Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Le tabac, comme le cannabis, est mauvais pour la santé. Cela étant dit, on peut constater, depuis l’apparition du paquet neutre, une augmentation très importante du marché parallèle. Ainsi, en Corrèze, qui n’est frontalière ni de l’Espagne ni de la Belgique, on peut trouver toutes les marques de cigarettes sur ce marché.

À partir de 2015, il ne devait plus se produire d’augmentation. Or, au travers de cet article, on nous propose une nouvelle hausse, qui va favoriser les marchés parallèles. Ce qu’il faut, au contraire, c’est une politique de prévention, notamment à destination des adolescents, dont la consommation est en augmentation : 32 % d’entre eux fument, nous a dit ce matin Gilbert Barbier.

Il est nécessaire d’harmoniser les prix européens. Si nous continuons à fixer unilatéralement les prix du tabac, en France, le marché légal s’effondrera. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous dites, monsieur le sénateur, que la contrebande a augmenté depuis la mise en place du paquet neutre. Or celui-ci n’est pas encore arrivé dans les bureaux de tabac. (Si ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Il est arrivé dans quelques-uns d’entre eux seulement.

Mme Françoise Gatel. C’est le cas en Bretagne !

M. Bruno Gilles. Et même à Marseille !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cette mesure est applicable au 1er janvier, et tous les buralistes nous demandent des délais supplémentaires pour écouler les stocks en cours.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié, 65 et 166 rectifié quater.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 16 est supprimé et l’amendement n° 380 rectifié n’a plus objet.

Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de cet amendement, présenté par MM. Camani, Labazée, Bérit-Débat et Cazeau, Mmes Jourda et Campion, MM. Vaugrenard, Lalande, Duran, Masseret et Raoul et Mmes Claireaux, Bataille et Riocreux, et ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Au début, insérer les mots :

À compter du 1er janvier 2020

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Article 16
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017
Articles additionnels après l’article 17 (début)

Article 17

I. – L’article 575 A du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 575 A. – Pour les différents groupes de produits mentionnés à l’article 575, le taux proportionnel et la part spécifique pour mille unités ou mille grammes sont fixés conformément au tableau ci-après :

« 

Groupe de produits

Taux proportionnel

(en %)

Part spécifique

(en euros)

Cigarettes

49,7

48,75

Cigares et Cigarillos

23

19

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

37,7

67,50

Autres tabacs à fumer

45

17

Tabacs à priser

50

0

Tabacs à mâcher

35

0

« Le minimum de perception mentionné à l’article 575 est fixé à 210 € pour mille cigarettes et à 92 € pour mille cigares ou cigarillos.

« Il est fixé par kilogramme à 167 € pour les tabacs fine coupe destinés à rouler des cigarettes et à 70 € pour les autres tabacs à fumer. »

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2017, sous réserve du second alinéa du présent II.

Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017, par dérogation au dernier alinéa de l’article 575 A du code général des impôts dans sa rédaction résultant du présent article, le minimum de perception mentionné à l’article 575 du même code est fixé par kilogramme à 161 € pour les tabacs fine coupe destinés à rouler des cigarettes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, sur l’article.

Mme Aline Archimbaud. Nous avions déposé sur cet article un amendement qui a été déclaré hors sujet par la commission. Par cet amendement, nous souhaitions que soit examiné le moyen d’encourager, sur un plan économique, les buralistes à diversifier leur activité.

J’ai bien entendu qu’il était prévu, dans le cadre du projet de loi de finances, de verser des compensations financières aux buralistes confrontés à la baisse de la consommation de tabac. C’est en effet important, mais nous aurions voulu que l’on réfléchisse à une action plus forte de soutien et d’accompagnement de ces commerçants pour les aider à envisager leur reconversion, ou tout au moins leur diversification. Cette transformation des débits de tabac a d’ores et déjà lieu, en milieu tant rural qu’urbain.

Monsieur le secrétaire d’État, au-delà du versement d’indemnités compensatoires, est-il envisagé de mettre en place des dispositifs d’accompagnement économique et de soutien aux buralistes ?

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 209 rectifié ter est présenté par MM. Longeot, Bockel et Guerriau, Mme Gatel et MM. Tandonnet, L. Hervé et Gabouty.

L’amendement n° 241 rectifié est présenté par Mme Malherbe, MM. Bertrand, Castelli et Guérini, Mme Jouve et MM. Mézard, Requier et Vall.

L’amendement n° 402 rectifié bis est présenté par MM. Bizet, G. Bailly, Béchu, Bonhomme, Calvet, César, Chaize, Chasseing, Danesi, Darnaud, de Legge, de Nicolaÿ et de Raincourt, Mme Deromedi, MM. Doligé, B. Fournier, Genest et Gilles, Mmes Gruny et Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, M. Magras, Mme Mélot, MM. Morisset, Pillet, Pointereau, Reichardt, Revet et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vasselle, Vogel et Gremillet.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 209 rectifié ter.

M. Jean-François Longeot. Cet amendement vise à supprimer une augmentation sans précédent de la fiscalité du tabac à rouler, qui pourrait entraîner, comme l’a annoncé M. le secrétaire d’État, une hausse des prix de la blague à tabac de 30 grammes de 1,20 euro : elle passerait de 7,40 euros actuellement à près de 8,60 euros.

Cette annonce est en contradiction, d’une part, avec les propos du ministre de l’économie et des finances, qui indiquait le 18 septembre 2016 que le Gouvernement n’envisageait aucune hausse de taxes sur le tabac pour 2017, et, d’autre part, avec la position défendue jusqu’alors par le Gouvernement. En effet, la ministre de la santé s'était prononcée sans ambiguïté, lors des débats de l’année dernière, contre toute mesure fiscale concomitante à la mise en place du paquet neutre. Le réseau des buralistes va effectivement connaître au 1er janvier 2017 une évolution majeure de son activité, avec notamment l’arrivée définitive dans les points de vente du paquet neutre et l’interdiction de la vente de cigarettes à capsules, qui représente 7 % du volume du marché légal français.

Aussi, alors même que ces mesures réglementaires pourraient entraîner des baisses importantes du volume des ventes de tabac en France, la mise en œuvre simultanée d’une hausse de fiscalité sans précédent fait peser le risque d’un effondrement du marché légal, au profit des achats transfrontaliers. Les prix du tabac à rouler en France sont en effet d’ores et déjà les plus élevés d'Europe continentale. La mise en œuvre de cette hausse de fiscalité ferait exploser les écarts de prix, avec un prix de la blague de 30 grammes plus de deux fois supérieur en France aux prix des références les moins chères dans les États voisins : 8,60 euros en France, contre 3,55 euros en Belgique, 2,85 euros au Luxembourg, 3,30 euros en Allemagne… Les prix en France seraient supérieurs de plus de 5 euros aux produits les moins chers disponibles légalement dans ces États membres.

Dans le contexte de la mise en œuvre du paquet neutre, cette très forte progression de la fiscalité du tabac à rouler, qui aurait pour résultat une progression massive des achats à l’étranger, viendrait impacter massivement l’activité des débitants de tabac français et peser très lourdement sur les recettes fiscales de l’État. En effet, cette hausse de fiscalité ne compenserait pas les pertes résultant de la baisse des ventes légales réalisées sur le territoire français.

À cela s’ajouterait un impact très incertain en matière de santé publique. L’expérience récente française montre que les très fortes hausses de prix imposées depuis le début des années 2000 n’ont eu qu’un impact des plus limités sur le taux de prévalence tabagique, demeuré stable aux alentours de 34 %, alors même que les données disponibles ne démontrent aucunement que le tabac à rouler ne soit pas un tabac surconsommé par les plus jeunes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour présenter l’amendement n° 241 rectifié.

Mme Hermeline Malherbe. Nous en sommes tous d’accord, il ne faut pas seulement lutter contre la consommation de tabac, mais aussi s’efforcer de diminuer le nombre de consommateurs.

Les chiffres que vous avez cités, monsieur le secrétaire d’État, concernaient la consommation globale. On ne sait donc pas exactement s’ils portent sur les ventes ou sur la consommation. Il semble en effet qu’il soit difficile d’évaluer la consommation s’agissant des produits transfrontaliers ou achetés via internet.

Si l’on considère le nombre des consommateurs, on ne peut que constater l’inefficacité des hausses successives des prix du tabac. Le nombre de fumeuses et de jeunes fumeurs a ainsi augmenté ; en revanche, on observe parmi les consommateurs une diminution du nombre d’hommes.

Il faudrait faire le point sur l’efficacité des mesures mises en place, en particulier celle de l’augmentation du prix du tabac. Il s’agit de savoir si celle-ci est efficace au regard du nombre de fumeurs en tant qu’individus. Car lorsqu’on évoque le coût pour la sécurité sociale et les morts par tabagisme, on parle bien des individus et non de leur consommation !

Il est vrai que la consommation a baissé, même parmi la population des fumeurs : s’il reste quelques gros consommateurs, globalement, les fumeurs fument moins. L’objectif n’est pas de supprimer totalement la consommation, mais d’éviter une consommation excessive qui déclenche des maladies. Vous me direz que, s’agissant de produits addictifs, c’est un rêve.

Prévoyons non pas un moratoire, mais une étude permettant d’évaluer l’efficacité des mesures de lutte contre le tabagisme ! Nous serons alors tous d’accord dans cet hémicycle.

Je n’oublie pas les buralistes. Ces commerçants, qui assurent le lien social dans le monde rural, proposent aussi d’autres services. Nous devons envisager leur avenir, en particulier dans les zones frontalières.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l’amendement n° 402 rectifié bis.

M. Jean Bizet. Mon amendement vise, comme les deux précédents, à supprimer l’article 17, car la concomitance de la hausse, inédite par son ampleur, de la fiscalité sur le tabac et la mise en place du paquet neutre entraînera une recrudescence des marchés parallèles, une distorsion de concurrence entre professionnels des différents États membres, voire des problèmes de santé publique en cas d’utilisation de substances illicites. Pour ma part, je préfère l’éducation, notamment à l’adresse des adolescents, à la taxation.

Par ailleurs, j’ai toujours été opposé au paquet neutre, car, comparé aux modèles des autres pays européens, le graphisme imposé en France constitue une spoliation des droits de la propriété intellectuelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces trois amendements identiques visent à supprimer l’augmentation des droits de consommation sur le tabac à rouler.

Comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, et notamment l’année dernière, je suis favorable à une telle augmentation. Depuis la mise en œuvre du plan cancer, nous savons que la fiscalité est un levier efficace, contrairement à ce que j’ai pu entendre. Ce n’est pas le seul levier, il y en a d’autres – la prévention, comme le rappelait le président de la commission des affaires sociales, l’éducation sous toutes ses formes – qu’il faut utiliser si l’on veut lutter contre la consommation du tabac.

Cela a été prouvé, le tabac à rouler est le tabac des jeunes, celui de l’entrée dans le tabagisme. Certains ont dit le contraire, mais c’est faux. L’augmentation du prix des cigarettes a fait repartir à la hausse les ventes de ce tabac dans le réseau. Cela explique peut-être en partie l’accroissement de la consommation. Comme nous l’avons dit l’an dernier, il faut aligner le plus rapidement possible le prix du tabac à rouler sur celui des cigarettes.

Je suis d’accord avec Mme Archimbaud : on ne peut pas continuer à déplorer des dizaines de milliers de morts et ne rien faire. Les seules mesures fiscales ne suffiront pas à enrayer la consommation du tabac, mais elles y contribueront.

Pour ces raisons, la commission est défavorable à la suppression de cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à la suppression d’un article qu’il propose.

Je voudrais faire quelques remarques.

Les chiffres que j’ai précédemment indiqués étaient ceux des ventes dans le circuit légal, et non ceux de la consommation. Je veux les compléter en vous précisant que les ventes de tabac à rouler ont crû en volume de 5,6 % en 2015 et de 2,5 % sur les huit premiers mois de 2016. On ne peut que constater cette hausse. Depuis 1990, les volumes de tabac à rouler – toujours dans le circuit légal – ont augmenté de 84 % ; pour les cigarettes, ils ont diminué de moitié – sur dix ans, la baisse a été de 35 %.

Or, comme l’a dit le rapporteur général, le tabac à rouler est la porte d’entrée des jeunes dans le tabagisme. Pourquoi ? Parce que la fiscalité n’est pas la même : elle est plus faible pour le tabac à rouler que pour les cigarettes. Je vous rappelle que nous avons déjà aligné les fiscalités des cigarettes et des cigarillos. Nous vous proposons de faire de même pour le tabac à rouler.

Vous avez largement évoqué la question des buralistes. Au moment de l’instauration du paquet neutre, il y a deux ans, je me suis rendu au congrès de la Confédération des buralistes de France, comme il est de tradition pour le secrétaire d’État chargé du budget. J’avais été informé par son président que les 500 personnes présentes dans la salle porteraient toutes le masque du film Scream. Elles m’ont accueilli dans un silence de mort – je peux vous assurer que cela fait un drôle d’effet. C’était pour me montrer l’impact du paquet neutre, c’est-à-dire la reproduction d’une chose à l’identique. J’ai fait mon discours dans une ambiance glaciale, puis les buralistes ont retiré leurs masques pour la séance de questions-réponses. J’ai ensuite quitté la salle dans des conditions assez difficiles…

Pour des raisons d’agenda et de circonstances, je ne me suis pas rendu à ce congrès en 2015. Cette année, j’y suis allé : j’ai été applaudi pendant trente secondes par une salle debout lorsque je suis entré et pendant une minute lorsque je suis sorti. Pourquoi ? Parce que nous avions travaillé entre-temps avec la Confédération des buralistes en jouant cartes sur table : nous avions annoncé notre volonté d’augmenter la fiscalité sur le tabac à rouler – les buralistes sont par principe opposés aux augmentations de fiscalité – et les raisons pour lesquelles nous allions le faire.

Nous avons évoqué la taxe que vous avez supprimée à l’article précédent et le risque qu’elle induise une hausse des prix de 10 à 15 centimes d’euro. Pour eux, ce risque n’existe pas, car ils font le pari – ils ont utilisé ce mot, c’est pourquoi je l’ai repris – que les fabricants ne voudront pas dépasser le prix de 7 euros pour le paquet « lambda » de cigarettes.

Nous avons aussi réfléchi à la diversification de leur activité et à leur survie, si j’ose dire. Il faut savoir que les recettes des buralistes augmentent sensiblement en moyenne, mais leur effectif diminue – l’un expliquant l’autre d’ailleurs. Or chacun s’accorde à reconnaître le rôle que jouent les buralistes dans l’aménagement du territoire : dans certains villages, le bureau de tabac est souvent le dernier commerce.

Nous avons donc travaillé en partant du contrat d’avenir en vigueur, lequel est, je le rappelle, contesté par la Cour des comptes, qui juge le dispositif scandaleux – elle ne dit pas toujours que des bêtises ou des vérités… –, et par l’Inspection générale des finances, qui le qualifie de « gabegie ». Nous nous sommes basés sur quelques principes : recentrer les aides vers les secteurs en difficulté – zones frontalières, zones rurales en voie de désertification – ; éviter les effets d’aubaine ; aider à la modernisation et à la diversification. Nous avons mis un certain nombre d’aides – pas toutes – sous enveloppe annuelle, de façon à permettre une maîtrise collective de la dépense. Nous avons également travaillé à la question de la rémunération. C’est le point que tout le monde a retenu, cette prime annuelle maximum de 2 000 euros pour des opérations de modernisation. En matière de diversification, nous avons travaillé sur le compte-nickel, les services au public – je pense à La Poste –, les relais colis, la Française des jeux – un appoint parfois très important pour certains buralistes. Nous sommes parvenus à un accord, qui est évidemment le résultat d’un compromis.

Par principe, les buralistes sont, je le redis, farouchement vent debout contre les hausses de fiscalité. Cette fois-ci, ils ont estimé que les propositions du Gouvernement, à la fois sur le tabac à rouler et sur la taxe prévue à l’article 16, étaient supportables, d’autant que, les deux années précédentes, aucune hausse de la fiscalité n’était, me semble-t-il, intervenue, en raison notamment de la mise en place du paquet neutre. Les relations se sont donc apaisées, même si tout n’est pas parfait. En tout cas, nous avons atteint un bon équilibre.

Voilà ce que je voulais dire pour répondre à un certain nombre de vos remarques, mesdames, messieurs les sénateurs.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. Je ne voterai pas les amendements de suppression.

Le rapporteur général l’a expliqué, nous souhaitons une harmonisation de la fiscalité. Reste que la taxation du tabac est un sujet complexe, comme nous avons pu le constater avec Yves Daudigny lors de la préparation de notre rapport sur la fiscalité comportementale. La corrélation entre la hausse de la fiscalité et l’augmentation des prix n’est pas systématique.

J’ajoute que, l’an dernier, lors de l’examen du projet de loi Santé, je m’étais opposée, en tant que corapporteur, au paquet neutre, pour des raisons d’harmonisation européenne – nous ne souhaitions pas aller plus loin que le paquet européen.

Cela étant, j’estime que ce sont de faux débats. Comme l’a dit Aline Archimbaud, il faut prendre conscience du nombre attendu de cancers du poumon chez les femmes, notamment jeunes. On constate peut-être une baisse de la consommation chez les hommes, mais l’augmentation du nombre de cancers du poumon, qui nécessitent des traitements lourds, chez les femmes induira de graves conséquences individuelles, familiales et sociales.

Nous sommes dans une situation paradoxale. Bien sûr, il faut aider les buralistes, mais cela doit passer par une diversification de leur activité. Faire en sorte qu’ils vendent toujours autant de cigarettes serait irresponsable.

M. Yves Daudigny. Nous sommes d’accord !

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Le problème du tabac, c’est son effet cumulatif, contrairement à d’autres facteurs exogènes, qui entraîne un certain nombre de pathologies, notamment cancéreuses. Cet effet cumulatif apparaît au bout d’un certain nombre d’années. C’est la raison pour laquelle il faut inciter les gens à arrêter de fumer – on doit mener des actions fortes en ce sens – et ne pas tolérer qu’ils puissent prendre une cigarette de temps en temps.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison de défendre un dispositif de taxation pour lutter contre le tabagisme. Dans le même temps, il ne faut pas diminuer les crédits de la MILDECA, que nous avons examinés ce matin en commission. Pour conduire de véritables actions de prévention, il faut des moyens !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Nous ne voterons pas ces amendements de suppression.

Je rejoins Catherine Deroche et Aline Archimbaud quand elles évoquent les enjeux de santé publique, d’autant que les enjeux de santé publique avant d’être des pourcentages ce sont des drames humains. C’est vrai aussi que le nombre de cancers du poumon chez les femmes augmente, ce qui est dramatique.

Comme l’a dit le rapporteur général, le tabac à rouler constitue la porte d’entrée dans le tabagisme pour les jeunes, filles comme garçons. Les mesures fiscales sont donc importantes, mais le président de la commission des affaires sociales a eu raison de faire remarquer qu’elles n’étaient pas suffisantes. La prévention est fondamentale. À l’article 1er de la loi de modernisation de notre système de santé, nous avons évoqué la prévention partagée. Les jeunes sont les plus aptes à mener les campagnes de lutte contre le tabagisme. La campagne « Moi(s) sans tabac », par exemple, est une initiative intéressante. Elle bénéficie d’ailleurs d’une forte publicité, ce qui est très positif.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit que la lutte contre la contrebande était une priorité du Gouvernement. C’est bien, mais elle doit être accentuée dans les zones frontalières. Vous-même vivez dans un département frontalier, vous savez les méfaits de l’achat de tabac dans un pays voisin.

Ce n’est pas la France seule qui pourra traiter de la question du prix du tabac. Cet enjeu de santé publique concerne toute l’Europe, et c’est à ce niveau que nous devrons nous battre.

Enfin, vous nous avez donné des informations intéressantes concernant la diversification de l’activité des buralistes. Il serait en effet préférable qu’ils vendent moins de cigarettes, mais il faut aussi prendre en compte le fait qu’ils font vivre nos territoires, notamment ruraux.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

M. Jean-François Longeot. J’ai bien entendu qu’il y avait un problème de santé publique, mais, comme cela vient d’être dit, il faut impérativement une harmonisation européenne. Nous voulons toujours être les premiers, laver plus blanc que blanc, mais cela nous fait perdre de l’activité économique.

J’entends dire que ne sont concernées que de grandes sociétés internationales. Ce n’est pas vrai ! Je pense à une entreprise française de trente-cinq salariés qui fait travailler une centaine d’agriculteurs dans notre pays. Des emplois pourront être supprimés aussi bien chez le fabricant que chez ces agriculteurs.

Je n’ai pas eu les mêmes interlocuteurs que vous, monsieur le secrétaire d’État. Cette société que je viens d’évoquer, installée à Tonneins, dans le Lot-et-Garonne, fait, je le redis, travailler uniquement des agriculteurs français. Elle m’a fait part des problèmes qu’entraînera la hausse de la fiscalité.

Pour ma part, j’habite à côté de la frontière suisse. Les habitants du Doubs qui travaillent en Suisse – ils sont nombreux – rapportent des cartouches et des cartouches de cigarettes tous les soirs, dont ils vendent un certain nombre sous le manteau.

Nous devons analyser de façon globale les conséquences des décisions que nous prenons. On ne peut pas dire, d’un côté, que le cannabis ne fait pas de mal et qu’il faut le dépénaliser et, de l’autre, que le tabac est mauvais. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Comme sur l’article précédent, qui a malheureusement été supprimé, nous ne voterons pas les amendements de suppression. Il s’agit en effet d’un texte de loi qui touche à la santé publique, comme l’a fort bien dit Mme Deroche.

Comme le disait M. Savary, il serait nécessaire, monsieur le secrétaire d’État, d’insister davantage sur la prévention dans les différents budgets que vous serez amenés à présenter. C’est ce qui manque aux mesures de taxation que vous prenez, même si, bien évidemment, nous les soutenons. Quand on voit les dégâts que fait le tabac, on se dit qu’elles devraient être accompagnées de mesures de prévention, à destination des jeunes notamment, mais pas seulement.

J’entends les difficultés des buralistes. Habitant à la campagne – je suis une rurale, pas une urbaine –, je sais l’importance de cette profession pour nos territoires. C’est avec eux qu’il faut travailler à la diversification de leur activité. On ne peut pas tout à la fois soutenir un texte de santé publique et réduire l’activité des buralistes aux paquets de cigarettes qu’ils vendent.

M. Longeot vient d’évoquer les entreprises françaises. Je me réjouis qu’il en soit ici question ce soir et qu’on accorde de l’importance à leur maintien sur notre territoire. Je me rends régulièrement auprès de salariés qui luttent contre la délocalisation de leur activité et, étrangement, je vois très peu de sénateurs de droite ; eux laissent filer les entreprises dans les pays étrangers en vertu du principe de la libre concurrence ! (Exclamations sur les travées de l’UDI-UC.)

M. Michel Canevet. Caricature !

Mme Annie David. Je suis donc ravie de vous entendre, mon cher collègue, insister sur l’importance du maintien de nos entreprises sur le territoire français.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. Notre débat m’inspire deux réactions.

C’est un poncif, chacun en a fait le constat, mais j’observe que nous sommes incapables de nous mettre sur la même longueur d’onde, comme nos concitoyens d’ailleurs, alors que la lutte contre le tabac supposerait une véritable mobilisation de tous les acteurs et de l’ensemble de la population.

Lutter contre le tabac, faire en sorte qu’il y ait moins de morts, est une nécessité dont chacun est parfaitement conscient. Nous serions impardonnables si nous ne prenions pas les mesures nécessaires. Mais il est également indispensable de défendre la profession de buraliste et de préserver le maillage de notre territoire, ce qui suppose une véritable politique globale portant à la fois sur la diminution de l’utilisation du tabac et la diversification de l’activité de la profession. Des moyens ont été annoncés, et j’en félicite M. le secrétaire d’État.

Je tiens ensuite à exprimer ma surprise. J’entends – c’est le béotien ou le naïf qui parle – (Exclamations ironiques sur les travées de l'UDI-UC.)