M. Hubert Falco. Bien sûr !
M. Dominique de Legge. En un mot, il s’agit d’une loi de recentralisation, aux antipodes des affirmations de décentralisation et de simplification.
Finalement, ce projet de loi constitue à lui seul le résumé d’un quinquennat pour rien, placé sous le signe des contradictions, où le verbiage l’emporte sur le pragmatisme.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Dominique de Legge. Sans doute ce texte n’a-t-il pas d’autre objet, après le pathétique feuilleton de la loi El Khomri, qui a cruellement mis en lumière les divisions profondes de la majorité à l’Assemblée nationale, que de chercher à rassembler ce qui reste de la majorité et de séduire un électorat qui déserte.
Je veux rendre hommage au travail de la commission spéciale, qui s’est efforcée de donner un cadre juridique à ce texte relevant plus du déclamatoire que du législatif.
Je salue tout particulièrement le travail de nos deux rapporteurs. Je remercie Françoise Gatel d’avoir rectifié ou supprimé plusieurs articles pour rendre plus digeste ce concours Lépine des idées généreuses et inapplicables. Je remercie également Dominique Estrosi Sassone, qui s’est attaquée au volet du « logement social » avec son expérience de terrain, tentant d’introduire du bon sens et du pragmatisme dans le dispositif proposé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour un rappel au règlement.
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement d’une extrême gravité. En effet, ce qui s’est produit au sein de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté » n’est pas à la hauteur du Sénat et ne correspond pas au travail de notre assemblée.
La commission spéciale a envoyé dans l’hémicycle un texte tronqué. Elle a sanctionné ce projet de loi par des arguties juridiques qui témoignent, selon moi, d’une volonté politique : empêcher de mettre un certain nombre de sujets sur la table. C’est la première fois, au Sénat de la République française, que nous assistons à cela !
Nous pouvons tous comprendre la présence de cavaliers législatifs, sous tous les gouvernements, dans toutes les majorités et dans toutes les oppositions. Mais quand, au titre de l’article 41 de la Constitution, plus d’une dizaine d’amendements de notre groupe sont supprimés et que sept amendements sont rejetés au titre de l’article 45 de la Constitution, nous nous posons des questions !
La semaine dernière, lorsque la commission spéciale a rejeté l’amendement du Gouvernement visant à créer un délit d’entrave numérique à l’IVG, vous avez invoqué, madame Gatel, la figure de Simone Veil, dont chacun s’accorde à reconnaître l’importance du combat. Or je suis au regret de vous rappeler que, à l’époque de Simone Veil, internet et le numérique n’existaient pas ! Le choix politique que vous avez opéré la semaine dernière, alors que cet amendement était en totale conformité avec le texte sur l’égalité réelle entre les femmes est les hommes, est-il une argutie juridique ou vise-t-il simplement à masquer vos divisions sur l’IVG ?
Par ailleurs, madame la rapporteur, vous avez déposé un amendement, qui a été accepté par la commission spéciale, sur la dégressivité des indemnités pour les fonctionnaires momentanément privés d’emploi. Cet amendement n’a absolument rien à voir avec le texte, mais il a été accepté, tout simplement parce que vous voulez, une nouvelle fois, montrer du doigt les fonctionnaires et vous en servir comme boucs émissaires !
Nous contestons très fermement votre interprétation de la Constitution, dans laquelle, il est vrai, l’un de vos leaders ne voit qu’un bout de papier… Je rappelle que, aux termes de l’article 45, « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Censure ? Arbitraire ? Turpitude ? Bonne foi ? Notre groupe hésite encore, monsieur le président, pour qualifier l’attitude de votre majorité.
Je m’adresse donc au président du Sénat, pour l’alerter très solennellement.
Monsieur le président du Sénat, vous êtes le garant du respect de l’équité. Nous vous avons accompagné dans la réforme du règlement du Sénat. Nous soutenons votre volonté d’être plus efficace et de passer moins de temps sur les textes. Néanmoins, ce travail de clarification ne peut devenir un prétexte, dans le contexte préélectoral que nous connaissons tous, à une nouvelle forme d’interprétation arbitraire, qui pourrait s’apparenter à de la censure.
Monsieur le président du Sénat, je vous demande donc instamment, au nom du groupe socialiste et républicain, d’examiner ce qu’il en est réellement de ces amendements.
Nous en discuterons tout au long de l’examen du présent texte, mais nous ne pourrons pas continuer de travailler avec une majorité sénatoriale qui supprime des amendements déposés en commission, dont nous ne pourrons donc pas discuter en séance. Il y va de la bonne tenue de nos débats pour la suite et la fin de cette session parlementaire. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. Monsieur Guillaume, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
À la demande du président du Sénat, je voudrais vous faire la réponse suivante.
La commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté a déclaré irrecevables, ou saisi le président du Sénat pour ce faire, plusieurs amendements au titre des articles 40, 41 et 45 de la Constitution.
Le droit d’amendement est un droit fondamental, qui doit s’exercer dans les conditions fixées par la Constitution.
Nous avons tous constaté, ces dernières années, une hausse continue du nombre d’amendements – jusqu’à 10 000 lors d’une précédente session –, ce qui pèse sur l’organisation de notre temps parlementaire et crée de l’inflation législative.
Le projet de loi que nous allons examiner est passé à l’Assemblée nationale de 41 à 217 articles. Il a donc connu un quintuplement du nombre de ses articles !
M. Charles Revet. C’est fou !
M. le président. Conformément aux recommandations du groupe de réflexion sur les méthodes de travail, le bureau du Sénat et la conférence des présidents ont préconisé, le 11 mars 2015, que les irrecevabilités constitutionnelles soient mises en œuvre dans le respect du droit d’amendement, qu’il s’agisse des articles 40, 41 ou 45 de la Constitution.
À nous de faire confiance au travail des commissions, en l’espèce celui de notre commission spéciale et de ses deux rapporteurs, sous la conduite de son président, Jean-Claude Lenoir.
Il y va de la qualité de notre travail comme de la clarté et de la sincérité de nos débats, qui constituent notre préoccupation commune.
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Je voudrais en premier lieu, au terme des interventions des sénateurs dans la discussion générale, remercier l’ensemble des membres de la commission spéciale qui ont travaillé sur ce texte. J’avais averti les candidats à cette fonction que ce travail serait mené pendant l’été, entre les deux sessions extraordinaires. Cela a été le cas. Je remercie donc les commissaires de la majorité comme ceux de l’opposition sénatoriale de leur assiduité.
Même si nous ne sommes pas tous d’accord sur le texte adopté par la commission spéciale, il faut reconnaître qu’il a fait l’objet de contributions particulièrement éclairées et intelligentes.
Un grand merci aux deux rapporteurs, Dominique Estrosi Sassone et Françoise Gatel : en plus des réunions de la commission spéciale, elles ont procédé à un très grand nombre d’auditions, dont la liste figure dans le rapport qui vous a été remis, mes chers collègues. Je ne mesurerai pas la qualité du travail à l’épaisseur de ce document, mais vous pourrez constater qu’un travail considérable a été produit.
Bien sûr, j’associe à mes remerciements les fonctionnaires du Sénat, qui nous ont apporté leur concours, particulièrement bienvenu.
J’en viens, en second lieu, au rappel au règlement fait à l’instant par Didier Guillaume, qui porte sur un point particulièrement sensible, dont nous avons beaucoup parlé pendant nos réunions : l’usage fait des articles de la Constitution permettant de déclarer irrecevable un amendement.
Chacun connaît les rigueurs de l’article 40. L’article 41 est régulièrement invoqué, même si c’est au président du Sénat qu’il revient de se prononcer.
C’était en revanche à la commission spéciale de se prononcer, sur proposition des rapporteurs, sur l’irrecevabilité de certains amendements au titre de l’article 45. Vous avez rappelé son texte, mon cher collègue : « Tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Par effet de miroir, si l’amendement n’a aucun lien, direct ou indirect, avec le texte, il est déclaré irrecevable.
Le président du Sénat – il en a l’autorité – a apporté à votre intervention les réponses appropriées. J’entrerai seulement un peu plus dans le détail.
La commission spéciale a dû se prononcer sur plusieurs amendements qui véhiculaient des dispositions déjà inscrites dans des textes actuellement en cours de discussion à l’Assemblée nationale ou au Sénat. C’est une forme de cabotage législatif, qui permettrait de faire son marché dans un texte ou dans un autre !
Disons-le, le présent projet de loi est l’un des derniers textes majeurs de cette mandature. C’est l’occasion rêvée de faire passer des dispositions plus rapidement qu’à travers un texte actuellement en discussion. Toutefois, cela n’est pas possible !
Nous avons examiné ces amendements avec beaucoup de rigueur et en toute impartialité.
L’exemple cité par Didier Guillaume n’est pas pertinent : l’amendement déposé par Catherine Di Folco visait la fonction publique. Or le chapitre III du titre III du présent texte a trait aux « dispositions relatives à la fonction publique ».
M. Didier Guillaume. Il ne porte pas sur les femmes !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. J’ajoute que – Didier Guillaume l’ignore sûrement – Catherine Di Folco a travaillé en lien avec Annick Girardin pour que son amendement puisse être adopté.
M. Didier Guillaume. J’ai fait un rappel au règlement à destination du président du Sénat ; je n’ai pas demandé l’avis de la commission spéciale !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Enfin, plusieurs amendements auxquels je tenais sont également passés à la trappe en raison de l’application stricte de l’article 45 de la Constitution, preuve de l’impartialité totale de la commission spéciale. J’en appelle à ses membres pour témoigner du fait qu’il n’y a pas eu deux poids, deux mesures.
Travailler dans la rigueur est indispensable pour contrer l’inflation législative décrite dans sa réponse par le président du Sénat. Mes chers collègues, passons désormais à l’examen du texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Christian Cambon. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
8
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le canal 13, ainsi que sur le site internet du Sénat.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
Mes chers collègues, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges le respect des uns et des autres.
présence territoriale de la poste
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour le groupe CRC.
Mme Marie-France Beaufils. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
Restructurations en cascade, fermetures de bureaux, réduction des horaires d’ouverture, suppressions d’emplois, recours massif aux automates… Nous assistons à une accélération de la réduction du réseau postal, et cela en tout point du territoire.
M. Jean-François Husson. C’est vrai !
Mme Marie-France Beaufils. Cette offensive se traduit aussi par la précarisation de l’emploi et par des techniques managériales fragilisant les personnels.
Nous n’évoquerons pas le cas de cette employée dont l’accident vasculaire cérébral fut ignoré par sa direction, ni la mise à pied du collègue qui lui a porté secours…
La Poste a bénéficié en 2015 de plus de 350 millions d’euros de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ce « levier pour l’emploi », si l’on en croit le Gouvernement. Cela n’a pas empêché la suppression de 7 200 postes en 2015 !
Le service universel de la distribution du courrier, l’accessibilité bancaire, la présence postale sur l’ensemble du territoire sont des missions fondamentales de La Poste, dans un contexte marqué par l’explosion de la pauvreté, la permanence des besoins de proximité et l’exigence de qualité de service pour tous, habitants comme acteurs économiques.
Pourtant, ces missions de service public sont aujourd’hui directement menacées par des logiques de rentabilité financière de court terme. En effet, au nom de l’adaptation du réseau aux contraintes économiques, la fermeture de très nombreux bureaux de poste s’accélère dans le monde rural et concerne maintenant les villes.
La Poste passerait ainsi d’un réseau où les bureaux de poste étaient largement majoritaires à un réseau tout à fait dominé par les partenariats, où leur nombre serait en forte régression.
Monsieur le ministre, alors que le contrat de présence postale territoriale pour les trois ans à venir est en cours de discussion, que va faire l’État actionnaire pour mettre un terme à la fermeture de ces bureaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Madame la sénatrice, vous avez raison : la présence postale est indispensable à une politique harmonieuse d’aménagement du territoire. C’est l’un des services publics les plus importants pour les Français, même si le statut de La Poste a évolué.
Je suis bien naturellement aux premières loges pour mener le combat en faveur de la présence postale sur le territoire.
Le contrat de présence postale territoriale pour les années 2014 à 2016 arrive effectivement à son terme. Nous préparons actuellement, vous l’avez dit, celui qui couvrira la période entre 2017 et 2019.
Le fonds de péréquation postale sera maintenu à hauteur de 170 millions d’euros par an. Il permettra de maintenir et de moderniser les 17 000 points de contact existant, pour tenir compte de l’évolution des usages. Il financera également une partie des 500 maisons de services au public qui seront ouvertes, d’ici à la fin de l’année, avec La Poste. Je signale au passage que 250 d’entre elles fonctionnent déjà. Ce faisant, avec La Poste, nous ramenons le service public au plus proche de nos concitoyens.
La Poste a également créé des « facteurs-guichetiers », dans les bureaux dont l’activité n’était plus suffisante, qui exercent les fonctions de facteur le matin et de guichetier l’après-midi, ou inversement.
Comme vous le voyez, madame la sénatrice, le Gouvernement est très impliqué sur ces sujets. Il est déterminé à créer les conditions pour que La Poste soit présente dans les milieux ruraux et les zones fragiles, où elle est indispensable.
J’en parle régulièrement avec son président-directeur général, Philippe Wahl, qui souhaite moderniser son groupe. Je suis très satisfait du nombre de maisons de services au public qui se trouvent dans les locaux de La Poste, car cela garantit la pérennité du service postal dans les territoires. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour la réplique.
Mme Marie-France Beaufils. Le maintien pour les années à venir du fonds de péréquation postale au niveau qui est le sien actuellement montre bien que nous restons dans la même situation. Le Gouvernement n’apporte donc aucune réponse.
Pour ce qui nous concerne, nous nous battrons aux côtés des salariés de La Poste, des élus locaux et des usagers pour le maintien des bureaux menacés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
situation d'alstom
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Martial Bourquin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Mercredi 7 septembre 2016 : annonce brutale, par la direction d’Alstom, de la fermeture du site de Belfort. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. Le Gouvernement le savait !
M. Martial Bourquin. Lundi 12 septembre : le Président de la République fixe l’objectif de maintenir à Belfort les activités ferroviaires d’Alstom.
Un travail intense s’est ensuivi, non seulement pour sauver le site, mais aussi pour préparer son avenir. Ce travail a également permis de mener une réflexion globale, portant sur l’ensemble des sites français d’Alstom.
M. François Grosdidier. Réflexion un peu tardive !
M. Martial Bourquin. Un accord important est intervenu ce matin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Il prévoit d’abord le maintien de la production à Belfort, qui conservera un leadership technologique dans le groupe, avec le TGV du futur ou encore les locomotives de manœuvre hybride ou diesel. Il prévoit également une commande de locomotives.
Surtout, la direction d’Alstom s’engage à investir 30 millions d’euros en France, et plus de 100 millions d’euros pour la recherche et le développement.
Le Gouvernement a pris ses responsabilités, toutes ses responsabilités. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Cambon. Question téléphonée !
M. Martial Bourquin. Sur toutes les travées, nous devrions nous réjouir du maintien du site d’Alstom à Belfort. (Eh oui ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Je trouve vos moqueries indécentes, chers collègues de la majorité sénatoriale : des centaines de salariés et leurs familles attendaient cette nouvelle ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quelle est votre question ?
M. Martial Bourquin. Un article paru dans Les Échos et un autre dans Le Monde font état d’un arrêt brutal de la désindustrialisation en France. On assisterait à un redémarrage de l’industrie. (M. Alain Néri applaudit.) Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous confirmer cette bonne nouvelle ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. J’aimerais que la majorité sénatoriale pose plus régulièrement des questions sérieuses et argumentées, à l’image de celle que nous venons d’entendre. (Exclamations amusées. – M. Jacques Mézard s’esclaffe.)
Monsieur le sénateur, après l’annonce brutale et étonnante dont vous avez fait mention,…
M. François Grosdidier. Vous le saviez !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … le Gouvernement a travaillé avec la direction d’Alstom pour sortir de cette situation, sur la base d’une étude précise des commandes envisageables qui bénéficieraient à Belfort et aux autres sites d’Alstom en France.
Nous avons donc joué pleinement notre rôle. Il y a quelques semaines, il était de bon ton de prétendre que le Gouvernement n’assumait pas ses responsabilités.
M. François Grosdidier. Qu’avait fait M. Macron ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Voilà qu’aujourd'hui on lui reproche de trop intervenir en faveur de grands opérateurs publics, comme la SNCF et la RATP, ou de grandes entreprises comme Alstom !
Grâce à des marges de manœuvre nouvelles, trois pistes ont pu être dessinées – c’était l’attente des employés et l’engagement du Gouvernement – pour maintenir l’emploi et l’activité sur le site de Belfort.
M. Jacques Grosperrin. Il était temps !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Christophe Sirugue a eu l’occasion de les détailler ce matin à Belfort.
Première piste, conforter le leadership technologique et maintenir la production à Belfort. Les activités ferroviaires seront maintenues, y compris pour ce qui est de la production. C’est une solution de long terme. Ce n’est donc pas du « bricolage », contrairement à ce que j’ai pu entendre de la part d’un haut personnage de l’État, qui ne se trouve d’ailleurs pas loin de moi en ce moment même, mais également de la part de Dominique Bussereau, pourtant ancien secrétaire d’État chargé des transports, ou encore de la part de certains membres de la majorité à l’Assemblée nationale, comme Benoît Hamon. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Quand on ne connaît pas bien un dossier, et alors que les engagements pris par le Gouvernement n’ont pas encore été dévoilés, on a au moins la sagesse d’attendre avant de s’exprimer !
M. Roger Karoutchi. La primaire est ouverte !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je dirais même que toutes les primaires sont ouvertes, monsieur le sénateur ! Et ces primaires peuvent encourager des pensées quelque peu caricaturales… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Deuxième piste, faire de Belfort le centre européen de référence de la maintenance des locomotives du groupe Alstom.
Troisième et dernière piste, construire l’avenir du site de Belfort par la diversification et l’investissement. Les mesures ont été rappelées par Martial Bourquin.
Grâce au travail conjoint de l’État et de l’entreprise, nous sommes passés d’un plan de transfert de l’activité à de nouvelles perspectives pour ce site industriel historique, qui est le symbole de la région.
Les commandes annoncées font l’objet d’un débat. Elles sont pourtant doublement pertinentes.
Pour Alstom, d’abord, car elles apportent une réponse au creux de commandes – c’était là l’origine du problème – que devaient connaître, les trois prochaines années, les sites de Belfort et de La Rochelle.
Pour l’État et la SNCF, ensuite. Il s’agit en effet de renouveler des rames ou d’anticiper des commandes des TGV. L’État n’a pas forcé la main d’Alstom, mais il n’a pas non plus laissé faire. Il a joué son rôle.
Parfois, le marché se trompe, et c’est à l’État de jouer son rôle de stratège. Ce n’est pas vrai que pour Alstom. Personne, d’ailleurs, ne posait la question de la légitimité de l’intervention de l’État quand il s’agissait d’acheter des Rafale. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Je signale à cet égard qu’il a fallu attendre l’action de ce gouvernement pour que le Rafale se vende aussi à l’étranger ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) C’est donc une étrange critique qui nous est adressée.
L’État joue également son rôle de stratège avec Renault, PSA – vous connaissez bien la question, monsieur Bourquin, vous qui vous êtes battu pour maintenir les emplois à Sochaux-Montbéliard –, mais aussi DCNS ou encore STX.
Ceux qui, aujourd'hui, prônent une réduction de la dépense publique de plusieurs dizaines de milliards d’euros et qui défendent une vision ultralibérale de l’économie (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), prétendent dans le même temps que le Gouvernement n’assume pas ses responsabilités et se contente de « mesurettes » !
Ces mesures, mesdames, messieurs les sénateurs, ont été construites avec l’entreprise et les acteurs locaux, dont je salue le rôle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
L’État joue son rôle de stratège industriel pour la filière ferroviaire, avec la SNCF et la RATP. Il s’agit bien d’engagements durables. Certains prétendent que nous les prenons parce que l’élection présidentielle approche. (Bien sûr ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Il faut dire qu’il y a souvent des élections dans notre pays…
Si l’on entre dans ce débat, j’aimerais que l’on m’explique une chose : comment peut-on vouloir baisser la dépense publique, diminuer les impôts des plus fortunés et, dans le même temps, soutenir notre défense, notre sécurité intérieure, nos hôpitaux et permettre à l’État de jouer son rôle de stratège industriel ?
Nous avons sauvé le site de Belfort, comme nous nous y étions engagés, le Président de la République et moi-même.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le Premier ministre. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous aurons, monsieur le président, l’occasion de débattre, vous et moi, de ces questions.
M. le président. Didier Guillaume a tout à l'heure appelé à l’équité !
M. Manuel Valls, Premier ministre. En effet, vos propos de ce matin, qualifiant les mesures prises pour sauver le site de Belfort de « bricolage », n’honorent pas l’homme politique que vous êtes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
depakine
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour le groupe UDI-UC.
M. Olivier Cigolotti. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
La Dépakine, médicament antiépileptique, est aujourd'hui au cœur d'un véritable scandale sanitaire. Ses effets tératogènes, qui provoquent des malformations chez le fœtus, sont mentionnés dans de nombreuses études scientifiques, et cela depuis 1982.
Madame la ministre, les attentes des familles victimes du médicament, regroupées au sein de l’Association d’aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anti-convulsivant, l'APESAC, sont fortes.
Elles réclament depuis des mois l'apposition par arrêté d'un pictogramme sur le conditionnement extérieur de la Dépakine et des autres médicaments tératogènes. C'était d'ailleurs le but de la proposition de loi que j'ai déposée le 25 février dernier.
Elles réclament également la mise en œuvre d’un fonds d’indemnisation.
Au début de nos échanges, vous étiez plutôt opposée à l’idée d’un pictogramme. Finalement, et je m’en félicite, vous en acceptez le principe et je crois savoir que les choses évoluent…
Je souhaite tout de même dénoncer le fait que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, ait recours aux laboratoires pour faire son travail d’information portant sur les produits de santé.
Le logo doit être un logo officiel émanant des autorités publiques. Il est en effet capital que la firme pharmaceutique ne puisse pas le modifier au gré de ses envies. Des faits graves de conflits d’intérêts entre l’ANSM et certains laboratoires ont déjà été mis au jour dans le passé. N’oublions pas les missions de cet organisme : autoriser, surveiller, contrôler et informer !
Nous avons la chance de posséder un organisme public, le Centre de référence sur les agents tératogènes, le CRAT, qui dresse la liste de l’ensemble des molécules à risques.
Faire apposer, par arrêté, le logo que les familles réclament sur l’ensemble de ces molécules permet d’éviter des récidives. C’est un geste préventif ! L’État et le laboratoire doivent prendre leurs responsabilités au sein de cette affaire, afin d’indemniser au mieux les familles.
Aussi, madame la ministre, quand comptez-vous prendre les mesures qui s’imposent pour répondre pleinement aux attentes et pour éviter de nouveaux problèmes ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)