M. Albéric de Montgolfier. C’est irréaliste !
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Il pourrait se montrer d’un plus grand optimisme, mais nous avons vu par le passé que ses prévisions ne se réalisaient pas toujours.
M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Depuis 2012, nous présentons un budget réaliste et sérieux (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) et nous respectons notre engagement d’un déficit inférieur à 3 % pour 2017. Ce n’est pas la politique que vous avez menée pendant les dix ans que vous avez passés au pouvoir ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
plan de lutte contre la violence à l'hôpital
M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles, pour le groupe Les Républicains.
M. Bruno Gilles. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Madame la ministre, l’hôpital était il y a quelques années encore un sanctuaire républicain, un lieu d’accueil ouvert aux souffrances et aux détresses humaines. Or, en quelques années, on a vu s’y développer une violence à laquelle les personnels hospitaliers sont quotidiennement confrontés.
En témoigne l’instauration d’un Observatoire national des violences en milieu de santé, l’ONVS, dont le récent rapport fait état de 14 502 atteintes aux personnes et aux biens pour l’année 2014, touchant ainsi plus de 18 000 personnes ! Patients et accompagnants sont hélas à l’origine de l’essentiel de ces actes de violence, généralement liés à leur prise en charge, au temps d’attente, à l’absorption d’alcool ou de stupéfiants.
Un acte de violence intervient en moyenne toutes les 30 minutes, accompagné d’injures, d’insultes et de provocations. Ces actes traduisent la banalisation de la violence, elle-même témoin du délitement des mœurs dans notre pays.
Je tiens tout d’abord à rendre hommage au personnel hospitalier, dont le travail est déjà difficile et qui subit avec sang-froid et dignité cette évolution que vous semblez croire inéluctable.
Madame la ministre, que comptez-vous faire pour mettre un terme à ces dérives inadmissibles ? Ne pensez-vous pas que cette escalade et sa banalisation sont le reflet d’une société minée par la culture de l’excuse ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, personne au sein du Gouvernement ne cherche à banaliser la violence dans les hôpitaux. C’est un sujet de préoccupation quotidien ! J’ai travaillé avec les fédérations et les établissements hospitaliers, jusqu’à ces dernières semaines, à la mise en œuvre d’un plan visant à faire face à la violence qui se manifeste dans les hôpitaux.
À Marseille, en 2013, j’ai lancé un premier plan et j’ai appelé les professionnels de santé victimes de violences à porter plainte. Des ressources financières ont été apportées aux hôpitaux marseillais : un million d’euros ont été débloqués pour leur permettre de s’équiper face à la violence à laquelle les soignants étaient exposés.
Depuis ce déplacement à Marseille, au cours duquel j’ai incité, je le répète, au dépôt de plaintes, quelque 530 conventions ont été signées entre des établissements de santé, la police et la justice. Cet appel au dépôt de plaintes explique d’ailleurs, en partie, l’augmentation des actes enregistrés.
Néanmoins, nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation. J’ai donc annoncé, hier, à la fois le déblocage de moyens financiers et la mise en place de mesures précises.
Tout d’abord, avec le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, nous avons décidé que les hôpitaux les plus exposés seraient désormais intégrés dans les circuits de patrouille mobile Vigipirate et Sentinelle, car, à côté des violences du quotidien, existe aussi le risque de violence terroriste, que nous devons prendre en considération.
Par ailleurs, chaque établissement devra élaborer un plan de sécurité intérieure. Des financements seront apportés progressivement : un plan de 75 millions d’euros sur trois ans sera mis en place à partir de 2017. Ces financements nécessaires bénéficieront, d’abord, aux établissements prioritaires.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous ne nous résignons pas face à la violence : nous dégageons des moyens et nous mettons en place une politique active et volontariste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles, pour la réplique.
M. Bruno Gilles. Madame la ministre, votre plan ne répond bien entendu que partiellement à ma question.
Comme bien souvent, ce gouvernement songe à panser les plaies, mais jamais à soigner les causes. On ne réglera la question qu’avec une réponse globale. Or, aujourd’hui, deux chiffres clefs se contredisent : l’augmentation des actes de violence et la hausse des classements sans suite des plaintes déposées par les hôpitaux.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Bruno Gilles. Vous vous contentez de poser des compresses sur une société que vous contribuez à rendre malade. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation agricole
M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Nelly Tocqueville. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Les agriculteurs traversent des crises successives depuis plusieurs années. Les récentes évolutions du prix du lait et de la viande en sont des témoignages douloureux. Certaines de ces crises sont structurelles et appellent des réponses à long terme, pour faire évoluer notre modèle agricole. D’autres sont plus conjoncturelles ou sanitaires, notamment dues aux conditions climatiques.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous avez reçu les représentants des organisations professionnelles, avec lesquels vous avez évoqué les difficultés rencontrées par un certain nombre d’exploitants, faisant suite, en particulier, aux médiocres moissons de céréales en 2016, comme c’est le cas dans mon département, la Seine-Maritime, ou encore dans le Poitou et le bassin parisien.
Au niveau national, avec 29 millions de tonnes de grain annoncées, cette année sera celle de la plus faible récolte depuis 1986, la baisse atteignant parfois plus de 30 %. Au reste, cela risque fort d’avoir un effet sur nos exportations et, par contrecoup, sur l’activité du Grand port maritime de Rouen, premier port céréalier européen.
À ces difficultés s’ajoute une baisse des prix, du fait des bonnes récoltes enregistrées, sur le plan tant de la qualité que de la quantité, à l’échelle mondiale.
Ainsi, la faiblesse de la production nationale, la qualité médiocre du grain et des prix bas peuvent avoir des conséquences irréversibles pour certaines exploitations, déjà fragilisées, particulièrement celles de polyculture d’élevage, d’autant plus quand elles doivent assumer des remboursements de mise aux normes ou des investissements en matériel.
Enfin, les exploitants s’inquiètent du blocage du dispositif de modulation des aides attribuées au titre de la politique agricole commune, la PAC, notamment pour les 52 premiers hectares.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé ce matin un plan d’aide, volontariste et fort, pour soutenir ces exploitations en difficulté. Ce plan fait suite aux dispositifs européens sur le lait que vous avez obtenus en 2015 et 2016.
Pouvez-vous nous dire quelles sont les actions d’ores et déjà effectives et celles qui seront engagées dans les semaines à venir ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, je vous répondrai avec le calme nécessaire à votre question, elle-même posée avec tout le sérieux qui sied à la situation.
Le plan annoncé vise à atteindre quatre grands objectifs.
Le premier concerne les grandes cultures. Il s’agit de fournir des financements aux exploitations pour relancer la récolte suivante et de leur assurer des aides de trésorerie qui leur permettront de passer ce cap difficile. À ce titre, 1,5 milliard d’euros de garanties bancaires seront offerts par l’État via la Banque publique d’investissement, ou Bpifrance, qui, je le rappelle, a été créée par ce gouvernement, jusqu’à hauteur de 50 %.
Le plan prévoit également des compléments pour rééquilibrer les marchés de l’élevage et du lait – vous avez évoqué ce qui constitue la première maîtrise volontaire de la production à l’échelle européenne depuis la suppression des quotas laitiers. Nous mettrons en place des mesures en faveur de la viande bovine, afin de promouvoir celle-ci, au travers d’aides directes, via le fonds d’allégement des charges, le FAC, et du renouvellement d’un crédit à l’export.
Le plan prévoit encore des exonérations de taxe foncière sur les propriétés non bâties, la TFNB, dans l’ensemble des départements concernés par les divers problèmes que nous avons connus, notamment les inondations. Nous les étendrons aux prairies qui ont été touchées au printemps dernier par des inondations.
Les organisations professionnelles demandent aujourd'hui, à juste titre, la mise en œuvre du plan. C’est l’objet de la négociation sur la fluidité qui a eu lieu avec Bpifrance et les banques, pour que les dossiers soient garantis et traités le plus rapidement possible, à côté des aides de l’État que j’ai évoquées.
Vous avez aussi évoqué la question des exportations. Si celles-ci diminuent, à cause de la baisse de la production, je veux rappeler devant le Sénat que des chiffres publiés par Business France hier font état d’une augmentation de 8,2 % des exportations françaises depuis cinq ans, alors que celles-ci avaient régressé les années précédentes.
Ce constat découle sûrement de la politique qui a pu être conduite pour relancer l’industrie agroalimentaire, ainsi que la capacité de la France à être un grand pays exportateur.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Voilà à quoi va servir le plan que j’ai annoncé, au service des agriculteurs qui connaissent des difficultés dans tous les domaines évoqués. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain ainsi que du RDSE.)
situation budgétaire de la france au niveau européen
M. le président. La parole est à M. Robert Navarro, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Robert Navarro. Ma question s’adresse au Gouvernement et vise aussi les candidats aux différentes primaires.
Cette question naît d’une inquiétude : depuis bientôt cinq ans, le Gouvernement mène, non sans difficultés, une politique de redressement des comptes publics.
Pour ma part, je n’ai jamais fait de la règle d’or des 3 % une condition incontournable. Toutefois, quand notre dette dépasse les 2 000 milliards d’euros et les 100 % du PIB, sans que cette dépense publique fasse de notre pays un paradis, je me dis qu’il y a un problème.
Aussi, en écoutant les promesses de campagne des uns et des autres, je m’inquiète : partout, c’est « dépenses à tout va », et Bruxelles redevient le bouc émissaire.
Je vous le dis très sincèrement, je n’ai pas envie que la France devienne le Royaume-Uni, la Hongrie ou encore la Pologne. Je n’accepte pas que l’on verse sans arrêt dans l’eurobashing ou dans l’euroscepticisme.
L’Europe de ces dernières années est sans doute médiocre, incompréhensible, bureaucratique et pas assez démocratique. Oui, c’est vrai. Cependant, elle reste un modèle jamais surpassé de relations entre États démocratiques, qui permet de grandes avancées.
Aussi, je souhaite que la France réagisse aux votes intervenus ailleurs en Europe. Il y a un besoin urgent d’Europe. Qu’entendez-vous faire pour y répondre ? Quelle relance européenne la France appelle-t-elle de ses vœux, alors que l’accord de Paris va entrer en vigueur ? La voix de la France est attendue.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur, vous avez dit que vous vous adressiez à tous les candidats aux primaires : je précise que, pour ce qui me concerne, je ne suis pas candidate aux primaires ! (Rires. – M. Michel Bouvard applaudit.)
Vous avez exprimé votre inquiétude sur la situation budgétaire de la France au sein de la zone euro. Je rappelle qu’une procédure pour déficit excessif a été engagée à l’encontre notamment de l’Espagne et du Portugal, une nouvelle trajectoire ayant dû être fixée pour ces deux pays. Le déficit de l’Espagne ne reviendra sous les 3 % de PIB qu’en 2018. Au sein de l’Union européenne, cette procédure concerne également la Croatie et le Royaume-Uni. D’autres pays, comme l’Italie, sont aussi dans une situation difficile.
Pour ce qui est de la France, je rappelle que le Gouvernement respecte tous ses engagements depuis 2014 – je vous renvoie aux chiffres que j’ai annoncés tout à l'heure. Il fait même mieux que cela, puisqu’il poursuit dans le même temps une politique en faveur de la croissance et maintient notre système de protection sociale.
Je veux rappeler que notre déficit public s’élevait, en 2012, à quelque 5 % du PIB, quand l’Allemagne était revenue à l’équilibre. Depuis lors, il a été nettement réduit et il repassera sous la barre des 3 % l’année prochaine, pour permettre notamment à la dette publique de se stabiliser, à bonne distance du seuil des 100 % du PIB que vous avez évoqué.
Lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2017, le Gouvernement a ainsi confirmé l’objectif de ramener le déficit public à 2,7 % du PIB. Cet engagement, nous le tiendrons !
Nos résultats passés, reconnus et salués par la Commission européenne, nous confortent dans notre objectif.
M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d'État.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Vous le voyez, nous tenons à la fois nos engagements à l’égard de nos partenaires européens et nos objectifs d’une politique ambitieuse pour la croissance de notre économie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Robert Navarro, pour la réplique.
M. Robert Navarro. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, mais force est de constater que la voix de la France ne porte pas assez, notamment parce que nous ne sommes pas toujours crédibles sur le respect de nos engagements et parce que notre soutien à l’Europe est fragile.
Je pense d’ailleurs que vous devriez prévoir plus d’informations sur l’Europe à la télévision, notamment sur les chaînes du service public, pour nos concitoyens.
Les Français entendent trop souvent n’importe quoi sur l’Europe. Il y a urgence !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le jeudi 13 octobre prochain, à quinze heures, et qu’elles seront retransmises sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
Égalité et citoyenneté
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Mesdames, messieurs les sénateurs, Emmanuelle Cosse et moi-même allons faire une réponse « à deux voix » aux différents intervenants qui se sont exprimés tout à l'heure, de manière relativement équilibrée sur les différentes thématiques du projet de loi.
Tout d'abord, madame la rapporteur Françoise Gatel, je vous remercie de partager les intentions et les ambitions du texte. C’est déjà une bonne base de travail pour nous permettre d’avancer ! Cependant, je dois reconnaître que le reste de votre intervention faisait une part relativement limitée aux compliments…
Je tiens à dire que je considère ce projet de loi, que vous avez notamment qualifié d’« obèse », comme un texte utile : chacune de ses dispositions va changer la vie de nos concitoyens.
Pour votre part, vous avez décidé non pas de le recentrer – c’est pourtant ce que vous avez indiqué –, mais de le démembrer en partie. Je n’en donnerai que quelques exemples : suppression du congé d’engagement, suppression du droit de publication pour les mineurs, suppression de la garantie d’accès aux cantines scolaires, y compris pour les enfants de chômeurs, suppression du droit d’interpellation pour les conseils citoyens. On peut déconstruire, voire détruire, mais c’est à condition de proposer des solutions de rechange !
Pour ce qui concerne les irrecevabilités, je constate que le Sénat s’est, de fait, érigé en juge constitutionnel. Vous avez estimé que le délit d’entrave numérique allait être censuré, mais il aurait fallu, d'abord, débattre du fond ! J’y reviendrai.
Madame Gatel, je veux vous rappeler que, en 2010, la commission des lois du Sénat avait repoussé des amendements au projet de loi relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, certains étant manifestement contraires à l’article 45 de la Constitution, pour reprendre l’article que vous avez longuement utilisé à l’occasion de l’examen en commission du présent texte.
Dans le même temps, la commission des lois avait, à l’époque, sur l’initiative de son rapporteur, fait adopter un amendement censuré par le Conseil constitutionnel, qui le considérait comme un cavalier. Vous voyez bien que vous prenez un risque en vous érigeant en juge constitutionnel en la matière !
Enfin, vous avez exprimé l’indignation que vous inspirait la réponse à l’impossibilité de débattre du délit d’entrave numérique en matière d’IVG que Mme Rossignol et moi-même avons formalisée dans un communiqué de presse. Sachez, madame Gatel, que je suis tout aussi indigné que vous : pour ma part, je n’accepte pas que nous ne puissions pas débattre, dans cet hémicycle, d’un sujet aussi important !
Vous auriez également pu insister également sur le fait que, sans le soutien qu’ont apporté les parlementaires de gauche au texte de Mme Veil en 1974, l’IVG n’existerait pas dans notre pays aujourd'hui. C’est la gauche qui a fait bouger les choses en la matière !
M. Jacques-Bernard Magner. Très bien !
M. Patrick Kanner, ministre. Monsieur Rachline, vous voulez faire briller la civilisation française. Bel objectif ! Permettez-moi de vous inviter à sortir de chez vous : vous constaterez que la France brille déjà à travers le monde. Elle brille grâce aux mots pleins de lumière de Victor Hugo ou de Paul Éluard. Elle brille parce qu’elle est la première à avoir porté des droits qui ne sont pas valables que pour les nationaux, la première à avoir défendu des valeurs universelles.
Je suis fier que notre vision de la société ne soit pas la vôtre et je le revendique.
M. David Rachline. Et réciproquement !
M. Patrick Kanner, ministre. Finalement, vous ne proposez rien. Tout ce que nous savons, c’est que, avec vous, nous avons la promesse du pire ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Monsieur Favier, comment accuser le Gouvernement, contre lequel vous avez eu des mots très forts, de ventiler la pauvreté sans y remédier ? Bien sûr, personne ne nie que beaucoup de nos concitoyens vivent dans des conditions difficiles, mais je rappelle que ce gouvernement vient d’annoncer une nouvelle hausse de 2 % du RSA – portant la hausse à 10 % sur la totalité du quinquennat –, qu’il a créé la prime d’activité, qui bénéficie d'ores et déjà à 4 millions de personnes, et la garantie jeunes pour les jeunes les plus précaires – quelque 200 000 jeunes seront concernés par des mesures de ce type en 2017 –, qu’il agit pour l’insertion sociale et professionnelle de tous, mais aussi pour le pouvoir d’achat. Compte tenu des défis, nous aurions peut-être mérité une approche plus équilibrée de votre part…
J’espère que nous saurons faire preuve d’une bienveillance mutuelle lors de l’examen des amendements. En tout état de cause, les amendements intéressants que votre groupe a déposés mériteront des débats justes.
Mme Laborde a évoqué la priorité accordée à la jeunesse par le Président de la République. Je veux la rassurer : les emplois d’avenir, la garantie jeunes, le service civique, la prime d’activité pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans, mais aussi l’aide à l’embauche pour les PME, dispositifs qui concernent 40 % des jeunes aujourd'hui, témoignent que le Gouvernement, dans un contexte difficile, donne des perspectives et de l’espoir à la jeunesse française. Je vous remercie des propos encourageants que vous avez tenus à ce sujet !
Madame Archimbaud, le nombre de NEET – ces jeunes qui, d’après un sigle anglo-saxon, ont connu un décrochage scolaire, n’ont pas d’emploi et ne sont pas engagés dans un dispositif d’insertion – diminue, grâce à l’action du Gouvernement. Alors que le nombre de décrocheurs s’établissait entre 140 000 et 150 000 par an au début du quinquennat, il se chiffre désormais entre 110 000 et 120 000 – la ministre de l’éducation nationale vous donnerait des chiffres plus précis que je ne saurais le faire.
La garantie jeunes que j’évoquais voilà un instant permet quant à elle de donner des perspectives à des jeunes et de les remobiliser grâce à une action collective portée par les missions locales, que je tiens à saluer.
L’universalisation du service civique constitue un autre élément de réponse. À son sujet, vous avez raison de dire que celle-ci ne pourra être mise en œuvre sans moyens supplémentaires. C'est la raison pour laquelle 96 millions d’euros supplémentaires seront consacrés au service civique en 2017, ce qui fera monter le budget de ce dispositif à 390 millions d’euros.
Bien sûr, nous n’oublions pas que, pour mettre en œuvre la garantie jeunes, il faudra des collaborateurs. Ainsi, 5 agents supplémentaires seront affectés à l’Agence du service civique, quand 50 le seront dans les directions régionales et départementales des services déconcentrés de l’État. Ce signal important devait être souligné.
Monsieur Magner, je vous remercie d’avoir dressé le panorama de la « priorité jeunesse ». Surtout, je remercie les membres du groupe socialiste et républicain, que vous représentez, du travail de rétablissement du texte auquel ils vont s’atteler, compte tenu de la majorité politique qui est celle de la Haute Assemblée.
Ce travail devrait satisfaire Mme Gatel, puisque, sauf erreur de ma part, vous ne cherchez à rétablir que les dispositions essentielles, lourdes, qui doivent passer par la loi. Nous sommes donc en phase avec vous sur ce sujet, madame la rapporteur !
Pour ce qui concerne l’Agence de la langue française, je serai effectivement particulièrement vigilant à ne pas affaiblir ce qui fonctionne aujourd'hui. Je rappelle que 6 millions de nos concitoyens sont aujourd'hui concernés par l’illettrisme. Face à cette situation, nous devons mettre en place une réponse publique plus cohérente. Le rapport de Thierry Lepaon qui a été évoqué sera remis au Premier ministre le 15 octobre au plus tard. Nous disposerons alors de pistes de travail qui, bien sûr, devront être validées par le Parlement.
Vous avez aussi évoqué la question des irrecevabilités, que j’ai déjà évoquée tout à l'heure. Je partage votre étonnement. D'ailleurs, je vous laisse imaginer les réactions qui ne manqueraient pas de se faire jour si le Gouvernement avait recours à cette procédure, comme il en a le droit.
J’y insiste, madame la rapporteur, la position de la commission spéciale empêchera que la sanction du délit d’entrave à l’IVG soit mise en œuvre avant un an et demi. Or le droit d’amendement vise aussi à ce que des mesures puissent être prises rapidement, quand c’est nécessaire au regard de l’évolution de notre société.
Monsieur Dallier, tel un pompier pyromane (Philippe Dallier s’exclame.), vous évoquez l’éducation, la sécurité, la politique de la ville… Toutefois, c’est sous la majorité précédente que les crédits du secteur associatif ont diminué de 100 millions d’euros, que 13 000 postes ont été supprimés dans les forces de sécurité et 80 000 autres dans l’éducation nationale.
Les projets politiques des candidats à la primaire de la droite et du centre sont des projets de classe, de désagrégation sociale, de désunion nationale. Vous avez – c’est votre droit – une vision conservatrice de la société, dont l’évolution progressiste vous a toujours été imposée, car vous êtes incapables de faire la moindre proposition en ce sens. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Les Français auront l’occasion de juger vos propositions dans quelques mois… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur Carle, vous avez souligné ce qui nous sépare, et c’est tant mieux ! Un service de restauration scolaire ne doit opérer aucune différence de traitement selon la situation familiale de l’enfant. Il s’agit d’une question de justice sociale, mais aussi de bon sens. Au risque de vous choquer, un fils de chômeur doit pouvoir aller à la cantine comme les autres !
M. Jean-Claude Carle. Mais il peut y aller !
M. Patrick Kanner, ministre. Les chômeurs cherchent du travail et ont des obligations qui méritent d’être prises en considération. Mais vous avez préféré supprimer la disposition issue des travaux de l’Assemblée nationale.
M. Jean-Claude Carle. Quelle caricature !
M. Patrick Kanner, ministre. Je sais que nous aurons un débat rude sur le régime d’ouverture des écoles, comme à l’Assemblée nationale. Je tiens à vous dire que le Gouvernement veut protéger les enfants d’enseignements contraires aux valeurs de la République. Nous devons nous donner les moyens de prévenir d’éventuels foyers antirépublicains.
Vous avez des solutions, nous en avons d’autres. Nous pensons que les nôtres sont plus efficaces. Je ne vois pas ce qui vous fait peur, sauf à adopter une posture nostalgique, voire idéologique. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je suis heureux qu’existe un clivage entre votre conception de la société et la nôtre. Nous pourrons aussi le constater au travers des propositions assumées par Mme la ministre du logement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Quel tissu de caricatures !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. Tout d'abord, je ne comprends pas le rejet d’un certain nombre d’amendements, notamment d’amendements du Gouvernement, au motif notamment que nous agirions trop vite.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais vous dire les choses très clairement : le Gouvernement agira jusqu’au bout de son mandat.
Ces amendements n’arrivent pas ex nihilo. Ils sont le fruit d’un travail important ; ils ont même parfois été portés par des associations d’élus – je pense notamment au schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire, ou SRADDT. Vous avez fait le choix de ne pas les retenir. Pour ma part, sur la question du logement comme sur tant d’autres, j’agirai jusqu’au bout.
Le rôle du travail parlementaire consiste à permettre ce débat. Je ne comprends pas pourquoi nous ne pouvons discuter de sujets qui ont un lien avec le titre II de ce texte, et je le regrette.
S’agissant des questions liées à la mixité sociale dans les attributions de logements sociaux, j’ai entendu bien de choses. Certains disent que nous mettons en place une nouvelle bureaucratie ingérable. Pour ma part, je veux en revenir au principe, assez simple, selon lequel une attribution de logements sociaux sur quatre doit revenir à des ménages du premier quartile hors politique de la ville.
Est-ce impossible ? Non, cela se fait déjà dans beaucoup de territoires. La question est donc de savoir pourquoi tant de territoires ne le font pas – ce taux est même parfois inférieur à 5 %, voire nul !
Pourquoi est-il si difficile de remettre en cause cette ghettoïsation par l’attribution de logements sociaux ? C’est qu’il s’agit d’un débat gênant, qui met en lumière le fait que nos politiques de la ville ont conduit à une véritable ségrégation, notamment à travers l’attribution des logements sociaux dans certains quartiers. C’est une réalité.
Dans cet hémicycle se trouvent beaucoup d’élus concernés par les quartiers. Tous les jours, ils nous demandent de mettre en place une concertation entre bailleurs, État et réservataires à une autre échelle que celle de la commune, afin de permettre un meilleur dialogue. C’est ce que nous proposons à travers ce texte en partant du principe des 25 %, à l’échelle de l’intercommunalité, et selon un dialogue entre l’intercommunalité et l’État. Ce dernier a d’ailleurs la faculté de tenir compte des spécificités des territoires pour l’application du principe des 25 %.
Ce dispositif nous permet de donner la main aux territoires en matière de logement. En effet, je crois aux politiques territorialisées.
Dire que les choses vont rester en l’état, c’est envoyer un très mauvais signal aux ménages modestes, dont beaucoup souffrent de ségrégation sociale. Ils ne demandent pas à vivre ailleurs, ils veulent davantage de mixité dans les écoles, dans les services publics et dans l’accès aux transports.
Nous avons mis le doigt sur un constat dérangeant : les politiques de la ville n’ont pas su mettre en place la mixité ; au contraire, elles ont contribué à entretenir la ségrégation.
C'est la raison pour laquelle je regrette que vous ayez supprimé la possibilité, pour les élus, de discuter au sein de la conférence intercommunale du logement de l’attractivité de leur territoire. Nous voulions leur permettre d’adopter une approche qualitative dans les attributions de logements sociaux.
M. Dubois reproche à ce texte d’avoir été pensé dans les « bureaux » et de venir « d’en haut ». Or personne ici n’a le monopole du terrain ! Je suis ministre du logement et j’ai une expérience du terrain. Ne nous perdons pas dans de tels procès. Nous essayons tous d’apporter des solutions efficaces et utiles aux problèmes des Français.
Nous avons justement voulu, dans ce titre II, offrir davantage de possibilités aux territoires, à l’échelle intercommunale, en lien avec la loi ALUR, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, et la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, à travers le principe d’une territorialisation des politiques de logement que, malheureusement, vous avez décidé de ne pas retenir.
Françoise Laborde a parfaitement raison : faire droit à la négociation locale, ce n’est pas pour autant acter la libre fixation des objectifs. Je crois très important de le rappeler, dès lors qu’il est question de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.
Aline Archimbaud a parlé d’une remise en cause de la loi SRU, et Jacques-Bernard Magner se demande ce que nous allons répondre au 1,9 million de demandeurs d’un logement social. Tel est bien le sujet aujourd'hui.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vos propositions sur la loi SRU reviennent à balayer le principe posé par ce texte. La loi ALUR a permis de porter la part de logements sociaux de 20 % à 25 % dans certaines communes.