M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. S’il est une chose, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, que vous avez réussie, c’est bien la médiatisation de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Qui n’a pas entendu affirmer, sur tous les médias de France et de Navarre, que la sécurité sociale est enfin à l’équilibre, que la sécurité sociale est sauvée…
M. Yves Daudigny. C’est vrai !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vive la sécurité sociale !
M. Didier Guillaume. Exactement !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’assurance maladie en aurait presque fini avec les déficits. Mieux, le système de retraites serait à l’équilibre, voire en excédent, pour des décennies ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je n’ai pas le don de divination, je ne suis pas la Pythie de Delphes ou d’ailleurs, et j’ignore si nous arriverons à assurer l’équilibre des retraites à l’avenir. Mais si tel est le cas, ce sera, que vous le vouliez ou non, uniquement grâce aux réformes que nous avons réalisées avant vous ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Vous avez ajouté, madame la ministre, que les voix qui pourraient s’élever pour discuter ce bilan étaient disqualifiées. Parce que nous avons une exigence de transparence, nous aurions une volonté punitive ! Qui a parlé de volonté punitive à l’égard de nos concitoyens ? Pas nous, ni notre commission. Je puis vous assurer, madame la ministre, qu’une telle volonté ne nous anime pas, non plus que celle de privatiser la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Nous sommes attachés, autant que vous, à la sécurité sociale, à cette volonté de solidarité qui anime nos concitoyens depuis la Libération. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Jean Desessard. C’est une bonne nouvelle !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous sommes des parlementaires mus par l’intérêt général, et non les porte-parole de tel candidat ou de tel think tank ou officine prônant une autre politique. Notre seule préoccupation est d’analyser les faits, le contenu du texte, vos actes et vos intentions. Il n’est pas interdit d’avoir un regard critique, le cas échéant. Si le Gouvernement nous entend, nous pourrons peut-être contribuer à améliorer ce texte par nos amendements. Tel est notre rôle ! Nous nous en tiendrons aux faits, aux actes, aux chiffres.
Nous reconnaissons tout à fait les efforts que le Gouvernement a réalisés pour réduire les déficits, d’autant plus que, comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, madame la ministre, nous vous avons souvent poussée à aller plus loin dans les économies. Et vous l’avez fait ! Vous avez aussi su jouer des recettes, mais nous en reparlerons…
Pour autant, nous vous demandons de continuer dans cette voie, car qu’en est-il réellement de la situation de la sécurité sociale aujourd’hui ?
Nous constatons tout d’abord qu’elle n’est pas à l’équilibre, sauf à passer sous silence le déficit du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, qui s’établit encore en 2017, comme en 2016, à quelque 3,8 milliards d’euros. Madame la ministre, le FSV faisant bien partie de la sécurité sociale, comme le montrent d’ailleurs parfaitement les tableaux d’équilibre, le déficit global est bien de 4,1 milliards d’euros.
La commission des affaires sociales ne conteste absolument pas le redressement des comptes sociaux. Au vu de l’effort consenti en prélèvements obligatoires, leur dégradation serait même plutôt regrettable. Néanmoins, nous ne pensons pas que ce processus soit parvenu à son terme.
Certes, l’assurance maladie redresse ses comptes, mais aussi elle transfère, devant la difficulté à maîtriser les dépenses, une partie de ses charges et de son déficit sur les autres branches. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, n’est tenu qu’à ce prix.
Malgré la hausse des cotisations et les fruits de la réforme de 2010, les régimes de retraite restent fragiles, et leur consolidation effective dépend plus d’hypothèses macroéconomiques favorables que d’équilibres économiques et démographiques de long terme.
Notre pays reste par ailleurs confronté à la question de l’efficacité de la dépense de sécurité sociale et de son adaptation aux besoins. C’est particulièrement vrai pour l’assurance maladie, qui présente encore, pour 2017, un déficit tendanciel de 8,3 milliards d’euros, en dépit des réformes structurelles censées avoir été mises en œuvre – je ne doute pas d’ailleurs qu’elles l’aient été.
Ce solde ne traduit pas seulement le choc de dépenses de la convention médicale et de la hausse du point d’indice. Il traduit aussi le besoin de mesures correctives. Or celles qui ont été annoncées relèvent pour partie d’un effet d’optique, avec un impact sur l’ONDAM, mais pas sur l’assurance maladie – c’est le cas des cotisations des professionnels de santé, pour 270 millions d’euros.
D’autres mesures ont un impact sur l’ONDAM, mais elles constituent un transfert de charges, comme la mobilisation des réserves de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, à hauteur de 230 millions d’euros, ou la ponction sur les fonds hospitaliers. D’autres, enfin, ne relèvent que d’un simple changement comptable, comme les remises pharmaceutiques, pour 250 millions d’euros.
Au bilan, les recettes nouvelles contribuent au moins autant au redressement annoncé du solde de l’assurance maladie, qu’il s’agisse de la fiscalité du tabac, du gain net de la branche dans les mesures de compensation des exonérations, du transfert en provenance du FSV, ou encore de l’augmentation des cotisations, certes gagée sur celles de la branche AT-MP.
Pour nombre de nos concitoyens, l’assurance maladie est synonyme de sécurité sociale. Est-ce pour cette raison, madame la ministre, qu’il fallait absolument afficher une amélioration du solde de cette branche ?
La commission des affaires sociales s’est opposée au transfert des réserves du FSV : ce fonds est perdant dans les compensations interbranches et se trouve de surcroît privé d’une partie de ses recettes, alors qu’il concentre le déficit le plus important. Autrement dit, cette opération ne fait que déplacer le déficit d’une branche à l’autre au bénéfice de l’assurance maladie, sans effet sur le solde global. Je me devais d’en faire démonstration.
C’est pourquoi la commission des affaires sociales a rejeté les différents tableaux d’équilibre, qui reflètent tous une même priorité : afficher un redressement de l’assurance maladie qui n’est malheureusement pas encore au rendez-vous.
Malgré une tendance à l’amélioration, que nous ne contestons pas, force est de reconnaître que les déficits persistent, et nous avons des raisons de penser qu’ils persisteront à l’avenir, si des réformes de fond ne sont pas mises en œuvre. Madame la ministre, vous avez amorcé certaines de ces réformes, et nous vous avons d’ailleurs soutenue pour les voter ; en revanche, d’autres sont inabouties ou, il faut le dire, inexistantes, malgré un consensus sur leur nécessité. À cet égard, nous vous proposerons, via un amendement, de mettre en chantier une réforme que nous réclamons depuis plus de deux ans : la réforme de l’évaluation du médicament.
La première des nécessités pour l’assurance maladie est d’assurer la sincérité de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM. Or la Cour des comptes a insisté à plusieurs reprises sur le fait que les méthodes de construction de cet objectif sont imparfaites, si bien qu’il ne permet pas un pilotage des dépenses à l’équilibre. D’ailleurs, si l’on rétablit les modes de calcul précédents, c’est à 2,5 % que s’élève l’augmentation de l’objectif de dépenses pour 2017. Nous sommes bien loin du chiffre de 1,75 %, présenté, je le rappelle, dans la programmation pluriannuelle.
Malgré cette augmentation particulièrement importante, l’ONDAM recouvre encore moins que les années précédentes les dépenses d’assurance maladie. Ainsi, madame la ministre, le fonds de financement de l’innovation pharmaceutique, dont vous avez parlé tout à l’heure, consiste essentiellement à faire sortir de l’ONDAM le financement des médicaments, à hauteur de 876 millions d’euros, dont 220 millions pour 2017. Nous ne pouvons y souscrire et nous y reviendrons durant les débats.
Par ailleurs, le Gouvernement se trouve contraint de minorer les dépenses et fait pour cela appel à des ressources ponctuelles, quitte à remettre en cause la cohérence des politiques suivies. Ainsi, vous avez à plusieurs reprises insisté sur la nécessité d’un pacte de confiance avec l’hôpital – nous sommes d’accord –, et vous avez annoncé des revalorisations salariales pour certaines catégories de personnel, ainsi qu’un renforcement de l’attractivité des carrières.
Or, dans le même temps, vous prélevez quelque 300 millions d’euros sur le fonds qui doit permettre de financer les formations, donc les évolutions de carrière du personnel ! Nous proposerons un amendement à ce sujet.
Enfin, vous intervenez dans les négociations conventionnelles en cours avec certaines professions de santé. Pourtant, en vertu de la loi de modernisation de notre système de santé, que nous avons votée, le Gouvernement fixe les axes des négociations conventionnelles, mais il ne saurait peser sur les négociations en cours pour faire prévaloir la position d’une des parties.
Si l’on veut que le cadre conventionnel devienne celui d’une responsabilité partagée de la dépense sociale, comme nous l’avons maintes et maintes fois souligné en commission, il faut que les règles soient consensuelles et connues avant la négociation. La commission des affaires sociales a donc déposé des amendements de suppression de ces articles.
Comme chaque année, le PLFSS comporte aussi des dispositions techniques qui n’appellent pas de commentaires de la commission des affaires sociales. Nous avons également fait le choix de soutenir les mesures de santé publique que vous nous proposez, le plus souvent sous la forme d’expérimentations. L’important est que celles-ci soient évaluées et qu’elles permettent une meilleure prise en charge de nos concitoyens.
Il faut en outre entendre les inquiétudes légitimes qui s’expriment sur les déserts médicaux. La nouvelle convention médicale comporte des mesures en ce sens, et plusieurs dispositions du PLFSS s’y rapportent. Nous discuterons de propositions, issues de plusieurs groupes, qui veulent aller plus loin. Je suis pour ma part convaincu qu’il faut trouver des solutions durables et concertées. Une évaluation de tous les dispositifs aujourd’hui mis en place dans les départements, avec plus ou moins de bonheur, serait la bienvenue.
Madame la ministre, il reste des réformes à faire. Le solde de l’assurance maladie en témoigne, s’il en était besoin.
En témoigne également le débat nourri qui s’est instauré à l’Assemblée nationale sur l’une des mesures du projet de loi, à savoir l’article 10, qui tend à une meilleure effectivité des prélèvements sur les revenus tirés des plateformes collaboratives. Il ne fait pas de doute que ces prélèvements sont dus, comme sur tous les revenus, quels qu’ils soient. Pour autant, appliquer ces prélèvements à des personnes qui, jusqu’à présent, pour des raisons techniques, avaient pu s’y soustraire semble insupportable pour certains de nos collègues siégeant sur différentes travées, alors même qu’ils sont bien inférieurs à ceux subis par l’emploi salarié. Nous aurons bien évidemment à en débattre.
Madame la ministre, notre sécurité sociale, parce qu’elle est coûteuse, complexe, et parfois inéquitable, n’est aujourd’hui pas toujours acceptée et soutenue par nos concitoyens, qui, pour certains, cherchent à s’en échapper. Pour qu’elle reste un patrimoine commun, l’expression d’une solidarité, qui ne se dément pas depuis des décennies et qui fait partie intégrante de notre identité, notre protection sociale doit évoluer.
Elle doit évoluer pour faire face à de nouveaux défis, comme l’innovation en matière de traitements ou de médicaments ; elle doit évoluer vers plus d’équité, notamment en ce qui concerne les retraites, pour une meilleure acceptation des prélèvements et des règles. Elle doit enfin se moderniser, tout simplement, pour préserver l’esprit de solidarité, qui est constitutif de notre identité républicaine et de notre modèle social. Madame la ministre, soyez assurée que nous partageons tous ici cette exigence. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je devrais selon toute logique saluer les mesures de ce PLFSS relatives au secteur médico-social, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur.
Quel rapporteur n’accueillerait pas avec satisfaction l’annonce d’un ONDAM médico-social en hausse de 2,2 % et la promesse de 590 millions d’euros de mesures supplémentaires à destination des personnes âgées et handicapées ?
J’approuverais ces propositions sans réserve, et vous comprendrez que ce mot n’est pas anodin, si elles n’étaient pas généreusement financées par des ressources dont le Gouvernement sait bien qu’elles seront complètement épuisées d’ici à deux ans.
Vous avez, madame la ministre, assuré nos concitoyens de l’imminence du retour à l’équilibre de l’assurance maladie. Vos propos en introduction de ce débat tendent à le confirmer, mais il aurait été plus exact de les informer que le rythme modéré d’évolution de l’ONDAM, notamment médico-social, n’est en fait dû qu’au recours massif aux réserves de la CNSA pour construire l’objectif global de dépenses, l’OGD, destiné à la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées. Voilà rétablie la vérité !
Ces réserves ont fait, durant les deux derniers exercices budgétaires, l’objet de ponctions régulières et croissantes ; alors que le quinquennat s’achève, elles ont connu une accélération subite : 50 millions d’euros en 2016, auxquels s’ajoutent 50 autres millions dans le PLF 2017 – deux expédients bien modestes pour pallier le problème endémique des finances départementales ; 50 millions d’euros supplémentaires pour les services d’aide à domicile votés par l’Assemblée nationale la semaine dernière ; et, surtout, 230 millions d’euros pour la construction de l’OGD 2017. Un esprit chagrin, madame la ministre, ne manquerait pas d’y voir une intention d’épuiser tous les trésors de guerre avant de passer la main – en tout cas, espérons-le !
Il n’en demeure pas moins que l’épuisement de ces réserves, que l’on anticipe pour 2018, obligera le prochain Gouvernement, s’il veut maintenir le niveau de l’OGD, soit à réévaluer l’ONDAM médico-social, soit à créer une nouvelle contribution de solidarité pour l’autonomie. Contrairement à ce qui ressort du discours actuel, le devoir de solidarité risque de voir son coût progresser à court terme pour nos concitoyens.
Mes chers collègues, je souhaite également vous alerter sur le secteur des personnes handicapées. La politique menée au cours de ce quinquennat n’a certes pas manqué de rapports ambitieux – je pense en particulier au rapport Piveteau sur les ruptures de parcours –, ni d’intentions louables, mais votre bilan en matière de réalisations est indiscutablement trop mince.
Les créations de places dans le secteur du handicap, notamment à destination des adultes, n’ont pas connu le même dynamisme que dans le secteur des personnes âgées.
En cause, la lourdeur des formalités administratives, mais surtout les nombreuses incertitudes que font peser sur les gestionnaires d’établissement les retards que vous avez pris. En effet, la réforme tarifaire tant attendue, qui doit repenser la tarification des établissements en fonction d’une grille bâtie autour des besoins de la personne, prend du retard, et les recommandations de bonne pratique professionnelle dans le domaine de l’autisme, notamment, ne sont toujours pas publiées.
La « réponse accompagnée pour tous » part incontestablement d’une bonne intention, mais nous relevons de très nombreuses inquiétudes quant à sa réalisation.
Vous ne demandez aux maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, madame la ministre, rien de moins que de réviser pour 2018 l’intégralité de leurs procédés d’orientation, tout en réformant une part importante de leur financement dans le PLFSS et en leur annonçant la livraison d’un système d’informations généralisé en 2017. Tout cela sera très compliqué à mettre en place !
Avez-vous idée de la gageure que ces réformes représentent pour des instances de petite taille, surchargées, qui sont des relais nécessaires pour nos concitoyens frappés de handicap ? Les maigres crédits – quelque 23 millions d’euros pour 2017 à partager sur l’ensemble du territoire – dédiés à la mise en œuvre de cette « réponse accompagnée » seront autant de crédits saupoudrés, insusceptibles d’apporter une réponse adaptée à la personne en situation de handicap complexe. Je pense qu’il faut faire preuve d’un peu plus d’humilité, en évitant de susciter des espoirs qui seront vite déçus.
L’article 46 du PLFSS illustre à merveille la cadence forcée que le Gouvernement souhaite imposer à un secteur qui n’est pas encore prêt. La recherche absolue de convergence entre les secteurs « personnes âgées » et « personnes handicapées » est déconnectée des réalités, puisqu’il s’agit d’imposer dans les mêmes termes une généralisation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, alors que les deux secteurs montrent un degré de préparation fort différent.
Les établissements accueillant des personnes handicapées, à la différence des EHPAD, n’ont pas encore bénéficié d’une réforme tarifaire, et le Gouvernement veut tout de même leur appliquer les mêmes virages, notamment en matière de dialogue de gestion. Voilà qui suffit à expliquer l’incertitude importante ressentie aujourd’hui par le secteur, qui entrave, me semble-t-il, son action.
Afin d’adapter ce mouvement nécessaire vers la contractualisation pluriannuelle aux spécificités d’un secteur qu’attendent de nombreuses réformes, la commission des affaires sociales a déposé plusieurs amendements.
Vous voyez, madame la ministre, toutes ces propositions sont véritablement inspirées par les remontées de la base. Il faut en tenir compte. Nous avons auditionné un certain nombre de gestionnaires et de représentants d’associations et de fédérations, mais aussi rencontré des services tarificateurs, qui tous nous ont fait part de leurs difficultés.
La complexité de la réforme applicable aux personnes âgées dès 2017 est particulièrement préoccupante. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé un certain nombre d’amendements, notamment pour retarder l’application des mesures liées à l’activité ou la réaffectation des résultats, en attendant l’application progressive de cette réforme, qui est prévue sur 7 ans. Nous savons que 85 % des établissements seulement seront gagnants, ce qui veut dire que 15 % seront perdants. Évitons donc de leur appliquer une double peine, au travers de modulations qui ne seraient pas compréhensibles.
En ce qui concerne les personnes handicapées, la situation est différente, puisqu’il faut arriver à une globalisation du budget autour des besoins de la personne. En l’espèce, les choses ne sont pas encore mûres. Comme il importe de bâtir des relations de confiance, nous souhaitons que soit prévu dans la loi un dialogue de gestion bien réel.
Enfin, comment ne pas relever le dynamisme insolent des recettes de la CNSA par rapport à celles des départements ? Cela fait rêver… Mes chers collègues, la CNSA est véritablement devenue un tiroir-caisse, que l’on ponctionne régulièrement en fonction des besoins, pour faire en sorte que la présentation des comptes soit équilibrée. À mon sens, la commission a remis les choses dans l’ordre, et ces points seront abordés à l’occasion de notre débat.
Toujours est-il que cette organisation est particulièrement préoccupante. C’est la raison pour laquelle il nous faut, dans un esprit pragmatique, faire en sorte que ces réformes soient davantage acceptables et réalisables sur l’ensemble des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme Caroline Cayeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le retour à l’équilibre de nos comptes sociaux est un objectif partagé. S’agissant de la branche famille, il interviendrait, selon le texte qui nous est soumis, dès 2017.
On serait tenté de s’en réjouir, mais la raison et l’expérience nous invitent à une grande prudence. En effet, l’année dernière, nous exprimions déjà nos doutes quant à la trajectoire d’un déficit se réduisant progressivement, pour disparaître en 2018. Le Gouvernement avait bien tenté de nous donner des assurances, mais force est de constater que notre scepticisme n’était pas infondé, puisque le déficit sera, en 2016, supérieur de 200 millions d’euros aux objectifs fixés par la loi de financement.
Le retour à l’équilibre annoncé pour 2017 ne résulte pas de nouvelles économies, puisque les mesures de ce PLFSS, sur lesquelles je reviendrai, n’auront pas d’impact budgétaire. Il ne saurait pas davantage s’expliquer par une conjoncture économique qui demeure morose, même si la faiblesse de l’inflation et, surtout, la baisse du nombre de naissances ralentissent la progression des dépenses.
Cet équilibre est en réalité artificiel, car il résulte d’un jeu complexe de recettes exceptionnelles, d’effets de périmètre et de redistributions entre les branches des recettes fiscales affectées. Bref, mes chers collègues, vous l’aurez compris, il s’agit plutôt d’un enfumage comptable.
M. Jean Desessard. Oh !
Mme Caroline Cayeux, rapporteur pour la famille. Au-delà de ces considérations sur l’exercice qui s’achève et sur l’année à venir, ce dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat est l’occasion de se pencher sur l’évolution de la politique familiale, spécificité du modèle social français ayant longtemps, et à juste titre, fait notre fierté.
Certes, le déficit de la branche famille, déficit hérité de la crise financière et qui avait atteint son niveau record en 2013, s’est nettement réduit depuis trois ans, mais à quel prix ? Celui d’un matraquage sans précédent imposé aux familles.
La réduction du déficit de la branche résulte surtout de la modulation des allocations familiales décidée, on s’en souvient, dans une improvisation totale, et qui représente, il faut le dire, une économie de 760 millions d’euros par an.
Cette modulation est d’autant plus critiquable qu’elle s’ajoute à l’abaissement du plafond du quotient familial, ponction fiscale de près d’un milliard d’euros par an, dont on avait pourtant assuré qu’il aurait pour contrepartie le maintien de l’universalité des allocations familiales. On sait aujourd’hui que tel n’a pas été le cas.
Enfin, la réforme du congé parental commencera à produire ses effets en 2017. Prévue par la loi de 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, elle était censée atténuer les effets de l’éloignement des mères du marché du travail. Les décrets d’application l’ont détournée de cet objectif, en la réduisant à une mesure d’économie assez cynique : considérant que, dans les faits, les pères ne feront pas valoir leur droit au congé parental, le Gouvernement en espère une économie de 290 millions d’euros en 2017. C’est une logique comptable indéfendable !
Une même logique comptable prévalant sur l’intérêt des familles a inspiré le décalage du versement de la prime à la naissance, économie purement artificielle qui crée de réelles difficultés pour des familles déjà fragiles. Où est donc la justice sociale ?
Au total, et même en tenant compte des revalorisations ponctuelles et ciblées, l’effort supporté par les familles représente près de deux milliards d’euros en 2017. Rendez-vous compte, mes chers collègues, quelque 2 milliards d’euros ponctionnés sur les familles ! C’est toute la politique familiale qui a été saignée à blanc et vidée de sa substance. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Tous ces éléments appellent deux séries d’observations.
Premièrement, si le Gouvernement fait valoir que les mesures prises permettent de renforcer la justice du système, les faits sont là pour le démentir. Les efforts supportés par les familles prétendument aisées et les classes moyennes n’ont que très marginalement bénéficié aux familles modestes, car c’est à une restriction globale des ressources destinées à la politique familiale que nous avons assisté.
Pis, si les familles aisées sont les plus touchées par la modulation des allocations familiales et par l’augmentation déraisonnable de la pression fiscale, les classes moyennes ne sont pas épargnées. Une étude récente de la CNAF sur les mesures adoptées depuis 2013 montre que le nombre des familles perdantes est supérieur à celui des familles gagnantes. Pire encore, cette même étude montre que près d’un quart des familles perdantes se trouve parmi les 40 % les plus pauvres. Où est donc la solidarité ? Quant à la justice sociale, il n’en est plus guère question.
Cela m’amène à ma seconde observation. Telle qu’elle a été construite progressivement depuis 1945, la politique familiale française visait à compenser la charge représentée par l’éducation d’un enfant, selon une logique de redistribution horizontale, la lutte contre la pauvreté s’appuyant sur d’autres outils. Il s’agissait de considérer que la reconnaissance qu’accorde la Nation à chaque enfant ne dépend pas des ressources de ses parents et de faire en sorte que des considérations financières ne brident pas le désir d’enfant des familles.
Or, en concentrant les prestations familiales sur les ménages modestes, les mesures intervenues depuis 2013 détournent la politique familiale de sa vocation universelle.
Au-delà du fait que cette remise en cause d’un principe fondateur de notre modèle social se fasse sans vision d’ensemble, et réponde plutôt à une logique strictement budgétaire, on peut s’inquiéter de l’acceptabilité sociale d’une politique qui tendrait à opposer ceux qui la financent, par l’impôt et par les cotisations, et ceux qui en bénéficient.
M. Henri de Raincourt. C’est vrai !
Mme Caroline Cayeux, rapporteur pour la famille. Parallèlement à ces évolutions, les objectifs de développement des solutions d’accueil du jeune enfant pour la période 2013-2017 seront malheureusement loin d’être atteints.
Après avoir soutenu au cours des deux dernières années que nos inquiétudes étaient exagérées, le Gouvernement en est arrivé cette année à se féliciter d’un taux de réalisation de ses objectifs qui ne dépasse pas 70 % pour l’accueil collectif, tandis que l’accueil individuel et la préscolarisation régressent. Ce retard accumulé est d’autant plus préoccupant que la réforme du congé parental entraînera une augmentation des besoins.
La politique familiale française a souvent été saluée, car elle a longtemps permis à notre pays de connaître une démographie dynamique. Or les signaux adressés ces dernières années aux familles ne sont guère encourageants. Je note ainsi avec inquiétude la baisse du nombre de naissances, que nous observons certes depuis 2010, mais qui s’est accélérée en 2015 et semble se poursuivre en 2016.
Je conclurai néanmoins en saluant certaines mesures figurant dans le volet famille de ce PLFSS.
Le renforcement des missions des caisses d’allocations familiales en matière d’aide au recouvrement des pensions alimentaires impayées, qui s’inscrit dans le prolongement de la généralisation de la garantie contre les impayés de pension alimentaires, adoptée l’année dernière, est une bonne chose, même s’il ne faut pas exagérer sa portée.
S’agissant de l’article 28, qui vise à faciliter la rémunération des salariés du particulier employeur et à simplifier le circuit de paiement du complément de libre choix du mode de garde, les mesures proposées vont également dans le bon sens. Mes chers collègues, la commission vous proposera toutefois de supprimer les dispositions relatives au prélèvement à la source, qui me paraissent prématurées, dans la mesure où le Sénat ne s’est pas encore prononcé sur cette réforme.