Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.
M. Maurice Antiste. Je suis outré. Je découvre brutalement que je vis dans un département à part. Je découvre qu’il y a trois départements à part. Pourtant, je me réjouissais d’intervenir devant vous, mes chers collègues, à l’occasion du dépôt de cet amendement.
En quoi le rhum de la Martinique – le mien ! – fait-il plus de dégâts en Martinique que le calvados ou tout autre spiritueux d’ailleurs ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – Mme Éliane Giraud applaudit également.) Je serais profondément déçu que cette assemblée, que j’ai toujours considérée comme une assemblée de sages, rigoureux et cohérents, vote aujourd'hui un tel amendement. Ce ne serait pas normal.
Connaissez-vous le nombre d’emplois directs et indirects liés à la canne à sucre et à son exploitation en Martinique ou à La Réunion ?
M. Daniel Laurent. Eh oui !
M. Maurice Antiste. Savez-vous que nos producteurs de canne à sucre attendent toujours la promesse d’augmentation des quotas qui permettra de résoudre les difficultés de la filière ? Or, alors qu’ils sont toujours dans l’attente de cette augmentation, on veut aujourd'hui leur infliger une augmentation de 4 euros dont vous pouvez être sûrs – je vous remercie de l’avoir signalé, monsieur Mouiller – qu’elle fera courir cette activité économique à sa perte. Le rhum est pour sa plus large part exporté et fait certainement aujourd'hui autant de dégâts dans la France hexagonale qu’aux Antilles…
Mes chers collègues, le vote de cet amendement ne serait pas digne de nous. Cela aurait un retentissement difficilement acceptable. Je vous invite donc à vous ressaisir et à refuser de le voter. Je rappelle que la Martinique est le département français qui consomme le plus de champagne. Peut-être faudrait-il, avant de s’intéresser au rhum, taxer d'abord le champagne, afin de limiter son exportation vers la Martinique ?
M. René-Paul Savary. Ah non ! (Sourires.)
M. Maurice Antiste. Mes chers collègues, faites en sorte que, ce soir, je quitte cet hémicycle moins outré. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce qui vient d’être dit.
Je suis allé à La Réunion. Il se trouve que l’alcool y produit des effets désastreux, notamment sur les enfants. Ce sont eux qui subissent les conséquences du syndrome d’alcoolisation fœtale : ces enfants resteront handicapés mentaux à vie ! Je suis donc favorable à l’amendement.
Reste qu’une augmentation de 4 euros par litre de rhum, quand celui-ci vaut 4 euros, risque d’entraîner des difficultés, voire des émeutes dans la population. Telle est la réalité !
En outre, ceux qui boivent de façon excessive ne vont pas s’arrêter du jour au lendemain, simplement parce que le prix du rhum aura augmenté. Par conséquent, le pouvoir d’achat, qui est déjà très faible à La Réunion, va encore diminuer et, avec lui, la capacité de certains à nourrir leur famille. Cela peut donc avoir des conséquences sociales tout à fait graves.
Si l’on se met d’accord pour augmenter les taxes, il serait utile de le faire progressivement, de manière étalée sur plusieurs années. Ce doit être un objectif, mais pas une mesure brutale.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Cela fait à peu près trois heures que l’on débat du tabac et de l’alcool et que l’on oppose aux dangers de ces produits, manifestement toxiques pour la santé et mortels dans bien des cas, la situation des producteurs ou encore des buralistes. On ne sortira jamais d’une telle opposition !
Soit on considère que le tabac et l’alcool sont des problèmes de santé publique, et il faut employer tous les moyens possibles pour essayer de limiter l’usage de ces produits, soit on veut défendre les producteurs de tabac et protéger les buralistes, auquel cas il faut ouvrir largement la vente et laisser les gens mourir. Il faut sortir de cet antagonisme entre emplois à protéger et problèmes de santé publique.
Par ailleurs, comme le président de la commission l’a souligné, il faut que la fiscalité appliquée aux produits outre-mer soit progressivement alignée sur le droit commun, raison pour laquelle je voterai cet amendement, même si j’avoue ignorer quel doit être le montant de l’augmentation appropriée.
Pour terminer, mes chers collègues, je peux vous dire que le syndrome d’alcoolisation fœtale n’existe pas qu’à La Réunion. On le retrouve dans certaines régions de métropole. Bien entendu, il faut essayer de lutter contre ce problème, peut-être en engageant un effort en termes de prévention et d’information. En tout état de cause, il ne faut pas stigmatiser les Réunionnaises.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. L’inquiétude me pousse à intervenir, alors que je n’avais pas prévu de le faire.
Je remercie Maurice Antiste, Philippe Mouiller et Michel Raison pour les propos qu’ils ont tenus, auxquels je souscris totalement.
Moi qui ai enseigné la biologie pendant trente-cinq ans, je suis de ceux qui pensent que l’augmentation des taxes n’a absolument aucun effet sur la consommation.
Je ne connais pas les problèmes de La Réunion. Cela dit, l’outre-mer ne se limite pas à La Réunion ! Pour ce qui me concerne, je n’ai strictement rien contre la consommation d’alcool sur mon territoire, même si l’île d’où je viens n’en produit pas. Je ne comprends pas pourquoi la représentation nationale déciderait, pour régler un problème sur un territoire, d’appliquer à l’ensemble de l’outre-mer une seule et même règle. À titre personnel, je suis fondamentalement opposé à cet amendement.
De surcroît, ma collectivité jouit, depuis 2007, d’un statut particulier. Ce statut de collectivité d’outre-mer lui donne la compétence fiscale : elle fixe les impôts, droits et taxes applicables sur son territoire. Dès lors, comment pourriez-vous décider, ce soir, d’appliquer une telle mesure à Saint-Barthélemy, collectivité fiscalement autonome ? J’avoue que j’ai des difficultés à le comprendre. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je reconnais qu’il y a eu deux confusions.
La première portait sur les deux versions – avant et après rectification – de l’amendement.
La seconde est liée à la question des unités de mesure : notre avis sur l’amendement ne peut être le même selon qu’il s’agit d’euros par hectolitre ou d’euros par décilitre. Il me semble, en l’espèce, que l’impact de la mesure serait extrêmement important sur les produits en question. Dès lors, contrairement à ce que je disais précédemment, j’émets un avis défavorable sur cet amendement. Je prie chacun de bien vouloir m’en excuser.
Compte tenu de l’heure tardive, je suggère, madame la présidente, que le vote soit reporté à demain. (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Ce n’est qu’une suggestion…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le report du vote ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Si le Sénat veut voter…
Mme Laurence Cohen. Nous voulons d'abord rectifier notre amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. En ce cas, compte tenu de l’heure, nous reprendrons l’examen de cet amendement demain matin. (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annie David. Nous avons bien passé deux heures à discuter du tabac…
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 45 amendements au cours de la journée ; il en reste 282.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
12
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été publiée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Alain Milon, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Caroline Cayeux, MM. René-Paul Savary, Yves Daudigny, Mmes Catherine Génisson et Annie David ;
Suppléants : MM. Gilbert Barbier, Jean-Noël Cardoux, Francis Delattre, Gérard Dériot, Mme Corinne Féret, MM. Gérard Roche et Jean-Louis Tourenne.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
13
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 17 novembre 2016 :
À dix heures trente :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2017 (n° 106, 2016-2017) ;
Rapport de MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, René-Paul Savary, Mme Caroline Cayeux, MM. Gérard Roche et Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales, tomes I à VIII (n° 114, 2016-2017) ;
Avis de M. Francis Delattre, fait au nom de la commission des finances (n° 108, 2016-2017).
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze et le soir : suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 17 novembre 2016, à zéro heure quarante.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD