent, mais le déficit perdure et l’appel à la solidarité nationale est toujours nécessaire. C’est l’une des questions auxquelles devra répondre la prochaine réforme : le financement, mais aussi l’équité. C’est aussi une question économique, puisque beaucoup dépendra de la capacité de la SNCF à relever le défi de l’ouverture à la concurrence.
Le compte d’affectation spéciale « Pensions » porte sur 58,4 milliards d’euros ; 93,5 % de cette somme est affectée aux pensions civiles et militaires de la fonction publique de l’État, 3,3 % aux ouvriers des établissements industriels de l’État et 3,2 % aux pensions militaires d’invalidité et aux victimes de guerre et du terrorisme. Les dépenses sont en très forte hausse depuis vingt-cinq ans : elles seront passées de 19,1 milliards d’euros en 1990 à 58,4 milliards d’euros en 2018. Le nombre de bénéficiaires a doublé. Le niveau des pensions des entrants est globalement supérieur aux pensions en cours, mais le taux de remplacement tend à baisser sous l’effet des réformes successives.
Pour 2018, le Gouvernement ne revalorisera pas les pensions ; l’économie sera de 137 millions d’euros environ. En cas de reprise de l’inflation, l’économie sera encore supérieure. Les pensions brutes vont perdre en pouvoir d’achat, et les pensions nettes plus encore, car la CSG va augmenter, à hauteur de 1 milliard d’euros pour les seuls fonctionnaires de l’État.
Du côté des recettes, l’État a décidé le gel indiciaire et le report du protocole du PPCR. Cela soulagera la masse salariale, mais se traduira par de moindres recettes pour le compte d’affectation spéciale : environ 243 millions d’euros de recettes ne sont pas budgétés.
Le solde excédentaire cumulé du compte d’affectation spéciale atteindrait 7,6 milliards d’euros à la fin de 2018, somme très supérieure aux besoins de trésorerie. Rappelons que la Cour des comptes trouvait déjà ce solde excessif à 1,6 milliard d’euros. Le ministère des finances a renoncé à expliquer qu’il s’agit de financer les déficits prévisionnels à court terme, puisque le solde cumulé devrait atteindre plus de 25 milliards d’euros vers 2030.
Hors bilan, les engagements financiers de l’État au titre des retraites ont été brusquement relevés dans le compte général de l’État : ils sont passés de 1 535 milliards d’euros à la fin de 2015 à 2 139 milliards d’euros actuellement en raison du changement de modèle de prévision et du taux d’actualisation, qui devient négatif. Je m’interroge sur la cohérence de cette évolution avec le scénario de retour à la croissance.
En conclusion, je voudrais exprimer quelques interrogations.
D’abord, faut-il continuer de sur-financer le CAS, en abaissant le niveau de vie des retraités par rapport au reste de la population, et valider une baisse très significative des taux de remplacement ?
Ensuite, réformer les retraites suppose de réformer la politique des ressources humaines de l’État. « Très employeur », il doit devenir « mieux employeur » si l’on veut que travailler plus longtemps ait du sens.
Enfin, puisque le processus de réforme est en cours, il faut souhaiter que le Parlement soit pleinement informé de l’avancée des travaux de Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites.