M. Michel Canevet. Mais non !
Mme Élisabeth Doineau. Ne soyez pas modeste !
M. Jean-Louis Tourenne. … qu’il n’est pas bon d’augmenter la fiscalité, parce que cela entraînera des difficultés pour les buralistes et nos concitoyens les plus défavorisés. Or j’ai compté le nombre d’amendements visant à supprimer des recettes, compensées par une augmentation de la taxe prévue aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. Je me suis demandé sur quoi portaient ces fameux articles qui sont le réceptacle facile de toutes les augmentations et qui justifient parfaitement la diminution des recettes. Ils portent tous sur la fiscalité du tabac !
Si l’on prenait en compte tous les sénateurs ayant cosigné l’un de ces amendements, peu d’entre nous seraient épargnés… (Mme Gisèle Jourda et M. Georges Labazée applaudissent.)
M. Éric Jeansannetas. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. J’aimerais poser une question à M. le secrétaire d’État.
Nous n’avons pas parlé de l’efficacité des mesures qui sont envisagées. Pourrions-nous disposer, dans les mois qui viennent, d’une étude qui nous permette de défendre une véritable hausse de la fiscalité ? Il semblerait – mais je ne suis pas certaine des chiffres que j’ai récupérés – que le nombre de jeunes fumeurs soit moins important en Espagne ou en Allemagne, alors que le tabac y est moins cher. D’autres formes de prévention – nous évoquions précédemment la campagne « Moi(s) sans tabac » – sont donc efficaces. Je veux bien que nous augmentions la fiscalité sur le tabac si cette mesure marche !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne suis pas le mieux placé pour vous parler de prévention. J’ai pu lire des articles dans la presse sur la campagne « Moi(s) sans tabac » – comme vous le voyez, des actions sont menées – et il me semble que la prise en charge des produits de substitution à la nicotine a été améliorée ; Mme Touraine en a récemment parlé. Vous pourrez l’interroger demain sur ces mesures, sur lesquelles elle est à la manœuvre.
Madame Malherbe, je ne veux pas m’engager à vous remettre une étude si je ne suis pas capable de la faire. Je vous renvoie donc, là aussi, au ministère de la santé. Quoi qu’il en soit, si l’on prend l’exemple de la contrebande, la Confédération des buralistes fait faire chaque année une étude pour essayer de quantifier le volume de la fraude. Par définition, ce qui est caché est difficile à compter. Il en va de même pour les travailleurs en situation illégale, la fraude à la TVA ou la fraude fiscale. Quelques méthodes ont été définies, mais le résultat est controversé.
L’augmentation des ventes dans le circuit légal ne se traduit pas forcément par une augmentation de la consommation, ou tout du moins celle-ci n’est pas toujours uniforme. Il existe par exemple des différences entre les femmes et les hommes, les jeunes…
Je ne suis pas en mesure de m’engager, à ce stade, à réaliser cette étude. Mme Deroche a évoqué la difficulté d’établir une corrélation entre la fiscalité et le niveau des prix. J’ai indiqué que les fabricants avaient des politiques tarifaires qu’ils appliquent dans plusieurs États – ils sont prêts à gagner plus ou moins d’argent dans un pays pour pénétrer le marché d’un autre. À côté de ces stratégies, notre fiscalité, c’est peanuts ! Je fais état non pas de notre impuissance, mais de la difficulté de la question. Le ministère de la santé pourra peut-être mieux éclairer le Parlement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Ce gouvernement, comme la représentation nationale et les gouvernements précédents, se trouve confronté à un vrai dilemme : concilier deux objectifs opposables, l’intérêt économique, c’est-à-dire le maintien de l’activité de ceux qui vivent de la production et de la vente du tabac – les producteurs et les buralistes –, et la santé publique.
J’ai entendu Catherine Deroche et Catherine Génisson témoigner du problème de santé majeur auquel sont confrontées de plus en plus de femmes. Si ce risque est avéré, nous n’avons pas d’autre solution que d’interdire la consommation du tabac en France, sinon nous nous retrouverions dans une situation complètement hypocrite.
Mme Françoise Gatel. Eh oui !
M. Alain Vasselle. Pour maintenir une activité économique, on ne peut se contenter de taxer le tabac afin de rendre sa consommation dissuasive. Vous le savez, puisque M. le secrétaire d’État et certains de nos collègues viennent d’en faire état, la hausse du prix du tabac détourne les consommateurs de la production légale et les incite à acheter du tabac en provenance des pays tiers.
Le moment est donc venu de procéder à une étude sur l’impact économique de la suppression de la consommation de tabac en France. Cette étude, qui n’a jamais été conduite, doit être réalisée pour que nous prenions nos responsabilités et les mesures qui s’imposent afin de préserver les fumeurs d’un risque de santé qui entraîne malheureusement la mort dans un grand nombre de cas.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 209 rectifié ter, 241 rectifié et 402 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit trente, afin de pousser plus avant l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
L’amendement n° 433, présenté par M. Daudigny, Mme Schillinger, M. Tourenne et Mme Campion, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Remplacer le montant :
167 €
par le montant :
175 €
II. – Alinéas 6 et 7
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2017.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Nous le savons, les chiffres montrent que la consommation du tabac à rouler progresse, et ce depuis longtemps.
Monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, vous avez rappelé que, depuis 1990, les ventes de tabac à rouler avaient augmenté en volume de 84 %, alors que celles des cigarettes diminuaient de moitié. Ce glissement de consommation s’explique avant tout par la différence de prix entre les cigarettes et le tabac à rouler, qui est en moyenne de 26,6 % moins cher. Il est d’autant plus préoccupant qu’il concerne en priorité les jeunes, qui sont ainsi entraînés dans l’addiction au tabac. Aussi faut-il saluer la volonté du Gouvernement d’augmenter la fiscalité sur le tabac à rouler pour la rapprocher de celle qui est applicable aux cigarettes et ainsi renchérir le coût de la consommation de ce tabac. L’objectif est d’augmenter le prix, à terme, de 15 %.
Au travers de cet amendement, nous vous proposons d’aller plus loin et plus vite pour atteindre cet objectif prioritaire de santé publique, en augmentant, de 167 euros à 175 euros par kilogramme, le minimum de perception pour le tabac à rouler et en rendant cette hausse effective dès le 1er janvier 2017. Agir sur le minimum de perception permettrait en effet de se prémunir contre des prix trop bas, ces prix d’appel auxquels les jeunes sont particulièrement sensibles.
Je souhaite pour conclure replacer l’objet de cet amendement dans un cadre plus large. Élue d’une région frontalière, j’ai bien conscience qu’agir fortement et de manière isolée sur la fiscalité du tabac en France ne peut constituer une mesure durable et fructueuse, du point de vue tant de la santé publique que des recettes fiscales.
M. Loïc Hervé. Ça, c’est le bon sens !
Mme Patricia Schillinger. En effet, il faut aussi tenir compte des achats transfrontaliers, de la contrebande et de la situation périlleuse des buralistes. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, j’en suis convaincue, il est grand temps d’harmoniser la fiscalité européenne sur le tabac, avec, comme boussole, la santé de 500 millions d’Européens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Dans la mesure où cet amendement tend à augmenter le minimum de perception sur le tabac à rouler de manière relativement importante, il nous paraît susceptible de poser un problème de compatibilité avec le droit de l’Union européenne. En effet, la hausse proposée pourrait s’apparenter à un droit d’accise.
La commission aimerait donc connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il est également défavorable.
Mme la présidente. Madame Schillinger, l’amendement n° 433 est-il maintenu ?
Mme Patricia Schillinger. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 433 est retiré.
Je mets aux voix l’article 17.
(L’article 17 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 17
Mme la présidente. L’amendement n° 297 rectifié bis, présenté par Mmes Hoarau, Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 758-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « 0,04 euro » sont remplacés par les mots : « 4,04 euros ».
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. La Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion sont les quatre départements où l’alcool est l’une des principales causes de la surmortalité chez les personnes, notamment chez les hommes, de moins de soixante-cinq ans. Cela a été constaté par nos collègues de la commission des affaires sociales lors de leur mission dans l’océan Indien.
À La Réunion, le taux standardisé de décès directement liés à l’alcool est une fois et demie supérieur à la moyenne hexagonale.
Par ailleurs, les professionnels de santé, notamment à La Réunion, soulignent le syndrome de l’alcoolisation fœtale et ses ravages sur les nourrissons : malformations, syndrome dysmorphique ou encore retard de croissance. Il s’agit de la première cause de handicap d’origine non génétique et de troubles neurocognitifs.
Le rapport de nos collègues est éclairant. Le premier problème lié à la diffusion de l’alcool à La Réunion – c’est également vrai dans les autres régions d’outre-mer – réside dans son prix de vente particulièrement bas, en raison d’une taxation dérogatoire, voire inexistante. Peut-on continuer d’accorder des cadeaux fiscaux à des entreprises, même si elles représentent l’un des fers de lance de l’économie ultramarine, s’ils mettent en péril la vie de la population ?
La taxation que nous proposons ne constitue en rien une menace pour la survie économique de ces territoires ; en revanche, elle représente un moyen efficace de lutte contre l’abus d’alcool fort. Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, en adoptant cet amendement, d’augmenter de 4 euros le montant de la cotisation sur les alcools titrant plus de 18 degrés d’alcool et sur les rhums des départements d’outre-mer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Notre commission est convaincue de l’utilité de cette mesure pour renforcer la lutte contre le syndrome d’alcoolisation fœtale, en particulier dans les départements d’outre-mer.
Aussi, en souvenir des débats animés que nous avons eus avec une ancienne sénatrice de La Réunion, qui nous écoute peut-être, la commission a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement a un peu de mal à comprendre l’argumentation développée à l’appui de cet amendement. Vous soulignez le problème d’alcoolisme dans certains départements, notamment à La Réunion et dans les départements d’outre-mer, et vous indiquez que, pour lutter contre ce phénomène, il faut augmenter les droits sur les alcools. Or votre amendement tend à les augmenter partout sauf dans les départements d’outre-mer. Je ne comprends donc pas très bien…
Les droits applicables en outre-mer, qui sont bien inférieurs, vous l’avez indiqué, sont fixés à un autre article du code. Je le répète, vous proposez d’augmenter les droits partout en France, mais pas dans départements et régions d’outre-mer, tout en arguant que cela permet de lutter contre l’alcoolisme dans ces territoires. Je vous invite donc à la prudence.
Par ailleurs, je vous fais également part des protestations de certains producteurs d’alcool en dehors de La Réunion.
Enfin, dernier point de vue, qui vaudra d’ailleurs pour d’autres amendements dans la lignée de celui-ci, le Gouvernement ne souhaite pas modifier les taxes applicables aux produits alimentaires. On va examiner toute une série de dispositions de ce type ; traditionnellement, cela concerne les huiles, les farines, le beurre, le chocolat, la margarine…
M. Alain Vasselle. L’huile de palme !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement souhaite assurer une stabilité en la matière. J’aurai donc systématiquement cette position ; je vous l’indique une fois, et j’éviterai de la répéter en raison de l’heure tardive.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent, pour explication de vote.
M. Daniel Laurent. M. le secrétaire d’État vient d’indiquer que le Gouvernement était défavorable à cet amendement, tout comme il l’avait été sur un amendement identique présenté à l’Assemblée nationale. Je m’en réjouis ; j’étais très inquiet d’une possible augmentation des taxes, car tous ces alcools et spiritueux produits dans nos territoires sont aussi une source d’emplois et de développement pour eux.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Lalande, pour explication de vote.
M. Bernard Lalande. Mes chers collègues, pour votre information, les droits sur les alcools s’élèvent aujourd’hui à 1 737 euros par hectolitre d’alcool pur. Les cotisations de sécurité sociale sur ces boissons s’élèvent à environ 557 euros. Or les boissons énergisantes sont à 103 euros. Aussi, si l’on veut demander un effort fiscal pour favoriser la santé publique, il reste de la marge pour une taxation des boissons énergisantes, qui sont nuisibles à la santé, notamment des jeunes.
Par ailleurs, nous parlons d’une taxation sur le calvados, l’armagnac, le cognac, le marc de Bourgogne ou encore les liqueurs de fruits, qui génèrent ensemble plus de 11 milliards d’euros de recettes annuelles d’exportation, soit cinquante à cinquante-cinq Rafale ou sept à huit centrales nucléaires.
Enfin, il y a là une hypocrisie : l’adoption de cet amendement signifierait que, en exportant ces alcools, représentant le bon goût français, nous exporterions des produits horribles et nuisibles à la santé du reste du monde.
Nous serons donc nombreux à voter contre cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Chiron, pour explication de vote.
M. Jacques Chiron. La fiscalité sur ce type d’alcool représente 45 % du prix de vente. En outre, la taxe proposée ne prendra en compte que l’alcool vendu sur notre territoire, donc seuls les petits producteurs – PME, TPE –, qui fabriquent l’alcool de poire, de prune ou autre, subiront cette taxe supplémentaire,…
Mme Annie David. Mais non !
M. Jacques Chiron. … alors que les gros producteurs, qui exportent, ne la supporteront pas. Cette mesure ne touchera donc que les petits producteurs locaux.
Comme le secrétaire d’État l’a indiqué, l’article visé par l’amendement n’est pas le bon.
Mme Laurence Cohen. Si, l’amendement a été rectifié !
M. Jacques Chiron. Réécrivez l’amendement et, alors, on pourra peut-être y réfléchir.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. En premier lieu, l’amendement présenté par M. Watrin a été rectifié. C’est donc bien l’article L. 758-1 du code de la sécurité sociale qui est visé à l’amendement n° 297 rectifié bis.
Mme Annie David. Tout à fait !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Cela ne concerne donc que les collectivités d’outre-mer et non le territoire continental.
Mme Annie David. Cela n’aura pas d’effet sur le calvados, sur la chartreuse ni sur les autres !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. En second lieu, la commission s’est effectivement rendue en mission sur l’île de La Réunion, où elle a été convaincue des dangers considérables de la consommation excessive de l’alcool, en particulier du syndrome d’alcoolisation fœtale.
De manière générale, monsieur le secrétaire d’État, il y a un problème majeur d’harmonisation des lois sur le territoire national, tout du moins en ce qui concerne La Réunion – je ne sais pas ce qu’il en est ailleurs. Ainsi, non seulement il faudrait augmenter là-bas le prix de l’alcool fort pour en diminuer la consommation, mais, au-delà, il y a des affiches publicitaires pour toutes sortes d’alcools – whisky, rhum ou autres –, alors que cela est complètement interdit ici depuis la loi Évin. L’espace public réunionnais est inondé d’affiches 4X3 de ce type, tandis qu’on ne voit plus cela en métropole.
Mme Laurence Cohen. En effet !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Ainsi, d’une part, l’article visé concerne bien l’outre-mer uniquement, en particulier La Réunion et Mayotte, et, d’autre part, il faudrait harmoniser la réglementation sur la publicité pour l’alcool.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je veux présenter mes excuses aux auteurs de l’amendement. Je disposais de l’amendement n° 297 rectifié, qui visait l’article L. 245-9 du code de la sécurité sociale, mais on vient de me fournir l’amendement n° 297 rectifié bis, qui vise bien l’article L. 758-1 du même code. Oubliez donc ce que j’ai dit précédemment.
Mme Annie David. Merci, monsieur le secrétaire d’État !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Compte tenu de cela, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement rectifié bis.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. En effet, nous avons à nouveau rectifié l’amendement, qui est devenu l’amendement n° 297 rectifié bis, afin de corriger cette « coquille ». L’amendement vise donc bien l’article L. 758-1 du code de la sécurité sociale, qui dispose que, « dans les collectivités mentionnées à l’article L. 751-1, le tarif de la cotisation sur les boissons alcooliques, prévu à l’article L. 245-9, est fixé à 0,04 euro par décilitre ou fraction de décilitre, pour les rhums, tafias et spiritueux composés à base d’alcool de cru produits et consommés sur place. »
À l’article L. 751-1 du même code, il est bien question de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Il ne s’agit donc pas de taxer le calvados, la chartreuse, mon cher Jacques Chiron,…
M. Jacques Chiron. À la bonne heure !
Mme Annie David. … ni les autres alcools métropolitains, mais ceux que je viens d’évoquer.
Gardons à l’esprit la mission réunionnaise de nos collègues de la commission des affaires sociales et la bataille de notre ancienne collègue Anne-Marie Payet, dont je me souviens bien puisque je siégeais déjà dans cet hémicycle à l’époque. D’ailleurs, depuis lors, le pictogramme qui déconseille aux femmes enceintes la consommation d’alcool figure sur chaque bouteille. J’avais soutenu Mme Payet, même si nous appartenions à des groupes différents, parce que son combat contre la surconsommation d’alcool, notamment chez les femmes enceintes, me semblait important.
En l’espèce, nos collègues Paul Vergès et Gélita Hoarau, qui lui succède, visaient bien le syndrome d’alcoolisation fœtale.
Il ne faut donc pas se méprendre sur les alcools visés, mes chers collègues, tenez compte de notre deuxième rectification. La très bonne chartreuse – surtout la verte (Sourires.) –, produite dans le département dont je suis élue, ne sera donc pas plus taxée qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Boutant, pour explication de vote.
M. Michel Boutant. Des précisions viennent de nous être données et le secrétaire d’État en a tiré les conséquences en s’en remettant à la sagesse du Sénat. Je ferai donc la démonstration inverse de celle que je voulais initialement faire en faveur de tous les spiritueux de nos provinces.
En métropole, à l’heure actuelle, les taxes constituent 87 % du prix d’une bouteille de spiritueux standard, ce qui représente 4 milliards d’euros. Or j’ai cru comprendre que, sur cette somme, seulement 5 millions d’euros sont affectés aux actions de prévention et de lutte contre les dépendances et contre la consommation nocive d’alcool.
Quant à la taxation des spiritueux et des alcools forts, qui en fait des produits relativement chers, ce n’est un élément essentiel de la consommation addictive de l’alcool.
La mesure proposée par nos collègues communistes tend à aligner la situation ultramarine sur ce qui se fait en métropole. Dès lors, je suis prêt, en ce qui me concerne, à voter en faveur de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Je serai extrêmement bref, eu égard aux explications de M. Milon et à la rectification qu’a signalée Mme David.
Je ne suis pas producteur mais admirateur et consommateur de calvados et, en tant que tel, je m’étais quelque peu ému de cet amendement, puisque le nom et le renom de nos territoires pouvaient en être fragilisés, mettant ainsi en péril un certain nombre d’entreprises agricoles qui en tirent un complément de revenu non négligeable. Néanmoins, puisqu’il est circonscrit à un territoire bien particulier, je voterai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je m’étais moi aussi émue de cet amendement. Le syndrome d’alcoolisation fœtale et tous les risques décrits par M. Milon et nos collègues qui se sont rendus dans ces territoires d’outre-mer sont réels, mais une forte augmentation de la taxe sur les spiritueux a déjà eu lieu voilà quelque temps. Je ne comprenais donc pas pourquoi on souhaitait à nouveau ajouter une taxe en ce domaine où la taxation est déjà très forte par rapport à d’autres produits contenant de l’alcool.
La rectification de l’amendement serait de nature à me rassurer, mais je reste un peu dubitative ; aussi, je m’abstiendrai sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je veux évoquer les conséquences de l’augmentation de 4 euros qui nous est proposée. J’ai entendu l’argumentation relative à La Réunion ; je connais pour ma part un peu mieux la Guadeloupe et son activité de production de rhum et de transformation de la canne à sucre.
Cette augmentation conduirait à une hausse de près de 20 % du prix de certains produits. Je crains donc que cette mesure n’entraîne la destruction complète de l’industrie du rhum, notamment en Guadeloupe. Il faut donc bien mesurer l’impact de cette proposition, car une augmentation de 4 euros représenterait tout simplement la fin de la filière guadeloupéenne du rhum.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Nous sommes un certain nombre à considérer que les explications ne sont rassurantes qu’en apparence. Je ferai deux remarques à ce sujet.
En premier lieu, quand on met le doigt dans l’engrenage, en général, cela se répercute dans la loi de financement de la sécurité sociale de l’année suivante. Par conséquent, le pineau des Charentes, le calvados, le kirsch et d’autres alcools bien de chez nous risquent d’être, l’année prochaine, surtaxés également.
En second lieu, en la matière – Dieu sait si, pourtant, nous sommes tous sensibles aux problèmes de santé –, on ne peut comparer l’alcool avec le tabac. D’abord, ce dernier est dangereux dès la première cigarette, alors que, pour l’alcool, c’est une question de dose. En outre, l’alcoolisme est, on le sait parfaitement, une maladie, que les médecins ici présents connaissent.
Lorsqu’un patient souffre d’une addiction alcoolique, ce n’est pas, hélas ! une taxe qui l’empêchera de boire. Cette maladie est difficile à soigner, nous en avons tous été témoins. Ainsi, cette taxe perturbera l’économie de ces territoires sans régler le problème de l’alcoolisme.
Pour toutes ces raisons, j’encourage mes collègues à ne pas voter en faveur de cet amendement inefficace en matière de santé.
M. Daniel Laurent. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je veux sortir de la référence aux alcools, qu’ils soient continentaux ou ultramarins, pour rappeler que nous sommes en train d’examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale et que nous parlons d’enjeux de santé publique.
La proposition de nos collègues communistes montre combien il existe en outre-mer, au-delà de la fiscalité, des enjeux de santé publique et de prévention. On observe tout de même dans ces territoires une distorsion, par rapport à la métropole, en matière de pathologie, notamment chez les nouveau-nés, d’ailleurs souvent prématurés. Il serait donc important – nous le signalerons à la ministre de la santé – de conduire des campagnes spécifiques de sensibilisation à l’alcoolisation, en particulier auprès des femmes enceintes. C’est là que réside le vrai sujet ; en ce qui me concerne, cette différence entre la métropole et les territoires d’outre-mer me choque énormément.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Ce débat me met mal à l’aise. Je rappelle que nous sommes en train d’examiner le budget de la sécurité sociale. Nous débattons d’une question de santé publique !
Les membres de la délégation de la commission des affaires sociales qui s’est déplacée à La Réunion – j’en faisais partie – n’ont pu que constater les ravages qu’y produit le syndrome d’alcoolisation fœtale.
M. Michel Raison. Ce n’est pas la taxe qui va régler le problème !
Mme Laurence Cohen. En ce cas, cher collègue, pourquoi avoir débattu pendant deux heures du prix du tabac ?
M. Daniel Chasseing. Ce n’est pas pareil !
Mme Laurence Cohen. Je ne pense pas que les taxes vont tout régler. Cependant, il me semble qu’il y a une politique à mener. Les membres de mon groupe entendent bien la défendre !
Moi qui crois beaucoup à la prévention, je regrette que, pour des questions de restriction budgétaire, le budget de la sécurité sociale n’accorde que peu de place à la prévention et à la réparation.
Il ne faut pas opposer les choses. La situation bien particulière que nous avons constatée à La Réunion nécessite de prendre un certain nombre de mesures, qui, certes, ne suffiront pas à elles seules, mais qui peuvent aider.
Au reste, il me paraît important de souligner que le problème particulier qui se pose à La Réunion ne se limite pas au syndrome d’alcoolisation fœtale, que nous évoquons au travers de cet amendement. Comme Catherine Génisson l’a indiqué, nous avons pu y constater d’autres pathologies, comme des problèmes d’obésité ou encore de diabète, qui sont liés en partie à l’alimentation et au taux de sucre extrêmement élevé d’un certain nombre d’aliments que l’on envoie dans ce département. Je pense, par exemple, aux boissons énergisantes.
Tous ces problèmes particuliers doivent être pris en compte. Dans ce cadre, notre amendement est une petite pierre que nous voulons apporter à l’édifice.