Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Madame la secrétaire d'État, vos propos sont très intéressants et positifs à bien des égards, mais ils ne répondent absolument pas à ma question !
J’observe d'ailleurs une espèce de blocage sur le sujet. Vous vous félicitez des actions entreprises, mais vous n’évoquez même pas mon idée de prisons ouvertes… Peut-être celle-ci vous paraît-elle farfelue ! Pourtant, les prisons sans barreaux sont bien de vraies prisons, et non, contrairement au bracelet électronique ou à la contrainte pénale, une alternative à celles-ci.
Les prisons ouvertes existent pourtant partout chez nos voisins. Il y en a même une en France, qui fonctionne bien ! Dès lors, je ne comprends pas ces résistances. J’ignore si le frein est d’ordre administratif, politique ou idéologique. Je déplore cette situation et j’espère qu’un jour on osera évoquer cette possibilité. Quoi qu’il en soit, je continue le combat !
Mme la présidente. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
9
Décès d’un sénateur
M. le président. Mesdames les ministres, mes chers collègues, nous avons appris il y a quelques jours le décès de notre doyen, Paul Vergès, sénateur de La Réunion. (Mmes les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Je prononcerai dans quelque temps son éloge funèbre, mais je tiens à saluer d’ores et déjà sa mémoire.
Avec sa disparition, c’est en effet une grande voix de La Réunion et du Sénat qui s’éteint. Je me souviens tout particulièrement des discours qu’il prononça en tant que doyen de notre assemblée en 2011 et en 2014.
Résistant dès 1942, il fut, pendant plus d’un demi-siècle de vie publique, successivement conseiller général, député, maire, parlementaire européen, sénateur – de 1996 à 2005, puis depuis 2011 – et président du conseil régional de La Réunion.
Défenseur infatigable de La Réunion et des outre-mer, il fut l’un des premiers à alerter sur les effets du réchauffement climatique. Il présidait d'ailleurs depuis 2001 l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique.
Ses funérailles ont eu lieu tout à l’heure dans sa commune du Port, dont il avait été le maire. Le président Thierry Foucaud, qui me représentait à la cérémonie avec la présidente Éliane Assassi, a prononcé un hommage en mon nom.
Au nom du Sénat tout entier, je veux présenter nos condoléances à la famille de Paul Vergès et assurer ses proches, la présidente et les membres du groupe communiste républicain et citoyen de notre compassion. J’ai également une pensée pour nos compatriotes du département de La Réunion, si attachés à la République.
Je vous propose d’observer un moment de recueillement en sa mémoire. (Mmes les ministres, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)
10
Remplacement d’un sénateur décédé
M. le président. Conformément à l’article 32 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le ministre de l’intérieur m’a fait connaître que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, Mme Gélita Hoarau est appelée à remplacer, en qualité de sénatrice de La Réunion, Paul Vergès.
Son mandat a débuté le dimanche 13 novembre 2016, à zéro heure.
11
Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. Par courrier en date de ce jour, j’ai saisi, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, le Conseil constitutionnel sur la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Le texte de cette saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
12
Financement de la sécurité sociale pour 2017
Discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2017 (projet n° 106, rapport n° 114 [tomes I à VIII], avis n° 108).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord d’exprimer les condoléances du Gouvernement à la suite de la disparition de Paul Vergès. Nous nous associons aux mots qui viennent d’être prononcés par le président Larcher.
Je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Christian Eckert. Retenu pour quelques heures à l’Assemblée nationale, il nous rejoindra en milieu d’après-midi et s’attachera alors à répondre de manière argumentée aux orateurs de la discussion générale.
Le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de ce quinquennat permet de mesurer combien la donne a changé depuis 2012.
Notre sécurité sociale était grevée par les déficits ; nous l’avons redressée, année après année. Elle était affaiblie par des reculs des droits sociaux ; nous l’avons modernisée en innovant, pour répondre aux besoins nouveaux d’une société qui se transforme, tout en garantissant de meilleures prises en charge, de meilleurs accompagnements à nos concitoyens.
Nous avons réhabilité notre protection sociale, ce qui consistait d’abord à garantir sa pérennité, en lui permettant d’être tournée vers l’avenir.
En quatre ans seulement, nous avons ramené le déficit du régime général de 17,5 milliards d’euros à 3,7 milliards d’euros en 2016. Pour 2017, nous prévoyons un déficit de l’ordre de 400 millions d’euros, qu’il convient de rapporter aux presque 500 milliards d’euros de dépense. On peut donc dire que le régime général sera quasiment à l’équilibre, pour la première fois depuis 2001.
N’en déplaise aux fatalistes, le redressement est bien là.
M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme Marisol Touraine, ministre. Ses sources sont connues, identifiées : réforme des retraites, meilleure prise en compte des revenus des familles pour les prestations familiales, amélioration de la pertinence des actes en matière de santé, maîtrise du coût des médicaments, mise en place du virage ambulatoire, efficacité maîtrisée de la dépense hospitalière. Nous avons engagé des réformes de fond, des réorganisations, des modernisations qui ont porté leurs fruits.
Cette réalité est un puissant démenti apporté à ceux qui confondent recul social et réforme, affaiblissement de la protection des Français et rétablissement des comptes. Pas un seul déremboursement économique n’est intervenu. Aucune franchise, aucun forfait n’a été instauré. Au contraire, la protection des Français progresse de nouveau depuis 2012.
En matière de santé, le reste à charge des Français diminue. Bien évidemment, certains le voient plus directement que d’autres, mais, de manière globale, alors que nos concitoyens devaient financer de leur poche 9,3 % des dépenses de santé en 2011, cette part s’établit, en 2015, à 8,4 % seulement, soit à un niveau historiquement bas pour la France et au niveau le plus bas de l’ensemble des pays de l’OCDE. La prise en charge par l’assurance maladie obligatoire a progressé, pour retrouver son niveau du milieu des années 2000.
Derrière ces chiffres, il y a des réalités concrètes, quotidiennes pour un grand nombre de nos concitoyens. Un million de Français supplémentaires bénéficient de la CMU et de l’aide au paiement d’une complémentaire santé, grâce aux décisions que nous avons prises, visant à relever les plafonds de ressources pour l’accès à ces dispositifs. Ce sont désormais 1,4 million de Français – les plus modestes d’entre eux – qui ne paient plus de franchises médicales, et 15 millions de nos compatriotes peuvent d’ores et déjà bénéficier du tiers payant chez le médecin : il s’agit des malades les plus gravement atteints, des malades chroniques, des femmes enceintes et, là encore, des plus modestes des Français.
Rétablissement des comptes d’un côté, nouvelles protections de l’autre : je regrette que la majorité sénatoriale refuse de reconnaître ces réalités (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.), car elles devraient nous rassembler, par-delà nos divergences d’options pour notre pays.
Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, j’avoue avoir du mal à saisir la logique de votre position. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme Anne-Catherine Loisier. Nous ne comprenons pas toujours la vôtre non plus !
Mme Marisol Touraine, ministre. Ainsi, lors de sa réunion du 9 novembre dernier, votre commission des affaires sociales – avec laquelle nous travaillons néanmoins de façon tout à fait positive et constructive et dont je salue le président et le rapporteur général – a voté le rejet des tableaux d’équilibre du texte.
L’an dernier, vous nous engagiez à aller plus loin dans la réduction des déficits, en nous expliquant que le Gouvernement n’en faisait décidément pas assez. Or, maintenant que le cap est mis sur le rétablissement de l’équilibre, vous le contestez, en vous fondant d’ailleurs sur des arguments quelque peu composites, dont je ne suis pas certaine qu’ils soient tous cohérents : vous contestez les choix politiques qui ont permis ce retour à l’équilibre, s’agissant par exemple de la branche famille – je peux l’entendre, car c’est un débat politique ; vous affirmez que ce rétablissement ne doit rien aux mesures prises par le Gouvernement, mais tout à la loi sur les retraites du précédent quinquennat, qui aurait également permis, à elle seule, de remédier au déficit de l’assurance maladie et à celui de la branche famille ; vous contestez l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, et l’ensemble des articles d’équilibre, ce que vous n’aviez pas fait l’an dernier, sans produire un seul argument pour soutenir cette position.
Et dans le même temps, vous proposez de priver la sécurité sociale de ressources nouvelles en supprimant la mise à contribution des industriels du tabac – ce qui revient à priver l’assurance maladie d’outils de prévention –, ainsi que la régulation des dépenses d’imagerie et les moyens de financer l’innovation selon une logique pluriannuelle, alors même que vous vous faites l’écho de demandes des industriels allant en ce sens !
Comme souvent, nous constatons chez vous une grande appétence pour la réduction du déficit en général, mais beaucoup moins d’enthousiasme lorsqu’il s’agit de proposer des mesures concrètes, réalistes et justes. Nous vous laissons le soin de méditer sur ces contradictions entre les ambitions et les moyens…
Pour notre part, nous poursuivons avec détermination et sérénité la dynamique engagée, qui permet de garantir à nos concitoyens la pérennité des droits, de l’accompagnement et du soutien social auxquels ils peuvent prétendre.
Cette nouvelle donne ne peut être prétexte à l’immobilisme, à l’inaction. Nous devons, dès 2017, poursuivre, amplifier les efforts, aller encore plus loin.
Nous poursuivons la modernisation de notre système de retraites en facilitant la transition entre activité et retraite. La retraite progressive sera ainsi étendue aux salariés ayant plusieurs employeurs.
Nous poursuivons la modernisation de notre politique familiale, avec la création de l’Agence nationale de recouvrement des impayés de pensions alimentaires. Elle fait suite à celle de la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, qui est probablement l’une des mesures les plus importantes prises en faveur de femmes élevant souvent seules leurs enfants et dont l’ancien conjoint témoigne peu d’empressement à verser ce qu’il doit.
Nous prolongeons par ailleurs l’action engagée depuis 2012 pour améliorer la protection sociale des indépendants, en continuant d’alléger et de rendre plus justes leurs cotisations sociales, en poursuivant l’amélioration du fonctionnement du recouvrement de leurs cotisations par les URSSAF et le régime social des indépendants, le RSI, et en permettant aux membres d’une partie des professions libérales non réglementées d’améliorer leur couverture retraite et de bénéficier d’indemnités journalières.
Nous poursuivons le renforcement et la transformation de l’accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées. Ce PLFSS prévoit à ce titre 590 millions d’euros de mesures nouvelles, qui permettront de renforcer les moyens des établissements et services, et de créer 4 100 places nouvelles pour les personnes handicapées et 4 000 places nouvelles dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Les moyens dédiés à l’aide à domicile sont aussi accrus.
Cette modernisation de l’offre médico-sociale s’inscrit dans la dynamique engagée par la loi d’adaptation de la société au vieillissement, qui représente un investissement majeur, de 740 millions d’euros pour 2016.
Je veux une nouvelle fois rappeler que l’ensemble des mesures nouvelles – amélioration de l’allocation personnalisée d’autonomie, mise en place du droit au répit et des mesures de prévention de la dépendance – sont intégralement financées par les ressources affectées à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’appelle les départements à mettre en œuvre ces mesures visant à faciliter l’accompagnement au quotidien de nos concitoyens les plus âgés.
Nous continuons aussi, bien évidemment, à transformer notre système de santé, en cohérence avec les objectifs et les orientations suivis depuis 2012.
La logique de notre politique de santé est clairement établie. Nous avons fait le choix du mouvement, de l’innovation, de la modernisation, au service d’une seule et même ambition : l’égalité d’accès à la santé pour tous.
En 2012, nous avons constaté l’ampleur de la tâche. Notre système de santé solidaire, bâti au milieu du siècle dernier, a su faire face, au fil des décennies, à de nombreux défis ; d’autres sont aujourd’hui à relever, en particulier celui du vieillissement de la population. Or ce système de santé avait été malmené : le service public hospitalier avait été rayé d’un trait de plume, la prévention en santé était au point mort et, en matière de lutte contre la désertification médicale, la résignation semblait s’être emparée des différents acteurs.
Nous voulons, en 2017, prolonger l’action engagée depuis 2012 pour améliorer la santé de l’ensemble de nos concitoyens.
Avec la loi de modernisation de notre système de santé, nous avons fait de la prévention le socle de notre politique de santé, nous avons conforté l’hôpital public en rebâtissant le service public hospitalier et en lançant la grande réforme des groupements hospitaliers de territoire, nous avons écrit l’avenir de la médecine de ville en accompagnant le virage ambulatoire en termes de coordination des acteurs et de travail en équipe.
Avec le PLFSS pour 2017, nous prenons acte de la réorientation de notre système de santé, de la « nouvelle donne » que j’évoquais tout à l’heure, et nous prenons de nouvelles initiatives, par exemple en lançant un plan ambitieux pour améliorer l’accessibilité des soins dentaires et réduire le coût qui reste à la charge des patients, en proposant de revaloriser certains soins conservateurs, en échange d’un plafonnement du coût des prothèses. Nous renforçons également la protection universelle maladie, la PUMA, pour mieux protéger des ruptures de droits ceux qui changent souvent de situation professionnelle, notamment les travailleurs saisonniers.
Nous constatons les premiers effets de notre politique de prévention, que nous entendons poursuivre. Le nombre de fumeurs quotidiens a ainsi diminué chez les lycéens. Nous devons continuer de faire de la lutte contre le tabagisme des jeunes une priorité. Nous prolongeons cette action au travers de ce PLFSS en alignant la fiscalité applicable au tabac à rouler – qui est à la fois le produit le plus nocif et le moins cher – sur celle des cigarettes. Nous proposons également de mettre en place une contribution sur le chiffre d’affaires des fournisseurs agréés par les fabricants de tabac, qui alimentera le fonds de lutte contre le tabagisme.
Nous ouvrons une nouvelle étape en matière de soutien à l’innovation. La période que nous vivons est incontestablement marquée par l’accélération du rythme de l’innovation dans le domaine de la santé. De nouveaux traitements, de nouvelles organisations, de nouveaux médicaments permettent à nos concitoyens malades d’espérer guérir – je pense au traitement contre l’hépatite C – ou en tout cas mieux vivre avec leur maladie.
Le temps de l’espoir est venu pour traiter un nombre croissant d’affections, mais le prix des médicaments proposés est parfois extrêmement élevé. Nous devons mettre en place des mécanismes de régulation et des modes de financement appropriés pour amortir les dépenses d’innovation. C’est ce que nous faisons, par exemple, pour les douze plateformes haut débit de séquençage du génome de notre pays : 670 millions d’euros y seront consacrés dès 2017. L’enjeu est de permettre à l’ensemble des Français d’accéder à une médecine personnalisée, adaptée au capital humain de chacun.
Avec ce PLFSS, nous continuons à soutenir les professionnels de santé en portant l’ONDAM à 2,1 %, ce qui nous permet d’engager des moyens nouveaux au bénéfice de l’hôpital. Ils marquent la reconnaissance du travail souvent difficile de la communauté hospitalière, à travers la revalorisation du point d’indice, profitant à l’ensemble des catégories de personnels, mais aussi des revalorisations ciblées qui peuvent être significatives – environ 450 euros pour les personnels de catégorie C, par exemple. Pour les infirmières et infirmiers, nous avons engagé la troisième étape d’un plan qui aura permis une revalorisation de leur traitement pouvant aller jusqu’à 3 400 euros, selon l’ancienneté.
Nous consacrons également des moyens nouveaux à la médecine de ville, ce qui est le gage de la mise en œuvre effective du virage ambulatoire. La convention médicale trouve ici son aboutissement financier, avec la revalorisation des tarifs. C’est la consécration d’un choix politique structurel défendu par ce gouvernement. Le PLFSS traduit la reconnaissance de l’importance du rôle des professionnels de santé libéraux. Il nous permet d’amplifier encore nos efforts pour inciter les médecins à s’installer dans les territoires sous-dotés.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à constituer des équipes de médecins libéraux remplaçants auprès des agences régionales de santé, les ARS, qui viendront soutenir les médecins libéraux installés en zones sous-denses. Cela répond à une attente forte exprimée par les jeunes professionnels eux-mêmes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en quatre ans, nous aurons renversé la vapeur. J’entends dire, sur certaines travées ou à l’extérieur de cet hémicycle, que les réformes de structures manqueraient ! Mais de quelles réformes parlez-vous ?
Depuis 2012, la réforme du système de santé, c’est la priorité donnée à la prévention, le renforcement des équipes ambulatoires, le recentrage de l’hôpital sur ses compétences de recours, le renforcement du maillage territorial, la garantie d’accès aux soins, avec notamment –mais pas uniquement – le tiers payant généralisé, le développement de l’innovation.
Pour votre part, que proposez-vous ? Plutôt qu’à nos débats en commission, je me référerai aux programmes des candidats à la primaire du centre et de la droite. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. Vous ne comptez pas voter, tout de même ?
M. Gilbert Barbier. Vous devriez les relire !
Mme Marisol Touraine, ministre. On y trouve, dans le meilleur des cas, des équations comptables qui, le plus souvent, conduisent à préconiser purement et simplement des déremboursements à la pelle et la privatisation du système de santé.
Certes, la privatisation du système de santé constitue une réforme structurelle, je ne le nie pas. Il s’agit d’une réorganisation complète. Les uns expliquent que ce que l’on appelle le « petit risque » doit désormais être pris en charge par les assurances privées, les autres que les Français appartenant aux classes moyennes et supérieures doivent payer davantage pour leur santé : cela revient bien à une privatisation du système de santé. C’est simple, c’est clair, c’est net, c’est écrit dans les programmes de vos candidats ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Éric Doligé. Hors sujet !
Mme Catherine Procaccia. Vous n’êtes pas là pour commenter les programmes !
M. Henri de Raincourt. Participez à la primaire, ça ne vous coûtera que 2 euros !
Mme Marisol Touraine, ministre. C’est une réforme structurelle, certes, mais à rebours de notre histoire, de notre force, et les Français ont raison d’être inquiets ! Ces programmes sont préoccupants.
M. Éric Doligé. François Hollande a-t-il seulement un programme ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Certaines mesures tiennent de l’anecdote : une amende de 40 euros pour un passage indu aux urgences – je ne sais pas, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, comment un tel dispositif pourrait être mis en œuvre ! –, de 30 euros pour un rendez-vous non respecté… De la part de responsables politiques qui prétendent vouloir simplifier et déréglementer, bonjour la complexité !
Concrètement, vos candidats proposent de réaliser de 6 milliards à 20 milliards d’euros d’économies par an, la sécurité sociale devant concentrer son intervention sur les pauvres. C’est le système américain d’avant l’Obamacare ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. –Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Au moment où, aux États-Unis, le président nouvellement élu semble revenir sur ses promesses de suppression de l’Obamacare, vous annoncez benoîtement la fin du modèle français, pourtant unanimement considéré comme l’un des plus solides.
M. François Grosdidier. On est donc pires que Trump ! Quelle caricature !
Mme Marisol Touraine, ministre. Notre sécurité sociale progresse désormais avec confiance. Le redressement de nos comptes sociaux garantit aux Français que, à l’avenir, ils seront toujours mieux accompagnés lorsqu’ils en auront besoin. Ce redressement, nous ne le faisons pas payer aux patients, ni aux professionnels de santé. Nous avançons sur la voie de la réforme, de la modernisation et de l’innovation au service de la santé.
Je souhaite que nos débats permettent d’amplifier cette dynamique, de répondre à des interrogations et de montrer que nos positions sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale reflètent des projets différents, voire divergents, pour la société française à l’aube d’une année électorale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes.
Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais à mon tour me joindre à l’hommage rendu à Paul Vergès. Je garde un souvenir lumineux de la séance qu’il avait présidée en 2011, en tant que doyen d’âge du Sénat. Président, durant de nombreuses années, de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, il était un précurseur, un visionnaire. Paul Vergès n’était certes pas un climato-sceptique ; il était un climato-humaniste.
En matière de politique familiale, le PLFSS pour 2017 s’inscrit dans la continuité de la politique ambitieuse, socialement juste et budgétairement responsable que nous mettons en œuvre depuis 2012.
Nous avons souhaité faire évoluer la politique familiale pour l’adapter aux transformations de notre société, notamment en menant une politique volontariste en faveur des familles monoparentales.
En effet, une famille sur cinq est aujourd’hui monoparentale. Cette situation peut s’accompagner d’une plus grande vulnérabilité, encore accentuée par les impayés de pension alimentaire, dans un tiers des cas. S’intéresser à ces familles, composées à 85 % de femmes seules, c’est aussi faire progresser les droits des femmes et ceux des enfants.
Le Gouvernement a donc décidé de revaloriser l’allocation de soutien familial, l’ASF, de 25 % sur cinq ans et de créer, puis de généraliser, la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, la GIPA.
Les politiques sociales ne sont pas que recherche de l’équilibre budgétaire et prestations financières. Elles comprennent aussi l’innovation sociale, que j’ai souhaité encourager avec, en particulier, la mise en place d’un réseau d’entraide pour les familles monoparentales.
Une autre innovation sociale que je porte est la création de l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires, annoncée par le Président de la République lors de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars dernier. L’article 27 du PLFSS prévoit la mise en place de cette agence en deux temps.
Dès le 1er janvier 2017, l’agence se verrait confier le recouvrement des pensions alimentaires impayées pour tous les créanciers ayant à charge des enfants de moins de 2 ans, y compris s’ils sont de nouveau en couple. Jusqu’à présent, les créanciers devaient avoir préalablement épuisé les voies de recours et peu de ceux d’entre ceux qui vivaient de nouveau en couple pouvaient bénéficier de l’aide des caisses d’allocations familiales. L’objectif est, plus largement, de permettre un recouvrement plus réactif et plus efficace auprès de l’ensemble des parents débiteurs défaillants, dès le premier mois d’impayés.
Le PLFSS prévoit en outre de confier à l’agence, toujours en 2017, un rôle d’intermédiation, sur décision du juge, en cas de violences ou de menaces exercées par le débiteur de la pension. L’agence encaisserait directement les pensions auprès de l’ancien conjoint et les reverserait au créancier. Ce dispositif constitue également une mesure de prévention contre les violences faites aux femmes.
Dans un second temps, il est proposé que l’agence puisse donner, à compter de 2018, une force exécutoire aux accords amiables fixant une pension alimentaire pour les couples antérieurement pacsés ou en concubinage et ne relevant donc pas d’une procédure de divorce. En cas d’impayés, la pension pourra ainsi être recouvrée ultérieurement.
Cette proposition s’articule avec le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, puisqu’elle ne concernera que les accords amiables entre parents non mariés. Le ministère .de la justice nous a particulièrement aidés à élaborer ce projet de réforme.
L’article 27 du PLFSS prévoit de confier à la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, la responsabilité de mettre en place cette agence, en lien avec la Caisse centrale de mutualité sociale agricole. La montée en charge de cette réforme se ferait de manière progressive et s’appuierait sur la mutualisation des procédures engagée avec la GIPA.
Ainsi, l’article 27 du PLFSS est important à plusieurs égards : la création de cette agence contribuera à réduire la pauvreté des foyers monoparentaux et à responsabiliser les parents débiteurs, notamment dans l’intérêt de leurs enfants.
La deuxième mesure nouvelle relative à la politique familiale est la simplification du versement du complément de mode de garde, ou CMG, de la prestation d’accueil du jeune enfant.
Notre pays se caractérise par une diversité de solutions d’accueil des jeunes enfants et par leur accessibilité financière pour toutes les familles. C’est ce qui permet à la France de conjuguer des taux élevés de natalité et d’activité professionnelle des mères.
Au total, entre 2012 et 2015, 70 000 nouvelles places en crèche ont été créées. Afin de soutenir l’investissement des collectivités locales, en plus des aides financières à la création et à la rénovation des établissements, la branche famille a apporté 2 000 euros supplémentaires pour toute création de place d’accueil décidée en 2015. Le Gouvernement a décidé de reconduire cette aide supplémentaire en 2016 dans les territoires prioritaires.
Les aides au fonctionnement ont aussi été fortement revalorisées. Les créations de places sont un peu en deçà des objectifs, mais nous ne renonçons pas pour autant à accompagner les collectivités locales dans la création de places de crèche.
J’ai présenté ce matin le plan d’action pour la petite enfance, qui complète le volet quantitatif et financier de cette politique par un volet qualitatif. Ce plan d’action fait suite au rapport de mission que Sylviane Giampino m’a remis en mai dernier et qui pose les bases d’une politique globale d’accueil du jeune enfant à partir de ses droits et de ses besoins.
Ce plan entend donner une impulsion nouvelle au secteur de la petite enfance par une refondation de l’identité de tous les professionnels de l’accueil collectif et individuel autour de valeurs et d’actions communes.
Par ailleurs, j’y ai inscrit le développement des maisons d’assistantes maternelles. Je tiens à saluer le travail accompli par Caroline Cayeux et Michelle Meunier, qui m’ont remis leur rapport voilà quelques semaines.
Dans la continuité du plan d’action et de mobilisation contre le sexisme que j’ai lancé le 8 septembre dernier, je souhaite également favoriser le développement de modes d’accueil qui renforcent l’égalité entre les filles et les garçons dès leur plus jeune âge et accroître la mixité dans les métiers de la petite enfance. L’objectif est bien de développer un accueil de qualité, ouvert, multidisciplinaire et sans stéréotypes – de genre ou handiphobes.
Nous n’avons pas non plus oublié l’accueil individuel par des salariés à domicile ou des assistants maternels. Pour aider toutes les familles qui ont recours à un mode d’accueil individuel, nous proposons de simplifier les circuits de versement du complément de mode de garde.
L’article 28 du PLFSS prévoit plusieurs mesures en ce sens : un délai maximal pour l’envoi de la déclaration sociale, une extension, à compter du 1er janvier 2018, des missions du centre Pajemploi pour proposer aux familles un service « tout-en-un » permettant d’intégrer les différentes aides sociales, en lien avec la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.
Ces mesures visent à simplifier le circuit de versement du CMG et à limiter les avances de trésorerie pour les familles ayant recours à ces modes d’accueil.
En matière de politique familiale, ce PLFSS s’inscrit ainsi dans la continuité des quatre précédents. Comme je l’ai souligné, il est budgétairement responsable – la branche famille sera à l’équilibre en 2017, alors qu’elle connaissait un déficit de 2,5 milliards d’euros en 2012 – et socialement juste, car l’effort budgétaire que nous avons réalisé a permis non seulement le retour à l’équilibre, mais aussi l’amélioration des prestations familiales pour ceux qui en avaient le plus besoin. Ces prestations ont ainsi assuré un rôle d’amortisseur social que bien d’autres États européens nous envient ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)