compte rendu intégral

Présidence de Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Secrétaires :

M. Christian Cambon,

M. Claude Haut.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 9 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Article 9

Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (projet n° 610, texte de la commission n° 662, rapport n° 661).

Titre II (suite)

Favoriser une culture du dialogue et de la négociation

Chapitre Ier (suite)

Des règles de négociation plus souples et le renforcement de la loyauté de la négociation

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre Ier du titre II, l’examen de l’article 9.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Articles additionnels après l'article 9

Article 9 (suite)

I A. – Le dernier alinéa des articles L. 2314-11, L. 2314-20, L. 2314-31, L. 2324-13, L. 2324-18 et L. 2327-7 du code du travail est ainsi rédigé :

« La décision de l’autorité administrative peut faire l’objet d’un recours devant le juge judiciaire, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. »

I. – L’article L. 2322-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La décision de l’autorité administrative peut faire l’objet d’un recours devant le juge judiciaire, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. »

II. – Après le troisième alinéa de l’article L. 2232-22 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La commission se prononce sur la validité de l’accord dans un délai de quatre mois à compter de la transmission de celui-ci ; à défaut, l’accord est réputé validé. »

II bis. – Le 1° bis de l’article L. 2323-8 du même code est ainsi modifié :

1° Après le mot : « personnelle », sont insérés les mots : « et familiale » ;

2° Le mot : « respective » est remplacé par le mot : « comparée ».

II ter (nouveau). – Les deux premières phrases de l’article L. 2325-5-1 du même code sont remplacées par deux phrases ainsi rédigées :

« Sauf disposition contraire d’un accord collectif, l’employeur peut recourir à la visioconférence pour réunir le comité d’entreprise. L’employeur réunit le comité au moins deux fois par an sans recourir à la visioconférence. »

III. – L’article L. 2326-5 du même code est complété par un 8° ainsi rédigé :

« 8° Les réunions de la délégation unique du personnel peuvent se dérouler en visioconférence, dans les conditions prévues à l’article L. 2325-5-1, y compris lorsque l’ordre du jour comporte des points relevant uniquement des attributions des délégués du personnel. »

III bis A (nouveau). – Les deux premières phrases de l’article L. 2327-13-1 du même code sont remplacées par deux phrases ainsi rédigées :

« Sauf disposition contraire d’un accord collectif, l’employeur peut recourir à la visioconférence pour réunir le comité central d’entreprise. L’employeur réunit le comité au moins deux fois par an sans recourir à la visioconférence. »

III bis. – Aux articles L. 2363-6 et L. 2373-3 du même code, la référence : « L. 2353-27 » est remplacée par la référence : « L. 2353-27-1 ».

IV. – Au premier alinéa de l’article L. 2323-9 du même code, après les mots : « informations au comité d’entreprise », sont insérés les mots : « et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ».

V. – Le livre III de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 2323-26, il est inséré un article L. 2323-26-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2323-26-1. – Le seuil de trois cents salariés mentionné au présent chapitre est réputé franchi lorsque l’effectif de l’entreprise dépasse ce seuil pendant les douze derniers mois, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.

« L’employeur dispose d’un délai d’un an à compter du franchissement de ce seuil pour se conformer complètement aux obligations d’information et de consultation du comité d’entreprise qui en découlent. » ;

2° À l’article L. 2325-14-1, la référence : « à la présente sous-section » est remplacée par la référence : « au présent chapitre ».

VI. – Au premier alinéa de l’article L. 2323-60 du même code, les mots : « communique au comité d’entreprise » sont remplacés par les mots : « met à la disposition du comité d’entreprise, dans les conditions prévues à l’article L. 2323-9, ».

VII. – L’article L. 2327-15 du même code est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’il y a lieu de consulter à la fois le comité central d’entreprise et un ou plusieurs comités d’établissement, un accord peut définir l’ordre et les délais dans lesquels le comité central d’entreprise et le ou les comités d’établissement rendent et transmettent leurs avis. » ;

2° Le début du dernier alinéa est ainsi rédigé : « À défaut d’accord, l’avis de chaque comité d’établissement est rendu et transmis au comité central d’entreprise et l’avis du comité central d’entreprise est rendu dans… (le reste sans changement) ;

VII bis (nouveau). – Les deux premières phrases de l’article L. 2334-2 du code du travail sont remplacées par deux phrases ainsi rédigées :

« Sauf disposition contraire d’un accord collectif, le président peut recourir à la visioconférence pour réunir le comité de groupe. Il réunit le comité au moins deux fois par an sans recourir à la visioconférence. »

VII ter (nouveau). – Les deux premières phrases de l’article L. 2341-12 du code du travail sont remplacées par deux phrases ainsi rédigées :

« Sauf disposition contraire d’un accord collectif, le chef de l’entreprise dominante peut recourir à la visioconférence pour réunir le comité d’entreprise européen. Il réunit le comité au moins deux fois par an sans recourir à la visioconférence. »

VII quater (nouveau). – Les deux premières phrases de l’article L. 2353-27-1 du code du travail sont remplacées par deux phrases ainsi rédigées :

« Sauf disposition contraire d’un accord collectif, le président peut recourir à la visioconférence pour réunir le comité de la société européenne. Il réunit le comité au moins deux fois par an sans recourir à la visioconférence. »

VIII. – L’article L. 4616-3 du même code est ainsi modifié :

1° Après la première occurrence du mot : « travail », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « un accord peut définir l’ordre et les délais dans lesquels l’instance de coordination et le ou les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail rendent et transmettent leur avis. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« À défaut d’accord, l’avis de chaque comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est rendu et transmis à l’instance de coordination des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et l’avis de cette dernière est rendu dans des délais fixés par décret en Conseil d’État. »

IX. – Le chapitre II du titre IX du livre III de la deuxième partie du même code est complété par un article L. 2392-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 2392-4. – Par dérogation aux dispositions prévoyant la répartition en établissements distincts prévues aux articles L. 2314-31, L. 2322-5 et L. 2327-7, l’accord mentionné à l’article L. 2391-1 peut déterminer le nombre et le périmètre du ou des établissements distincts pour les élections de la ou des instances regroupées conformément à cet accord dans l’entreprise. Par dérogation aux dispositions prévoyant la répartition en établissements distincts prévues aux articles L. 2314-31 et L. 2322-5, l’accord mentionné à l’article L. 2391-3 peut déterminer le périmètre du ou des établissements distincts pour l’élection de la ou des instances regroupées conformément à cet accord dans l’établissement. »

X. – Le III du présent article est applicable aux entreprises mentionnées au VI de l’article 13 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi dans lesquelles l’employeur a décidé le maintien de la délégation unique du personnel.

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 137 rectifié bis est présenté par Mmes Blondin, Meunier, Lepage et Génisson, M. Courteau, Mmes Monier, Conway-Mouret, D. Michel et Féret, M. Vaugrenard, Mme Bataille, M. Kaltenbach, Mmes Emery-Dumas et Schillinger, M. Daudigny, Mme S. Robert, MM. Assouline et Durain, Mme Ghali, MM. Marie, Tourenne, Botrel et Néri, Mmes Tocqueville et Jourda, M. Carrère, Mmes Campion et Riocreux, M. Frécon, Mme Guillemot et M. J.C. Leroy.

L'amendement n° 281 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, M. Capo-Canellas, Mme Hummel, M. Laménie, Mme Deromedi, M. Cigolotti et Mme Létard.

L'amendement n° 429 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.

L'amendement n° 624 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… Sont ajoutés les mots : « , part des femmes et des hommes dans le conseil d’administration ».

La parole est à Mme Stéphanie Riocreux, pour présenter l'amendement n° 137 rectifié bis.

Mme Stéphanie Riocreux. Cet amendement, déposé sur l’initiative de Mme Blondin et des membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, vise à introduire dans la base de données économiques et sociales du rapport de situation comparée, instauré par la loi de mars 2001, un nouvel indicateur de suivi de la « part des femmes et des hommes dans les conseils d’administration » des entreprises privées soumises à l’obligation de représentation équilibrée entre les sexes dans ces instances. Cet indicateur pourra être retenu dans l’accord ou le plan d’action unilatéral de l’employeur sur l’égalité professionnelle.

Mme la présidente. L’amendement n° 281 rectifié bis n’est pas soutenu.

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 429.

M. Jean Desessard. J’espère que nous aurons moins de votes par scrutin public que la semaine dernière. Quand je vois le nombre sénateurs de la majorité sénatoriale présents dans l’hémicycle, j’ai quelques craintes…

Mme la présidente. Le scrutin public est de droit, mon cher collègue.

M. Jean Desessard. Tel qu’il est organisé, il est contraire à la Constitution, laquelle prévoit un mandat par parlementaire. Or nous votons par paquets. C’est une anomalie historique au Sénat.

J’en viens à l'amendement n° 429.

La proportion de femmes au sein des conseils d’administration des entreprises du CAC 40 s’élevait à 34 % en 2015. Si l’on assiste à une féminisation de ces instances, force est de constater que l’objectif de parité n’est pas encore atteint.

La loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle fixe des objectifs clairs en la matière. Ainsi, en 2017, le taux de féminisation des instances dirigeantes devra atteindre au moins 40 %. Dans les conseils d’administration comportant moins de huit membres, il conviendra de réduire à deux personnes maximum l’écart entre les deux sexes.

Nous entendons assurer un meilleur suivi de cette exigence législative, mais aussi sociétale. Dans ce but, nous souhaitons intégrer dans la base de données économiques et sociales un indicateur de suivi de la « part des femmes et des hommes dans les conseils » des entreprises privées soumises à l’obligation de représentation équilibrée des sexes dans ces instances.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 624.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il est nécessaire que les éléments de la base de données relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise ne soient pas limités aux emplois salariés au sein de la société, mais que tous les éléments ayant trait à cette dernière soient observés sous le prisme de l’égalité entre les sexes. Cela passe aussi par la transcription dans la base de données de la part que représentent les femmes et les hommes dans les conseils d’administration.

À l’heure où la présence des femmes est plus que faible dans les conseils d’administration des entreprises, il est d’autant plus impératif que cet indicateur figure dans cette base de données, qui doit servir d’outils de sensibilisation pour aller vers l’égalité entre les sexes.

Les entreprises privées sont soumises à une obligation de représentation équilibrée entre les sexes depuis la loi Copé-Zimmermann relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle. À six mois du contrôle de l’application de la loi, le retard est encore flagrant. Seules six entreprises du CAC 40 ont atteint les objectifs. En outre, si la féminisation des conseils a triplé depuis 2009, les femmes ne représentent encore que 34 % des membres des conseils d’administration. C’est dire si le chemin est encore long ! C’est pourquoi nous devons nous doter de tous les outils à même d’y parvenir.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales. La loi Copé-Zimmermann a assurément enclenché un mouvement vertueux. Le chiffre de 34 % a été cité, mais il faut voir d’où l’on part : on en était encore qu’à 12 % ou 13 % voilà quelques années !

Mme Nicole Bricq. Et encore !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Il nous paraît donc opportun de faire figurer ces éléments dans la base de données. Reste qu’il faudra sans doute peaufiner la rédaction de cette disposition dans la suite du processus législatif, puisque, à ce stade, seuls les conseils d’administration sont visés, et non les conseils de surveillance. Or ces derniers sont dans le périmètre de la loi.

L’adoption de ces amendements permettra de continuer à avancer sur le sujet. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Depuis le début du quinquennat, nous essayons de favoriser l’égalité professionnelle, à la fois en donnant plus de place à ce sujet dans la négociation, dans les consultations, et en renforçant la parité dans les instances représentatives du personnel. Il me paraît donc essentiel de disposer d’éléments sur la présence des femmes dans les conseils d’administration, où elles sont encore totalement sous-représentées.

Le Gouvernement est donc très favorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je remercie la commission et le Gouvernement d’être favorables à ces amendements. Par la précision qu’ils apportent, ils nous mettent en phase avec l’objectif de la loi Copé-Zimmermann, qui fixe l’échéance à 2017. En outre, ils ont un objet plus large que cette loi, qui se limite aux entreprises cotées. Ils créent donc un très bon indicateur.

Si nous voyons, y compris dans les très grandes entreprises, des femmes intégrer des commissions exécutives, c’est-à-dire être très opérationnelles à des postes à responsabilité, il y a encore un plafond qui les empêche d’être admises au sein des organes délibérants, qu’il s’agisse des conseils d’administration ou des conseils de surveillance.

Je le répète, l’adoption de ces amendements nous permettra d’être en phase avec la volonté qui s’est exprimée voilà quelques années. J’avais moi-même déposé une proposition de loi en 2008 sur le sujet, qui posait en outre le problème du cumul dans les conseils d’administration. J’ai toujours pensé que le non-cumul, ou la limitation du cumul, donnait de l’air pour les femmes. C’est vrai en politique ; cela doit être vrai dans les entreprises françaises.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. À mon tour, je remercie la commission et le Gouvernement d’accepter avec enthousiasme d’introduire ce nouvel indicateur. En effet, le rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes, créé par la loi de 2001 à laquelle j’étais très attachée, permet d’établir un bon diagnostic. Or c’est à partir d’un bon diagnostic que l’on peut appliquer un meilleur traitement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Les avis favorables de la commission et du Gouvernement nous éviteront de mettre aux voix ces amendements identiques par scrutin public, dont le déroulement, je le répète, n’est pas conforme à la Constitution. En effet, aux termes de l’article 27 de la Constitution, « tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat ».

Or je ne cesse de le dire dans cet hémicycle depuis douze ans, il y a une jurisprudence au Sénat qui fait que les parlementaires ont un plus grand nombre de délégations de vote qu’à l’Assemblée nationale. Cela a le désavantage, quand le débat est intéressant, de bloquer l’issue des discussions par des positions de groupe majoritaire. Un sénateur peut être dépositaire de 130 mandats, alors que c’est inconstitutionnel !

Mme la présidente. Non, mon cher collègue ! Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 20 janvier 2011, a reconnu la valeur de cette procédure de vote. Qu’elle ne vous plaise pas, soit ! Mais vous ne pouvez pas dire qu’elle est inconstitutionnelle.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 137 rectifié bis, 429 et 624.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 636 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…- Le premier alinéa de l’article L. 2323-12 du même code est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « et sur les prix de transfert pratiqués entre les entreprises et entités appartenant au même groupe, y compris celles basées ou exerçant à l’étranger. Elle porte également sur les cessions d’actifs, y compris les actifs immatériels. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Alors que la fraude et l’évasion fiscales « coûtent » chaque année entre 60 milliards et 80 milliards d’euros au budget de la France, soit l’équivalent du déficit annuel, que les scandales fiscaux se multiplient, comme en témoignent les affaires LuxLeaks et « Panama papers », que l’évasion fiscale des entreprises représente des montants colossaux et que la question des prix de transfert est au cœur du problème, octroyer un véritable droit de regard aux représentants du personnel en la matière permettrait de prendre la question à bras-le-corps.

Dans le prolongement de nos propositions sur le reporting, nous demandons que le comité d’entreprise soit informé et consulté non seulement sur la situation économique et financière de l’entreprise, sur la politique de recherche et de développement technologique, sur l’utilisation du crédit d’impôt recherche, le CIR, et sur l’utilisation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, mais aussi sur la politique de prix de transfert retenue par l’entreprise et les cessions d’actifs réalisées au sein d’un même groupe. Je rappelle que les prix de transfert correspondent aux prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels ou rend des services à des entreprises associées situées dans différents pays. En bref, ce sont les prix des transactions entre sociétés d’un même groupe.

Selon de nombreux rapports, en particulier le rapport d’Éric Bocquet fait au nom de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, certaines entreprises en profitent pour se surfacturer ou se sous-facturer entre filiales, ce qui permet de diminuer artificiellement les bénéfices d’une filiale pour éviter à celle-ci de payer des impôts dans le pays où elle réside. C’est un redoutable mécanisme d’évasion fiscale. Or l’optimisation fiscale crée des situations de concurrence déloyale entre petites et grandes entreprises, pèse sur l’emploi et in fine sur les conditions de travail.

La Banque de France s’est penchée sur les conséquences de la manipulation des prix de transfert. Résultat : notre déficit commercial se trouve gonflé artificiellement de 14 %, soit entre 5 milliards et 10 milliards d’euros.

Enfin, en sous-estimant la valeur des biens produits en France, ces multinationales réduisent aussi artificiellement la productivité des travailleurs du pays et notre PIB.

Voilà pourquoi nous pensons qu’il faut accroître la transparence en la matière. Tel est le sens de notre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Si l’évasion fiscale est si importante – parfois, il ne s’agit que d’optimisation fiscale, les entreprises ayant recours à des conseils juridiques –, nous devons nous interroger sur notre législation qui incite à ce type de gymnastique juridique. Nous aurons probablement ce débat au Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi Sapin II ; il a en tout cas eu lieu à l’Assemblée nationale. En attendant, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Toutes les informations qui doivent être transmises au comité d’entreprise ont été remises à plat dans le cadre de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, ou loi Rebsamen. Le dialogue a été centré sur les enjeux stratégiques.

Par ailleurs, n’oublions pas que le comité d’entreprise peut être assisté d’un expert, lequel peut se pencher sur les prix de transfert.

Attendons la mise en place de la loi Rebsamen avant d’en tirer des enseignements. En outre, comme l’a indiqué le rapporteur, le projet de loi porté par Michel Sapin, que le Sénat examinera prochainement, traite des questions de la transparence de la vie économique.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. J’espère que nous aurons des débats de plus longue haleine à l’occasion de l’examen de ce projet de loi…

Les travaux de la commission d’enquête sur la réalité du détournement du crédit d’impôt recherche de son objet et de ses incidences sur la situation de l’emploi et de la recherche dans notre pays ont montré que les prix de transfert permettaient à de grands groupes du CAC 40, qui quelquefois cumulent CICE et CIR, de ne pas acquitter d’impôt en France. Cette pratique est d’autant plus scandaleuse qu’il s’agit d’argent public, dont nous sommes tous comptables !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 636 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 629 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…- Le 5° de l’article L. 2323-13 du même code est ainsi rédigé :

« 5° Les informations sur les sommes reçues par l’entreprise au titre du crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater C du code général des impôts et sur leur utilisation. Cette information porte sur l’année en cours et sur l’année à venir, elle comprend notamment des objectifs et résultats chiffrés que ce soit en matière d’emploi, d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique, ou de la reconstitution de leur fonds de roulement dans l’entreprise. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. « Réduite dans bien des cas à une simple information sur le montant du CICE et à une description difficilement vérifiable de son utilisation, la consultation prévue par la loi peine à trouver sa place et à susciter l’adhésion des participants. » Telles sont les conclusions du rapport 2015 du comité de suivi du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi sur la procédure de consultation des représentants du personnel sur son utilisation. Vous le voyez, madame la ministre, il y a encore fort à faire !

Plusieurs raisons expliquent ce constat.

D’abord, le mode même de consultation a été modifié par le Gouvernement moins de deux ans après sa création, ce qui n’a pas aidé à la maîtrise de cet outil.

Ensuite, en 2015, la loi Rebsamen a supprimé la consultation spécifique du comité d’entreprise prévue avant chaque 1er juillet, instaurée par la loi du 14 juin 2013, pour la fondre dans une consultation annuelle bien plus vaste sur la « stratégie économique et financière de l’entreprise ».

Enfin, la base de données économiques et sociales, qui doit contenir les sommes reçues par chaque entreprise au titre du CICE et leur utilisation, peine à se mettre en place dans les entreprises. Or cette base est censée être le socle de cette information.

Ce manque d’informations et de connaissances pour apprécier les usages du CICE est donc à mettre au nombre des raisons pointées par le rapport du comité de suivi pour expliquer la très faible mise en œuvre de cette consultation.

L’autre difficulté est celle du caractère ex post de la consultation, c’est-à-dire après affectation du CICE par la direction, qui a un double effet négatif. D’une part, la capacité limitée des comités d’entreprise à donner un avis sur l’utilisation du CICE n’incite pas ces derniers à débattre sur le lien entre CICE et stratégie de l’entreprise. D’autre part, quand la discussion a lieu, nombre de comités d’entreprise ne rendent même pas d’avis sur l’utilisation du CICE, tant le processus semble décrédibilisé.

C’est pour résoudre ces difficultés que nous proposons cet amendement.