Sommaire
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
Secrétaires :
MM. Philippe Adnot, Jackie Pierre.
2. Désignation d’un sénateur en mission temporaire
3. Organisme extraparlementaire
4. Transformation d'une commission d'enquête en mission d'information
5. Création d’un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d’identité. – Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
M. Bernard Cazeneuve, ministre
Suspension et reprise de la séance
6. Communication du Conseil constitutionnel
M. Didier Guillaume ; M. le président.
M. Éric Doligé ; M. le président.
8. Financement de la sécurité sociale pour 2017. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Amendement n° 397 rectifié bis de M. Jean-Baptiste Lemoyne. – Rejet.
Amendement n° 57 de la commission. – Adoption.
Amendements nos 412, 413, 410 et 411 de M. Michel Bouvard. – Devenus sans objet.
Amendement n° 187 rectifié bis de M. Yves Daudigny. – Devenu sans objet.
Amendement n° 395 rectifié bis de M. Patrick Chaize. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 10
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
10. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
11. Financement de la sécurité sociale pour 2017. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Troisième partie (suite)
Amendement n° 58 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 408 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 11
Amendement n° 59 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 11 bis
Amendement n° 37 rectifié sexies de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendement n° 60 rectifié bis de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 12
Amendement n° 224 rectifié quinquies de Mme Pascale Gruny. – Adoption.
Amendement n° 61 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 62 rectifié de la commission. – Adoption.
Amendement n° 225 rectifié quater de Mme Pascale Gruny. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 14
Amendement n° 229 rectifié quater de Mme Pascale Gruny. – Rejet.
Amendement n° 227 rectifié quinquies de Mme Pascale Gruny. – Rejet.
Amendement n° 228 rectifié quinquies de Mme Pascale Gruny. – Retrait.
Amendement n° 230 rectifié quater de Mme Pascale Gruny. – Rejet.
Amendement n° 211 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Retrait.
Amendement n° 226 rectifié quinquies de Mme Pascale Gruny. – Rejet.
Amendement n° 63 de la commission. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendement n° 64 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 14 ter
Amendement n° 223 rectifié ter de Mme Pascale Gruny. – Rejet.
Amendement n° 435 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales
Amendement n° 380 rectifié de M. Pierre Camani. – Devenu sans objet.
Amendement n° 433 de M. Yves Daudigny. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 17
Amendement n° 297 rectifié bis de Mme Gélita Hoarau
Renvoi de la suite de la discussion.
12. Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
vice-président
Secrétaires :
MM. Philippe Adnot, Jackie Pierre.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Désignation d’un sénateur en mission temporaire
M. le président. Par courrier en date du 15 novembre 2016, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. Georges Labazée, sénateur des Pyrénées-Atlantiques, en mission temporaire auprès de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, et de Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie.
Cette mission portera sur l’évolution des modalités d’accompagnement des personnes en perte d’autonomie.
Acte est donné de cette communication.
3
Organisme extraparlementaire
M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Conformément à l’article 9 du règlement, la commission des lois a été invitée à présenter des candidatures.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
4
Transformation d'une commission d'enquête en mission d'information
M. le président. Par courrier en date du mardi 15 novembre, le groupe du RDSE a informé le président du Sénat qu’il transformait sa demande de commission d’enquête sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France, présentée en application de l’article 6 bis du règlement, en demande de mission d’information.
5
Création d’un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d’identité
Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat
M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, portant sur le décret du 28 octobre 2016 autorisant la création d'un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d'identité.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat qui nous réunit a été souhaité par un certain nombre d’entre vous, mais également par le Gouvernement.
Le 28 octobre dernier, dans le cadre des démarches que le Gouvernement a entamées en vue de la modernisation du réseau des préfectures et des sous-préfectures, nous avons décidé de prendre un décret visant à élargir l’accès au fichier des « titres électroniques sécurisés » existant, ou fichier TES, au titre de la sécurisation des cartes d’identité.
Cette disposition réglementaire s’inscrit dans le cadre de la réforme plus large que nous avons voulue, avec plusieurs objectifs extrêmement clairs.
Premier objectif : mettre fin à la révision générale des politiques publiques dans les préfectures et les sous-préfectures.
La RGPP a conduit à la suppression de près de 3 500 emplois entre 2007 et 2012 au sein des préfectures et des sous-préfectures de notre pays. Chaque préfecture comptant quelque 280 fonctionnaires en son sein, cela correspond à la suppression de l’équivalent de treize préfectures sur le territoire national.
Il nous fallait continuer à réaliser des efforts budgétaires parce que la situation des comptes publics l’exige pour chacune des grandes administrations publiques de l’État, y compris les administrations régaliennes, surtout si nous souhaitons consacrer à la sécurité publique une grande partie de nos crédits de fonctionnement en intégrant les crédits d’investissement.
Aussi, plutôt que de poursuivre la logique du rabot, qui a conduit à une véritable aporie dans l’administration publique de l’État, nous avons souhaité privilégier une autre logique, en mettant en œuvre une réforme structurelle, avec la création de cinquante-huit plateformes mutualisées de gestion des titres assurant le traitement des cartes d’identité, des passeports, des cartes grises et des permis de conduire, dans un contexte de sécurité renforcé.
Cette réforme permettra de dégager des marges de manœuvre en équivalents temps plein : 2 000 emplois seront libérés, quand le ministère du budget demande au ministère de l’intérieur d’en restituer 1 300. Très concrètement, cela signifie que, dans les prochaines années, nous serons en situation de réinjecter 700 emplois dans les préfectures et les sous-préfectures, avec un objectif très clair : conforter les missions de l’État dans un certain nombre de domaines privilégiés.
Dans le domaine de l’ingénierie territoriale, par exemple, les communautés de communes demandent avec insistance à l’État, notamment depuis la récente réforme de l’intercommunalité, d’accompagner davantage de projets structurants pour les territoires.
Nous souhaitons renforcer la lutte contre la fraude, un objectif très important de la réforme que nous conduisons.
Nous souhaitons aussi créer les conditions d’un renforcement des moyens de l’État en direction des collectivités locales dans le domaine du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire, en faisant en sorte que les services de l’État puissent davantage se comporter en conseils qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent.
Nous souhaitons également accompagner les collectivités locales face aux risques que représentent les catastrophes naturelles ou le terrorisme, de manière à consolider la capacité de résilience de notre pays sur tous les sujets à propos desquels des défis peuvent se présenter.
Renforcer la présence de l’État dans les territoires en mettant fin à la révision générale des politiques publiques, tel est donc le premier objectif.
Deuxième objectif : simplifier et moderniser le service mis à la disposition des Français pour ce qui concerne la délivrance des titres d’identité.
Les Français pointent des démarches lourdes et complexes : celles-ci ne donnent pas satisfaction à l’usager du service public, car on ne recourt pas suffisamment aux technologies modernes numériques permettant de procéder au téléchargement d’un certain nombre de documents ou au développement des téléprocédures s’agissant d’une première demande ou du renouvellement d’une pièce d’identité.
Aussi, nous engageons une véritable action de dématérialisation des relations entre les municipalités, qui reçoivent les documents nécessaires à l’élaboration des pièces d’identité, et les préfectures, qui accueilleront des plateformes de titres, et entre les centres de titres et les administrés, afin de faciliter les procédures et d’éviter de nombreuses démarches auprès de guichets affaiblis en personnels par la révision générale des politiques publiques, en vue de rendre le meilleur service public au meilleur coût.
Dans cette volonté de modernisation et dans l’intérêt de l’usager, nous tenons particulièrement à ce que, en cas de perte ou de vol, les pièces d’identité soient renouvelées dans des délais extrêmement rapides et sans que l’usager soit obligé de fournir à nouveau la totalité des pièces exigées lors d’une première demande. C’est en cela qu’il s’agit d’une réforme de simplification absolument attendue par les Français.
Troisième objectif : dans le contexte actuel, il est déterminant de disposer de titres sécurisés. Il convient donc de sécuriser l’élaboration et la délivrance des titres, afin d’éviter aux Français d’être aussi pénalisés qu’ils peuvent l’être aujourd'hui en cas d’utilisation frauduleuse des titres qu’ils détiennent, eu égard aux conséquences que cela peut avoir très concrètement sur leur vie quotidienne.
La sécurisation des titres d’identité – cartes d’identité et passeports – est une demande très forte des Françaises et des Français, adossée à une demande de simplification, et c’est aussi une nécessité absolue pour l’État au regard du contexte de menaces actuel. Si ces titres sécurisés sont perdus ou usurpés, ils pourront faire l’objet de la part de l’État, dans le cadre, notamment, de réquisitions judiciaires, de vérifications d’éléments auxquels les juges n’auraient pas eu accès si les personnes incriminées n’étaient pas enregistrées dans les fichiers de police.
Modernisation du service public, simplification pour les usagers et sécurisation des titres, telle est la réforme que nous avons engagée de façon pragmatique. Forts de la volonté d’atteindre ces objectifs politiques, volonté partagée par une grande partie de nos concitoyens, nous avons mis en œuvre des plateformes de demandes de titres par l’effet de la mutualisation en tenant rigoureusement compte de l’existant. Or qu’avions-nous entre les mains ?
Le fichier TES, mis en place en 2008, permettait de délivrer et de renouveler des passeports biométriques dans des conditions de sécurité renforcées. Ce dispositif, instauré sous une autre majorité, avait été élaboré dans le cadre d’une application informatique qui avait garanti la délivrance de 29 millions de titres sans que cela suscite la moindre interrogation de la part de qui que ce soit…
Ce fichier reposait sur une base comportant les données biométriques des personnes titulaires de ces passeports, en conformité avec les dispositions européennes, lesquelles facilitent par ailleurs la coopération entre les pays de l’Union européenne dans le domaine de la lutte contre les faux documents, les documents volés et les organisations criminelles internationales.
Cette base, qui, je le répète, concernait 29 millions de personnes, n’a témoigné à aucun moment au cours des dernières années de la moindre fragilité et n’a fait l’objet d’aucune intrusion. En outre, l’État n’a jamais relevé d’atteintes à la protection des données personnelles ou aux libertés publiques.
Un deuxième fichier, le fichier national de gestion, qui concernait, quant à lui, 60 millions de personnes, existe non pas depuis quelques mois, mais depuis 1987. Ce fichier papier, qui comportait les empreintes biométriques, les empreintes digitales notamment, des demandeurs de titres, a donné lieu à la délivrance de 59 millions de titres, ce qui n’a suscité absolument aucune émotion à ce jour. La traçabilité de l’accès à ce fichier, dont les limites n’avaient pas non plus suscité d’émotion, est bien moindre que celle du fichier que nous proposons.
Comme nous devions procéder à la sécurisation de la délivrance des titres d’identité à l’instar de ce qui avait été fait pour les passeports, nous avons greffé le dispositif de réalisation et d’authentification des cartes d’identité sur le fichier qui, jusqu’à présent, sans le moindre problème, avait permis de délivrer et d’authentifier des passeports.
Plusieurs questions ont alors émergé, auxquelles je veux répondre avec beaucoup de précision.
Première question : le Gouvernement fait-il avec ce fichier ce que le Conseil constitutionnel avait censuré en 2012 lorsque le précédent gouvernement s’était proposé de mettre en place un dispositif de titres sécurisés qui avait provoqué certaines réactions à l'Assemblée nationale et au Sénat ? Affirmer qu’il en est ainsi est une fausse assertion. Pourquoi ?
En 2012, le précédent gouvernement avait prévu de mettre en place une carte nationale d’identité électronique, une modalité que nous ne retenons pas, et j’en expliquerai les raisons. Par ailleurs, il avait préconisé qu’on pût identifier à partir des données biométriques la personne à laquelle elles appartiennent. Enfin, il avait souhaité que l’ensemble du dispositif assure une plus grande efficacité dans la lutte contre la fraude.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision de 2012 – j’invite chacun d’entre vous à la relire plus précisément –, a censuré non pas la carte nationale d’identité électronique non plus que l’objectif de lutte contre la fraude, mais une disposition, à savoir la possibilité, à partir de la consultation des données biométriques, de procéder à l’identification d’une personne.
Lorsque nous avons décidé de mettre en place le dispositif qui fait l’objet de notre débat, nous avons décidé – vous pouvez lire l’avis du Conseil d’État et le contenu du décret visé – de nous conformer en tout point et rigoureusement à la décision du Conseil constitutionnel.
Au regard du décret que nous avons pris – je suis extrêmement clair et net sur ce point, car, sur un sujet sensible, on ne peut pas raconter n’importe quoi pour faire peur ! –, il n’est pas possible juridiquement de procéder à l’identification d’une personne à partir de la consultation de ses données biométriques, pour la bonne et simple raison que le décret l’interdit. Nous avons intégré la totalité des considérants que le Conseil constitutionnel a introduits dans sa décision et auxquels nous pensions devoir nous conformer absolument.
J’entends dire que ce que nous faisons équivaut à ce qui a été fait en 2012 – en catimini, de surcroît ! –, mais c’est faux : nous ne retenons pas, je le répète, la carte nationale d’identité électronique ; nous n’autorisons pas, nous interdisons même la consultation des données biométriques à des fins d’identification d’une personne. Je le répète, le décret est en tout point conforme à la décision du Conseil constitutionnel de 2012.
J’entends aussi dire qu’il aurait fallu légiférer. C’est faux ! Le Conseil d’État et le Conseil national du numérique se sont exprimés sur ce point. Certes, ces sujets peuvent justifier un débat – et je suis heureux de pouvoir participer au débat qui nous réunit cet après-midi ! –, mais on ne peut pas faire comme si les articles 34 et 37 de la Constitution, qui définissent les domaines relevant de la loi et du règlement, n’existaient pas. On ne saurait s’abstraire de toute règle juridique, y compris constitutionnelle, au prétexte d’une sensibilité politique du sujet forte, si forte d’ailleurs que les logiques qui l’inspirent pourraient se substituer à toutes les logiques juridiques et constitutionnelles – je ne partage pas du tout ce sentiment. Si, d’ailleurs, nous devions nous engager dans cette voie, cela nous conduirait à une inflation législative puisque, dès qu’un sujet serait jugé sensible, on considérerait qu’il relève du domaine non plus du règlement, mais de la loi.
Lorsque nous avons décidé de mettre en place ces plateformes de demandes, dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération, nous avons consulté le Conseil d’État à deux reprises : une première fois sur l’opportunité du décret, et il nous a été répondu que cela relevait du domaine réglementaire, puis sur le texte élaboré. Nous nous sommes en tout point conformés à ses préconisations.
La CNIL a également formulé son avis, dans lequel elle exprime des réserves, considérant que, bien que le texte relève du domaine réglementaire, la nature du sujet pourrait justifier un débat devant le Parlement – débat que nous avons ! Elle se demande aussi si toutes les garanties sont données quant à la sécurité de la base et si la réversibilité des modes de consultation des différents compartiments du fichier est possible techniquement, nonobstant la modification des textes réglementaires régissant le fonctionnement de cette base.
Nous sommes bien dans le domaine réglementaire ; nous nous sommes conformés, je le répète encore, aux préconisations du Conseil d’État : la légalité de ce dispositif, élaboré au terme de multiples processus de consultation des instances juridictionnelles ou des hautes autorités, est donc impeccable. Nous ne refaisons donc pas ce qui avait été fait en 2012 et la démarche que nous avons entreprise est absolument conforme au droit.
Mais d’autres objections encore sont apparues, auxquelles nous devons aussi répondre.
Première objection : certes, ce que nous faisons est conforme au droit, nos intentions sont louables, mais d’autres gouvernements pourraient avoir d’autres intentions qui rendraient cette base dangereuse, ces intentions possibles d’un gouvernement futur justifiant à elles seules que l’on renonce à cette base, en dépit de l’intérêt qu’elle peut présenter en matière de service rendu à l’usager. Sur ce point, j’apporterai plusieurs éléments de réponse ; là aussi, on ne peut être dans l’approximation.
Il est juridiquement impossible de permettre l’identification d’une personne à partir de ses données biométriques sans modifier le droit. On ne peut pas le faire par voie réglementaire parce que la décision du Conseil constitutionnel de 2012 pose clairement le principe que cela relève du domaine de la loi, précisant même qu’il conviendrait de modifier la Constitution si une telle loi était adoptée. Je le dis à la représentation nationale, il n’est donc pas possible pour un gouvernement, sauf à ce qu’il ne soit ni légaliste ni républicain (Murmures.), de procéder à une forfaiture de cette nature au regard de l’état du droit.
Deuxième objection : même si le droit était respecté, nous dit-on encore, il serait possible de modifier l’application informatique sans que personne n’en voie rien pour utiliser les données biométriques à des fins d’identification d’une personne. Ce sujet mérite d’être discuté ; il fait d’ailleurs l’objet de débats entre experts.
Aussi, pour avoir une position claire et nette sur ce sujet, j’ai demandé à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, dont c’est le rôle, et à la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État, la DINSIC, de bien vouloir se prononcer sur les dispositifs techniques à mettre en œuvre pour empêcher la réversibilité.
Je leur ai également demandé d’indiquer si le dispositif informatique tel que nous l’avons conçu permet la réversibilité et, si oui, de préciser les modifications informatiques à mettre en œuvre pour créer les conditions de la non-réversibilité.
Je l’ai dit, leur rapport sera rendu public. De plus, alors que nous n’y sommes pas obligés, nous nous conformerons à toutes les recommandations qui nous seront adressées, de manière à être absolument irréprochables quant aux garanties à donner aux Français – garanties dont nous comprenons la nécessité – en vue de dissiper les inquiétudes qui se sont exprimées.
Mais voilà que ceux-là mêmes qui regrettaient que l’ANSSI et la DINSIC n’aient pas été sollicitées pour garantir la fiabilité technique du dispositif proposé considèrent maintenant, pour des raisons de positionnement, que, quels que soient les avis rendus, ils ne seront pas suffisants !
Nous demandons ces avis, nous les rendrons publics et nous nous y conformerons parce que nous sommes l’État et que, dans l’État, il y a des agences et des directions dont le rôle est de veiller à ces garanties. Sous prétexte que ces sujets sont traités par l’État et que ce dernier agit, on ne peut pas systématiquement jeter la suspicion et faire naître des inquiétudes : à force de raisonner de cette manière sur les sujets les plus sensibles, il n’y aura plus d’État ! Or il appartient à celui-ci d’attester, en prenant toutes les précautions et en donnant toutes les garanties nécessaires, et ce dans la plus grande transparence, qu’il est dans une démarche maîtrisée, dont il rend compte et dont le contrôle peut être assuré.
Par ailleurs, j’ai indiqué devant les commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat que, par-delà ces expertises, nous étions favorables à ce que le Parlement, la CNIL et l’ANSSI viennent chaque année au ministère de l’intérieur vérifier l’adéquation entre les applications que nous déployons et les conditions dans lesquelles elles sont mises en œuvre, de manière que personne ne puisse avoir de doute sur le respect absolu de tous les principes et de toutes les règles par l’administration chargée de la gestion de ce dispositif.
Troisième objection : la base, même si elle ne permet pas la réversibilité et qu’elle est conforme au droit, pourrait être attaquée. Je rappelle que cette base fait l’objet de dispositifs de chiffrement, qui sont protecteurs et n’ont pas permis jusqu’à présent à quiconque de l’attaquer. On m’objecte alors que d’autres pays ont été confrontés à cette intrusion. Fort bien, je comprends ce raisonnement : les interrogations formulées sont importantes et nous avons des comptes à rendre à la représentation nationale et aux hautes autorités.
C’est pourquoi, dans le cadre du processus d’homologation en cours, j’ai demandé à l’ANSSI d’examiner les pare-feu que nous avons mis en place et d’indiquer dans un rapport public si oui ou non les dispositifs de chiffrement, de cloisonnement sont suffisants. Si des modifications doivent être apportées, nous le ferons, et la représentation nationale en sera informée et pourra poursuivre le débat avec nous. Si nécessaire, je modifierai le dispositif en fonction des recommandations qui nous seront adressées.
Quatrième objection, pourquoi mettre en place une base centralisée, dans laquelle l’ensemble des éléments seront inclus, au lieu d’intégrer une puce dans la carte d’identité, ce qui permet à chacun d’avoir la garantie de la sécurisation de ses documents ? Nous ne l’avons pas fait pour une raison simple : en cas de perte de la carte à puce, sans fichier susceptible de vérifier l’identité, la personne devra reprendre toute la procédure depuis le début pour faire renouveler sa carte. La réforme de simplification que nous avons mise en œuvre perdrait alors une très grande partie de son intérêt et de son efficacité.
Or les Français demandent une procédure de renouvellement de leurs documents d’identité sécurisée, rapide, simplifiée et ne souhaitent pas avoir à refaire l’ensemble des démarches en cas de perte.
Comme nous sommes très désireux, parce que totalement sincères dans les intentions qui sont les nôtres et animés de la volonté de bien faire, de voir aboutir cette réforme, nous avons fait quelques concessions, des concessions destinées à créer le meilleur équilibre possible entre la sécurisation du process que nous devons aux Français et le respect des libertés individuelles, que nous n’avons songé à aucun moment à remettre en cause.
Quelles sont ces concessions ?
D’abord, on nous objecte que les personnes enregistrées dans cette base numérisée devraient être informées de son contenu, arguant du fait qu’il n’est pas possible d’y figurer contre son gré, au motif qu’elle pourrait être utilisée à d’autres fins. J’ai déjà apporté les garanties concernant l’impossibilité d’utiliser ce fichier à d’autres fins, mais j’ai souhaité répondre à cette interrogation, que je comprends, en ne transférant à cette base numérisée que les empreintes collectées à compter du moment où la personne souhaite bénéficier du service. Si elle ne souhaite pas figurer dans la base pour des raisons qui tiennent aux préventions qu’elle peut avoir à l’encontre de celle-ci, en dépit de toutes les garanties que nous avons données, alors acceptons-en le principe. C’est une proposition que nous avons faite, et nous la mettrons en œuvre.
Cette proposition remet-elle en cause la conservation sous forme papier des empreintes digitales, comme cela se pratique depuis 1987 ? Non. Depuis cette date, on prend les empreintes. Si, demain, dans le cadre d’une affaire terroriste ou autre, nous devions répondre à une réquisition judiciaire diligentée par un juge judiciaire, dont vous avez été nombreux à considérer qu’il est toujours le juge protecteur des libertés, en lui fournissant l’accès, à partir d’une identité, aux données biométriques, afin de vérifier si la personne à l’origine d’un crime ou d’un acte terroriste est bien celle qui apparaît sur les papiers d’identité, nous serions totalement désarmés, alors que notre pays est actuellement confronté à un niveau de menaces extrêmement élevé.
La procédure ira évidemment moins vite que dans l’hypothèse où nous aurions disposé d’une base de données numérisée. Cependant, la conservation des empreintes sous forme papier, selon des modalités contribuant à renforcer considérablement la traçabilité de l’accès à ces données – dimension qui n’existait pas pour le fichier centralisé de 1987, ce qui prouve que notre dispositif est nettement plus protecteur des libertés –, permet de garantir l’identification d’une personne et de veiller à ce que la personne qui a fait l’objet d’une demande d’identification est bien celle qui a été identifiée, d’une part, et d’assurer une identification aussi sécurisée que précédemment, mais avec un meilleur équilibre entre le principe de liberté et le principe de sécurité, d’autre part.
Je sais que certains considèrent que la possibilité d’une collecte et d’une transmission facultatives des données personnelles à la base signifie la non-conservation des empreintes biométriques des Français dans le dossier au format papier. Seulement, cela reviendrait à remettre en cause tout ce qui existe depuis maintenant près de trente ans et à désarmer le pays face aux menaces auxquelles il est confronté. Je le dis très clairement : cela n’aurait pas été responsable de notre part !
Nous n’avons pas fait ce choix, car il convient de trouver le meilleur équilibre possible entre liberté et sécurité. J’assume totalement cette position devant la représentation nationale, parce que je pense qu’elle correspond à ce à quoi nos compatriotes aspirent profondément, compte tenu du niveau de menace auquel nous faisons face.
Enfin, j’ai indiqué que l'ANSSI et la DINSIC mèneront des expertises sur la mise en place du fichier et que je les rendrai publiques.
Je conclurai sur un dernier point. On nous reproche le caractère tardif de ce débat, mais la vérité oblige à dire qu’un gouvernement qui, agissant avec la volonté de moderniser un service public, utilise une base existante tout en renforçant les conditions de traçabilité et en simplifiant l’accès aux informations d’une base obsolète raccordée à la base existante est tout de même très loin en termes de perversité d’un gouvernement qui profiterait de la Toussaint pour signer en catimini un décret remettant en cause les libertés publiques !
Je rappelle d’ailleurs à ceux qui ne seraient pas tout à fait conscients des règles de droit que c’est au Conseil d’État de déterminer la liste des ministres qui signent les décrets après avoir examiné leurs décrets d’attribution, et que c’est au Conseil d’État de transférer lesdits décrets au Secrétariat général du Gouvernement après qu’ils ont été validés. En outre, il s’écoule trois semaines entre le moment où le Conseil d’État rend son avis et le moment où les décrets sont signés. Or le Conseil d’État a rendu sa position le 29 septembre dernier : il était donc assez logique que le décret soit signé à la fin du mois d’octobre !
Vous comprendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il m’est extrêmement pénible de voir l’État systématiquement mis en cause et d’entendre certains alimenter la suspicion sur son action, alors qu’il s’emploie à moderniser un service public au profit des citoyens français, par souci de mieux protéger les libertés publiques et de mener les réformes de simplification que ceux-ci appellent de leurs vœux.
Je tenais à évoquer ce point au moment où nous engageons la discussion ensemble. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un débat pour solde de tout compte : il en appelle d’autres. Si M. le président du Sénat ou M. le président de la commission des lois souhaitaient procéder à d’autres auditions au terme des expertises que je rendrai publiques, ils savent que je suis toujours à la disposition du Sénat.
J’ai d’ores et déjà indiqué que le Gouvernement pourrait modifier le texte du décret en fonction des conclusions auxquelles nous conduira l’ensemble de ces débats et de ces expertises. Le Gouvernement ne fait donc preuve d’aucune psychorigidité ; il manifeste simplement la volonté de bien faire dans le cadre de son ambition de modernisation du service public. Je sais pouvoir compter sur le Sénat, que je veux remercier encore une fois pour la qualité des débats que nous avons eus jusqu’à présent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.
Dans le débat, la parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cinq ans après le « fichier des honnêtes gens » de Nicolas Sarkozy, qui créait déjà une base centrale de données personnelles et biométriques, censurée par le Conseil constitutionnel, nous voici à nouveau confrontés à la volonté d’un gouvernement d’élaborer une base numérique permettant le fichage de 60 millions de Français !
Face aux interrogations fort légitimes qui montent tant de nos travées que de l’extérieur de nos hémicycles, on nous répond que l’esprit du décret est différent de celui de la loi de 2012, ce que vient encore de déclarer M. le ministre. Ce décret viserait principalement à atteindre l’objectif de rationalisation visé par le plan Préfectures nouvelle génération tout en permettant par ailleurs à supprimer 1 300 postes dans l’administration préfectorale.
Afin de faire des économies budgétaires, le Gouvernement a donc choisi de créer une machine infernale, un fichier centralisé qui contiendra non seulement l’ensemble des données à caractère personnel, mais aussi les données biométriques de la quasi-totalité de la population de notre pays.
Ces informations seront accessibles à un nombre impressionnant d’agents qui dépendent tout autant des services centraux des ministères de l’intérieur et des affaires étrangères que des préfectures, des sous-préfectures, des services diplomatiques et consulaires, des services de renseignement ou des communes, et j’en passe ! La photographie numérisée, donnée biométrique et donc éminemment sensible, pourrait même être accessible aux agents qui travaillent avec leurs homologues d’Interpol !
Depuis quelques années, nous assistons à une course effrénée au « tout sécuritaire », qui diminue sans cesse l’espace de nos libertés fondamentales. Cela fait plus d’un an que notre pays vit sous le régime d’exception de l’état d’urgence. Dans ce contexte, le Gouvernement crée un nouvel outil d’ingérence dans la vie privée des individus.
L’argument économique semble prendre le pas sur la préservation des libertés publiques de nos concitoyens. En effet, il existe bel et bien une alternative à la création de ce mégafichier ! La CNIL propose d’ailleurs la mise en place d’une puce sécurisée sur les cartes d’identité elles-mêmes. Nous courrions ainsi moins de risques en matière de détournement et d’atteinte au droit et au respect de la vie privée, puisque cela permettrait au détenteur de la carte d’identité d’être le seul à posséder les données biométriques le concernant. Cependant, cette alternative a été balayée d’un revers de la main, car elle a été jugée trop coûteuse.
Le second objectif du dispositif est de simplifier les procédures de délivrance des titres et de lutter efficacement contre la fraude et l’usurpation d’identité, nous dit-on. Il nous semble qu’il ne s’agit pas d’une urgence au regard de la situation économique et sociale du pays !
Hier, en commission, vous avez avancé le chiffre de 800 000 vols et faits de fraudes documentaires en France chaque année, monsieur le ministre. Pour notre part, nous avons trouvé des chiffres différents dans le dernier rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, lequel comptabilisait 5 910 cas de « fraude à l’identité » en 2014. Je vous laisse mettre ce chiffre en perspective avec les 813 466 infractions à la législation du travail constatées la même année…
Au-delà d’un questionnement sur la pertinence même de la création d’un tel fichier, nous nous interrogeons sur la méthode plus que cavalière utilisée par le Gouvernement. Passer une nouvelle fois par la voie réglementaire, déniant ainsi au Parlement son rôle de législateur, participe purement et simplement du déni démocratique,…
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Éliane Assassi. … et c’est d’autant plus vrai que le sujet touche aux libertés fondamentales !
Monsieur le ministre, vous nous dites que le choix du décret s’est fait sous le contrôle et suivant les recommandations du Conseil d’État, saisi pour avis.
Nous disposons nous aussi de cet avis. Or vous avez omis de nous signaler que celui-ci précise que « compte tenu de l’ampleur du fichier envisagé et de la sensibilité des données qu’il contiendrait, il n’est pas interdit au Gouvernement […] d’emprunter la voie législative ».
Vous avez concédé aujourd'hui un débat public au Parlement – nous vous en remercions ! – et une consultation citoyenne via le Conseil national du numérique. Toutefois, cela est loin d’être suffisant !
En effet, la voie réglementaire représente un danger démocratique à elle toute seule, facilitant la transformation de cette base de données à des fins d’identification. Comme chacun le sait, rien ne sera plus facile que de transformer d’un trait de plume ce fichier d’authentification en véritable fichier de police, facilitant la recherche de l’identité d’individus à partir de leurs empreintes ou de leur photographie.
En outre, l’argument du verrouillage juridique ne tient pas. Si le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont validé la constitution d’un fichier à des fins d’authentification, ils l’ont fait à la condition que la mise en œuvre prévue soit adéquate et proportionnée à un objectif d’intérêt général. Qui nous dit que, dans le futur, dans un contexte de menace terroriste, par exemple, l’on ne jugera pas que l’accès à cette gigantesque base de données personnelles et biométriques à des fins d’identification relève justement de l’intérêt général ?
Je ne débattrai pas ici de l’utilisation du mégafichier des titres électroniques sécurisés par de futurs gouvernants qui bafoueraient les libertés publiques, monsieur le ministre. Ceux-là, nous les combattons au quotidien pour qu’ils n’arrivent jamais au pouvoir !
Enfin, je ne reviendrai pas sur les risques que l’on court à constituer un tel fichier numérique centralisé, alors que nous disposons de pléthore d’exemples de piratages à grande échelle dans les autres pays. Sur la question de la vulnérabilité informatique d’un tel fichier, nous partageons l’opinion du ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas. Je ne parle pas là de sa position actuelle, mais de celle de 2012, lorsqu’il était vent debout contre le « fichier des honnêtes gens ». Il nous disait alors qu’« aucun système informatique n’est impénétrable », que « toutes les bases de données peuvent être piratées » et que « ce n’est toujours qu’une question de temps ».
Je ne pense pas me tromper en déclarant que dans ce laps de temps de cinq ans qui nous sépare de la dernière mandature, les recherches sur les technologies de l’information et de la communication n’ont pas permis de trouver le moyen de rendre un système informatique infaillible.
Monsieur le ministre, l’art rhétorique que vous maniez – avec une grande aisance, j’en conviens – depuis quelques jours afin de nous persuader qu’il s’agit d’un décret purement technique qui a pour objet de simplifier les procédures ne nous convainc pas ! On ne peut pas nier l’évidence : vous êtes en train de construire un mégafichier digne du monde d’Orwell !
C’est pourquoi nous vous demandons de retirer ce décret qui, tant sur le fond que sur la forme, constitue un véritable déni des valeurs démocratiques et une atteinte profonde aux droits des citoyens de notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour le groupe du RDSE.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le principal objectif d’une innovation consistant à créer ce fichier TES devrait être de sécuriser les titres d’identité des individus, objectif qui n’est contesté par personne. Le nombre des titres douteux, nous dit-on, est de l’ordre de 800 000 par an, et les conséquences sont catastrophiques pour ceux de nos concitoyens qui subissent une usurpation de leur identité.
Toute la question est de savoir comment sécuriser les titres d’identité des Français sans insécuriser leurs libertés, non seulement aujourd’hui – ce qui ne devrait poser absolument aucun problème –, mais aussi à l’avenir ! Je n’ai pas besoin de vous rappeler les précédents épisodes de notre histoire nationale en la matière…
Si j’ai bien compris ce que nous ont dit les différents intervenants que nous avons auditionnés, plusieurs options s’offraient au Gouvernement : un fichier centralisé et sécurisé, la délivrance de titres individuels eux aussi sécurisés par une puce ou une autre technique, ou des fichiers décentralisés rendant plus difficile la reconstitution des données. La liste n’est évidemment pas limitative.
On peut regretter que cet éventail de possibilités techniques n’ait pas été ouvert et encore moins soumis à évaluation. Cependant, maintenant que la décision a été prise de choisir ce fichier centralisé, force est de reconnaître que le dispositif proposé assure le maximum de garanties possibles. M. le ministre nous en a livré les détails dès son audition, hier, et vient de le faire de nouveau. Je n’y reviendrai pas, car il défend bien mieux son projet que je ne le ferais.
Je souhaite simplement souligner certaines innovations de dernière minute qui me paraissent tout à fait intéressantes, comme le choix de se plier aux demandes de la CNIL ou de l’ANSSI en matière de sécurisation des fichiers, ou encore la décision de laisser la liberté aux intéressés de ne pas figurer dans le nouveau fichier.
Compte tenu de ces éléments, on ne peut pas faire le reproche au Gouvernement de vouloir attenter à nos libertés.
En réalité, le problème est ailleurs. Selon moi, il concerne plutôt le nombre des personnes qui ont accès au fichier, même si une telle difficulté paraît assez facile à résoudre.
Le problème a surtout trait au fait que nous ne pouvons pas être certains que ce fichier ne pourra pas servir à un autre usage que celui pour lequel il est prévu et que rien ne garantit que quelques politiciens ou officines mal intentionnés ne décideront pas progressivement de combler les vides laissés dans le fichier par ces « mauvais » citoyens qui ne voudraient pas y figurer.
Alors pourquoi ne pas avoir retenu d’autres dispositifs au terme d’une évaluation avantages-inconvénients, étant entendu qu’aucune technique ou technologie ne présente que des avantages ? Il me semble que commencer par là aurait été une bonne démarche.
M. le ministre a déjà répondu à cette question : s’il a choisi un fichier centralisé, c’est parce que ce fichier était déjà à portée de main ! Je ne force pas le trait. Vous l’avez dit, monsieur le ministre : en vérité, cette réforme est un sous-produit du plan Préfectures nouvelle génération. Le fichier existait, cela ne coûtait pas cher de l’utiliser ! De plus, cela permettait de financer la gratuité de la carte d’identité grâce au droit sur les passeports. Vous avez ainsi répondu à ma question, et tout ce que vous venez de dire à propos de la réforme des préfectures est parfaitement exact. Cependant, peut-on engager une réforme de cette ampleur simplement pour compléter la réforme des préfectures ?
Reste à savoir si le fait qu’existent déjà un fichier comportant des informations biométriques, celui des passeports, plusieurs fichiers centraux automatisés spécifiques, le fichier automatisé des empreintes digitales, le FAED, et le fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, un fichier général dont la traçabilité des consultations n’est pas assurée, justifie la création d’un nouveau fichier regroupant 50 à 60 millions de personnes. Que de tels fichiers existent ne signifie pas pour autant que le dispositif doive être conservé tel quel et encore moins qu’il faille le développer !
Reste aussi à savoir si, en matière de protection des libertés, les quelques centaines de millions d’euros économisés en valent la chandelle et s’il n’aurait pas été plus judicieux de traiter le problème autrement, en commençant par envisager l’ensemble des architectures et des technologies existantes et, comme je l’ai dit, par faire un choix en fonction d’un bilan avantages-inconvénients.
Ni le risque d’alourdir les procédures des demandeurs ni le coût probablement supérieur d’un dispositif plus sûr ne justifient leur élimination a priori. Peut-être aurait-on pu aboutir au même résultat a posteriori, mais nous n’en savons strictement rien aujourd’hui… C’est vrai que la liberté a un coût, mais, vous en conviendrez avec moi, elle n’a pas de prix ! (Applaudissements sur les travées du RDSE. - Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Loïc Hervé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, partons d’un constat simple à propos de la question qui nous occupe cet après-midi : le Gouvernement est passé en force ou, du moins, a pris ce décret en catimini !
Je ne vise évidemment pas la polémique sur la date de signature du décret. Hier, vous avez clairement indiqué devant la commission des lois que c’était absolument involontaire de votre part et que le ministère de l’intérieur se souciait peu des jours fériés, compte tenu de l’ampleur de la tâche qui est la sienne. J’en prends acte.
En revanche, ce qui était parfaitement volontaire de votre part, c’était de vous épargner un débat parlementaire sur le sujet, un débat dans lequel notre Haute Assemblée doit jouer pleinement son rôle en faisant notamment valoir son expertise de longue date sur la question.
Je rappelle que la loi de 2012 sur la protection de l’identité est issue d’une proposition de loi sénatoriale et que le Sénat a publié de nombreux rapports sur le sujet. Le groupe UDI-UC s’est largement impliqué sur ces questions, au travers notamment du rapport de notre collègue Catherine Morin-Desailly en 2013, intitulé L’Union européenne, colonie du monde numérique, qui évoque de manière explicite le privacy by design.
Le fait qu’un débat ait finalement lieu aujourd’hui est un bon signe pour la démocratie et pour le Parlement : le Gouvernement n’a pas réussi à passer sous silence le changement très important qu’il entendait engager en matière de gestion des titres d’identité et, au-delà, le débat sur la création d’un fichier réunissant à terme les données biométriques de tous les détenteurs d’un titre d’identité.
En soi, monsieur le ministre, le contrôle de l’action du Gouvernement par le Parlement ne peut pas être taxé de « suspicion ». Il relève de l’exercice d’une prérogative que nous confère la Constitution !
Le bien-fondé des objections faites au Gouvernement est attesté de toute part. Certaines autorités ou instances indépendantes ont fait entendre leur voix, comme la CNIL ou le Conseil national du numérique.
Au-delà, c’est le Gouvernement lui-même qui met en lumière ces objections, puisque l’un de ses membres, votre collègue Axelle Lemaire, a clairement affiché ses réticences par voie de presse au moment de la création du fichier. Vous-même, monsieur le ministre, en acceptant d’organiser a posteriori ce débat, vous faites d’une certaine façon machine arrière et amende honorable ! (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
Voilà pour la forme. Sur le fond, l’introduction de la possibilité pour chaque citoyen de s’opposer à ce que ses propres données biométriques soient inscrites dans la base centrale, ce que l’on appelle l'opt-out, remet profondément en cause la philosophie initiale de votre projet. Vous vous êtes défendu de créer un fichier à trous. Je n’ai pas été convaincu par vos arguments, monsieur le ministre : certaines personnes refuseront l’intégration de leurs données biométriques à la base, d’autres l’accepteront. On aboutira ainsi à un résultat insatisfaisant et incohérent, puisque le fichier sera incomplet.
Le résultat sera insatisfaisant sur la forme, tout d’abord, car une question aussi importante devrait donner lieu, selon nous, à un débat suivi d’un vote. Si l’on se réfère souvent à notre Constitution, ce que vous avez fait, il est également bon en ces temps incertains de fréquenter les écrits d’Alexis de Tocqueville. Je ne doute d’ailleurs pas, monsieur le ministre, que vous vous livriez régulièrement à ce type de lecture…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Et il n’est pas le seul ! (Sourires.)
M. Loïc Hervé. Pour Tocqueville, « lorsque le souverain est électif ou surveillé de près par une législature réellement élective et indépendante, l’oppression qu’il fait subir aux individus est quelquefois plus grande ; mais elle est toujours moins dégradante parce que chaque citoyen, alors qu’on le gêne et qu’on le réduit à l’impuissance, peut encore se figurer qu’en obéissant il ne se soumet qu’à lui-même, et que c’est à l’une de ses volontés qu’il sacrifie toutes les autres. »
Ensuite, le résultat sera insatisfaisant sur le fond : avec l’introduction de l’opt-out, le projet actuel du Gouvernement est devenu hybride et instable. Elle le vide d’une partie de sa substance.
Selon moi, nous devrions nous prononcer en faveur de l’une des deux options suivantes : le fichier TES dans sa version initiale, c’est-à-dire sans opt-out, d’une part, ou une carte d’identité contenant ces données biométriques, c’est-à-dire la seule véritable contre-proposition permettant de sécuriser les titres d’identité tout en évitant de facto la constitution d’un mégafichier, d’autre part.
D’un point de vue intellectuel, ces deux options se justifient, la vôtre, le fichier TES initial sans opt-out, en raison de son efficacité, de la sécurisation et de la simplification qu’elle procure, notamment lors du renouvellement des titres, mais également la solution consistant à inscrire les données biométriques uniquement sur la carte, puisqu’elle assure le même degré de sécurisation et élimine les dangers et les craintes inhérents à la création d’un mégafichier. Cette solution technologique, qui apporterait de vraies garanties en termes de libertés publiques, positionnerait notre pays à l’avant-garde en matière technologique.
La sécurisation des titres d’identité constitue un enjeu qu’il ne s’agit pas de minimiser. Près de 800 000 personnes ont déjà été victimes de fraude identitaire dans notre pays. Ce chiffre démontre à lui seul l’importance du sujet. Les victimes se retrouvent le plus souvent dans des situations administratives et personnelles inextricables, la fraude identitaire étant souvent le moyen de commettre d’autres infractions, notamment des escroqueries : une fois l’identité d’une personne usurpée, quoi de plus facile que d’aller contracter des achats à crédit, dont les échéances seront effectivement supportées par la victime !
Il est d’autant plus indispensable que le Gouvernement se saisisse de cette question que nous nous trouvons dans un contexte de menace terroriste. Là aussi, ne minimisons pas les dangers encourus !
La question n’est donc pas de savoir si le système actuel est satisfaisant. La réponse est évidemment non ! Il s’agit de savoir si le nouveau système mis en place atteint un double objectif, la sécurisation maximale des titres d’identité et la préservation des libertés publiques.
Oui, la sécurisation des titres d’identité implique de relever et de conserver des données biométriques. Cela ne me pose aucune difficulté : c’est aujourd’hui le seul moyen de garantir une authentification fiable des individus.
En revanche, le point qui suscite de vives inquiétudes pour nombre de mes collègues et moi-même est la suivante : que fait-on de ces données sensibles ? Plus précisément, pouvait-on éviter la mise en place d’une base centrale avec tous les inconvénients que cela entraîne ?
De mon point de vue, la réponse est oui ! Vous ne l’avez d’ailleurs pas caché, monsieur le ministre, il serait possible de conserver ces données au moyen d’une puce sur le titre lui-même. C’est d’ailleurs la technologie utilisée aujourd’hui pour les passeports, lesquels disposent d’une puce, ce qui ne sera pas le cas demain des nouvelles cartes nationales d’identité, si j’ai bien compris.
Ce système ne présente pas que des avantages, j’en ai bien conscience, notamment parce qu’il implique de repartir de zéro à chaque renouvellement de la carte. Nous y perdrons en matière de simplification, c’est indéniable, mais nous éviterons ainsi la constitution d’un mégafichier, dont on ne pourra malheureusement jamais garantir l’inviolabilité absolue, quels que soient les avis de l'ANSSI et de la DINSIC que vous avez décidé de solliciter a posteriori.
Même si vous nous apportez aujourd’hui les garanties matérielles et juridiques que ce fichier n’a d’autre effet que de permettre l’authentification des personnes et non leur identification, rien n’empêchera demain que l’on en change les finalités, une fois le mégafichier constitué. À ma connaissance, cet inconvénient disparaîtrait si les données étaient conservées directement sur la carte.
À titre personnel, j’exprime donc une nette préférence pour une solution fondée sur la sauvegarde des données au niveau de la carte elle-même, solution qui permet à chaque citoyen de conserver lui-même la maîtrise de ses données, lesquelles consacrent d’un point de vue philosophique la prolongation même de la personne humaine.
À ma connaissance, nous serions actuellement les seuls en Europe à recourir à une base unique et centralisée pour les cartes d’identité et les passeports. Ce simple élément de droit comparé devrait nous amener tous à réfléchir…
Je regrette que le Parlement n’ait pas eu à trancher cette question par un vote clair à l’issue d’un débat démocratique.
J’en viens à ma conclusion. La solution que nous vous proposons, monsieur le ministre, est une solution d’apaisement : tout d’abord, la suspension du décret ; ensuite, la mise en place une expérimentation.
Cela permettrait sans doute de lever un certain nombre de craintes. Cela permettrait aussi de rassurer les maires, qui ne comprennent pas que l’État mette en place un système de délivrance de titres d’identité qui fasse abstraction de la notion de proximité et qui entraîne des coûts supplémentaires. Cela permettrait aussi à notre pays d’être en pointe dans le domaine technologique, et ce dans le respect de notre bien le plus cher, la liberté individuelle ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du RDSE. – M. le président de la commission des lois et Mme Esther Benbassa applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe écologiste.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par un décret du 28 octobre 2016, publié au Journal officiel du 30 octobre 2016, en plein week-end de la Toussaint, le ministère de l’intérieur a mis en place un traitement automatisé des données à caractère personnel avec le fichier des titres électroniques sécurisés, les TES.
En pratique, ce fichier est le produit du transfert de deux fichiers informatiques existants : le fichier national de gestion, qui regroupe les informations enregistrées lors de la création d’une carte nationale d’identité, et le système TES, son équivalent pour les passeports, avec une longue liste de données personnelles qui seront, à terme, celles de la quasi-totalité de la population française.
L’objectif que vise l’exécutif avec le fichier TES est d’authentifier les personnes pour lutter notamment, à bon escient bien sûr, contre la fraude et l’usurpation d’identité. Toutefois, ce fichier pourrait un jour également servir à les identifier.
Malheureusement, la création de ce fichier ne peut pas être considérée comme une simple mesure de simplification administrative. Les enjeux sont en réalité bien plus importants et il semble que l’exécutif n’en ait pas pris la mesure.
Les réserves, voire les critiques, à l’endroit du fichier TES proviennent de toute part et, en premier lieu, de spécialistes en la matière, comme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique et de l’innovation, la CNIL, ou encore le Conseil national du numérique. Le 7 novembre, ce dernier a même appelé le Gouvernement à suspendre la mise en place de ce fichier.
La CNIL s’inquiète à juste titre de la concentration des données biométriques au sein d’un même fichier, en particulier des images numérisées des empreintes digitales et de la photographie de l’ensemble des demandeurs de cartes nationales d’identité et de passeports.
Il n’existe pas de garanties techniques absolues, monsieur le ministre. Les fichiers peuvent être piratés et ce sont les données biométriques de 60 millions de personnes qui pourraient être utilisables à des fins au mieux commerciales, au pire criminelles. En matière de sécurité informatique, on sait que la centralisation représente un risque majeur. En outre, les données biométriques ne sont pas des données comme les autres.
Dans le même sens, les garanties juridiques et politiques que vous nous présentez aujourd’hui ne sont pas immuables.
Il s’agit de faire preuve de réalisme : ce gouvernement ne sera plus, dans quelques mois, à la tête de l’État.
M. Loïc Hervé. C’est vrai !
Mme Esther Benbassa. Dans un pays comme le nôtre, qui, par le passé, a fait un usage impardonnable de ses fichiers, un usage ayant coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes, il est difficile de prétendre que ce fichier ne pourra pas, dans le futur, être utilisé à d’autres fins par un quelconque régime peu démocratique et peu soucieux des libertés individuelles.
Avec la montée des populismes en Europe et aux États-Unis, on n’a pas le droit de faire des paris sur l’avenir avec autant de légèreté.
M. Gaëtan Gorce. Très bien !
Mme Esther Benbassa. De surcroît, et comme le déplore le Conseil national du numérique, la publication de ce décret n’a fait l’objet d’aucune concertation préalable et d’aucun débat.
Monsieur le ministre, le groupe écologiste, dont je porte la voix aujourd’hui, vous appelle, afin d’éviter les dérives qui pourraient découler de la constitution d’un tel fichier, à suspendre immédiatement sa mise en œuvre au bénéfice d’un travail d’aménagement des données, notamment de suppression des empreintes digitales.
Je souhaiterais en dernier lieu faire état de l’implication de la société Amesys dans le pilotage de ce fichier TES.
Depuis la mort de Mouammar Kadhafi, à la fin de 2011, de nombreuses preuves accusent cette entreprise d’avoir vendu des technologies de surveillance des télécommunications au régime de l’ancien dictateur libyen, lequel se serait servi de ces dispositifs pour arrêter et torturer des opposants.
Vous m’avez répondu hier, monsieur le ministre, mais même si cette entreprise a été rachetée à la fin de 2010 par Bull, et si cette prestation a été attribuée à son nouvel acquéreur, à la suite d’un marché public, le fait que le capital change de mains ne donne aucune garantie sur le changement des méthodes employées. Voilà encore un point qu’il convient de ne pas sous-estimer !
Nos craintes restent donc intactes, malgré les garanties juridiques et informatiques que vous nous avez données avec une grande assurance. Nous aurons eu au moins le mérite d’avertir. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe CRC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si vous en êtes d’accord, repartons dans ce débat d’un impératif premier de service public.
L’État doit disposer d’un outil permettant à l’administration de délivrer des cartes d’identité et des passeports aux citoyens dans des conditions de sûreté et d’efficacité maximales.
Le besoin, pour les citoyens, de disposer de ces titres sans interruption et sans risque est amplifié, nous le voyons tous les jours, par les conditions de vie offertes par la société actuelle. La forte mobilité des personnes, la multiplicité des transactions et des démarches imposant une authentification personnelle, les questions, aggravées ces derniers temps, de sécurité dans les lieux publics font de la détention d’un document d’identité sans risque de perte ou de vol une nécessité première pour la vie démocratique et pour la vie quotidienne des citoyens.
Or les menaces sur ce support premier de nos libertés individuelles se sont amplifiées, avec le vol et la réutilisation de cartes d’identité – donc l’usurpation d’identité – et le développement de la circulation des faux documents. Puisqu’un débat un peu confus s’est établi sur ce sujet, monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de revenir, dans votre réponse finale, sur le nombre de ces infractions, leur évolution en tendance et les risques qu’elles représentent.
S’agissant, en particulier, des usurpations d’identité, nous avons tous reçu des témoignages, souvent déchirants, des multiples préjudices que celles-ci entraînent pour les victimes, avec, évidemment, des effets aggravés lorsque ces victimes sont des personnes vulnérables, peu préparées aux procédures administratives, démunies devant la complexité de la justice pénale.
Je crois donc que la nécessité de constituer un mécanisme performant pour garantir aux Français la délivrance rapide, en toutes circonstances – notamment défavorables –, d’un titre rigoureusement sécurisé ne suscite pas le moindre doute.
Je tiens d’ailleurs à exprimer ma gratitude à l’égard du Conseil national du numérique et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés pour avoir clairement indiqué qu’ils partageaient pleinement cet objectif de service public prioritaire.
Le débat, notamment avec les représentants de la société civile, porte, non pas sur la nécessité de disposer d’un outil de création, délivrance et sécurisation des titres – c’est un rôle primordial de l’État dans une société mobile –, mais, à la rigueur, sur certains points de méthode pour atteindre un tel objectif.
Il est une première question appelant encore des précisions de la part du Gouvernement, après les échanges qui ont déjà eu lieu : quel est le droit applicable, après le décret du 28 octobre, s’agissant de l’accès aux données personnelles, y compris à la composante biométrique du fichier ?
En toute logique, les premiers à avoir accès aux données d’identification sont les opérateurs du système.
Ces derniers sont strictement énumérés dans le décret, mais qu’en est-il des circonstances dans lesquelles ils peuvent saisir le fichier ? Je comprends, pour ma part, qu’il faut une demande de l’intéressé, dans le cadre d’un renouvellement du document d’identité ou d’une plainte pour perte ou subtilisation de la pièce d’identité.
Je suppose qu’il existe un deuxième angle d’accès au fichier, par le biais de la justice pénale.
Lorsqu’une enquête pénale, bien entendu encadrée par toutes les protections de la procédure pénale, justifiera que l’on accède à ces données, sur réquisition d’un juge, cet accès sera, me semble-t-il, possible. Mais se limitera-t-il aux données alphanumériques du fichier ou concernera-t-il aussi les données biométriques ?
Cet accès au fichier m’apparaît comme une clé pour le respect de l’État de droit, lequel exige aussi que la justice puisse mener son action, y compris en ayant recours au fichier.
Je vous serai reconnaissant, monsieur le ministre, de nous fournir quelques précisions sur le sujet.
La deuxième question, centrale, porte sur la sécurité d’un fichier promis à une longue durée d’existence – vous nous avez rappelé, monsieur le ministre, que le précédent remontait à vingt-neuf ans – et soumis à une utilisation intensive. Avec 60 millions de titulaires de titres d’identité, j’imagine en effet que les demandes de renouvellement de carte se comptent par centaines de milliers chaque mois.
Le débat et l’expérience nous enseignent que les cyberattaques et les opérations de hacking peuvent présenter des aspects inattendus ou imprévus.
Dans son intervention d’hier, le président du Conseil national du numérique nous a apporté deux informations essentielles : d’une part, au vu des sécurités déjà acquises dans le fichier tel qu’on l’analyse aujourd'hui, la potentialité d’une attaque réussie paraît extrêmement faible – le fait qu’il ne s’en est pas produit depuis huit ans sur le fichier existant des passeports en est la meilleure démonstration – ; d’autre part, et c’est une observation qui fait réfléchir, si une telle attaque réussissait un jour, le dommage serait évidemment massif.
Par conséquent, est-il envisageable, maintenant ou lors d’une révision, de faire encore évoluer l’architecture de ce fichier, de manière à empêcher qu’une attaque qui finirait par aboutir ne donne accès, d’un seul coup, à l’ensemble des données ?
Cette centralisation que l’on pourrait qualifier de « partagée » ou « cloisonnée » – j’improvise, n’étant pas expert – serait mise en œuvre, en préservant, naturellement, la fonctionnalité première du fichier, c'est-à-dire l’efficacité et la quasi-immédiateté de la délivrance des titres, notamment pour les personnes mises en difficulté par la perte du leur.
La dernière question concerne l’évolution ultérieure du fichier, puisque, comme je l’indiquais, celui-ci s’inscrit dans la durée. En particulier, comment vérifiera-t-on, dans le temps, le maintien de son inviolabilité ?
À l’occasion de votre passage en commission hier, monsieur le ministre, vous avez évoqué le projet – que vous venez à nouveau de mentionner – de faire réaliser un contrôle périodique des fonctionnalités du fichier et de ses éventuelles vulnérabilités. Cette mission serait confiée à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, et à la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État, la DINSIC, deux instances qui, au dire même du président du Conseil national du numérique, offrent un savoir-faire parmi les meilleurs du monde en matière de sécurité numérique.
Il serait, me semble-t-il, peu responsable que les résultats, notamment critiques, de ces contrôles périodiques soient rendus publics, car ils pourraient évidemment intéresser des utilisateurs « adverses ». Toutefois, vous paraît-il concevable qu’ils soient partagés avec des instances représentatives et responsables, comme, justement, le Conseil national du numérique et la CNIL ?
Nous jouons ici notre rôle de sénateurs, monsieur le ministre, comme contrôleurs du Gouvernement et comme vigies en matière de libertés. Je crois que ce débat, qui est bienvenu, sera constructif et la disposition d’esprit dont vous avez fait preuve depuis le début des discussions montre bien que le Gouvernement est pleinement disposé à fournir le maximum d’arguments et de réponses, mais aussi à rechercher les solutions optimales. Dès lors, il convient de vous encourager à poursuivre et conclure ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour le groupe Les Républicains.
M. François Pillet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la protection de l’identité, dont la lutte contre la fraude et contre les usurpations d’identité, constituait l’objet d’une proposition de loi sénatoriale de nos collègues Jean-René Lecerf et Michel Houel. Le parcours de ce texte s’acheva par une décision du Conseil constitutionnel – décision dont nous avions annoncé le contenu dans cet hémicycle –, en date du 22 mars 2012, censurant le fichier qui devait assurer son efficacité.
Dès lors que reprenant cet objectif, le Gouvernement réengage une action utile et que la prise d’un décret sur ce sujet n’est constitutionnellement ou légalement pas contestable, seules trois questions restent posées.
Première question, faut-il utiliser la biométrie pour sécuriser l’identité ? Passons très vite, l’utilisation, au moins dans ce domaine précis, de la biométrie n’étant plus sérieusement contestée.
Deuxième question, faut-il mettre en place un fichier central d’identité biométrique ?
Même si ce dispositif ne prémunit pas totalement contre une usurpation initiale d’identité, d’où l’intérêt, également, de porter son attention sur les vérifications opérées en amont dans la chaîne de l’identité, il interdit la multiplication de fausses identités ou d’identités usurpées. Pour parvenir au but recherché, c’est de l’avis quasi général l’option la plus efficace.
Pour autant, une vigilance accrue et permanente doit présider à sa mise en œuvre, car si l’utilisation ponctuelle à des fins de recherche criminelle de fichiers limités dans leurs étendues ne fait pas débat, la question peut se poser s’agissant d’un fichier aussi vaste – il comprendra toute la population et croisera les identités civiles et légales et les identités physiques.
Il faut admettre, comme Mme la présidente de la CNIL nous y a invités hier, lors de son audition par la commission des lois, que les caractéristiques exceptionnelles de ce fichier font franchir un cap dans la conception que l’on se fait de notre société. Pour reprendre ses propres mots, ce fichier provoque un « changement de notre rapport à la démocratie ».
On peut comprendre toutes les raisons conduisant à refuser l’existence même de ce fichier. Mais il faudra dès lors, par cohérence, admettre et sans doute prévoir la destruction du fichier créé pour les passeports biométriques, fichier recensant déjà 29 millions de personnes et susceptible d’atteindre les 60 millions de personnes de manière tout à fait naturelle, dès lors que la détention d’un passeport aura poursuivi son extension parmi la population. On imagine les conséquences qu’un tel retour en arrière engendrerait sur la circulation internationale de nos concitoyens et sur leur propre sécurité !
Aussi, ce sont les réponses apportées à la troisième série de questions qui apparaissent, seules, déterminantes : quelles finalités assigner à tout fichier central d’identité biométrique et de quelles garanties entourer un tel dispositif ?
La proposition de loi de nos collègues Jean-René Lecerf et Michel Houel se donnait pour finalité exclusive la gestion et la sécurisation des titres d’identité. Monsieur le ministre, vous nous avez assurés à plusieurs reprises, et de la façon la plus claire, que c’était également votre seul objectif et nous n’avons aucune raison de ne pas vous croire.
Puisque le fichier TES ne pourra servir à d’autres fins que celles pour lesquelles il a été initialement constitué, il ne reste plus qu’à le doter d’imparables garanties.
Celles-ci ne peuvent être que de deux types : des garanties juridiques et des garanties techniques.
Indépendamment de leurs finalités – apporter des limites légales à l’accès du fichier, organiser des contrôles de son fonctionnement, tracer ses interrogations –, nous conviendrons tous et toutes que les garanties juridiques de tous ordres, aussi nécessaires et solides qu’elles soient, ne sont par nature ni absolues ni surtout définitives. Qu’elles proviennent de la loi, ou même de la Constitution, ces règles sont mortelles !
Ne reste donc, en dernier lieu, que les garanties techniques pour apaiser définitivement nos inquiétudes face à la création de ce que j’avais dénommé à l’époque le « fichier des gens honnêtes ».
Pour nous prémunir de toute atteinte aux libertés individuelles, ce fichier doit servir la protection de nos concitoyens, en authentifiant leur identité sans jamais pouvoir permettre leur identification.
La question cruciale est celle-ci : avons-nous la certitude que ce fichier ne pourra jamais entamer une quelconque métempsycose ?
Question ultime, avons-nous la certitude de sa totale et définitive irréversibilité ?
Vous l’avez confessé hier, monsieur le ministre, vous n’êtes pas technicien. Voilà d’ailleurs, avec certitude, un point de ressemblance entre nous ! Or notre interrogation dépasse l’expression de l’insoupçonnable honnêteté de votre volonté.
Dans nos échanges d’hier, vous avez renforcé vos propos, en assurant que vous mettriez tout en œuvre pour que les experts ou les agences spécialisées nous apportent, dans une totale transparence, une réponse affirmative, nette, ferme et définitive. Vous avez ajouté la mise en place d’un contrôle annuel de sa pertinence.
Si ces conditions sont remplies, le débat sera clos. Mais si elles ne le sont pas, et nos auditions d’hier après-midi ont instillé encore un doute, auquel vous avez d’ailleurs laissé la place, il faudra, après avoir évidemment suspendu la mise en œuvre de votre décret, réfléchir à nouveau à la protection de l’identité par d’autres moyens, qui susciteront d’autres interrogations, comme la création d’une carte d’identité biométrique à puce, et ce sans qu’aucune donnée budgétaire n’interfère dans l’appréciation des risques encourus pour les libertés.
En toute hypothèse, je pense avoir compris au contenu et au ton de vos propos d’hier matin que la position de fond exprimée par notre assemblée en 2012, dictée par un Sénat une nouvelle fois défenseur vigilant des libertés, doit s’imposer ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jacques Bigot. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir demandé à ce que ce débat soit organisé, dans des délais extrêmement contraints pour vous, et de nous permettre, ainsi, d’échanger sur le sujet dans le cadre, naturel, de notre mission de contrôle de l’action gouvernementale.
Personne ne peut contester l’application de l’article 37 de la Constitution : celui-ci vous autorisait à prendre les mesures que vous avez prises par voie de décret.
On peut peut-être contester l’existence même de cet article 37, comme je l’ai entendu dans la bouche de la première oratrice, Mme Éliane Assassi, mais il s’agit là d’un autre sujet. Au regard de la Constitution, la position que vous avez adoptée était légitime.
Tout aussi légitime est ce débat, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, dont vous permettez la tenue. Le Parlement, en effet, ne peut que s’interroger sur ces questions.
Dans la lignée de l’intervention, comme toujours très équilibrée, de notre collègue François Pillet, j’observerai qu’on ne peut avoir, sur un sujet de cette nature, aucune garantie définitive, ni aucun débat clos. Heureusement, notre discussion ne semble pas polémique – si c’était le cas, elle serait inutile – ; savoir si elle est constructive, c’est encore un autre sujet !
Comme François Pillet l’a souligné, les garanties juridiques présentent quelques difficultés. Elles sont précisées dans le décret, comme l’a rappelé notre collègue Alain Richard, et devront être mises en œuvre en toutes circonstances.
La question des garanties techniques est beaucoup plus complexe.
L’audition du président du Conseil national du numérique, que nous avons entendu hier, nous a bien démontré que l’évolution des technologies implique une remise en cause incessante de la fiabilité des dispositifs de sécurité.
Par ailleurs, mes chers collègues, nous vivons au quotidien dans une société du numérique – n’avons-nous pas adopté une loi pour une République numérique ? Où est ma liberté individuelle lorsque je me promène avec un smartphone, qui m’identifie à tout moment et repère ma position ? L’évolution est donc considérable, et les équilibres difficiles à trouver.
Votre proposition ultime, monsieur le ministre, consistant à laisser les citoyens choisir de ne pas être inscrits dans le fichier pour la totalité des informations les conduira à se poser des questions sur les éléments qu’ils seront prêts à fournir ou pas. Mais d’autres questions se poseront aussi – sécurisation totale ou partielle du titre, accès à la dématérialisation ou à une démarche simplifiée et modernisée de renouvellement de la carte d’identité ou du passeport –, et les choix qu’ils feront seront déterminants dans la procédure mise en œuvre au moment de l’élaboration du document d’identité.
Le vrai sujet, qui reste ouvert et le restera toujours, est de savoir comment nous pouvons vivre dans cette société du numérique, en tout point révolutionnaire.
Comme cela a déjà été évoqué lors de l’examen des lois sur le terrorisme, nous ne pouvons pas passer à côté de cette révolution de société, qui, selon Michel Serres, a une portée tout aussi extraordinaire que celle de l’invention de l’imprimerie. Cette révolution, il faut bien que nous nous l’appropriions !
De plus, nous vivons dans un monde extrêmement ouvert, du fait de la mondialisation, mais aussi, dans le cadre de la construction européenne, de l’espace Schengen. Le titre d’identité, qu’il s’agisse du passeport ou de la carte nationale d’identité, est de plus en plus utilisé par nos concitoyens pour se déplacer en Europe et dans le monde et, partout, la sécurité est une exigence.
Se pose donc une dernière question, quasi technique aussi : ne serait-ce pas plus simple d’avoir, au lieu du fichier, une carte d’identité avec puce ?
Hier soir, les représentants de la CNIL comme le président du Conseil national du numérique nous ont expliqué que le risque de fraude sur les puces était beaucoup plus grand que le risque d’attaque sur un fichier centralisé, sans doute car la fraude est beaucoup plus facile sur ces dernières. De ce fait, les titres seraient moins sécurisés et les problèmes de falsification et de fraude subis par nos concitoyens plus importants.
Mes chers collègues, élaborer de telles dispositions d’ordre réglementaire, dans le cadre donc d’un décret, conformément à notre Constitution, c’est choisir un équilibre intelligent entre ce que l’on veut et les risques que l’on est prêt à encourir.
À mon sens, monsieur le ministre, et vous l’avez vous-même souligné, votre texte n’est en rien identique au projet élaboré en 2012, qui, lui, supposait de recourir à la loi, car le fichier alors envisagé était beaucoup plus largement ouvert, avec, notamment, l’idée que la carte permette la signature.
Rien de tel ici ! Il s’agit simplement de moderniser le service public de la délivrance des cartes d’identité et des passeports. À l’époque, le Conseil constitutionnel avait sanctionné la loi ; nous estimons, comme le Conseil d’État, d’ailleurs, qu’il n’aura pas de raison de le faire aujourd'hui.
Ce débat était souhaitable. Je vous remercie, monsieur le ministre, de l’avoir ouvert.
Je vous remercie également de nous rendre compte des travaux de l’ANSSI et de la DINSIC, et de faire en sorte que le système soit amélioré si, effectivement, on peut trouver des techniques apportant une plus grande sécurité à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains.
M. François Bonhomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais commencer mon intervention en saluant l’initiative de Philippe Bas, qui, au nom de la commission des lois, a demandé à obtenir des précisions sur les finalités et l’utilisation de ce qui s’apparente à un mégafichier, regroupant les données personnelles des Français.
Naturellement, comme souvent en pareil cas, la constitution d’un fichier par le ministère de l’intérieur, fut-ce par la réunion de plusieurs bases de données existantes, suscite un grand nombre de questions, tout particulièrement lorsque ce dispositif concerne potentiellement 60 millions de Français.
Le fichier dont nous discutons ici est le réceptacle de toutes les craintes, craintes parfois largement fantasmées ; il n’en demeure pas moins qu’il est inédit dans notre pays, ne serait-ce que par son ampleur.
Tout d’abord, je note que les conditions du débat sont quelque peu fragilisées.
Permettez-moi de dire à mon tour, monsieur le ministre, qu’il aurait été plus sage de veiller à ne pas publier un tel décret à l’avant-veille de la Toussaint, date qui ne me paraît pas la plus appropriée au caractère par nature sensible de cette question.
Vous êtes trop fin connaisseur pour ne pas mesurer que cela a inutilement alimenté la suspicion d’une action en catimini, selon les propres termes de la CNIL ou du secrétariat d’État chargé du numérique et de l’innovation.
En outre, l’ordre logique des choses fait défaut, car si l’on peut se réjouir de l’organisation d’un débat, même sans vote, devant le Parlement, le fait d’accéder aux demandes d’une discussion portant sur le contenu d’un décret d’ores et déjà publié et mis en œuvre comporte une contradiction un peu malvenue.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. François Bonhomme. C’est pourquoi, à ce stade, monsieur le ministre, on ne peut que souhaiter que vous tiriez toutes les conséquences de cette « session de rattrapage », si les questions soulevées depuis la parution du décret n’obtiennent pas de réponses suffisamment claires, compte tenu de l’enjeu qui nous occupe.
C’est d’autant plus important que nous nous trouvons dans un domaine où nos citoyens doivent pouvoir avoir confiance, confiance dans les services publics numériques, dans les conditions d’utilisation et d’exploitation des données de l’État, et dans leur sécurité.
La plupart d’entre nous partagent l’objectif de modernisation des bases de données, de renouvellement des titres et, bien sûr, de sécurisation des données pour lutter contre la fraude documentaire, notamment l’usurpation d’identité.
J’ajoute qu’il n’est pas nécessaire de surestimer la fraude pour justifier la création de ce fichier, comme cela a été relevé par un journal du soir.
De nombreuses interrogations ont été formulées à l’occasion des auditions qui ont été menées, hier, par la commission des lois.
Le Sénat, tout particulièrement après la décision du Conseil constitutionnel lui ayant rendu justice, a le souci de l’équilibre délicat à trouver entre la sécurité dans la délivrance et le renouvellement des titres et l’impératif de respect des libertés publiques et de protection des données privées.
Devant la commission des lois, vous avez apporté un certain nombre de garanties. En particulier, vous avez exclu la consultation de la base à partir des données biométriques et confirmer que le Conseil constitutionnel avait rendu la consultation des données biométriques en vue de l’identification impossible, garantie propre à notre État de droit.
Je n’y reviendrai pas.
En revanche, de fortes interrogations demeurent sur le plan technique.
Vous avez précisé que vous aviez saisi la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État pour qu’elle procède à toutes les investigations qu’elle jugerait utiles et que vous rendriez public le rapport qui en découlerait. Dont acte.
S’agissant du risque de piratage, vous avez indiqué que la base ne pourrait pas être attaquée informatiquement, du fait des pare-feu que vous aviez mis en place, sans que ceux-ci, on peut le comprendre, ne puissent être rendus publics.
Enfin, vous avez affirmé votre volonté d’obtenir, pour l’avenir, un avis conforme de l’ANSSI, une homologation du dispositif avec la possibilité d’un audit auquel vous vous êtes engagé à vous conformer, en prenant, le cas échéant, toutes les mesures complémentaires qui s’imposent.
Vous nous garantissez donc que la sécurité est assurée ou, en tous cas, en voie de l’être.
Pour autant, les auditions ne nous ont pas totalement rassurés quant à ces affirmations.
Le Conseil national du numérique, qui s’est autosaisi, a rappelé les cas de piratage à grande échelle, posant de lourdes questions.
L’un des exemples avancés a été celui des bases de données de l’administration américaine, dans lesquelles les empreintes digitales de 21 millions de personnes ont été « hackées ». L’entreprise Yahoo, qui dispose des plus grands ingénieurs en informatique, s’est également fait pirater une partie de ses données. Enfin, le cas de la National security Agency, la NSA, a été évoqué.
M. Loïc Hervé. Bons exemples !
M. François Bonhomme. Ce sont autant d’exemples, en dehors des cas purement théoriques, qui doivent nous conduire à une prudence redoublée.
Selon le Conseil national du numérique, certains hackers de par le monde ont démontré qu’ils pouvaient accéder aux bases, même les plus sécurisées.
L’enjeu se situe donc, non pas tant sur le plan juridique, mais sur le plan technologique. De ce point de vue, j’ai le sentiment que nous nous trouvons dans une sorte d’« angle mort technique ». En tout cas, je me permets d’exprimer devant vous des doutes, monsieur le ministre, que vous dissiperez peut-être tout à l’heure…
Le Conseil national du numérique nous a alertés, en particulier, sur le fait qu’on ne connaissait pas l’architecture technologique et la méthodologie utilisée, qui semble essentielle pour garantir la sécurité du dispositif, étant signalé que la France possède un grand nombre d’experts dans ce domaine.
Cette question du choix technologique n’est pas anecdotique ; elle est même centrale. Ce choix technologique doit être explicité et confronté à l’opinion des acteurs du numérique. Monsieur le ministre, des experts extérieurs pourront-ils participer à la consultation pour avis ?
N’ayons pas peur, la France a la chance d’avoir une expertise propre dans ce domaine, expertise qu’il convient d’intégrer, me semble-t-il, dans le cadre de la saisine pour avis de l’ANSSI. C’est, de toute façon, le meilleur moyen d’éprouver notre système. Rien ne serait pire que la mise à jour accidentelle d’une faille majeure, car elle ruinerait durablement les objectifs de modernisation et de sécurisation par l’État des services publics numériques, l’une et l’autre allant de pair. La Cour des comptes, dans un rapport publié en février dernier, a rappelé fort à propos le retard pris en la matière et l’enjeu que cela représente pour demain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Républicains.
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Commission nationale de l’informatique et des libertés vient d’emménager dans de nouveaux locaux. Par une étonnante coïncidence, la façade de l’immeuble porte une plaque avec l’inscription suivante : « Dans ce bâtiment, qui abritait le Commissariat général au travail obligatoire, le 25 février 1944, un commando du Mouvement de libération nationale conduit par Léo Hamon détruisit le fichier des jeunes Français de la classe 42 susceptibles d’être appelés pour le service du travail obligatoire. »
Nos aînés ont dû lutter, à une époque terrible, pour amoindrir la menace d’un fichier centralisé.
En 1955, le souvenir de l’État français étant encore vivace, le ministère de l’intérieur a décidé d’instaurer une carte nationale d’identité facultative, gérée exclusivement à l’échelon départemental par les préfectures, pour éviter la constitution d’un fichier central.
Depuis lors, les entorses à cette règle ont été nombreuses, cela a été rappelé ; avec le fichier unique de tous les Français, vous mettez la dernière main à son abandon.
C’est dangereux, monsieur le ministre. Vous le savez bien puisque vous multipliez les garanties. Mais nous savons aujourd’hui – j’ai tant d’exemples à votre disposition ! – que les mots « fichiers informatiques » et « garanties absolues » sont contradictoires.
Les deux dangers principaux, chacun les connaît désormais : l’identification et le piratage.
Vous nous dites que le traitement ne comporte aucune possibilité d’identifier une personne à partir de ses données biométriques, qu’il s’agit d’une impossibilité juridique, mais aussi d’une impossibilité technique.
M. Ladislas Poniatowski. Ce qui est faux !
M. Claude Malhuret. C’est mon premier point de désaccord avec vous. Lorsqu’on dispose de deux bases de données mises en correspondance, chacun des items de la seconde étant accessible à partir de ceux de la première, l’opération inverse est évidemment possible.
Elle ne l’est pas aujourd’hui non pas pour des raisons techniques, mais pour des raisons politiques, parce que vous avez décidé de ne pas permettre cette opération, et je vous en donne acte. Mais, demain, un autre gouvernement disposant de ces deux bases de données pourra la réaliser.
Quant à l’impossibilité juridique, puis-je vous rappeler que, par le passé, la finalité de fichiers biométriques a déjà été détournée sans saisine des organes de contrôle ? Cela fut le cas pour le fichier national automatisé des empreintes génétiques utilisé, depuis 2000 et l’affaire Élodie Kulik, sur réquisitions judiciaires pour effectuer des recherches de personnes qui ne sont pas censées être dans la base. Or le fichier TES est lui aussi susceptible de réquisitions judiciaires.
La deuxième crainte s’attache à la possibilité de piratage.
Vous affirmez que la sécurité du fichier est suffisante, car les données sont protégées de plusieurs manières. Pour ma part, je n’ai qu’une certitude : en matière de sécurité informatique, aucun système n’est imprenable.
M. Ladislas Poniatowski. Bien sûr !
M. Claude Malhuret. Centraliser les données au sein d’une même base revient nécessairement à centraliser les risques. Or, depuis quelques années, on ne compte plus les exemples de fuites de données, conséquences de négligences publiques ou privées. Et vous savez que ce fichier est d’un intérêt exceptionnel pour des personnes et des institutions très puissantes qui ne nous veulent pas que du bien.
Une question à ce sujet : vous nous avez annoncé hier en commission que les traitements se feront exclusivement en France pour ce qui concerne le ministère de l’intérieur. Vous n’avez rien dit du ministère des affaires étrangères. Pouvez-vous nous confirmer que tous les traitements, pour tous les ministères, seront effectués en France ?
Vous exprimez votre souci de transparence. Mais, d’une part, notre débat est postérieur au décret, ce qui est une drôle de méthode, et surtout ce débat n’a lieu que grâce à la mobilisation de la CNIL, du Conseil national du numérique, de la presse et de la société civile. Plus que de la transparence, c’est une concession à laquelle vous êtes obligé pour éteindre un incendie que vous n’aviez pas prévu.
De la même façon, votre engagement à solliciter l’avis de l’ANSSI et de la DINSIC souligne surtout le fait que vous n’avez pas jugé bon de les consulter avant de prendre le décret. C’est regrettable, car ces deux instances ne pourront donc pas étudier les solutions alternatives, mais devront s’en tenir à votre solution, adoptée sans leur avis. Or les spécialistes nous disent que d’autres solutions sont possibles, notamment celles qui assurent une meilleure protection pour les libertés publiques et contre le piratage sans créer un fichier de toute la population française, par exemple la carte d’identité numérique.
Les deux seuls arguments contre cette solution que j’ai entendus à ce jour de votre part sont les suivants : premièrement, c’est plus cher ; deuxièmement, c’est compliqué de refaire un titre en cas de perte ou de vol. De tels arguments, au demeurant discutables selon moi, sont-ils recevables quand il s’agit des libertés fondamentales ?
La résistance de la société civile vous a inspiré une première concession : le caractère optionnel de la remontée des données biométriques dans la base informatique et l’engagement de vous conformer à l’avis de l’ANSSI et de la DINSIC. Ce faisant, vous suscitez de nouvelles questions sur l’intérêt du fichier et le débat se complique. Je vous propose donc un dernier effort pour aller jusqu’au bout de votre volonté de transparence : suspendez ce décret, comme plusieurs de mes collègues l’ont demandé, jusqu’à ce que le débat aille à son terme, que les avis de l’ANSSI et de la DINSIC soient rendus et que les solutions alternatives évoquées par la CNIL et le Conseil du numérique soient étudiées.
C’est la meilleure solution pour retrouver la confiance et parvenir de façon concertée à une solution protectrice de la sécurité, mais aussi des libertés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Ladislas Poniatowski. Excellent !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne sais pas si ce débat aura intéressé tous les Français, mais en tout cas il les concerne tous individuellement, et je pense qu’il était utile qu’il se tînt. Je remercie le ministre de l’avoir provoqué.
Nous avons ici toutes les raisons de l’aborder sans préjugé défavorable, car le Sénat a en quelque sorte l’antériorité sur cette question.
Nous nous sommes préoccupés dès 2005 des détournements d’identité et des falsifications de titre d’identité. Comme l’a rappelé notamment notre collègue Alain Richard, c’est chaque fois une tragédie pour un individu, pour sa famille. Nous savons aussi que l’efficacité des forces de sécurité dans le contrôle d’identité dépend de la fiabilité des titres d’identité.
Nous avons produit un rapport voilà dix ans et déposé une proposition de loi que nous n’avons pas pu voter. Le Conseil constitutionnel nous a ensuite donné raison, en 2012.
C’est peu dire, monsieur le ministre, que vous vous exprimez devant une assemblée qui a beaucoup réfléchi à ces questions.
Y avoir réfléchi n’interdit d’ailleurs pas de prendre en compte les évolutions et de rester vigilants, car nous nous voulons non seulement une chambre de réflexion, mais également une assemblée protectrice des libertés publiques, et nous ne devons pas rester sourds.
Les inquiétudes qui s’expriment au sein de notre société ont parfois été relayées par des experts qui ont étudié ces questions de manière approfondie sur le plan technique, beaucoup mieux que la plupart d’entre nous ou vous-même, monsieur le ministre, serions capables de le faire.
Le Sénat, je le crois, partage très largement la confiance que vous exprimez à l’égard de vos services techniques comme à l’égard de l’ANSSI. Mais il observe que de grandes institutions, dans les années récentes, ont vu leurs systèmes informatiques attaqués et, malgré leur expertise, malgré la sécurité des systèmes en question, ces attaques n’ont pas toujours été vaines.
Il entend aussi les préoccupations exprimées tant par la Commission nationale de l’informatique et des libertés que par le Conseil national du numérique, et même par certains membres du gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre. Il relève que l’on trouve en Europe peu d’équivalents au dispositif que vous souhaitez mettre en place.
Tout cela justifie de notre part une certaine prudence et un doute critique. Nous n’affirmons pas le « mal-fondé » du choix que vous avez fait, monsieur le ministre, mais nous nous interrogeons véritablement.
Cette interrogation n’a pas été entièrement levée par votre audition d’hier matin et par votre propos introductif à ce débat, tant s’en faut. C’est pour nous un motif suffisant pour vous dire que, certes, nous ne contestons pas un certain nombre de points et de garanties juridiques extrêmement importants que vous avez mis en avant, mais que, pour autant, il vous faut encore travailler pour nous convaincre que le dispositif que vous souhaitez mettre en place – et que le décret permet de mettre en place – est pleinement sécurisé.
Oui à la lutte contre la fraude, oui à la protection de nos concitoyens contre les usurpations d’identité, mais à condition que les modalités de cette lutte ne portent pas atteinte plus gravement encore aux libertés et à condition aussi que ce fichier soit efficace.
À cet égard, la décision que vous avez annoncée de rendre facultative l’inscription dans ce fichier ajoute encore au doute. Pourquoi prendre la responsabilité de mettre en place un tel fichier s’il n’est pas complet, s’il comporte des trous et si, par conséquent, son utilité et d’entrée de jeu amoindrie ?
À l’inverse, si ce fichier ne présente pas toutes les garanties techniques pour éviter qu’il puisse être modifié dans son utilisation – c’est toute la question de sa réversibilité et de l’évolution dans le temps du traitement des données qu’il contient –, l’interrogation sur l’opportunité de votre décision reste entière. Nous avons besoin d’une réponse efficace au problème de la falsification d’identité sous toutes ses formes et nous avons besoin aussi de davantage d’assurances contre les dérives possibles auxquelles pourrait donner lieu un tel fichier : dérives internes qui seraient le fait de ceux qui sont chargés de l’exploiter ou attaques dont il pourrait faire l’objet de l’extérieur.
Monsieur le ministre, je rends hommage à votre effort d’explication et d’écoute, et j’apprécie votre volonté d’ouvrir vos dossiers. Je reconnais que la réponse en termes de procédure que vous avez esquissée en nous donnant l’assurance d’une consultation qui sera rendue publique de l’ANSSI, que le souhait que vous formulez d’un contrôle permanent de l’exploitation d’un tel fichier auquel le Parlement serait associé vont dans la bonne direction. En revanche, je ne pense pas que vous ayez eu raison d’altérer par avance l’efficacité de votre dispositif en le rendant facultatif.
Ma demande est tout autre, et je veux joindre ma voix à celle de la plupart d’entre vous, mes chers collègues, qui avez réclamé la suspension de ce décret.
Monsieur le ministre, depuis la décision du Conseil constitutionnel en 2012, c’est peu dire que le Gouvernement, avant de se précipiter dans la dernière ligne droite, a laissé passer beaucoup de temps. Il n’a pas été fait beaucoup de publicité autour du travail que vous n’avez pas manqué de mener, et c’est peu dire que la concertation n’a pas été au rendez-vous pour préparer la décision que vous avez prise.
Il est encore temps, en suspendant ce décret, de tester de manière approfondie toutes les fonctionnalités de votre fichier, d’évaluer sa résistance aux agressions, de consulter des experts qui ne seront pas seulement les experts des agences gouvernementales, de confronter les points de vue de ces experts, de rendre public ce dialogue des experts et, enfin, d’explorer davantage peut-être – et sans doute pour les récuser, même si on ne peut rien préjuger – les alternatives.
Je suis très sensible, pour ma part, à ce qui nous a été dit sur l’utilisation possible, sans fichier centralisé, d’une carte à puce contenant les éléments biométriques nécessaires à l’authentification de l’identité des personnes, même si ce système est moins performant pour lutter contre la fraude.
Monsieur le ministre, si vous suspendez ce décret, si vous prenez le temps – et vous en avez déjà pris beaucoup depuis 2012 – de remettre à plat la question, vous aurez le Sénat à vos côtés pour qu’une décision objective et parfaitement éclairée puisse enfin être prise. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord vous remercier toutes et tous, quel que soit votre groupe politique, pour la qualité de ce débat, pour les arguments qui ont été développés, pour les interpellations que vous avez formulées et dont, vous le savez, le Gouvernement tient le plus grand compte.
Je voudrais insister sur quelques points.
Ce débat se déroule comme si l’application dont nous parlons et les fichiers dont il est question venaient d’être subitement créés, voilà quelques jours, le 28 octobre, et que rien auparavant n’existait, ou que n’existait, à entendre le président Philippe Bas, qu’un dispositif hautement recommandable ne suscitant aucune question, contrairement à celui-ci.
Je voudrais simplement, pour éclairer le Sénat, rappeler que le fichier dont nous parlons existe depuis 2008 ; c’est une application sur laquelle nous greffons les cartes d’identité. Monsieur Bas, j’ai là l’avis de la CNIL sur le fichier mis en place en 2008 par un ministre de l’intérieur qui, à l’époque, n’était pas moi et par un Président de la République qui n’était pas François Hollande.
Voilà ce que dit la CNIL : « De même, la réalisation d’une application de gestion électronique des documents, destinée à faciliter les conditions de délivrance ou de renouvellement d’un passeport, n’est pas non plus de nature à justifier la conservation de données biométriques. » Nous sommes en plein dans le débat qui nous occupe aujourd’hui.
La CNIL poursuit : « Par conséquent, même si le ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales s’engage à préciser aux termes du projet de décret qu’il ne sera pas possible de procéder à une recherche en identification à partir de l’image numérisée des empreintes digitales et que le système envisagé ne comportera pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de l’image numérisée de la photographie, la conservation dans une base centrale des images numérisées du visage et des empreintes digitales semble disproportionnée. »
Mesdames, messieurs les sénateurs, je me permets de vous rappeler que, à l’époque, ce ne sont pas moins de huit empreintes qui étaient conservées ; désormais, on n’en conserve plus que deux.
La CNIL ajoute : « La commission considère enfin que l’ampleur de la réforme qui se dessine et l’importance des questions qu’elle peut soulever justifieraient que, comme elle l’a rappelé à plusieurs reprises, le Parlement en soit saisi sous forme d’un projet de loi, qui lui serait préalablement soumis pour avis. »
Cela signifie qu’en 2008, alors que le Sénat, comme l’a dit le président Bas à l’instant, travaillait sur ce sujet depuis 2005, la CNIL a rendu un avis sur un projet de décret relatif à une application identique à celle dont il est question à l’instant, avis dans lequel elle dit exactement la même chose qu’aujourd’hui, à une différence près, c’est qu’elle proposait qu’il y ait un débat et non pas qu’on en passât par un texte de loi.
Tous ceux qui se sont exprimés aujourd’hui à la tribune du Sénat pour nous expliquer ce que nous devions faire n’ont eux-mêmes rien fait à l’époque, pas même organisé un débat. Rien ! Pour ma part, compte tenu des interrogations que suscite cette application, strictement identique à celle de 2008, en tant que ministre de l’intérieur, je viens m’exprimer devant vous. Mais alors que la CNIL s’est exprimée en des termes identiques à ceux de 2008, on me suspecte de refuser le débat, alors même qu’aucun débat n’avait été organisé en 2008 après qu’elle eut rendu un avis similaire.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’était sans doute là une manifestation de la démocratie dans sa forme la plus pure chimiquement… Permettez-moi de vous dire, sans aucun esprit polémique, que j’éprouve quelques difficultés à accéder à ce raisonnement. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Je le répète, l’application sur laquelle nous greffons les cartes identité est exactement celle sur laquelle la CNIL avait rendu, en 2008, l’avis dont je viens de citer quelques extraits.
Je comprends toutes les inquiétudes, et j’y réponds. En outre, je le dis en toute humilité, je ne suis pas compétent en matière informatique pour estimer si telle base ou telle autre peut faire l’objet d’une attaque. Mes services me donnent des éléments sur une application qui fonctionne depuis 2008, qui n’a jamais subi aucune attaque et dont on a pu mesurer la fiabilité informatique. Ils me disent qu’il n’y a aucune raison, parce qu’elle inclut désormais le traitement des cartes d’identité, que cette base se mette subitement à « dysfonctionner » parce qu’une autre majorité accéderait au pouvoir ou qu’un autre ministre serait aux responsabilités.
Si, malgré tout, on me dit, comme vous le faites, que cette application peut connaître des dysfonctionnements, n’étant pas technicien moi-même, je saisis alors les techniciens compétents et demande à l’ANSSI, dont c’est le rôle, de s’assurer que les dispositifs informatiques de l’État fonctionnent comme ils le doivent avec le niveau de sécurité qu’on est en droit d’attendre. Je propose même que le rapport de l’ANSSI soit rendu public et m’engage à en tirer toutes les conclusions quant au contenu du décret. Et l’on m’explique – pas ici, fort heureusement, mais ailleurs – que, saisir l’ANSSI au sujet des interrogations qu’ont formulées la représentation nationale, la CNIL ou le Conseil national du numérique et rendre publiques ses conclusions, c’est utiliser des arguments d’autorité ! Mais pourriez-vous me dire ce qu’il me faudrait faire pour être agréable ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Je suis prêt à entendre tous les arguments !
Mon état d’esprit, c’est la volonté d’assurer une totale transparence et un respect rigoureux de droit. Non seulement j’entends n’attenter à aucune de nos libertés publiques, mais encore je compte les renforcer.
À l’intention notamment de M. Hervé, je rappelle qu’en 2008 il n’y a pas eu de débat, en dépit de l’avis rendu par la CNIL. Pour ma part, je me suis exprimé devant les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, je m’exprime devant vous en séance publique et reviendrai m’exprimer autant de fois que cela sera nécessaire. Si je comprends bien vos propos, quand un débat est organisé à la demande du Gouvernement pour répondre aux interrogations, celui-ci recule ; et lorsqu’il n’organise pas de débat, il est psychorigide ! Là encore, je vous demande de me dire en toute franchise ce qu’il conviendrait de faire pour être agréable à ceux qui nous interpellent sur cette question qui demande d’être traitée avec rationalité, précision et une bonne foi partagée.
Je ne veux faire de la peine à personne, mais cela me rappelle les procès de Moscou : quelle que soit la réponse qu’on apporte à la question, on est condamné, on a tort !
Vous avez demandé que soient apportées un certain nombre de garanties. Je le redis devant la représentation nationale, je suis sincèrement animé de la volonté de moderniser un service public en utilisant une application que vous avez, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition nationale et de la majorité sénatoriale, vous-mêmes créée, qui a les mêmes caractéristiques informatiques, qui repose sur les mêmes applications et qui présente les mêmes garanties. Essayons simplement de bonne foi de cheminer ensemble en examinant comment apporter ces garanties. Je communiquerai tous ces éléments très scrupuleusement, parce que j’ai la volonté que cette réforme réussisse et que cette application fonctionne.
Je tiens à ce qu’il soit bien acté que, en 2008, en dépit de l’avis rendu alors par la CNIL et que j’ai indiqué, l’application dont on parle n’a fait l’objet d’aucun débat, n’a donné lieu à aucune discussion ; on n’a enregistré aucun frémissement à la surface de la mer… Pas moins de 30 millions de titres étaient concernés, soit la moitié du nombre des fichiers dont on parle. Mais le problème ne tient pas simplement au nombre de titres concernés, car pirater ne serait-ce que 30 millions de titres et pouvoir attenter aux libertés individuelles de 30 millions de personnes, ce serait un sujet en soi et ce serait aussi problématique que de porter atteinte aux libertés de 30 millions de personnes supplémentaires. C’est donc non pas un problème de nombre, mais un problème de principe.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le dis avec la plus grande sincérité : je souhaite que l’on aborde ce sujet de façon non politique, si c’est possible – mais je n’ai pas beaucoup d’espoir –, et en toute rationalité – j’en ai davantage –, et que l’on essaie de trouver, en étant aussi sincères que possible les uns à l’égard des autres, un bon dispositif permettant de délivrer des titres sécurisés dans un contexte de menace élevée pour notre pays.
Je voudrais maintenant répondre à la fois à Mme Benbassa, à M. Malhuret et à Mme Assassi.
Monsieur Malhuret, vous m’aviez déjà interpellé de la sorte lors de l’examen de la loi du 21 juillet 2016 prorogeant l’état d’urgence. Vous avez fait référence, au début de votre propos, à l’inscription apposée sur la façade de l’immeuble abritant désormais la CNIL. Je veux vous rassurer au cas où vous auriez un doute : je suis un ministre totalement républicain…
M. Claude Malhuret. Ce n’était pas contre vous !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … et je ne mets pas en place des fichiers pour qu’on puisse organiser des déportations ou mettre en place un service de travail obligatoire. Faire ce rapprochement historique entre ces fichiers d’hier, qui n’avaient ni les mêmes finalités ni les mêmes modalités de consultation, et qui n’étaient pas administrés par la même police – c’est la police de Vichy qui était en situation de responsabilité, non pas la police républicaine à la tête de laquelle je me trouve aujourd’hui –,…
M. Claude Malhuret. Je vous en ai donné acte !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … et ce fichier qui présente toutes les garanties, c’est un raccourci, une forme d’amalgame…
M. Ladislas Poniatowski. Aucun amalgame n’a été fait !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … et une façon de présenter les choses qui peut être blessante pour tous ceux qui travaillent à mes côtés.
Je pense au secrétaire général du ministère de l’intérieur, je pense au directeur général des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’intérieur, qui sont de grands fonctionnaires républicains et qui ont une volonté absolument impeccable de respecter les libertés publiques.
M. Ladislas Poniatowski. Il n’est pas correct de traiter l’intervention de Claude Malhuret de la sorte !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je dis simplement que ce type de propos laissant à penser que le dispositif que nous mettons en place pourrait avoir cette finalité est extrêmement blessant pour les fonctionnaires du ministère de l’intérieur, pour le ministre qui les dirige et pour ce gouvernement, parfaitement républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Entrons dans le fond des choses : quelles sont les objections que vous m’opposez, dont je tiens d’ailleurs le plus grand compte ?
Mme Assassi nous dit que le sujet est, certes, de nature réglementaire, mais que le Conseil d’État, dans son avis, estime que le Gouvernement aurait pu emprunter la voie législative. Je n’ai jamais contesté qu’on puisse introduire dans la loi des mesures d’ordre réglementaire : on le fait tous les jours. J’ai simplement dit qu’en agissant par la voie réglementaire nous nous conformions au droit.
J’ai dit aussi que, à force d’inscrire dans la loi des dispositions réglementaires, on crée une inflation législative qui empêche les assemblées de délibérer correctement et qui nous empêche de produire des lois avec une rapidité suffisante pour faire des réformes utiles. C’est un facteur d’embolie et d’affaiblissement de la démocratie, à un moment où nous avons besoin d’un État fort capable de prendre des décisions promptement sur des sujets essentiels.
Vous me demandez par ailleurs comment empêcher juridiquement une utilisation abusive du fichier par un gouvernement animé d’intentions moins bonnes.
Je dis à Mme Assassi, à Mme Benbassa, à M. Hervé et à M. Malhuret que nous sommes dans un État de droit. Je comprends et ne conteste pas qu’il puisse y avoir bien des formes de perversité numérique, mais je crois pour ma part à la force du droit. Si demain un gouvernement voulait rendre possible l’identification d’une personne par la consultation de ses données numériques, il faudrait changer la loi – ce ne serait pas possible par voie de décret – et, compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel de 2012, il faudrait modifier la Constitution. Il ne serait pas possible, mesdames, messieurs les sénateurs, de mettre en place un dispositif législatif pernicieux sans que cela se voie. Je le répète, nous sommes dans un État de droit.
Une seconde argumentation est développée : si ce n’est pas possible sur le plan juridique, il n’en est pas de même sur le plan technique. À cet égard, M. Malhuret avance plusieurs arguments. Selon lui, dès lors que l’on peut passer d’un compartiment à l’autre dans un sens, on doit pouvoir passer d’un compartiment à l’autre dans l’autre sens.
Ce fichier comporte trois compartiments étanches. L’un d’entre eux concerne les données alphanumériques, c’est-à-dire les éléments compris dans la feuille CERFA, un autre contient les données biométriques et le troisième, les pièces justificatives. On ne peut pas passer du compartiment biométrique au compartiment d’identification, mais on peut passer du compartiment qui contient les identités vers le compartiment biométrique pour les interroger.
Techniquement, la réversibilité est-elle possible ? Je constate que tous ceux qui me disent : vous n’êtes pas techniquement compétent pour nous garantir que cela n’est pas possible s’estiment tous suffisamment compétents techniquement pour me dire que l’inversion est possible. Pour ma part, aujourd’hui je ne suis pas, d’un point de vue technique, en situation de donner ces garanties. Mes services me les donnent. Il y a une interrogation : je la prends au sérieux, je saisis la DINSIC et l’ANSSI ; je rendrai public leurs rapports. C’est donc que je considère que nous sommes en situation d’apporter la réponse à cette question.
Ensuite, il m’est dit : Puisque ces rapports ne sont pas encore rendus publics, suspendez le décret. Or, je le rappelle, j’ai indiqué publiquement que l’application nouvelle ne serait pas mise en œuvre aussi longtemps que l’homologation et l’avis de l’ANSSI ne seraient pas rendus publics, cet avis étant un avis conforme.
Par ailleurs, vous comprendrez qu’un ministère comme le nôtre, confronté à des défis toujours plus divers, a besoin d’avoir des préfectures et des sous-préfectures fortes. Je viens d’ailleurs dans vos territoires pour expliquer le sens de cette réforme, qui est, vous le savez, parfaitement bien accueillie par les personnels des préfectures et des sous-préfectures.
S’agissant d’une réforme sur laquelle nous travaillons depuis deux ans, en concertation avec l’ensemble des acteurs, je ne vais pas décider de suspendre un décret sous prétexte que l’avis de l’ANSSI ne m’a pas été donné, alors même que ce décret ne sera appliqué qu’à partir du moment où l’avis de l’ANSSI m’aura été communiqué et aura été rendu public.
Je réponds aussi à M. Alain Richard et à M. le président Bas, voilà toutes les précautions que nous prenons.
Si, au terme de ces éléments, l’Assemblée nationale et le Sénat considèrent que la contribution technique de ces grands organismes au débat justifie que le Gouvernement revienne devant le Parlement et lui indique, alors qu’il s’agit d’un décret, les conditions dans lesquelles il entend le modifier pour que toutes les ambiguïtés soient levées, je le ferai. Quelles garanties supplémentaires puis-je donner ?
Un sénateur du groupe socialiste et républicain. C’est clair !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Par ailleurs, monsieur Hervé, sur votre affirmation selon laquelle il faudrait un débat suivi d’un vote, je m’interroge, pour des raisons de fond. En effet, autant je comprends qu’il y ait un débat sur un décret, autant je comprends que sur un décret le Gouvernement revienne devant l’Assemblée nationale et le Sénat pour expliquer, compte tenu des débats et des expertises, comment il compte modifier ledit décret, autant, si le Parlement se met à voter les décrets, nous allons entrer dans une logique institutionnelle qui soulève à mes yeux des problèmes à l’égard des principes fondamentaux. (Sourires sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. On ne peut pas à la fois vouloir un État fort, la restauration de la capacité de l’État à manœuvrer et demander, sur tous les décrets que l’État prend sur des sujets importants – et Dieu sait qu’il est des matières importantes qui relèvent du domaine du décret –, un vote de l’Assemblée nationale et du Sénat. Si telle est votre demande, je suis désolé d’assumer avec la représentation nationale un désaccord.
Le contrôle du Gouvernement par le Parlement est fondamental, comme la prise en compte par l’exécutif des avis des autorités administratives indépendantes. Le Gouvernement doit, sur les sujets les plus difficiles, être capable de modifier sa copie en écoutant tous ceux qui peuvent lui prodiguer des conseils. Cependant, j’estime que le Gouvernement ne doit pas se dépouiller de toutes ses prérogatives réglementaires en soumettant tout le pouvoir réglementaire au vote, sans même que ces éléments soient inscrits dans la loi, car dans ce cas, la configuration institutionnelle serait différente. Je ne crois pas que l’efficacité de l’État s’en trouverait grandie.
Il est un autre point sur lequel je voudrais insister.
J’entends dire qu’aucun pays, hormis la France, n’aurait une base centralisée. Ce n’est pas vrai. J’ai ici une liste de pays qui ont des bases centralisées pour les passeports. On pense qu’ils n’ont pas de bases centralisées parce qu’ils ont des documents à puce. Or ce n’est pas vrai : ils ont des bases centralisées et des puces ! En effet, monsieur Malhuret, lorsque le document à puce est perdu, si l’on veut pouvoir en assurer le renouvellement dans des conditions de sécurité et de simplification pour l’usager, il faut aussi une base. Les Pays-Bas, l’Espagne, le Portugal, la Finlande, les pays baltes – très modernes sur le plan numérique – et le Danemark ont tous des documents d’identité à puce et une base pour les passeports. Et cette liste n’est pas exhaustive.
Ces pays ont exactement le même dispositif que celui de la France, arrêté en 2008, et compte tenu des discussions sur la biométrie en Europe, je n’exclus pas du tout que, pour la sécurisation de leurs documents d’identité, hors passeport – tous n’ont pas de cartes d’identité –, ils soient obligés d’évoluer dans la direction que nous nous sommes fixée. Par conséquent, je le répète, s’imaginer que la puce exclut la base n’est absolument pas vrai. En cas de perte du document, il est bien difficile de le reconstituer sans base numérique.
M. Claude Malhuret. Ce n’est pas la même base !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est une base centralisée. Si le problème philosophique est celui de la centralisation de données biométriques dans une base, je vous indique que notre pays n’est pas le seul en Europe à avoir mis en œuvre ce dispositif pour les passeports. Affirmer le contraire n’est pas vrai.
Je voudrais évoquer un dernier point qui me paraît très important.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez bien compris l’état d’esprit qui est le mien. Nous avons engagé une réforme destinée à sécuriser des titres et à simplifier des procédures. Il y a des interrogations : notre disponibilité est totale pour y répondre. Mais soyons vigilants : le contexte actuel – ce qui s’est passé à l’occasion d’élections récentes le montre – de remise en cause et de suspicion constante à l’égard de l’État et de ceux qui en exercent la responsabilité finit par créer un climat épouvantable où la réalité devient secondaire dans les débats dont on parle et aussi dans les faits. J’ai été très heureux de constater que, lors de notre débat, nous ne nous sommes pas déconnectés de la réalité : c’est bien sur les sujets dont il est question que nous avons débattu, dans un climat où on demande des comptes à l’État sans avoir systématique à son encontre une suspicion.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’État n’est pas le seul à détenir des données. (Effectivement ! sur plusieurs travées.) De nombreux acteurs détiennent des données très importantes, avec des traces multiples, et sur lesquels ne s’exerce aucun contrôle ; ce sont généralement ceux qui sont les plus enclins à demander que l’on contrôle l’activité de l’État, comme par hasard… (M. Bruno Retailleau s’exclame.) Cela n’exonère de rien, et je ne dis pas cela pour m’exonérer de la responsabilité qui est la mienne en matière de comptes rendus au Parlement et aux institutions multiples lorsqu’il s’agit de sujets aussi sérieux. Mais j’aimerais que ceux qui contribuent à agiter tous les lobbies lorsqu’il s’agit de ces questions s’interrogent au sujet de la traçabilité et des éléments de contrôle que nous détenons sur d’autres acteurs non étatiques auxquels on ne demande aucun compte.
M. François Bonhomme. Et les droits de l’homme !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est tout ce que je dis. Cette question n’est ni limitée ni résiduelle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je renouvelle mes remerciements pour la qualité de ce débat, et je redis la totale disponibilité du Gouvernement pour approfondir les questions que nous avons évoquées ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe ainsi que MM. Pierre-Yves Collombat et Philippe Bonnecarrère applaudissent également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat portant sur le décret du 28 octobre 2016 autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d’identité.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu’il a été saisi le 15 novembre 2016, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Le texte de la saisine est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
7
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour un rappel au règlement.
M. Didier Guillaume. Je tiens à vous faire part de notre grand étonnement et de notre consternation. Oui, nous sommes consternés par ce qui s’est passé ce matin en commission des finances, après que la majorité sénatoriale a souhaité déposer une motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi de finances.
Dans le contexte politique actuel, alors que la politique est parfois balayée, les élus critiqués (Mme Françoise Férat s’exclame.), nous devons assumer notre devoir de débattre du budget. Que le budget soit rejeté par la majorité sénatoriale, c’est une chose. Mais qui comprendra que nous n’abordions pas une seule ligne de ce budget, alors que 80 à 90 sénateurs et sénatrices ont rédigé des rapports dont certains ont été votés par la commission des finances ou par d’autres commissions ?
J’entends bien nos divergences et la position de la majorité sénatoriale estimant que, ce budget n’étant pas sincère, étant électoral, nous ne pouvons pas l’aborder. Mais la majorité sénatoriale aurait dû nous dire dans le cadre de ce débat : sur tel sujet, je ne suis pas favorable, je veux plus de ceci, moins de cela, augmenter tel budget, réduire tel autre. Cela aurait été, me semble-t-il, de la clarté politique.
Mais démissionner ainsi sans rien faire, abandonner, refuser d’aborder dans l’hémicycle le débat, ne serait-ce que les recettes, comme vous l’aviez fait en 2013 – vous aviez rejeté la première partie et nous n’avions donc pas abordé la seconde partie –, en renvoyant les sénateurs, à partir du 24 novembre, à des discussions et des échanges au cours desquels nous n’aborderons jamais au fond le budget de la nation alors que c’est un acte essentiel,…
M. Roland Courteau. Tout à fait !
Un sénateur du groupe socialiste et républicain. C’est grave !
M. Didier Guillaume. … nous semble vraiment une faute politique.
M. Roland Courteau. Bravo !
M. Didier Guillaume. Notre groupe tenait à le souligner !
Nous sommes consternés de voir que, à sept mois de l’élection présidentielle, le Sénat de la République n’abordera pas le budget. J’espère qu’en agissant ainsi le Sénat ne se tire pas une balle dans le pied (Oh ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.), car cela pourrait être interprété par les observateurs et ceux qui veulent supprimer notre assemblée comme un signe négatif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Hermeline Malherbe et Corinne Bouchoux applaudissent également.)
M. le président. Monsieur Guillaume, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
Mes chers collègues, je vous indique que tous les groupes pourront intervenir lors de la conférence des présidents, qui se tiendra ce soir, à dix-huit heures.
M. Éric Doligé. Je demande la parole.
M. le président. Monsieur Doligé, je vous la donne à titre exceptionnel, car nous n’allons pas multiplier les rappels au règlement sur ce point.
M. Éric Doligé. Je souhaite faire un bref rappel au règlement. La commission des finances est réunie en ce moment et, de ses membres, seuls sont en séance le président du groupe socialiste et moi-même.
Monsieur Guillaume, je regrette que vous ayez fait votre rappel au règlement en l’absence de la plupart des membres de la commission des finances et de son rapporteur général. Vous avez choisi un moment où ils ne peuvent vous répondre.
M. Alain Néri. C’est vous qui êtes responsables de cette situation : les commissions ne devraient pas se réunir en même temps que la séance publique !
M. Éric Doligé. Ce matin, en commission des finances, nous avons expliqué toutes les raisons pour lesquelles nous souhaitions déposer cette motion tendant à opposer la question préalable. Vous aurez la réponse demain lorsque la conférence des présidents se sera réunie et aura fixé un nouvel ordre du jour pour l’organisation de nos débats. Je regrette que vous ayez anticipé ce moment. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Alain Néri. On a tort d’avoir raison trop tôt !
M. le président. Acte vous est également donné de votre rappel au règlement, monsieur Doligé.
8
Financement de la sécurité sociale pour 2017
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2017 (projet n° 106, rapport n° 114 [tomes I à VIII], avis n° 108).
Nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre Ier de la troisième partie, à l’article 10.
TROISIÈME PARTIE (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2017
Titre Ier (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE
Chapitre Ier (suite)
Mesures de simplification et de modernisation des prélèvements sociaux
Article 10
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 613-1 est ainsi modifié :
a) Le 8° est ainsi rédigé :
« 8° Les personnes, autres que celles mentionnées au 7° du présent article, dont les recettes tirées de la location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés sont supérieures au seuil mentionné au 2° du 2 du IV de l’article 155 du code général des impôts, lorsque ces locaux sont loués à une clientèle y effectuant un séjour à la journée, à la semaine ou au mois et n’y élisant pas domicile ou lorsque ces personnes remplissent les conditions mentionnées au 1° du même IV ; »
b) Il est ajouté un 9° ainsi rédigé :
« 9° Les personnes exerçant une activité de location directe ou indirecte de biens meubles mentionnée au 4° de l’article L. 110-1 du code de commerce et dont les recettes annuelles tirées de cette activité sont supérieures à 20 % du montant annuel du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du présent code. » ;
2° La section 2 bis du chapitre III bis du titre III du livre Ier est complétée par un article L. 133-6-7-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-6-7-3. – Les travailleurs indépendants exerçant leur activité par l’intermédiaire d’une personne dont l’activité consiste à mettre en relation par voie électronique plusieurs parties en vue de la vente d’un bien ou de la fourniture d’un service peuvent autoriser par mandat cette personne à réaliser par voie dématérialisée les démarches déclaratives de début d’activité auprès du centre de formalités des entreprises compétent conformément aux dispositions du code de commerce.
« Lorsqu’ils relèvent de l’article L. 133-6-8, les travailleurs indépendants peuvent autoriser par mandat la personne mentionnée au premier alinéa du présent article à procéder à la déclaration du chiffre d’affaires ou de recettes réalisés au titre de cette activité par son intermédiaire ainsi qu’au paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale dues à compter de leur affiliation, au titre des périodes correspondant à l’exercice de cette activité, auprès des organismes de recouvrement concernés.
« Dans ce cas, les cotisations et contributions de sécurité sociale dues sont prélevées par la personne mentionnée au même premier alinéa sur le montant des transactions effectuées par son intermédiaire. Ce paiement vaut acquit des cotisations et contributions de sécurité sociale par ces travailleurs indépendants. »
II. – Le 2° du I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2018.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, tout d’abord, je voudrais insister sur le fait que le développement des plateformes de location de biens meubles ou immeubles est souvent la conséquence de salaires et de retraites insuffisants qui imposent à nos concitoyens de rechercher des revenus complémentaires.
Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez vous-même rappelé devant nos collègues députés, le revenu moyen généré par Airbnb en France s’élève à 300 euros par mois, soit 3 600 euros par an, tandis que celui d’un chauffeur UberPop, avant la suspension du service le 3 juillet 2015, était de 8 200 euros par an.
Les revenus complémentaires tirés des plateformes collaboratives doivent être soumis à l’imposition. Mais exiger l’affiliation au régime social des travailleurs indépendants et la soumission à cotisations de ces particuliers pose question.
L’Assemblée nationale a retenu un critère unique d’affiliation, qui est le dépassement d’un seuil de recettes établi à 23 000 euros annuels pour les locations immobilières et 7 723 euros par an pour les locations mobilières.
Pour notre part, nous aurions tendance à penser que 2 000 euros par mois sur un meublé, c’est une activité commerciale, tandis que 600 euros par mois reste un revenu de complément.
Les différents amendements qui ont pour objet soit d’unifier le seuil, soit de diminuer le seuil, à partir duquel l’affiliation au régime sociale des indépendants, le RSI, deviendrait obligatoire démontrent que, derrière la difficulté de la définition des règles d’affiliation, nous sommes d’accord pour soumettre ces revenus à contribution sociale ; nous nous en félicitons.
Cependant, nous pensons que la priorité devrait être de soumettre à contribution les plateformes dites « collaboratives » avant de concerner les particuliers qui, selon nous, sont plus des salariés de ces plateformes.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
Mme Laurence Cohen. Pour l’ensemble de ces raisons, nous nous abstiendrons sur ces amendements et sur cet article, même si, sur le fond, vous l’avez compris, nous sommes d’accord pour aller dans le sens de ce qui est préconisé.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaiterais formuler quelques considérations très simples.
L’économie collaborative se développe, c’est une évolution de la société, c’est dans l’air du temps. Il s’agit d’un phénomène nouveau qui se présente à nous, et comme tout phénomène nouveau qui n’est pas encadré ou pas encore encadré, il est ou peut être sujet à dérives.
Certaines activités, par les revenus générés, relèvent plus du caractère professionnel que de pratiques occasionnelles. Une concurrence déloyale peut s’établir ou s’établit – je pense particulièrement à la location de meublés de tourisme – avec des professionnels, qui, eux, sont soumis aux règles habituelles et à des charges sociales.
Mettre un début d’ordre dans toutes ces activités, ce n’est pas combattre le dispositif. Un début d’encadrement, de régulation, avant que la machine s’emballe, qu’elle soit préjudiciable à des pans entiers de l’économie existante et à l’économie touristique en particulier, est indispensable.
Ces risques existent aujourd’hui. Voilà pourquoi le Gouvernement a souhaité légiférer. C’est une juste décision que nous approuvons. Par conséquent, nous ne voterons pas les amendements de suppression de cet article. Nous proposerons en revanche, un amendement de modification de seuil concernant les biens meubles.
M. le président. L'amendement n° 397 rectifié bis, présenté par MM. Lemoyne, Bouvard, Charon et Danesi, Mme Deromedi, MM. Frassa et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houpert, Husson, Kennel, Lefèvre et de Legge, Mmes Lopez et Morhet-Richaud, MM. Mouiller et Panunzi, Mme Procaccia et MM. de Raincourt et Vasselle, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Comme l’ont exposé à juste titre mes collègues, avec cet article ayant trait aux nouvelles formes de l’économie collaborative, il semble que l’on prenne des dispositions très rapidement, avant même d’en connaître l’impact réel. S’il convient de lutter contre les abus, nous allons trop vite en besogne, en voulant assujettir un certain nombre de personnes au RSI, qui, quoi qu’on en dise, n’est pas un modèle en termes de facilité.
En effet, les dispositions de cet article 10 risquent de conduire à une taxation systématique de ces activités. Les particuliers louant leurs biens deviendront, avec les seuils prévus dans cet article, des travailleurs assujettis à des cotisations sociales. Ceux de mes collègues qui vivent en milieu rural insistent sur les incidences également importantes que pourraient entraîner ces règles dans ce secteur.
En outre, du point de vue de la concurrence déloyale des hôtels, je ne crois pas que les clients potentiels de ces plateformes désireux de retenir des appartements répondant à certains critères précis puissent trouver ceux-ci dans l’hôtellerie. Les hôteliers devraient proposer des services plus personnalisés et plus pratiques.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer l’article 10.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je voudrais rappeler à Mme Procaccia qu’il s’agit non pas de soumettre à cotisations sociales des activités qui auraient jusqu’à présent été exonérées, mais de clarifier la frontière entre revenus du patrimoine et activités professionnelles. On ne peut pas laisser cette économie se développer en dehors de toute règle,ou en dehors des règles qui s’appliquent déjà à ces mêmes activités sur d’autres supports.
Cet amendement étant contraire à celui qui a été présenté par la commission, celle-ci émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Je remercie tout d’abord les différents orateurs, car j’ai constaté au Sénat une volonté partagée, voire un consensus en la matière. En effet, à côté du développement très rapide d’un pan de l’économie, puisque des études montrent que les chiffres d’affaires dans les cinq à dix prochaines années vont exploser pour ces formes d’économie, chacun reconnaît qu’il faut examiner et considérer attentivement ces nouvelles activités. Celles-ci ne doivent pas constituer une sorte de ligne de fuite et de concurrence déloyale (Mme Nicole Bricq s’exclame.), le mot est sans doute un peu fort.
Madame la sénatrice, vous avez entendu comme moi les déclarations de l’UMIH ou de la FNAIM, vous avez entendu les représentants d’un certain nombre de professions. Ils rappellent qu’ils sont installés, qu’ils payent des contributions sous forme d’impôts – ce n’est pas notre sujet aujourd’hui – et sous forme de cotisations sociales et qu’ils subissent cette concurrence. Certes, vous avez raison, madame Procaccia, les services proposés diffèrent parfois, mais il s’agit assez souvent d’une forme de concurrence. Cela concerne les chambres d’hôtes, les gîtes ruraux, les hôtels, les loueurs professionnels de véhicules et beaucoup d’autres activités.
Monsieur le rapporteur général, vous avez raison, le Gouvernement entend préciser les choses de façon à faire appliquer des règles qui, il faut bien le dire, ne sont presque pas appliquées aujourd’hui.
Vous suggérez que nous nous intéressions également aux plateformes. C’est le cas, madame Cohen. Le Parlement a autorisé l’administration fiscale à demander des communications non nominatives. Nous sommes donc en mesure de demander à certaines plateformes quels sont leurs utilisateurs qui dépassent un certain niveau de revenu. Nous le faisons. Je n’en parlerai pas plus, mais, pour le dire pudiquement, des vérifications sont en cours.
Nous avons clarifié un point du texte en particulier concernant les locations immobilières : la distinction entre location occasionnelle et location régulière. Sur ce sujet, la doctrine et la jurisprudence étaient floues. Une mise en location deux mois par an tous les ans était ainsi considérée comme régulière, ce qui pose question. À l’inverse, une offre ponctuelle dans l’année était considérée comme occasionnelle.
Nous avons fait le choix de définir des seuils. La qualification d’activité professionnelle, donc assujettie à cotisations sociales, dépend ainsi de seuils, dont on peut débattre. Nous avons discuté avec des plateformes pour établir des moyennes. Il est vrai que dégager un revenu de 600 euros n’entraîne pas une obligation de s’affilier et de cotiser, c’est en dessous du seuil.
Par ailleurs, je me permets de le rappeler, la cotisation n’est pas seulement une charge, elle ouvre en effet des droits, notamment à retraite.
Nous entendons bien que certaines activités sont accessoires et nous considérons qu’elles le sont lorsque les revenus qu’elles engendrent restent inférieurs à certains seuils. Au-delà, elles prennent un caractère professionnel.
L’Assemblée nationale a proposé de les modifier, je me présente donc devant vous avec ces nouveaux seuils. Il me semble nécessaire que nous mettions en œuvre ces mesures alors que ces activités échappent aujourd’hui à toute régulation, ce qui pose un certain nombre de questions.
Nos états d’esprit sont proches, avec peut-être quelques différences. Le Gouvernement, vous l’avez compris, est évidemment défavorable à cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. J’ai cosigné cet amendement. Au-delà du débat sur les seuils et la nécessité de préciser s’il s’agit de revenus du patrimoine ou non, je saisis cette occasion pour relever le drôle d’état d’esprit qui règne en France au sujet des nouvelles économies.
Nous sommes face à une économie nouvelle, une économie numérique, une économie collaborative. Comme dans tous les autres pays européens, nous devrions plutôt l’accompagner en nous posant des questions en matière de création d’emplois et d’investissements. Or notre seule préoccupation est d’imposer des normes, des contraintes, des taxes, de la fiscalité, des contributions. Le message est assez étonnant !
Certes, on nous parlera de justice sociale et de beaucoup de choses de ce genre, mais, d’une façon générale, nous aurions intérêt à regarder ce qui se passe ailleurs. Nous devrions modifier notre approche générale si nous voulons, à l’avenir, avoir un autre regard sur l’économie nouvelle. Il faut un peu de modernité dans tout cela. (Très bien ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Claude Kern applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je m’associe aux propos de mes collègues Philippe Mouiller et Catherine Procaccia. L’amendement qu’ils proposent vise également à protéger l’investissement, notamment dans les gîtes ruraux.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le secrétaire d’État, cet article est pour le moins controversé. À l’Assemblée nationale, vous avez dû faire procéder à une deuxième délibération et trouver un accord avec le groupe majoritaire sur le seuil et sur les effets de bord possibles. Ceux-ci viennent d’être signalés par ma collègue concernant les gîtes ruraux, qui sont aujourd’hui très inquiets alors qu’ils se satisfaisaient de l’équilibre trouvé en 2012.
Vous nous avez dit en commission, mais également publiquement, qu’il ne s’agissait pas d’une mesure de rendement, mais d’une mesure de régulation. Le président Obama a une formule très imagée : quand on a un marteau dans la main, on tape forcément sur le clou ! Aujourd’hui, nous tapons sur un secteur qui est en train de se développer. Or je fais partie de ceux qui considèrent qu’il peut trouver sa place dans l’économie sociale et solidaire.
Au nom d’intérêts que je ne distingue pas bien, nous lui coupons les ailes. Il est vrai que le secteur est en croissance, il est possible qu’il donne lieu à des abus, certains sont avérés. Toutefois, on ne légifère pas pour l’exceptionnel, mais pour le général.
En outre, je crains qu’on ne légifère à l’envers. Mme Cohen a évoqué un vrai sujet : comment qualifier ces loueurs qui passent par des plateformes ? Sont-ils des salariés ou des indépendants ? Nous nous sommes posé la question lors de l’examen de la loi Travail. Nous avions alors essayé d’avancer, mais la majorité sénatoriale s’y était refusée.
Je crains que ces opérateurs ne soient pénalisés. En effet, en observant les dix dernières années, on comprend pourquoi cette économie collaborative correspond à un besoin à la fois en matière d’offre et de demande : depuis dix ans, le pouvoir d’achat a baissé en poids relatif et les acteurs cherchent à compenser.
Vous l’avez dit précédemment, et M. Vanlerenberghe l’a écrit dans son rapport : lorsque l’on paye une cotisation sociale, à la différence de l’impôt sur le revenu, on doit obtenir une contrepartie. Mais laquelle, s’agissant de loueurs qui exercent une autre activité, qui peuvent être salariés ou indépendants par ailleurs ? Vont-ils payer une cotisation sociale sans bénéficier de la contrepartie ? Quelque chose ne va pas ! Je considère qu’on légifère à la légère et je suis opposé à cette mesure.
M. Philippe Mouiller. Bravo !
Mme Catherine Procaccia et M. Claude Kern. Bravo, nous sommes d’accord !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je souhaite apporter un complément de réponse dans ce débat, qui est essentiel, je l’ai dit à la tribune. Si nous ne faisons rien, je crains que nous ne soyons ensuite confrontés à des usages qu’il sera de plus en plus difficile de contrebalancer. Lorsque ce secteur aura pris davantage de place, ce que je souhaite, il déstabilisera alors certains des systèmes existants. Discutez avec les chauffeurs de taxi, ils n’ont pas toujours tort lorsqu’ils vous font part de certaines de leurs préoccupations !
Mme Nicole Bricq. Nous aurions pu régler le problème des taxis. M. Grandguillaume avait fait une proposition qui a été rejetée par le Gouvernement !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, vous avez probablement solution à tout…
Vous me parlez des gîtes ruraux, pour lesquels rien ne change ! Je ne comprends même pas pourquoi ce sujet est abordé. Ils ont le statut de meublé, et sont soumis à un seuil qui, d’ailleurs, est le même, au-delà duquel ils sont considérés comme des professionnels. Il n’y a pas de débat. Ce qu’ils craignent, car nous les avons bien sûr rencontrés, c’est justement que le seuil de 23 000 euros soit abaissé, car leur situation serait alors désavantageuse par rapport à celle qui résulte de la proposition issue des travaux de l’Assemblée nationale.
La question de savoir si les loueurs sont ou non des indépendants est évidemment pertinente. Nous les considérons effectivement comme des indépendants. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Vous avez lu les débats à l’Assemblée nationale, au point de savoir pourquoi une deuxième délibération avait eu lieu. J’y étais. Immédiatement après le scrutin, deux de vos collègues députés ont demandé à inverser leur vote, parce que celui-ci ayant eu lieu à une heure tardive – tout le monde peut être fatigué – ils pensaient voter l’article alors qu’ils votaient un amendement de suppression, ce qui peut entraîner une certaine confusion. La troisième parlementaire a changé son vote le lendemain, avant l’ouverture des travaux. Voilà pourquoi j’ai demandé une deuxième délibération, qui, d’ailleurs, n’est pas une procédure exceptionnelle.
Si vous avez lu les débats, vous avez constaté que j’étais ouvert à ce qu’une activité que l’on pourrait qualifier de secondaire n’entraîne pas nécessairement une déclaration au RSI. Je ferai des propositions en ce sens. La direction de la sécurité sociale et les services de Bercy sont en train de travailler sur le sujet.
Vous dites qu’il n’y a pas d’ouverture de droits. Bien sûr que si ! J’ai parlé des droits à retraite, qui sont ouverts lorsque l’on cotise à l’occasion de l’exercice d’une activité complémentaire, mais on pourrait évoquer d’autres droits, y compris des indemnités journalières en cas d’empêchement. Ce sont là des questions parfois un peu délicates. Nous travaillons sur ces sujets.
J’ai bien compris que mentionner le RSI comme passage obligé d’une déclaration pouvait effrayer.
M. Jean Desessard. C’est le problème !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est un problème dont nous avons largement débattu hier, notamment avec M. Cardoux, qui a identifié certains progrès. Nous avons précisé le partage de frais ; les seuils offrent un critère beaucoup plus fonctionnel que les notions d’occasionnel et de récurrent ; le texte me paraît donc plutôt équilibré. Il pourra encore progresser durant la navette et devra probablement être revu pour intégrer d’autres activités qui se développent, car il y a toujours des zones grises dans les processus d’échange de services.
Ce que nous mettons en place permettra d’avancer. Ce texte ne bride pas le développement de ce secteur et ne pénalise pas non plus la saine concurrence entre différentes formes d’exercice d’une même activité commerciale, de production, de vente ou d’échanges de services.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je suis confus d’intervenir après le secrétaire d’État, mais cela me permettra peut-être de gagner du temps lors de l’examen des amendements suivants.
Je voudrais exprimer un véritable regret, comme les orateurs qui m’ont précédé. Nous sommes face à un mode d’économie nouvelle, qui constitue une opportunité pour beaucoup de nos concitoyens en termes de revenus, qui est une chance pour certaines entreprises, parce que l’on peut créer des champions français dans le secteur. L’émergence de cette nouvelle économie aurait nécessité une approche globale de cette question.
L’an dernier, le Sénat, à travers la mission confiée à certain d’entre nous par la commission des finances, a émis des propositions s’agissant de la problématique de l’imposition sur le revenu, avec la définition d’une franchise, que nous avions proposé de fixer à 5 000 euros afin de prendre en compte les compensations de frais d’entretien engagés par les propriétaires de structures, d’équipements, de véhicules ou autre. Nous nous étions efforcés de proposer également des solutions innovantes en matière d’encaissement de la recette au titre de l’impôt sur le revenu au travers des plateformes.
Nous découvrons des propositions concernant le volet des cotisations sociales, envisagées sous l’angle des recettes que l’État peut en attendre pour diverses structures et sous celui de la couverture des bénéficiaires, lesquels basculeraient alors dans une activité à caractère professionnel.
Nous avons le sentiment de traiter du sujet par petits segments – c’est dommage – sans nous assurer de la cohérence de l’ensemble, sans certitude que les décisions successives parcellaires que nous prenons ne désorganiseront pas cette économie émergente, ne pénaliseront pas certains de nos concitoyens et ne casseront pas la machine à création d’activités. Nous prenons le risque d’empêcher le basculement de la France dans cette nouvelle forme d’économie.
Je voudrais dire mon regret quant à la manière dont ce sujet est abordé, au compte-gouttes, de manière fractionnée et sans aucune vision d’ensemble de la part du Parlement, singulièrement du Sénat, qui s’était engagé et avait travaillé sur ces questions et dont les propositions l’an dernier n’ont pas été prises en compte comme nous l’aurions souhaité. (Mme Marie-Annick Duchêne et M. Jackie Pierre applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J’exprime ma position personnelle, parce que le groupe écologiste n’a pas encore analysé la question de façon globale.
Je défends la position du Gouvernement, donc le maintien de l’article 10, car il me semble important de mettre en place une taxation au-delà d’un certain niveau économique. Il est tout à fait normal que des gens percevant des revenus par la location s’engagent à payer quelque chose à la collectivité.
Je ne sais pas si vous vous représentez ce que cela signifie d’habiter à Paris dans un immeuble dont beaucoup d’appartements sont ainsi mis en location : le passage est incessant, les personnes, souvent âgées, qui habitent l’immeuble doivent entretenir les parties communes, on frappe chez elles pour demander où est l’appartement de M. Untel, le propriétaire, qui habite à cent cinquante kilomètres.
Il me semble normal que ceux qui louent leur appartement et en tirent un bénéfice soient contraints de rendre un peu à la collectivité qui a investi pour être attractive. Ne l’oublions pas, la ville est attractive grâce aux biens publics. En outre, il me semble justifié que les habitants des immeubles concernés payent moins d’impôts locaux, dans la mesure où ils subissent des dérangements pour des propriétaires qui n’habitent pas toujours à Paris.
Bien sûr, certaines personnes louent leur appartement le week-end pour se procurer un complément de revenus, mais d’autres en ont fait un métier, elles achètent pour cela, et habitent à cent cinquante ou à trois cents kilomètres de Paris.
Mme Catherine Procaccia. Vous mélangez tout !
M. Jean Desessard. Le seuil est très élevé ! Il ne concerne pas une personne qui loue trois fois dans l’année ! Il est donc tout à fait normal qu’il y ait taxation.
Je n’ai pas le temps de développer la seule divergence entre ma position et la vôtre, monsieur le secrétaire d’État, qui concerne la déclaration au RSI, avec les problèmes que nous avons soulevés hier. Vous nous dites qu’ils sont résolus, ce n’est pas le cas. Vous avez ébauché un embryon de solution qui reste à confirmer.
M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. Ce n’est pas tous les jours le cas, mais je partage en grande partie la manière de voir qui vient d’être exprimée.
En outre, il faut écouter les territoires, et l’écoute doit être réciproque. Certains affirment que l’on met en danger une économie en devenir, par rapport aux plateformes, mais cette économie en devenir a mis elle-même en danger une certaine économie traditionnelle, en particulier dans le tourisme. Les uns et les autres, vous avez, comme nous, entendu dans les territoires l’expression de ces deux visions des choses.
Il me semble parfaitement juste, légitime et cohérent que nous légiférions dans cet hémicycle pour plus de justice pour tous, et que, lorsque des acteurs sont dans la même situation, ils soient régis par les mêmes règles à partir d’un certain montant. Nos concitoyens attendent aussi cela aujourd’hui : la justice pour les uns comme pour les autres.
Je partage également le souhait de disposer d’une vision globale que l’on pourrait évoquer dans un autre cadre et je regrette que celle-ci n’ait pas émergé avant, mais, en attendant, il me semble important de maintenir cet article 10, qui impose plus de justice dans notre économie, qu’il s’agisse de tourisme ou de mobilité, d’ailleurs. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. J’ai exprimé mon avis, qui diffère de celui de ma collègue Nicole Bricq, c’est la richesse du débat.
Je souhaite demander une explication à M. le secrétaire d’État. Ceux qui mettent un bien en location par l’intermédiaire de la plateforme Airbnb sont-ils concernés par les dispositions que nous nous apprêtons à voter ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La réponse est oui, monsieur le sénateur, à partir du moment où les revenus tirés de ces locations dépassent 23 000 euros par an. Cela correspond à 230 nuitées à 100 euros. On nous a parlé des étudiants qui louent leur studio quelques week-ends pour arrondir leurs fins de mois. Chacun peut reconnaître qu’ils ne sont pas concernés. On peut même imaginer quelques mois de location ou quelques semaines dans le courant d’une année, y compris pour des appartements parisiens. C’est quand même deux fois le SMIC !
Nous avons fixé ce seuil par référence à des seuils de sécurité sociale, bien entendu. On peut en discuter, mais cette disposition n’est pas confiscatoire (Mme Hermeline Malherbe opine.) et n’empêche pas l’exercice d’une activité annexe par les gens qui doivent – c’était votre position – compléter leurs revenus – mais c’est un autre débat. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour explication de vote.
Mme Évelyne Yonnet. Je souhaite poser à M. le secrétaire d’État une question qui me semble très importante.
Vous évoquez 23 000 euros de revenus par an. J’ai déposé une proposition de loi sur l’habitat indigne et la lutte contre les marchands de sommeil. À mon avis, au vu des lits superposés qui sont installés dans leurs logements ou dans leurs caves, ceux-ci gagnent beaucoup plus que 23 000 euros. Qu’allez faire pour les taxer ?
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. Bravo !
M. Jean Desessard. C’est un autre problème !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je comprends votre sensibilité à ce problème et je la partage, madame la sénatrice, mais il ne s’agit pas du même sujet.
Les marchands de sommeil, compte tenu des sommes en jeu, que tout le monde imagine, malheureusement, doivent déjà déclarer leurs revenus et contribuer à l’impôt. Si ces revenus sont réguliers et dépassent certains seuils, ils doivent normalement s’affilier. Encore faut-il, bien entendu, qu’ils soient connus ou repérés et poursuivis.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 397 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 57, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
1° Remplacer les mots :
dont les recettes tirées de la location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés
par les mots :
exerçant une activité de location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés dont les recettes
2° Remplacer les mots :
au seuil mentionné au 2° du 2 du IV de l’article 155 du code général des impôts
par les mots :
à 40 % du plafond annuel mentionné à l’article L. 241-3 du présent code
3° Après les mots :
mentionnées au 1°
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
du 2 du IV de l’article 155 du code général des impôts ; »
II. – Alinéa 6
Remplacer le taux :
20 %
par le taux :
40 %
III. – Après l’alinéa 10
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
3° L’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Par dérogation aux dispositions du III et dans des conditions définies par décret, les professionnels qui, par voie électronique, assurent un service de réservation ou de location ou de mise en relation en vue de la location d’hébergements pour le compte de particuliers, peuvent sous réserve d’avoir été habilités à cet effet par ces derniers, être préposés au prélèvement de la contribution sur le montant des transactions effectuées par son intermédiaire. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous venons de débattre fort utilement pour ouvrir cette salve d’amendements.
Au sein de la commission, nous sommes tout à fait d’accord pour fixer un seuil de revenus, nous nous accordons sur la philosophie générale.
Simplement, deux seuils sont prévus dans l’article, l’un à 23 000 euros, qui semble assez élevé et concerne les meublés, et l’autre, fixé à 7 720 euros par an, au-delà duquel un loueur de biens meubles sera considéré comme exerçant une activité professionnelle.
La commission a considéré qu’un seuil unique serait peut-être préférable, qui définirait de façon claire, au regard du plafond de la sécurité sociale, ce que peut représenter une activité professionnelle. Nous avons donc voté en commission la création d’un seuil fixé à 40 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 15 691 euros, qui vaut à la fois pour les biens meublés et pour les locations de biens meubles.
Pour autant, cet article ne traite pas la question des personnes qui n’exercent pas une activité considérée comme professionnelle, mais qui valorisent leur patrimoine. Celles-ci sont actuellement redevables au premier euro, en théorie. Malheureusement, beaucoup d’entre elles y échappent, parce qu’elles ne déclarent pas leurs revenus au titre des bénéfices industriels et commerciaux. Comme les travaux de la commission des finances du Sénat l’ont montré, ces revenus sont très rarement déclarés et, donc, très rarement imposés.
La deuxième partie de cet amendement est par conséquent un appel à sécuriser davantage le recouvrement de la CSG et de la CRDS, qui sont dues sur ces revenus. Je rappelle que nous sommes tous redevables de cette contribution dans nos activités salariées ou dès lors que nous sommes indemnisés, mais nous le sommes également sur les revenus du capital.
Nous avons donc ajouté un deuxième volet à cet article, qui prend en compte et essaye de sécuriser cet aspect pour ceux qui sont en dessous du seuil.
M. le président. L'amendement n° 412, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Si vous le permettez, monsieur le président, je vais défendre en même temps les amendements nos 413, 410 et 411, puisqu’ils relèvent de la même philosophie et de la même préoccupation.
M. le président. J’appelle donc en discussion les amendements nos 413, 410 et 411, présentés par M. Bouvard.
L'amendement n° 413 est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Après les mots :
biens meubles
insérer les mots :
leur appartenant
2° Après les mots :
code de commerce
rédiger ainsi cet alinéa :
lorsque ces biens sont loués plus de 120 jours par an. » ;
L'amendement n° 410 est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
sont supérieures à 20 % du montant annuel du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du présent code
par les mots :
, hors partage de frais, sont supérieures à un montant fixé par décret. Sont réputées correspondre à un partage de frais les recettes n’excédant pas le coût d’usage du bien considéré tel que ce coût est déterminé, selon des catégories appropriées, par décret en Conseil d’État.
L'amendement n° 411 est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
à 20 % du montant annuel du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du présent code
par les mots :
au seuil mentionné au 2° du 2 du IV de l’article 155 du code général des impôts
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Michel Bouvard. Les modifications apportées par l’Assemblée nationale à l’article 10 fixent dans la loi le seuil de professionnalisation à 20 % du plafond annuel de la sécurité sociale pour la location des biens meublés entre particuliers.
On sait très bien qu’en fonction de lieux, les coûts d’usage seront plus ou moins élevés, ce qui suscite des interrogations. Il y a en outre un problème d’équité, tous biens meubles confondus, pour ne pas freiner brutalement le partage de certains biens.
Ces amendements visent donc d’abord à établir un seuil à 1 500 euros, avec un système de déduction des sommes perçues des frais d’usage inhérents aux biens meubles partagés.
Ce seuil est issu d’un rapport rendu récemment par l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, afin de simplifier l’exercice de certaines activités accessoires générant de très faibles montants de complément de revenus.
Ces amendements tendent en outre à clarifier la finalité du partage entre particuliers, une coconsommation facilitée sans recherche de bénéfices, mais uniquement partage des coûts d’usage. Ils visent donc à établir une distinction quand un particulier est propriétaire des biens, afin que le dispositif soit sans doute plus juste.
Encore une fois, je regrette, au moment de débattre de ces amendements, que nous n’ayons qu’une approche partielle du sujet. Nous sommes en train de bricoler quelque chose qui a été modifié à l’Assemblée nationale, sans disposer d’une vision d’ensemble de ce que nous faisons, entre l’imposition sur le revenu, les cotisations sociales, leur niveau, les incidences sur les plateformes et les libertés ménagées aux particuliers.
Dans ces conditions, les mesures que je propose ne peuvent être que des pis-aller ; je regrette qu’une mesure introduite de manière subreptice et adoptée sans réflexion nous oblige à procéder de la sorte.
M. le président. L’amendement n° 187 rectifié bis, présenté par MM. Daudigny, Labazée et Guillaume, Mmes Génisson et Riocreux, MM. Godefroy, Durain et Tourenne, Mmes Schillinger, Émery-Dumas, Yonnet, Féret et Claireaux, MM. Vergoz et Caffet, Mmes Meunier et Campion, M. Jeansannetas et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer le taux :
20 %
par le taux :
40 %
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Il s’agit de savoir à partir de quel niveau de recettes annuelles on bascule d’une économie du partage vers une activité professionnelle. L’effet n’est pas neutre, puisque cela implique aussi de s’affilier au RSI.
M. le secrétaire d’État a répondu aux questions qui ont été posées précédemment en ce qui concerne les gîtes et les chambres d’hôtes. Un certain nombre de professions n’auront pas accès à ce dispositif, sans quoi ceux qui les exercent perdraient le statut ou l’avantage dont ils bénéficient.
Nous proposons de porter le seuil d’assujettissement à 15 691 euros pour les locations de biens meubles, soit le double du seuil d’assujettissement adopté à l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements, à l’exception de celui qu’elle a elle-même présenté ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Si le seuil de 120 jours par an est utilisé par certaines collectivités territoriales pour les locations meublées de courte durée, c’est pour des raisons tenant davantage au marché immobilier locatif qu’à un seuil d’activité professionnelle. Dès lors, l’amendement n° 413 ne répond pas exactement, à notre sens, à la question soulevée par l’article 10. Un seuil de revenus nous semble plus adapté.
L’avis est donc défavorable.
Nous sommes également défavorables à l’amendement n° 412, puisque, si l’on peut débattre du niveau qui doit être retenu, un niveau que la commission se propose de relever, il y a bien un seuil de revenus au-delà duquel l’activité devient professionnelle ; monsieur Bouvard, nous pouvons nous rejoindre au moins sur ce point. (M. Michel Bouvard acquiesce.)
Renvoyer la définition du seuil à un décret en Conseil d’État pourrait être une solution de repli intéressante, mais la commission a fait un choix différent : elle considère que le seuil doit être suffisamment élevé pour prendre en considération le partage de frais en matière sociale – je répète que, en matière fiscale, cette notion est déjà définie par l’instruction fiscale du 30 août dernier.
L’avis est donc défavorable aussi sur l’amendement n° 410.
Quant à l’amendement n° 411, il vise à unifier les seuils à un niveau très élevé, près de 2 000 euros par mois, soit plus que le salaire médian. L’avis est défavorable.
En revanche, la commission ne peut qu’être favorable à l’amendement n° 187 rectifié bis du groupe socialiste et républicain, qui vise à porter à 40 % du plafond annuel de la sécurité sociale le seuil de recettes au-delà duquel les personnes exerçant une activité de loueur de biens meubles doivent s’affilier au RSI en tant que travailleur indépendant. En effet, ce seuil est fixé au niveau qu’elle a elle-même retenu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’ensemble des amendements (M. Michel Bouvard rit.), non par principe, mais pour des raisons que je vais tenter de vous expliquer.
Il me semble qu’il faut distinguer la location de biens immobiliers et la location de matériels : perceuses, bétonnières ou autres.
Dans le second cas, les sommes en jeu ne sont généralement pas élevées. L’Assemblée nationale a néanmoins décidé de doubler le seuil proposé par le Gouvernement pour le porter à 7 723 euros. Le Gouvernement ne souhaite pas que ce seuil soit réduit.
En ce qui concerne les locations d’immeubles, nous avons choisi le seuil de 23 000 euros annuels, parce que c’est celui qui s’applique en matière fiscale.
Monsieur Bouvard, la question du partage de frais, que vous voulez traiter au travers de votre amendement n° 410, a fait l’objet d’un certain nombre de réflexions et travaux, comme, du reste, toutes les questions dont nous parlons. Je ne prétends pas que nous serions parfaits, mais il reste que nous avons beaucoup consulté et réfléchi, après quoi, comme M. le rapporteur général l’a précisé, la notion de partage de frais a été précisée par l’instruction fiscale du 30 août 2016 publiée au BOFIP.
Je vous le confie : nous n’étions pas tous d’accord. Ainsi, pour la location des véhicules, nous avons pris comme référence le barème kilométrique. Celui-ci, à mon avis, n’est pas forcément idéal, vu qu’il prend en compte l’amortissement des véhicules, mais nous l’avons retenu parce que le principal site de partage de voyages, BlaBlaCar, s’y réfère pour le calcul des prix recommandés dans le cadre des partages de frais. Nous n’avons pas voulu revenir en arrière, pour ne pas donner l’impression que nous voulions déstabiliser le secteur, ce qui, quoi qu’on en ait dit, n’était absolument pas la volonté du Gouvernement. Nous avons donc choisi la référence utilisée et recommandée par les plateformes.
Les conditions des partages de frais étant définies aussi parfaitement qu’il est possible dans l’instruction du 30 août 2016, l’amendement n° 410 me paraît inutile.
Monsieur le rapporteur général, j’entends bien que vous avez trouvé un consensus sur un seuil unique, qui peut apparaître comme un élément de simplification, mais je continue de penser qu’il y a lieu de distinguer des formes d’activité différentes, suivant ce qu’a fait l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je ne serai pas long, car il nous reste de nombreux articles à examiner.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir reconnu avec franchise que l’instruction du 30 août 2016 n’est pas parfaite. De mon point de vue, notre tort est de vouloir réfléchir à ces questions en partant des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, en essayant de faire rentrer cette nouvelle forme d’économie dans un dispositif existant.
Le travail de concertation mené par le Gouvernement avec les différents acteurs est bien réel, mais nous commettons l’erreur de ne pas aborder ces questions avec une vision différente, y compris en ce qui concerne la perception des recettes – car, au-delà des mesures votées, il faudra voir comment faire rentrer des recettes… Il nous manque une vision consolidée, globale, de cette nouvelle forme d’économie !
Je maintiens mes amendements, car, même si je comprends l’argumentation du Gouvernement, celle-ci me paraît calée sur la boîte à outils existante, alors qu’il est sans doute nécessaire d’imaginer quelque chose de nouveau.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 412, 413, 410, 411 et 187 rectifié bis n’ont plus d’objet.
L'amendement n° 395 rectifié bis, présenté par MM. Chaize et Mayet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les personnes exerçant une activité de vente de biens, de fourniture de services ou d’échange ou de partage de contenus, de biens ou de services par l’intermédiaire d’une plateforme mentionnée à l’article L. 111-7 du code de la consommation, et dont les recettes annuelles tirées de cette activité sont supérieures au coût moyen annuel d’utilisation du bien partagé tel que ce coût est déterminé, selon des catégories appropriées, par décret en Conseil d’État. » ;
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Cet amendement s’inscrit dans la continuité de ceux qui viennent d’être examinés.
L’économie collaborative est depuis quelques années en plein essor. Elle repose sur le partage ou l’échange entre particuliers de biens, de services ou de connaissances, avec ou sans échange monétaire, par l’intermédiaire d’une plateforme numérique de mise en relation.
Il est essentiel de sécuriser le développement de cette nouvelle économie de particulier à particulier qui touche tous les secteurs d’activité et concourt à l’intérêt général, ce que le député Pascal Terrasse a clairement mis en lumière dans son rapport.
Ainsi, il conviendrait de limiter ces échanges aux activités à titre non onéreux en plafonnant le montant des sommes perçues par un particulier, afin de contenir la concurrence faite aux activités de l’économie traditionnelle et aux acteurs professionnels exerçant sur le même type de plateformes.
Dans cet esprit, le présent amendement vise à permettre la distinction entre une activité de nature professionnelle et une activité exercée dans le cadre de l’économie du partage entre particuliers, caractérisée corrélativement comme étant à but non lucratif. La distinction serait opérée au moyen d’un critère unique : le coût moyen des biens partagés, tel qu’il serait défini par décret en Conseil d’État.
Dès lors, tout particulier exerçant ces activités et en tirant des recettes ou un chiffre d’affaires supérieur au seuil fixé serait automatiquement affilié au régime d’assurance maladie et d’assurance maternité des travailleurs indépendants des professions non agricoles correspondant à son activité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cette question doit être traitée, mais la réponse apportée produit un seuil qui conduirait à l’affiliation d’un grand nombre de personnes, parfois inutilement. Ce seuil pourrait convenir en matière fiscale, mais pas en matière sociale.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il est également défavorable. L’usage de biens partagés, dès lors que le propriétaire est présent et que les frais sont partagés, est traité dans le cadre de l’instruction fiscale du 30 août 2016, qui énonce une règle claire : on est en présence de revenus lorsqu’il n’y a pas de coconsommation des prestations, et que seuls les coûts directs engagés sont facturés. Le même principe s’applique en matière sociale. Votre proposition, monsieur le sénateur, ne s’inscrit pas dans cet esprit, sans compter qu’elle risquerait de poser des problèmes de constitutionnalité.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. La difficulté est liée à une activité particulière : le transport de courte distance, utilisé, par exemple, par les étudiants pour partir en week-end ou se rendre à une manifestation. Sur de longues distances, en effet, comme celles qui sont parcourues avec BlaBlaCar, les montants pratiqués correspondent effectivement à des coûts moyens et peuvent se justifier. Sur les petits trajets, en revanche, le montant de la rétribution et les coûts de partage peuvent être notablement différents, ce qui pénalise cette activité.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 395 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d’État, la volonté que vous avez affirmée de lutter contre les abus et la concurrence déloyale est un premier pas que nous trouvons intéressant, d’autant que vous avez dit vous occuper aussi des abus des plateformes, ce qui nous paraît un pendant absolument indispensable.
Permettez-moi d’illustrer la situation par quelques chiffres : en 2015, selon les estimations, la plateforme Airbnb aurait accumulé – remarquez que j’emploie le conditionnel – entre 60 millions et 160 millions d’euros de chiffres d’affaires grâce aux commissions touchées sur chaque transaction conclue sur notre territoire, alors qu’elle n’a déclaré que 4,9 millions d’euros et a acquitté seulement 69 000 euros d’impôt. De fait, toutes les transactions passent par la filiale d’Airbnb située en Irlande, le paradis fiscal préféré de la Silicon Valley.
Au total, la valeur boursière d’Airbnb avoisinerait 30 milliards de dollars, soit deux fois plus que les hôtels Accor et leurs 500 000 chambres… Il faut donc poursuivre le travail, et nous espérons que des mesures iront plus loin !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je me permets de signaler au Sénat que l’adoption de l’amendement n° 57 de la commission conduirait, si elle était confirmée, à avancer le moment de l’assujettissement aux contributions sociales…
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pour les locations meublées !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … pour, en effet, les locations de type Airbnb. Je vous avertis, avec respect mais franchise, que le Gouvernement proposera probablement à l’Assemblée nationale de revenir au seuil de 23 000 euros.
Madame Cohen, vous avez eu raison de rappeler un certain nombre d’informations diffusées dans la presse, des informations que le secret fiscal m’empêche évidemment de confirmer. Dans ce domaine, le problème qui se pose à nous est de caractériser les établissements stables. De mon point de vue, la plateforme Airbnb doit être considérée comme un tel établissement. Ce débat devrait rebondir demain et les jours suivants à l’Assemblée nationale, comme vous le savez sans doute.
La question centrale est celle du prix de transfert et, je le répète, de la caractérisation des établissements stables. Nous devons y répondre pour être en mesure de fiscaliser les bénéfices tirés des activités exercées sur notre territoire. Il est intéressant d’avoir ce problème à l’esprit, même s’il n’est pas l’objet de la discussion de ce soir.
M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article additionnel après l’article 10
M. le président. L'amendement n° 159 rectifié ter, présenté par MM. Cardoux, Milon et Vasselle, Mme Debré, M. Joyandet, Mme Di Folco, M. Masclet, Mmes Deroche et Imbert, MM. de Legge et Retailleau, Mmes Cayeux, Canayer et Deseyne, M. B. Fournier, Mme Micouleau, MM. Morisset et Doligé, Mme Lopez, MM. Pillet, César, D. Robert, Nougein, Vogel, Bignon et Dufaut, Mme Duchêne, M. P. Leroy, Mme Estrosi Sassone, MM. G. Bailly et de Nicolaÿ, Mme Mélot, MM. Houel, Pointereau, Laufoaulu, Perrin et Chasseing, Mme Gruny, M. Rapin, Mme Hummel, M. de Raincourt, Mme Morhet-Richaud, MM. Lemoyne, Danesi, Revet, Laménie, Buffet, Houpert, Kennel, Mayet, Chaize, Lefèvre et Cambon, Mme Deromedi et MM. A. Marc, Gremillet et Husson, est ainsi libellé :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les professionnels mentionnés au 7° de l’article L. 161–22 du code de la sécurité sociale exerçant leur activité dans les zones définies dans les conditions fixées par l’article L. 1434–4 du code de la santé publique, où l’offre de soins est déficitaire, sont exonérés d’une partie des cotisations mentionnées au 1° de l’article L. 642–1 du code de la sécurité sociale.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Hier soir, nous avons beaucoup parlé du problème de la pénurie médicale en France et des zones sous-denses. À telle enseigne que pour proposer quelque chose vis-à-vis d’amendements coercitifs, le rapporteur général a suggéré que la MECSS, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, s’empare de la question dans les semaines à venir, ce que j’ai bien sûr accepté en tant que président de cette instance.
L’amendement que je propose – je le présente depuis plusieurs années parce que le problème de la désertification médiale est récurrent et, nous avons beau chercher des solutions, nous n’en trouvons pas – peut être aussi une petite partie de la solution à cette désertification médicale. Il vise à exonérer de cotisations retraite les médecins retraités reprenant une activité à temps partiel dans les zones sous-denses.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez expliqué il y a quelques instants sur le débat précédent que les cotisations rapportent des points de retraite et des avantages. Or, en l’occurrence, pour les médecins qui cotisent alors qu’ils sont déjà retraités, leurs cotisations ne leur donnent aucun avantage et ne leur rapportent aucun point de retraite, ce qui est particulièrement décourageant.
Alors que les besoins, déjà considérables dans certaines zones, sont encore aggravés par la « consommation » de médecins que font désormais les administrations – je pense en particulier aux besoins des conseils départementaux pour la mise en œuvre de l’APA, la PCH ou la PMI –, certains médecins retraités reprenant une activité à temps partiel pour exercer ces fonctions-là pourraient permettre à des médecins en activité de retourner dans le secteur libéral.
On m’objectera, bien sûr, que cette proposition est inégalitaire, qu’elle privilégie une catégorie particulière de personnes, ces médecins par rapport à d’autres, et que cela pose un problème. Ce n’est pourtant pas la première fois que des avantages financiers seraient accordés à des médecins acceptant telle ou telle obligation – songeons à la prime à l’installation ou à d’autres éléments financiers. En outre, compte tenu de la gravité du problème, qui nous occupe depuis des années, c’est presque un service public qu’assureraient pour le pays les médecins reprenant une activité à temps partiel sans cotiser à une caisse de retraite.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cette proposition de M. Cardoux a été adoptée par notre assemblée l’année dernière. Elle peut, il est vrai, constituer une partie de la solution au problème des zones sous-denses, qui n’est toujours pas résolu. De manière logique, la commission s’y est déclarée favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L’an dernier déjà, la proposition de M. Cardoux a été adoptée par le Sénat, puis supprimée par l’Assemblée nationale. Probablement en ira-t-il de même cette année. La position du Gouvernement, en tout cas, est constante : il est défavorable à l’amendement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. La position du Gouvernement, qui nous avait été exposée l’année dernière par Mme Touraine, nous l’entendons bien, mais, en même temps, nous voyons bien que le problème de la présence médicale sur tout le territoire ne peut pas être résolu par une recette miracle. S’il y en avait une, j’espère bien que le Gouvernement l’aurait trouvée depuis cinq ans… C’est donc seulement par la conjonction de multiples mesures, différentes selon les territoires, que nous parviendrons à assurer un accès aux soins égal pour tous. La mesure proposée en fait partie.
J’irais même plus loin, en permettant non seulement aux médecins généralistes, mais aussi aux spécialistes, et pas uniquement dans les zones sous-denses, de reprendre une activité à temps partiel sans avoir à cotiser. Dans des situations nombreuses et variables – certains territoires peuvent être dépourvus lorsqu’un praticien arrête brutalement son activité –, cette mesure d’exonération, qui, précisons-le, ne conduit à aucune amélioration de la retraite, serait une solution parmi d’autres. Je ne comprends pas du tout pourquoi le Gouvernement s’obstine à la combattre !
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Je ne comprends pas non plus l’opposition du Gouvernement à une mesure qui ne coûterait rien, ou si peu, et qui même pourrait rapporter, puisque permettre à des médecins retraités de reprendre une activité en zone rurale lorsqu’il y a des manques éviterait d’engager des dépenses inconsidérées.
Jean-Noël Cardoux et moi-même avons mis en place un tel système voilà quelques années en écrivant à tous les médecins retraités de notre département, avec l’avis du conseil départemental de l’ordre. La collectivité y gagne, le coût est minime et un petit service supplémentaire est assuré. Bien entendu, cette mesure ne réglera pas tout le problème de la désertification médicale, aigu même dans un département qui, comme le nôtre, n’est qu’à 100 kilomètres de Paris, mais elle y contribuera. Il me semble, monsieur le secrétaire d’État, que vous pourriez encourager cette tentative pour régler une partie du problème.
J’ajoute qu’un certain nombre de médecins sont demandeurs, parce que, habitués à travailler beaucoup, ils apprécient de pouvoir continuer à exercer, au moins pour un tiers-temps ou un mi-temps. Ils ont ainsi la satisfaction de continuer à être utiles à notre société.
M. Gérard Dériot. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Il faut bien mesurer que, dans les cinq ou six ans qui viennent, la situation va devenir catastrophique dans certains territoires ruraux. Je ne dis pas que rien n’a été fait : les maisons de santé ont été mises en place et divers avantages et aides, instaurés. Pour l’instant, toutefois, on ne peut pas dire que cela ait été concluant…
Il faut donc qu’une nouvelle équipe prenne le problème à bras-le-corps, pour que les jeunes médecins généralistes soient davantage auprès de leurs aînés ; je ne reviens pas sur ce que j’ai dit hier soir au sujet des stages, qui doivent être beaucoup plus nombreux, et de la considération plus forte qui doit être portée aux maîtres de stage.
Permettre aux médecins retraités – qui n’auraient pas plus d’avantages, comme Mme Deroche vient de l’expliquer – de reprendre une activité en étant exonérés de cotisation retraite les encouragerait à rendre ce service en leur accordant une reconnaissance. Conjuguée à d’autres, cette mesure permettrait peut-être de maintenir la médecine en milieu rural.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Le groupe socialiste et républicain votera cet amendement. Comme il a été dit, il n’y a pas une solution unique au problème de la désertification, mais une multitude de solutions. Les médecins retraités ont travaillé selon des critères qui ne sont peut-être plus ceux des jeunes générations : ils aspirent pour certains à continuer d’exercer au service de la collectivité et peuvent servir d’exemple aux jeunes médecins et avoir un effet d’entraînement à leur égard.
M. Yves Daudigny. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Pour sûr, il n’y a pas qu’une seule mesure à prendre contre la désertification ; si c’était le cas, comme le disait Mme Deroche, on l’aurait trouvée depuis longtemps. Il y a, en effet, plusieurs mesures à mettre en œuvre. Seulement, chaque fois que notre assemblée en adopte une, il s’agit, étrangement, d’une défiscalisation ou d’un avantage ; et chaque fois que nous proposons quelques mesures avec un peu de contrainte pour l’installation des médecins, on n’est pas les bienvenus et on nous accuse de faire la guerre à la médecine libérale !
Parmi les multiples mesures qui doivent être prises, il y en a qui sont un peu plus équilibrées : elles sont nécessaires pour que l’installation des médecins se fasse dans de bonnes conditions.
On a fait valoir, hier soir, que les études de médecine coûtent cher, et que, dans toutes les autres filières, les personnes vont travailler là où elles le souhaitent. Certes, mais n’oublions pas que les médecins libéraux sont liés par contrat avec la sécurité sociale, qui leur assure une partie de leurs revenus. Des mesures un peu plus contraignantes sont nécessaires pour lutter vraiment contre la désertification !
Pour ces raisons, nous ne voterons pas cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
Mes chers collègues, pour permettre à la conférence des présidents de se réunir, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à vingt et une heures, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
9
Conférence des présidents
Mme la présidente. La conférence des présidents, qui s’est réunie ce soir, mercredi 16 novembre 2016, a pris acte, en application de l’article 6 bis du règlement, de la demande de création :
- d’une commission d’enquête sur les frontières européennes, le contrôle des flux des personnes et des marchandises en Europe et l’avenir de l’espace Schengen (demande du groupe Les Républicains) ;
- d’une commission d’enquête sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d’infrastructures, intégrant les mesures d’anticipation, les études préalables, les conditions de réalisations et leur suivi dans la durée (demande du groupe écologiste) ;
- d’une mission d’information sur le thème : « Démocratie représentative, démocratie participative, démocratie paritaire : comment décider avec efficacité et légitimité en France en 2017 » (demande du groupe UDI-UC) ;
- d’une mission d’information sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France (demande du groupe du RDSE).
La conférence des présidents a en outre établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT |
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MERCREDI 16 NOVEMBRE 2016 |
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Le soir |
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 (n° 106, 2016-2017) |
JEUDI 17 NOVEMBRE 2016 |
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À 10 h 30 |
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 (n° 106, 2016-2017) |
À 15 h |
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site Internet du Sénat) • Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 17 novembre, à 11 heures |
À 16 h 15 et le soir |
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 (n° 106, 2016-2017) |
VENDREDI 18 NOVEMBRE 2016 |
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À 9 h 30, à 14 h 30 et, éventuellement, le soir |
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 (n° 106, 2016-2017) |
SÉANCES DE CONTRÔLE |
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MARDI 22 NOVEMBRE 2016 |
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À 15 h 15 |
- Explications de vote des groupes sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 (n° 106, 2016-2017) • Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe • Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 21 novembre, à 17 heures |
De 16 h à 16 h 30 |
- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 (n° 106, 2016-2017) |
À 16 h 30 |
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 (n° 106, 2016-2017) |
À 16 h 45 |
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur Public Sénat et sur le site Internet du Sénat) • Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 22 novembre, à 12 h 30 |
À 17 h 45 |
- Désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur les frontières européennes, le contrôle des flux des personnes et des marchandises en Europe et l’avenir de l’espace Schengen • Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette commission d’enquête : lundi 21 novembre, à 16 heures - Désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d’infrastructures, intégrant les mesures d’anticipation, les études préalables, les conditions de réalisations et leur suivi dans la durée • Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette commission d’enquête : lundi 21 novembre, à 16 heures |
À 17 h 45 (suite) |
- Désignation des vingt-sept membres de la mission d’information sur le thème : « Démocratie représentative, démocratie participative, démocratie paritaire : comment décider avec efficacité et légitimité en France en 2017 » • Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : lundi 21 novembre, à 16 heures - Désignation des vingt-sept membres de la mission d’information sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France • Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : lundi 21 novembre, à 16 heures - Débat sur les conclusions du rapport : « 2006-2016 : un combat inachevé contre les violences conjugales » (demande de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes) • Temps attribué à la délégation aux droits des femmes : 10 minutes • Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 21 novembre, à 17 heures |
Le soir |
- Proposition de résolution européenne sur l’inadaptation des normes agricoles et de la politique commerciale européenne aux spécificités des régions ultra périphériques, présentée, en application de l’article 73 quinquies du Règlement, par M. Michel MAGRAS et plusieurs de ses collègues (n° 65, 2016-2017) (demande de la commission des affaires économiques, de la commission des affaires européennes et de la délégation sénatoriale à l’outre-mer) Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques. • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 21 novembre, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 22 novembre, matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 21 novembre, à 17 heures |
MERCREDI 23 NOVEMBRE 2016 |
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De 14 h 30 à 18 h 30 (ordre du jour réservé au groupe du RDSE) |
- Débat sur l’avenir du transport ferroviaire en France • Temps attribué au groupe du RDSE : 10 minutes • Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 22 novembre, à 17 heures - Débat sur le thème « Sauvegarde et valorisation de la filière élevage » • Temps attribué au groupe du RDSE : 10 minutes • Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 22 novembre, à 17 heures |
De 18 h 30 à 20 h et de 21 h 30 à minuit (ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain) |
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional (texte de la commission, n° 52, 2016-2017) Ce texte a été envoyé à la commission des lois. • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure |
CALENDRIER D’EXAMEN DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2017 ET ORDRE DU JOUR DES SÉANCES DU JEUDI 24 NOVEMBRE AU JEUDI 1ER DÉCEMBRE |
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JEUDI 24 NOVEMBRE 2016 |
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À 15 h |
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2017 (A.N., n° 4061) => Discussion générale • Temps attribué au rapporteur général de la commission des finances : 30 minutes • Temps attribué à la présidente de la commission des finances : 15 minutes • Temps attribué aux porte-parole des groupes à raison d’un porte-parole par groupe : 10 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe • Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 23 novembre, à 17 heures • Temps attribué aux présidents de commission : 10 minutes pour chaque président |
MARDI 29 NOVEMBRE 2016 |
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À 14 h 30 |
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2017 (A.N., n° 4061) => Suite de la discussion générale • Temps attribué aux orateurs des groupes : 6 heures • Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 28 novembre, à 17 heures |
MERCREDI 30 NOVEMBRE 2016 |
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À 15 h |
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2017 (A.N., n° 4061) => Discussion de la motion tendant à opposer la question préalable Explications de vote sur la motion tendant à opposer la question préalable à l’ensemble du projet de loi de finances pour 2017 • Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe • Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 29 novembre, à 17 heures Scrutin public solennel à la tribune |
JEUDI 1ER DÉCEMBRE 2016 |
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À 10 h 30 |
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ou nouvelle lecture • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 30 novembre, à 17 heures En cas de nouvelle lecture : • Réunion de la commission pour examiner son rapport : mercredi 30 novembre matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale |
À 15 h |
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site Internet du Sénat) • Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 1er décembre, à 11 heures |
À 16 h 15 |
- Suite de la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 |
ORDRE DU JOUR PRÉVISIONNEL |
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MARDI 6 DÉCEMBRE 2016 |
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À 9 h 30 |
- 26 questions orales L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement. • n° 1425 de M. Didier MARIE à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat (Sécurité dans les centrales nucléaires) • n° 1484 de Mme Colette MÉLOT à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat (Entretien des cours d’eau) • n° 1487 de M. Gérard BAILLY à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé (Suspicion jetée sur la qualité sanitaire des produits alimentaires français) • n° 1488 de Mme Patricia MORHET-RICHAUD à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement (Arboriculture et brouettes de cueillette) • n° 1490 de M. Philippe BONNECARRÈRE à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat (Clarification des responsabilités en matière de politique publique de l’eau) • n° 1492 de M. Jean-François RAPIN à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche (Conséquences pour la pêche de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne) • n° 1497 de M. Alain VASSELLE à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement (Procédure de permis de construire pour les exploitations agricoles) • n° 1499 de M. Daniel LAURENT à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales (Financement des groupements d’associations syndicales de propriétaires par les collectivités territoriales) • n° 1505 de M. Philippe MOUILLER à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement (Situation des éleveurs de bovins allaitants) • n° 1507 de M. Hervé MAUREY à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé (Déserts médicaux) • n° 1511 de M. Jean-François LONGEOT à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales (Zones de revitalisation rurale) |
À 9 h 30 (suite) |
• n° 1514 de M. Christian FAVIER à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé (Situation de pénurie des vaccins contre la tuberculose en France) • n° 1517 de M. Roland COURTEAU à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes (Dispositif anti-rapprochement DEPAR) • n° 1522 de M. Daniel GREMILLET à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique et de l’innovation (Couverture numérique du territoire en très haut débit) • n° 1527 de Mme Corinne IMBERT à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes (Allocation de rentrée scolaire) • n° 1528 de M. Louis-Jean de NICOLAY à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé (Mesures de régulation aux fins de lutte contre les « déserts médicaux ») • n° 1536 de M. Patrick ABATE transmise à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat (Accord transfrontalier entre la France et le Luxembourg en matière de fiscalité) • n° 1537 de Mme Agnès CANAYER à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat (Régénération des huiles noires) • n° 1544 de M. Jean-Yves ROUX à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé (Statut des médecins en haute montagne) • n° 1546 de M. Alain DURAN à Mme la ministre de la fonction publique (Interdictions de stade et accès à la fonction publique) • n° 1547 de Mme Marie-France BEAUFILS à M. le ministre de l’économie et des finances (Dégradation du service de La Poste) • n° 1548 de M. Yannick VAUGRENARD à M. le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche (Stage obligatoire dans une petite entreprise pour les étudiants des grandes écoles) • n° 1549 de Mme Gisèle JOURDA à Mme la ministre de la culture et de la communication (Élargissement de l’attribution de la carte professionnelle de guide-conférencier) • n° 1553 de M. Jean-Louis TOURENNE à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (Auxiliaires de vie scolaire) |
À 9 h 30 (suite) |
• n° 1554 de M. Richard YUNG à M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie (Rémunération de l’innovation) • n° 1559 de Mme Claudine LEPAGE à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (Élèves français de l’étranger et option sport de haut niveau au baccalauréat) |
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir |
- Proposition de résolution invitant le Gouvernement à utiliser toutes les voies de droit pour reconnaître les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre perpétrés contre les minorités ethniques et religieuses et les populations civiles en Syrie et en Irak présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Bruno RETAILLEAU et plusieurs de ses collègues (n° 125, 2016-2017) (demande du groupe Les Républicains) • Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 5 décembre, à 17 heures • Les interventions des orateurs vaudront explications de vote - Proposition de loi tendant à clarifier les conditions des délégations de compétences en matière de transports scolaires (n° 587, 2015-2016) (demande du groupe Les Républicains) Ce texte a été envoyé à la commission des lois. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 28 novembre, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 30 novembre, matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 5 décembre, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 6 décembre, matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 5 décembre, à 17 heures |
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir (suite) |
- Proposition de résolution en faveur de la réduction des normes applicables à l’agriculture présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Daniel DUBOIS et plusieurs de ses collègues (n° 107, 2016-2017) (demande de la commission des affaires économiques) • Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 5 décembre, à 17 heures • Les interventions des orateurs vaudront explications de vote |
MERCREDI 7 DÉCEMBRE 2016 |
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De 14 h 30 à 18 h 30 (ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain) |
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional (texte de la commission, n° 52, 2016-2017) - Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (procédure accélérée) (A.N., n° 4118) Ce texte sera envoyé à la commission des affaires sociales, avec une saisine pour avis de la commission des lois. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 décembre, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 6 décembre après-midi • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mercredi 7 décembre, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 7 décembre en début d’après-midi • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 6 décembre, à 17 heures |
De 18 h 30 à 20 h et de 21 h 30 à minuit (ordre du jour réservé au groupe écologiste) |
- Proposition de résolution visant à généraliser les contrats de ressources présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Hervé POHER (n° 87, 2016-2017) • Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 6 décembre, à 17 heures • Les interventions des orateurs vaudront explications de vote |
De 18 h 30 à 20 h et de 21 h 30 à minuit (ordre du jour réservé au groupe écologiste) (suite) |
- Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique (n° 304, 2015-2016) Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 28 novembre, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 30 novembre, matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 5 décembre, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 7 décembre, matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 6 décembre, à 17 heures |
JEUDI 8 DÉCEMBRE 2016 |
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À 10 h 30 |
- Débat sur le thème : « Le Massif central, un enjeu de développement territorial » (demande du groupe du RDSE) • Temps attribué au groupe du RDSE : 10 minutes • Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 7 décembre, à 17 heures |
À 15 h |
- Débat sur la situation et l’avenir de La Poste (demande du groupe communiste républicain et citoyen) • Temps attribué au groupe communiste républicain et citoyen : 10 minutes • Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 7 décembre, à 17 heures |
ORDRE DU JOUR PRÉVISIONNEL |
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LUNDI 12 DÉCEMBRE 2016 |
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À 15 h et le soir |
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (n° 47, 2016-2017) Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, avec une saisine pour avis de la commission des affaires économiques, de la commission des affaires sociales et de la commission des lois. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : jeudi 1er décembre, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 décembre matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 9 décembre, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 12 décembre en début d’après-midi • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure 30 • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 9 décembre, à 17 heures |
MARDI 13 DÉCEMBRE 2016 |
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À 14 h 30 |
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (n° 47, 2016-2017) |
À 18 h |
- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 15 et 16 décembre (demande de la commission des affaires européennes) Intervention liminaire du Gouvernement : 10 minutes 8 minutes attribuées à chaque groupe politique et 5 minutes aux sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe • Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 12 décembre, à 17 heures 8 minutes attribuées respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des finances et à la commission des affaires européennes Après la réponse du Gouvernement, débat spontané et interactif de 1 heure : 2 minutes maximum par sénateur avec possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes |
Le soir |
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (n° 47, 2016-2017) |
MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2016 |
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À 14 h 30 et le soir |
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (n° 47, 2016-2017) |
ORDRE DU JOUR RÉSERVÉ PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT |
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JEUDI 15 DÉCEMBRE 2016 |
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À 10 h 30 |
- Sous réserve de son dépôt et de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2016 (demande du Gouvernement en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution) Ce texte sera envoyé à la commission des finances. • Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 14 décembre matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : jeudi 15 décembre après-midi, vendredi 16 décembre, à 8 h 30, à la suspension du matin et à la suspension du soir • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 décembre, à 17 heures |
À 15 h |
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site Internet du Sénat) • Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 15 décembre, à 11 heures |
À 21 h |
- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2016 (demande du Gouvernement en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution) |
VENDREDI 16 DÉCEMBRE 2016 |
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À 9 h 30, à 14 h 30, le soir et, éventuellement, la nuit |
- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2016 (demande du Gouvernement en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution) |
ÉVENTUELLEMENT, SAMEDI 17 DÉCEMBRE 2016 |
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Le matin, l’après-midi et le soir |
- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2016 (demande du Gouvernement en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution) |
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT |
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LUNDI 19 DÉCEMBRE 2016 |
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À 16 h et le soir |
- Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté (A.N., n° 4141) Ce texte sera envoyé à une commission spéciale. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 décembre, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 6 décembre, après midi • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 15 décembre, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 19 décembre en fin de matinée et en début d’après-midi • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 16 décembre, à 17 heures |
MARDI 20 DÉCEMBRE 2016 |
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À 14 h 30 |
- Suite de la nouvelle lecture du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté (A.N., n° 4141) |
À 16 h 45 |
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur Public Sénat et sur le site Internet du Sénat) • Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 20 décembre, à 12 h 30 |
À 17 h 45 et le soir |
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2017 ou nouvelle lecture Ce texte sera envoyé à la commission des finances. • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 19 décembre, à 17 heures En cas de nouvelle lecture : • Réunion de la commission pour examiner son rapport : mardi 20 décembre, matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale |
À 17 h 30 et le soir (suite) |
- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative aux sapeurs-pompiers professionnels et aux sapeurs-pompiers volontaires (procédure accélérée) (A.N., n° 4044) Ce texte sera envoyé à la commission des lois. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 décembre, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 décembre, matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 15 décembre, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 20 décembre matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 19 décembre, à 17 heures |
MERCREDI 21 DÉCEMBRE 2016 |
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À 14 h 30 et le soir |
- 6 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié : => Projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant la modernisation et l’exploitation de la ligne ferroviaire d’Annemasse à Genève (n° 847, 2015-2016) => Projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative aux travaux et au cofinancement par la Suisse de l’opération de réactivation du trafic ferroviaire sur la ligne Belfort-Delle ainsi qu’à l’exploitation de la ligne Belfort-Delle-Delémont (n° 154, 2015-2016) => Projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition signée le 2 mai 2007 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État des Émirats arabes unis (n° 448, 2014-2015) => Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant portant première modification à l’entente en matière de sécurité sociale du 17 décembre 2003 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec et de l’avenant portant seconde modification au protocole d’entente du 19 décembre 1998 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération (procédure accélérée) (A.N., n° 4121) |
À 14 h 30 et le soir (suite) |
=> Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan relatif à la construction d’une tour de contrôle sur l’aéroport de Douchanbé (procédure accélérée) (A.N., n° 3950) => Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de l’acquisition de contre-mesures médicales (procédure accélérée) (A.N., n° 4026) • Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : lundi 19 décembre, à 17 heures - Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2016 ou nouvelle lecture Ce texte sera envoyé à la commission des finances. • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 20 décembre, à 17 heures En cas de nouvelle lecture : • Réunion de la commission pour examiner son rapport : mercredi 21 décembre matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale |
À 14 h 30 et le soir (suite) |
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant les ordonnances n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation et simplifiant le dispositif de mise en œuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services (n° 16, 2016-2017) Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 2 décembre, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 décembre • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 16 décembre, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 21 décembre matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 20 décembre, à 17 heures - Suite de la nouvelle lecture du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté (A.N., n° 4141) |
ÉVENTUELLEMENT, JEUDI 22 DÉCEMBRE 2016 |
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À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir |
- Suite de la nouvelle lecture du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté (A.N., n° 4141) |
Suspension des travaux en séance plénière : |
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du lundi 26 décembre 2016 au dimanche 8 janvier 2017 |
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Prochaine réunion de la Conférence des Présidents : |
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mercredi 14 décembre 2016, à 19 heures |
Y a-t-il des observations sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?…
Ces propositions sont adoptées.
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Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
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Financement de la sécurité sociale pour 2017
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2017.
Nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre Ier de la troisième partie, à l’article 11.
TROISIÈME PARTIE (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2017
Titre Ier (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE
Chapitre Ier (suite)
Mesures de simplification et de modernisation des prélèvements sociaux
Article 11
I. – Le II de la section III du chapitre III du titre IV de la première partie du livre Ier du code général des impôts est ainsi modifié :
A. – L’article 1010 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’elle s’applique à des véhicules pris en location ou mis à disposition, la taxe est uniquement à la charge de la société locataire ou de la société bénéficiant de la mise à disposition. » ;
b) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« La taxe n’est pas applicable aux véhicules destinés exclusivement soit à la vente, soit à la location de courte durée, soit à l’exécution d’un service de transport à la disposition du public, lorsque ces opérations correspondent à l’activité normale de la société propriétaire. » ;
c) Au début du quatrième alinéa, est ajoutée la mention : « I bis. – » ;
d) Les deux derniers alinéas sont supprimés ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par huit alinéas ainsi rédigés :
« II. – La période d’imposition de la taxe s’étend du 1er janvier au 31 décembre.
« Cette taxe est liquidée par trimestre, par application du tarif fixé au I bis aux véhicules possédés par la société au premier jour du trimestre ou utilisés par celle-ci au cours de ce trimestre, qu’il s’agisse de véhicules pris en location ou mis à sa disposition ou de ceux mentionnés à l’article 1010-0 A.
« Toutefois, pour les véhicules loués par la société, la taxe n’est due que si la durée de la location excède un mois civil ou une période de trente jours consécutifs. Elle est due au titre d’un seul trimestre si la durée de la location n’excède pas trois mois civils consécutifs ou quatre-vingt-dix jours consécutifs.
« Le montant de la taxe due pour un trimestre et au titre d’un véhicule est égal au quart du tarif annuel fixé au I bis.
« III. – La taxe annuelle est déclarée et liquidée selon les modalités suivantes :
« 1° Pour les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée soumis au régime réel normal d’imposition prévu au 2 de l’article 287, sur l’annexe à la déclaration mentionnée au 1 du même article 287 déposée au titre du mois de décembre ou du quatrième trimestre civil de la période au titre de laquelle la taxe est due ;
« 2° Pour les personnes non redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sur l’annexe à la déclaration prévue au 1 de l’article 287 transmise au service chargé du recouvrement dont relève le principal établissement au cours du mois de janvier suivant la période au titre de laquelle la taxe est due. L’annexe est déposée dans les délais fixés en matière de taxe sur le chiffre d’affaires ;
« 3° Pour les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée soumis au régime simplifié d’imposition prévu à l’article 302 septies A ou au régime simplifié prévu à l’article 298 bis, sur un imprimé conforme au modèle établi par l’administration déposé au plus tard le 15 janvier qui suit l’expiration de la période au titre de laquelle la taxe est due. » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– au début, est ajoutée la mention : « IV. – » ;
– le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « La taxe » ;
c) Le dernier alinéa est supprimé ;
B. – Le dernier alinéa de l’article 1010 B est supprimé.
II. – A. – Le I s’applique aux périodes d’imposition ouvertes à compter du 1er janvier 2018.
B. – Une taxe, établie, liquidée, contrôlée et recouvrée selon les modalités et sous les sanctions, garanties et privilèges prévus à l’article 1010 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est due au titre du dernier trimestre de l’année 2017 par les sociétés mentionnées au premier alinéa du I du même article 1010. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées et le droit de reprise de l’administration s’exerce selon les règles applicables à la taxe prévue audit article 1010.
Pour les véhicules loués par la société, la taxe n’est due que si la durée de la location excède une période d’un mois civil ou de trente jours consécutifs au cours de ce trimestre.
Pour l’application de l’article 1010-0 A du même code, le nombre de kilomètres pris en compte pour le remboursement au propriétaire ou à l’utilisateur par la société ainsi que le montant de l’abattement prévu au dernier alinéa du II du même article 1010-0 A sont divisés par quatre.
La taxe est déclarée et payée dans les délais et selon les modalités définies au III de l’article 1010 du même code, dans sa rédaction résultant du I du présent article.
Mme la présidente. L'amendement n° 58, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 18, seconde phrase
Remplacer le mot :
taxe
par le mot :
taxes
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement rédactionnel. Les taxes sur les salaires sont une catégorie de taxes et non une taxe spécifique.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Favorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 408, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
C. – Pour la période d’imposition du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017, la taxe prévue par l’article 1010 du code général des impôts est déclarée et payée dans les délais et selon les modalités définies au III de l’article 1010 dans sa rédaction issue du I du présent article.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L’article 11 vise à caler sur l’année civile le versement de la taxe sur les véhicules des sociétés .
Il s’agit simplement d’octroyer un délai supplémentaire aux entreprises en reportant le paiement de cette taxe de novembre 2017 à janvier 2018.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’avis de la commission est favorable.
Cet amendement est de nature à simplifier les formalités demandées aux entreprises sans incidence sur les recettes de la sécurité sociale.
Toutefois, je profite de cet amendement pour dénoncer le subterfuge comptable que représente l’article 11, familièrement dénommé « amendement cinq trimestres ». Sous couvert d’une mesure de simplification – certes bienvenue et que nous soutenons, mais qui n’était pas réellement demandée –, le Gouvernement crée une taxe exceptionnelle dont le produit est affecté à la réduction du déficit de la branche famille. C’est pour cette dernière raison que la commission est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article additionnel après l'article 11
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 44 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Gabouty, L. Hervé, Longeot, Bockel, Canevet, Kern, Médevielle, Guerriau et Luche.
L'amendement n° 251 rectifié est présenté par MM. Barbier, Amiel, Bertrand et Castelli, Mme Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 1635 bis AE du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Les petites et moyennes entreprises, définies par l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, bénéficient d’une réduction de 40 % sur les droits exigibles lors de chaque demande ou notification de modification de l’autorisation de mise sur le marché en application du 3° du I du présent article et des 4° et 5° du III de l’article 344 undecies A du code général des impôts. Les micros-entreprises définies par l’article 51 de la loi n° 2008-776 précitée bénéficient d’une exonération totale de ces droits. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° 44 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 251 rectifié.
M. Gilbert Barbier. Dans le cadre du plan européen pour les micro-entreprises et les petites et moyennes entreprises du secteur pharmaceutique, cet amendement vise à réduire les droits forfaitaires perçus lors de chaque modification de l’autorisation de mise sur le marché.
En effet, le coût de cette modification administrative qu’il faut répéter régulièrement pèse lourdement sur les petites entreprises du secteur pharmaceutiques qui supportent déjà de nombreuses autres taxes.
Il s’agit de nous aligner sur ce qui existe au niveau européen.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces droits forfaitaires étaient à l’origine des rémunérations pour service rendu par la Haute Autorité de santé.
Une remise à plat de la fiscalité du médicament est sans doute nécessaire – il s’agit de l’une de vos conclusions de la mission d’information sur la politique du médicament –, mais on ne peut s’engager dans des mesures ponctuelles pour telle ou telle catégorie d’entreprises sans en connaître exactement l’impact.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur votre amendement, monsieur Barbier, même si nous comprenons le fond de votre démarche.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de votre commission.
J’ajoute aux arguments pertinents qui viennent d’être exposés par le rapporteur général que cette mesure serait immanquablement qualifiée d’aide d’État et devrait, à ce titre, être notifiée à la Commission européenne.
Pour ces raisons, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Barbier, l'amendement n° 251 rectifié est-il maintenu ?
M. Gilbert Barbier. Non, je vais le retirer, madame la présidente.
Il s’agissait d’un amendement d’appel, pour attirer l’attention sur la situation de l’industrie pharmaceutique en France, et notamment sur celle des petits laboratoires, qui essaient de se battre et de résister aux grands groupes, mais qui sont parfois contraints de céder leurs brevets.
Petit à petit, nous sommes en train d’amenuiser cette industrie, qui était l’un des fleurons de notre pays.
J’espère que nous pourrons engager une remise à plat de toute cette fiscalité. Beaucoup de nos voisins européens ne procèdent pas à ce prélèvement forfaitaire sur les autorisations de mise sur le marché.
Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 251 rectifié est retiré.
Article 11 bis (nouveau)
I. – Le III de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 1° est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le montant : « 10 633 € » est remplacé par le montant : « 10 996 € » et le montant : « 2 839 € » est remplacé par le montant : « 2 936 € » ;
b) À la deuxième phrase, le montant : « 12 582 € » est remplacé par le montant : « 13 011 € », le montant : « 3 123 € » est remplacé par le montant : « 3 230 € » et le montant : « 2 839 € » est remplacé par le montant : « 2 936 € » ;
c) À la fin de la dernière phrase, les montants : « 13 156 €, 3 265 € et 2 839 € » sont remplacés par les montants : « 13 605 €, 3 376 € et 2 936 € » ;
2° Le 2°est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le montant : « 13 900 € » est remplacé par le montant : « 14 375 € » et le montant : « 3 711 € » est remplacé par le montant : « 3 838 € » ;
b) À la deuxième phrase, le montant : « 15 207 € » est remplacé par le montant : « 15 726 € », le montant : « 4 082 € » est remplacé par le montant : « 4 221 € » et le montant : « 3 711 € » est remplacé par le montant : « 3 838 € » ;
c) À la fin de la dernière phrase, les montants : « 15 930 €, 4 268 € et 3 711 € » sont remplacés par les montants : « 16 474 €, 4 414 € et 3 838 € » ;
3° Le début du dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les seuils mentionnés au présent III sont revalorisés au 1er janvier de chaque année, conformément à l’évolution en moyenne annuelle… (le reste sans changement). »
II. – Le I s’applique aux contributions dues au titre des revenus versés à compter du 1er janvier 2017.
Mme la présidente. L'amendement n° 59, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Le I s’applique aux revenus de remplacement dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2017.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’attire l’attention du Sénat sur cet article important.
La CSG s’applique au même taux sur tous les revenus, à l’exception des pensions de retraites – pour des raisons historiques sur lesquelles il serait trop long de revenir – et des revenus de remplacement – indemnités journalières, allocations chômage…
Le taux applicable peut alors soit être égal à zéro en deçà d’un certain seuil, soit être compris dans une fourchette basse ou haute en fonction des montants considérés, mais toujours inférieur au taux applicable aux salariés.
Différents aménagements sont intervenus au fil du temps.
Initialement, on rentrait dans l’une de ces catégories en fonction de l’impôt payé. Or le jeu des différents crédits et réductions d’impôts permettait à certains de bénéficier d’un taux nul, alors que leurs revenus fiscaux de référence étaient plus élevés que ceux d’autres contribuables. Le Parlement a donc suivi la proposition du Gouvernement de tenir compte du seul revenu fiscal de référence pour établir le taux de CSG par souci de justice et de précision.
S’ajoutent à cette mesure la suppression de la demi-part des veuves, instaurée par une autre majorité, et l’intégration dans le revenu fiscal de référence de la majoration de pension de 10 %, que notre majorité a proposée et mise en œuvre.
Toutes ces mesures ont provoqué un certain nombre de mouvements au sein des tranches. C'est la raison pour laquelle cet article a été ajouté par l’Assemblée nationale, sur proposition de la rapporteure générale et avec l’accord du Gouvernement. Ces dispositions vont permettre d’augmenter les seuils des tranches de 3 %, ce qui représente une économie de 250 à 280 millions d’euros pour les contributeurs. Un peu plus de 500 000 retraités pourraient être concernés par une réduction de leur taux de CSG.
J’avais émis des réserves, à l’Assemblée nationale, sur l’applicabilité de cette mesure dès janvier 2017. Je peux aujourd’hui confirmer que cette disposition sera bien mise en œuvre à cette date.
Enfin, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement de la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Comme vous venez de le souligner, monsieur le secrétaire d’État, cet article vise à corriger les effets collatéraux de certaines mesures prises par le Gouvernement.
J’appellerai le Gouvernement, quel qu’il soit, à mieux mesurer à l’avenir les conséquences des mesures qu’il prend sur le pouvoir d’achat de certains de nos concitoyens les plus en difficulté.
Nonobstant ces commentaires, nous sommes tout à fait favorables à cette mesure de rattrapage.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Le groupe socialiste dans son ensemble se réjouit du retour à une situation plus favorable pour les retraités.
En 2015, le choix du revenu fiscal de référence pour déterminer le taux de CSG applicable aux retraités était une mesure de justice. Il s’agissait de mieux répartir la CSG en fonction du niveau réel de revenus de ces derniers.
Les effets collatéraux décrits dans le détail par M. le secrétaire d’État, et sur lesquels je ne reviendrai pas, qui datent d’un gouvernement ou d’un autre gouvernement, sont apparus ensuite. Il est heureux aujourd’hui de pouvoir améliorer la situation d’un peu plus de 500 000 ménages retraités.
Le groupe socialiste votera cet article avec une grande satisfaction, de même que l’amendement présenté par le rapporteur général.
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 11 bis, modifié.
(L'article 11 bis est adopté.)
Mme la présidente. Je constate que cet article a également été adopté à l’unanimité des présents.
Articles additionnels après l'article 11 bis
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 2 rectifié sexies est présenté par MM. Frassa, Cantegrit et del Picchia, Mme Deromedi, M. Duvernois, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, MM. de Nicolaÿ, César, Morisset, Maurey et G. Bailly, Mme Di Folco, MM. Laufoaulu et Doligé, Mme Procaccia, MM. Panunzi, Reichardt et de Raincourt, Mme Gruny et MM. Lefèvre, Houpert et Gremillet.
L'amendement n° 214 est présenté par M. Leconte et Mme Lepage.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 11 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I, les mots : « fiscalement domiciliés en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts » sont remplacés par les mots : « qui sont à la fois considérées comme domiciliées en France pour l'établissement de l'impôt sur le revenu et à la charge à quelque titre que ce soit d'un régime obligatoire français d'assurance maladie » ;
2° Le I bis est abrogé.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l'amendement n° 2 rectifié sexies.
Mme Jacky Deromedi. Il va de nouveau être question de la CSG et de la CRDS, mais cette fois-ci pour les Français de l’étranger.
Cet amendement vise à mettre le droit français en conformité avec la jurisprudence européenne, en particulier avec les arrêts du 26 février 2015 de la Cour de justice de l’Union européenne – affaire C-623/13 de Ruyter – et du 27 juillet 2015 du Conseil d’État, qui ont confirmé que les principes applicables aux prélèvements sociaux sur les revenus d’activité le sont également aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine.
Il s’agit, d’une part, du principe d’unicité de législation, car en droit communautaire les prélèvements sociaux sont des contributions sociales, quelle que soit leur qualification en droit interne. Il s’agit, d’autre part, du principe de la non-discrimination entre travailleur non migrant et travailleur migrant ayant mis en œuvre sa liberté de circulation au sens de l’article 45 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dès lors qu’il n’est pas affilié au système de protection sociale français.
À la suite de l’arrêt de Ruyter, le Gouvernement a limité les effets de cette jurisprudence aux seules personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d’un autre État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, alors que les principes d’unicité de législation et de non-discrimination s’appliquent à tous ceux qui ne sont pas affiliés au régime français de sécurité sociale.
Pour éviter de nouvelles condamnations de la Cour de justice de l’Union européenne – en particulier à la suite de la question préjudicielle posée la 14 décembre 2015 par la cour administrative d’appel de Douai –, les dispositions de cet amendement se concentrent sur ce qui a été clairement circonscrit par la Cour de justice de l’Union européenne, à savoir toutes les personnes qui ne sont pas affiliées au régime obligatoire français de sécurité sociale, résidents et non-résidents fiscaux en France.
Dans un souci de cohérence avec les dispositions applicables aux prélèvements sociaux sur les revenus d’activité, nous proposons de reprendre dans l’introduction de la première phrase du I de l’article L. 136–6 du code de la sécurité sociale le même libellé que celui qui figure à l’article L. 136–1: « Les personnes physiques qui sont à la fois considérées comme domiciliées en France pour l’établissement de l’impôt sur le revenu et à la charge, à quelque titre que ce soit, d’un régime obligatoire français d’assurance maladie ».
L’adoption de cet amendement permettra au droit français d’être totalement conforme au droit européen en n’assujettissant pas à ces prélèvements les personnes non affiliées au régime obligatoire français de sécurité sociale, indépendamment de leur résidence fiscale en France ou hors de France.
En outre, cela permettra d’éviter la poursuite d’un abondant contentieux conduisant à de nouvelles condamnations de la France par la Cour de justice de l’Union européenne.
Mme la présidente. L’amendement n° 214 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 37 rectifié sexies, présenté par M. Cadic, Mme Billon et MM. Bockel, Bonnecarrère, Canevet, Détraigne, Guerriau, L. Hervé, Longeot, Marseille, Médevielle et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l'article 11 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I bis de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est abrogé.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Je ne reprendrai pas les arguments qu’a brillamment développés Mme Deromedi.
J’ajouterai simplement que la question n’intéresse pas les seuls Français de l’étranger, mais l’ensemble des non-résidents.
Le dispositif mis en place constitue un contournement flagrant de l'arrêt de Ruyter de la Cour de justice de l'Union européenne.
L’an dernier, face à la décision de M. le secrétaire d’État de continuer d’assujettir les non-résidents à la CSG et à la CRDS, le Sénat avait adopté un amendement identique à celui-ci.
Depuis 2012, 50 000 réclamations ont été déposées en vue d'obtenir le remboursement des prélèvements sociaux indûment versés pour la période 2012–2015. Il s’agit du plus gros contentieux de toute l’histoire de notre administration fiscale.
Lors de son audition, le secrétaire d’État au budget nous a indiqué que la moitié des dossiers avait pu être traitée et que 130 millions d’euros avaient été remboursés sur une provision constituée de 291 millions d'euros.
Vous avez également admis, monsieur le secrétaire d’État, l’existence de contestations sur les nouvelles dispositions, que nous souhaitons abroger.
Cet amendement vise donc à supprimer cette cotisation sur les revenus des non-résidents.
J’aurai aussi une pensée pour certains retraités vivant à l’étranger et qui ont été contraints de vendre le bien dont ils tiraient des revenus de location et dont ils avaient parfois hérité, en raison du doublement de leur impôt.
Cette mesure a surtout touché les ménages les plus modestes, ceux qui avaient besoin de ces revenus pour leur retraite. J’espère que le Sénat votera de nouveau cet amendement.
M. Philippe Bonnecarrère. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements restant en discussion ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
L’an passé, nous avons déjà discuté de cette question, qui concernait stricto sensu le cas de Ruyter. Ici, vous ouvrez une porte qui n’est pas tout à fait la même.
L’amendement défendu par Mme Deromedi vise à supprimer l’assujettissement qui a été introduit par la loi de finances rectificative pour 2012. Cet assujettissement fait contribuer, depuis 2016, des revenus du patrimoine réalisés en France au financement du FSV et de la CADES.
Votre commission avait souligné la fragilité de la solution dégagée par le Gouvernement tout en ne formulant pas d’objection. En effet, ce prélèvement ne constitue pas, à proprement parler, une contribution.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il n’y a pas de prestations derrière. On constate une perte de recettes d’environ 300 millions d’euros, gagée sur une augmentation des droits sur le tabac. Depuis le temps qu’ils sont gagés, ces droits ont bon dos ! (Sourires.) Il s’agit d’un gage habituel, on n’en discutera donc pas.
L’amendement de M. Cadic est une variante, puisqu’il ne concerne que les non-résidents. Il est donc sans rapport avec l’arrêt de Ruyter qui vise les résidents fiscaux non affiliés à la sécurité sociale.
Les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine n’ont pas de caractère contributif, ce sont des impositions de toute nature, qui n’ouvrent pas de droit, et dont s’acquittent des résidents français.
Plus généralement, on peut observer que les plus gros contributeurs à ce titre, même chez les résidents fiscaux, ne sont sans doute pas ceux qui bénéficient du FSV.
Je voudrais toutefois poser une question au Gouvernement. La double imposition me semble être l’argument qui plaide en faveur d’une telle exonération. Ce patrimoine peut en effet tomber sous le coup d’une double imposition dans certains pays extra-européens, notamment aux États-Unis.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer si des négociations sont engagées pour éventuellement corriger cette disposition ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il s’agit d’un sujet connu, récurrent, même.
M. de Ruyter, qui était un citoyen hollandais, a commencé d’intenter ses actions au début des années 2000. Elles n’étaient donc en rien liées aux décisions prises en 2012 sur l’assujettissement des revenus fonciers perçus par des non-résidents en France à la CSG et à la CRDS. M. de Ruyter a aujourd’hui quitté ce bas monde, mais non sans avoir obtenu satisfaction, in fine, devant la Cour de justice de l’Union européenne.
Je le dis, parce qu’on nous fait souvent le mauvais procès, qui est un faux procès, selon lequel c’est la décision prise en loi de finances rectificative pour 2012 qui aurait déclenché cette affaire. Non ! L’affaire de Ruyter remonte à 2003, si ma mémoire est bonne – paix à son âme !
Monsieur Cadic, vous dites que c’est le plus gros contentieux européen jamais constaté. Mais c’est un mensonge ! Le plus gros contentieux jamais constaté, sous réserve de vérification, c’est l’affaire des OPCVM, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, qui est bien plus ancienne que l’actuelle majorité, et qui représente plus de 5 milliards d’euros, soit sept ou huit fois plus que le contentieux de Ruyter.
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ne dites pas des contrevérités ! Je pourrais également citer le contentieux du précompte mobilier, ou encore les apurements communautaires liés à la mise en œuvre de la PAC, la politique agricole commune, qui représentent plusieurs milliards d’euros, et qui ne sauraient être imputés à cette majorité. Il faut quand même remettre les pendules à l’heure !
Sur le fond, le sujet est connu ; je ne vais pas de nouveau développer toute l’argumentation, et les analyses de votre rapporteur général sont tout à fait pertinentes.
D’abord, circonscrivons le problème : l’arrêt de Ruyter ne porte que sur les résidents de l’Espace économique européen, et non pas sur ceux qui sont domiciliés aux États-Unis ou ailleurs. J’ai souvent ce débat avec vous.
Ensuite, le Conseil d’État a conforté la position du Gouvernement en confirmant que les versements au FSV n’étaient en rien contributifs, et qu’il n’y avait donc là aucune contradiction avec la proposition du Gouvernement de flécher ces recettes en direction du FSV, qui a finalement été adoptée.
J’ajoute même que des procédures ont été engagées par celles et ceux – ils n’ont pas été évoqués – qui contestaient le non-remboursement de la fraction « détachable », si j’ose dire – vous savez ce que je veux dire, puisque vous connaissez ces sujets. Là encore, ces contestations ont été déboutées devant les juridictions françaises, lesquelles ont considéré qu’il n’y avait effectivement pas lieu de rembourser une petite part, 1,1 %, des prélèvements concernés, cette part donnant lieu à une affectation différente.
L’avis du Gouvernement reste donc défavorable à ces deux amendements. Madame Deromedi, monsieur Cadic, vous affirmez haut et fort, comme d’autres, d’ailleurs, que ce qui a été proposé est contraire au droit communautaire. C’est votre position ; ce n’est pas celle du Gouvernement. Ce n’est pas non plus, a priori, celle du Conseil d’État. Le moment venu, bien entendu, les juridictions seront amenées à trancher. Je sais que différentes procédures ont été enclenchées.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Nous avons fait, avec Mme Génisson, un rapport sur le FSV. Je voulais donc défendre les intérêts de notre pays, la France, eu égard à l’arrêt de Ruyter. Les choses se sont déroulées en plusieurs étapes.
Les recettes provenant de la CSG prélevée sur les revenus du patrimoine des non-résidents affiliés à des caisses de retraite ou d’assurance maladie de pays étrangers ne peuvent bien sûr être affectées au financement de dépenses d’ordre contributif ; en revanche, elles peuvent très bien contribuer au financement de dépenses de solidarité.
Or le compte du FSV est divisé en deux sections qui sont bien distinguées : la première section prend en charge le minimum vieillesse et les contributions des chômeurs ; cela relève de la solidarité nationale, et les contributions des Français qui vivent à l’étranger sont bien affectées à cette section.
En revanche, s’agissant de la section 2, qui finance une partie du MICO, le minimum contributif, la question de savoir s’il s’agissait d’une dépense de solidarité et non d’une dépense contributive était plus discutable. Mais je rappelle que nous nous apprêtons à voter, à l’occasion de l’examen du présent PLFSS, le transfert du MICO du FSV vers la Caisse nationale d’assurance vieillesse. La section 2 va donc disparaître : elle sera blanchie et n’aura plus de crédits.
S’agissant de l’arrêt de Ruyter et des Français non résidents domiciliés dans l’Espace économique européen, je crois donc que nous nous sommes mis d’accord. Nous avons beaucoup travaillé sur ce point, avec Catherine Génisson, et je voulais apporter cet éclairage.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour explication de vote.
Mme Jacky Deromedi. Les Français qui résident hors de France, que ce soit dans l’Espace économique européen ou en dehors, restent des Français ; à ce titre, ils doivent être soumis aux mêmes règles que celles qui s’appliquent aux résidents.
Mme Jacky Deromedi. Il n’y a pas de raison pour que les Français qui ne résident pas dans l’Espace économique européen ne bénéficient pas de ce remboursement de la CSG et de la CRDS.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. L’affaire de Ruyter a fait jurisprudence. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, vous avez dû procéder au remboursement des prélèvements que vous avez initiés en 2012 auprès des non-résidents de l’Espace économique européen. Pour les autres non-résidents, les procédures sont toujours en cours : c’est le cadeau que vous faites au prochain gouvernement !
Quant à la double imposition, monsieur le rapporteur général, c’est vrai, elle existe bel et bien,…
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Olivier Cadic. … et elle ne concerne pas seulement les Français vivant aux États-Unis, mais aussi ceux qui vivent au Royaume-Uni, en Australie et dans beaucoup d’autres pays.
Depuis septembre 2016, il a fallu constituer une équipe de huit personnes, dont un cadre, à la Direction générale des finances publiques, simplement pour traiter le contentieux que vous avez créé !
M. Olivier Cadic. Pour éviter de rembourser – c’est ce que vous tentez de faire –, vous demandez des justificatifs aux contribuables à qui vous avez prélevé de la CSG et de la CRDS.
Concernant ceux qui vivent en dehors de l’Espace économique européen, 300 contentieux sont en cours.
Et non, monsieur le secrétaire d’État, vous ne gardez pas 1,1 %, mais bien 2 %, sur les 15,5 % prélevés que vous avez remboursés. Tous les contribuables concernés s’attendaient à être remboursés en intégralité ; ils ont eu la surprise de découvrir que ce n’était pas le cas !
À nouveau, donc, puisque vous n’avez remboursé que 13,5 % sur 15,5 %, des contentieux sont en cours.
Je ne vais pas débattre sur la question du FSV : il s’agit d’un montage, d’une acrobatie, qui sert à ponctionner les Français de l’étranger. Pour certains d’entre eux, le résultat est dramatique : ils doivent également payer des impôts sur ces revenus dans le pays où ils sont domiciliés.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison au sujet des OPCVM : le coût du contentieux était en effet plus important ; mais, s’agissant de l’arrêt de Ruyter, c’est le nombre qui compte : 50 000 contentieux à traiter par l’administration ! D’ailleurs, cette information selon laquelle il s’agirait du contentieux le plus important jamais enregistré m’a été transmise par votre administration.
L’année dernière, le Sénat avait voté un amendement identique à celui que je présente aujourd’hui. À l’Assemblée nationale, vous aviez rétabli la disposition abrogée. De nouveau, nous cherchons à amender cette décision. L’année prochaine, les électeurs arbitreront entre nous.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Cadic, la persévérance est une qualité que j’essaie moi aussi de pratiquer. Je dis 1,1 %, vous dites 2 % ; à malin, malin et demi !
Au moment des prélèvements de ces « cotisations de Ruyter », le taux du prélèvement de solidarité était de 1,1 % ; le non-remboursement s’élève donc à 1,1 %. Ce taux n’est passé à 2 % qu’en 2016. Il n’y a donc pas lieu de faire croire que je me trompe en donnant ce chiffre de 1,1 % ! Celles et ceux qui ont payé, à l’époque, ont payé une contribution de 1,1 %, et c’est cette fraction, et non une part de 2 %, que nous ne remboursons pas, puisqu’elle n’était pas affectée au financement de dépenses contributives.
Par ailleurs, madame Deromedi, monsieur Cadic – M. le rapporteur général l’a dit –, la question de l’égalité ou de l’équité se pose aussi entre les Français qui résident en France, dont les revenus du patrimoine sont assujettis à la CSG, et les Français qui résident à l’étranger, qui ne seraient pas soumis à une telle imposition.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je veux bien que l’on pose la question de l’équité entre ceux qui résident à l’intérieur de l’Espace économique européen et ceux qui résident en dehors de cet espace ; mais, que je sache, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne ne saurait s’appliquer à ceux qui résident aux États-Unis !
Quoi qu’il en soit, le fond du problème est que vous essayez d’opposer les uns aux autres sous couvert de défendre l’égalité pour tous ; mais les revenus du capital, et notamment les revenus fonciers, du Français résidant en France sont assujettis à la CSG et à la CRDS. Pourquoi celui qui réside à l’étranger ne paierait-il pas ces contributions ?
La question qui mériterait d’être expertisée – j’en conviens, madame la sénatrice, monsieur le sénateur : nous ne sommes pas forcément en désaccord sur tout ! – est celle de la double imposition. Nous avons d’ailleurs déjà commencé à étudier ce dossier.
La double imposition n’est pas pratiquée partout. Elle l’est peut-être dans quelques pays, mais, la plupart du temps, des conventions sont signées, « destinées à éviter la double imposition » des revenus de nos concitoyens ». Elles portent toujours cet intitulé que, personnellement, je trouve impropre : il vaudrait mieux les intituler « conventions destinées à régler les problèmes d’imposition » de nos concitoyens. En effet, la double imposition est à éviter, mais il est au moins aussi important que la double non-imposition, qui existe souvent,…
Mme Annie David. … soit évitée !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … oui, soit évitée !
Je poursuis le travail ; ce sont des questions complexes, qui, en outre, mettent en jeu des relations internationales, et donc non seulement mon ministère, mais également le ministère des affaires étrangères : ces questions sont souvent portées par le Quai d’Orsay. Elles prennent trop de temps, je vous l’accorde ! Mais des évolutions sont en cours au niveau international, notamment s’agissant des questions d’assiette de l’impôt sur les sociétés, sur lesquelles nous reviendrons certainement dans les prochains jours.
Ces problèmes justifieront la renégociation de l’ensemble des conventions, et, à terme, l’harmonisation des modèles et des standards de l’ensemble des pays du monde – en tout cas, c’est ce que souhaite la France.
Monsieur Cadic, je vous le concède, et je veux bien que nous continuions à travailler sur ce point, la double imposition constitue une situation anormale. Mais quand même, sur le fond, posons aussi, comme l’a fait votre rapporteur général, la question de l’équité entre les Français résidant en France et les Français résidant à l’étranger !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié sexies.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié sexies.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre II
Mesures relatives au recouvrement
Article 12
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° La section 2 quater du chapitre III bis du titre III du livre Ier est complétée par un article L. 133-6-8-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-6-8-5. – Toute démarche réalisée en application de la présente section peut être effectuée par un tiers pour le compte d’un cotisant ou d’un futur cotisant. » ;
2° Le même chapitre III bis est complété par une section 7 ainsi rédigée :
« Section 7
« Modernisation et simplification des formalités pour les cotisants ayant recours à un tiers déclarant
« Art. L. 133-11. – I. – Toute déclaration ou toute formalité sociale incombant aux employeurs et aux travailleurs indépendants en application du présent code peut être effectuée pour leur compte par un tiers.
« La mission confiée au tiers déclarant fait l’objet d’une déclaration effectuée par le cotisant ou, par délégation, par ce tiers auprès d’un organisme désigné par décret. Dans ce cas, le tiers déclarant est réputé accomplir l’ensemble des déclarations ou formalités sociales pour le compte de son client auprès des organismes de sécurité sociale, sauf disposition contraire prévue par les parties ou résiliation du contrat.
« Le recours à un tiers déclarant ne dispense pas l’employeur ou le travailleur indépendant de répondre, le cas échéant, aux demandes des organismes de sécurité sociale, quel qu’en soit le motif. Sont nulles de plein droit, quelle qu’en soit la forme, les stipulations des conventions qui visent à faire échec à ces demandes.
« En cas de fraude propre au tiers déclarant ou de complicité de fraude constatées par un organisme de sécurité sociale prévues à l’article L. 114-16-2 du présent code et à l’article 433-17 du code pénal, l’organisme désigné par décret mentionné au deuxième alinéa du présent I lui retire la faculté d’exercer sa mission de mandataire auprès de l’ensemble des organismes de sécurité sociale. Le tiers déclarant informe son client de la décision de retrait dans un délai défini par décret en Conseil d’État.
« II. – Le présent article s’applique sans préjudice des règles applicables en matière de contrôle, de recouvrement et de sanctions mises en œuvre à l’égard de l’employeur ou du travailleur indépendant.
« III. – Les tiers déclarants sont tenus de procéder aux déclarations pour le calcul des cotisations et contributions sociales et, le cas échéant, au paiement, effectués pour le compte de leurs clients par voie dématérialisée. La méconnaissance de cette obligation entraîne l’application aux tiers déclarants de la majoration prévue au II de l’article L. 133-5-5, calculée à partir des sommes dont la déclaration ou le versement a été effectué par une autre voie que la voie dématérialisée. Le produit des majorations est versé à l’organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales dont l’employeur ou le travailleur indépendant relève, selon les règles, garanties et sanctions applicables à ces cotisations et contributions.
« IV. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État, notamment la mission du tiers déclarant et les obligations respectives du tiers déclarant et de l’employeur ou du travailleur indépendant. » ;
3° La section 3 bis du chapitre III du titre IV du livre II est ainsi modifiée :
a) (nouveau) Après la première occurrence du mot : « cotisant », la fin du deuxième alinéa du I de l’article L. 243-6-3 est ainsi rédigée : « ou un futur cotisant. » ;
b) Il est ajouté un article L. 243-6-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 243-6-6. – Toute démarche réalisée en application de la présente section peut être effectuée par un tiers pour le compte d’un cotisant ou d’un futur cotisant. »
II. – L’article L. 725-26 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« Art. L. 725-26. – Les articles L. 243-6-5 et L. 243-6-6 du code de la sécurité sociale sont applicables au régime agricole. »
III. – Le 2° du I s’applique au titre des démarches et formalités effectuées pour le compte des travailleurs indépendants à compter du 1er janvier 2018.
Mme la présidente. L'amendement n° 60 rectifié bis, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer la référence :
L. 133–6–8–5
par la référence :
L. 133–6–11
II. – Alinéa 10
1° Première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
pour une durée maximale de cinq ans
2°Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Il en informe le cotisant sans délai.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement fixe une durée maximale pour le retrait de la faculté d'exercer la mission de mandataire en cas de fraude. Il s'agit d'une sanction qui, privant le mandataire d'une part importante de ses revenus, paraît devoir être modulée et limitée dans le temps. À défaut, les fraudes les moins graves risqueraient de ne pas être sanctionnées.
L’amendement prévoit également que le cotisant est informé, par l'organisme qui recueille les mandats, en cas de retrait de la faculté d'exercer la mission de mandataire au tiers auquel il a recours. L'article 12, dans sa rédaction actuelle, prévoit que c'est le tiers déclarant lui-même qui doit informer son client, ce qui ne semble pas de nature à sécuriser le cotisant.
Cet amendement corrige en outre une erreur de référence.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement apprécie le travail accompli par votre commission. Monsieur le rapporteur général, vous en avez parfaitement exposé l’objet ; l’avis du Gouvernement est favorable sur cet amendement.
Mme Catherine Génisson. Très bien !
M. Yves Daudigny. Félicitations, monsieur le rapporteur général !
Mme la présidente. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.
Article additionnel après l’article 12
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 38 est présenté par M. Courteau.
L'amendement n° 171 rectifié bis est présenté par Mme Canayer, MM. Mouiller, Houpert et Morisset, Mme Lopez, MM. D. Robert, Mayet et B. Fournier, Mme Deromedi, M. Commeinhes, Mme Morhet-Richaud, MM. Cardoux et Perrin, Mme Micouleau, MM. G. Bailly et César, Mme Di Folco, MM. Joyandet et Laufoaulu, Mmes Deseyne et Gruny, MM. Charon, Vogel et Rapin, Mme Deroche, MM. Bignon, Buffet, Lemoyne, Milon et Lefèvre, Mme Mélot et MM. Genest, Laménie, Revet et Husson.
L'amendement n° 415 est présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le III de l’article L. 136-5 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La contribution sociale généralisée due sur les indemnités de congés payés et sur les avantages conventionnels y afférents, servis par les caisses de congés payés en application de l’article L. 3141-32 du code du travail, est précomptée par les caisses de congés payés, responsables du versement des charges citées au 2° de l’article L. 243-1-3 du présent code assises sur ces indemnités et avantages selon les modalités définies par le II de l’article 23 de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015, sous réserve d’exceptions prévues par arrêté. » ;
2° L’article L. 243-1-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 243-1-3. – Au titre des périodes de congés des salariés des employeurs affiliés aux caisses de congés mentionnées à l’article L. 3141-32 du code du travail, les cotisations et contributions auprès des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 du présent code sont acquittées dans les conditions suivantes :
« 1° Les employeurs affiliés auxdites caisses de congés s’acquittent de leurs cotisations mentionnées à l’article L. 834-1 du présent code et de leurs versements mentionnés aux articles L. 2333-64 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales, par le versement libératoire de majorations proportionnelles aux cotisations et contributions correspondantes dont ils sont redevables au titre des rémunérations qu’ils versent pour l’emploi de leurs salariés. Le taux de ces majorations est fixé par décret ;
« 2° Pour les cotisations de sécurité sociale et les contributions mentionnées à l’article L. 136-2 du présent code, à l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale et au 1° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles, les caisses de congés mentionnées à l’article L. 3141-32 du code du travail effectuent, avant la fin du mois au cours duquel les cotisations leur sont versées, un versement égal au produit du montant des cotisations encaissées par les caisses de congés payés par un taux fixé par décret, en fonction des taux de cotisations et contributions en vigueur. Le cas échéant, ce versement fait l’objet d’un ajustement, dans les conditions fixées par décret, sur la base des montants d’indemnités de congés payés effectivement versés. »
II. – Le II de l’article 23 de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015 est ainsi rédigé :
« II – L’article L. 243-1-3 du code de la sécurité sociale s’applique aux périodes d’acquisition de droits à congés postérieures au 1er avril 2015 pour les cotisations et contributions mentionnées au 2° du même article. Le 1° du I du présent article s’applique à compter du 1er avril 2016. »
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 38.
M. Roland Courteau. Les caisses « congés intempéries » du bâtiment et des travaux publics, qui assurent notamment le versement des indemnités de congés payés à 1,3 million de salariés pour le compte de 219 000 entreprises, dont 98 % de TPE-PME, payaient, jusqu’en 2015, les cotisations sociales dues sur ces indemnités.
Le dispositif fonctionne sans intervention des entreprises, ce qui constitue une source de simplicité pour ces dernières.
Or l’article 23 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 a transféré aux entreprises adhérentes à ces caisses de congés la responsabilité du versement aux URSSAF des cotisations de sécurité sociale afférentes aux indemnités de congés payés de façon anticipée par rapport à la période des congés, en leur faisant payer ces cotisations lors du versement de leur contribution aux caisses de congés.
Ce paiement anticipé des cotisations de sécurité sociale sur les indemnités de congés payés est actuellement effectué à titre transitoire par les caisses « congés intempéries », mais il devrait l’être directement par les entreprises au plus tard le 1er avril 2018.
Les organisations professionnelles du bâtiment souhaitent éviter aux entreprises d’être exposées à l’extrême complexité du dispositif et d’avoir à prélever, tous les mois, les cotisations sociales dues sur les indemnités de congés payés et à procéder ultérieurement à des régularisations.
La Cour des comptes a elle-même souligné l’intérêt d’en rester au dispositif transitoire, qui impose un ajustement entre les URSSAF et un nombre limité de caisses, et non avec quelque 220 000 entreprises adhérentes.
Ce prélèvement est assuré par les caisses de congés payés, depuis le 1er avril 2015, de manière tout à fait satisfaisante ; il n’y a donc pas lieu, selon nous, de transférer cette charge aux entreprises. Nous pensons en particulier aux plus petites d’entre elles, qui ne sont pas équipées, en interne, pour assumer cette charge, laquelle s’ajouterait à d’autres charges et à toutes leurs obligations administratives, qui sont déjà très importantes. D’où cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour présenter l'amendement n° 171 rectifié bis.
M. Philippe Mouiller. Cet amendement est défendu, madame la présidente. Le message envoyé aux petites entreprises concernées est vraiment important.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 415.
Mme Aline Archimbaud. Les organisations professionnelles du bâtiment, et plus particulièrement les petites structures, s’inquiètent de la mise en œuvre de ce dispositif, qu’elles jugent complexe.
Cette inquiétude est accentuée par le fait que ces entreprises doivent déjà gérer la mise en œuvre du compte pénibilité et du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.
L’inquiétude soulevée est à prendre d’autant plus au sérieux que la Cour des comptes la partage. En effet, dans un référé en date du 26 février 2016, elle recommande de réexaminer la pertinence de l’octroi aux entreprises du BTP de cette nouvelle charge. L’argument avancé réside justement dans les difficultés techniques auxquelles elles pourraient être confrontées.
Nous relayons donc la solution préconisée par la Cour des comptes au moyen du présent amendement, qui vise à maintenir le dispositif transitoire et ainsi à laisser les caisses de « congés intempéries » du BTP assurer le paiement de ces cotisations.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 42 rectifié ter est présenté par Mme Gatel, M. Zocchetto, Mmes Létard et Doineau, MM. Cadic, Canevet et Kern, Mme N. Goulet, MM. Cigolotti, Médevielle, Guerriau, Capo-Canellas et Détraigne, Mme Jouanno, MM. Bonnecarrère, Longeot, Roche, L. Hervé et Marseille, Mme Billon et M. Gabouty.
L'amendement n° 212 rectifié ter est présenté par MM. Chasseing et Cardoux, Mme Di Folco, MM. B. Fournier, Mouiller et Morisset, Mme Lopez, MM. Lefèvre, G. Bailly, Mayet, Milon et D. Laurent, Mmes Deromedi et Gruny, MM. Charon et Pointereau, Mmes Lamure et Imbert, MM. Calvet, de Raincourt et Houpert, Mme Joissains et M. Kennel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le III de l’article L. 136-5 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La contribution sociale généralisée due sur les indemnités de congés payés et sur les avantages conventionnels y afférents, servis par les caisses de congés payés en application des dispositions de l’article L. 3141-32 du code du travail, est précomptée par les caisses de congés payés, responsables du versement des charges citées au 2° de l’article L. 243-1-3 du présent code assises sur ces indemnités et avantages selon les modalités définies par le II de l’article 23 de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015, sous réserve d’exceptions prévues par arrêté. » ;
2° Les trois premiers alinéas de l’article L. 243-1-3 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 243-1-3. – Au titre des périodes de congés des salariés des employeurs affiliés aux caisses de congés mentionnées à l’article L. 3141-32 du code du travail, les cotisations et contributions auprès des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 du présent code sont acquittées dans les conditions suivantes :
« 1° les employeurs affiliés aux dites caisses de congés s’acquittent de leurs cotisations mentionnées à l’article L. 834-1 du présent code et de leurs versements mentionnés aux articles L. 2333-64 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales, par le versement libératoire de majorations proportionnelles aux cotisations et contributions correspondantes dont ils sont redevables au titre des rémunérations qu’ils versent pour l’emploi de leurs salariés. Le taux de ces majorations est fixé par décret ;
« 2° Pour les cotisations de sécurité sociale et les contributions mentionnées à l’article L. 136-2 du présent code, à l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale et au 1° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles, les caisses de congés mentionnées à l’article L. 3141-32 du code du travail effectuent, avant la fin du mois au cours duquel les cotisations leur sont versées, un versement égal au produit du montant des cotisations encaissées par les caisses de congés payés par un taux fixé par décret, en fonction des taux de cotisations et contributions en vigueur. Le cas échéant, ce versement fait l’objet d’un ajustement, dans les conditions fixées par décret, sur la base des montants d’indemnités de congés payés effectivement versés.
II. – Le II de l’article 23 de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015 est ainsi rédigé :
« II. – L’article L. 243-1-3 du code de la sécurité sociale s’applique aux périodes d’acquisition de droits à congés postérieures au 1er avril 2015 pour les cotisations et contributions mentionnées au 2° du même article. Le 1° du I du présent article s’applique à compter du 1er avril 2016. »
La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour présenter l’amendement n° 42 rectifié ter.
Mme Élisabeth Doineau. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l'amendement n° 212 rectifié ter.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement, comme les précédents, vise au maintien définitif du dispositif transitoire de paiement anticipé des cotisations sociales, géré directement par les caisses de « congés intempéries ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit en quelque sorte de maintenir éternellement en vie un régime transitoire. Il y a là un paradoxe !
Je comprends l’intention. La commission a considéré que le régime transitoire instauré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 restait à mi-chemin dans la mesure où les employeurs, de leur côté, versent eux-mêmes certaines contributions, comme la contribution au FNAL, le Fonds national d’aide au logement, ou le versement transport, dont les caisses sont exonérées.
Il y a donc, en quelque sorte, un double circuit : un circuit dans lequel les cotisations transitent par la caisse de congés payés, et un circuit dans lequel les cotisations sont versées directement par l’employeur à l’URSSAF ou à d’autres institutions.
Ces contributions versées directement par les employeurs eux-mêmes sont calculées sur des assiettes différentes. Il ne semble donc pas souhaitable de pérenniser le système actuel, qui n’était envisageable que parce que les employeurs avaient vocation, à l’avenir, à verser l’ensemble des cotisations et des contributions. Autrement dit, nous sommes vraiment dans une phase de transition ; pérenniser la transition, c’est pérenniser le système un peu bizarre que je viens de vous décrire.
Pour cette raison, je suis plutôt défavorable à ces amendements.
Toutefois, les caisses de congés payés, et notamment celles du bâtiment et des travaux publics, qui ont affaire, en grand nombre, à de toutes petites entreprises, nous font valoir qu’elles sont plutôt favorables à un tel maintien : elles ne veulent pas avoir à traiter directement avec l’URSSAF.
Sur le fond, donc, la commission comprend parfaitement l’intention qui a présidé au dépôt de ces amendements.
Une solution pourrait être – cette suggestion est en même temps une question adressée à M. le secrétaire d’État – que les caisses puissent prendre en charge la déclaration, pour le compte des employeurs qui leur sont affiliés, pour l’ensemble des cotisations, dans le cadre de la DSN, la déclaration sociale nominative. Tel est d’ailleurs, précisément, le cadre défini par l’article 12 que nous venons de voter, relatif au tiers déclarant exerçant une mission de mandataire.
Je souhaiterais savoir, au nom de la commission, monsieur le secrétaire d’État, si le Gouvernement est prêt à travailler dans cette direction en vue de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, puisque, de toute façon, le dispositif actuellement en vigueur le sera jusqu’en 2018.
Avis défavorable, donc, mais en même temps réservé, sachant, encore une fois, que l’éventuel nouveau dispositif n’entrerait pas en vigueur avant 2018.
M. Alain Vasselle. Réponse de Normand !
M. Roland Courteau. Sagesse !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cela ressemble en effet à un avis de sagesse ; mais ce n’est pas ce que nous avons voté !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Première remarque : à propos de ce prélèvement des caisses de congés payés, souvenez-vous, on nous avait annoncé l’apocalypse et la catastrophe. Je n’ai pas le sentiment qu’elles se soient produites. Il est désormais admis que les caisses s’acquittent du versement des cotisations au moment où elles les reçoivent des employeurs, ce qui, je crois, représente un progrès, ainsi que des recettes supplémentaires, sur deux années, pour la sécurité sociale.
Deuxièmement, comme votre rapporteur général, je comprends la légitimité de la question soulevée.
Notre système est un peu « bique et bouc », comme on dit chez nous : une partie des cotisations, la majeure partie d’ailleurs, est perçue via la caisse de congés payés ; une autre est perçue directement auprès des entreprises – c’est le cas, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur général, de la contribution au FNAL et du versement transport.
Mais, précisément, par exemple, la caisse de congés payés ne peut pas verser elle-même le versement transport, puisqu’elle n’a pas connaissance, la plupart du temps, du lieu où les salariés travaillent. Or, comme vous le savez, le taux du versement transport dépend du lieu où le travail est réellement effectué – lorsqu’une entreprise qui n’y est pas installée envoie ses salariés travailler en Île-de-France, cela donne lieu à un taux de versement transport différent de celui qui lui est ordinairement applicable.
Le dispositif ne peut donc pas fonctionner correctement si nous donnons la totalité de cette « mission » aux caisses de congés payés. L’autre solution, si nous voulons un système uniforme, serait de se passer purement et simplement des caisses pour organiser le versement, mais les petites entreprises nous disent que c’est impossible.
La sagesse consiste à remarquer que cette disposition transitoire est de toute façon en vigueur jusqu’en 2018, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur général. Le moment est donc peut-être venu d’évaluer le dispositif avec les acteurs du secteur, tant avec les caisses qu’avec les représentants des entreprises, notamment les plus petites.
Peut-être pourrions-nous également voir comment la DSN peut répondre – je pense qu’elle le peut – à la plupart des besoins en la matière. La DSN représente un progrès formidable…
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … en termes de simplification, de gain de temps et d’efficacité, pour les entreprises comme pour l’administration. Et les économies sont considérables ! Le crédit n’en revient pas seulement au gouvernement actuel – je le dis pour que tout le monde se sente à l’aise avec ça : nous avons mis en œuvre ce processus, mais il a été lancé avant 2012, par d’autres que nous. J’ai fait le point récemment, et nous communiquerons sur ce sujet à la fin du mois.
En l’état actuel des choses, je suis défavorable à ces amendements, d’autant qu’il n’y a pas urgence. Mais nous pourrions convenir qu’un travail soit mené dans les tout prochains mois, de concert avec les acteurs du secteur, sur la meilleure façon de construire un système uniforme opérationnel au 1er janvier 2018.
Je demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable, ce qui ne m’empêche pas de partager l’ouverture d’esprit exprimée par votre rapporteur général.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38, 171 rectifié bis et 415.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12, et les amendements nos 42 rectifié ter et 212 rectifié ter n'ont plus d'objet.
Article 13
I. – Le titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 242-1-2 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la situation relevée concerne un particulier employeur mentionné aux 3°, 4° ou 6° de l’article L. 133-5-6 du présent code, l’évaluation forfaitaire par salarié est égale à la moitié du plafond retenu au premier alinéa du présent article. » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux deux premiers alinéas » ;
2° L’article L. 243-12-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 243-12-1. – Le fait de faire obstacle à l’accomplissement des fonctions des agents mentionnés à l’article L. 243-11 entraîne l’application par le directeur de l’organisme concerné d’une pénalité d’un montant maximal de 3 750 € pour un particulier employeur mentionné aux 3°, 4° ou 6° de l’article L. 133-5-6, de 7 500 € pour un travailleur indépendant au titre de ses cotisations et contributions sociales dues à titre personnel et de 7 500 € par salarié pour un employeur, dans la limite de 750 000 € par employeur. Le plafond du montant de ces pénalités est porté au double en cas de nouveau manquement constaté dans un délai de cinq ans à compter du jour où la pénalité concernant un précédent manquement est devenue définitive.
« L’obstacle à contrôle mentionné au premier alinéa du présent article est caractérisé par des actions ou omissions ayant pour objet de faire obstacle ou de se soustraire aux opérations de contrôle exercées par les agents, quel que soit leur cadre d’action, consistant notamment à refuser l’accès à des lieux professionnels, à refuser de communiquer une information formellement sollicitée, quel qu’en soit le support, y compris dématérialisé, à ne pas répondre ou à apporter une réponse fausse, incomplète ou abusivement tardive à toute demande de pièce justificative, d’information, d’accès à une information, ou à ne pas répondre à une convocation, dès lors que la sollicitation, demande ou convocation est nécessaire à l’exercice du contrôle.
« Pour fixer le montant de la pénalité, le directeur de l’organisme prend en compte les circonstances et la gravité du manquement.
« Le directeur de l’organisme concerné notifie le montant envisagé de la pénalité et les faits reprochés à la personne en cause, afin qu’elle puisse présenter ses observations écrites dans un délai fixé par décret en Conseil d’État. À l’issue de ce délai, le directeur de l’organisme prononce, le cas échéant, la pénalité et la notifie à l’intéressé par la mise en demeure mentionnée à l’article L. 244-2, en lui indiquant les voies et délais de recours applicables.
« L’action en recouvrement de la pénalité se prescrit dans le délai fixé à l’article L. 244-8-1 à compter de l’expiration du délai mentionné à l’article L. 244-2.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II. – Le titre II du livre VII du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le 11° de l’article L. 723-11 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « sur le service des prestations » sont supprimés ;
b) Sont ajoutés les mots : « et au recouvrement des cotisations » ;
2° L’article L. 724-9 est ainsi modifié :
a) Après la référence : « L. 724-8 », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « du présent code bénéficient dans le cadre de leurs fonctions de la protection mentionnée à l’article L. 243-12-3 du code de la sécurité sociale. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 243-7-1 du code de la sécurité sociale est applicable au régime agricole. » ;
3° L’article L. 724-13 est ainsi rédigé :
« Art. L. 724-13. – I. – En cas d’obstacle à l’accomplissement des fonctions des agents mentionnés à l’article L. 724-7 dans leur mission de contrôle des obligations déclaratives et de paiement des employeurs et des personnes non salariées agricoles mentionnées aux articles L. 722-1 et L. 731-23, ou des agents mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 724-8, l’article L. 243-12-1 du code de la sécurité sociale est applicable au régime agricole sous réserve des adaptations suivantes :
« 1° Le particulier employeur mentionné au premier alinéa est remplacé par les personnes mentionnées à l’article L. 731-23 du présent code ;
« 2° Le travailleur indépendant mentionné au même premier alinéa est remplacé par les personnes mentionnées à l’article L. 722-1.
« II. – Le fait de faire obstacle à l’accomplissement des fonctions des agents mentionnés à l’article L. 724-7, dans le cadre des opérations de contrôle portant sur l’exactitude des déclarations, attestations et justificatifs de toute nature fournis par les bénéficiaires de prestations, les assurés sociaux et leurs ayants droit en vue de bénéficier des prestations servies au titre des différentes branches des régimes de protection sociale des non-salariés et des salariés agricoles mentionnées aux articles L. 722-8, L. 722-27 et L. 732-56 ou de bénéficier des mesures prévues aux articles L. 726-1 et L. 726-3 entraîne l’application de la pénalité prévue à l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale, dans les conditions fixées par le même article L. 114-17.
« III. – Les peines prévues à l’article L. 8114-1 du code du travail sont applicables en cas d’obstacle à fonctions des agents mentionnés au premier alinéa de l’article L. 724-8 du présent code. »
Mme la présidente. L'amendement n° 224 rectifié quinquies, présenté par Mme Gruny, MM. Vasselle, de Legge, Cornu et Vaspart, Mmes Micouleau et Estrosi Sassone, M. Bizet, Mme Troendlé, M. Rapin, Mmes Deroche et Morhet-Richaud, MM. Lefèvre, Pillet, Danesi et Revet, Mme Mélot, MM. Houel et Laménie, Mme Hummel, MM. Kennel et Mouiller, Mme Deromedi et MM. Pointereau et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 10, seconde phrase
Après les mots :
À l’issue de ce délai
insérer les mots :
et après avoir répondu auxdites observations
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. L’objet du présent amendement est tout simplement le respect de la procédure contradictoire, c’est-à-dire le nécessaire dialogue entre la personne concernée et l’organisme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit de garantir qu’une réponse soit donnée aux observations formulées par une personne sanctionnée pour obstacle à contrôle.
L’avis de la commission est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est défavorable.
Le dispositif proposé à cet article vise bien à sécuriser la procédure contradictoire dans le cadre de la sanction pour obstacle à contrôle, par analogie avec la procédure prévue pour les prestations sociales, à savoir une notification préalable au cotisant de la sanction envisagée, un délai pour que ce dernier fasse valoir ses droits et, enfin, la possibilité de recours contre la décision de sanction.
Je ne vois donc pas pour quelle raison il y aurait lieu d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 224 rectifié quinquies.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 61, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 23
Après la référence :
au premier alinéa
insérer la référence :
de l’article L. 243-12-1 du code de la sécurité sociale
II. – Alinéa 25
Remplacer les mots :
de la pénalité prévue à l’article L. 114-17 du code de sécurité sociale dans les conditions fixées par le même article L. 114-17
par les mots :
des pénalités prévues aux articles L. 114-17 et L. 114-17-1 du code de sécurité sociale dans les conditions fixées par ces articles
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’article L. 724–13 du code rural et de la pêche maritime transpose au régime agricole les nouvelles sanctions applicables en cas d'obstacle à contrôle, en faisant référence à l’article L. 114–17 du code de la sécurité sociale relatif aux sanctions en matière de prestations familiales et d'assurance vieillesse.
La mutualité sociale agricole gérant l'ensemble des branches de la protection sociale, le présent amendement complète la référence à l'article précité du code de la sécurité sociale par la référence à l'article L. 114–17–1 relatif aux sanctions applicables en matière de prestations d'assurance maladie et d'accidents du travail. J’espère que tout le monde a compris. (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je ne suis pas sûr d’avoir compris, mais j’émets un avis favorable. (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13, modifié.
(L'article 13 est adopté.)
Article 14
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre III du titre III du livre Ier est ainsi modifiée :
a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Recouvrement des créances en matière de travail illégal » ;
b) L’article L. 133-1 devient l’article L. 133-4-10 ;
c) Il est rétabli un article L. 133-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-1. – I. – Lorsqu’un procès-verbal de travail dissimulé a été établi par les agents chargés du contrôle mentionnés au premier alinéa de l’article L. 243-7 ou transmis aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 du présent code et à l’article L. 723-3 du code rural et de la pêche maritime en application de l’article L. 8271-6-4 du code du travail, l’inspecteur du recouvrement remet à la personne contrôlée un document constatant cette situation et comportant l’évaluation du montant des cotisations et contributions éludées, des majorations prévues à l’article L. 243-7-7 du présent code et, le cas échéant, des majorations et pénalités afférentes, ainsi que du montant de l’annulation des réductions ou exonérations de cotisations ou contributions sociales dont a pu bénéficier le débiteur, annulées en application du deuxième alinéa de l’article L. 133-4-2.
« Ce document fait état de l’ensemble des dispositions légales applicables à cette infraction, notamment des majorations et pénalités afférentes. Il mentionne notamment les dispositions du II du présent article ainsi que les voies et délais de recours applicables. Ce document est signé par l’inspecteur.
« II. – À la suite de la remise du document mentionné au I, la personne contrôlée produit des éléments justifiant, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État, de l’existence de garanties suffisant à couvrir les montants évalués. À défaut, le directeur de l’organisme de recouvrement peut procéder, sans solliciter l’autorisation du juge prévue au premier alinéa de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, à une ou plusieurs des mesures conservatoires mentionnées aux articles L. 521-1 à L. 533-1 du même code, dans la limite des montants mentionnés au I du présent article.
« À tout moment de la procédure, la personne contrôlée peut solliciter la mainlevée des mesures conservatoires prises à son encontre en apportant auprès du directeur de l’organisme des garanties suffisantes de paiement.
« III. – La décision du directeur de l’organisme peut être contestée selon les dispositions applicables à la saisine en urgence du juge de l’exécution prévues au code des procédures civiles d’exécution. Le juge statue au plus tard dans un délai de quinze jours. Le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire, notamment s’il apparaît que les conditions de mise en œuvre des mesures ne sont pas respectées ou s’il estime que les garanties produites par la personne contrôlée sont suffisantes. Le recours n’a pas d’effet suspensif. » ;
2° L’article L. 133-4-2 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « indépendant, est », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « supprimé en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l’article L. 8211-1 du code du travail. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les deuxième et troisième alinéas du présent article sont applicables en cas de constat, dans les conditions prévues aux articles L. 8271-1 à L. 8271-6-3 du code du travail, des infractions mentionnées aux 2° à 4° de l’article L. 8211-1 du même code. » ;
2° bis (nouveau) À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 133-4-5, les mots : « deux derniers alinéas » sont remplacés par les mots : « deuxième et troisième alinéas » ;
3° La section 3 du chapitre III du titre III du livre Ier est complétée par un article L. 133-4-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-4-9. – Lorsqu’ils sont munis d’un titre exécutoire, au sens de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution, les organismes de recouvrement et les organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale habilités à décerner une contrainte peuvent, au moyen d’une opposition, enjoindre aux tiers dépositaires, détenteurs ou redevables de sommes appartenant ou devant revenir au débiteur de verser au lieu et place de celui-ci auxdits organismes les fonds qu’ils détiennent ou qu’ils doivent à concurrence des cotisations, des contributions et des majorations et pénalités de retard ou des prestations indûment versées.
« L’opposition motivée est notifiée au tiers détenteur et au débiteur par le directeur de l’un des organismes mentionnés au premier alinéa du présent article. Elle affecte, dès réception par le tiers, les sommes faisant l’objet du titre exécutoire au paiement desdites sommes, quelle que soit la date à laquelle les créances, même conditionnelles ou à terme, que le débiteur possède à l’encontre du tiers deviennent exigibles. L’opposition emporte l’effet d’attribution immédiate prévu à l’article L. 211-2 du code des procédures civiles d’exécution à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée. Lorsqu’une personne est simultanément destinataire de plusieurs oppositions établies au nom du débiteur, elle doit, en cas d’insuffisance des fonds, exécuter ces demandes en proportion de leurs montants respectifs.
« Les contestations sont portées devant le juge de l’exécution. À peine d’irrecevabilité, les contestations sont formées par le débiteur dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’opposition. En cas de contestation, le paiement est différé pendant ce délai et, le cas échéant, jusqu’à ce qu’il soit statué, sauf si le juge autorise le paiement pour la somme qu’il détermine. Le paiement n’est pas différé, sauf si le juge en décide autrement :
« 1° Lorsque la créance de l’organisme fait suite à un contrôle au cours duquel a été établie une situation d’obstacle à contrôle, mentionnée à l’article L. 243-12-1 du présent code ;
« 2° Lorsque le recours contre le titre exécutoire a été jugé dilatoire ou abusif.
« Sont en outre applicables les articles L. 123-1, L. 211-3, L. 162-1 et L. 162-2 du code des procédures civiles d’exécution.
« Le présent article n’est pas applicable aux sommes dues par le tiers détenteur au titre des rémunérations qui ne peuvent être saisies que dans les conditions et selon la procédure prévues aux articles L. 3252-1 à L. 3252-13 du code du travail. » ;
3° bis Le second alinéa de l’article L. 133-4-10, tel qu’il résulte du b du 1°, est supprimé ;
4° Au 2° du V de l’article L. 136-5 et à la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 242-11, la référence : « L. 652-3 » est remplacée par la référence : « L. 133-4-9 » ;
5° À l’article L. 242-1-1, les mots : « de l’infraction définie aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 » sont remplacés par les mots : « des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l’article L. 8211-1 » ;
6° Aux articles L. 243-2 et L. 651-7, la référence : « L. 133-1 » est remplacée par la référence : « L. 133-4-10 » ;
7° L’article L. 243-3-1 est abrogé ;
8° Après l’article L. 243-7, il est inséré un article L. 243-7-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 243-7-1 A. – À l’issue d’un contrôle effectué en application de l’article L. 243-7, l’agent chargé du contrôle adresse à la personne contrôlée une lettre mentionnant, s’il y a lieu, les observations constatées au cours du contrôle et engageant la période contradictoire préalable à l’envoi de toute mise en demeure ou avertissement en application de l’article L. 244-2. » ;
9° L’article L. 243-7-4 est abrogé ;
10° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 244-2, la référence : « L. 244-11 » est remplacée par la référence : « L. 244-8-1 » ;
11° L’article L. 244-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 244-3. – Les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues.
« Dans le cas d’un contrôle effectué en application de l’article L. 243-7, le délai de prescription des cotisations, contributions, majorations et pénalités de retard est suspendu pendant la période contradictoire mentionnée à l’article L. 243-7-1 A.
« Les majorations de retard correspondant aux cotisations et contributions payées ou à celles dues dans le délai fixé au premier alinéa se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année au cours de laquelle a eu lieu le paiement ou l’exigibilité des cotisations et contributions qui ont donné lieu à l’application desdites majorations.
« Les pénalités de retard appliquées en cas de production tardive ou de défaut de production des déclarations obligatoires relatives aux cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année au cours de laquelle a eu lieu la production de ces déclarations ou, à défaut, à compter, selon le cas, de la fin de l’année au cours de laquelle a eu lieu la notification de l’avertissement ou de la mise en demeure prévus à l’article L. 244-2. » ;
12° Après l’article L. 244-8, il est inséré un article L. 244-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 244-8-1. – Le délai de prescription de l’action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard, intentée indépendamment ou après extinction de l’action publique, est de trois ans à compter de l’expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L. 244-2 et L. 244-3. » ;
13° L’article L. 244-9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le délai de prescription de l’action en exécution de la contrainte non contestée et devenue définitive est de trois ans à compter de la date à laquelle la contrainte a été notifiée ou signifiée, ou un acte d’exécution signifié en application de cette contrainte. » ;
14° L’article L. 244-11 est ainsi rédigé :
« Art. L. 244-11. – En cas de constatation d’une infraction de travail illégal par procès-verbal, les délais mentionnés aux articles L. 244-3, L. 244-8-1 et L. 244-9 sont portés à cinq ans. » ;
15° À l’article L. 382-29, les références : «L. 244-9 à L. 244-11 » sont remplacées par les références : « L. 244-8-1, L. 244-9 et L. 244-10 » ;
16° À l’article L. 651-7, les références : « articles L. 133-1, L. 133-3, L. 244-1 à L. 244-5, L. 244-7, L. 244-9 et L. 244-11 à L. 244-14 » sont remplacées par les références : « articles L. 133-3, L. 133-4-10, L. 244-1 à L. 244-5, L. 244-7, L. 244-8-1, L. 244-9 et L. 244-12 à L. 244-14 » ;
17° L’article L. 652-3 est abrogé.
II. – Le titre II du livre VII du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 724-11 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette communication engage la période contradictoire préalable à l’envoi de toute mise en demeure en application du deuxième alinéa de l’article L. 725-3. » ;
2° L’article L. 725-3 est ainsi modifié :
a) (nouveau) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toute action de mise en recouvrement est précédée de l’envoi au cotisant d’une mise en demeure de régulariser sa situation. Le second alinéa de l’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale est applicable à cette mise en demeure. » ;
b) (nouveau) Au deuxième alinéa, les mots : « , après avoir mis en demeure les redevables de régulariser leur situation, » sont supprimés ;
c) Le 1° est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le délai de prescription de l’action en exécution de la contrainte non contestée et devenue définitive est celui mentionné au second alinéa de l’article L. 244-9 du code de la sécurité sociale ; »
3° Le I de l’article L. 725-7 est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase, les mots : « Sauf le cas de fraude ou de fausse déclaration, » sont supprimés ;
b) La seconde phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Le délai de prescription de l’action civile en recouvrement résultant de l’application de l’article L. 725-3 est celui mentionné à l’article L. 244-8-1 du code de la sécurité sociale. Il court à compter de l’expiration du délai d’un mois imparti par la mise en demeure. » ;
4° L’article L. 725-12 est ainsi rédigé :
« Art. L. 725-12. – I. – En cas de fraude ou de fausse déclaration, les délais mentionnés au I de l’article L. 725-7 et au 1° de l’article L. 725-3 sont portés à cinq ans.
« II. – Dans le cas d’un contrôle mentionné aux articles L. 724-7 et L. 724-11, le délai de prescription des cotisations, contributions, pénalités et majorations de retard est suspendu pendant la période contradictoire mentionnée à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 724-11. »
III. – Le chapitre Ier du titre VII du livre II de la huitième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° La section 1 est complétée par un article L. 8271-6-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 8271-6-4. – Les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 communiquent leurs procès-verbaux relevant une des infractions constitutives de travail illégal mentionnées aux 1° à 4° de l’article L. 8211-1 du présent code aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 du code de la sécurité sociale et à l’article L. 723-3 du code rural et de la pêche maritime, qui procèdent à la mise en recouvrement des cotisations et contributions qui leur sont dues sur la base des informations contenues dans ces procès-verbaux. » ;
2° L’article L. 8271-8-1 est abrogé.
IV. – Le présent article s’applique aux contrôles engagés à compter du 1er janvier 2017, sous les réserves suivantes :
1° Le 8°, le 11°, à l’exception des trois derniers alinéas, et les 12° à 14° du I ainsi que le II, à l’exception du troisième alinéa du 4°, s’appliquent aux cotisations et contributions sociales au titre desquelles une mise en demeure a été notifiée à compter du 1er janvier 2017 ;
2° Les deux derniers alinéas du 11° du I s’appliquent aux majorations de retard et pénalités dues à compter du 1er janvier 2017 ;
3° (nouveau) Les dispositions du présent article qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi aux créances ayant fait l’objet de mises en demeure notifiées avant le 1er janvier 2017, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Mme la présidente. L'amendement n° 62 rectifié, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
b) L’article L. 133-1 est ainsi rédigé :
II. – Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 6
Supprimer les mots :
de l’annulation
IV. – Alinéa 16
Après le mot :
par
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
des articles L. 133-4-9 et L. 133-4-10 ainsi rédigés :
VI. – Alinéa 22
Remplacer les références :
L. 211-3, L. 162-1 et L. 162-2
par les références :
L. 162-1, L. 162-2 et L. 211-3
VII. – Alinéa 24
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 133-4-10. - Lorsque le recouvrement est assuré par le Trésor comme en matière de contributions directes, il est effectué sur les cotisations recouvrées au profit des organismes de sécurité sociale soumis au contrôle de la Cour des comptes, dans les conditions déterminées par les articles L. 154-1 et L. 154-2, un prélèvement pour frais de perception dont le taux et les modalités de remboursement sont fixés par arrêté ministériel. »
VIII. – Alinéa 34
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s’apprécie à compter du 30 juin de l’année qui suit l’année au titre de laquelle elles sont dues.
IX. – Alinéa 36
Après la référence :
au premier alinéa
insérer la référence :
du présent article
X. – Alinéa 70
Remplacer les mots :
du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi
par les mots :
du 1er janvier 2017
et les mots :
le 1er janvier 2017
par les mots :
cette même date
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je crains que cet amendement ne soit de même nature : il vise à préciser les règles de prescription des cotisations sociales, afin de tenir compte des modalités spécifiques de déclaration des revenus des indépendants, connus au plus tard en juin de l’année n+1. Pour les mises en demeure notifiées antérieurement au 1er janvier 2017, il tend à préciser que la date d’entrée en vigueur de la réduction du délai de prescription est le 1er janvier 2017.
Il s’agit donc de modifications rédactionnelles.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cette fois le Gouvernement a compris, car c’est très simple. (Sourires.)
L’amendement vise à prévoir que la durée du délai de prescription des cotisations et contributions sociales dues par les travailleurs indépendants s’apprécie à compter du 30 juin de l’année qui suit celle au titre de laquelle elles sont dues.
Cet ajustement permet de tenir compte des modalités spécifiques de déclaration des revenus des travailleurs indépendants, qui ne sont connus au plus tard qu’en juin de l’année n+1, et de garantir notamment que les contrôles menés sur ces cotisants peuvent porter, comme pour les employeurs du régime général, sur les trois années civiles précédant le contrôle. En effet, le revenu de l’année n-1 est connu le 30 juin. Or pour contrôler les trois années précédant le contrôle, il faut, pour les contrôles réalisés entre le 1er janvier et le 30 juin, que le délai de prescription coure à partir du 30 juin suivant l’année en cause.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je constate que l’amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 225 rectifié quater, présenté par Mme Gruny, MM. Vasselle, de Legge, Cornu et Vaspart, Mmes Micouleau et Estrosi Sassone, M. Bizet, Mme Troendlé, M. Rapin, Mmes Deroche et Morhet-Richaud, MM. Lefèvre, Pillet, Danesi et Revet, Mme Mélot, MM. Houel et Laménie, Mme Hummel, MM. Kennel et Mouiller, Mme Deromedi et MM. Pointereau et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
et contresigné par le directeur de l'organisme effectuant le recouvrement
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Depuis 1997, date de la première loi qui a introduit les termes de « travail dissimulé » dans le code du travail, le législateur n’a eu de cesse de banaliser cette notion. Loin de nous l’idée d’encourager cette fraude à la loi. Reste que le travail dissimulé touche aujourd’hui pratiquement toutes les entreprises ; les spécialistes affirment même que 80 % des entreprises le pratiqueraient sans le savoir. Par exemple, le fait de payer des heures supplémentaires en prime exceptionnelle, même si aucun préjudice n’est subi par les URSSAF, ou le fait pour un client de ramener son verre au comptoir – cas relaté par la presse – est passible de sanction pour travail dissimulé.
Voilà pourquoi il convient que la décision de caractériser le travail dissimulé ne soit pas prise à la légère, par la volonté d’un simple inspecteur. Il est donc proposé devant une décision grave que le document soit contresigné par le directeur de l’organisme effectuant le recouvrement. Cette notion de contreseing existe déjà pour des situations graves ; je pense au constat d’absence de mise en conformité, dont les sanctions sont pourtant moindres.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à prévoir le contreseing du constat de travail dissimulé par le directeur de l’organisme de recouvrement.
Ce document doit être remis à la personne contrôlée lorsqu’un constat de travail dissimulé a été établi. Or le directeur de l’organisme de recouvrement n’est pas sur place. Son contreseing nuirait donc à la rapidité de la procédure, qui vise à sécuriser le recouvrement. Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L’analyse de la commission des affaires sociales est pertinente. J’ajoute qu’une telle disposition jette le doute sur le travail de nos agents.
Vous demandez, madame la sénatrice, que le document soit contresigné par le directeur pour qu’il prenne de la valeur. C’est matériellement et techniquement impossible. Par ailleurs, ce n’est pas souhaitable pour des raisons d’efficacité.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 225 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 14
Mme la présidente. L'amendement n° 229 rectifié quater, présenté par Mme Gruny, MM. Vasselle, de Legge, Cornu et Vaspart, Mmes Micouleau et Estrosi Sassone, M. Bizet, Mmes Troendlé, Deroche et Morhet-Richaud, MM. Lefèvre, Danesi et Revet, Mme Mélot, MM. Houel et Laménie, Mme Hummel, MM. Kennel et Mouiller, Mme Deromedi et MM. Pointereau, Husson et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au présent article, lorsque le redressement concerne la requalification d’une situation de travail indépendant en travail salarié et dès lors que toutes les cotisations et contributions sociales dont est redevable le travailleur indépendant ont été versées au régime mentionné à l’article L. 133-6, l’organisme mentionné à l’article L. 213-1 peut ne pas appliquer l’annulation des réductions ou exonérations de cotisations prévue au deuxième alinéa du présent article, sauf intention frauduleuse manifeste ou récidive. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Cet amendement vise à donner aux URSSAF la possibilité de moduler, dans des cas précis et sous certaines conditions, les sanctions prévues en matière de travail dissimulé.
Lorsque le redressement concerne la requalification d’une situation de travail indépendant en travail salarié et dès lors que toutes les cotisations et contributions sociales dont est redevable le travailleur indépendant ont été versées au régime, cet amendement permet à l’URSSAF de ne pas appliquer l’annulation rétroactive sur cinq ans des réductions ou exonérations de cotisations dont l’employeur a bénéficié pour ses propres salariés, sauf intention frauduleuse manifeste ou récidive.
Cette mesure étend ainsi le principe de proportionnalité des sanctions aux cas de travail dissimulé, actuellement non modulables, alors que la fraude aux cotisations sociales recouvre, quant à elle, des situations très différentes : fraude de faible intensité – activités saisonnières, entraide familiale, recours à un statut considéré comme inadapté entraînant requalification – ou fraude majeure – montages juridiques complexes avec des enjeux financiers élevés pouvant comprendre une dimension internationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le critère du travail dissimulé est l’intentionnalité et non l’erreur. Le fait d’avoir payé des cotisations de travailleur indépendant, moins élevées, ne supprime pas le faux statut. Sans vouloir commenter une procédure en cours, c’est l’enjeu du contentieux Uber engagé par l’URSSAF d’Île-de-France.
Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 229 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 227 rectifié quinquies, présenté par Mme Gruny, MM. Vasselle, de Legge, Cornu et Vaspart, Mmes Micouleau et Estrosi Sassone, M. Bizet, Mme Troendlé, M. Rapin, Mmes Deroche et Morhet-Richaud, MM. Lefèvre, Danesi et Revet, Mme Mélot, MM. Houel et Laménie, Mme Hummel, MM. Kennel et Mouiller, Mme Deromedi et MM. Pointereau, Gremillet et Husson, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au I de l’article L. 133-4-8 du code de la sécurité sociale, après la dernière occurrence du mot : « code », sont insérés les mots : « et aux formalités de mise en place des régimes visées à l’article L. 911-1 du présent code ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Cet amendement vise à étendre la possibilité de moduler les redressements opérés en matière de protection sociale complémentaire pour les contrôles réalisés à compter du 1er janvier 2016 aux cas d’irrégularités liés aux modalités formelles de mise en place du régime.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 autorise les URSSAF à moduler les redressements opérés en matière de protection sociale complémentaire, pour les cas de non-respect du caractère obligatoire et collectif du régime. Or, avec la généralisation de la complémentaire santé, il convient d’étendre le champ de cette mesure à certaines situations de redressement liées à un simple défaut de formalisme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le formalisme est souvent lié au droit du travail – accord collectif, référendum… – et son défaut ne peut être lié à un nombre de salariés comme c’est le cas en matière de caractère collectif ou non du régime.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 couvre déjà les cas où certains documents font défaut. La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. À vous écouter, on a le sentiment que la législation serait trop contraignante, notamment pour ce qui concerne la lutte contre le travail dissimulé. Or permettez-moi de vous rappeler ce que nous avons fait avec le décret du 8 juillet 2016. À l’occasion de sa parution, j’ai d’ailleurs effectué un certain nombre de déplacements accompagné de parlementaires de tous bords ayant travaillé sur ces questions.
Nous avons renforcé les obligations à la charge des contrôleurs pour transmettre tous les détails des mises en demeure. Nous avons renforcé le caractère contradictoire lors des contrôles en fixant des délais clairs, stricts et formels pour les réponses, notamment en ce qui concerne les agents. Nous avons rendu opposable la charte du cotisant contrôlé. Nous avons allongé à deux mois le délai de recours amiable, fixé à un mois auparavant. Nous avons instauré le droit à l’erreur, qui vient d’être évoqué, pour corriger une déclaration sans pour autant subir de pénalités. Nous avons accordé la possibilité de faire valoir l’accord tacite des organismes, ce qui est un point extrêmement important : le redressement ne pourra porter sur des éléments qui, ayant fait l’objet d’un précédent contrôle, n’ont pas donné lieu à observations par les contrôleurs. Bref, nous avons prévu le maximum de souplesse en tenant compte des différents rapports, qu’ils soient issus de l’Assemblée nationale ou du Sénat.
Je ne voudrais pas que l’on pense – puisqu’une fois vous demandez le contreseing du directeur, une autre fois vous souhaitez que l’on puisse plus facilement moduler les sanctions – que nous ne sommes pas parvenus aujourd'hui à un bon équilibre entre la nécessaire lutte contre le travail dissimulé et les capacités de contrôle, de redressement et de sanction. Le rapporteur général a évoqué l’affaire Uber, mais il y en a d’autres.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 227 rectifié quinquies.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 228 rectifié quinquies, présenté par Mme Gruny, MM. Vasselle, de Legge, Cornu et Vaspart, Mmes Micouleau et Estrosi Sassone, M. Bizet, Mme Troendlé, M. Rapin, Mmes Deroche et Morhet-Richaud, MM. Lefèvre, Danesi et Revet, Mme Mélot, MM. Houel et Laménie, Mme Hummel, MM. Kennel et Mouiller, Mme Deromedi et MM. Pointereau, Gremillet et Husson, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le II de l’article L. 133-4-8 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le coefficient multiplicateur prévu aux 1° et 2° du présent II ne s’applique pas dans les entreprises de moins de 11 salariés. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. M. le secrétaire d'État vient d’exposer le dispositif en vigueur. Celui-ci a fait l’objet d’aménagements qui, à l’en croire, devraient donner satisfaction aux auteurs de l’amendement. Nous lui demandons néanmoins si ces dispositions sont bien adaptées aux petites entreprises de moins de onze salariés. Mme Gruny, au travers de cet amendement, que j’ai accepté de cosigner, souhaite que l’on puisse procéder à une révision des coefficients multiplicateurs, qui paraissent être des sanctions lourdes pour de petites entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 prévoit déjà que la modulation ne peut pas être plus défavorable que le redressement appliqué dans les conditions antérieures – redressement sur tout l’effectif –, la question ayant été évoquée l’année dernière. Ce serait priver les petites entreprises de la possibilité de modulation.
La commission a émis un avis défavorable, mais entendra avec intérêt l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
L’application des coefficients proportionnels est nécessairement plus favorable à celui qui est contrôlé que le régime des sanctions ordinaires. Ne pas appliquer de coefficient multiplicateur, cela signifie qu’il n’y a plus de modulation possible. Je ne comprends donc pas très bien le sens de cet amendement. S’il était adopté, les entreprises de moins de onze salariés, en cas d’infraction, subiraient les sanctions sans pouvoir bénéficier du système des coefficients multiplicateurs, qui les pénalise moins que le système de droit commun.
Mme la présidente. Monsieur Vasselle, l’amendement est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Compte tenu des explications données par la commission et le Gouvernement, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 228 rectifié quinquies est retiré.
L'amendement n° 230 rectifié quater, présenté par Mme Gruny, MM. Vasselle, de Legge, Cornu et Vaspart, Mmes Micouleau et Estrosi Sassone, M. Bizet, Mme Troendlé, M. Rapin, Mmes Deroche et Morhet-Richaud, MM. Lefèvre, Danesi et Revet, Mme Mélot, MM. Houel et Laménie, Mme Hummel, MM. Kennel et Mouiller, Mme Deromedi et MM. Pointereau et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas particulier d’un salarié licencié pour faute grave, les sommes versées au salarié dans le cadre d’une transaction ne comprennent pas d’indemnité compensatrice de préavis. Dès lors, ces sommes sont exclues de l’assiette des cotisations, à l’exception des éléments de rémunération. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. L’objet de cet amendement est de clarifier les règles applicables aux transactions entre l’employeur et le salarié en droit de la sécurité sociale dans le cas très particulier d’un licenciement pour faute grave, compte tenu du nombre croissant de redressements par l’URSSAF ayant pour effet de dénaturer le sens et la portée de la transaction conclue entre les parties, l’employeur et le salarié.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’avis est défavorable. Les indemnités compensatrices de préavis sont une rémunération ; il ne semble donc pas nécessaire de le préciser.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 230 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 211 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Dufaut et Cardoux, Mme Di Folco, MM. B. Fournier, Bonnecarrère, Mouiller et Morisset, Mme Lopez, MM. Lefèvre, G. Bailly, Mayet, Milon et D. Laurent, Mmes Deromedi et Gruny, MM. Charon, Longeot et Pointereau, Mmes Deroche, Lamure et Imbert, MM. Calvet, de Raincourt et Houpert, Mme Joissains et MM. Kennel, Mandelli, Kern, Gremillet et Gabouty, est ainsi libellé :
Après l'article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 712-8 du code rural et de la pêche maritime, la date : « 1er janvier 2017 » est remplacée par la date : « 1er juillet 2018 ».
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Support majeur de déclarations sociales du régime de protection sociale agricole, le titre emploi simplifié agricole, ou TESA, permet d’accomplir en une seule fois onze formalités liées à l’embauche.
Le régime agricole participe à cette réforme et adapte ses supports déclaratifs aux nouvelles normes de la déclaration sociale nominative, la DSN.
Afin de garantir un déploiement sécurisé et dans les meilleures conditions du nouveau TESA pour l’ensemble des employeurs agricoles entrant dans son champ d’application, cet amendement prévoit de décaler son entrée en vigueur, initialement prévue au 1er janvier 2017, au plus tard au 1er juillet 2018. Ce nouveau calendrier permettra un accompagnement adapté des entreprises à l’utilisation de ce nouveau titre déclaratif avec un recul nécessaire sur la mise en œuvre de la DSN au régime agricole.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le TESA est en phase de démarrage – M. le secrétaire d’État nous l’expliquera certainement – et son report conduirait à ce que les déclarations soient, paradoxalement, pendant dix-huit mois, plus complexes pour les plus petites entreprises que pour celles qui auront recours à la DSN. Ce report risquerait de nuire très fortement au dispositif lui-même, que vous défendez et qui est très utile pour les petites entreprises agricoles.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de l’amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La DSN, dont la généralisation est en marche, présente beaucoup d’avantages. Si elle n’est pas aujourd'hui pleinement efficace, c’est parce qu’un certain nombre de caisses ne sont pas encore en mesure de recevoir toutes les données ; les experts-comptables et les entreprises nous font ce petit reproche parfaitement justifié. Ce point sera corrigé dans le courant du premier semestre de l’année prochaine. La DSN remplacera un très grand nombre de déclarations jusque-là réalisées à la main et sur papier.
Vous souhaitez que les petites entreprises agricoles qui utilisent le TESA obtiennent un report pour la mise en œuvre de la DSN.
Si la Mutualité sociale agricole réalise correctement son travail, nous l’y incitons fermement, cette mise en œuvre ne devrait pas poser de problème. Un certain nombre d’organismes encore, mais ils sont peu nombreux et se comptent sur les doigts d’une main, pour des raisons diverses – la MSA n’est pas la seule à être concernée –, n’ont pas suffisamment anticipé les formalités liées à la DSN. C’est le cas, par exemple, de Pôle emploi.
Le Gouvernement veille, en lien avec le groupement d’intérêt public chargé de mettre en œuvre la DSN et avec l’ensemble des organismes socioprofessionnels, à ce que tout soit en ordre de marche. Cela doit être possible, sans grande difficulté, y compris pour les entreprises qui utilisent le TESA. Je le répète, si la MSA fait son travail, cette mise en œuvre ne devrait pas poser de problème. Il n’y a donc pas lieu, à notre sens, de prévoir un report supplémentaire.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je veux bien croire le rapporteur et le secrétaire d’État, qui affirment que cette disposition a pour principal objectif de simplifier, au bénéfice des entreprises, la déclaration concernant l’emploi de salariés pour une période n’excédant pas trois mois. Or sommes-nous passés par la voie expérimentale avant de généraliser le dispositif ? Si oui, quel a été le résultat de l’évaluation ? Par ailleurs, en quoi le nouveau dispositif simplifiera-t-il la vie des entreprises, en particulier des exploitations agricoles ?
Pour l’utiliser moi-même, je peux dire que le TESA – certes, il s’agit d’une procédure papier – ne pose aucune difficulté. La DSN, quant à elle, se fera par la voie dématérialisée. L’objectif me semble donc davantage de faciliter la tâche de la MSA que celle des entreprises elles-mêmes. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt en affirmant que le dispositif facilitera la vie des entreprises !
Je reste donc dubitatif sur la pertinence et l’intérêt de cette disposition, sauf si l’on est déjà passé par la voie expérimentale et que l’on a réalisé une évaluation auprès des entreprises elles-mêmes, auquel cas je retirerai mes observations. Mais si tel n’est pas le cas, je soutiendrai l’amendement de mon collègue Daniel Chasseing, sauf s’il décide de le retirer.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Vasselle, nous ne sommes pas en opposition.
Tout d’abord, sachez qu’une expérimentation a bien eu lieu à partir de 2013.
Ensuite, vous avez raison, c’est à la MSA de faire en sorte que les informations contenues dans la DSN puissent être transmises correctement aux administrations, aux caisses de retraite, aux caisses de retraite complémentaires, bref à toutes celles et tous ceux qui utiliseront le « tuyau » DSN pour échanger des informations en continu.
Vous avez également raison, pour les entreprises qui utilisent le système TESA, la DSN facilitera surtout le travail de la MSA. C’est la raison pour laquelle j’ai gentiment mis en cause l’avancement des travaux de la MSA.
Peut-être nous sommes nous mal compris. Si j’ai dit que la DSN constituerait un gain important, c’est que le système TESA concerne une minorité d’entreprises en France. Pour toutes les autres entreprises, les grandes, les petites, les moyennes, soit la très grande majorité d’entre elles, cela simplifiera les formalités par rapport à la déclaration papier.
Pour les entreprises, il n’y aura pas de changement. Elles continueront à utiliser le système TESA. Il reviendra ensuite à la MSA de faire transiter par la DSN les informations pour les caisses de retraite, les assurances et autres, y compris pour l’administration fiscale puisqu’il y aura une petite ligne « prélèvement à la source » dans la DSN, mais c’est un débat que nous aurons prochainement…
Cet amendement aurait plutôt pour effet de donner plus de délais à la MSA pour satisfaire à l’obligation prévue dans la loi d’utiliser la DSN, ce qui n’est pas souhaitable. Mieux vaut, à mon sens, maintenir la pression sur la MSA.
Mme la présidente. Monsieur Chasseing, l'amendement n° 211 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 211 rectifié est retiré.
L'amendement n° 226 rectifié quinquies, présenté par Mme Gruny, MM. Vasselle, de Legge, Cornu et Vaspart, Mmes Micouleau et Estrosi Sassone, M. Bizet, Mmes Troendlé et Deroche, M. Rapin, Mme Morhet-Richaud, MM. Lefèvre, Danesi et Revet, Mme Mélot, MM. Houel et Laménie, Mme Hummel, MM. Kennel et Mouiller, Mme Deromedi et MM. Pointereau, Gremillet et Husson, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Au II de l’article 12 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, les mots : « engagés à compter du 1er janvier 2016 » sont remplacés par les mots : « en cours au 1er janvier 2016, ainsi qu’à ceux qui sont engagés à compter de cette date ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Cet amendement vise à étendre la possibilité donnée aux URSSAF de moduler les redressements opérés en matière de protection sociale complémentaire aux contrôles en cours au 1er janvier 2016 et dont les sommes dues n’ont pas un caractère définitif. Il s’inscrit dans la continuité du rapport Pour un nouveau mode de relations URSSAF/Entreprises des députés Bernard Gérard et Marc Goua et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, qui a autorisé les URSSAF à moduler, sous certaines conditions explicitement définies, les redressements opérés en matière de protection sociale complémentaire pour les contrôles réalisés à compter du 1er janvier 2016. L’objectif est toujours de mieux proportionner la sanction à l’irrégularité constatée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce changement de règle a posteriori pourrait se traduire par une différence de traitement pour les contrôles pour lesquels un redressement a déjà été notifié et pour ceux pour lesquels un contrôle est toujours en cours. Ces contrôles peuvent porter sur des régimes complémentaires mis en place avant la généralisation de la complémentaire santé, notamment dans le domaine de la prévoyance.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je crains que cet amendement ne permette à certaines entreprises déjà concernées par un contrôle d’échapper à la procédure et d’éviter les sanctions. Cela ne me paraît pas souhaitable.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 226 rectifié quinquies.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 14 bis (nouveau)
L’article 122 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 est ainsi modifié :
1° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I peuvent bénéficier, au titre de leurs périodes d’activité antérieures au 1er janvier 2014, d’une prise en charge totale ou partielle de leur dette sociale, dans la limite de 10 000 €. » ;
2° À la première phrase du III, après les mots : « dette sociale », sont insérés les mots : « , constituée au titre des périodes d’activité comprises entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 2015, » ;
3° Le IV est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « de l’aide et de l’annulation » sont remplacés par les mots : « des dispositions » ;
b) Les 2° et 3° sont abrogés ;
c) Le 4° est ainsi modifié :
– à la fin du deuxième alinéa, l’année : « 2014 » est remplacée par l’année : « 2016 » ;
– à la première phrase du dernier alinéa, les mots : « en tout ou partie par un versement complémentaire et pour le reste » sont supprimés ;
– la seconde phrase du même dernier alinéa est supprimée ;
d) Au 6°, l’année : « 2013 » est remplacée par l’année : « 2015 » ;
4° Au V, les mots : « des I et » sont remplacés par le mot : « du » ;
5° Le VI est abrogé.
Mme la présidente. L'amendement n° 63, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’année dernière, le Sénat s'était opposé à l'élargissement du plan de 2005 d'apurement de la dette sociale agricole en Corse. Cet article l'élargit encore. C'est pourquoi cet amendement vise à le supprimer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L’article 14 bis, que la commission souhaite supprimer, ressemble à une disposition qui a été votée l’année dernière. Il s’agit tout simplement d’étendre le dispositif de résorption de la dette sociale de l’agriculture corse aux dettes antérieures au 1er janvier 2014, tout en maintenant inchangée la limite globale de 10 000 euros de dette.
Par ailleurs, cet article vise à prévoir la possibilité de mettre en place des plans de désendettement d’une durée maximale de sept ans pour certains débiteurs, c’est-à-dire pour ceux dont la dette sociale est supérieure à 10 000 euros pour les périodes d’activité comprises entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 2015.
Ces mesures visent à achever le processus engagé depuis 2014 et à régler définitivement un problème ancien.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. À un moment où la profession agricole vit une année extrêmement difficile, quelles que soient les filières, et où des mesures ont été prises, notamment au regard du paiement des cotisations sociales, je m’interroge sur ce qui peut justifier une mesure d’exception au profit de l’agriculture corse.
Une autre solution aurait pu être d’étendre à toute la France le dispositif qui s’applique pour l’île de Corse. Ça aurait été une mesure particulièrement bienvenue dans la situation actuelle !
M. Michel Raison. Absolument !
M. Daniel Gremillet. Très bien !
Mme la présidente. En conséquence, l'article 14 bis est supprimé.
Article 14 ter (nouveau)
L’article 31 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces autorisations, ou celles valablement données aux organismes et administrations mentionnés au premier alinéa du présent article depuis l’entrée en vigueur de la présente loi et jusqu’à l’entrée en vigueur du présent article, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … de financement de la sécurité sociale pour 2017, demeurent valides pour tout autre instrument de prélèvement conforme au règlement mentionné au même premier alinéa, en cas d’opération de changement d’instrument de prélèvement conduite par ces mêmes organismes et administrations. »
Mme la présidente. L'amendement n° 64, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Remplacer le mot :
depuis
par le mot :
entre
2° Remplacer les mots :
jusqu’à l’entrée en vigueur du présent article, dans sa rédaction résultant
par le mot :
celle
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 14 ter, modifié.
(L'article 14 ter est adopté.)
Article additionnel après l'article 14 ter
Mme la présidente. L'amendement n° 223 rectifié ter, présenté par Mme Gruny, MM. Vasselle, Cornu et Vaspart, Mmes Micouleau et Estrosi Sassone, M. Bizet, Mme Troendlé, M. Rapin, Mmes Deroche et Morhet-Richaud, MM. Lefèvre, Danesi et Revet, Mme Mélot, MM. Houel et Laménie, Mme Hummel, MM. Kennel et Mouiller et Mme Deromedi, est ainsi libellé :
Après l'article 14 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 30 juin 2017, un rapport sur les modifications et les simplifications qui peuvent être apportées au dispositif relatif à la lutte contre le travail illégal, en tenant compte de l’éventuelle bonne foi de la personne incriminée ainsi que du renforcement du respect de la procédure contradictoire
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Depuis 1997, lois et décrets se sont empilés en matière de travail illégal, à tel point que l’étude du sujet est devenue ardue, voire incompréhensible, même pour les professionnels les plus avertis.
En outre, depuis un certain nombre d’années, sous couvert d’une nécessaire lutte contre le travail dissimulé, le législateur n’a eu de cesse de banaliser cette notion.
Enfin, il convient de souligner l’importance des sanctions pénales et civiles.
Ces mesures pourraient tout à fait se comprendre en cas de véritable travail au noir : absence de déclaration du salarié, paiement du salaire de la main à la main… Le problème, c’est que la loi a désormais banalisé la notion de travail dissimulé, à tel point que la plupart des entreprises se retrouvent dans son champ d’application. Les conversations que nous avons eues avec des professionnels nous ont appris que beaucoup de situations de travail dissimulé concernaient en réalité des employeurs de bonne foi.
Il semble indispensable de faire le point sur une législation redoutable. Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission n’est pas favorable à cette nouvelle demande de rapport, d’autant que nous travaillons déjà sur la question de la fraude au travail, en particulier les cas de fraude sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. J’ajoute qu’il tient ouvertes ses portes, ses fenêtres et ses armoires si le Sénat a besoin d’informations pour compléter le travail qu’il conduit actuellement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 223 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 15
I. – Après l’article L. 114-15 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 114-15-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 114-15-1. – Les travailleurs salariés ou non salariés qui exercent une activité en France tout en relevant de la législation de sécurité sociale d’un État autre que la France ou, à défaut, leur employeur ou son représentant en France doivent tenir à la disposition des agents de contrôle mentionnés à L. 8271-1-2 du code du travail, à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, sur le lieu d’exécution du travail et chez la personne mentionnée à l’article L. 8222-1 du code du travail, le formulaire concernant la législation de sécurité sociale applicable prévu par les règlements européens et les conventions internationales en vigueur portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.
« Le défaut de production de ce document, lors du contrôle, par le travailleur, l’employeur ou la personne mentionnée au même article L. 8222-1 entraîne l’application d’une pénalité.
« La pénalité mentionnée au deuxième alinéa du présent article est fixée pour chaque travailleur concerné à hauteur du plafond mensuel de sécurité sociale en vigueur. Ce montant est doublé en cas de nouveau manquement constaté dans un délai de deux ans à compter de la notification de la pénalité concernant un précédent manquement.
« La pénalité est due par la personne mentionnée audit article L. 8222-1.
« La pénalité n’est pas applicable en cas de production, lors du contrôle, d’un justificatif attestant du dépôt de la demande d’obtention du formulaire mentionné au premier alinéa du présent article, suivie de la production, dans un délai de deux mois à compter du contrôle, du formulaire délivré à la suite de cette demande.
« La pénalité est recouvrée par les organismes en charge du recouvrement des cotisations ou contributions de sécurité sociale, selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement de ces cotisations ou contributions. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er avril 2017.
Mme la présidente. L'amendement n° 435, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
l'employeur
insérer les mots :
ou son représentant en France
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Si l’objectif de l’article 15 – lutter contre les fraudes à la législation encadrant le détachement de travailleurs – est largement partagé dans notre hémicycle, sa rédaction soulève en revanche un certain nombre de questions et souffre, comme l’a souligné Gérard Bapt à l’Assemblée nationale, de « malfaçons rédactionnelles ». Le présent amendement vise à en corriger une, mais il serait intéressant que M. le secrétaire d’État nous éclaire sur les modalités d’application de cet article.
Premièrement, c’est le donneur d’ordre qui serait tenu responsable même si le manquement vient de son cocontractant. Si la responsabilité solidaire du donneur d’ordre se justifie dans le cas de manquements graves au droit du travail, n’est-elle pas disproportionnée s’agissant de la détention d’un formulaire qui se borne à préciser le droit applicable ?
Deuxièmement, la Cour de justice de l’Union européenne admet que le formulaire A1 soit demandé et fourni postérieurement au détachement. En rendant obligatoire la mise à disposition de ce formulaire au cours de l’exécution du contrat, cet article semble méconnaître cette jurisprudence.
Quelle est la position du Gouvernement sur ces points particuliers ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L’abondance d’amendements rédactionnels montre parfois à quel point le texte a été écrit, comme on dit chez nous, avec les pieds. (Sourires.) Je précise que c’est moi-même que je mets en cause.
Plus sérieusement, l’alinéa 6 de l’article 15 précise que la pénalité applicable en cas de manquement de production du document que vous évoquez, monsieur le rapporteur général, « n’est pas applicable en cas de production, lors du contrôle, d’un justificatif attestant du dépôt de la demande d’obtention du formulaire […], suivie de la production, dans un délai de deux mois à compter du contrôle, du formulaire délivré à la suite de cette demande ».
Cela répond, du moins en partie, à votre question : si l’entreprise fait valoir qu’elle a fait la demande et qu’elle produit dans les deux mois le certificat ad hoc, elle ne subit pas la pénalité.
En tout état de cause, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je constate que l’amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 15, modifié.
(L'article 15 est adopté.)
Chapitre III
Dispositions contribuant au financement de l’assurance-maladie
Article 16
Le chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section 12 ainsi rédigée :
« Section 12
« Contribution sociale à la charge des fournisseurs agréés de produits du tabac
« Art. L. 137-27. – Les fournisseurs agréés de tabacs manufacturés mentionnés au 1 de l’article 565 du code général des impôts sont soumis à une contribution sociale sur leur chiffre d’affaires. Le produit de cette contribution est affecté à un fonds, créé au sein de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés et destiné au financement de la prévention et de la lutte contre le tabagisme.
« Le fait générateur de la contribution et son exigibilité sont ceux prévus à l’article 298 quaterdecies du même code.
« L’assiette de la contribution est constituée par le montant total du chiffre d’affaires du redevable relatif à la commercialisation des tabacs manufacturés, hors taxe sur la valeur ajoutée, réalisé en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, déduction faite de la remise consentie par ce redevable aux débitants en application du 3° du I de l’article 570 dudit code et du droit de consommation prévu aux articles 575 ou 575 E du même code.
« Le taux de la contribution est fixé à 5,6 %.
« Art. L. 137-28. – La contribution exigible au cours d’une année civile est déclarée en une seule fois par les redevables sur l’annexe à la déclaration de chiffre d’affaires prévue au 1 de l’article 287 du code général des impôts et déposée dans les délais prévus pour les opérations réalisées au cours du mois de mars ou du premier trimestre de l’année civile suivante. La contribution est acquittée lors du dépôt de la déclaration.
« Les redevables placés sous le régime simplifié d’imposition prévu à l’article 302 septies A du même code déclarent et acquittent en une seule fois la contribution exigible au cours d’une période lors du dépôt de la déclaration portant sur les opérations de cette période mentionnée au 3 de l’article 287 dudit code.
« Art. L. 137-29. – La contribution mentionnée à l’article L. 137-27 est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées et le droit de reprise de l’administration s’exerce selon les règles applicables à cette même taxe. »
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Labazée, sur l'article.
M. Georges Labazée. Ce gouvernement a fait de la lutte contre le tabagisme une priorité de la politique publique de santé ; nous ne pouvons que nous en féliciter.
Le programme national de réduction du tabagisme a fixé des objectifs ambitieux pour lutter contre les méfaits du tabac, qui tue 80 000 personnes chaque année, comptant faire de la génération d'enfants qui naît aujourd'hui la première génération sans tabac.
Oui, il convient de créer des outils efficaces pour renforcer les efforts qui sont faits en la matière ! Mais s’il y a la théorie, il y a aussi la réalité. La réalité, c'est que les outils créés pour lutter contre le tabagisme sont parfois injustes ou peuvent être perçus comme tels. Je m’explique.
L'article 16 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale crée une contribution sur le chiffre d'affaires des fournisseurs agréés de tabacs. Il faut savoir que l'organisation de l'approvisionnement des cigarettes vendues en France, qui est assuré par une entreprise unique, filiale d'un des quatre grands groupes de fabricants, permet de faire échapper les groupes industriels du secteur et leurs filiales à toute taxation directe en France. L'article 16 crée donc une taxe sur le chiffre d'affaires des fournisseurs agréés, qui permet de faire contribuer le secteur. Son rendement attendu, de l’ordre de 130 millions d'euros, participera au financement du fonds consacré à la lutte contre le tabagisme.
En théorie, cette disposition permet de lutter contre l'optimisation fiscale pratiquée à grande échelle par les multinationales du tabac par le biais d'une entreprise en position de monopole sur le marché de la distribution des produits du tabac en France. En réalité, cette contribution sera automatiquement répercutée par le fournisseur sur les fabricants de tabac : pas sur les grands groupes internationaux basés à l'étranger, qui ne payent que très peu d'impôts en France, mais sur les producteurs français de tabac, installés en France, très présents dans le Sud-Ouest, et qui payent leurs impôts en France.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Bien sûr !
M. Georges Labazée. Si cet article était adopté en l'état, cette taxe doublerait leur impôt, viendrait grever leur trésorerie et entraînerait inexorablement leur disparition. C'est pourquoi, avec plusieurs membres du groupe socialiste, notamment Pierre Camani et Claude Bérit-Débat, dont je tiens ici à saluer le travail, nous avons cherché à trouver un dispositif meilleur, qui financerait le fonds de lutte contre la prévalence tabagique, lutterait contre l'optimisation fiscale pratiquée par les grands groupes industriels, tout en préservant nos agriculteurs français.
Avec le secrétaire d’État et ses collaborateurs, nous avons travaillé à la rédaction de l'amendement qui portait le numéro 409. La commission des affaires sociales a estimé qu'il était dénué de tout lien avec le budget de la sécurité sociale. Destin cruel pour cette disposition qui, grâce à un nivellement par le bas de la répercussion de cette taxe, permettait de protéger nos petits fabricants.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
Mme Élisabeth Doineau. Eh oui, une minute de dépassement !
M. Georges Labazée. Nous avons donc déposé un amendement de repli, l’amendement n° 380 rectifié, par lequel nous demandons un report de cette taxe au 1er janvier 2020, le temps pour nos tabaculteurs français d'anticiper cette mesure fiscale, qui sera immanquablement répercutée sur les producteurs-fabricants. Ils pourraient même – pourquoi pas ? – devenir fournisseurs agréés. Nous pourrons en discuter.
Mme la présidente. Concluez, cher collègue !
M. Georges Labazée. J'en appelle donc au Gouvernement pour trouver une solution pérenne et compte sur nous, parlementaires, pour la soutenir. (Marques d’impatience sur les travées de l'UDI-UC.)
Pardonnez-moi d’avoir été un peu long, madame la présidente, mais le département dont vous êtes l’élue – la Gironde – comme le mien – les Pyrénées-Atlantiques –, la Dordogne, le Lot-et-Garonne sont tous concernés par ce dossier.
Mme la présidente. Certes, mais cela ne justifie pas de doubler votre temps de parole, mon cher collègue ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. Je souhaiterais vous faire part de quatre réflexions au moment où nous entamons le débat sur la lutte contre le tabagisme.
Première réflexion : la lutte contre le tabagisme est essentielle pour la santé publique. Je l’ai dit hier, c’est l’honneur de Marisol Touraine de la mener avec détermination et efficacité. Nous avons par exemple en tête son combat pour instaurer le paquet neutre, pour interdire les arômes ou imposer l’obligation de prouver son âge pour tout achat de tabac.
Deuxième réflexion : la France dispose de frontières ouvertes avec des pays qui jouissent d’une fiscalité sur le tabac bien inférieure à celle pratiquée chez nous. Baisse des ventes chez les buralistes ne signifie donc pas baisse de la consommation.
J’ai ici un article paru dans la presse de ma région sous le titre : « Ils vont chercher leurs cigarettes en Belgique », avec le chapeau suivant : « “Il y a une éternité que je n’ai pas acheté mes cigarettes en France”, témoignages de Saint-Quentinois qui se rendent régulièrement en Belgique pour s’approvisionner ». On peut lire notamment ceci : « “J’en ramène aussi à mes proches qui n’ont pas de moyen de locomotion […].” Quatre seaux par trajet pour un total de 148 euros. »
Troisième réflexion : il est essentiel de mettre en place la traçabilité des cigarettes, de l’usine de fabrication jusqu’à la vente au consommateur final. C’est un objectif du protocole de l’OMS pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac, adopté le 12 novembre 2012 à Séoul, élaboré avec le concours de 180 pays et ratifié par la France. C’est un enjeu de santé publique.
Le commerce illicite des produits du tabac englobe la contrebande, la contrefaçon et la fabrication illicite ; il se distingue des achats transfrontaliers, lesquels sont légaux, du moins dans une certaine mesure. Une question se pose néanmoins : le rôle joué par les fabricants dans ce commerce.
Quatrième réflexion : notre pays est, de culture, très peu sensible aux politiques de santé publique. Cela nous oblige à être très inventifs dans les mesures mises en place, notamment en direction des jeunes.
Mme Catherine Génisson. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je suis complètement d’accord avec les propos qui viennent d’être tenus. Je ferai simplement remarquer à Yves Daudigny que la lutte contre le tabagisme ne remonte pas à Marisol Touraine ; d’autres ministres de la santé, avant elle, ont lutté contre ce fléau.
La commission va vous proposer d’adopter, mes chers collègues, un amendement tendant à supprimer l’article 16, qui crée une contribution sociale à la charge des fournisseurs agréés de produits du tabac. Elle souhaite en revanche maintenir la modification de la fiscalité sur les produits du tabac, notamment sur le tabac à rouler.
Reste que l’augmentation du prix du tabac doit s’accompagner de politiques de prévention et d’information, notamment en direction des jeunes. Je suis en effet persuadé que la campagne « Moi(s) sans tabac » est beaucoup plus efficace que la seule augmentation du prix du tabac. Les consommateurs qui souhaitent continuer de fumer peuvent aller en Belgique…
Mme Vivette Lopez. Ou en Espagne !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. … ou en Andorre – c’est encore moins cher – pour s’approvisionner.
Je voudrais surtout dire un mot sur l’importance de la parole ministérielle. Vous savez quelle est l’image des hommes politiques dans la population française actuellement. Or je me souviens de nos discussions sur le paquet neutre, disposition figurant dans le projet de loi Santé. La ministre des affaires sociales et de la santé avait alors pris un engagement clair : la mise en place du paquet neutre est une mesure suffisamment importante, qui requiert un travail d’information des publics concernés, pour ne pas adopter d’autres mesures cette année, notamment d’augmentation du prix du tabac.
Mieux encore : deux jours avant l’annonce de l’augmentation du prix du tabac, le ministre de l'économie et des finances déclarait qu’il n’y en aurait pas.
Enfin, un autre membre du Gouvernement, médecin de son état par ailleurs, prône la légalisation du cannabis quand le Gouvernement se fixe comme objectif de lutter contre le tabagisme.
Tous ces messages contradictoires, émanant de membres d’un même gouvernement, passent mal, monsieur le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Nous avions déposé en commission un amendement qui a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40, alors que son objet n’était que de flécher les recettes générées par l'augmentation du prix du tabac. En effet, si nous partageons l'objectif de lutter plus efficacement en faveur de la prévention contre le tabagisme, la réalité du trafic de cigarettes et du tabac impose de consacrer davantage de moyens à cette ambition.
Jusqu'à présent, les hausses des prix du tabac n'ont pas été d'une grande efficacité dans la prévention contre le tabagisme. Cette fois-ci, la hausse prévue par le présent texte est plus forte. On peut dès lors se demander l’impact qu’elle aura sur la consommation. La question reste ouverte.
Le problème que je souhaite mettre en lumière est que cette hausse se concentre sur les produits pour l'instant les moins chers, notamment le tabac à rouler, produits vers lesquels les jeunes et les plus précaires se sont tournés du fait des augmentations successives des prix du tabac. De plus, les buralistes installés en France, notamment dans les zones frontalières, subissent les effets de la contrebande et de la contrefaçon. Il nous semble donc que la solution à ce problème serait un lissage des prix au niveau européen.
Pour ces raisons, nous proposons de maintenir l'augmentation du prix du tabac, tout en réfléchissant à un fléchage des recettes supplémentaires au profit des politiques de prévention du tabagisme, notamment chez les jeunes, et des services des douanes, qui luttent contre la contrebande et les trafics de cigarettes et tabac.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce dossier est compliqué.
Madame Cohen, je m’inscris en faux contre vos propos : les augmentations de prix ont entraîné, à l’évidence, une baisse de la consommation de tabac au cours des quinze dernières années. (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme Françoise Gatel. Une baisse des achats, plutôt !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. En France !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Pardonnez-moi, je travaille depuis trois ans sur ce dossier, et j’habite à côté de la frontière luxembourgeoise : je crois connaître le sujet.
Nos analyses nous conduisent à affirmer que les augmentations de prix, qui ont été plus importantes en France que dans les autres pays d’Europe continentale, ont conduit à une baisse spectaculaire de la consommation, de 20 % à 30 % au minimum – nous vous donnerons les chiffres précis –, au cours des quinze dernières années, dans le circuit légal. Une baisse aussi importante des ventes, fût-ce dans le circuit légal, ne peut être compensée totalement par les importations illégales ou les trafics en tous genres. J’assume ce que je dis, et je sais la valeur des propos tenus par un membre du Gouvernement devant une assemblée parlementaire. Nous pourrons reprendre ce débat avec des chiffres plus précis, si vous le souhaitez.
Par ailleurs, la lutte contre les importations illégales a été considérablement renforcée par plusieurs dispositifs. Le Sénat a accepté la proposition du Gouvernement d’interdire les achats sur internet. Jusqu’alors, en effet, seules les ventes sur internet étaient interdites, disposition difficile à appliquer, les ventes étant réalisées par des sites basés à l’étranger. Nos cyberservices de douanes se livrent désormais à de faux achats en ligne pour repérer les circuits de vente sur internet. Cela produit déjà des effets.
Nous avons également renforcé les limitations des quantités d’achat de tabac autorisées dans les pays limitrophes pour une consommation personnelle. Nous sommes même allés, je le dis tout bas, au-delà des standards européens : nous avons pris des dispositions plus dures pour limiter le nombre de paquets autorisés pour sa consommation personnelle. Pour l’instant, personne ne nous a attaqués…
Yves Daudigny a cité un article de presse témoignant de cette réalité dans le nord de la France. J’ai personnellement assisté à des contrôles aux frontières. La personne qui se rend dans un pays étranger pour acheter des cigarettes pour son beau-frère, sa belle-sœur, son tonton et son fiston, on la reconnaît : elle achète souvent des marques différentes. Elle a même parfois la naïveté de le dire. Or je peux vous dire qu’elle est sanctionnée. Naturellement, si cette personne achète deux cartouches pour son usage personnel, elle ne l’est pas.
Autre observation : certains orateurs ont l’air de considérer que le dispositif prévu par l’article 16 entraînera automatiquement une augmentation des prix. Nous faisons le pari que tel ne sera pas le cas. Georges Labazée l’a parfaitement expliqué : les principaux producteurs de tabac sont localisés à l’étranger et vendent presque exclusivement à un seul distributeur agréé en France, qui est d’ailleurs l’une de leurs filiales. Les profits sont donc réalisés à l’étranger, pour un chiffre d’affaires fait en France. Cela est parfaitement anormal.
D’après nos estimations, fondées sur des calculs et des comparaisons, les marges réalisées par les fabricants sur les produits vendus en France sont très supérieures à ce qu’elles peuvent être à l’étranger, où le prix de vente est inférieur. Nous faisons donc le pari que, avec le lancement simultané du paquet neutre, les fabricants peuvent absorber cette taxe d’un rendement attendu de 130 millions d'euros, compte tenu des quantités écoulées et du chiffre d’affaires en jeu.
Reste un problème particulièrement important, parmi d’autres, qui doit être traité : la situation des petites entreprises qui fabriquent en France et qui passent par le principal distributeur agréé pour écouler leurs marchandises. Ces petites entreprises se voient déjà appliquer des tarifs près de quatre fois supérieurs à ceux acquittés par les fabricants installés à l’étranger. C’est là qu’est le problème ! Il n’est pas de savoir si la contribution supplémentaire sera répercutée ou non sur les prix par le distributeur agréé, dont nous tairons d’ailleurs le nom, la loi ayant une portée générale et non particulière.
Une harmonisation est possible. C’est l’objet du travail que nous avons conduit récemment et que nous allons reprendre, j’en prends l’engagement devant vous, à l’occasion de la navette sur ce texte. Nous devons trouver la meilleure des solutions pour ces fabricants nationaux. Je m’y suis également engagé auprès d’eux et auprès des députés. Prenons seulement garde aux chiffres qui circulent, notamment des marges réalisées, et qui ne correspondent pas toujours à la réalité.
Dans tous les cas, supprimer l’article 16, comme le propose la commission des affaires sociales, irait complètement à l’encontre de nos objectifs collectifs : la lutte contre le tabagisme et la justice fiscale. Les gros producteurs de tabac, qui réalisent des milliards d’euros de chiffres d’affaires, et donc des milliards d’euros de profit sur les ventes de tabac en France, ne paient pas un radis d’impôt à notre pays !
Le seul moyen que nous avons trouvé pour mettre fin à cette situation – d’autres moyens apparaîtront peut-être à l’avenir ; des travaux sont actuellement menés en ce sens à l’échelle européenne – est celui que nous vous proposons dans cet article : la contribution du distributeur agréé, dont je rappelle qu’il est le fiston d’un des fabricants. Nous faisons le pari qu’il l’absorbera pour qu’il n’y ait pas d’impact à la vente.
Un mot, enfin, sur la traçabilité des cigarettes. C’est un sujet important qui, je le dis franchement, nous a divisés. Nous avons eu des combats violents sur ce sujet à l’Assemblée nationale. Ce ne sera pas le cas ici ; ce n’est pas le genre de la maison.
Je me suis fait traiter de tous les noms : défenseur du lobby du tabac, défenseur du lobby des fabricants des puces électroniques permettant la traçabilité des cigarettes… Je vous le dis dans les yeux, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne fréquente ni les uns ni les autres.
Les députés ont souhaité supprimer la disposition transcrivant la directive européenne sur ce sujet dans la loi française. Je leur ai fait part de mon profond désaccord. Les députés m’ont alors indiqué leur intention d’écrire au Président et de militer pour qu’un système de traçabilité soit mis en place à l’échelle européenne. Un an plus tard, rien n’a été fait. Le Parlement a commis une erreur.
J’ai signé ce matin, avec Marisol Touraine, un courrier à l’adresse de la Commission européenne pour rappeler les priorités de la France.
Première priorité : mettre en place un système de traçabilité.
M. Yves Daudigny. Très bien !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Deuxième priorité : veiller à ce que ce système soit indépendant des fabricants. Cela implique qu’il soit doté des moyens nécessaires.
Il y a quelques mois, nous avions signé avec Marisol Touraine le même type de courrier, toujours à l’adresse de la Commission européenne, pour demander qu’un travail d’harmonisation de la fiscalité sur ce type de produits, qui ne sont pas des produits comme les autres, soit mené à l’échelle européenne.
Je regretterais que le Sénat supprime l’article 16, même si j’entends bien le problème qu’il pose pour les fabricants français. Ce n’est pas un petit problème – je ne voudrais pas être méprisant envers qui que ce soit –, il doit être traité, mais il ne se compare tout de même pas, dans son ampleur, à celui que nous pensons commencer à résoudre avec les dispositions de cet article. Le Sénat, naturellement, est souverain. Je voulais seulement nous mettre en garde et insister sur un point : l’objet de cet article me semble rejoindre les préoccupations exprimées par les divers orateurs, y compris le président de la commission des affaires sociales.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 3 rectifié est présenté par MM. Frassa, Gilles, Calvet, Lemoyne, Guerriau, Chaize, Magras, Trillard, Longuet et Bonhomme, Mme Deromedi, MM. D. Laurent, Vasselle, Kern et Charon, Mme Gruny et M. de Raincourt.
L'amendement n° 65 est présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 166 rectifié quater est présenté par MM. Longeot, Canevet et Bockel, Mme Billon et MM. Tandonnet et Gabouty.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bruno Gilles, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.
M. Bruno Gilles. On l’aura bien compris, c’est un amendement pour supprimer cet article de 130 millions d'euros de taxe supplémentaire.
Monsieur le secrétaire d'État, vous venez de nous dire que cette taxe pourrait être répercutée sur les prix, soit plus vraisemblablement prise en compte dans les relations entre les fournisseurs et les fabricants et répercutée sur ces derniers. Mais je crois que le Gouvernement n’y croit pas lui-même. Et je reprends d’ailleurs vos propos lors des débats de l’Assemblée nationale : « Nous faisons le pari, parce que les différents fabricants sont en concurrence, que cette taxe pourra être répercutée sur les marges des fabricants. […] C’est en tout cas l’hypothèse que nous faisons. Cela nous semble raisonnable, et nous ferons pression en ce sens – car nous disposons tout de même d’un certain pouvoir pour fixer les prix des produits ».
Mais on ne peut pas légiférer à coups de paris. Cet article a été rédigé sans étude d’impact approfondie et sans concertation préalable avec les entreprises. Il est pourtant évident que rien ne permet de préjuger que les fabricants de tabac accepteront de prendre à leur charge une taxe qui, finalement, ne les concerne pas directement.
Alors, on peut légiférer à coups de paris quelque peu hasardeux, d’autant que la survie d’entreprises, cela a été dit avant moi par de nombreux collègues, est touchée. La plus importante d’entre elles, qui est cible de toutes les attaques, la société qu’il ne faut pas citer, mais qui est implantée à 100 % en France, c’est quand même un de vos partenaires privilégiés. Je me permets de rappeler qu’elle vous collecte 14 milliards d'euros de droits sur le tabac et de TVA ; qu’elle s’acquitte chaque année de 80 millions d'euros d’impôts ; qu’elle génère 1 500 emplois directs et 1 000 emplois indirects, répartis sur les 37 sites du territoire. Et c’est évident que lui ajouter 130 millions d'euros de contribution, c’est mettre en péril sa survie. La France ne peut donc se permettre de traiter ainsi les filiales de multinationales implantées sur notre sol ; cela serait vraiment un mauvais signe.
Pour conclure, cette mesure est mal ficelée, car ses dispositions étant caution à des rejets par le Conseil constitutionnel et les instances européennes, sa mise en œuvre le 1er janvier 2017 est impossible d’un point de vue opérationnel. La ministre de la santé et le secrétaire d'État chargé du budget n’ont pas tant voulu exprimer une volonté de faire baisser le tabagisme, que surtout obtenir des objectifs de lutte contre l’optimisation fiscale et la réduction des déficits budgétaires.
C’est pour toutes ces raisons que nous proposons de supprimer l’article 16.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 65.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission partage totalement vos propos, monsieur le secrétaire d’État, ainsi que ceux tenus précédemment par M. le président de la commission : nous voulons ardemment lutter contre la consommation de tabac. Le problème est de trouver des moyens efficaces de le faire.
Gilbert Barbier, citant ce matin en commission le rapport de la MILDECA, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, nous disait qu’il y avait dans la population française 30 % de consommateurs de tabac, soit un Français sur trois. Cette addiction est énorme !
Pour les raisons de santé publique rappelées par le président Alain Milon, il faut donc lutter résolument contre la consommation de tabac. Comment y parvenir ? Je ne crois pas, monsieur le secrétaire d’État, que vous y réussirez avec cet article 16.
Vous avez évoqué les milliards d’euros – les chiffres sont éloquents ! – des fabricants de tabac qui échappent à l’impôt, et vous proposez une taxe qui devrait rapporter, si elle était appliquée, 130 millions d’euros. La disproportion est notable !
Selon moi, il faudrait frapper beaucoup plus fort, ce qui se comprendrait parfaitement.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous me rétorquerez qu’en tapant très fort, on asséchera complètement la ressource fiscale. Bruno Gilles évoquait le chiffre de 14 milliards d’euros, qui correspond aux 11 milliards d’euros des droits à la consommation, auxquels il faut ajouter la TVA, un montant qui va directement dans les caisses de l’État.
L’impératif de santé publique doit l’emporter sur les considérations relatives aux recettes fiscales de l’État. On l’a démontré ici à l’envi, le coût de la consommation de tabac en termes de santé publique est de trois ou quatre fois le montant des recettes fiscales correspondantes.
Nous proposons la suppression de l’article 16, qui crée une nouvelle taxe portant sur le chiffre d’affaires des fournisseurs agréés de tabac en France. Il est pourtant communément admis, même si le Gouvernement a décidé de maintenir la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, que cette assiette n’est pas la plus pertinente.
Quelles seront les conséquences de cette nouvelle taxe ? Nous n’en savons rien.
Le fournisseur principal ou le fabricant peut augmenter ses tarifs, réduire sa marge ; nous n’en avons pas connaissance, pas plus que des termes de leurs relations commerciales.
Il est probable que cette taxe sera répercutée, du moins à moyen terme, sur les prix. Elle aura produit, dans ce cas, le même effet que l’augmentation des droits d’accises sur les cigarettes, laquelle aurait sans doute visé plus directement les quatre grandes firmes qui sont l’objet de toutes les attentions.
M. le président de la commission l’a rappelé, le Sénat avait refusé la mise en place de cette contribution lors de l’examen du projet de loi Santé, considérant que d’autres leviers d’augmentation de la fiscalité du tabac étaient disponibles et que le dispositif proposé était inopérant.
Pour toutes ces raisons, je le répète, nous demandons la suppression de l’article 16.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 166 rectifié quater.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement vise à supprimer l’article 16, qui prévoit l’instauration d’une taxe sur le chiffre d’affaires des fournisseurs agréés de tabac en France et, par conséquent, des hausses de prix importantes du tabac en France.
Cette proposition apparaît totalement inappropriée, en raison de son impact immédiat sur les prix de vente des produits du tabac en France et de sa contrariété évidente avec plusieurs principes de droit constitutionnel et de droit communautaire. C’est d’ailleurs pour ces raisons que les gouvernements successifs et les ministres encore en fonction se sont toujours opposés à des propositions similaires.
En effet, les prix du tabac en France étant déterminés librement par les fabricants, toute augmentation de la fiscalité directe ou indirecte appliquée à ces produits ou à ces acteurs a vocation à être répercutée sur les prix de vente. Aussi, des hausses de prix de vente très importantes pourraient intervenir si l’augmentation de la taxe, dont le taux est déjà extrêmement élevé, était répercutée par les fournisseurs sur les fabricants.
Alors rapporteur général du budget, Christian Eckert justifiait, le 4 décembre 2013, son opposition à une taxe de ce type en invoquant l’argument suivant : « Je ne vois pas ce qui empêcherait les cigarettiers de répercuter ce nouveau prélèvement sur les prix. »
En outre, une telle mesure serait contraire à la position récente du Gouvernement. Le ministre de l’économie et des finances Michel Sapin rappelait, le 18 septembre dernier, qu’« il n’était pas question d’augmenter les taxes » sur le tabac, la priorité étant de mettre en place le paquet neutre « dans les meilleures conditions possible ».
Enfin, cette taxe, dans l’hypothèse où celle-ci ne pourrait être répercutée sur les fabricants pour des raisons contractuelles, pourrait mettre en péril la survie économique de nombreux distributeurs agréés en France, notamment les plus fragiles, en raison d’un coût très important. C’est en partie pour cette raison que le Sénat, à l’occasion de la discussion de la loi de modernisation de notre système de santé, avait supprimé une disposition similaire.
Pour toutes ces raisons, je demande la suppression de l’article 16.
Mme la présidente. Qu’en pense la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les amendements de suppression identiques à celui de la commission reposant sur des argumentations similaires, j’y suis bien évidemment favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous dites, monsieur le rapporteur général, que les trois argumentations sont similaires. J’ai entendu, quant à moi, des avis complètement opposés. Alors que, selon vous, il faudrait taper plus fort, le dernier intervenant a argué de hausses de prix insupportables… Il faudrait se mettre d’accord !
Il a été dit, par ailleurs, que ces hausses de prix allaient freiner la consommation. Toutes les associations de lutte contre le tabagisme tiennent ce genre de discours, plaidant pour des hausses brutales et massives afin d’impacter la consommation.
Je vous ai promis des chiffres : en 2001, la consommation de cigarettes dans le circuit légal représentait 83 milliards d’unités ; en 2011, ce chiffre était tombé à 54,1 milliards, soit une baisse de 35 %.
Ce mouvement s’est inversé ces derniers temps. Nous avons relevé, pour la première fois depuis longtemps, une hausse des ventes dans le circuit légal. Cela traduit-il une hausse de la consommation ou bien une baisse des importations et trafics en tous genres ? Il est difficile de le savoir. Les spécialistes et les professionnels qui sont en contact avec les fumeurs, notamment les buralistes, nous disent que plusieurs facteurs ont joué en faveur de cette hausse de la consommation. C’est le cas de l’Euro 2016 de football ou du beau temps. Cette augmentation, certes légère, mais incontestable, représente une rupture après plus d’une décennie de baisse de la consommation dans le circuit légal.
Autre sujet, sur lequel nous reviendrons en examinant l’article suivant : nous avons décidé d’augmenter la fiscalité sur le tabac à rouler, et vous avez laissé entendre que vous y étiez favorable. À ce propos, je veux répondre à M. Gilles, qui m’a reproché de vouloir légiférer sur la base d’un pari. Quels sont les pouvoirs du gouvernement en France ? Contrairement à ce que pensent la plupart des gens, il homologue les prix, mais il ne les fixe pas.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est pour ça qu’ils augmenteront !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Comment cela s’est-il passé précédemment, lorsque des gouvernements ont décidé d’augmenter la fiscalité sur le tabac ? Les hausses de prix ont-elles été automatiques ? Non, pour la bonne raison qu’il existe des ententes, des comportements et des « prix limite » : les fabricants savent bien que, au-delà d’un certain prix, il risque de se produire une baisse des achats ou un développement des circuits de contrefaçon.
Du fait de l’arrivée du paquet neutre, nous pensons que la concurrence entre fabricants jouera encore plus fortement. J’ai lu leurs communiqués et entendu leurs déclarations : ils annoncent qu’ils vont répercuter la hausse de la fiscalité sur le prix du tabac. Mais dans quelles proportions ?
D’aucuns parlent d’une augmentation extraordinaire. Or, en cas de répercussion intégrale, nous nous attendons à une hausse de 10 à 20 centimes d’euro par paquet, et même probablement moins. Compte tenu de la stabilité de la fiscalité pratiquée l’année dernière, nous assisterons à une progression normale.
Ne croyez pas qu’il s’agit pour nous d’une affaire de recettes pour le budget de l’État ! Qu’avons-nous constaté ? Lorsque les prix augmentent, la consommation légale diminue et les recettes stagnent, quand elles ne baissent pas. Puis il faut six mois ou un an pour retrouver une certaine croissance. Mais il faut aussi tenir compte des phénomènes démographiques et d’autres paramètres.
La constitutionnalité de la mesure et sa conformité au droit européen ont été évoquées. C’est une véritable question. Nous avons soumis cet article au Conseil d’État, dont l’avis peut laisser préjuger de celui du Conseil constitutionnel, sur lequel personne ici ne saurait avoir de certitude.
Nous avons tenu à introduire cet article dans le texte initial du projet de loi de financement de la sécurité sociale afin de nous contraindre à le soumettre au Conseil d’État, lequel n’a pas considéré qu’il était non conforme.
Vous dites que le distributeur agréé ne paie que 80 millions d’euros d’impôt sur les sociétés. Cela ne vous choque-t-il pas ? Hors taxes, il réalise en France au moins 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires ! S’il paie seulement 80 millions d’euros au titre de l’impôt sur les sociétés, c’est parce que les prix auxquels achète cette société, qui est la filiale de l’un des quatre grands producteurs mondiaux, sont fixés de telle sorte qu’elle fasse le moins possible de bénéfices dans notre pays.
Les fabricants ne sont pas plus bêtes que d’autres ! Étant aux deux bouts de la chaîne, ils fixent les prix de façon à ce que le bénéfice réalisé in fine en France soit le plus faible possible.
Nous avions eu d’autres idées, comme celle de taxer de façon plus significative les bénéfices du distributeur. Mais ceux-ci étant relativement bas par rapport au chiffre d’affaires, nous aurions mis en place systématiquement des taux que le Conseil constitutionnel aurait jugés, à juste titre, confiscatoires.
La mesure voulue par le Gouvernement a davantage pour objectif de lutter contre le montage fiscal permettant à des fabricants qui font un chiffre d’affaires extraordinaire en France de ne pas payer un radis d’impôt à l’État. Cette situation ne vous choque peut-être pas, mais, nous, elle nous choque !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je ferai trois brèves remarques.
Premièrement, Yves Daudigny a évoqué la traçabilité, sujet sur lequel a rebondi M. le secrétaire d’État. Je pense que cette question mérite effectivement débat.
Deuxièmement, je ne suis pas persuadé qu’une concertation ait été conduite en amont, notamment avec les distributeurs, et que l’on ait mesuré les conséquences et l’impact du dispositif.
Troisièmement, l’article 16 traduit une certaine hypocrisie de la part du Gouvernement. En effet, mes chers collègues, la mesure qui nous est proposée est purement comptable,…
M. Bruno Gilles. Bien sûr !
M. Alain Vasselle. … ayant pour objectif d’alimenter le budget de la sécurité sociale. On l’a « habillée » en disant qu’il s’agissait d’abonder un fonds de prévention, mais j’aimerais savoir quelles actions supplémentaires de prévention le Gouvernement compte mettre en œuvre grâce à ce fonds. La prévention, cela fait des décennies qu’on en parle et qu’on s’efforce de la développer, mais le seul résultat qu’on obtienne est l’augmentation du prix du tabac.
Vous le savez et vous l’avez dit vous-même, monsieur le secrétaire d’État, une mesure de cette nature atteindra très vite ses limites. (M. Daniel Chasseing et Mme Vivette Lopez applaudissent.)
M. Bruno Gilles. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je m’inscris en faux contre l’intervention de M. Vasselle : les derniers arguments présentés par M. le secrétaire d’État sont tout à fait solides et acceptables.
Le groupe socialiste a exprimé, par la voix de Georges Labazée, un certain nombre de préoccupations et a déposé sur cet article l’amendement n° 380 rectifié, dont nous souhaiterions débattre.
Au vu des explications qui viennent d’être données, nous ne voterons pas ces amendements de suppression.
M. Alain Vasselle. Quelle surprise…
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Un chiffre doit nous faire réfléchir. C’est celui, impressionnant, des dégâts sanitaires du tabagisme, qui a été confirmé par de nombreuses études, notamment celle de l’INSERM : 80 000 morts par an, soit autant que l’ensemble des décès liés à l’alcool, aux accidents de la route, aux suicides, aux homicides et aux drogues illicites.
Ce chiffre ne peut que nous interpeller. Nous ne voterons donc pas ces amendements de suppression, car il est de notre responsabilité politique de tenter de répondre à cette situation. Il y va également, comme l’a dit M. le secrétaire d’État, de la justice fiscale.
D’autres problèmes sont à régler. Une de nos collègues a évoqué la nécessité de renforcer les services douaniers. Vous avez évoqué, monsieur le secrétaire d’État, les efforts déjà engagés à cet égard. Il faut les renforcer en termes de traçabilité. La presse s’en est fait l’écho récemment, les systèmes de traçabilité au plan international sont en effet opaques et pas franchement indépendants.
Enfin, et je reviendrai sur ce sujet par la suite, nous devons réfléchir à l’avenir des buralistes.
Il ne faut pas tout mélanger ! Il est possible à la fois de refuser ces amendements de suppression, et donc d’adopter la taxation proposée, et de régler les problèmes que je viens d’évoquer ainsi que ceux signalés par Georges Labazée.
Par ailleurs, j’ai bien entendu l’engagement de M. le secrétaire d’État d’examiner, durant la navette, la façon de répondre à la question spécifique des producteurs français.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Le tabac, comme le cannabis, est mauvais pour la santé. Cela étant dit, on peut constater, depuis l’apparition du paquet neutre, une augmentation très importante du marché parallèle. Ainsi, en Corrèze, qui n’est frontalière ni de l’Espagne ni de la Belgique, on peut trouver toutes les marques de cigarettes sur ce marché.
À partir de 2015, il ne devait plus se produire d’augmentation. Or, au travers de cet article, on nous propose une nouvelle hausse, qui va favoriser les marchés parallèles. Ce qu’il faut, au contraire, c’est une politique de prévention, notamment à destination des adolescents, dont la consommation est en augmentation : 32 % d’entre eux fument, nous a dit ce matin Gilbert Barbier.
Il est nécessaire d’harmoniser les prix européens. Si nous continuons à fixer unilatéralement les prix du tabac, en France, le marché légal s’effondrera. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Jean-François Longeot. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous dites, monsieur le sénateur, que la contrebande a augmenté depuis la mise en place du paquet neutre. Or celui-ci n’est pas encore arrivé dans les bureaux de tabac. (Si ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Il est arrivé dans quelques-uns d’entre eux seulement.
Mme Françoise Gatel. C’est le cas en Bretagne !
M. Bruno Gilles. Et même à Marseille !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cette mesure est applicable au 1er janvier, et tous les buralistes nous demandent des délais supplémentaires pour écouler les stocks en cours.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié, 65 et 166 rectifié quater.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 16 est supprimé et l’amendement n° 380 rectifié n’a plus objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de cet amendement, présenté par MM. Camani, Labazée, Bérit-Débat et Cazeau, Mmes Jourda et Campion, MM. Vaugrenard, Lalande, Duran, Masseret et Raoul et Mmes Claireaux, Bataille et Riocreux, et ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Au début, insérer les mots :
À compter du 1er janvier 2020
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Article 17
I. – L’article 575 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 575 A. – Pour les différents groupes de produits mentionnés à l’article 575, le taux proportionnel et la part spécifique pour mille unités ou mille grammes sont fixés conformément au tableau ci-après :
« |
Groupe de produits |
Taux proportionnel (en %) |
Part spécifique (en euros) |
Cigarettes |
49,7 |
48,75 |
|
Cigares et Cigarillos |
23 |
19 |
|
Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes |
37,7 |
67,50 |
|
Autres tabacs à fumer |
45 |
17 |
|
Tabacs à priser |
50 |
0 |
|
Tabacs à mâcher |
35 |
0 |
« Le minimum de perception mentionné à l’article 575 est fixé à 210 € pour mille cigarettes et à 92 € pour mille cigares ou cigarillos.
« Il est fixé par kilogramme à 167 € pour les tabacs fine coupe destinés à rouler des cigarettes et à 70 € pour les autres tabacs à fumer. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2017, sous réserve du second alinéa du présent II.
Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017, par dérogation au dernier alinéa de l’article 575 A du code général des impôts dans sa rédaction résultant du présent article, le minimum de perception mentionné à l’article 575 du même code est fixé par kilogramme à 161 € pour les tabacs fine coupe destinés à rouler des cigarettes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, sur l’article.
Mme Aline Archimbaud. Nous avions déposé sur cet article un amendement qui a été déclaré hors sujet par la commission. Par cet amendement, nous souhaitions que soit examiné le moyen d’encourager, sur un plan économique, les buralistes à diversifier leur activité.
J’ai bien entendu qu’il était prévu, dans le cadre du projet de loi de finances, de verser des compensations financières aux buralistes confrontés à la baisse de la consommation de tabac. C’est en effet important, mais nous aurions voulu que l’on réfléchisse à une action plus forte de soutien et d’accompagnement de ces commerçants pour les aider à envisager leur reconversion, ou tout au moins leur diversification. Cette transformation des débits de tabac a d’ores et déjà lieu, en milieu tant rural qu’urbain.
Monsieur le secrétaire d’État, au-delà du versement d’indemnités compensatoires, est-il envisagé de mettre en place des dispositifs d’accompagnement économique et de soutien aux buralistes ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 209 rectifié ter est présenté par MM. Longeot, Bockel et Guerriau, Mme Gatel et MM. Tandonnet, L. Hervé et Gabouty.
L’amendement n° 241 rectifié est présenté par Mme Malherbe, MM. Bertrand, Castelli et Guérini, Mme Jouve et MM. Mézard, Requier et Vall.
L’amendement n° 402 rectifié bis est présenté par MM. Bizet, G. Bailly, Béchu, Bonhomme, Calvet, César, Chaize, Chasseing, Danesi, Darnaud, de Legge, de Nicolaÿ et de Raincourt, Mme Deromedi, MM. Doligé, B. Fournier, Genest et Gilles, Mmes Gruny et Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, M. Magras, Mme Mélot, MM. Morisset, Pillet, Pointereau, Reichardt, Revet et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vasselle, Vogel et Gremillet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 209 rectifié ter.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement vise à supprimer une augmentation sans précédent de la fiscalité du tabac à rouler, qui pourrait entraîner, comme l’a annoncé M. le secrétaire d’État, une hausse des prix de la blague à tabac de 30 grammes de 1,20 euro : elle passerait de 7,40 euros actuellement à près de 8,60 euros.
Cette annonce est en contradiction, d’une part, avec les propos du ministre de l’économie et des finances, qui indiquait le 18 septembre 2016 que le Gouvernement n’envisageait aucune hausse de taxes sur le tabac pour 2017, et, d’autre part, avec la position défendue jusqu’alors par le Gouvernement. En effet, la ministre de la santé s'était prononcée sans ambiguïté, lors des débats de l’année dernière, contre toute mesure fiscale concomitante à la mise en place du paquet neutre. Le réseau des buralistes va effectivement connaître au 1er janvier 2017 une évolution majeure de son activité, avec notamment l’arrivée définitive dans les points de vente du paquet neutre et l’interdiction de la vente de cigarettes à capsules, qui représente 7 % du volume du marché légal français.
Aussi, alors même que ces mesures réglementaires pourraient entraîner des baisses importantes du volume des ventes de tabac en France, la mise en œuvre simultanée d’une hausse de fiscalité sans précédent fait peser le risque d’un effondrement du marché légal, au profit des achats transfrontaliers. Les prix du tabac à rouler en France sont en effet d’ores et déjà les plus élevés d'Europe continentale. La mise en œuvre de cette hausse de fiscalité ferait exploser les écarts de prix, avec un prix de la blague de 30 grammes plus de deux fois supérieur en France aux prix des références les moins chères dans les États voisins : 8,60 euros en France, contre 3,55 euros en Belgique, 2,85 euros au Luxembourg, 3,30 euros en Allemagne… Les prix en France seraient supérieurs de plus de 5 euros aux produits les moins chers disponibles légalement dans ces États membres.
Dans le contexte de la mise en œuvre du paquet neutre, cette très forte progression de la fiscalité du tabac à rouler, qui aurait pour résultat une progression massive des achats à l’étranger, viendrait impacter massivement l’activité des débitants de tabac français et peser très lourdement sur les recettes fiscales de l’État. En effet, cette hausse de fiscalité ne compenserait pas les pertes résultant de la baisse des ventes légales réalisées sur le territoire français.
À cela s’ajouterait un impact très incertain en matière de santé publique. L’expérience récente française montre que les très fortes hausses de prix imposées depuis le début des années 2000 n’ont eu qu’un impact des plus limités sur le taux de prévalence tabagique, demeuré stable aux alentours de 34 %, alors même que les données disponibles ne démontrent aucunement que le tabac à rouler ne soit pas un tabac surconsommé par les plus jeunes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour présenter l’amendement n° 241 rectifié.
Mme Hermeline Malherbe. Nous en sommes tous d’accord, il ne faut pas seulement lutter contre la consommation de tabac, mais aussi s’efforcer de diminuer le nombre de consommateurs.
Les chiffres que vous avez cités, monsieur le secrétaire d’État, concernaient la consommation globale. On ne sait donc pas exactement s’ils portent sur les ventes ou sur la consommation. Il semble en effet qu’il soit difficile d’évaluer la consommation s’agissant des produits transfrontaliers ou achetés via internet.
Si l’on considère le nombre des consommateurs, on ne peut que constater l’inefficacité des hausses successives des prix du tabac. Le nombre de fumeuses et de jeunes fumeurs a ainsi augmenté ; en revanche, on observe parmi les consommateurs une diminution du nombre d’hommes.
Il faudrait faire le point sur l’efficacité des mesures mises en place, en particulier celle de l’augmentation du prix du tabac. Il s’agit de savoir si celle-ci est efficace au regard du nombre de fumeurs en tant qu’individus. Car lorsqu’on évoque le coût pour la sécurité sociale et les morts par tabagisme, on parle bien des individus et non de leur consommation !
Il est vrai que la consommation a baissé, même parmi la population des fumeurs : s’il reste quelques gros consommateurs, globalement, les fumeurs fument moins. L’objectif n’est pas de supprimer totalement la consommation, mais d’éviter une consommation excessive qui déclenche des maladies. Vous me direz que, s’agissant de produits addictifs, c’est un rêve.
Prévoyons non pas un moratoire, mais une étude permettant d’évaluer l’efficacité des mesures de lutte contre le tabagisme ! Nous serons alors tous d’accord dans cet hémicycle.
Je n’oublie pas les buralistes. Ces commerçants, qui assurent le lien social dans le monde rural, proposent aussi d’autres services. Nous devons envisager leur avenir, en particulier dans les zones frontalières.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l’amendement n° 402 rectifié bis.
M. Jean Bizet. Mon amendement vise, comme les deux précédents, à supprimer l’article 17, car la concomitance de la hausse, inédite par son ampleur, de la fiscalité sur le tabac et la mise en place du paquet neutre entraînera une recrudescence des marchés parallèles, une distorsion de concurrence entre professionnels des différents États membres, voire des problèmes de santé publique en cas d’utilisation de substances illicites. Pour ma part, je préfère l’éducation, notamment à l’adresse des adolescents, à la taxation.
Par ailleurs, j’ai toujours été opposé au paquet neutre, car, comparé aux modèles des autres pays européens, le graphisme imposé en France constitue une spoliation des droits de la propriété intellectuelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces trois amendements identiques visent à supprimer l’augmentation des droits de consommation sur le tabac à rouler.
Comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, et notamment l’année dernière, je suis favorable à une telle augmentation. Depuis la mise en œuvre du plan cancer, nous savons que la fiscalité est un levier efficace, contrairement à ce que j’ai pu entendre. Ce n’est pas le seul levier, il y en a d’autres – la prévention, comme le rappelait le président de la commission des affaires sociales, l’éducation sous toutes ses formes – qu’il faut utiliser si l’on veut lutter contre la consommation du tabac.
Cela a été prouvé, le tabac à rouler est le tabac des jeunes, celui de l’entrée dans le tabagisme. Certains ont dit le contraire, mais c’est faux. L’augmentation du prix des cigarettes a fait repartir à la hausse les ventes de ce tabac dans le réseau. Cela explique peut-être en partie l’accroissement de la consommation. Comme nous l’avons dit l’an dernier, il faut aligner le plus rapidement possible le prix du tabac à rouler sur celui des cigarettes.
Je suis d’accord avec Mme Archimbaud : on ne peut pas continuer à déplorer des dizaines de milliers de morts et ne rien faire. Les seules mesures fiscales ne suffiront pas à enrayer la consommation du tabac, mais elles y contribueront.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à la suppression d’un article qu’il propose.
Je voudrais faire quelques remarques.
Les chiffres que j’ai précédemment indiqués étaient ceux des ventes dans le circuit légal, et non ceux de la consommation. Je veux les compléter en vous précisant que les ventes de tabac à rouler ont crû en volume de 5,6 % en 2015 et de 2,5 % sur les huit premiers mois de 2016. On ne peut que constater cette hausse. Depuis 1990, les volumes de tabac à rouler – toujours dans le circuit légal – ont augmenté de 84 % ; pour les cigarettes, ils ont diminué de moitié – sur dix ans, la baisse a été de 35 %.
Or, comme l’a dit le rapporteur général, le tabac à rouler est la porte d’entrée des jeunes dans le tabagisme. Pourquoi ? Parce que la fiscalité n’est pas la même : elle est plus faible pour le tabac à rouler que pour les cigarettes. Je vous rappelle que nous avons déjà aligné les fiscalités des cigarettes et des cigarillos. Nous vous proposons de faire de même pour le tabac à rouler.
Vous avez largement évoqué la question des buralistes. Au moment de l’instauration du paquet neutre, il y a deux ans, je me suis rendu au congrès de la Confédération des buralistes de France, comme il est de tradition pour le secrétaire d’État chargé du budget. J’avais été informé par son président que les 500 personnes présentes dans la salle porteraient toutes le masque du film Scream. Elles m’ont accueilli dans un silence de mort – je peux vous assurer que cela fait un drôle d’effet. C’était pour me montrer l’impact du paquet neutre, c’est-à-dire la reproduction d’une chose à l’identique. J’ai fait mon discours dans une ambiance glaciale, puis les buralistes ont retiré leurs masques pour la séance de questions-réponses. J’ai ensuite quitté la salle dans des conditions assez difficiles…
Pour des raisons d’agenda et de circonstances, je ne me suis pas rendu à ce congrès en 2015. Cette année, j’y suis allé : j’ai été applaudi pendant trente secondes par une salle debout lorsque je suis entré et pendant une minute lorsque je suis sorti. Pourquoi ? Parce que nous avions travaillé entre-temps avec la Confédération des buralistes en jouant cartes sur table : nous avions annoncé notre volonté d’augmenter la fiscalité sur le tabac à rouler – les buralistes sont par principe opposés aux augmentations de fiscalité – et les raisons pour lesquelles nous allions le faire.
Nous avons évoqué la taxe que vous avez supprimée à l’article précédent et le risque qu’elle induise une hausse des prix de 10 à 15 centimes d’euro. Pour eux, ce risque n’existe pas, car ils font le pari – ils ont utilisé ce mot, c’est pourquoi je l’ai repris – que les fabricants ne voudront pas dépasser le prix de 7 euros pour le paquet « lambda » de cigarettes.
Nous avons aussi réfléchi à la diversification de leur activité et à leur survie, si j’ose dire. Il faut savoir que les recettes des buralistes augmentent sensiblement en moyenne, mais leur effectif diminue – l’un expliquant l’autre d’ailleurs. Or chacun s’accorde à reconnaître le rôle que jouent les buralistes dans l’aménagement du territoire : dans certains villages, le bureau de tabac est souvent le dernier commerce.
Nous avons donc travaillé en partant du contrat d’avenir en vigueur, lequel est, je le rappelle, contesté par la Cour des comptes, qui juge le dispositif scandaleux – elle ne dit pas toujours que des bêtises ou des vérités… –, et par l’Inspection générale des finances, qui le qualifie de « gabegie ». Nous nous sommes basés sur quelques principes : recentrer les aides vers les secteurs en difficulté – zones frontalières, zones rurales en voie de désertification – ; éviter les effets d’aubaine ; aider à la modernisation et à la diversification. Nous avons mis un certain nombre d’aides – pas toutes – sous enveloppe annuelle, de façon à permettre une maîtrise collective de la dépense. Nous avons également travaillé à la question de la rémunération. C’est le point que tout le monde a retenu, cette prime annuelle maximum de 2 000 euros pour des opérations de modernisation. En matière de diversification, nous avons travaillé sur le compte-nickel, les services au public – je pense à La Poste –, les relais colis, la Française des jeux – un appoint parfois très important pour certains buralistes. Nous sommes parvenus à un accord, qui est évidemment le résultat d’un compromis.
Par principe, les buralistes sont, je le redis, farouchement vent debout contre les hausses de fiscalité. Cette fois-ci, ils ont estimé que les propositions du Gouvernement, à la fois sur le tabac à rouler et sur la taxe prévue à l’article 16, étaient supportables, d’autant que, les deux années précédentes, aucune hausse de la fiscalité n’était, me semble-t-il, intervenue, en raison notamment de la mise en place du paquet neutre. Les relations se sont donc apaisées, même si tout n’est pas parfait. En tout cas, nous avons atteint un bon équilibre.
Voilà ce que je voulais dire pour répondre à un certain nombre de vos remarques, mesdames, messieurs les sénateurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je ne voterai pas les amendements de suppression.
Le rapporteur général l’a expliqué, nous souhaitons une harmonisation de la fiscalité. Reste que la taxation du tabac est un sujet complexe, comme nous avons pu le constater avec Yves Daudigny lors de la préparation de notre rapport sur la fiscalité comportementale. La corrélation entre la hausse de la fiscalité et l’augmentation des prix n’est pas systématique.
J’ajoute que, l’an dernier, lors de l’examen du projet de loi Santé, je m’étais opposée, en tant que corapporteur, au paquet neutre, pour des raisons d’harmonisation européenne – nous ne souhaitions pas aller plus loin que le paquet européen.
Cela étant, j’estime que ce sont de faux débats. Comme l’a dit Aline Archimbaud, il faut prendre conscience du nombre attendu de cancers du poumon chez les femmes, notamment jeunes. On constate peut-être une baisse de la consommation chez les hommes, mais l’augmentation du nombre de cancers du poumon, qui nécessitent des traitements lourds, chez les femmes induira de graves conséquences individuelles, familiales et sociales.
Nous sommes dans une situation paradoxale. Bien sûr, il faut aider les buralistes, mais cela doit passer par une diversification de leur activité. Faire en sorte qu’ils vendent toujours autant de cigarettes serait irresponsable.
M. Yves Daudigny. Nous sommes d’accord !
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Le problème du tabac, c’est son effet cumulatif, contrairement à d’autres facteurs exogènes, qui entraîne un certain nombre de pathologies, notamment cancéreuses. Cet effet cumulatif apparaît au bout d’un certain nombre d’années. C’est la raison pour laquelle il faut inciter les gens à arrêter de fumer – on doit mener des actions fortes en ce sens – et ne pas tolérer qu’ils puissent prendre une cigarette de temps en temps.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison de défendre un dispositif de taxation pour lutter contre le tabagisme. Dans le même temps, il ne faut pas diminuer les crédits de la MILDECA, que nous avons examinés ce matin en commission. Pour conduire de véritables actions de prévention, il faut des moyens !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Nous ne voterons pas ces amendements de suppression.
Je rejoins Catherine Deroche et Aline Archimbaud quand elles évoquent les enjeux de santé publique, d’autant que les enjeux de santé publique avant d’être des pourcentages ce sont des drames humains. C’est vrai aussi que le nombre de cancers du poumon chez les femmes augmente, ce qui est dramatique.
Comme l’a dit le rapporteur général, le tabac à rouler constitue la porte d’entrée dans le tabagisme pour les jeunes, filles comme garçons. Les mesures fiscales sont donc importantes, mais le président de la commission des affaires sociales a eu raison de faire remarquer qu’elles n’étaient pas suffisantes. La prévention est fondamentale. À l’article 1er de la loi de modernisation de notre système de santé, nous avons évoqué la prévention partagée. Les jeunes sont les plus aptes à mener les campagnes de lutte contre le tabagisme. La campagne « Moi(s) sans tabac », par exemple, est une initiative intéressante. Elle bénéficie d’ailleurs d’une forte publicité, ce qui est très positif.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit que la lutte contre la contrebande était une priorité du Gouvernement. C’est bien, mais elle doit être accentuée dans les zones frontalières. Vous-même vivez dans un département frontalier, vous savez les méfaits de l’achat de tabac dans un pays voisin.
Ce n’est pas la France seule qui pourra traiter de la question du prix du tabac. Cet enjeu de santé publique concerne toute l’Europe, et c’est à ce niveau que nous devrons nous battre.
Enfin, vous nous avez donné des informations intéressantes concernant la diversification de l’activité des buralistes. Il serait en effet préférable qu’ils vendent moins de cigarettes, mais il faut aussi prendre en compte le fait qu’ils font vivre nos territoires, notamment ruraux.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. J’ai bien entendu qu’il y avait un problème de santé publique, mais, comme cela vient d’être dit, il faut impérativement une harmonisation européenne. Nous voulons toujours être les premiers, laver plus blanc que blanc, mais cela nous fait perdre de l’activité économique.
J’entends dire que ne sont concernées que de grandes sociétés internationales. Ce n’est pas vrai ! Je pense à une entreprise française de trente-cinq salariés qui fait travailler une centaine d’agriculteurs dans notre pays. Des emplois pourront être supprimés aussi bien chez le fabricant que chez ces agriculteurs.
Je n’ai pas eu les mêmes interlocuteurs que vous, monsieur le secrétaire d’État. Cette société que je viens d’évoquer, installée à Tonneins, dans le Lot-et-Garonne, fait, je le redis, travailler uniquement des agriculteurs français. Elle m’a fait part des problèmes qu’entraînera la hausse de la fiscalité.
Pour ma part, j’habite à côté de la frontière suisse. Les habitants du Doubs qui travaillent en Suisse – ils sont nombreux – rapportent des cartouches et des cartouches de cigarettes tous les soirs, dont ils vendent un certain nombre sous le manteau.
Nous devons analyser de façon globale les conséquences des décisions que nous prenons. On ne peut pas dire, d’un côté, que le cannabis ne fait pas de mal et qu’il faut le dépénaliser et, de l’autre, que le tabac est mauvais. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Comme sur l’article précédent, qui a malheureusement été supprimé, nous ne voterons pas les amendements de suppression. Il s’agit en effet d’un texte de loi qui touche à la santé publique, comme l’a fort bien dit Mme Deroche.
Comme le disait M. Savary, il serait nécessaire, monsieur le secrétaire d’État, d’insister davantage sur la prévention dans les différents budgets que vous serez amenés à présenter. C’est ce qui manque aux mesures de taxation que vous prenez, même si, bien évidemment, nous les soutenons. Quand on voit les dégâts que fait le tabac, on se dit qu’elles devraient être accompagnées de mesures de prévention, à destination des jeunes notamment, mais pas seulement.
J’entends les difficultés des buralistes. Habitant à la campagne – je suis une rurale, pas une urbaine –, je sais l’importance de cette profession pour nos territoires. C’est avec eux qu’il faut travailler à la diversification de leur activité. On ne peut pas tout à la fois soutenir un texte de santé publique et réduire l’activité des buralistes aux paquets de cigarettes qu’ils vendent.
M. Longeot vient d’évoquer les entreprises françaises. Je me réjouis qu’il en soit ici question ce soir et qu’on accorde de l’importance à leur maintien sur notre territoire. Je me rends régulièrement auprès de salariés qui luttent contre la délocalisation de leur activité et, étrangement, je vois très peu de sénateurs de droite ; eux laissent filer les entreprises dans les pays étrangers en vertu du principe de la libre concurrence ! (Exclamations sur les travées de l’UDI-UC.)
M. Michel Canevet. Caricature !
Mme Annie David. Je suis donc ravie de vous entendre, mon cher collègue, insister sur l’importance du maintien de nos entreprises sur le territoire français.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Notre débat m’inspire deux réactions.
C’est un poncif, chacun en a fait le constat, mais j’observe que nous sommes incapables de nous mettre sur la même longueur d’onde, comme nos concitoyens d’ailleurs, alors que la lutte contre le tabac supposerait une véritable mobilisation de tous les acteurs et de l’ensemble de la population.
Lutter contre le tabac, faire en sorte qu’il y ait moins de morts, est une nécessité dont chacun est parfaitement conscient. Nous serions impardonnables si nous ne prenions pas les mesures nécessaires. Mais il est également indispensable de défendre la profession de buraliste et de préserver le maillage de notre territoire, ce qui suppose une véritable politique globale portant à la fois sur la diminution de l’utilisation du tabac et la diversification de l’activité de la profession. Des moyens ont été annoncés, et j’en félicite M. le secrétaire d’État.
Je tiens ensuite à exprimer ma surprise. J’entends – c’est le béotien ou le naïf qui parle – (Exclamations ironiques sur les travées de l'UDI-UC.)…
M. Michel Canevet. Mais non !
Mme Élisabeth Doineau. Ne soyez pas modeste !
M. Jean-Louis Tourenne. … qu’il n’est pas bon d’augmenter la fiscalité, parce que cela entraînera des difficultés pour les buralistes et nos concitoyens les plus défavorisés. Or j’ai compté le nombre d’amendements visant à supprimer des recettes, compensées par une augmentation de la taxe prévue aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. Je me suis demandé sur quoi portaient ces fameux articles qui sont le réceptacle facile de toutes les augmentations et qui justifient parfaitement la diminution des recettes. Ils portent tous sur la fiscalité du tabac !
Si l’on prenait en compte tous les sénateurs ayant cosigné l’un de ces amendements, peu d’entre nous seraient épargnés… (Mme Gisèle Jourda et M. Georges Labazée applaudissent.)
M. Éric Jeansannetas. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. J’aimerais poser une question à M. le secrétaire d’État.
Nous n’avons pas parlé de l’efficacité des mesures qui sont envisagées. Pourrions-nous disposer, dans les mois qui viennent, d’une étude qui nous permette de défendre une véritable hausse de la fiscalité ? Il semblerait – mais je ne suis pas certaine des chiffres que j’ai récupérés – que le nombre de jeunes fumeurs soit moins important en Espagne ou en Allemagne, alors que le tabac y est moins cher. D’autres formes de prévention – nous évoquions précédemment la campagne « Moi(s) sans tabac » – sont donc efficaces. Je veux bien que nous augmentions la fiscalité sur le tabac si cette mesure marche !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne suis pas le mieux placé pour vous parler de prévention. J’ai pu lire des articles dans la presse sur la campagne « Moi(s) sans tabac » – comme vous le voyez, des actions sont menées – et il me semble que la prise en charge des produits de substitution à la nicotine a été améliorée ; Mme Touraine en a récemment parlé. Vous pourrez l’interroger demain sur ces mesures, sur lesquelles elle est à la manœuvre.
Madame Malherbe, je ne veux pas m’engager à vous remettre une étude si je ne suis pas capable de la faire. Je vous renvoie donc, là aussi, au ministère de la santé. Quoi qu’il en soit, si l’on prend l’exemple de la contrebande, la Confédération des buralistes fait faire chaque année une étude pour essayer de quantifier le volume de la fraude. Par définition, ce qui est caché est difficile à compter. Il en va de même pour les travailleurs en situation illégale, la fraude à la TVA ou la fraude fiscale. Quelques méthodes ont été définies, mais le résultat est controversé.
L’augmentation des ventes dans le circuit légal ne se traduit pas forcément par une augmentation de la consommation, ou tout du moins celle-ci n’est pas toujours uniforme. Il existe par exemple des différences entre les femmes et les hommes, les jeunes…
Je ne suis pas en mesure de m’engager, à ce stade, à réaliser cette étude. Mme Deroche a évoqué la difficulté d’établir une corrélation entre la fiscalité et le niveau des prix. J’ai indiqué que les fabricants avaient des politiques tarifaires qu’ils appliquent dans plusieurs États – ils sont prêts à gagner plus ou moins d’argent dans un pays pour pénétrer le marché d’un autre. À côté de ces stratégies, notre fiscalité, c’est peanuts ! Je fais état non pas de notre impuissance, mais de la difficulté de la question. Le ministère de la santé pourra peut-être mieux éclairer le Parlement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Ce gouvernement, comme la représentation nationale et les gouvernements précédents, se trouve confronté à un vrai dilemme : concilier deux objectifs opposables, l’intérêt économique, c’est-à-dire le maintien de l’activité de ceux qui vivent de la production et de la vente du tabac – les producteurs et les buralistes –, et la santé publique.
J’ai entendu Catherine Deroche et Catherine Génisson témoigner du problème de santé majeur auquel sont confrontées de plus en plus de femmes. Si ce risque est avéré, nous n’avons pas d’autre solution que d’interdire la consommation du tabac en France, sinon nous nous retrouverions dans une situation complètement hypocrite.
Mme Françoise Gatel. Eh oui !
M. Alain Vasselle. Pour maintenir une activité économique, on ne peut se contenter de taxer le tabac afin de rendre sa consommation dissuasive. Vous le savez, puisque M. le secrétaire d’État et certains de nos collègues viennent d’en faire état, la hausse du prix du tabac détourne les consommateurs de la production légale et les incite à acheter du tabac en provenance des pays tiers.
Le moment est donc venu de procéder à une étude sur l’impact économique de la suppression de la consommation de tabac en France. Cette étude, qui n’a jamais été conduite, doit être réalisée pour que nous prenions nos responsabilités et les mesures qui s’imposent afin de préserver les fumeurs d’un risque de santé qui entraîne malheureusement la mort dans un grand nombre de cas.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 209 rectifié ter, 241 rectifié et 402 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit trente, afin de pousser plus avant l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
L’amendement n° 433, présenté par M. Daudigny, Mme Schillinger, M. Tourenne et Mme Campion, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Remplacer le montant :
167 €
par le montant :
175 €
II. – Alinéas 6 et 7
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2017.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Nous le savons, les chiffres montrent que la consommation du tabac à rouler progresse, et ce depuis longtemps.
Monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, vous avez rappelé que, depuis 1990, les ventes de tabac à rouler avaient augmenté en volume de 84 %, alors que celles des cigarettes diminuaient de moitié. Ce glissement de consommation s’explique avant tout par la différence de prix entre les cigarettes et le tabac à rouler, qui est en moyenne de 26,6 % moins cher. Il est d’autant plus préoccupant qu’il concerne en priorité les jeunes, qui sont ainsi entraînés dans l’addiction au tabac. Aussi faut-il saluer la volonté du Gouvernement d’augmenter la fiscalité sur le tabac à rouler pour la rapprocher de celle qui est applicable aux cigarettes et ainsi renchérir le coût de la consommation de ce tabac. L’objectif est d’augmenter le prix, à terme, de 15 %.
Au travers de cet amendement, nous vous proposons d’aller plus loin et plus vite pour atteindre cet objectif prioritaire de santé publique, en augmentant, de 167 euros à 175 euros par kilogramme, le minimum de perception pour le tabac à rouler et en rendant cette hausse effective dès le 1er janvier 2017. Agir sur le minimum de perception permettrait en effet de se prémunir contre des prix trop bas, ces prix d’appel auxquels les jeunes sont particulièrement sensibles.
Je souhaite pour conclure replacer l’objet de cet amendement dans un cadre plus large. Élue d’une région frontalière, j’ai bien conscience qu’agir fortement et de manière isolée sur la fiscalité du tabac en France ne peut constituer une mesure durable et fructueuse, du point de vue tant de la santé publique que des recettes fiscales.
M. Loïc Hervé. Ça, c’est le bon sens !
Mme Patricia Schillinger. En effet, il faut aussi tenir compte des achats transfrontaliers, de la contrebande et de la situation périlleuse des buralistes. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, j’en suis convaincue, il est grand temps d’harmoniser la fiscalité européenne sur le tabac, avec, comme boussole, la santé de 500 millions d’Européens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Dans la mesure où cet amendement tend à augmenter le minimum de perception sur le tabac à rouler de manière relativement importante, il nous paraît susceptible de poser un problème de compatibilité avec le droit de l’Union européenne. En effet, la hausse proposée pourrait s’apparenter à un droit d’accise.
La commission aimerait donc connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il est également défavorable.
Mme la présidente. Madame Schillinger, l’amendement n° 433 est-il maintenu ?
Mme Patricia Schillinger. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 433 est retiré.
Je mets aux voix l’article 17.
(L’article 17 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 17
Mme la présidente. L’amendement n° 297 rectifié bis, présenté par Mmes Hoarau, Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 758-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « 0,04 euro » sont remplacés par les mots : « 4,04 euros ».
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. La Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion sont les quatre départements où l’alcool est l’une des principales causes de la surmortalité chez les personnes, notamment chez les hommes, de moins de soixante-cinq ans. Cela a été constaté par nos collègues de la commission des affaires sociales lors de leur mission dans l’océan Indien.
À La Réunion, le taux standardisé de décès directement liés à l’alcool est une fois et demie supérieur à la moyenne hexagonale.
Par ailleurs, les professionnels de santé, notamment à La Réunion, soulignent le syndrome de l’alcoolisation fœtale et ses ravages sur les nourrissons : malformations, syndrome dysmorphique ou encore retard de croissance. Il s’agit de la première cause de handicap d’origine non génétique et de troubles neurocognitifs.
Le rapport de nos collègues est éclairant. Le premier problème lié à la diffusion de l’alcool à La Réunion – c’est également vrai dans les autres régions d’outre-mer – réside dans son prix de vente particulièrement bas, en raison d’une taxation dérogatoire, voire inexistante. Peut-on continuer d’accorder des cadeaux fiscaux à des entreprises, même si elles représentent l’un des fers de lance de l’économie ultramarine, s’ils mettent en péril la vie de la population ?
La taxation que nous proposons ne constitue en rien une menace pour la survie économique de ces territoires ; en revanche, elle représente un moyen efficace de lutte contre l’abus d’alcool fort. Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, en adoptant cet amendement, d’augmenter de 4 euros le montant de la cotisation sur les alcools titrant plus de 18 degrés d’alcool et sur les rhums des départements d’outre-mer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Notre commission est convaincue de l’utilité de cette mesure pour renforcer la lutte contre le syndrome d’alcoolisation fœtale, en particulier dans les départements d’outre-mer.
Aussi, en souvenir des débats animés que nous avons eus avec une ancienne sénatrice de La Réunion, qui nous écoute peut-être, la commission a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement a un peu de mal à comprendre l’argumentation développée à l’appui de cet amendement. Vous soulignez le problème d’alcoolisme dans certains départements, notamment à La Réunion et dans les départements d’outre-mer, et vous indiquez que, pour lutter contre ce phénomène, il faut augmenter les droits sur les alcools. Or votre amendement tend à les augmenter partout sauf dans les départements d’outre-mer. Je ne comprends donc pas très bien…
Les droits applicables en outre-mer, qui sont bien inférieurs, vous l’avez indiqué, sont fixés à un autre article du code. Je le répète, vous proposez d’augmenter les droits partout en France, mais pas dans départements et régions d’outre-mer, tout en arguant que cela permet de lutter contre l’alcoolisme dans ces territoires. Je vous invite donc à la prudence.
Par ailleurs, je vous fais également part des protestations de certains producteurs d’alcool en dehors de La Réunion.
Enfin, dernier point de vue, qui vaudra d’ailleurs pour d’autres amendements dans la lignée de celui-ci, le Gouvernement ne souhaite pas modifier les taxes applicables aux produits alimentaires. On va examiner toute une série de dispositions de ce type ; traditionnellement, cela concerne les huiles, les farines, le beurre, le chocolat, la margarine…
M. Alain Vasselle. L’huile de palme !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement souhaite assurer une stabilité en la matière. J’aurai donc systématiquement cette position ; je vous l’indique une fois, et j’éviterai de la répéter en raison de l’heure tardive.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent, pour explication de vote.
M. Daniel Laurent. M. le secrétaire d’État vient d’indiquer que le Gouvernement était défavorable à cet amendement, tout comme il l’avait été sur un amendement identique présenté à l’Assemblée nationale. Je m’en réjouis ; j’étais très inquiet d’une possible augmentation des taxes, car tous ces alcools et spiritueux produits dans nos territoires sont aussi une source d’emplois et de développement pour eux.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Lalande, pour explication de vote.
M. Bernard Lalande. Mes chers collègues, pour votre information, les droits sur les alcools s’élèvent aujourd’hui à 1 737 euros par hectolitre d’alcool pur. Les cotisations de sécurité sociale sur ces boissons s’élèvent à environ 557 euros. Or les boissons énergisantes sont à 103 euros. Aussi, si l’on veut demander un effort fiscal pour favoriser la santé publique, il reste de la marge pour une taxation des boissons énergisantes, qui sont nuisibles à la santé, notamment des jeunes.
Par ailleurs, nous parlons d’une taxation sur le calvados, l’armagnac, le cognac, le marc de Bourgogne ou encore les liqueurs de fruits, qui génèrent ensemble plus de 11 milliards d’euros de recettes annuelles d’exportation, soit cinquante à cinquante-cinq Rafale ou sept à huit centrales nucléaires.
Enfin, il y a là une hypocrisie : l’adoption de cet amendement signifierait que, en exportant ces alcools, représentant le bon goût français, nous exporterions des produits horribles et nuisibles à la santé du reste du monde.
Nous serons donc nombreux à voter contre cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Chiron, pour explication de vote.
M. Jacques Chiron. La fiscalité sur ce type d’alcool représente 45 % du prix de vente. En outre, la taxe proposée ne prendra en compte que l’alcool vendu sur notre territoire, donc seuls les petits producteurs – PME, TPE –, qui fabriquent l’alcool de poire, de prune ou autre, subiront cette taxe supplémentaire,…
Mme Annie David. Mais non !
M. Jacques Chiron. … alors que les gros producteurs, qui exportent, ne la supporteront pas. Cette mesure ne touchera donc que les petits producteurs locaux.
Comme le secrétaire d’État l’a indiqué, l’article visé par l’amendement n’est pas le bon.
Mme Laurence Cohen. Si, l’amendement a été rectifié !
M. Jacques Chiron. Réécrivez l’amendement et, alors, on pourra peut-être y réfléchir.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. En premier lieu, l’amendement présenté par M. Watrin a été rectifié. C’est donc bien l’article L. 758-1 du code de la sécurité sociale qui est visé à l’amendement n° 297 rectifié bis.
Mme Annie David. Tout à fait !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Cela ne concerne donc que les collectivités d’outre-mer et non le territoire continental.
Mme Annie David. Cela n’aura pas d’effet sur le calvados, sur la chartreuse ni sur les autres !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. En second lieu, la commission s’est effectivement rendue en mission sur l’île de La Réunion, où elle a été convaincue des dangers considérables de la consommation excessive de l’alcool, en particulier du syndrome d’alcoolisation fœtale.
De manière générale, monsieur le secrétaire d’État, il y a un problème majeur d’harmonisation des lois sur le territoire national, tout du moins en ce qui concerne La Réunion – je ne sais pas ce qu’il en est ailleurs. Ainsi, non seulement il faudrait augmenter là-bas le prix de l’alcool fort pour en diminuer la consommation, mais, au-delà, il y a des affiches publicitaires pour toutes sortes d’alcools – whisky, rhum ou autres –, alors que cela est complètement interdit ici depuis la loi Évin. L’espace public réunionnais est inondé d’affiches 4X3 de ce type, tandis qu’on ne voit plus cela en métropole.
Mme Laurence Cohen. En effet !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Ainsi, d’une part, l’article visé concerne bien l’outre-mer uniquement, en particulier La Réunion et Mayotte, et, d’autre part, il faudrait harmoniser la réglementation sur la publicité pour l’alcool.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je veux présenter mes excuses aux auteurs de l’amendement. Je disposais de l’amendement n° 297 rectifié, qui visait l’article L. 245-9 du code de la sécurité sociale, mais on vient de me fournir l’amendement n° 297 rectifié bis, qui vise bien l’article L. 758-1 du même code. Oubliez donc ce que j’ai dit précédemment.
Mme Annie David. Merci, monsieur le secrétaire d’État !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Compte tenu de cela, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement rectifié bis.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. En effet, nous avons à nouveau rectifié l’amendement, qui est devenu l’amendement n° 297 rectifié bis, afin de corriger cette « coquille ». L’amendement vise donc bien l’article L. 758-1 du code de la sécurité sociale, qui dispose que, « dans les collectivités mentionnées à l’article L. 751-1, le tarif de la cotisation sur les boissons alcooliques, prévu à l’article L. 245-9, est fixé à 0,04 euro par décilitre ou fraction de décilitre, pour les rhums, tafias et spiritueux composés à base d’alcool de cru produits et consommés sur place. »
À l’article L. 751-1 du même code, il est bien question de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Il ne s’agit donc pas de taxer le calvados, la chartreuse, mon cher Jacques Chiron,…
M. Jacques Chiron. À la bonne heure !
Mme Annie David. … ni les autres alcools métropolitains, mais ceux que je viens d’évoquer.
Gardons à l’esprit la mission réunionnaise de nos collègues de la commission des affaires sociales et la bataille de notre ancienne collègue Anne-Marie Payet, dont je me souviens bien puisque je siégeais déjà dans cet hémicycle à l’époque. D’ailleurs, depuis lors, le pictogramme qui déconseille aux femmes enceintes la consommation d’alcool figure sur chaque bouteille. J’avais soutenu Mme Payet, même si nous appartenions à des groupes différents, parce que son combat contre la surconsommation d’alcool, notamment chez les femmes enceintes, me semblait important.
En l’espèce, nos collègues Paul Vergès et Gélita Hoarau, qui lui succède, visaient bien le syndrome d’alcoolisation fœtale.
Il ne faut donc pas se méprendre sur les alcools visés, mes chers collègues, tenez compte de notre deuxième rectification. La très bonne chartreuse – surtout la verte (Sourires.) –, produite dans le département dont je suis élue, ne sera donc pas plus taxée qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Boutant, pour explication de vote.
M. Michel Boutant. Des précisions viennent de nous être données et le secrétaire d’État en a tiré les conséquences en s’en remettant à la sagesse du Sénat. Je ferai donc la démonstration inverse de celle que je voulais initialement faire en faveur de tous les spiritueux de nos provinces.
En métropole, à l’heure actuelle, les taxes constituent 87 % du prix d’une bouteille de spiritueux standard, ce qui représente 4 milliards d’euros. Or j’ai cru comprendre que, sur cette somme, seulement 5 millions d’euros sont affectés aux actions de prévention et de lutte contre les dépendances et contre la consommation nocive d’alcool.
Quant à la taxation des spiritueux et des alcools forts, qui en fait des produits relativement chers, ce n’est un élément essentiel de la consommation addictive de l’alcool.
La mesure proposée par nos collègues communistes tend à aligner la situation ultramarine sur ce qui se fait en métropole. Dès lors, je suis prêt, en ce qui me concerne, à voter en faveur de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Je serai extrêmement bref, eu égard aux explications de M. Milon et à la rectification qu’a signalée Mme David.
Je ne suis pas producteur mais admirateur et consommateur de calvados et, en tant que tel, je m’étais quelque peu ému de cet amendement, puisque le nom et le renom de nos territoires pouvaient en être fragilisés, mettant ainsi en péril un certain nombre d’entreprises agricoles qui en tirent un complément de revenu non négligeable. Néanmoins, puisqu’il est circonscrit à un territoire bien particulier, je voterai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je m’étais moi aussi émue de cet amendement. Le syndrome d’alcoolisation fœtale et tous les risques décrits par M. Milon et nos collègues qui se sont rendus dans ces territoires d’outre-mer sont réels, mais une forte augmentation de la taxe sur les spiritueux a déjà eu lieu voilà quelque temps. Je ne comprenais donc pas pourquoi on souhaitait à nouveau ajouter une taxe en ce domaine où la taxation est déjà très forte par rapport à d’autres produits contenant de l’alcool.
La rectification de l’amendement serait de nature à me rassurer, mais je reste un peu dubitative ; aussi, je m’abstiendrai sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je veux évoquer les conséquences de l’augmentation de 4 euros qui nous est proposée. J’ai entendu l’argumentation relative à La Réunion ; je connais pour ma part un peu mieux la Guadeloupe et son activité de production de rhum et de transformation de la canne à sucre.
Cette augmentation conduirait à une hausse de près de 20 % du prix de certains produits. Je crains donc que cette mesure n’entraîne la destruction complète de l’industrie du rhum, notamment en Guadeloupe. Il faut donc bien mesurer l’impact de cette proposition, car une augmentation de 4 euros représenterait tout simplement la fin de la filière guadeloupéenne du rhum.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Nous sommes un certain nombre à considérer que les explications ne sont rassurantes qu’en apparence. Je ferai deux remarques à ce sujet.
En premier lieu, quand on met le doigt dans l’engrenage, en général, cela se répercute dans la loi de financement de la sécurité sociale de l’année suivante. Par conséquent, le pineau des Charentes, le calvados, le kirsch et d’autres alcools bien de chez nous risquent d’être, l’année prochaine, surtaxés également.
En second lieu, en la matière – Dieu sait si, pourtant, nous sommes tous sensibles aux problèmes de santé –, on ne peut comparer l’alcool avec le tabac. D’abord, ce dernier est dangereux dès la première cigarette, alors que, pour l’alcool, c’est une question de dose. En outre, l’alcoolisme est, on le sait parfaitement, une maladie, que les médecins ici présents connaissent.
Lorsqu’un patient souffre d’une addiction alcoolique, ce n’est pas, hélas ! une taxe qui l’empêchera de boire. Cette maladie est difficile à soigner, nous en avons tous été témoins. Ainsi, cette taxe perturbera l’économie de ces territoires sans régler le problème de l’alcoolisme.
Pour toutes ces raisons, j’encourage mes collègues à ne pas voter en faveur de cet amendement inefficace en matière de santé.
M. Daniel Laurent. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je veux sortir de la référence aux alcools, qu’ils soient continentaux ou ultramarins, pour rappeler que nous sommes en train d’examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale et que nous parlons d’enjeux de santé publique.
La proposition de nos collègues communistes montre combien il existe en outre-mer, au-delà de la fiscalité, des enjeux de santé publique et de prévention. On observe tout de même dans ces territoires une distorsion, par rapport à la métropole, en matière de pathologie, notamment chez les nouveau-nés, d’ailleurs souvent prématurés. Il serait donc important – nous le signalerons à la ministre de la santé – de conduire des campagnes spécifiques de sensibilisation à l’alcoolisation, en particulier auprès des femmes enceintes. C’est là que réside le vrai sujet ; en ce qui me concerne, cette différence entre la métropole et les territoires d’outre-mer me choque énormément.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Ce débat me met mal à l’aise. Je rappelle que nous sommes en train d’examiner le budget de la sécurité sociale. Nous débattons d’une question de santé publique !
Les membres de la délégation de la commission des affaires sociales qui s’est déplacée à La Réunion – j’en faisais partie – n’ont pu que constater les ravages qu’y produit le syndrome d’alcoolisation fœtale.
M. Michel Raison. Ce n’est pas la taxe qui va régler le problème !
Mme Laurence Cohen. En ce cas, cher collègue, pourquoi avoir débattu pendant deux heures du prix du tabac ?
M. Daniel Chasseing. Ce n’est pas pareil !
Mme Laurence Cohen. Je ne pense pas que les taxes vont tout régler. Cependant, il me semble qu’il y a une politique à mener. Les membres de mon groupe entendent bien la défendre !
Moi qui crois beaucoup à la prévention, je regrette que, pour des questions de restriction budgétaire, le budget de la sécurité sociale n’accorde que peu de place à la prévention et à la réparation.
Il ne faut pas opposer les choses. La situation bien particulière que nous avons constatée à La Réunion nécessite de prendre un certain nombre de mesures, qui, certes, ne suffiront pas à elles seules, mais qui peuvent aider.
Au reste, il me paraît important de souligner que le problème particulier qui se pose à La Réunion ne se limite pas au syndrome d’alcoolisation fœtale, que nous évoquons au travers de cet amendement. Comme Catherine Génisson l’a indiqué, nous avons pu y constater d’autres pathologies, comme des problèmes d’obésité ou encore de diabète, qui sont liés en partie à l’alimentation et au taux de sucre extrêmement élevé d’un certain nombre d’aliments que l’on envoie dans ce département. Je pense, par exemple, aux boissons énergisantes.
Tous ces problèmes particuliers doivent être pris en compte. Dans ce cadre, notre amendement est une petite pierre que nous voulons apporter à l’édifice.
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.
M. Maurice Antiste. Je suis outré. Je découvre brutalement que je vis dans un département à part. Je découvre qu’il y a trois départements à part. Pourtant, je me réjouissais d’intervenir devant vous, mes chers collègues, à l’occasion du dépôt de cet amendement.
En quoi le rhum de la Martinique – le mien ! – fait-il plus de dégâts en Martinique que le calvados ou tout autre spiritueux d’ailleurs ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – Mme Éliane Giraud applaudit également.) Je serais profondément déçu que cette assemblée, que j’ai toujours considérée comme une assemblée de sages, rigoureux et cohérents, vote aujourd'hui un tel amendement. Ce ne serait pas normal.
Connaissez-vous le nombre d’emplois directs et indirects liés à la canne à sucre et à son exploitation en Martinique ou à La Réunion ?
M. Daniel Laurent. Eh oui !
M. Maurice Antiste. Savez-vous que nos producteurs de canne à sucre attendent toujours la promesse d’augmentation des quotas qui permettra de résoudre les difficultés de la filière ? Or, alors qu’ils sont toujours dans l’attente de cette augmentation, on veut aujourd'hui leur infliger une augmentation de 4 euros dont vous pouvez être sûrs – je vous remercie de l’avoir signalé, monsieur Mouiller – qu’elle fera courir cette activité économique à sa perte. Le rhum est pour sa plus large part exporté et fait certainement aujourd'hui autant de dégâts dans la France hexagonale qu’aux Antilles…
Mes chers collègues, le vote de cet amendement ne serait pas digne de nous. Cela aurait un retentissement difficilement acceptable. Je vous invite donc à vous ressaisir et à refuser de le voter. Je rappelle que la Martinique est le département français qui consomme le plus de champagne. Peut-être faudrait-il, avant de s’intéresser au rhum, taxer d'abord le champagne, afin de limiter son exportation vers la Martinique ?
M. René-Paul Savary. Ah non ! (Sourires.)
M. Maurice Antiste. Mes chers collègues, faites en sorte que, ce soir, je quitte cet hémicycle moins outré. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce qui vient d’être dit.
Je suis allé à La Réunion. Il se trouve que l’alcool y produit des effets désastreux, notamment sur les enfants. Ce sont eux qui subissent les conséquences du syndrome d’alcoolisation fœtale : ces enfants resteront handicapés mentaux à vie ! Je suis donc favorable à l’amendement.
Reste qu’une augmentation de 4 euros par litre de rhum, quand celui-ci vaut 4 euros, risque d’entraîner des difficultés, voire des émeutes dans la population. Telle est la réalité !
En outre, ceux qui boivent de façon excessive ne vont pas s’arrêter du jour au lendemain, simplement parce que le prix du rhum aura augmenté. Par conséquent, le pouvoir d’achat, qui est déjà très faible à La Réunion, va encore diminuer et, avec lui, la capacité de certains à nourrir leur famille. Cela peut donc avoir des conséquences sociales tout à fait graves.
Si l’on se met d’accord pour augmenter les taxes, il serait utile de le faire progressivement, de manière étalée sur plusieurs années. Ce doit être un objectif, mais pas une mesure brutale.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Cela fait à peu près trois heures que l’on débat du tabac et de l’alcool et que l’on oppose aux dangers de ces produits, manifestement toxiques pour la santé et mortels dans bien des cas, la situation des producteurs ou encore des buralistes. On ne sortira jamais d’une telle opposition !
Soit on considère que le tabac et l’alcool sont des problèmes de santé publique, et il faut employer tous les moyens possibles pour essayer de limiter l’usage de ces produits, soit on veut défendre les producteurs de tabac et protéger les buralistes, auquel cas il faut ouvrir largement la vente et laisser les gens mourir. Il faut sortir de cet antagonisme entre emplois à protéger et problèmes de santé publique.
Par ailleurs, comme le président de la commission l’a souligné, il faut que la fiscalité appliquée aux produits outre-mer soit progressivement alignée sur le droit commun, raison pour laquelle je voterai cet amendement, même si j’avoue ignorer quel doit être le montant de l’augmentation appropriée.
Pour terminer, mes chers collègues, je peux vous dire que le syndrome d’alcoolisation fœtale n’existe pas qu’à La Réunion. On le retrouve dans certaines régions de métropole. Bien entendu, il faut essayer de lutter contre ce problème, peut-être en engageant un effort en termes de prévention et d’information. En tout état de cause, il ne faut pas stigmatiser les Réunionnaises.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. L’inquiétude me pousse à intervenir, alors que je n’avais pas prévu de le faire.
Je remercie Maurice Antiste, Philippe Mouiller et Michel Raison pour les propos qu’ils ont tenus, auxquels je souscris totalement.
Moi qui ai enseigné la biologie pendant trente-cinq ans, je suis de ceux qui pensent que l’augmentation des taxes n’a absolument aucun effet sur la consommation.
Je ne connais pas les problèmes de La Réunion. Cela dit, l’outre-mer ne se limite pas à La Réunion ! Pour ce qui me concerne, je n’ai strictement rien contre la consommation d’alcool sur mon territoire, même si l’île d’où je viens n’en produit pas. Je ne comprends pas pourquoi la représentation nationale déciderait, pour régler un problème sur un territoire, d’appliquer à l’ensemble de l’outre-mer une seule et même règle. À titre personnel, je suis fondamentalement opposé à cet amendement.
De surcroît, ma collectivité jouit, depuis 2007, d’un statut particulier. Ce statut de collectivité d’outre-mer lui donne la compétence fiscale : elle fixe les impôts, droits et taxes applicables sur son territoire. Dès lors, comment pourriez-vous décider, ce soir, d’appliquer une telle mesure à Saint-Barthélemy, collectivité fiscalement autonome ? J’avoue que j’ai des difficultés à le comprendre. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je reconnais qu’il y a eu deux confusions.
La première portait sur les deux versions – avant et après rectification – de l’amendement.
La seconde est liée à la question des unités de mesure : notre avis sur l’amendement ne peut être le même selon qu’il s’agit d’euros par hectolitre ou d’euros par décilitre. Il me semble, en l’espèce, que l’impact de la mesure serait extrêmement important sur les produits en question. Dès lors, contrairement à ce que je disais précédemment, j’émets un avis défavorable sur cet amendement. Je prie chacun de bien vouloir m’en excuser.
Compte tenu de l’heure tardive, je suggère, madame la présidente, que le vote soit reporté à demain. (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Ce n’est qu’une suggestion…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le report du vote ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Si le Sénat veut voter…
Mme Laurence Cohen. Nous voulons d'abord rectifier notre amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. En ce cas, compte tenu de l’heure, nous reprendrons l’examen de cet amendement demain matin. (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annie David. Nous avons bien passé deux heures à discuter du tabac…
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 45 amendements au cours de la journée ; il en reste 282.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
12
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été publiée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Alain Milon, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Caroline Cayeux, MM. René-Paul Savary, Yves Daudigny, Mmes Catherine Génisson et Annie David ;
Suppléants : MM. Gilbert Barbier, Jean-Noël Cardoux, Francis Delattre, Gérard Dériot, Mme Corinne Féret, MM. Gérard Roche et Jean-Louis Tourenne.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
13
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 17 novembre 2016 :
À dix heures trente :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2017 (n° 106, 2016-2017) ;
Rapport de MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, René-Paul Savary, Mme Caroline Cayeux, MM. Gérard Roche et Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales, tomes I à VIII (n° 114, 2016-2017) ;
Avis de M. Francis Delattre, fait au nom de la commission des finances (n° 108, 2016-2017).
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze et le soir : suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 17 novembre 2016, à zéro heure quarante.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD