M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. … ou au transport par autocar, comme le préconisait il y a quelques mois, dans son rapport, la commission d’enquête du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Défavorable, comme pour le précédent amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 232-7, il est inséré un article L. 232-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 232-7-1. – I. – Pour les besoins de la prévention et de la constatation des actes de terrorisme et des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation ainsi que des infractions mentionnées à l’article 694-32 du code de procédure pénale, punies d’une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’une durée similaire, à l’exclusion de celles mentionnées aux 17°, 20°, 21°, 24° et 29° du même article 694-32, du rassemblement des preuves de ces infractions et de ces atteintes ainsi que de la recherche de leurs auteurs, le ministre de l’intérieur, le ministre de la défense, le ministre chargé des transports et le ministre chargé des douanes sont autorisés à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel.
« Sont exclues de ce traitement automatisé de données les données à caractère personnel susceptibles de révéler l’origine raciale ou ethnique d’une personne, ses convictions religieuses ou philosophiques, ses opinions politiques, son appartenance à un syndicat, ou les données qui concernent la santé ou la vie sexuelle de l’intéressé.
« II. – Pour la mise en œuvre du traitement mentionné au I, les exploitants de navire recueillent et transmettent les données d’enregistrement relatives aux passagers à destination et en provenance du territoire national voyageant à bord d’un navire à passagers faisant l’objet d’une certification :
« 1° Soit au sens du code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires adopté à Londres le 12 décembre 2002 en application de la convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, faite à Londres le 1er novembre 1974, modifiée ;
« 2° Soit en application du 2° de l’article 3 du règlement (CE) n° 725/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relatif à l’amélioration de la sûreté des navires et des installations portuaires ;
« 3° Soit en application du 3° de l’article 3 du règlement (CE) n° 725/2004 précité après décision du ministre chargé de la mer.
« Les données concernées sont celles mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 232-4 du présent code.
« Les exploitants de navire sont également tenus de communiquer les données relatives aux passagers enregistrés dans leurs systèmes de réservation.
« En outre, les ministres mentionnés au I du présent article peuvent demander aux agences de voyage et opérateurs de voyage ou de séjour affrétant tout ou partie d’un navire de transmettre les données relatives aux passagers enregistrées dans leurs systèmes de réservation.
« III. – Les exploitants de navire, les agences de voyage et les opérateurs de voyage ou de séjour affrétant tout ou partie d’un navire mentionnés au II informent les personnes concernées par le traitement mentionné au I.
« IV. – Les données mentionnées au II ne peuvent être conservées que pour une durée maximale de cinq ans.
« V. – En cas de méconnaissance des obligations fixées au présent article par une entreprise de transport maritime ou par une agence de voyage ou un opérateur de voyage ou de séjour affrétant tout ou partie d’un navire, l’amende et la procédure prévues à l’article L. 232-5 sont applicables.
« VI. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret détermine les services autorisés à interroger l’unité de gestion chargée de la collecte des données auprès des transporteurs maritimes, des agences de voyage et des opérateurs de voyage ou de séjour affrétant tout ou partie d’un navire, de leur conservation et de leur analyse, en précisant si cette autorisation est délivrée à des fins de prévention ou à des fins de répression. » ;
2° L’article L. 232-7 est ainsi modifié :
a) À la fin de la seconde phrase du premier alinéa du II, les mots : « pour les transporteurs aériens et celles mentionnées au quatrième alinéa du même article L. 232-4 pour les transporteurs maritimes » sont supprimés ;
b) À la première phrase du premier alinéa et au deuxième alinéa du même II, les mots : « et maritimes » sont supprimés ;
c) Au III, les mots : « et maritimes et, le cas échéant » sont supprimés ;
d) Au V, les mots : « ou maritime » sont supprimés ;
e) Au VI, les mots : « ou maritimes » sont supprimés ;
f) Au dernier alinéa du II, au III, au V et au VI, les mots : « ou d’un navire » sont supprimés ;
3° À la fin du quatrième alinéa de l’article L. 232-4, les mots : « règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) » sont remplacés par les mots : « règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ».
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l'article.
M. Jean-Yves Leconte. Le projet de loi prévoit la mise en place d’un PNR maritime national. Mais à quoi cela peut-il servir sans la perspective d’un PNR maritime européen ?
Notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam a cité un certain nombre de pays dans lesquels ce type de dispositif est en vigueur. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam opine.) Seulement, il suffit de se rendre dans un pays où de telles dispositions n’existent pas, en utilisant BlaBlaCar par exemple, pour que le PNR maritime européen soit, là encore, léonin.
Soit on décide qu’une mesure de cette nature est importante et, dans ce cas, il faut absolument que le PNR se déploie à l’échelle européenne, soit on se contente de tester différents dispositifs, un peu comme on l’a fait pour le PNR aérien, mais il faut alors offrir des perspectives pour aboutir à un PNR européen.
Je ne suis pas tout à fait sûr d’être d’accord avec Mme Garriaud-Maylam sur l’opportunité d’étendre le PNR au transport maritime puis au ferroviaire, aux autocars… Et puis, quoi encore ? Faudra-t-il aussi créer un PNR pour les tramways ou BlaBlaCar ? Il faut arrêter !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Mais je n’ai jamais dit ça !
M. Jean-Yves Leconte. L’espace Schengen est un espace de liberté !
Doit-on toujours tout programmer ? S’il faut systématiquement obtenir des autorisations préalables ou se déclarer à l’avance pour voyager, si rien ne peut se décider à l’improviste, c’est le terrorisme qui a gagné en définitive. On ne peut pas continuer dans cette voie : à un moment donné, il faut savoir s’arrêter, mes chers collègues !
Certes, je peux concevoir que l’on ait besoin du PNR maritime, mais, au-delà, je dis « Holà ! » (M. le président de la commission des affaires étrangères et M. le rapporteur pour avis sourient.)
Ce serait dangereux pour les libertés et pour notre conception de l’espace Schengen comme espace de liberté. Mes chers collègues, il faut rester fidèle à nos valeurs, sinon ce sont ceux que l’on veut combattre qui auront gagné !
M. le président. L'amendement n° 74, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 15, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. le ministre d'État.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. L’amendement tend à supprimer la création d’une « unité information passagers » pour le PNR maritime.
En effet, la mise en œuvre de ce PNR fait encore l’objet de réflexions de la part du Gouvernement, s’agissant notamment des modalités de consultation des données qui seront collectées à ce titre.
Une réflexion est en cours au sein du secrétariat général de la mer, placé auprès du Premier ministre. Si vous pouviez nous laisser un peu de temps avant de figer dans le marbre les modalités de consultation de ces données, ce serait une bonne chose.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Je crains que le ministre d’État n’ait lu un peu rapidement l’article tel que la commission l’a modifié.
Évidemment, le PNR maritime n’obéit pas aux mêmes règles générales que le PNR aérien : il n’est notamment pas soumis à des règles de dimension internationale. Il n’empêche que plusieurs dizaines de millions de passagers sont enregistrés chaque année dans le cadre de ce PNR.
Notre commission ne cherche pas à imposer un mode d’organisation du PNR maritime au Gouvernement. Elle sait que ce n’est pas du tout de sa compétence et reconnaît parfaitement au Gouvernement le droit d’organiser ces services comme il l’entend. Nous ne disons d’ailleurs pas autre chose dans cet article. Nous souhaitons simplement que les passagers du transport maritime aient les mêmes garanties que les passagers du transport aérien, et que les demandes émanant des différents services puissent être filtrées avant l’accès aux données du PNR maritime.
Ce texte n’impose aucun mode d’organisation pour le futur PNR. Il prévoit simplement l’égalité des conditions de consultation des données entre passagers du transport aérien et passagers du transport maritime… Il ne va plus loin.
M. Michel Mercier, rapporteur. Dans les deux cas, cela concerne plusieurs millions de passagers !
En tout cas, nous comprenons très bien que le Gouvernement ait besoin d’un certain temps pour mettre en œuvre ce PNR. C’est pourquoi nous ne voulons pas imposer quelque organisation que ce soit. L’article prévoit simplement un filtrage de l’accès aux données.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article additionnel après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié quater, présenté par Mme Deseyne, MM. de Legge, P. Dominati et Reichardt, Mme Morhet-Richaud, M. Huré, Mmes Gruny et Di Folco, M. Fouché, Mmes Imbert et Lamure, M. G. Bailly, Mme Micouleau, MM. Lefèvre et Laménie, Mme Deromedi, M. Cuypers, Mme Debré, M. J.P. Fournier, Mme Deroche et MM. Gremillet et B. Fournier, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l’article L. 612-1 du code de la sécurité intérieure est complété par les mots : « ou les personnes morales de droit privé non lucratif gérant des établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, lesquels sont identifiés au titre du présent code par le numéro du fichier national des établissements sanitaires et sociaux, pour ceux dans desquels les personnes morales de droit privé non lucratif organisent un service de sécurité intérieure ».
La parole est à Mme Chantal Deseyne.
Mme Chantal Deseyne. Cet amendement vise à permettre aux établissements médico-sociaux privés à but non lucratif d’organiser leur propre service de sécurité.
Actuellement, cela leur est interdit au motif qu’ils ne sont pas inscrits au registre du commerce et des sociétés.
Mme Éliane Assassi. Heureusement !
Mme Chantal Deseyne. Les établissements publics et les établissements privés de statut commercial ne sont pas confrontés à cette interdiction. Aussi l’amendement tend-il à corriger cet état de fait.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. L’amendement a pour objet d’étendre aux organismes privés à but non lucratif gérant des établissements de santé sociaux et médico-sociaux la faculté de se doter de leur propre service de sécurité intérieure.
Il tend donc à corriger une inégalité entre les établissements de santé gérés par le public et ceux qui le sont par le privé.
Il semble bien qu’il existe un vide juridique que cet amendement cherche à combler. Cependant, avant de prendre position, la commission s’en remettra à l’avis du Gouvernement, notamment pour savoir s’il ne serait pas préférable d’adopter une disposition un peu plus générale.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Actuellement, seules les personnes physiques et morales enregistrées au registre du commerce et des sociétés peuvent créer un service interne de sécurité pour exercer des fonctions de surveillance et de gardiennage en régie sans recourir au service de sociétés de sécurité privée.
L’amendement vise à élargir cette possibilité aux personnes morales de droit privé à but non lucratif gérant des établissements de santé sociaux et médico-sociaux.
Restreindre à ces seuls établissements la possibilité de créer un service interne de sécurité, comme vous le proposez, madame la sénatrice, reviendrait à exclure de facto d’autres secteurs, comme le secteur de la culture, dont l’activité pourrait tout autant justifier l’existence de ce type de service interne de sécurité, en particulier s’agissant des musées.
Avant d’être envisagée, une telle évolution doit donc faire l’objet d’une réflexion plus large, à laquelle le Gouvernement n’est pas opposé, qui serait menée en concertation à la fois avec les donneurs d’ordre potentiels non inscrits au registre du commerce et des sociétés et avec le secteur de la sécurité privée, dont les équilibres économiques s’en trouveraient modifiés.
Il convient néanmoins de souligner que les établissements de santé et les établissements sociaux et médico-sociaux, qu’ils soient publics ou privés, à but lucratif ou non, ont actuellement toujours la faculté de recourir à des sociétés de sécurité pour assurer la sécurisation de leurs accès et de leurs bâtiments, comme n’importe quel autre donneur d’ordre.
En conséquence, je vous demanderai, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement et d’accepter l’élargissement de la réflexion sur le sujet ; à défaut le Gouvernement y sera défavorable.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Je comprends très bien l’intérêt pour les établissements privés médico-sociaux de créer leurs propres services. C’est cela l’objectif. Cependant, si l’on ne traite que les établissements sociaux ou médico-sociaux, on va laisser de côté d'autres établissements à but non lucratif, culturels ou autres, où la même question se posera.
Le Gouvernement, monsieur le ministre d’État, peut-il prendre des engagements de calendrier ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. On me dit que la réflexion est en cours. Nous aurons des éléments à la fin de l’année.
M. le président. Madame Deseyne, l'amendement n° 3 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Chantal Deseyne. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je viens au secours de cet amendement, compte tenu des motifs invoqués par M. le ministre d’État à l’instant pour le retirer ou le reporter.
Le fait de comparer des établissements de santé à des établissements culturels me paraît tout de même osé. Le problème s’est posé essentiellement lors des événements de Nice, des établissements de santé à but non lucratif n’ayant pas pu assurer leur protection par leurs propres moyens.
Ensuite, qui peut le plus peut le moins ! Nous pouvons commencer par voter cet amendement, quitte à étendre la disposition ultérieurement, après l’étude conduite par le Gouvernement, à d’autres établissements tels que les établissements à but culturel.
Pour ma part, je voterai cet amendement dès aujourd'hui.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
L'amendement n° 33, présenté par MM. Rachline et Ravier, n'est pas soutenu.
Chapitre II
Techniques de renseignement
Article additionnel avant l'article 8
M. le président. L'amendement n° 62 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :
Avant l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 833-2 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° – Peut ordonner la suspension d’opérations de recueil de renseignement en cours lorsqu’elle constate une atteinte grave et répétée aux champs d’application prévus par la loi. »
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Depuis 2012, de nombreuses lois sont intervenues pour étendre et étoffer les techniques légales du renseignement.
C’est une évolution ambivalente puisque, d’un côté, elle permet de faire entrer dans la légalité des pratiques de renseignement et, de l’autre, elle révèle l’ampleur des méthodes techniques à disposition de nos services, au point de se demander parfois ce qu’il reste de notre vie privée et du secret de nos correspondances.
Dans le contexte sécuritaire actuel, dont on nous a répété la gravité à maintes reprises, il n’est pas question de s’opposer à ce que nos services disposent de tous les moyens existants pour déjouer des attaques terroristes.
Cependant, dès lors que la loi dispose pour l’avenir, un contrôle minimal de ces pratiques doit être assuré afin que ces moyens ne soient pas utilisés à mauvais escient, demain et après-demain, une fois que la menace terroriste aura peut-être disparu.
L’ancienne commission de contrôle, créée en 1991, a été remplacée en 2015 par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui dispose de pouvoirs un peu plus importants.
Compte tenu du nombre d’outils techniques de renseignement, il semblerait utile d’étendre encore les pouvoirs de cette commission en lui donnant la possibilité de suspendre certaines opérations de renseignement pratiquées par certains services après avoir constaté des enfreintes aux champs d’application prévus par la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. L’amendement que vient de présenter notre collègue vise à doter la CNCTR d’une autorité qu’elle n’a pas. Cette autorité administrative indépendante dispose d’un pouvoir d’avis et de recommandation. Elle peut recommander au Premier ministre de prendre telle ou telle mesure. Si sa demande n’est pas suivie d’effet, elle peut saisir le juge, mais elle ne peut elle-même ordonner la suspension d’une opération. Seule l’autorité administrative dont dépend ce service peut le faire ou le juge.
Je propose donc à notre collègue de retirer son amendement ; celui-ci sera inopérant, la CNCTR n’étant pas qualifiée pour imposer une décision administrative. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Comme vient de le dire Michel Mercier, la CNCTR constate que la loi n’est pas appliquée correctement. Elle peut ensuite adresser une recommandation tendant à ce que la mise en œuvre d’une technique soit interrompue et les renseignements collectés détruits. Si le Premier ministre ne donne pas suite à cette recommandation ou que les suites données lui semblent insuffisantes, la CNCTR peut saisir le Conseil d’État. Ce dernier, qui statue en formation spécialisée, peut alors annuler l’autorisation et ordonner la destruction des renseignements irrégulièrement collectés.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Arnell, l'amendement n° 62 rectifié est-il maintenu ?
M. Guillaume Arnell. Non, je vais le retirer, monsieur le président, compte tenu des informations qui ont été fournies.
Il s’agissait pour nous d’étendre le champ de l’investigation et de faire comprendre qu’il peut se produire des dérives. Dans le temps, une fois la menace levée, il importe de pouvoir revenir à des pratiques plus conformes.
Je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 62 rectifié est retiré.
Article 8
Le livre VIII du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Au 1° du I de l’article L. 822-2, la référence : « de l’article L. 852-1 » est remplacée par les références : « des articles L. 852-1 et L. 852-2 » ;
2° Le chapitre II du titre V est complété par un article L. 852-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 852-2. – Dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II, peuvent être autorisées les interceptions de correspondances échangées au sein d’un réseau de communications électroniques empruntant exclusivement la voie hertzienne et n’impliquant pas l’intervention d’un opérateur de communications électroniques, lorsque ce réseau est conçu pour une utilisation privative par une personne ou un groupe fermé d’utilisateurs. Pour l’application du 6° de l’article L. 821-2, lorsque l’identité de la personne concernée n’est pas connue, la demande précise les éléments nécessaires à l’identification du réseau concerné.
« L’autorisation mentionnée au premier alinéa du présent article vaut autorisation de recueil des informations ou documents mentionnés à l’article L. 851-1 associés à l’exécution de l’interception et à son exploitation. » ;
3° À la fin du 2° du I de l’article L. 853-2, le mot : « audiovisuels » est supprimé ;
4° Le titre V est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Des mesures de surveillance de certaines communications hertziennes
« Art. L. 854-9-1. – Les services de renseignement mentionnés aux articles L. 811-2 et L. 811-4 sont autorisés, aux seules fins de la défense et de la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation mentionnés à l’article L. 811-3, à procéder à l’interception et à l’exploitation des communications électroniques empruntant exclusivement la voie hertzienne et n’impliquant pas l’intervention d’un opérateur de communications électroniques lorsque cette interception et cette exploitation n’entrent dans le champ d’application d’aucune des techniques de renseignement prévues aux chapitres Ier à IV. Ces mesures de surveillance sont exclusivement régies par le présent chapitre.
« Art. L. 854-9-2. – Les renseignements collectés en application de l’article L. 854-9-1 sont détruits à l’issue d’une durée maximale de six années, ou de huit années s’ils sont chiffrés.
« Ils ne peuvent être transcrits ou extraits pour d’autres finalités que celles mentionnées à l’article L. 811-3. Les transcriptions ou extractions doivent être détruites dès que leur conservation n’est plus indispensable à la poursuite des finalités mentionnées au même article L. 811-3.
« Art. L. 854-9-3. – La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement veille au respect des champs d’application respectifs des articles des chapitres Ier à IV régissant les techniques de renseignement et de l’article L. 854-9-1.
« À ce titre, elle est informée du champ et de la nature des mesures prises en application du même article L. 854-9-1. Elle peut, à sa demande et à seule fin de s’assurer du respect des champs d’application mentionnés au premier alinéa du présent article, se faire présenter sur place les capacités d’interception mises en œuvre sur le fondement dudit article L. 854-9-1 et se faire communiquer les renseignements collectés et les transcriptions et extractions réalisées.
« La commission peut, à tout moment, adresser au Premier ministre, ainsi qu’à la délégation parlementaire au renseignement, les recommandations et observations qu’elle juge nécessaires au titre du contrôle qu’elle exerce sur l’application du présent chapitre. » ;
5° À l’article L. 871-2, les mots : « ainsi que le Premier ministre ou, en ce qui concerne l’exécution des mesures prévues à l’article L. 811-5, le ministre de la défense ou le ministre de l’intérieur » sont supprimés.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Les articles 8 et 9 instaurent un nouveau régime légal de surveillance des communications hertziennes afin de tirer les conséquences de la question prioritaire de constitutionnalité du 21 octobre 2016, qui a censuré les dispositions de l’article L.811-5 du code de la sécurité intérieure introduisant des mesures de surveillance et de contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne.
Nous sommes inquiets de voir que l’article 8 élargit le champ des techniques de renseignement prévues par la loi du 24 juillet 2015. En effet, le recours à des techniques intrusives ne se limite pas à la prévention des actes terroristes. En raison de sa définition vague des « intérêts nationaux » et de « l’ingérence étrangère », cet article permet également de viser des personnes en raison de leur militantisme réel ou supposé.
En outre, l’absence d’un véritable contrôle juridictionnel préalable par une autorité indépendante laisse à l’exécutif toute latitude d’opération. La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement n’émettant qu’un simple avis, le contrôle a posteriori par le Conseil d’État n’est pas suffisant au regard de la nature de la mesure.
Ensuite, un nouveau chapitre relatif à la surveillance de certaines communications hertziennes paraît destiné à la direction du renseignement militaire, sans aucune autorisation du Premier ministre ni avis de la Commission, qui se voit simplement « présenter » le champ et la nature des mesures prises.
S’inspirant de la loi sur la surveillance des communications internationales de 2015, avec des durées de conservation des données disproportionnées – six ans et jusqu’à huit ans pour les données chiffrées –, ce chapitre n’offre aucune garantie à nos concitoyens sur le respect de leurs libertés fondamentales, pas plus que cette captation massive de données une avancée dans la lutte contre le terrorisme.
Demandons-nous, chers collègues, ce qu’il adviendrait si nous gravions ces articles dans la loi, ce qu’ils permettraient aux mains d’un exécutif moins soucieux de notre démocratie. C'est pourquoi nous vous invitons à adopter cet amendement de suppression de l’article 8.