Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la secrétaire d’État, j’entends bien votre réponse. Toutefois, je souligne de nouveau que les professionnels et les collectivités concernés souhaitent un assouplissement de la réglementation. Ils sont bien conscients de la nécessité de préserver l’environnement et la biodiversité.
Cet assouplissement passe, selon nous, par la prise en compte des spécificités de chaque littoral. La façade méditerranéenne est ainsi beaucoup plus étroite que la façade atlantique. En outre, plus de la moitié des établissements balnéaires et des concessions de plage se situent sur le littoral méditerranéen. Il me semble que ces éléments justifient une application différenciée du « décret plage » et une adaptation de ses dispositions aux spécificités de chaque commune.
Il faut par ailleurs laisser aux conseils municipaux la possibilité d’apprécier l’opportunité d’autoriser l’ouverture à l’année. Les élus sont responsables et l’on peut leur faire confiance pour trouver des solutions et permettre aux professionnels du secteur du tourisme, particulièrement touchés par les difficultés de la saison 2016, de retrouver des marges de manœuvre, ce qui leur permettra d’investir de nouveau.
politique d’espaces verts de la région île-de-france et villes « carencées » du val-de-marne
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 1471, adressée à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Mme Catherine Procaccia. Ma question porte sur la politique d’espaces verts en Île-de-France, sur les villes du Val-de-Marne qualifiées de « carencées » et sur l’usage de certains produits phytosanitaires.
Selon un rapport de la chambre régionale des comptes publié en juin 2016, vingt-neuf des quarante-sept villes du Val-de-Marne sont considérées comme carencées en espaces verts publics de proximité, comme d’ailleurs quatre-vingts autres villes de la métropole du Grand Paris. Cependant, selon l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France, les chiffres publiés ne sont plus d’actualité.
À la suite des récentes décisions prises par le Gouvernement en matière de logement, comment ces communes situées dans un territoire restreint, très urbanisé et non extensible peuvent-elles concilier la densification du parc de logements sociaux imposée par la loi SRU du 13 décembre 2000, la loi ALUR du 24 mars 2014 et la récente loi « Égalité et citoyenneté » avec les nouvelles normes en matière d’espaces verts ?
Pourriez-vous tout d’abord me fournir, madame la secrétaire d’État, des chiffres actualisés pour les communes du Val-de-Marne, ceux qui ont été publiés semblant inexacts ?
Je profite de cette question pour vous vous interroger sur les produits phytosanitaires de synthèse dont l’usage sera bientôt interdit dans ces espaces publics. La ministre va-t-elle accorder rapidement une dérogation pour que les communes puissent continuer d’utiliser en 2017 les produits phytosanitaires de synthèse propres à sauver les buis menacés par le champignon et la chenille qui les détruisent inexorablement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice, vous avez interrogé Mme Royal, qui, retenue à Marrakech par la COP 22, m’a chargée de vous répondre.
Plébiscités par l’immense majorité des Français, les espaces de nature en ville sont de plus en plus souvent considérés comme des éléments de programmation urbaine, au même titre que la production de logements ou d’équipements publics.
La végétalisation des villes contribue à la préservation des trames verte et bleue et à la protection de la biodiversité. Elle constitue un rempart contre le phénomène d’îlots de chaleur qui se développe avec le réchauffement climatique.
Il est possible de concevoir en Île-de-France des quartiers durables qui concilient densité adaptée, mixité sociale et espaces de nature. La preuve en est que, depuis 2013, dix « écoquartiers » ont été labellisés par l’État dans la région. Ces dix opérations relèvent toutes du renouvellement urbain –rénovation urbaine ou reconversion de friches industrielles. Parmi ces quartiers franciliens exemplaires, quatre ont bénéficié d’un partenariat avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU.
Dans le même temps, la ministre de l’environnement a promu et soutenu en France les communes sans pesticides par le biais du label « Terre saine », qui concilie gestion des espaces verts et protection de la santé et de l’environnement. Ces deux exigences sont donc tout à fait conciliables, au bénéfice de la population.
Par ailleurs, horticulteurs et gestionnaires d’espaces verts et de jardins patrimoniaux constatent en effet, depuis 2008, un dépérissement des plants de buis, victimes de nouveaux agresseurs. Des chercheurs de l’INRA développent, en collaboration avec Plante & Cité, l’Astredhor et Koppert France, des solutions de biocontrôle contre la pyrale du buis, dans le cadre du programme national « SaveBuxus ».
En outre, est prévue la possibilité d’appliquer des traitements dans le cas où les bio-agresseurs figurent sur la liste des organismes nuisibles qui sont des dangers sanitaires de première catégorie ou de deuxième catégorie. Mes services étudient actuellement l’opportunité d’inscrire les bio-agresseurs du buis sur cette liste
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Pour ce qui concerne le buis, vous affirmez que vos services « étudient » la question, mais il y a urgence à agir.
Dans la plupart des communes, on n’utilise déjà plus de produits phytosanitaires, et tous les jardiniers professionnels que j’ai rencontrés espèrent que l’on trouvera une solution de biocontrôle. Néanmoins, il s’agit là de la disparition totale d’une espèce qui appartient au patrimoine français. Accorder des dérogations, ne serait-ce que pour six mois, le temps que les solutions de biocontrôle soient trouvées, est indispensable.
En ce qui concerne les communes carencées, vous n’avez pas apporté de réponse à ma question. J’espère que votre ministère m’enverra la liste à jour que j’ai demandée. Il y a une nuance entre rénover un quartier et créer un nouvel écoquartier : dans une ville déjà très dense, c’est l’espace qui manque. On peut éventuellement assortir la construction d’un immeuble locatif social de la création d’un minuscule jardin, mais si cette opération entraîne la destruction d’un pavillon, où est le bénéfice ? Dans nombre de nos villes, la création d’espaces verts ne peut être que marginale.
avenir du parc de la poudrerie
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Yonnet, auteur de la question n° 1474, adressée à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Mme Évelyne Yonnet. Ma question porte sur l’avenir du parc de la Poudrerie, situé sur les territoires des communes de Sevran, de Villepinte, de Livry-Gargan et de Vaujours, en Seine-Saint-Denis.
Pour information, ce parc est fréquenté par un million de visiteurs par an et s’étend sur 137 hectares. La gestion de ce « poumon vert », dont l’État est propriétaire, est déléguée au conseil départemental par le biais d’une convention prenant fin dans quarante-six jours. Cette gestion comprend notamment le gardiennage et l’entretien, qui représentent un coût annuel de 900 000 euros, dont 450 000 euros jusqu’à présent pris en charge par le conseil régional.
Le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis et les élus locaux ont interpellé à plusieurs reprises, depuis de nombreux mois, les deux autres parties prenantes, à propos notamment des études réalisées sur les risques, pour le public, liés à l’ancienne vocation industrielle du site, des résultats de ces études, du financement de la dépollution, des suites données à l’actuelle convention et de leur calendrier, ainsi que des investissements à entreprendre pour amplifier les activités proposées au sein du parc et accroître la fréquentation, cela à moindre coût.
La dépollution sera certes prise en charge par l’État, propriétaire historique de ce site – cette nouvelle a été accueillie avec soulagement par les acteurs en présence –, mais il reste beaucoup d’incertitudes, voire d’inquiétudes.
Nous souhaitons obtenir, en premier lieu, des précisions sur le calendrier. Le Gouvernement compte-t-il faire en sorte que la nouvelle convention soit prête pour le 31 décembre 2016 ? Le conseil régional vous a-t-il assurée, madame la secrétaire d'État, de sa participation aux négociations dans ces délais ? Si ce n’est pas le cas, entend-il prolonger la convention en vigueur par un avenant d’un an, et non de trois mois, malgré ses demandes, non fondées, d’optimisation de la gestion ?
En second lieu, si l’État participe à la dépollution, envisage-t-il également, au-delà, d’accompagner les collectivités, en participant notamment au financement du projet d’avenir du parc de la Poudrerie, dont le coût est estimé entre 50 millions et 60 millions d’euros sur vingt ans ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice, ce parc est, vous l’avez souligné, une propriété de l’État. Il offre au public une grande diversité d’activités en lien avec l’environnement dans un territoire, la Seine-Saint-Denis, très urbanisé.
Un million de visiteurs le fréquentent chaque année et je suis attachée à ce que les habitants de Sevran, de Livry-Gargan, de Villepinte et de Vaujours puissent continuer à en profiter.
Les services du ministère de l’environnement ont donc engagé des études approfondies sur les risques de pollution qui pourraient résulter du passé industriel du site. Les résultats ont été communiqués aux élus et aux associations locales en mai et juin derniers ; ils sont rassurants et concluent à la compatibilité du site avec son usage actuel.
Néanmoins, quatre secteurs du parc présentent des anomalies, certes faibles, mais nécessitant la réalisation de travaux. Je vous confirme l’engagement pris la semaine dernière devant les élus locaux : le ministère de l’environnement prendra en charge le coût de ces travaux.
La gestion du parc et son ouverture au public font l’objet d’une convention de gestion associant l’État, le conseil départemental de Seine-Saint-Denis et la région d’Île-de-France. Cette convention arrive en effet à échéance le 31 décembre 2016. Les élus, notamment les parlementaires, le président du conseil départemental et les maires des communes, se sont mobilisés pour qu’une solution puisse être trouvée le plus rapidement possible. Je tiens à saluer cette mobilisation, qui a permis le maintien de la vigilance sur cette question.
À la demande de Ségolène Royal et de moi-même, le préfet de la région d’Île-de-France a réuni, le mardi 8 novembre dernier, les services de l’État et l’ensemble des élus et des collectivités concernés afin de définir un cadre pérenne pour l’avenir du parc.
À cette occasion, tant le président du conseil départemental que celui du conseil régional ont réaffirmé leur volonté d’aboutir à un accord pour signer une nouvelle convention avant la fin de l’année et se sont engagés à maintenir leurs financements, ce qui permettra de maintenir l’ouverture du parc au public.
En outre, le préfet de Seine-Saint-Denis a été mandaté pour préparer, avec l’ensemble des acteurs, une convention pluriannuelle de gestion autour d’un projet d’avenir ambitieux pour cet espace naturel. Un accord de long terme, qui inclura de nombreuses propositions d’offres culturelles, de loisirs, d’investissements et de valorisation du parc, est à portée de main : nous resterons pleinement mobilisés pour parvenir à sa conclusion.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Yonnet.
Mme Évelyne Yonnet. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de votre réponse ; toutefois, une question reste en suspens en ce qui concerne la région. Au cours de la réunion que vous avez évoquée et à laquelle j’ai assisté, le directeur de cabinet de Mme Pécresse, qui n’avait pu être présente, hésitait entre une prorogation de trois mois et une prorogation d’un an. J’aurais souhaité vous entendre m’assurer que la convention serait prolongée au moins pour un an. (Mme la secrétaire d’État opine.)
route reliant limoges à poitiers par bellac
Mme la présidente. La parole est à Marie-Françoise Perol-Dumont, auteur de la question n° 1523, adressée à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Ma question porte sur l’aménagement de la route nationale 147, qui relie Limoges à Poitiers via Bellac.
Cette route nationale très fréquentée et particulièrement accidentogène n’a bénéficié durant plusieurs décennies d’aucune amélioration significative, hormis le contournement de Bellac, dont la réalisation a été validée en 1997 sous l’impulsion du gouvernement de Lionel Jospin et qui a effectivement été ouvert à la circulation à la fin de 2007.
La mise au format « deux fois deux voies » de cette transversale majeure est une impérieuse nécessité, tant pour des raisons de sécurité que du point de vue environnemental, économique et de l’aménagement du territoire, singulièrement dans le nouveau contexte régional de la grande Aquitaine.
Des engagements budgétaires significatifs, de l’ordre de 167 millions d’euros, ont, au demeurant, été pris dans le cadre du dernier contrat de plan État-région pour 2015-2020. Le choix de la réalisation d’un premier tronçon partant de Limoges a aussi été validé en septembre 2015.
Au-delà de l’implication de la région aux côtés, bien entendu, de l’État dans le cadre du contrat de plan État-région, le département de Haute-Vienne s’est engagé à assurer une participation financière à la réalisation de cette infrastructure, alors même qu’elle ne relève nullement de son champ de compétences : c’est là un signe majeur de l’importance de cet équipement pour tout un territoire.
Beaucoup trop de tergiversations ont retardé ce dossier, qui est resté, hélas, lettre morte entre 2002 et 2012.
Aussi, madame la secrétaire d’État, je vous demande de me confirmer, au nom de M. le secrétaire d’État chargé des transports, les inscriptions budgétaires de l’État afin que ce nécessaire passage à deux fois deux voies, sur lequel j’ai sans cesse alerté tous les gouvernements successifs au cours des dix dernières années, devienne enfin et rapidement une réalité.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Alain Vidalies, qui n’a pu être présent ce matin.
Vous appelez son attention sur la nécessité d’aménager rapidement et significativement la RN 147, en particulier entre Limoges et Bellac.
Comme vous le rappelez, une enveloppe importante de 67 millions d’euros a pu être inscrite au CPER 2015-2020 de la région Limousin afin de financer, d’une part, le passage à deux fois deux voies d’une première section au nord de Limoges, et, d’autre part, la réalisation d’un créneau de dépassement au-delà.
Je remercie la région et le département de la Haute-Vienne de s’associer à l’État pour le financement de ces opérations, dont les études progressent de façon indépendante.
En ce qui concerne le passage à deux fois deux voies au nord de Limoges, une concertation publique aura lieu de mi-novembre à mi-décembre afin de présenter la variante préférentielle que l’État souhaite soumettre à l’enquête publique. Celle-ci, nécessaire à la déclaration d’utilité publique du projet, est prévue pour la fin 2017. Le début des travaux est ainsi envisagé au début de l’année 2020.
En ce qui concerne le créneau de dépassement, deux emplacements parmi une dizaine possibles ont été repérés. Ils font l’objet d’une comparaison approfondie afin de déterminer l’emplacement préférentiel dans le courant de l’année 2017. Le calendrier de mise en œuvre opérationnelle dépend fortement des procédures qui seront nécessaires à sa réalisation, tant du point de vue de l’environnement que de celui de l’expropriation.
Soyez assurée, madame la sénatrice, que les services du ministère des transports sont pleinement mobilisés sur chacun de ces deux projets et œuvrent à leur concrétisation rapide
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse, mais permettez-moi d’insister sur le point suivant : alors que le dernier comité de suivi réuni par M. le préfet au début du mois de juillet dernier a pris acte des très nombreuses – trop nombreuses – études réalisées au cours des quinze dernières années et qu’il s’est prononcé sur un tracé prioritaire, il est impératif qu’aucune tergiversation ne vienne retarder le premier coup de pioche, que vous avez annoncé pour 2020.
J’entends bien qu’il y a des procédures à respecter, mais ce pays souffre trop d’un amas de procédures qui retardent des dossiers aussi essentiels que celui-ci.
dotations pour l’aide juridictionnelle
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Bouchet, auteur de la question n° 1453, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gilbert Bouchet. Ma question porte sur les difficultés financières rencontrées par l’ordre des avocats au barreau de Valence, dans le département de la Drôme, du fait d’un manque de rigueur de l’État dans le respect de ses obligations de financement, notamment en ce qui concerne l’aide juridictionnelle.
Ce manque de rigueur se constate en premier lieu dans le versement des dotations. Ce dernier a souvent du retard : par exemple, si l’on considère l’année écoulée, dès le mois de janvier dernier, l’ordre des avocats au barreau de Valence n’avait plus de crédits pour assurer l’aide juridictionnelle au titre du premier trimestre de 2016.
Ce manque de rigueur se traduit également dans le calcul du montant attribué. Chaque année, la dotation est calculée en fonction de l’année précédente ; pour l’ordre des avocats au barreau de Valence, cette somme s’élevait à 2,4 millions d’euros et devait être versée en trois fois. Or le premier tiers versé a été inférieur de moitié à celui de l’an passé, ce qui a entraîné d’énormes difficultés de gestion puisque, dès le début de l’année, il ne restait qu’une somme modique à l’ordre des avocats pour régler les missions de l’aide juridictionnelle en cours. Ainsi, au 1er mai dernier, l’ordre se trouvait en cessation de paiement.
La situation est identique pour le paiement des diligences de gardes à vue, pour lesquelles, au mois de mai dernier, on comptabilisait seulement 12 euros, ce qui ne permettait plus au barreau de régler les missions des avocats intervenus pour assister les personnes placées en garde à vue.
Certes, madame la secrétaire d’État, le versement d’une seconde dotation est intervenu ensuite, mais cette absence de régularité, tant dans le montant versé que dans la périodicité, nuit au bon fonctionnement de la justice.
Par ailleurs, au-delà des retards dans le versement de ces dotations, se pose le problème du montant réglé pour cette mission. À titre de comparaison, alors que le montant moyen versé à l’avocat s’élève à 350 euros en France, il atteint 1 450 euros en Irlande. Il faut convenir que ce montant reste faible, même si une augmentation de 1 % à 1,5 % est théoriquement prévue. Ajoutons que la régularité du versement ne sera pas davantage assurée…
Cette situation est cause de difficultés importantes pour beaucoup de cabinets car, comme vous le savez peut-être, dans la Drôme, le chiffre d’affaires de certains d’entre eux résulte à 80 % de l’exercice de cette mission.
Le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Valence m’a fait part de ses inquiétudes, eu égard notamment aux problèmes financiers rencontrés par les cabinets d’avocats de son ressort. Pour la première fois, un cabinet a été placé en liquidation judiciaire, après trente ans d’exercice de la profession ; trois autres cabinets se trouvent actuellement en redressement judiciaire. La gravité de la situation est telle que, à l’échelon national, un numéro vert a été créé pour assurer une écoute aux avocats en difficulté.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous expliquer ces retards et le manque de régularité dans le versement des dotations, qui mettent en difficulté bon nombre de barreaux de province, dont celui de Valence ? Surtout, que proposez-vous pour y remédier, afin que le tribunal de cette ville puisse continuer d’assurer sa mission, à savoir rendre une justice efficace et de qualité, et que les avocats puissent continuer à exercer leur profession ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, la loi du 10 juillet 1991 a dévolu aux 164 barreaux la gestion des fonds versés par l’État pour rétribuer les avocats réalisant des missions d’aide juridictionnelle ou relatives à d’autres types d’intervention, par exemple l’assistance des personnes gardées à vue.
À cet effet, le service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes du ministère de la justice attribue à chaque barreau une dotation annuelle permettant la rétribution des avocats.
Cette dotation est allouée, en plusieurs versements, à la caisse des règlements pécuniaires des avocats, la CARPA, placée près du barreau, qui assure le règlement des rétributions dues aux avocats prêtant leur concours aux bénéficiaires de l’aide juridictionnelle.
L’État suit attentivement la trésorerie des CARPA. Au vu des données communiquées par l’Union nationale des CARPA, la CARPA de Valence disposait, au 1er mai 2016, de 190 639 euros pour rétribuer les avocats du barreau, somme équivalant à 31 jours de dépense moyenne en 2015. Le 6 mai 2016, l’État lui a versé 1 183 000 euros, soit l’équivalent de 194 jours supplémentaires, et a assuré ainsi une trésorerie de 220 jours environ.
Monsieur le sénateur, soyez assuré que le Gouvernement a le souci constant du bon fonctionnement de nos juridictions.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Bouchet.
M. Gilbert Bouchet. J’entends bien votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais je vous signale que, depuis le 7 novembre dernier, l’ordre des avocats ne peut plus régler les missions des avocats qui assistent les détenus, les fonds étant épuisés.
situation des prisons en france
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, auteur de la question n° 1509, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Marie Bockel. Madame la secrétaire d’État, j’attire à nouveau l’attention du garde des sceaux, par votre intermédiaire, sur la situation des prisons en France.
Avec plus de 69 000 personnes incarcérées pour quelque 58 000 places, le nombre de détenus dans nos prisons a atteint en juillet dernier un triste et nouveau record. Les prisons françaises n’ont jamais été aussi peuplées. Dans certaines prisons, le taux d’occupation dépasse 200 %. Certains détenus vivent à trois ou quatre par cellule et sont désœuvrés.
Les conséquences de cette surpopulation sont bien connues : tensions et violences entre détenus et envers les surveillants, épuisement du personnel administratif, diminution des activités, moindre disponibilité des conseillers d’insertion, risques accrus de radicalisation et de récidive, enfin abandon de l’un des objectifs premiers de la détention, à savoir la préparation de la réinsertion.
Si l’annonce, le 25 octobre dernier, de la fin des unités de déradicalisation en prison et de la création de six quartiers d’évaluation de la radicalisation mérite d’être saluée, le plan de cinquante-cinq mesures annoncé le même jour par le garde des Sceaux et axé sur la construction de places de prison est nécessaire, mais non suffisant.
En effet, les fonds budgétaires figurant dans ce plan sont essentiellement affectés à la construction de places. Or le délai de construction d’une prison est de dix ans en moyenne. Il me semble donc essentiel de développer les options alternatives à l’enfermement.
Ainsi, j’avais déjà émis en avril 2010, lorsque j’étais secrétaire d’État à la justice, des propositions en vue de la mise en place d’un régime ouvert de détention dans le champ pénitentiaire français.
Le dispositif de « prison ouverte » ou de « prison sans barreaux » amorcé après la Seconde Guerre mondiale avec la création de l’établissement de Casabianda, en Corse, représente une réponse concrète en vue de l’humanisation des prisons et de la facilitation de la réinsertion. Cet établissement reste, encore aujourd’hui, le seul en France d’un type qui s’est beaucoup développé ailleurs. La France se situe en bas de l’échelle européenne sur ce plan. Dans la plupart des pays qui nous entourent, entre 8 % et 30 % des personnes incarcérées purgent leur peine dans de telles prisons.
Or les résultats sont probants : le coût des infrastructures et de la détention est moindre, le taux de récidive est très bas et celui de réinsertion est élevé, grâce notamment à l’occupation systématique des détenus à des travaux de nature agricole ou artisanale.
Je regrette sincèrement que ce dispositif ne suscite pas davantage l’intérêt des gouvernements successifs, de droite comme de gauche, et j’espère que vous allez m’annoncer qu’un travail de réflexion a enfin été engagé sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, comme vous l’avez souligné, notre pays compte actuellement plus de 69 000 personnes détenues, pour une capacité d’accueil de 58 311 places.
Cette situation particulièrement problématique est l’objet d’une constante attention de la part du Gouvernement.
Le 6 octobre dernier, un plan très ambitieux de construction de nouveaux établissements – trente-deux maisons d’arrêt et un centre pénitentiaire – a été lancé. Quarante préfets ont été missionnés pour effectuer une recherche foncière dans leur département. Le résultat de cette recherche sera connu au mois de décembre prochain. Avec ce plan, le Gouvernement entend résorber de manière significative la surpopulation carcérale, particulièrement dans les maisons d’arrêt.
Mais, comme vous l’avez rappelé, la construction de nouvelles places en détention ne doit pas être la seule réponse à la surpopulation carcérale.
C’est pourquoi sont également prévus des programmes d’aménagement et de réalisation de quartiers de préparation à la sortie, une meilleure exploitation des places inoccupées en établissements pour peine, notamment par l’accélération de la procédure d’orientation et d’affectation des personnes détenues, mais aussi la mise en œuvre d’une politique pénale conjuguant le développement des peines alternatives à l’incarcération et une politique active d’aménagement des peines.
À ce titre, le développement de la contrainte pénale, que vous avez évoquée, participe également de la lutte contre la surpopulation carcérale.
Le Gouvernement a remis au Parlement, le 21 octobre dernier, un rapport sur l’application de la loi de 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.
Depuis l’entrée en vigueur de celle-ci, 2 287 mesures de contrainte pénale ont été prononcées. Seulement 15,3 % des personnes condamnées à cette peine ont été à nouveau écrouées durant son exécution. Cela montre que cette solution alternative à l’emprisonnement est efficace et qu’elle doit être promue.
Par ailleurs, grâce à cette loi, ce sont aussi de nouvelles méthodes de travail qui ont été mises en œuvre par les professionnels, afin d’améliorer la prise en charge des personnes placées sous main de justice.
En outre, 930 personnels ont été recrutés pour assurer une prise en charge pluridisciplinaire et, surtout, adaptée à la situation et à la personnalité des personnes condamnées.
Au-delà de la contrainte pénale, la libération sous contrainte vise à éviter les sorties « sèches » de détention et favorise un retour progressif à la liberté, via les aménagements de peine. Elle permet donc d’anticiper et de mieux préparer les sorties de prison, quelques mois avant la fin de la peine.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, de nombreuses alternatives à l’emprisonnement sont à la disposition de l’autorité judiciaire afin de permettre aux personnes condamnées de préparer au mieux leur réinsertion dans la société et de prévenir la récidive.