Sommaire
Présidence de Mme Isabelle Debré
Secrétaires :
MM. Christian Cambon, Claude Haut.
2. Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 636 rectifié de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 629 rectifié de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 637 rectifié de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 631 rectifié de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 627 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 626 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 1015 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 628 de M. Dominique Watrin. – Rejet par scrutin public.
Adoption, par scrutin public, de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 9
Amendement n° 621 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 433 rectifié de Mme Corinne Bouchoux. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 434 rectifié de Mme Corinne Bouchoux. – Retrait.
Amendement n° 939 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 600 de M. Dominique Watrin. – Rejet par scrutin public.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
Articles additionnels après l'article 9 (suite)
Amendement n° 382 rectifié bis de M. Didier Marie. – Non soutenu.
Amendement n° 633 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 661 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 639 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Adoption, par scrutin public, de l’article.
Articles additionnels après l'article 10 A
Amendement n° 144 rectifié de Mme Jacky Deromedi. – Non soutenu.
Amendement n° 145 rectifié de Mme Jacky Deromedi. – Non soutenu.
Amendement n° 267 rectifié ter de Mme Catherine Deroche. – Retrait.
Amendement n° 49 de M. Dominique Watrin. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 891 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Non soutenu.
Amendement n° 958 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 935 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 641 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 349 de Mme Nicole Bricq. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 642 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 1018 de la commission. – Adoption par scrutin public.
Amendement n° 643 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 1016 de la commission. – Adoption.
Adoption, par scrutin public, de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 645 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 646 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 892 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 350 de Mme Nicole Bricq. – Retrait.
Amendement n° 920 rectifié de Mme Hermeline Malherbe. – Rejet.
Amendement n° 1017 de la commission. – Adoption par scrutin public.
Amendement n° 351 de Mme Nicole Bricq. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 1036 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 647 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 307 rectifié de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 1020 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 648 de M. Dominique Watrin. – Adoption.
Amendement n° 210 de M. Jean-Louis Tourenne. – Retrait.
Amendement n° 1021 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 649 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 1019 de la commission. – Adoption.
Adoption, par scrutin public, de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
3. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
4. Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 51 de M. Dominique Watrin. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 651 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 230 rectifié de Mme Pascale Gruny. – Retrait.
Amendement n° 652 de M. Dominique Watrin. – Adoption.
Amendement n° 654 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Adoption, par scrutin public, de l’article modifié.
Amendement n° 656 de M. Dominique Watrin. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 943 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 659 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 660 de M. Dominique Watrin. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 662 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 941 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 80 rectifié bis de M. Jean-François Husson. – Adoption par scrutin public.
Amendement n° 663 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 857 de M. Jean Desessard. – Rejet par scrutin public.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 664 de M. Paul Vergès. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels avant l’article 15
Amendement n° 73 de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Amendement n° 207 rectifié de M. Georges Labazée. – Rejet.
Amendement n° 232 de M. Luc Carvounas. – Non soutenu.
Amendement n° 665 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 231 de M. Luc Carvounas. – Non soutenu.
Amendement n° 379 rectifié de M. Jean Desessard. – Retrait.
Amendement n° 667 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 967 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 991 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 352 de Mme Nicole Bricq. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 970 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public.
Adoption, par scrutin public, de l’article.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaires :
M. Christian Cambon,
M. Claude Haut.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (projet n° 610, texte de la commission n° 662, rapport n° 661).
Titre II (suite)
Favoriser une culture du dialogue et de la négociation
Chapitre Ier (suite)
Des règles de négociation plus souples et le renforcement de la loyauté de la négociation
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre Ier du titre II, l’examen de l’article 9.
Article 9 (suite)
I A. – Le dernier alinéa des articles L. 2314-11, L. 2314-20, L. 2314-31, L. 2324-13, L. 2324-18 et L. 2327-7 du code du travail est ainsi rédigé :
« La décision de l’autorité administrative peut faire l’objet d’un recours devant le juge judiciaire, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. »
I. – L’article L. 2322-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La décision de l’autorité administrative peut faire l’objet d’un recours devant le juge judiciaire, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. »
II. – Après le troisième alinéa de l’article L. 2232-22 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La commission se prononce sur la validité de l’accord dans un délai de quatre mois à compter de la transmission de celui-ci ; à défaut, l’accord est réputé validé. »
II bis. – Le 1° bis de l’article L. 2323-8 du même code est ainsi modifié :
1° Après le mot : « personnelle », sont insérés les mots : « et familiale » ;
2° Le mot : « respective » est remplacé par le mot : « comparée ».
II ter (nouveau). – Les deux premières phrases de l’article L. 2325-5-1 du même code sont remplacées par deux phrases ainsi rédigées :
« Sauf disposition contraire d’un accord collectif, l’employeur peut recourir à la visioconférence pour réunir le comité d’entreprise. L’employeur réunit le comité au moins deux fois par an sans recourir à la visioconférence. »
III. – L’article L. 2326-5 du même code est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° Les réunions de la délégation unique du personnel peuvent se dérouler en visioconférence, dans les conditions prévues à l’article L. 2325-5-1, y compris lorsque l’ordre du jour comporte des points relevant uniquement des attributions des délégués du personnel. »
III bis A (nouveau). – Les deux premières phrases de l’article L. 2327-13-1 du même code sont remplacées par deux phrases ainsi rédigées :
« Sauf disposition contraire d’un accord collectif, l’employeur peut recourir à la visioconférence pour réunir le comité central d’entreprise. L’employeur réunit le comité au moins deux fois par an sans recourir à la visioconférence. »
III bis. – Aux articles L. 2363-6 et L. 2373-3 du même code, la référence : « L. 2353-27 » est remplacée par la référence : « L. 2353-27-1 ».
IV. – Au premier alinéa de l’article L. 2323-9 du même code, après les mots : « informations au comité d’entreprise », sont insérés les mots : « et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ».
V. – Le livre III de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 2323-26, il est inséré un article L. 2323-26-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2323-26-1. – Le seuil de trois cents salariés mentionné au présent chapitre est réputé franchi lorsque l’effectif de l’entreprise dépasse ce seuil pendant les douze derniers mois, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.
« L’employeur dispose d’un délai d’un an à compter du franchissement de ce seuil pour se conformer complètement aux obligations d’information et de consultation du comité d’entreprise qui en découlent. » ;
2° À l’article L. 2325-14-1, la référence : « à la présente sous-section » est remplacée par la référence : « au présent chapitre ».
VI. – Au premier alinéa de l’article L. 2323-60 du même code, les mots : « communique au comité d’entreprise » sont remplacés par les mots : « met à la disposition du comité d’entreprise, dans les conditions prévues à l’article L. 2323-9, ».
VII. – L’article L. 2327-15 du même code est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il y a lieu de consulter à la fois le comité central d’entreprise et un ou plusieurs comités d’établissement, un accord peut définir l’ordre et les délais dans lesquels le comité central d’entreprise et le ou les comités d’établissement rendent et transmettent leurs avis. » ;
2° Le début du dernier alinéa est ainsi rédigé : « À défaut d’accord, l’avis de chaque comité d’établissement est rendu et transmis au comité central d’entreprise et l’avis du comité central d’entreprise est rendu dans… (le reste sans changement) ;
VII bis (nouveau). – Les deux premières phrases de l’article L. 2334-2 du code du travail sont remplacées par deux phrases ainsi rédigées :
« Sauf disposition contraire d’un accord collectif, le président peut recourir à la visioconférence pour réunir le comité de groupe. Il réunit le comité au moins deux fois par an sans recourir à la visioconférence. »
VII ter (nouveau). – Les deux premières phrases de l’article L. 2341-12 du code du travail sont remplacées par deux phrases ainsi rédigées :
« Sauf disposition contraire d’un accord collectif, le chef de l’entreprise dominante peut recourir à la visioconférence pour réunir le comité d’entreprise européen. Il réunit le comité au moins deux fois par an sans recourir à la visioconférence. »
VII quater (nouveau). – Les deux premières phrases de l’article L. 2353-27-1 du code du travail sont remplacées par deux phrases ainsi rédigées :
« Sauf disposition contraire d’un accord collectif, le président peut recourir à la visioconférence pour réunir le comité de la société européenne. Il réunit le comité au moins deux fois par an sans recourir à la visioconférence. »
VIII. – L’article L. 4616-3 du même code est ainsi modifié :
1° Après la première occurrence du mot : « travail », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « un accord peut définir l’ordre et les délais dans lesquels l’instance de coordination et le ou les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail rendent et transmettent leur avis. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« À défaut d’accord, l’avis de chaque comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est rendu et transmis à l’instance de coordination des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et l’avis de cette dernière est rendu dans des délais fixés par décret en Conseil d’État. »
IX. – Le chapitre II du titre IX du livre III de la deuxième partie du même code est complété par un article L. 2392-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 2392-4. – Par dérogation aux dispositions prévoyant la répartition en établissements distincts prévues aux articles L. 2314-31, L. 2322-5 et L. 2327-7, l’accord mentionné à l’article L. 2391-1 peut déterminer le nombre et le périmètre du ou des établissements distincts pour les élections de la ou des instances regroupées conformément à cet accord dans l’entreprise. Par dérogation aux dispositions prévoyant la répartition en établissements distincts prévues aux articles L. 2314-31 et L. 2322-5, l’accord mentionné à l’article L. 2391-3 peut déterminer le périmètre du ou des établissements distincts pour l’élection de la ou des instances regroupées conformément à cet accord dans l’établissement. »
X. – Le III du présent article est applicable aux entreprises mentionnées au VI de l’article 13 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi dans lesquelles l’employeur a décidé le maintien de la délégation unique du personnel.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 137 rectifié bis est présenté par Mmes Blondin, Meunier, Lepage et Génisson, M. Courteau, Mmes Monier, Conway-Mouret, D. Michel et Féret, M. Vaugrenard, Mme Bataille, M. Kaltenbach, Mmes Emery-Dumas et Schillinger, M. Daudigny, Mme S. Robert, MM. Assouline et Durain, Mme Ghali, MM. Marie, Tourenne, Botrel et Néri, Mmes Tocqueville et Jourda, M. Carrère, Mmes Campion et Riocreux, M. Frécon, Mme Guillemot et M. J.C. Leroy.
L'amendement n° 281 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, M. Capo-Canellas, Mme Hummel, M. Laménie, Mme Deromedi, M. Cigolotti et Mme Létard.
L'amendement n° 429 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
L'amendement n° 624 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Sont ajoutés les mots : « , part des femmes et des hommes dans le conseil d’administration ».
La parole est à Mme Stéphanie Riocreux, pour présenter l'amendement n° 137 rectifié bis.
Mme Stéphanie Riocreux. Cet amendement, déposé sur l’initiative de Mme Blondin et des membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, vise à introduire dans la base de données économiques et sociales du rapport de situation comparée, instauré par la loi de mars 2001, un nouvel indicateur de suivi de la « part des femmes et des hommes dans les conseils d’administration » des entreprises privées soumises à l’obligation de représentation équilibrée entre les sexes dans ces instances. Cet indicateur pourra être retenu dans l’accord ou le plan d’action unilatéral de l’employeur sur l’égalité professionnelle.
Mme la présidente. L’amendement n° 281 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 429.
M. Jean Desessard. J’espère que nous aurons moins de votes par scrutin public que la semaine dernière. Quand je vois le nombre sénateurs de la majorité sénatoriale présents dans l’hémicycle, j’ai quelques craintes…
Mme la présidente. Le scrutin public est de droit, mon cher collègue.
M. Jean Desessard. Tel qu’il est organisé, il est contraire à la Constitution, laquelle prévoit un mandat par parlementaire. Or nous votons par paquets. C’est une anomalie historique au Sénat.
J’en viens à l'amendement n° 429.
La proportion de femmes au sein des conseils d’administration des entreprises du CAC 40 s’élevait à 34 % en 2015. Si l’on assiste à une féminisation de ces instances, force est de constater que l’objectif de parité n’est pas encore atteint.
La loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle fixe des objectifs clairs en la matière. Ainsi, en 2017, le taux de féminisation des instances dirigeantes devra atteindre au moins 40 %. Dans les conseils d’administration comportant moins de huit membres, il conviendra de réduire à deux personnes maximum l’écart entre les deux sexes.
Nous entendons assurer un meilleur suivi de cette exigence législative, mais aussi sociétale. Dans ce but, nous souhaitons intégrer dans la base de données économiques et sociales un indicateur de suivi de la « part des femmes et des hommes dans les conseils » des entreprises privées soumises à l’obligation de représentation équilibrée des sexes dans ces instances.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 624.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il est nécessaire que les éléments de la base de données relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise ne soient pas limités aux emplois salariés au sein de la société, mais que tous les éléments ayant trait à cette dernière soient observés sous le prisme de l’égalité entre les sexes. Cela passe aussi par la transcription dans la base de données de la part que représentent les femmes et les hommes dans les conseils d’administration.
À l’heure où la présence des femmes est plus que faible dans les conseils d’administration des entreprises, il est d’autant plus impératif que cet indicateur figure dans cette base de données, qui doit servir d’outils de sensibilisation pour aller vers l’égalité entre les sexes.
Les entreprises privées sont soumises à une obligation de représentation équilibrée entre les sexes depuis la loi Copé-Zimmermann relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle. À six mois du contrôle de l’application de la loi, le retard est encore flagrant. Seules six entreprises du CAC 40 ont atteint les objectifs. En outre, si la féminisation des conseils a triplé depuis 2009, les femmes ne représentent encore que 34 % des membres des conseils d’administration. C’est dire si le chemin est encore long ! C’est pourquoi nous devons nous doter de tous les outils à même d’y parvenir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales. La loi Copé-Zimmermann a assurément enclenché un mouvement vertueux. Le chiffre de 34 % a été cité, mais il faut voir d’où l’on part : on en était encore qu’à 12 % ou 13 % voilà quelques années !
Mme Nicole Bricq. Et encore !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Il nous paraît donc opportun de faire figurer ces éléments dans la base de données. Reste qu’il faudra sans doute peaufiner la rédaction de cette disposition dans la suite du processus législatif, puisque, à ce stade, seuls les conseils d’administration sont visés, et non les conseils de surveillance. Or ces derniers sont dans le périmètre de la loi.
L’adoption de ces amendements permettra de continuer à avancer sur le sujet. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Depuis le début du quinquennat, nous essayons de favoriser l’égalité professionnelle, à la fois en donnant plus de place à ce sujet dans la négociation, dans les consultations, et en renforçant la parité dans les instances représentatives du personnel. Il me paraît donc essentiel de disposer d’éléments sur la présence des femmes dans les conseils d’administration, où elles sont encore totalement sous-représentées.
Le Gouvernement est donc très favorable à ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je remercie la commission et le Gouvernement d’être favorables à ces amendements. Par la précision qu’ils apportent, ils nous mettent en phase avec l’objectif de la loi Copé-Zimmermann, qui fixe l’échéance à 2017. En outre, ils ont un objet plus large que cette loi, qui se limite aux entreprises cotées. Ils créent donc un très bon indicateur.
Si nous voyons, y compris dans les très grandes entreprises, des femmes intégrer des commissions exécutives, c’est-à-dire être très opérationnelles à des postes à responsabilité, il y a encore un plafond qui les empêche d’être admises au sein des organes délibérants, qu’il s’agisse des conseils d’administration ou des conseils de surveillance.
Je le répète, l’adoption de ces amendements nous permettra d’être en phase avec la volonté qui s’est exprimée voilà quelques années. J’avais moi-même déposé une proposition de loi en 2008 sur le sujet, qui posait en outre le problème du cumul dans les conseils d’administration. J’ai toujours pensé que le non-cumul, ou la limitation du cumul, donnait de l’air pour les femmes. C’est vrai en politique ; cela doit être vrai dans les entreprises françaises.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. À mon tour, je remercie la commission et le Gouvernement d’accepter avec enthousiasme d’introduire ce nouvel indicateur. En effet, le rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes, créé par la loi de 2001 à laquelle j’étais très attachée, permet d’établir un bon diagnostic. Or c’est à partir d’un bon diagnostic que l’on peut appliquer un meilleur traitement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Les avis favorables de la commission et du Gouvernement nous éviteront de mettre aux voix ces amendements identiques par scrutin public, dont le déroulement, je le répète, n’est pas conforme à la Constitution. En effet, aux termes de l’article 27 de la Constitution, « tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat ».
Or je ne cesse de le dire dans cet hémicycle depuis douze ans, il y a une jurisprudence au Sénat qui fait que les parlementaires ont un plus grand nombre de délégations de vote qu’à l’Assemblée nationale. Cela a le désavantage, quand le débat est intéressant, de bloquer l’issue des discussions par des positions de groupe majoritaire. Un sénateur peut être dépositaire de 130 mandats, alors que c’est inconstitutionnel !
Mme la présidente. Non, mon cher collègue ! Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 20 janvier 2011, a reconnu la valeur de cette procédure de vote. Qu’elle ne vous plaise pas, soit ! Mais vous ne pouvez pas dire qu’elle est inconstitutionnelle.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 137 rectifié bis, 429 et 624.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 636 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…- Le premier alinéa de l’article L. 2323-12 du même code est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « et sur les prix de transfert pratiqués entre les entreprises et entités appartenant au même groupe, y compris celles basées ou exerçant à l’étranger. Elle porte également sur les cessions d’actifs, y compris les actifs immatériels. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Alors que la fraude et l’évasion fiscales « coûtent » chaque année entre 60 milliards et 80 milliards d’euros au budget de la France, soit l’équivalent du déficit annuel, que les scandales fiscaux se multiplient, comme en témoignent les affaires LuxLeaks et « Panama papers », que l’évasion fiscale des entreprises représente des montants colossaux et que la question des prix de transfert est au cœur du problème, octroyer un véritable droit de regard aux représentants du personnel en la matière permettrait de prendre la question à bras-le-corps.
Dans le prolongement de nos propositions sur le reporting, nous demandons que le comité d’entreprise soit informé et consulté non seulement sur la situation économique et financière de l’entreprise, sur la politique de recherche et de développement technologique, sur l’utilisation du crédit d’impôt recherche, le CIR, et sur l’utilisation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, mais aussi sur la politique de prix de transfert retenue par l’entreprise et les cessions d’actifs réalisées au sein d’un même groupe. Je rappelle que les prix de transfert correspondent aux prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels ou rend des services à des entreprises associées situées dans différents pays. En bref, ce sont les prix des transactions entre sociétés d’un même groupe.
Selon de nombreux rapports, en particulier le rapport d’Éric Bocquet fait au nom de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, certaines entreprises en profitent pour se surfacturer ou se sous-facturer entre filiales, ce qui permet de diminuer artificiellement les bénéfices d’une filiale pour éviter à celle-ci de payer des impôts dans le pays où elle réside. C’est un redoutable mécanisme d’évasion fiscale. Or l’optimisation fiscale crée des situations de concurrence déloyale entre petites et grandes entreprises, pèse sur l’emploi et in fine sur les conditions de travail.
La Banque de France s’est penchée sur les conséquences de la manipulation des prix de transfert. Résultat : notre déficit commercial se trouve gonflé artificiellement de 14 %, soit entre 5 milliards et 10 milliards d’euros.
Enfin, en sous-estimant la valeur des biens produits en France, ces multinationales réduisent aussi artificiellement la productivité des travailleurs du pays et notre PIB.
Voilà pourquoi nous pensons qu’il faut accroître la transparence en la matière. Tel est le sens de notre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Si l’évasion fiscale est si importante – parfois, il ne s’agit que d’optimisation fiscale, les entreprises ayant recours à des conseils juridiques –, nous devons nous interroger sur notre législation qui incite à ce type de gymnastique juridique. Nous aurons probablement ce débat au Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi Sapin II ; il a en tout cas eu lieu à l’Assemblée nationale. En attendant, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Toutes les informations qui doivent être transmises au comité d’entreprise ont été remises à plat dans le cadre de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, ou loi Rebsamen. Le dialogue a été centré sur les enjeux stratégiques.
Par ailleurs, n’oublions pas que le comité d’entreprise peut être assisté d’un expert, lequel peut se pencher sur les prix de transfert.
Attendons la mise en place de la loi Rebsamen avant d’en tirer des enseignements. En outre, comme l’a indiqué le rapporteur, le projet de loi porté par Michel Sapin, que le Sénat examinera prochainement, traite des questions de la transparence de la vie économique.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. J’espère que nous aurons des débats de plus longue haleine à l’occasion de l’examen de ce projet de loi…
Les travaux de la commission d’enquête sur la réalité du détournement du crédit d’impôt recherche de son objet et de ses incidences sur la situation de l’emploi et de la recherche dans notre pays ont montré que les prix de transfert permettaient à de grands groupes du CAC 40, qui quelquefois cumulent CICE et CIR, de ne pas acquitter d’impôt en France. Cette pratique est d’autant plus scandaleuse qu’il s’agit d’argent public, dont nous sommes tous comptables !
Mme la présidente. L'amendement n° 629 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…- Le 5° de l’article L. 2323-13 du même code est ainsi rédigé :
« 5° Les informations sur les sommes reçues par l’entreprise au titre du crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater C du code général des impôts et sur leur utilisation. Cette information porte sur l’année en cours et sur l’année à venir, elle comprend notamment des objectifs et résultats chiffrés que ce soit en matière d’emploi, d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique, ou de la reconstitution de leur fonds de roulement dans l’entreprise. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. « Réduite dans bien des cas à une simple information sur le montant du CICE et à une description difficilement vérifiable de son utilisation, la consultation prévue par la loi peine à trouver sa place et à susciter l’adhésion des participants. » Telles sont les conclusions du rapport 2015 du comité de suivi du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi sur la procédure de consultation des représentants du personnel sur son utilisation. Vous le voyez, madame la ministre, il y a encore fort à faire !
Plusieurs raisons expliquent ce constat.
D’abord, le mode même de consultation a été modifié par le Gouvernement moins de deux ans après sa création, ce qui n’a pas aidé à la maîtrise de cet outil.
Ensuite, en 2015, la loi Rebsamen a supprimé la consultation spécifique du comité d’entreprise prévue avant chaque 1er juillet, instaurée par la loi du 14 juin 2013, pour la fondre dans une consultation annuelle bien plus vaste sur la « stratégie économique et financière de l’entreprise ».
Enfin, la base de données économiques et sociales, qui doit contenir les sommes reçues par chaque entreprise au titre du CICE et leur utilisation, peine à se mettre en place dans les entreprises. Or cette base est censée être le socle de cette information.
Ce manque d’informations et de connaissances pour apprécier les usages du CICE est donc à mettre au nombre des raisons pointées par le rapport du comité de suivi pour expliquer la très faible mise en œuvre de cette consultation.
L’autre difficulté est celle du caractère ex post de la consultation, c’est-à-dire après affectation du CICE par la direction, qui a un double effet négatif. D’une part, la capacité limitée des comités d’entreprise à donner un avis sur l’utilisation du CICE n’incite pas ces derniers à débattre sur le lien entre CICE et stratégie de l’entreprise. D’autre part, quand la discussion a lieu, nombre de comités d’entreprise ne rendent même pas d’avis sur l’utilisation du CICE, tant le processus semble décrédibilisé.
C’est pour résoudre ces difficultés que nous proposons cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Vous pointez des lacunes dans le dispositif de consultation des représentants du personnel. En l’état actuel du droit, les membres du comité d’entreprise peuvent demander un certain nombre d’informations. Selon vous, c’est souvent une information comptable qui leur est délivrée, sans réelle discussion. Or les représentants du personnel sont aussi là pour demander et obtenir des éléments complémentaires !
J’ajoute que l’article L. 2323-13 du code du travail, que votre amendement vise à modifier, prévoit déjà que l’employeur doit mettre à disposition du comité d’entreprise, à partir de la base de données unique, des informations sur les sommes reçues par l’entreprise au titre du CICE.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Comme vous l’indiquez à juste titre, la loi Rebsamen a intégré la consultation sur le CICE dans la consultation annuelle sur la stratégie économique et financière de l’entreprise. Nous sommes en effet passés de dix-sept à trois consultations annuelles, sans rien perdre en matière d’informations. Tous les échanges que j’ai en attestent : aucune organisation syndicale ne regrette aujourd’hui cette simplification, toutes la soutiennent même.
Les partenaires sociaux disposent donc des instruments nécessaires au suivi de la bonne utilisation du CICE, puisque c’est intégré dans la partie flux financiers à destination de l’entreprise dans le cadre de la base de données économiques et sociales.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. La loi a créé un comité de suivi du CICE, qui a été élargi à l’ensemble des aides publiques aux entreprises. Elle a aussi prévu que les branches puissent suivre l’évolution du CICE, mais très peu se sont intéressées au sujet, notamment à l’échelon régional ; elles se comptent sur les doigts d’une main.
Un travail d’évaluation a été entrepris sous l’égide de France Stratégie, qui rassemble partenaires syndicaux, organisations patronales et quelques parlementaires – députés et sénateurs –, au nombre desquels je suis. On commence seulement à y voir clair ; cela a mis du temps.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2017, nous disposerons d’une première évaluation exhaustive de l’année 2014, qui portera à la fois sur l’investissement, l’emploi et le pouvoir d’achat au travers des salaires. Les chiffres publiés par l’INSEE nous fournissent déjà des éléments.
Pour reprendre une phrase sur laquelle on a daubé à tort, ça va mieux. Pour la première fois, les créations d’emploi sont au rendez-vous. Surtout, les entreprises ont pu refaire leurs marges et investir. Des indicateurs nous permettent déjà de dire que ça marche.
Mme la présidente. L'amendement n° 637 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le 1° de l’article L. 2323-17 du code du travail est ainsi rédigé :
« 1° Les modalités de recours aux contrats de travail à durée déterminée et aux salariés des entreprises de travail temporaire font l’objet d’une consultation annuelle du comité d’entreprise et d’un avis conforme. Les contrats ne peuvent être conclus que s’ils respectent les modalités de recours ayant reçu l’avis conforme du comité d’entreprise, qui peut saisir l’inspecteur du travail ; ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pourquoi devrait-on indiquer aux comités d’entreprise et peut-être, demain, aux délégués du personnel ce qu’il en est en matière de recours au travail intérimaire ? Tout simplement parce que la gestion prévisionnelle des emplois et des qualifications fait pleinement partie des missions qui leur ont été dévolues.
Les postes occupés en CDD ou en intérim par des salariés temporairement présents peuvent constituer la première étape du développement de l’entreprise : restructuration de ses effectifs, de la pyramide des âges de son personnel, apport de compétences nouvelles. Toutefois, dès lors qu’une entreprise possède un volant relativement important de personnel temporaire, se pose, à notre avis, la question de la qualité de son organisation interne.
Le recours à l’intérim comme à la formule des CDD, parfois doublé d’un recours massif aux heures supplémentaires, est souvent le signe d’une organisation à flux tendu, au « juste à temps », assez souvent gaspilleuse de capacités de production, notamment des facteurs de production que constituent le travail humain, d’un côté, et les équipements, de l’autre.
Je prendrai ici l’exemple de la société Airbus Nantes. En 2012, devant l’augmentation du nombre de contrats d’intérim, la CGT a engagé une action. Cette mobilisation, en lien avec l’inspection du travail, a conduit à l’embauche de cent salariés. C’est sur ce point que porte notre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Tous les membres de la commission des affaires sociales veulent faire en sorte qu’il y ait moins de CDD et d’intérim et plus de CDI. C’est d’ailleurs tout l’objet de nos débats et d’un certain nombre de mesures qui ont été prises.
En l’occurrence, l’avis conforme que vise à instaurer cet amendement remettrait en cause le pouvoir de direction de l’employeur en instaurant un droit de veto. Aujourd’hui, il existe une information-consultation ; nous pensons qu’il faut nous en tenir là.
Plus largement, demandons-nous pourquoi, alors qu’un CDI coûte 100 et qu’un CDD coûte 160, un certain nombre d’employeurs considèrent qu’il est plus rationnel d’avoir recours à de l’intérim, qui coûte 200. C’est bien que l’environnement juridique du CDI, en particulier ses modalités de rupture, est un frein à l’embauche.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Arrêtez !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Vous avez votre cohérence, nous avons la nôtre, qui nous a conduits à réintroduire dans le texte un certain nombre de dispositifs afin de lever ces freins. Nous pensons qu’il faut traiter le fond du problème, non en instaurant un veto, comme vous le proposez, mais en mettant en œuvre des mesures un peu puissantes.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, qui vise à prévoir un avis conforme.
Je le répète, le dialogue social a été remis à plat et centré sur les enjeux stratégiques dans le cadre de la loi relative au dialogue social et à l’emploi. Il apparaît donc important de tirer les enseignements de cette loi avant toute chose.
Vous avez évoqué le cas d’Airbus Nantes. Cet exemple montre que nous pouvons être fiers de notre code du travail, qui prévoit que le comité d’entreprise dispose d’un droit d’alerte lorsqu’il constate un recours abusif aux CDD, au portage salarial ou à l’intérim. Il peut alors saisir l’inspection du travail, laquelle peut exiger de l’employeur qu’il présente un plan de résorption de la précarité.
Nous le voyons bien, nous avons un problème. La France est le deuxième pays de l’Union européenne à avoir le plus recours aux CDD de moins d’un mois.
Le rapporteur a fait des propositions, j’en fais une autre. Les organisations syndicales ont mis sur la table la question du bonus-malus sur les cotisations d’assurance chômage, sujet sur lequel j’ai eu l’occasion de m’exprimer la semaine dernière. J’ai déploré l’échec de la négociation, notamment le fait que les organisations patronales aient refusé d’en discuter. Or cette question doit être examinée.
Mme la présidente. L'amendement n° 631 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…- L’article L. 2323-56 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité de suivi régional peut décider, après avoir entendu l’employeur et les représentants du personnel, de suspendre ou de retirer l’aide accordée. Le cas échéant, il peut en exiger le remboursement. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à renforcer le droit d’alerte économique et sociale du comité d’entreprise sur l’utilisation des aides publiques, plus particulièrement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Actuellement, la loi prévoit que, lorsque le comité d’entreprise constate que tout ou partie du CICE n’a pas été utilisé de manière conforme au code général des impôts, il peut demander des explications à l’employeur. Si le comité d’entreprise n’obtient pas d’explications suffisantes de l’employeur ou si celles-ci confirment une utilisation non conforme du CICE, le comité d’entreprise peut établir un rapport. Ce rapport est transmis à l’employeur et au comité de suivi régional du CICE, qui adresse, lui, un rapport de synthèse annuel au comité national de suivi.
Ce dispositif nous semble insuffisant compte tenu du montant de la créance fiscale mobilisée – plus de 7,7 milliards d’euros en 2015 et de l’ordre de 20 milliards d’euros depuis sa création –, qui justifie que le CICE fasse l’objet d’un examen scrupuleux. C’est d’ailleurs à cette fin que le comité de suivi national et le comité de suivi régional ont été créés par la loi.
Puisqu’il s’agit d’argent public, nous proposons de muscler le dispositif et d’accorder au comité de suivi régional, après avoir entendu l’employeur et les représentants du personnel, la possibilité de suspendre ou de retirer l’aide accordée et, en cas d’utilisation non conforme à la loi, d’en exiger le remboursement. Si nous souhaitons que ce nouveau pouvoir de contrôle et de fonction soit octroyé au comité de suivi régional, c’est parce que la région est compétente en matière de développement économique. De plus, nous espérons ainsi donner un coup de fouet au déploiement de ces comités régionaux, que nous savons très à la peine. En effet, en septembre 2015, seule la région PACA en avait installé un.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Le CICE est arrivé après une période de forte augmentation des prélèvements, non seulement sur les ménages, mais aussi sur les entreprises. Certes, il y avait encore la crise, mais ce crédit d’impôt s’inscrit en quelque sorte dans une logique de restitution des sommes prélevées. Cessez donc de considérer que le CICE est un cadeau ou un chèque en blanc ! En outre, les employeurs doivent d’ores et déjà fournir un certain nombre d’informations et de documents sur son utilisation.
Le dispositif que vous proposez pourrait nous conduire sur une voie qui n’est peut-être pas souhaitable. J’ai en tête, par exemple, les contentieux qui naissent au sujet du CIR, ce qui dissuade certaines entreprises d’y recourir.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il y a tellement peu de contrôles !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Laissons le CICE vivre sa vie afin que les entreprises puissent retrouver un peu d’oxygène, soit pour embaucher, soit pour investir. L’investissement finit toujours par créer de l’emploi à terme.
Pour l’heure, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je partage sans réserve votre objectif d’impliquer les partenaires sociaux dans l’évaluation non seulement du CICE, mais aussi, de façon plus générale, de toutes les orientations stratégiques de l’entreprise.
Comme je l’ai indiqué la semaine dernière au sénateur Watrin, le décret relatif à l’information-consultation sur la stratégie de l’entreprise vient juste d’être publié. Il devrait donner tout son sens à cette consultation et encourager les comités d’entreprise à rendre des avis sur l’utilisation du CICE par l’entreprise, ce qu’ils sont encore trop peu nombreux à faire. Il s’agit pour moi d’un préalable indispensable à la saisine des comités régionaux.
Cela étant, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, car je le trouve prématuré. Discutons-en d’abord avec les partenaires sociaux.
Vous le savez, un comité de suivi du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi a été instauré, sur l’initiative du Premier ministre. Présidé par Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France Stratégie, ce comité réunit notamment les partenaires sociaux. J’attends son rapport, mais je ne pense pas que le fait d’accorder un pouvoir de sanction à un comité régional extérieur à l’entreprise soit une réponse adéquate.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je voterai l’amendement présenté par nos collègues du groupe CRC.
Monsieur le rapporteur, vous dites que le CICE est nécessaire pour les entreprises, qu’il leur permet de mieux vivre, que les investissements qu’elles peuvent effectuer grâce à lui créeront plus tard de l’emploi. Vous oubliez un petit détail : les dividendes qu’il permet de distribuer aux actionnaires et l’exil fiscal de certains bénéfices, comme on l’a vu tout à l’heure. Cet argent distribué aux actionnaires ne fait qu’accentuer les inégalités. Par conséquent, l’État donne parfois, pas partout, de l’argent pour accentuer les inégalités.
L’argent du CICE qui sert souvent à assurer des dividendes aux actionnaires pourrait être utilisé par les hôpitaux, par la justice – rendre la justice plus rapide serait bon pour les entreprises et pour l’économie –, par les collectivités locales – ne dites-vous pas qu’elles ont moins de moyens ? Il y avait donc d’autres choix à faire que de donner l’argent aux entreprises.
Cet argent, dont l’utilisation n’est pas contrôlée, dont on ne connaît pas la finalité et dont une partie sert à distribuer des dividendes aux actionnaires, accroît l’écart entre les plus riches et les plus pauvres. On peut me répondre que ce n’est pas grave. Et pourtant si ! À Paris, par exemple, les gens riches ne se préoccupent pas du montant des loyers ou du prix du mètre carré, ce qui conduit à une augmentation des prix des logements. Le fait que des gens aient beaucoup d’argent nuit à la mixité sociale, empêche les salariés d’habiter près de leur entreprise. Cela a donc des incidences très importantes.
Pour ma part, je soutiens que le CICE doit être conditionné à des résultats et que cet argent serait beaucoup plus utile au ministère de la justice ou aux collectivités locales.
Madame la ministre, reprendre aux entreprises l’argent qui leur a été donné pour créer des emplois quand elles n’en ont pas créé, ce n’est pas une « sanction ». Ce terme que vous avez utilisé est exagéré. C’est simplement respecter le contrat qui avait été fixé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voterai l’amendement de nos collègues du groupe CRC, car j’ai toujours plaidé pour que le CICE soit ciblé et assorti de contreparties. C’est bien gentil d’informer, de demander l’avis, de le transmettre à un comité régional, qui lui-même rédigera un rapport national, mais, au bout du compte, on va nous expliquer que, de toute façon, le CICE va se transformer en allégements durables de cotisations, fondus avec le pacte de responsabilité. C’est déjà quasiment annoncé…
Ce qu’on observe était, hélas ! prévisible : à défaut d’avoir ciblé les secteurs les plus exportateurs et les plus exposés à la mondialisation et à la concurrence internationale, notre balance commerciale reste déficitaire, notre industrie continue à perdre des emplois – même si cela pourrait s’expliquer par la modernisation – et, plus grave, des parts de marché.
Pour des secteurs qui n’avaient pas besoin du CICE, comme la grande distribution ou d’autres, ce dispositif est effectivement une manne financière. On nous dit que les salaires ont augmenté. Or tel n’est pas le cas des plus bas d’entre eux. En outre, ce sont souvent des primes qui sont versées.
Deux stratégies étaient pourtant possibles.
La première, celle que j’avais préconisée, était une négociation dans l’entreprise, avec accord du comité d’entreprise. On prend tout le temps les sociaux-démocrates en exemple. Or, en social-démocratie, on ne se contente pas de causer encore et toujours : on a des leviers pour décider ! Nous avons à cet égard des marges de progression.
La seconde stratégie était d’augmenter le SMIC. Cette augmentation aurait été absorbée pour une part par le CICE dans les secteurs à forte main-d’œuvre. En outre, cela aurait permis de renforcer les carnets de commandes des entreprises françaises.
Bref, je suis d’accord avec l’amendement : le CICE doit faire l’objet d’un accord du comité d’entreprise.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste votera contre cet amendement.
Je rappelle que, après le choc fiscal qui a frappé deux fois, sous le précédent Président de la République et au début de ce quinquennat, et qui, d’après l’INSEE, a amputé la croissance de 0,3 ou 0,4 point de PIB, le CICE a permis non seulement aux entreprises de rétablir leurs marges, mais également à l’économie de redémarrer. On le constate aujourd'hui, il y a eu une augmentation salariale, supérieure à l’inflation, de l’ordre de 1,6 %, et 160 000 emplois nets ont été créés au cours des dix-huit derniers mois. On ne peut pas nier l’évidence !
Qu’on sache ce qu’il en est et là où il faut encore faire des efforts, soit ! Le Gouvernement l’a compris il y a déjà deux lois de finances, et les ménages rattrapent ce choc fiscal ; on y est presque. Mais ne dites pas que les inégalités se creusent et ne faites pas comme si l’on ne commençait pas à voir les résultats positifs de l’action du Gouvernement. Nous n’avons pas de suspicions à l’égard du Gouvernement sur ce sujet, ni sur d’autres d’ailleurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Mon argumentation sera la même que celle de Marie-Noëlle Lienemann. Les informations qui nous parviennent sur le CICE montrent que le dispositif aurait en effet dû être ciblé.
Nous ne disons pas que le CICE n’est pas bénéfique aux petits artisans ou aux toutes petites entreprises. Il leur a souvent permis d’investir dans du matériel utile à leur fonctionnement, par exemple une camionnette. En revanche, les grands groupes de la grande distribution ou des secteurs assurantiel et bancaire avaient-ils besoin de cet avantage fiscal très disproportionné par rapport au peu de difficultés qu’ils rencontrent ?
Mme Nicole Bricq. À La Poste, cela a permis de maintenir des emplois !
M. Dominique Watrin. Ce n’est pas moi qui parle, madame Bricq, c’est M. Mulliez, le PDG d’Auchan, la plus grande fortune du Nord-Pas-de-Calais !
Alors que le Nord-Pas-de-Calais est la région qui compte le plus grand nombre de pauvres et de très pauvres, M. Mulliez a déclaré qu’il avait reçu 160 millions d’euros au titre du CICE, mais qu’il n’avait rien réclamé et qu’il n’en avait de toute façon pas besoin. Ce sont donc 160 millions d’euros qui ont été gaspillés.
Si un bilan était effectué entreprise par entreprise, en particulier dans ces secteurs, on verrait bien que le CICE, c’est du gâchis. Si on calcule le coût d’un emploi en faisant le rapport entre le coût global du CICE et le nombre d’emplois créés, même si les chiffres qui nous ont été donnés en la matière me paraissent discutables, on en arrive à une somme comprise entre 130 000 euros et 200 000 euros !
Alors qu’on ne cesse ici de nous parler d’austérité, de nous dire qu’il faut calculer à l’euro près les actions utiles de l’État dans le domaine social, on verse des subventions exorbitantes à de grands groupes qui, en réalité, ne travaillent pas pour l’emploi. Je ne pense pas en effet que les caissières d’Auchan aient été augmentées, même de manière minime.
Mme Nicole Bricq. Ça, c’est vrai !
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 627, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 10 à 15
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéas 28 à 33
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le projet de loi prévoit que l’employeur pourra avoir recours systématiquement à la visioconférence lors des réunions des comités d’entreprise, à l’exception de deux fois dans l’année.
Ce qui peut, de prime abord, sembler relever de la modernité et de l’adaptation à un monde en évolution pourrait en réalité être un grave coup porté aux intérêts et aux droits des salariés. En effet, si la présence physique des représentants des salariés lors des comités d’entreprise peut sembler anodine à ceux qui ignorent la réalité des relations et des rapports de force au sein du monde du travail, elle est en fait fondamentale.
Être présent physiquement lors des comités d’entreprise est une condition sine qua non au bon suivi des débats et à une réelle prise en compte des éléments présentés, à une forme de coresponsabilité. Suivre ce genre de réunion en visioconférence conduit nécessairement à accroître le manque de considération dont sont déjà victimes les salariés et leurs représentants. Il semble peu responsable, par exemple, de permettre à une entreprise d’organiser un plan de sauvegarde de l’emploi sans la présence physique des représentants du personnel. Or votre projet de loi le permet puisqu’un plan de sauvegarde de l’emploi nécessite à lui seul deux à trois réunions du comité d’entreprise pour être valide.
D’une manière plus générale, les comités d’entreprise des grands groupes permettent aux délégués syndicaux, répartis sur plusieurs sites, de se retrouver en amont de la réunion et de la préparer ensemble afin d’être en mesure de faire face aux propositions de la direction. Ils disposent ainsi d’une avance en matière d’information et d’organisation.
Encore une fois, sous couvert de modernisation, et par méconnaissance profonde des réalités du monde du travail, vous souhaitez introduire un nouveau recul pour les salariés.
Mme la présidente. L'amendement n° 626, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 10 et 11
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
II ter. – La deuxième phrase de l’article L. 2325-5-1 du code du travail est supprimée.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 1015, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Après la première occurrence du mot :
phrases
insérer les mots :
du dernier alinéa
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 627 et 626.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’amendement n° 1015 est un amendement de coordination.
La commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 627 et 626, considérant que le mouvement enclenché dans la loi Rebsamen s’inscrivait dans le temps présent.
Cela étant, cette disposition a un caractère facultatif : nul n’est obligé de recourir à cet outil moderne qu’est la visioconférence. Je suis persuadé, tout comme vous, que rien ne remplace le face-à-face, ou le côte à côte, y compris pour l’employeur, lorsque l’on veut faire aboutir les dossiers.
J’y insiste, c’est une faculté qui est proposée ; il ne s’agit pas d’avoir recours à la visioconférence de manière systématique. Telle qu’elle est rédigée, la loi permet de la souplesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il est impératif de rappeler que nous n’avons pas généralisé la visioconférence : elle ne sera possible que trois fois par an, sauf si les partenaires sociaux décident, par accord, d’y recourir plus souvent. Il n’y a donc aucun déni de démocratie dans la législation actuelle. Le dialogue social, fort heureusement, ne va pas devenir virtuel.
On ne peut pas considérer que ce qui vaut pour le fonctionnement quotidien d’une entreprise internationale ne peut valoir pour ses instances de dialogue social. Nous offrons une possibilité, rien de plus. Il appartient aux acteurs sociaux de décider ce qu’ils veulent faire. Pour ma part, je ne souhaite pas revenir sur l’équilibre qui a été trouvé dans la loi Rebsamen. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 627 et 626.
Quant à l’amendement n° 1015, j’y suis favorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 984, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au 2° de l’article L. 2323-13, après les mots : « ou à l’assemblée des associés » sont insérés les mots : « , notamment le rapport de gestion prévu à l’article L. 225-102-1 du code de commerce qui comprend les informations relatives à la responsabilité sociale des entreprises ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Cet amendement vise à mettre en œuvre une préconisation figurant dans le rapport du Conseil économique, social et environnemental sur le développement de la culture du dialogue social, rapport qui m’a été remis au début du mois et sur lequel nous avons eu des échanges la semaine dernière.
Cet amendement tend à prévoir que le rapport comprenant les informations relatives à la responsabilité sociale, qui est une obligation pour les grandes entreprises, sera versé dans la base de données accessible à tous les représentants du personnel. Cette mesure s’inscrit véritablement dans la continuité de toutes celles que nous avons prises depuis le début du quinquennat pour donner un rôle central au comité d’entreprise et pour renforcer la capacité des représentants du personnel à s’approprier les informations stratégiques et à peser sur les décisions. Il s’agit d’une avancée supplémentaire pour la démocratie dans l’entreprise.
Telles sont les raisons pour lesquelles j’invite le Sénat à adopter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement de précision, même si les informations sur la responsabilité sociale de l’entreprise doivent déjà être communiquées au comité d’entreprise. L’écrire noir sur blanc ne nous pose pas de difficulté.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Je souhaite déposer un sous-amendement ou proposer une rectification concernant l’amendement gouvernemental. Notre groupe pense en effet qu’il serait utile d’ajouter après les mots « responsabilité sociale » les mots « et environnementale ».
Même si cet amendement va dans le bon sens, sa portée reste limitée, car, selon nos estimations, seul un salarié sur trois pourrait bénéficier de cette information. Cela étant, nous sommes prêts à l’adopter, mais nous aimerions qu’il soit modifié dans le sens que nous proposons.
Mme la présidente. L’amendement n° 984 serait donc ainsi libellé : les informations relatives à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
Qu’en pensez-vous, madame la ministre ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission n’ayant pas examiné l’amendement ainsi rectifié, elle s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement est extrêmement important. Tout ce qui a trait à la responsabilité sociale et environnementale, en appui à une croissance que l’on veut durable et inclusive, commence à bien se diffuser dans les sociétés européennes, en particulier dans les sociétés françaises. Pour notre part, nous y sommes très attachés. Au reste, dès 2012 ou 2013, le Gouvernement a mis en place une plateforme RSE à laquelle ont participé les entrepreneurs et les organisations syndicales, le milieu associatif, ainsi qu’un représentant du Conseil économique, social et environnemental.
L’amendement du Gouvernement tombe à point nommé, alors que se développe la prise en compte de la responsabilité sociale et environnementale dans tous les secteurs, qu’ils soient industriels ou financiers. J’insiste sur le secteur financier, car il existe une bonne et une mauvaise finance. Dans ce secteur également, on voit se développer cette responsabilité. C’est très bien de l’accompagner dans ce texte.
Vous avez bien fait, madame la ministre, de reprendre cette préconisation du Conseil économique, social et environnemental, laquelle prouve la pertinence de ses rapports. Il est pour nous très important que cette responsabilité soit prise en compte dans toutes les entreprises.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je trouve un peu gênant d’avoir à nous prononcer sur une telle disposition – l’ajout du mot « environnemental » aura tout de même des conséquences importantes pour les entreprises – au détour d’une rectification. Dans ces conditions, la commission ne sert plus à grand-chose. Très honnêtement, je préférerais qu’on en reparle lors de la deuxième lecture, puisque deuxième lecture il doit y avoir semble-t-il, plutôt que de voter cet amendement automatiquement.
Mme la présidente. Dans ces circonstances, je suis saisie du sous-amendement n° 1041, présenté par M. Watrin, et ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
responsabilité sociale
insérer les mots :
et environnementale
Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Défavorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 289 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, M. Capo-Canellas, Mmes Hummel et Deromedi et MM. Laménie et Cigolotti.
L'amendement n° 933 rectifié bis est présenté par Mme Laborde, MM. Amiel, Bertrand et Guérini et Mmes Jouve et Malherbe.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 11
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au second alinéa de l’article L. 2325-34, la référence : « L. 2323-57 » est remplacée par la référence : « L. 2323-17 ».
La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 289 rectifié bis.
Mme Jacky Deromedi. La commission de l’égalité professionnelle créée au sein du comité d’entreprise dans les entreprises d’au moins trois cents salariés telle que prévue à l’article L. 2325-34 est « notamment chargée de préparer les délibérations du comité d’entreprise prévues à l’article L. 2323-57 ».
La présente rédaction n’a pas été modifiée depuis les modifications et renumérotations d’articles du code du travail intervenues dans le cadre de la loi du 17 août 2015. L’article L. 2323-57, qui correspondait au rapport de situation comparée, porte désormais sur un tout autre sujet lié aux aides publiques. L’article L. 2325-34 sur la commission de l’égalité doit donc être modifié afin de viser l’article L. 2323-17 sur la consultation du comité d’entreprise en matière d’égalité professionnelle, et non l’article L. 2323-57.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 933 rectifié bis.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement vise à corriger une erreur de référence. Il semble toutefois que nous en ayons introduit une nouvelle… J’attends que la commission et le Gouvernement donnent leur avis avant de poursuivre, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je suis tout à fait favorable à la rectification de cette référence, qui n’a pas été actualisée après l’adoption de la loi relative au dialogue social et à l’emploi.
Toutefois, il me semble qu’il serait plus juste et plus précis de remplacer la référence à l’article L. 2323-57 par la référence à l’article L. 2323-15, qui prévoit la consultation sur la politique sociale au sein de laquelle est traitée la question de l’égalité professionnelle. L’article L. 2323-17, que vous visez, traite plus précisément des informations à mettre à disposition en vue de cette consultation.
Mme la présidente. Acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par le Gouvernement, mes chers collègues ?
Mme Jacky Deromedi. Oui, madame la présidente.
Mme Françoise Laborde. J’accepte également, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 289 rectifié ter est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, M. Capo-Canellas, Mmes Hummel et Deromedi et MM. Laménie et Cigolotti.
L'amendement n° 933 rectifié ter est présenté par Mme Laborde, MM. Amiel, Bertrand et Guérini et Mmes Jouve et Malherbe.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 11
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au second alinéa de l’article L. 2325-34, la référence : « L. 2323-57 » est remplacée par la référence : « L. 2323-15 ».
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 289 rectifié ter et 933 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 169 rectifié bis est présenté par Mmes Meunier, Génisson, Blondin et Lepage, M. Courteau, Mmes Monier, Conway-Mouret, D. Michel, Féret et Yonnet, M. Vaugrenard, Mme Bataille, M. Kaltenbach, Mmes Emery-Dumas et Schillinger, M. Daudigny, Mme S. Robert, MM. Assouline et Durain, Mme Ghali, MM. Marie, Tourenne et Néri, Mmes Tocqueville et Jourda, M. Carrère, Mmes Campion et Riocreux, M. Frécon et Mme Guillemot.
L'amendement n° 625 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Après le mot : « que, », la fin du 2° de l’article L. 2323-17 est ainsi rédigée : « son plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ce plan d’action fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels, détermine les objectifs de progression prévus pour l’année à venir, définit des actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre et évalue leur coût. Ce plan d’action doit porter sur un nombre minimum de domaines prévus par décret. Un rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes est produit en vue de la consultation prévue à l’article L. 2323-15 ; »
La parole est à Mme Stéphanie Riocreux, pour présenter l’amendement n° 169 rectifié bis.
Mme Stéphanie Riocreux. Nous nous réjouissons des informations que vient de nous communiquer Mme la ministre sur l’amendement précédent.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 625.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à réintroduire dans le code du travail le rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes, ou RSC. Ce rapport, outil issu de la loi Roudy de 1983, avait été renforcé par la loi de 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, avant d’être supprimé un an plus tard par la loi Rebsamen.
Pour mémoire, ce rapport permettait d’apprécier, pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise, la situation respective des femmes et des hommes en matière d’embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de sécurité et de santé au travail, de rémunération effective et d’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale. Les représentants du personnel disposaient ainsi d’indicateurs chiffrés et détaillés, de données explicatives, permettant non seulement de rendre visibles les inégalités entre les salariés des deux sexes, mais aussi de servir de support à un plan d’action destiné à réduire et à faire disparaître ces inégalités. Le RSC constituait donc le document à partir duquel l’employeur devait faire des propositions pour l’égalité professionnelle dans le cadre d’un plan d’action encore non négocié.
En supprimant le RSC, la loi Rebsamen a dilué le thème de l’égalité professionnelle dans la qualité de vie au travail, rendant plus difficile l’accès aux informations, ce qui a des conséquences sur la qualité de la négociation.
Par ailleurs, cette loi a inversé l’ordre des discussions et des négociations. Ainsi, s’il est toujours obligatoire de consulter le comité d’entreprise sur les informations et les indicateurs chiffrés contenus dans la base de données économiques et sociales, la consultation porte désormais sur l’accord ou, à défaut, le plan d’action. Or le maintien de ce lien entre le diagnostic sur la situation comparée des femmes et des hommes et la négociation est essentiel pour tendre vers une égalité professionnelle réelle.
Comme en 2015, nous proposons donc de réintroduire le rapport de situation comparée et de revenir sur cette inversion préjudiciable à la qualité de la négociation en matière d’égalité professionnelle, sujet sur lequel, nous le savons, de nombreux efforts restent à faire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits par l’article L. 2242-8 du code du travail, qui a justement été modifié par la loi Rebsamen. La rédaction actuelle du code du travail nous semble même aller un peu plus loin que ces amendements, car elle prévoit la mise à la disposition des salariés de la synthèse du plan d’action : publication sur le site internet, etc.
J’espère que ces explications et celles de Mme la ministre vous convaincront, mes chères collègues, de retirer vos amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je partage votre souci d’assurer une consultation du comité d’entreprise qui soit la plus efficace possible sur la question de l’égalité professionnelle dans l’entreprise. Cependant, je ne veux pas relancer les débats que vous avez eus au moment de l’adoption de la loi Rebsamen, qui a renforcé le contenu de la base de données économiques et sociales sur le sujet essentiel de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Par ailleurs, il ne me paraît pas opportun de prévoir l’obligation de mettre à disposition un plan d’action dès lors qu’un accord a été conclu, puisque cet accord présentera justement la stratégie de l’employeur pour assurer l’égalité professionnelle dans l’entreprise.
Je ne suis pas favorable à la réintroduction d’un rapport sur la situation comparée des femmes et des hommes. D’une part, la loi du 17 août 2015 a supprimé la remise formelle de rapports, peu compatible avec la logique de base de données économiques et sociales ; d’autre part, et surtout, comme je viens de le préciser, le contenu de celle-ci en matière d’égalité professionnelle a été défini de façon à maintenir la qualité de l’information mise à la disposition du comité d’entreprise.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le rapporteur, je ne retirerai pas cet amendement, en raison d’une différence à nos yeux substantielle. S’il est toujours obligatoire de consulter le comité d’entreprise sur les informations ou sur les indicateurs chiffrés contenus dans la base de données unique, désormais, la consultation porte sur l’accord ou, à défaut, sur le plan d’action, ce qui signifie que tout le travail effectué en amont, qui permettait un éclairage approfondi, a disparu. C’est cet aspect que nous contestons par cet amendement.
Mme la présidente. Madame Riocreux, l'amendement n° 169 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Stéphanie Riocreux. Je souhaite revenir sur mon intervention précédente.
Il est vrai que ce point, lors de l’examen de la loi Rebsamen, avait suscité une vive émotion et une grande mobilisation de la part des parlementaires et des associations féministes. Le ministre, à l’époque, nous avait entendus et apporté des modifications sur le rapport de situation comparée, qui ne prenait pas en compte suffisamment d’éléments.
Le groupe socialiste, auquel j’appartiens, l’avait voté, mais il nous semble que ce n’est pas encore suffisant. Tel était l’objet de cet amendement. Toutefois, au vu des éléments que vous nous avez apportés, madame la ministre, je le retire.
Mme la présidente. L'amendement n° 169 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 625.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 628, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 20
Remplacer les mots :
les douze derniers mois
par les mots :
douze mois
II. – Alinéa 22
Compléter cet alinéa par les mots :
et les mots : « les douze derniers » sont remplacés par le mot : « douze »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à élargir la période de référence pour le calcul des effectifs des entreprises.
Alors que le droit en vigueur n’établit qu’indirectement la période de référence dans le code du travail, à l’article L. 2325-14-1, la rédaction actuelle généralise le principe d’un calcul des effectifs basé sur les douze derniers mois. Si cette mesure va effectivement permettre une clarification du droit, il ne nous semble pas que la rédaction de l’article, qui reprend le droit en vigueur, soit la plus bénéfique. En effet, elle ne permet une prise en compte des effectifs que dans la dernière année, ce qui semble restrictif. Il nous paraît plus pertinent que la période de référence soit allongée à trois ans, afin de s’adapter le plus possible à la réalité de l’entreprise.
Cette disposition doit permettre d’assujettir plus d’entreprises à l’obligation d’informer les comités d’entreprise et les délégués du personnel. Ce texte, qui se veut le refondateur du dialogue social et du renforcement des acteurs de la négociation collective, manque ici le coche, nous semble-t-il.
La retenue d’une période de référence d’une seule année, avec un an de délai pour faire appliquer les nouvelles obligations, entraîne une instabilité importante. Ainsi, une entreprise qui oscillerait régulièrement autour du seuil risque d’échapper à une obligation d’information détaillée au comité d’entreprise. C’est pourquoi il est proposé que la période de référence soit fixée à trois ans et non à une seule année.
La question de la démocratie en entreprise nécessite un droit d’information complet des comités d’entreprise. Les obligations pour les employeurs concernent des éléments essentiels au bon exercice des comités et utiles lors de négociations collectives : la répartition du capital, la position de l’entreprise dans un groupe et une branche, les plans ou projets envisagés, la situation économique et l’état des lieux de l’activité, le recours aux contrats précaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission préfère maintenir la règle actuelle : la période de référence doit correspondre aux douze derniers mois et non pas à douze mois sur une période de trente-six mois, comme le souhaitent les auteurs de l’amendement.
Nous avons déjà débattu vendredi dernier des effets des franchissements de seuil, chiffres à la clé. Nous avons pu en mesurer l’impact. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable. Cette disposition simplifiera la vie des entreprises, qui n’auront qu’une seule façon d’apprécier le seuil de franchissement de trois cents salariés pour toutes les règles de fonctionnement du comité d’entreprise.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 628.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 327 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 189 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 9, modifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 328 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Pour l’adoption | 312 |
Contre | 20 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l'article 9
Mme la présidente. L'amendement n° 621, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L.1111-3 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « Ne » et « pas » sont supprimés ;
2° Au dernier alinéa, le mot : « Toutefois, » est supprimé.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à modifier l’article L. 1111-3 du code du travail afin d’intégrer les apprentis, les contrats de professionnalisation et les contrats aidés dans l’effectif des entreprises pour déterminer le seuil de mise en place des IRP, les institutions représentatives du personnel.
Si cet amendement était adopté, il mettrait la France en conformité avec une décision de la Cour de justice de l’Union européenne rendue le 15 janvier 2014. Cette décision affirme justement que les dispositions de cet article, non conformes à la directive du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, violent le droit de l’Union.
Certes, vous me direz que, faute de pouvoir être écarté par la directive et par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article L.1111-3 reste aujourd'hui applicable en droit français. Cependant, devant l’inaction des gouvernements successifs, la Commission européenne pourrait s’emparer du problème, saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours en manquement aux fins de condamner l’État français pour non-respect du droit de l’Union européenne.
Notre amendement vise donc à calculer le seuil de mise en place des IRP en lien avec la réalité de l’effectif de l’entreprise et à mettre en conformité notre pays avec les règles européennes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Monsieur Watrin, nous vous avons entendu, mais nous considérons que ce n’est pas sous les injonctions de l’Union européenne qu’il faut réformer ! (Sourires.)
M. Dominique Watrin. Ça dépend pour quoi !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Trêve de plaisanterie : nous craignons que la modification des règles existantes ne pénalise les publics concernés, certains employeurs pouvant redouter un franchissement du seuil.
L’avis de la commission est donc défavorable, mais je sais que Mme la ministre est très mobilisée sur le sujet.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je partage votre souci, monsieur le sénateur Watrin, de garantir les droits des salariés et d’assurer la conformité de notre droit à la législation européenne. Mais notre objectif est également de favoriser l’emploi, notamment celui des jeunes et des moins qualifiés. La prise en compte dans le calcul des effectifs des contrats aidés ne doit donc pas freiner l’embauche ni le maintien dans l’emploi.
Sachez que la commissaire européenne, Mme Marianne Thyssen, et moi-même avons échangé sur cette question récemment. Par ailleurs, l’IGAS doit me remettre un rapport dans les prochains mois, afin de trouver une solution appropriée concernant les différents aspects que vous évoquez.
À ce stade, l’avis du Gouvernement est donc défavorable, mais je m’engage à vous transmettre le rapport de l’IGAS dès qu’il me sera remis. La question que vous soulevez est en effet importante.
Mme la présidente. Monsieur Watrin, l'amendement n° 621 est-il maintenu ?
M. Dominique Watrin. Nous prenons acte des propos de Mme la ministre et la remercions de nous communiquer le futur rapport de l’IGAS. Nous maintenons néanmoins l’amendement.
Pour répondre à la boutade de M. le rapporteur, j’ajoute qu’il ne s’agit pas de nous soumettre à une décision de justice européenne ; il s’agit d’être à la hauteur de l’exigence de justice.
Je rappelle que les modalités particulières d’embauche liées à la mise en œuvre des contrats d’apprentissage, des contrats initiative emploi, des contrats de professionnalisation et de tous les types de contrats dits aidés ouvrent droit pour l’entreprise à des allégements et à des exonérations de cotisations sociales. On comptabilise tous ces contrats un peu atypiques dans les effectifs de l’entreprise pour faire bénéficier celle-ci de certains avantages fiscaux ou sociaux, mais on ne les prend pas en compte lorsqu’il s’agit de déterminer le seuil ouvrant la possibilité de créer des institutions représentatives du personnel. C’est donc pour moi une question de justice et de cohérence.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je soutiens l’amendement présenté par le groupe CRC. Les apprentis sont des membres de l’entreprise en formation ; ce ne sont pas des étudiants en stage.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 138 rectifié bis est présenté par Mmes Blondin, Génisson, Meunier et Lepage, M. Courteau, Mmes Monier, Conway-Mouret, D. Michel et Féret, M. Vaugrenard, Mme Bataille, M. Kaltenbach, Mmes Emery-Dumas et Schillinger, M. Daudigny, Mme S. Robert, MM. Assouline et Durain, Mme Ghali, MM. Marie, Tourenne, Filleul, Botrel, Néri et Godefroy, Mmes Tocqueville et Jourda, M. Carrère, Mmes Campion et Riocreux, M. Frécon, Mme Guillemot et M. J.C. Leroy.
L'amendement n° 282 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Lasserre, Capo-Canellas, Roche et Laménie, Mmes Hummel et Deromedi, M. Cigolotti et Mme Létard.
L'amendement n° 422 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au chapitre V du titre IV du livre Ier de la première partie du code du travail, il est rétabli un article L. 1145-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1145-1. – Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes participe à la définition et à la mise en œuvre de la politique menée en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »
La parole est à Mme Stéphanie Riocreux, pour présenter l’amendement n° 138 rectifié bis.
Mme Stéphanie Riocreux. Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes institué par la loi de 1983, dite loi Roudy, rend des avis sur les projets de loi relatifs au travail sous le prisme des droits des femmes et alimente ainsi les travaux des parlementaires.
Dans le cadre des travaux de recodification menés en 2008 par voie d’ordonnance, les dispositions relatives au Conseil supérieur de l’égalité professionnelle ont été déclassées dans la partie réglementaire du code du travail. Or il convient de rappeler que d’autres instances, telles que la Commission nationale de la négociation collective ou le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle, sont, elles, reconnues dans la loi. Dans un autre domaine, les dispositions relatives au Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge figurent dans la partie législative du code de l’action sociale et des familles.
Au-delà de la reconnaissance du rôle et des travaux de grande qualité du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, par exemple sur le sexisme en milieu professionnel, la place des femmes dans les conseils d’administration et de surveillance ou encore dans le cadre des négociations collectives sur l’égalité, il s’agit de veiller à la pérennité des instances contribuant à la définition et à la mise en œuvre de la politique publique de l’égalité entre les femmes et les hommes. Et cela vaut naturellement aussi pour le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, dont l’existence doit se voir reconnue dans la loi !
Afin de continuer à faire progresser l’égalité réelle dans le monde du travail, le présent amendement vise ainsi à introduire un nouvel article relatif au Conseil supérieur de l’égalité professionnelle dans le chapitre V du titre IV du livre Ier de la première partie du code du travail.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l'amendement n° 282 rectifié bis.
M. Gérard Roche. Par cet amendement identique, nous demandons que les dispositions relatives au Conseil supérieur de l’égalité professionnelle déclassées dans la partie réglementaire reviennent dans la loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 422.
M. Jean Desessard. Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le CSEP, a été créé par la loi du 13 juillet 1983, dite loi Roudy, portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Il rend des avis sur les projets relatifs au droit du travail sous le prisme du droit des femmes et contribue ainsi à l’information des parlementaires.
Par un décret du 30 avril 2013, le champ des travaux du CSEP a été élargi à l’articulation des temps, aux modes de garde, aux congés familiaux, aux systèmes de représentation dans l’entreprise, au harcèlement sexuel et moral, à la formation initiale et continue et à la diversification des choix professionnels des filles et des garçons, à la création et à la reprise d’entreprises par les femmes…
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le CSEP joue un rôle majeur dans l’évolution du droit à l’égalité femmes-hommes. C’est pourquoi nous ne comprenons pas pourquoi les dispositions relatives au CSEP ont été déclassées dans la partie réglementaire du code du travail par une ordonnance de 2008. Nous sommes d’autant plus étonnés que d’autres instances, comme la Commission nationale de la négociation collective ou le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle, sont, elles, reconnues dans la loi.
Nous souhaitons que le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes relève de nouveau du domaine de la loi. C’est pourquoi nous soutenons un amendement en ce sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission souhaite recueillir l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements identiques.
Comme l’ont souligné les intervenants, le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, qui figurait auparavant dans la partie législative du code, est désormais inscrit dans sa partie réglementaire.
Quelle que soit la place de cette instance dans le code, nous tenons à saluer le travail effectué par Brigitte Grésy depuis de nombreuses années.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Depuis 2008, le CSEP, comme l’ensemble des organes consultatifs, figure dans la partie réglementaire du code du travail.
Quoi qu’il en soit, je veux, à mon tour, saluer la grande qualité des travaux du CSEP, qui permet véritablement de faire avancer la cause des femmes dans le monde professionnel.
Malgré la nature réglementaire du dispositif prévu par ces amendements, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je remercie M. le rapporteur d’avoir cité l’incontournable Brigitte Grésy, qui a en effet remarquablement servi le sujet de l’égalité professionnelle femmes-hommes, et Mme la ministre de s’en remettre à la sagesse du Sénat.
Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes était initialement inscrit dans la loi Roudy. J’ose une référence – laïque – : il me semble souhaitable que cette instance figure de nouveau dans les tables de la loi, même si j’entends bien qu’une telle disposition est de nature réglementaire. Cette question est plus que symbolique.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 138 rectifié bis, 282 rectifié bis et 422.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 285 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Roche et Capo-Canellas, Mme Hummel et MM. Laménie et Cigolotti.
L'amendement n° 837 rectifié est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 932 rectifié bis est présenté par Mme Laborde, MM. Amiel et Bertrand, Mmes Jouve et Malherbe et M. Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 225-94-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois » ;
b) La dernière phrase est supprimée ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une personne physique ne peut exercer un mandat de membre du directoire, de directeur général unique, d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français pour une durée supérieure à douze ans. »
La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l’amendement n° 285 rectifié bis.
M. Gérard Roche. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle ont rendu public, le 10 février 2016, un rapport sur la parité intitulé Vers un égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles : la part des femmes dans les conseils d’administration et de surveillance – Rapport intermédiaire d’évaluation de la mise en œuvre des lois du 27 janvier 2011 et du 12 mars 2012.
Ce rapport met en évidence un bilan très contrasté.
Dans le secteur privé, les grandes entreprises cotées sont en bonne voie pour atteindre l’objectif fixé, avec plus de 30 % de femmes dans leurs conseils ; les entreprises non cotées visées par la loi semblent en revanche rencontrer plus de difficultés, puisque cette part s’élève à moins de 15 %.
Dans le secteur public, les quelques données existantes montrent une légère progression, mais loin des résultats attendus, ce qui est paradoxal.
Il ressort de cette évaluation que ces lois sont très mal connues, y compris des entreprises visées, et qu’elles ont été mal outillées, puisque leur suivi et leur contrôle n’ont pas été pensés. Ces conclusions ont conduit les membres de ces deux conseils à formuler plusieurs recommandations.
Dans le prolongement de ces travaux, le présent amendement vise à modifier l’article L. 225-94-1 du code de commerce.
Il s’agit, d’une part, de préciser, au premier alinéa, qu’une personne physique ne peut exercer simultanément plus de trois mandats, et non plus cinq, de directeur général, de membre du directoire, de directeur général unique, d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français ; de ce fait, il convient de supprimer, par coordination, les dispositions prévues par la dernière phrase de cet alinéa, devenues sans objet.
Il s’agit, d’autre part, d’introduire un nouvel alinéa prévoyant qu’« une personne physique ne peut exercer un mandat de membre du directoire, de directeur général unique, d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français pour une durée supérieure à douze ans ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 837 rectifié.
Mme Annie David. Cet amendement a trait, de notre point de vue, à la démocratie au sein des entreprises.
Un rapport du Haut Conseil à l’égalité, rendu public en février dernier, procède à une évaluation intermédiaire des lois de 2011 et 2012 portant sur l’accès des femmes aux conseils d’administration des grandes entreprises et aux postes de direction dans la fonction publique. Pour rappel, l’objectif fixé pour 2017 est d’atteindre 40 % minimum de femmes ou d’hommes au sein des conseils de plus de huit membres et un écart maximum de deux entre les femmes et les hommes au sein des conseils de huit membres ou moins.
Le bilan établi par le Haut Conseil à l’égalité fait état, certes, d’une progression, mais surtout de difficultés à recueillir des données précises et exhaustives de la part des entreprises. Cette progression, qu’il convient de noter, est le résultat de l’application de la loi, c’est-à-dire de l’existence d’obligations légales. Notre amendement vise donc à modifier légèrement la loi pour encourager de nouveau cette progression.
Nous pensons, tout comme le Haut Conseil à l’égalité, que la limitation de la durée du mandat à trois ans, au lieu de cinq ans, ainsi qu’une limitation dans le temps à douze ans peuvent permettre un renouvellement. Cela éviterait que certains mandats de membre du directoire, de directeur général, d’administrateur ou bien de membre du conseil ne se trouvent toujours entre les mains des mêmes, en l’occurrence des hommes. Cette limitation dans le temps inciterait à aller chercher de nouvelles candidatures et permettrait donc de faire émerger des femmes à ces responsabilités.
Je ne doute pas un seul instant que vous accepterez cet amendement, mes chers collègues, qui a pour but de faire respecter les obligations fixées par de précédentes lois.
M. Jean Desessard. Ne soyez pas totalitaires ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 932 rectifié bis.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement a été très bien défendu par mes collègues.
Nous avançons sur un certain nombre de points concernant l’égalité hommes-femmes. Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien vouloir modifier le code de commerce, afin de faciliter le renouvellement au sein des conseils d’administration et de surveillance.
J’ajoute que le non-cumul des mandats s’appliquera bientôt pour les élus ; il faut aussi s’intéresser au non-cumul des mandats pour les postes à responsabilité dans les entreprises.
Mme la présidente. L'amendement n° 433 rectifié, présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 225-94-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° À la première phrase, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois » ;
2° La dernière phrase est supprimée.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Nous avons déposé deux amendements : l’amendement n° 433 rectifié est identique à la première partie des trois amendements qui viennent d’être défendus et l’amendement n° 434 rectifié reprend la seconde partie. Nous avons été prudents ; nous nous sommes dit que le Sénat souhaiterait peut-être approuver l’une des parties et pas l’autre…
L’amendement n° 433 rectifié vise à instaurer le principe selon lequel une personne physique ne peut exercer simultanément plus de trois mandats de directeur général, de membre du directoire, de directeur général unique, d’administrateur ou de membre de conseil de surveillance de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français, contre cinq mandats auparavant. Une telle disposition permettrait d’éviter que les copains ne s’épaulent mutuellement dans les conseils d’administration pour s’octroyer des hausses de rémunération. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes préconise en outre une telle mesure.
Mme la présidente. L'amendement n° 434 rectifié, présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 225-94-1 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une personne physique ne peut exercer un mandat de membre du directoire, de directeur général unique, d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français pour une durée supérieure à douze ans. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle ont formulé un certain nombre de propositions, parmi lesquelles le principe selon lequel une personne physique ne peut exercer un mandat de membre du directoire, de directeur général unique, d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français pour une durée supérieure à douze ans.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ces dispositions vont dans le sens de l’histoire, mais il convient de ne pas déstabiliser l’ensemble de l’édifice du capitalisme français. Attendons plutôt la loi Sapin II, qui arrive bientôt en discussion au Sénat, pour en débattre.
Un premier pas a été franchi avec la loi Macron, qui a limité à trois le nombre de mandats sociaux dans les grandes sociétés cotées. Ces amendements vont beaucoup plus loin, puisqu’ils visent toutes les sociétés. Or on sait qu’une société qui détient des participations dans d’autres entreprises peut parfois envoyer une même personne dans les différents conseils.
Quant à l’idée de limiter les mandats à douze ans, elle ressortit à une autre logique, qui n’a pas encore été abordée à ce stade pour ce type d’instances.
La commission sollicite donc le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. La proposition de limiter à trois le nombre de mandats sociaux est en partie satisfaite par la loi Macron, la limite de principe de cinq mandats sociaux dans les sociétés anonymes ayant été portée à trois pour les dirigeants d’une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé et qui emploie dans ses filiales plus de 5 000 salariés en France ou plus de 10 000 salariés au niveau mondial.
Je note que des amendements similaires ont été déposés dans le cadre du projet de loi porté par mon collègue Michel Sapin. À vrai dire, ces dispositions concernent davantage le code de commerce que le code du travail.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. J’avoue que je ne comprends pas comment on peut favoriser l’égalité hommes-femmes en limitant à douze ans le mandat des membres du directoire ou du conseil de surveillance. À l’expiration du délai de douze ans, rien n’empêchera les membres du directoire, du conseil de surveillance ou de l’assemblée générale de nommer d’autres hommes. C’est donc, selon moi, un faux problème.
Mes chers collègues, je voudrais appeler votre attention sur le fait que ces amendements, tels qu’ils sont rédigés, visent l’ensemble des sociétés qui ont un directoire ou un conseil de surveillance, sans distinguer entre celles qui font appel public à l’épargne et celles qui ont un caractère familial.
Appliquer ces amendements aux sociétés familiales qui ont choisi ce mode de gouvernance pour des raisons de transmission ou de meilleure utilisation des organes de direction serait une catastrophe. Nous savons que la transmission d’une entreprise entre membres d’une même famille, surtout quand il y a plusieurs enfants, est extrêmement difficile à organiser. Limiter à douze ans les mandats poserait donc de sérieux problèmes de gouvernance, le dirigeant familial passant souvent du directoire au conseil de surveillance en même temps qu’il distribue des responsabilités au sein du directoire à ses enfants.
Une fois de plus, ce serait un mauvais signal adressé aux TPE françaises, qui ont déjà bien du mal à survivre dans le contexte actuel. On peut réfléchir pour le futur à une rotation plus rapide au sein des sociétés qui font appel public à l’épargne, mais, de grâce, épargnons les TPE !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je suis toujours étonnée d’entendre des arguments pareils : si une femme était à la tête d’une TPE, celle-ci s’effondrerait ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Robert del Picchia. Ce n’est pas ce qui a été dit !
Mme Annie David. C’est un peu ce que dit M. Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Pas du tout !
Mme Annie David. Nous, nous proposons de favoriser le renouvellement au sein des conseils.
Vous voulez que les administrateurs restent plus de douze ans, monsieur Cardoux, mais la nomination d’une personne de sexe opposé lors du renouvellement permettrait tout simplement de respecter la loi, qui fixe à 40 % minimum la présence de l’un des deux sexes, féminin ou masculin. Imaginons – rêvons quelques instants ! – un conseil comprenant 60 % de femmes ; celui-ci sera toujours composé de 40 % d’hommes.
Nous voulons simplement faire en sorte que la loi soit respectée. Interdire à des personnes d’exercer plus de douze ans un même mandat, cela favorisera incontestablement le renouvellement. C’est donc la loi, monsieur Cardoux, qui empêchera de nommer un homme au terme du mandat de douze ans. Dans ce cas, il est de la responsabilité de l’ensemble du conseil d’administration de respecter la loi et de permettre à des femmes de le rejoindre.
À chaque fois qu’il s’agit de faire respecter l’égalité ou la parité entre les femmes et les hommes, ce n’est jamais le bon véhicule législatif. En l’occurrence, on nous renvoie à la loi Sapin II. Mais pourquoi attendre ? Nous vous donnons la possibilité, dès à présent, mes chers collègues, de faire en sorte que la loi soit mieux mise en œuvre.
Nous ne demandons pas l’impossible. Il est incroyable de dire qu’on va mettre en péril les TPE parce que l’on devra nommer une femme à la place d’un homme !
M. Jean-Noël Cardoux. Affligeant !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste s’abstiendra sur ces amendements. Je vais expliquer pourquoi.
Dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, nous avons réglé le problème du cumul des fonctions, en limitant à trois le nombre de mandats sociaux. La loi relative aux nouvelles régulations économiques avait déjà prévu une telle mesure en 2001, mais l’un des premiers actes de la droite revenue aux responsabilités a été de la supprimer.
Ce mouvement se heurte à une résistance très forte, comme nous l’avons vu encore récemment quand il s’est agi de nommer Mme Kocher à la présidence de Suez, en dépit de ses compétences. Nous n’ignorons donc pas les difficultés, mais ces amendements prévoient de recourir à une arme massive dans le code de commerce : la limitation des mandats dans le temps, une règle qui n’existe pas encore en politique. C’est à mon avis trop radical, même si la question mérite d’être posée.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Je me trouve dans une situation un peu délicate.
À titre personnel, j’ai cosigné un amendement auquel la majorité du groupe UDI-UC n’est pas très favorable. Comme je suis aussi chargé de représenter le groupe ce matin, je m’abstiendrai lors du vote.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 285 rectifié bis, 837 rectifié et 932 rectifié bis.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 329 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 224 |
Pour l’adoption | 40 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Monsieur Desessard, l'amendement n° 433 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Nos collègues écologistes ayant pris le parti de rédiger deux amendements, je voterai pour l’amendement n° 433 rectifié, mais je m’abstiendrai sur l’amendement n° 434 rectifié.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 433 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 330 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 218 |
Pour l’adoption | 35 |
Contre | 183 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Monsieur Desessard, l’amendement n° 434 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 434 rectifié est retiré.
Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 139 rectifié bis est présenté par Mmes Blondin, Meunier, Lepage et Génisson, M. Courteau, Mmes Monier, Conway-Mouret, D. Michel et Féret, M. Vaugrenard, Mme Bataille, M. Kaltenbach, Mmes Emery-Dumas et Schillinger, M. Daudigny, Mme S. Robert, MM. Assouline et Durain, Mme Ghali, MM. Marie, Tourenne et Néri, Mmes Tocqueville, Jourda, Campion, Riocreux et Guillemot et M. J.C. Leroy.
L’amendement n° 290 rectifié est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, M. Capo-Canellas, Mme Hummel et MM. Laménie et Cigolotti.
L’amendement n° 430 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
L’amendement n° 630 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 2325-38 du code du travail, les mots : « trois cents » sont remplacés par le mot : « cinquante ».
La parole est à Mme Catherine Génisson, pour présenter l’amendement n° 139 rectifié bis.
Mme Catherine Génisson. Par cet amendement, nous souhaitons que, dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, le comité d’entreprise, lorsqu’il a été constitué, puisse avoir recours à un expert technique en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail. Cette mesure est essentielle, parce que, dans les petites entreprises, les représentants du personnel ne sont pas toujours formés.
Mme la présidente. L’amendement n° 290 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 430.
M. Jean Desessard. La loi Rebsamen du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi prévoit la possibilité, pour les entreprises de plus de trois cents salariés, de recourir à un expert technique en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail.
L’importance de la négociation sur l’égalité professionnelle n’est plus à démontrer. Offrir la possibilité de recourir à un expert technique permettra donc d’améliorer la qualité de la négociation. C’est pourquoi nous entendons ouvrir cette possibilité aux entreprises d’au moins cinquante salariés, dès lors qu’un comité d’entreprise est constitué.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 630.
M. Dominique Watrin. La structuration des entreprises en France montre l’intérêt de ces trois amendements identiques : à peine 8 000 d’entre elles, sur près de 4 millions, comptent deux cents salariés et plus. C’est dire si la rédaction actuelle de l’article L. 2325-38 du code du travail exclut beaucoup trop de salariés et de leurs représentants de la possibilité de recourir à un expert pour les accompagner dans ce type de négociation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Pour des raisons de cohérence, la commission a émis un avis défavorable.
En principe, c’est le délégué syndical qui est chargé de négocier. Dès lors, pourquoi confier au comité d’entreprise la possibilité de recourir à un expert ?
Si vous vous ralliiez à l’article 10 A, qui ouvre la possibilité à l’employeur de négocier directement avec les salariés élus dans les entreprises et les institutions représentatives du personnel, il y aurait une cohérence, et nous pourrions alors accepter ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je sais qu’au moment de l’examen du projet de loi porté par François Rebsamen ce sujet a fait l’objet d’un long débat. La mesure visant à ouvrir la possibilité au comité d’entreprise de recourir à un expert dans les entreprises d’au moins trois cents salariés a été adoptée il y a seulement un peu plus d’un an.
Pour ma part je ne souhaite pas revenir sur l’équilibre qui a été trouvé à l’époque, d’autant que le dispositif va entrer en application cette année. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Monsieur le rapporteur, j’ai bien entendu votre argument selon lequel le comité d’entreprise n’est pas le lieu de la négociation. Pour ma part, je pense que le comité d’entreprise a sa raison d’être et peut aussi donner son avis. En outre, nous avons une différence d’approche : nous considérons qu’il est important qu’un comité d’entreprise soit créé dans les entreprises d’au moins cinquante salariés ; or vous avez porté le seuil à cent salariés.
Madame la ministre, j’ai bien entendu votre réponse. Je précise que l’amendement que j’ai présenté n’a pas été déposé par le groupe socialiste et républicain, mais par un certain nombre de ses membres. Le vote au sein du groupe sera donc partagé, entre ceux qui sont pour et ceux qui vous écoutent…
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 139 rectifié bis, 430 et 630.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 331 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 58 |
Contre | 282 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 939, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement réalise avec les partenaires sociaux un bilan de la mise en œuvre de la base de données économiques et sociales mentionnée à l’article L. 2323-8 du code du travail. Ce rapport porte également sur l’articulation entre la base de données économiques et sociales et les autres documents d’information obligatoires relatifs à la politique économique et sociale de l’entreprise.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Cet amendement traduit une nouvelle fois une préconisation du Conseil économique, social et environnemental. Je note d’ailleurs que le projet de loi met en œuvre deux recommandations du CESE figurant dans son rapport sur le développement de la culture du dialogue social. Il me semble important pour cette institution de le souligner.
Cet amendement vise à prévoir, dans un délai d’un an suivant la promulgation de la présente loi, l’évaluation de la mise en œuvre de la base de données économiques et sociales dans les entreprises. Le Gouvernement aura la charge de ce travail d’évaluation et y associera, monsieur le président Milon, les partenaires sociaux. Je le précise, parce que nous avons eu ce débat la semaine dernière.
La base de données économiques et sociales dans les entreprises, qui a été créée par la loi relative à la sécurisation de l’emploi, représente une avancée majeure. Son dispositif a été encore amélioré par la loi relative au dialogue social et à l’emploi. Concrètement, elle permet au comité d’entreprise et, plus largement, aux représentants élus du personnel d’être beaucoup mieux informés sur la stratégie de l’entreprise et, donc, de peser davantage sur les décisions.
Il est important que nous tirions tous les enseignements de cette mise en œuvre. Tel est le sens de cet amendement, que j’invite le Sénat à adopter.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission ne s’est pas opposée à cet amendement… Elle a donc émis un avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je dois dire que je suis un peu perplexe.
Mme Nicole Bricq. C’est clair, pourtant !
M. Jean Desessard. Le Gouvernement demande lui-même à inscrire dans la loi le fait qu’il va réaliser un bilan.
Mme Françoise Laborde. Ça l’honore !
M. Jean Desessard. Comme si ce n’était pas déjà de son ressort ! Est-ce que ça veut dire qu’il ne le fait pas d’habitude ?
Mme Nicole Bricq. La loi l’imposera !
M. Jean Desessard. Le Gouvernement a tout loisir de faire un bilan avec les partenaires sociaux. Je suis donc vraiment surpris par une telle demande. Et, pour une fois, le rapporteur a donné un avis favorable ! Il a donc été enchanté par cette proposition…
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. C’est l’avis de la commission !
M. Jean Desessard. Je sais bien que ce que je vais dire ne va pas servir à grand-chose, mais, je le répète, je suis très surpris.
Si on s’engageait à réaliser un rapport en collaboration avec le Parlement et les partenaires sociaux et destiné à aboutir à un travail en commun, je comprendrais. Lorsque Jean-Marc Ayrault a lancé la réforme fiscale, par exemple, il a mis en place des groupes de travail regroupant les syndicats, les parlementaires, les experts et les membres de l’administration fiscale. Ça n’a pas abouti à grand-chose, mais au moins on a fait du très bon travail.
Sur l’article 1er du projet de loi, j’ai proposé, en commission, que des assises du code du travail, associant à la fois les partenaires sociaux et les parlementaires, soient réunies pour définir les liens entre les décisions prises par les partenaires sociaux et celles prises par les parlementaires. Les premières doivent-elles obligatoirement s’imposer telles quelles aux secondes ? Il y a là un véritable débat.
J’aurais préféré que le Gouvernement propose une méthode. Dans ce cas, on aurait pu échanger, partager et voter ensemble. Là, ce n’est pas une méthode, c’est un bilan ! À mon avis, à moins que je méconnaisse les réticences des partenaires sociaux à ce sujet, le Gouvernement a tout pouvoir pour réaliser un bilan, s’il le souhaite… C’est pourquoi je m’abstiendrai sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Il nous semble important que le bilan de la mise en œuvre de la base de données économiques et sociales et de son articulation avec d’autres documents soit élaboré avec les partenaires sociaux. Nous voterons donc cet amendement.
Par ailleurs, nous avons bien noté que cette disposition faisait suite à une préconisation du CESE, qui représente, de manière large, les acteurs concernés.
Enfin, j’imagine que ce rapport sera transmis au Parlement. Ce n’est pas précisé, mais on peut l’espérer…
Je rappelle que cette base de données est une réponse à une aspiration grandissante du monde du travail et des militants syndicaux à connaître la réalité financière, fiscale et économique de leur entreprise. D’ailleurs, ils ne se privent pas de se saisir de cet outil ! Quand des salariés, comptes de l’entreprise en main, remettent en cause la fermeture d’un site ou un plan de suppression d’emplois, cela vient parfois du fait qu’ils ont tiré les éléments nécessaires à leur action dans cette base de données.
Il faut le souligner ici, cette avancée est le fruit des luttes ouvrières menées depuis une dizaine d’années. Elles ont conduit à la création de cet outil, dont le contenu, trois ans après son intégration dans le code du travail, reste certainement à améliorer.
Nous voyons donc un intérêt à cet amendement, même s’il est limité. Nous souhaiterions en effet que le Gouvernement prolonge cette démarche en acceptant, par exemple, le reporting comptable de nos grands groupes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je remercie le Gouvernement de prendre en compte les travaux du Conseil économique, social et environnemental. En outre, la publication de ce rapport pourra servir de base aux travaux que notre collègue Jean Desessard préconise.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je trouve cet amendement remarquable. J’estime que la culture de l’évaluation – c’est peut-être une question de génération – change la manière de voir les choses. Qui plus est, cela présente l’avantage de mettre tout le monde devant ses responsabilités, y compris les partenaires sociaux. Je pense en particulier aux droits des femmes dans les entreprises.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Monsieur le sénateur Desessard, ce n’est pas le Gouvernement qui demande cette évaluation ; c’est le CESE qui enjoint au Gouvernement de réaliser un bilan de la mise en œuvre de la base de données unique avec les partenaires sociaux et de publier ce rapport.
Mme Nicole Bricq. Exactement !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le CESE souhaite que cette mesure soit inscrite dans la loi.
Pour ma part, je pense que notre pays a plus que jamais besoin d’une telle culture de l’évaluation.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Mme la ministre m’ayant interpellé, je souhaite lui dire que, en général, je ne suis pas favorable aux demandes de rapport, qu’elles émanent du Parlement, du CESE ou d’autres acteurs. Je considère en effet que le Gouvernement doit être systématiquement en mesure de répondre aux questions qui lui sont posées, que ce soit par les citoyens ou par les parlementaires. Il ne doit pas pouvoir s’abriter derrière le fait qu’un rapport doit être rendu pour éviter de répondre.
Mme Nicole Bricq. Ça n’a rien à voir !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Mais si, madame Bricq, ça a beaucoup à voir !
Voilà pourquoi je ne suis pas favorable aux demandes de rapports systématiques.
De plus, ce rapport sera rendu un an après la promulgation de la loi. Je souhaite de tout cœur, madame la ministre, que ce soit vous qui puissiez le présenter, mais j’en serais fort étonné…
M. Robert del Picchia. Ça, ce n’est pas gentil !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 600, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Aux premiers alinéas des articles L. 225-21 et L. 225-77, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « deux ».
2° À la dernière phrase de l’article L. 225-45 les mots : « déterminée par le conseil d’administration » sont remplacés par les mots : « proposée par le conseil d’administration et approuvée par l’assemblée générale. » ;
3° La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 225-47 est ainsi rédigée :
« Le conseil d’administration définit les éléments, dus ou susceptibles d’être dus, constituant la rémunération ou l’indemnisation du président et les soumet à l’approbation de l’assemblée générale. » ;
4° Le dernier alinéa de l’article L. 225-53 est ainsi rédigé :
« Le conseil d’administration définit les éléments, dus ou susceptibles d’être dus, constituant la rémunération ou l’indemnisation du directeur général et des directeurs généraux délégués et les soumet à l’approbation de l’assemblée générale. » ;
5° L’article L. 225-63 est ainsi rédigé :
« Art. L. 225-63. – Le conseil de surveillance définit les éléments, dus ou susceptibles d’être dus, constituant la rémunération ou l’indemnisation des membres du directoire et les soumet à l’approbation de l’assemblée générale. » ;
6° À la dernière phrase de l’article L. 225-83, les mots : « déterminée par ce dernier » sont remplacés par les mots : « proposée par ce dernier et approuvée par l’assemblée générale. » ;
7° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 225-27, les mots : « supérieur à quatre ou, dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, cinq, ni excéder le » sont remplacés par les mots : « inférieur au ».
8° Avant le dernier alinéa de l’article L. 227-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les associés approuvent les éléments, dus ou susceptibles d’être dus, constituant la rémunération ou l’indemnisation du président, des directeurs généraux et des directeurs généraux délégués. »
II. - Les personnes physiques exerçant plus de deux mandats d’administrateur ou de membre de conseil de surveillance disposent d’un délai de douze mois, à compter de la date de promulgation de la présente loi, pour se démettre des mandats excédentaires. À l’expiration de ce délai, elles sont réputées s’être démises de leurs mandats et doivent restituer les rémunérations perçues, sans que soit, de ce fait, remise en cause la validité des délibérations auxquelles elles ont pris part.
III. – Le code du travail est modifié :
1° Avant le chapitre Ier du titre III du livre II de la troisième partie du code du travail, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre … : Encadrement des écarts de rémunération au sein d’une même entreprise
« Art. L. 3230-1. – Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux personnels et aux dirigeants, qu’ils soient ou non régis par le présent code, des sociétés, groupements ou personnes morales, quel que soit leur statut juridique, et des établissements publics à caractère industriel et commercial.
« Art. L. 3230-2. – Le montant annuel du salaire minimal appliqué dans une entreprise mentionnée à l’article L. 3230-1 ne peut être inférieur à la vingtième partie du montant annuel, calculé en intégrant tous les éléments fixes, variables ou exceptionnels de toute nature qui la composent, de la rémunération individuelle la plus élevée attribuée dans l’entreprise.
« Art. L. 3230-3. – Toute convention ou décision ayant pour effet de porter le montant annuel de la rémunération la plus élevée définie à l’article L. 3230-2 à un niveau supérieur à vingt fois celui du salaire minimal appliqué dans la même entreprise est nulle de plein droit si ce salaire n’est pas simultanément relevé à un niveau assurant le respect des dispositions du même article.
« Art. L. 3230-4. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’information et de consultation du personnel sur les écarts de rémunération pratiqués dans les entreprises mentionnées à l’article L. 3230-1, dans le cadre de la consultation sur la politique sociale prévue à l’article L. 2323-15. » ;
2° L’article L. 3231-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2017, le montant du salaire minimum de croissance servant de référence pour le calcul de l’indexation prévue au présent article ne peut être inférieur à 1 700 euros bruts mensuels. »
IV. – Les entreprises mentionnées à l’article L. 3230-1 du code du travail dans lesquelles l’écart des rémunérations est supérieur à celui prévu à l’article L. 3230-2 du même code disposent d’un délai de douze mois, à compter de la date de promulgation de la présente loi, pour se conformer aux dispositions du même article L. 3230-2.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Par cet amendement, nous proposons plusieurs mesures qui ont un seul objectif : assainir la politique salariale au sein des conseils d’administration et des directoires des entreprises. En effet, on ne compte plus les scandales et les affaires qui touchent les dirigeants de grands groupes : ils s’octroient de larges augmentations, qui viennent s’ajouter à des rémunérations déjà très généreuses, tout en organisant des vagues de licenciements dans leur entreprise.
Si la loi de 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, à laquelle Nicole Bricq faisait référence, devait appeler les dirigeants à la réserve et à la décence, en rendant publique leur rémunération, force est de constater que c’est l’effet inverse qui s’est produit. Ce sont sur ces chiffres hallucinants que les dirigeants construisent leur réputation !
De fait, trois leviers sont mobilisables, et nous avons décidé de les activer.
Tout d’abord, nous limitons l’écart salarial, en prévoyant que, dans toutes les entreprises, privées ou publiques et sous quelque forme qu’elles soient constituées, le salaire annuel le moins élevé ne puisse être plus de vingt fois inférieur à la rémunération annuelle globale la plus élevée dans la même entreprise. Ce mécanisme ne concerne pas exclusivement les dirigeants. S’il fait référence aux rémunérations les plus hautes, c’est pour inclure les entreprises dans lesquelles les dirigeants ne sont pas nécessairement ceux qui perçoivent les plus hautes rémunérations. Par ailleurs, il vise non pas à abaisser les hauts salaires, mais à augmenter les plus bas.
Ensuite, nous limitons le nombre de conseils d’administration dans lesquels une personne peut siéger : de cinq aujourd’hui à deux, comme le propose Frédéric Fréry, professeur de stratégie à ESCP Europe.
Pour faire simple, le fait de siéger dans plusieurs conseils d’administration permet de se rapprocher des dirigeants de ces entreprises et, à terme, de les intégrer dans le sien. De fait, les échanges de bons procédés, dont parlait notre collègue Desessard il y a un instant, se mettent rapidement en place et entraînent cette spirale d’augmentations des salaires des dirigeants, qui sont franchement indécentes.
Enfin, le dernier levier, qui est prévu dans la loi Sapin II, vise à rendre contraignant l’avis de l’assemblée générale des actionnaires, ce qui doit permettre de faire de cette instance un véritable contre-pouvoir. Espérons que cette mesure reste dans le texte jusqu’à la fin de la navette parlementaire !
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 414 est présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
L’amendement n° 632 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 225-27 du code de commerce est ainsi rédigée :
« Le nombre de ces administrateurs ne peut être inférieur au tiers du nombre total des administrateurs. »
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 414.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à modifier l’article L. 225-27 du code de commerce, afin de s’assurer que les administrateurs salariés représentent un tiers des membres du conseil d’administration de l’entreprise.
Depuis la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, les entreprises qui emploient plus de 5 000 salariés doivent intégrer dans leur conseil d’administration des administrateurs salariés. L’objectif de cette mesure est de garantir un équilibre entre la représentation des salariés et celle des actionnaires.
Force est de constater que cet objectif n’a été que partiellement atteint. La loi n’impose la présence que de deux administrateurs salariés dans les conseils de plus de douze membres et de seulement un administrateur salarié dans ceux de moins de douze membres.
Les conseils d’administration jouent un rôle crucial dans les orientations de l’entreprise. Il semble donc important d’améliorer la représentation des salariés au sein de ceux-ci, comme le propose le présent amendement. Cette nouvelle composition des conseils d’administration permettra aux salariés de prendre réellement part aux choix stratégiques de l’entreprise.
En Norvège, les administrateurs salariés représentent déjà un tiers des conseils d’administration dans les entreprises de plus de cinquante salariés.
En Allemagne, une mesure similaire s’applique : les salariés représentent un tiers du conseil d’administration dans les entreprises comptant entre 500 et 2 000 salariés et la moitié du conseil dans celles de plus de 2 000 salariés.
Par notre amendement, nous vous proposons de suivre ces exemples, en garantissant un tiers d’administrateurs salariés dans les conseils d’administration.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 632.
M. Dominique Watrin. À travers cet amendement, il s’agit de poser les premiers jalons d’un modèle de gouvernance et d’actionnariat permettant d’associer davantage les salariés aux décisions fondamentales de l’entreprise.
En France, la représentation des salariés est très insuffisante au sein des conseils d’administration – chacun en convient. Elle est en effet limitée aux très grandes entreprises. Pourtant, la crise actuelle, ainsi que de nombreuses recherches, confirme l’inadéquation de la gouvernance des entreprises qui s’est imposée depuis vingt ans : le pouvoir y appartient essentiellement aux actionnaires et aux manageurs. Or, au final, ce sont les salariés qui sont en première ligne en cas de difficultés ; ce sont eux qui payent le prix fort des restructurations et des délocalisations. En effet, les logiques financières de rentabilité et de retour immédiat sur investissement priment le plus souvent sur l’emploi et le développement industriel. Je fais ici référence au film Merci Patron !
Comme cela a été maintes fois souligné par de nombreux observateurs, l’absence de discussion et d’échanges autour des choix stratégiques et économiques au sein du conseil d’administration entraîne souvent un blocage du dialogue social. Il y a véritablement un manque d’information des salariés, une logique de pouvoir à l’avantage exclusif des actionnaires, comme nous l’avions déjà souligné lors du débat sur le projet de loi Rebsamen.
En comparaison, en Allemagne, les salariés représentent un tiers du conseil d’administration dans les entreprises comptant entre 500 et 2 000 salariés et la moitié des sièges dans les très grandes entreprises. Il est ici proposé de s’inspirer du fameux « modèle allemand », en garantissant aux salariés un tiers des sièges au conseil d’administration des entreprises. En clair, le plafond actuel deviendrait un seuil. La présence d’administrateurs salariés permettrait ainsi de résister aux seules préoccupations de rentabilité à court terme et de mieux prendre en compte l’intérêt de toutes les parties prenantes à l’entreprise.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’amendement n° 600 comporte un certain nombre de mesures significatives, en particulier le fait de rendre contraignant le vote de l’assemblée générale concernant les rémunérations des dirigeants. Philosophiquement, je trouve que cette mesure va dans le bon sens. D’ailleurs, quand on examine les votes qui ont eu lieu dernièrement, on voit bien que, à une ou deux exceptions près, les propositions soumises à l’assemblée générale sont adoptées. On le sait, l’actualité suscite légitimement des interrogations. Nous traiterons de ce sujet lors de l’examen de la loi Sapin II.
L’amendement va cependant plus loin, puisqu’il fixe le niveau du SMIC, qui relève du pouvoir réglementaire. Il est certain que, si nous adoptions cette mesure, les téléscripteurs de l’AFP crépiteraient puisque le SMIC s’établirait à 1 700 euros dès le 1er janvier prochain. Ce serait assurément une nouvelle de taille !
Tant sur ce sujet que sur celui de la présence des administrateurs salariés dans les conseils d’administration, il a semblé à la commission qu’il convenait d’évaluer, sujet cher à Nicole Bricq, ces réformes, qui ont été adoptées récemment, avant d’aller plus loin. Je rappelle que la loi prévoyant la présence des administrateurs salariés date de 2013 et qu’elle a été modifiée en 2015 par la loi Rebsamen. On entend souvent des critiques sur l’instabilité législative… Donc, restons-en là !
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements, pour plusieurs raisons.
Nous partageons bien évidemment la préoccupation visant à contrôler la rémunération des dirigeants. D’ailleurs, le projet de loi Sapin met cette question sur la table, notamment en renforçant le caractère contraignant du vote des actionnaires. Vous aurez donc ce débat dans quelques semaines. En outre, je rappelle que nous avons décidé, dès 2012, de plafonner les rémunérations, lorsqu’une telle mesure était conforme à la Constitution, notamment dans les entreprises publiques.
Je comprends l’émoi que ce sujet peut susciter dans la population. Il nous faut donc avancer rapidement. C’est une exigence de justice sociale.
La loi de 2013 a déjà permis des avancées sur la participation des salariés aux conseils d’administration dans les entreprises de plus de 5 000 salariés. La loi Rebsamen a également donné lieu à de nombreux débats, en particulier pour étendre le dispositif aux entreprises de plus de 1 000 salariés. Cependant, je le redis, je ne souhaite pas revenir sur les équilibres qui ont été trouvés dans le cadre de la loi Rebsamen, d’autant que ce texte est très récent. Il faut donc laisser le temps que les choses s’installent.
Enfin, vous le savez, en France, le SMIC est fixé par décret, sur proposition d’un comité d’experts. Ce sujet fait en outre l’objet d’une discussion au sein de la Commission nationale de la négociation collective. Je n’imagine pas un système où la loi fixerait le SMIC de manière unilatérale, alors même que cette commission nationale émet déjà un avis, même si ce n’est pas un avis conforme. Je ne souhaite donc pas revenir sur ce dispositif.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 600.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 332 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 311 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 414 et 632.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 9.
Articles additionnels après l'article 9 (suite)
M. le président. L’amendement n° 382 rectifié bis, présenté par MM. Marie, Néri, Labazée et Cabanel, Mme Lienemann, MM. Gorce, Vincent, Durain et Anziani, Mme Tocqueville et M. Masseret, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 633, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin du premier alinéa du II de l’article L. 225-27-1 du code de commerce, les mots : « est au moins égal à deux dans les sociétés dont le nombre d’administrateurs mentionnés aux articles L. 225-17 et L. 225-18 est supérieur à douze et au moins à un s’il est égal ou inférieur à douze » sont remplacés par les mots : « ne peut être inférieur à deux, sauf dans l’hypothèse où le nombre des administrateurs mentionnés aux articles L. 225-17 et L. 225-18 est de trois ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à poser les premiers jalons d’un modèle de gouvernance et d’actionnariat permettant d’associer davantage les salariés aux décisions fondamentales des entreprises.
La représentation des salariés au sein des conseils d’administration est, en France, très insuffisante, car limitée aux très grandes entreprises. Or la crise actuelle confirme que le mode de gouvernance des entreprises qui s’est imposé depuis vingt ans est tout à fait inadéquat ; le pouvoir y appartient quasi exclusivement aux actionnaires et aux manageurs, mais, quand les affaires tournent mal, ce sont au premier chef les salariés qui paient le prix fort. En effet, les logiques financières de rentabilité et de retour immédiat sur investissement priment sur l’emploi et le développement industriel.
Au-delà des conséquences sociales des décisions purement financières, c’est bien la compétitivité de notre pays qui est en jeu. L’absence de discussion en amont sur les choix stratégiques et économiques, au sein du conseil d’administration, entraîne un blocage du dialogue social en aval, en raison à la fois du manque d’information des salariés et d’une logique de pouvoir à l’avantage exclusif des actionnaires.
En comparaison, en Allemagne, les salariés représentent un tiers du conseil d’administration des entreprises de 500 à 2 000 salariés et la moitié du conseil d’administration des très grandes entreprises. Nous proposons donc ici de nous inspirer du fameux « modèle allemand », en garantissant aux salariés un tiers des sièges au conseil d’administration des entreprises. En d’autres termes, le plafond actuellement applicable deviendrait un seuil plancher.
La présence d’administrateurs salariés permettrait de résister à la pression trop forte de certains actionnaires uniquement préoccupés de rentabilité à court terme. Lors d’arbitrages complexes relatifs aux investissements, aux dividendes, aux cessions d’actifs ou encore à la croissance externe, cette présence obligerait à toujours examiner plusieurs scénarios en tenant compte de l’intérêt de toutes les parties prenantes de l’entreprise.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Nous avons amorcé ce matin le débat sur la présence des représentants des salariés dans les conseils d’administration.
Pour ma part, par conviction philosophique, j’ai tendance à associer le capital et le travail ; indéniablement, cette mesure ferait partie des moyens d’associer les salariés à la conduite de l’entreprise, et il est important de les impliquer également dans la stratégie.
Néanmoins, la loi Rebsamen a déjà modifié ce dispositif ; peut-être faudrait-il le laisser vivre, l’évaluer et envisager éventuellement ensuite d’abaisser son seuil d’application. En attendant, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement a également émis un avis défavorable, en cohérence avec ce que j’ai dit ce matin : je ne souhaite pas revenir sur l’équilibre trouvé dans la loi Rebsamen.
M. le président. L’amendement n° 661, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2242-20 du code du travail est abrogé.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. La loi Rebsamen a réorganisé en trois ensembles les thèmes relevant du champ de la négociation obligatoire dans l’entreprise et elle a modifié la périodicité de cette négociation. Ces dispositions amoindrissent, selon nous, le dialogue social au lieu de l’enrichir.
L’objet de notre amendement cible plus précisément la question de la périodicité, que modifie ce projet de loi. Ce texte, tel qu’il est issu des travaux de la commission, permettra de modifier par le biais d’un accord d’entreprise la périodicité des négociations obligatoires annuelles et triennales en les rendant respectivement triennales et quinquennales. La négociation annuelle porte, je le rappelle, sur les rémunérations, le temps de travail, le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise et la qualité de vie au travail ; la négociation triennale porte, quant à elle, sur la gestion des emplois et les parcours professionnels.
Il nous semble, au contraire, très important de réintroduire une fréquence plus grande dans ces rendez-vous qui permettent d’informer et de mobiliser les salariés sur ces thèmes essentiels. Ces négociations représentent un moment nécessaire d’information, d’expression et d’implication des salariés. Or, pour ce qui concerne l’égalité professionnelle, par exemple, bien des choses restent à discuter, d’où l’intérêt de maintenir une forme de pression ou d’exigence, ce que permet l’annualité du rendez-vous.
L’extension de la périodicité de ces négociations et la possibilité d’un système à la carte nous semblent constituer un très mauvais signal, surtout dans une période de crise économique marquée par une dégradation des conditions de travail, par une tension sur les embauches et par des salaires de plus en plus individualisés, alors même que les inégalités professionnelles entre hommes et femmes perdurent.
Enfin, l’adoption de l’article 2 de ce projet de loi plaide doublement en faveur d’un renforcement de la négociation obligatoire et, donc, d’un retour à une périodicité annuelle et triennale des négociations obligatoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Toujours pour laisser vivre les dispositions de la loi Rebsamen, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
J’ajoute qu’il faut un accord majoritaire pour moduler la fréquence de ces négociations. Qui dit accord majoritaire dit consentement des parties et, donc, équilibre trouvé au sein de l’entreprise.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je l’ai indiqué précédemment, notre démarche, dont procède aussi l’article 2, que vous mentionnez, consiste à faire confiance aux acteurs du dialogue social pour définir leurs méthodes et les priorités de leurs négociations.
Je rappelle en outre que la négociation sur les salaires reste annuelle, sauf si les partenaires sociaux en décident autrement.
Par ailleurs, la loi du 17 août 2015 est aussi le fruit des concertations menées avec l’ensemble des partenaires sociaux, et je ne souhaite pas qu’on modifie cet équilibre.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 661.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre II
Renforcement de la légitimité des accords collectifs
Article 10 A (nouveau)
Le chapitre II du titre III du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° Après la sous-section 2 de la section 3, est insérée une sous-section 2 bis ainsi rédigée :
« Sous-section 2 bis
« Modalités de négociation dans les entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical
« Art. L. 2232-20-1. – Dans les entreprises employant moins de cinquante salariés dépourvues de délégués syndicaux, ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical, l’employeur peut conclure un accord collectif de travail avec les délégués du personnel.
« L’accord peut également être conclu avec les représentants élus du personnel au comité d’entreprise ou à la délégation unique du personnel ou à l’instance mentionnée à l’article L. 2391-1.
« Art. L. 2232-20-2. – La validité de l’accord mentionné à l’article L. 2232-20-1 est subordonnée à sa signature par un ou plusieurs représentants élus titulaires ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants.
« Art. L. 2232-20-3. – Dans les entreprises mentionnées à l’article L. 2232-20-1 dans lesquelles un procès-verbal de carence a établi l’absence de représentants élus du personnel, l’employeur peut soumettre un projet d’accord pour ratification à la majorité des deux tiers du personnel.
« Art. L. 2232-20-4. – L’accord mentionné aux articles L. 2232-20-1 et L. 2232-20-3 peut porter sur toutes les mesures qui peuvent être négociées par accord d’entreprise ou d’établissement sur le fondement du présent code.
« Il peut également être négocié et conclu avec un ou plusieurs salariés mandatés dans les conditions prévues aux articles L. 2232-24 à L. 2232-27-1.
« L’employeur communique l’accord à l’autorité administrative compétente. Elle contrôle qu’il n’enfreint pas les dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles applicables. À défaut de réponse dans un délai de deux mois suivant sa transmission, l’accord est réputé validé. » ;
2° La sous-section 3 de la section 3 est ainsi modifiée :
a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Modalités de négociation dans les entreprises de cinquante salariés et plus dépourvues de délégué syndical » ;
b) À la première phrase de l’article L. 2232-21, les mots : « , ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés, » sont remplacés par les mots : « employant cinquante salariés et plus » ;
c) Au dernier alinéa de l’article L. 2232-24, les mots : « ainsi que dans les entreprises de moins de onze salariés » sont supprimés.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 48 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 965 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 48.
Mme Annie David. Cet article pose un sérieux problème du point de vue de la conception du dialogue qui devrait animer le travail sur ce projet de loi.
La commission des affaires sociales nous appelle en quelque sorte à donner une forme de représentativité aux élus du personnel sans étiquette syndicale affichée, notamment à ce qu’on appelle « les syndicats indépendants ».
D’une certaine manière, cette reconnaissance des délégués sans étiquette serait une validation a posteriori de cette forme de non-respect de la loi que constitue, comme nous l’avons souvent vu, l’opposition forcenée de certains chefs d’entreprise à la présence de la moindre structure syndicale dans leur propre entreprise. Il s’agit là d’une situation parfaitement regrettable qui pose la question de la conception de l’entreprise qui anime fondamentalement la ligne directrice des amendements de la commission des affaires sociales.
D’ailleurs, il existe en matière de scrutins sociaux d’autres élections où l’on pourrait souligner le problème de la représentativité des élus. Quand les membres d’une chambre consulaire sont élus avec une participation située entre 15 % et 25 % des électeurs inscrits, voire sous le seuil de 10 %, se pose-t-on cette question ?
Le problème des élus dits indépendants est qu’ils souffrent d’un déficit de représentativité, celle-ci ne dépassant pas les portes de l’entreprise où ils sont élus. Il convient donc de ne pas modifier les règles en la matière. En effet, ne serait-ce qu’en donnant une place aux élus indépendants, on risque de donner quelque sens aux tentatives patronales plus ou moins ouvertes de mise en cause des garanties sociales existantes.
Tel est le sens de cet amendement de suppression de l’article 10 A.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 965.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement propose de supprimer cet article, situé aux antipodes de la philosophie du projet de loi, qui vise à donner plus de place à la négociation avec les syndicats, acteurs les plus légitimes pour défendre les intérêts des salariés. Cet article vise, en un sens, à contourner les organisations syndicales, alors que nous souhaitons précisément les renforcer.
J’ai bien conscience de la difficulté qui se pose dans les petites entreprises, mais, justement, au travers du mandatement, sur lequel une bataille culturelle doit être menée, ou des accords types pour les TPE négociés au niveau des branches, le projet de loi permettra que des souplesses soient négociées dans les petites entreprises. Ce sont ces réponses-là, pour traiter cette forme d’angle mort, que nous devons privilégier.
Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, d’adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’idée qui nous anime n’est pas idéologique ; il s’agit de donner un canal de négociation, de discussion, à des entreprises qui en sont en partie dépourvues. Je dis « en partie », parce que, on le sait bien, la règle du mandatement existe, mais elle a ses limites.
En effet, un certain nombre d’employeurs sont réticents à y recourir. Pourquoi ? Parce qu’ils sont instruits par l’expérience de leurs voisins. Ainsi, il est régulièrement arrivé qu’un salarié soit mandaté par une organisation syndicale, que la négociation ait lieu, qu’un accord soit trouvé, mais, comme il faut un nouveau mandatement pour signer, que l’organisation syndicale ne l’accorde pas parce que l’accord ne lui convient pas. Ce fonctionnement rend ce mode de discussion difficile.
D’ailleurs, j’observe que, au cours de nos débats, le groupe CRC a régulièrement pointé au travers d’amendements les limites du mandatement, d’un autre point de vue. Il craignait qu’un employeur ne choisisse un salarié, ne lui demande de chercher une affiliation auprès d’une organisation syndicale et ne lui propose ensuite de négocier à deux. Il existe donc bien de part et d’autre des craintes relatives à ce dispositif.
Cela étant, nous ne le supprimons pas, nous ouvrons une faculté supplémentaire : celle de discuter avec des salariés élus par leurs pairs. Cela nous semble reposer sur un principe démocratique simple, sain et qui rend effective la possibilité de négocier dans les plus petites entreprises.
Tel était l’état d’esprit de la commission lorsqu’elle a examiné ces amendements identiques, sur lesquels elle a émis un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le rapporteur, n’essayez pas de vous cacher derrière une prétendue entente entre nous sur le mandatement !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Je n’ai pas parlé d’entente !
Mme Annie David. Que les choses soient claires : le mandatement est parfois compliqué pour le salarié mandaté, non parce que nous ne lui ferions pas confiance, mais parce qu’il se retrouve dans la position d’un élu du personnel sans bénéficier, à la différence de ce dernier, d’une formation syndicale donnant les outils pour mener une négociation face à son patron. Il est donc dans une situation plus délicate. C’est la seule réserve que le groupe CRC a vis-à-vis du mandatement.
Nous n’allons pas jusqu’à dire que cela entraîne un dysfonctionnement au sein des organisations syndicales, qui diraient aux salariés mandatés qu’ils ne sont pas habilités à signer un accord négocié. Sans doute, cela a pu arriver puisqu’un salarié mandaté ne peut pas forcément déjouer les pièges inclus dans un accord et l’organisation syndicale mandante peut appeler son attention sur tel ou tel souci posé par l’accord et lui recommander de ne pas le signer, en tout cas en son nom.
L’article que vous avez inséré dans le projet de loi donne une place aux syndicats « maison ». Certes, vous dites que vous ne touchez pas au mandatement, mais vous introduisez ces types de syndicats. Cela permettra à un patron qui ne souhaite pas passer par le mandatement, pour ne pas voir débouler dans son entreprise une organisation syndicale quelle qu’elle soit – je n’en cite aucune, il y en a cinq qui sont représentatives, et il peut y en avoir d’autres –, de signer un accord avec un ou deux de ses salariés. Le patron pourra dire à ceux-ci qu’il organise des élections et que, puisqu’il n’y aura pas d’organisation syndicale candidate, ils sont sûrs d’être élus et constitueront un syndicat « maison » avec lequel il pourra négocier.
Voilà, monsieur le rapporteur, le dispositif que, sous prétexte qu’il n’y a pas beaucoup de participation lors des élections professionnelles, vous introduisez. Pourtant, il y a d’autres élections où c’est le cas ; j’en ai cité quelques-unes, mais il y en a encore d’autres et, tous ici, nous sommes confrontés à cette situation dans notre vie politique. Ainsi, faut-il valider certaines élections partielles ou nommer directement quelqu’un ?
Nous sommes donc défavorables aux syndicats « maison », mais non au mandatement s’il a lieu dans de bonnes conditions.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Nous sommes pleinement en accord avec ces amendements de suppression de l’article 10 A, qui vise à instaurer un dialogue direct entre le chef d’entreprise et ses salariés.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ses salariés élus !
M. Yves Daudigny. C’est une tentative de contournement du droit syndical !
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Yves Daudigny. Nous, nous défendons la primauté de l’accord d’entreprise, mais, pour que celui-ci ait un sens, encore faut-il que les deux partenaires aient une parfaite légitimité. D’un côté, il y a celle du chef d’entreprise, de l’employeur, mais, de l’autre, la nature de la légitimité ne peut être que syndicale, sous des formes d’ailleurs différentes selon la taille de l’entreprise, y compris, pour les petites entreprises, celle du mandatement.
Le mandatement a fonctionné, notamment avec la loi Aubry en 1998 relative aux 35 heures. Nous savons que ce dispositif est fortement contesté, mais il s’agit bien du moyen d’instaurer dans la négociation une légitimité qui soit syndicale. C’est pourquoi des mesures permettent, à différents endroits du texte, une activité syndicale plus facile, mieux documentée et donc, bien sûr, plus efficace pour les salariés.
Nous soutenons donc très fortement ces amendements, qui tendent à supprimer un article totalement contraire à l’esprit de la loi tel que nous le défendons depuis une semaine.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur, cet article que vous avez introduit en commission et que nous voulons supprimer montre bien que vous n’avez pas compris…
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Ah !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Mince !
Mme Nicole Bricq. … la philosophie du projet de loi, ou que vous ne voulez pas la comprendre. Il y a donc, à droite, ce qu’on peut appeler un véritable obstacle culturel.
Donner pleine légitimité aux organisations représentatives, notamment syndicales, c’est très important pour nous. Le problème de la représentativité syndicale a été réglé en 2008 et nous réglons, par ce texte, celui de la représentativité patronale. La représentativité n’est pas le sujet, mais, il faut le rappeler, un syndicat, forcément représentatif, peut mandater soit un délégué du personnel, soit un salarié ; nous tenons à ce dispositif. Ce dernier a d’ailleurs bien fonctionné en 1998, quand il s’est agi d’appliquer les 35 heures, même s’il est vrai qu’à l’époque les entreprises ont touché 20 milliards à l’appui de cette négociation… Pour reprendre un argument souvent utilisé contre nous, une fois la loi de finances pour 2017 adoptée, nous aurons permis aux entreprises de toucher à peu près 41 milliards d’euros. Je considère donc que celles-ci doivent tout de même accepter le fait syndical.
La philosophie du projet de loi consiste à donner plus de place à la négociation et, pour pouvoir négocier, il faut avoir du temps et une pleine légitimité, d’où le mandatement syndical. Celui-ci permet de redonner de la vitalité non seulement au dialogue au sein de l’entreprise, mais aussi aux représentants du personnel quand ils sont syndiqués, ce qui est très important. En effet, on ne peut pas se contenter du fait syndical actuel encore trop minoritaire. Tout le monde en a besoin, y compris les patrons.
C’est donc cela qui me désole : culturellement, vous n’avez pas compris le monde dans lequel nous vivons, alors même que des patrons – j’ai évoqué l’accord tout récent de compétitivité de Michelin, datant de 2015-2016 – ont compris l’intérêt d’avoir des organisations fortes avec lesquelles négocier des compromis. C’est bien dommage… Toutefois, on a encore le temps, d’ici à la fin de l’examen de ce texte, pour insister, afin que ça vous rentre dans la tête. (Rires sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.) Mais on y arrivera !
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Si je comprends bien, il faut encore un peu de temps pour que tout cela m’arrive au cerveau…
Mme Nicole Bricq. C’est votre cerveau reptilien qui parle !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Oh !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Quelle drôle de conception vous avez de la démocratie !
Mme Catherine Deroche. En effet !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. On parle là de salariés élus par leurs pairs ; quelle défiance envers l’élection ! Je trouve cela stupéfiant !
Ce que nous souhaitons, sur les travées de la droite et du centre, c’est assurer l’effectivité du dialogue social et proposer, pour cela, plusieurs canaux, plusieurs possibilités. En effet, on ne peut avoir les mêmes processus, les mêmes méthodes, dans une entreprise de huit salariés et dans une entreprise de 25 000 salariés. De ce point de vue, l’article 10 A, introduit par la commission, est très pragmatique. Je rappelle en outre qu’il est applicable aux entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues de délégués syndicaux. Il ne s’agit donc pas de contourner cette institution, mais de prévoir des dispositifs quand il n’y en a pas.
Par ailleurs, cet article prévoit autre chose, dont il n’a pas encore été question : l’instauration de consultations avec une majorité qualifiée des deux tiers. Dans la démocratie sociale comme dans la démocratie politique, nous sommes à un moment où nous devons trouver une articulation – pas un remplacement, une articulation – entre l’expression directe et la démocratie représentative. On sent bien, en effet, une envie de participation des publics, électeurs ou salariés, et on n’y coupera pas !
L’équilibre introduit par l’article 10 A est pragmatique. Expérimentons-le pendant quelques années et, s’il ne fonctionne pas, il sera bien temps d’en tirer les conclusions. Mais il est aussi possible que cela fonctionne.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Jean-Baptiste Lemoyne a parfaitement expliqué la philosophie de cet article et les raisons pour lesquelles la commission l’a écrit sous cette forme.
Je ne sais pas si c’est une question de cerveau qui ne serait pas assez abouti, mais je pense que nous avons tous autant de circonvolutions cérébrales les uns que les autres…
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Mais on s’en sert plus ou moins bien… (Sourires.)
Mme Catherine Deroche. … et l’on peut avoir des opinions différentes sans forcément tenir des propos désagréables les uns vis-à-vis des autres.
On a suffisamment répété tout au long du débat que l’on avait fondé notre texte sur deux piliers, celui de la liberté et celui de la confiance. C’est ce dont les entreprises, notamment les petites, ont besoin. On les voit et on les entend dans nos territoires, et la demande est très forte en ce sens.
Nous avons pour notre part une confiance totale envers les employeurs et les salariés. On peut afficher de la confiance, mais, quand on l’assortit de tels carcans, c’est de la défiance !
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je veux soutenir ceux qui ont rédigé cet article.
Les salariés des PME, ceux qui en dirigent une le savent, se défient parfois des syndicats, qu’ils trouvent politisés et qui ne représentent pas toujours, selon eux, leurs intérêts.
L’exercice mis en place par cet article est un exercice de démocratie participative dans l’hypothèse où il n’y a pas de délégué syndical – c’est exclusivement pour ce cas-là que cet article a été rédigé. La rédaction retenue procède d’une volonté de recherche de consensus puisque la majorité des deux tiers est requise pour ratifier les accords. Aussi, contrairement à Mme Bricq, je pense que c’est cette démarche qui va dans le sens de l’histoire.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. J’aurais voulu répondre à Mme Bricq, mais elle n’est plus là.
M. Yves Daudigny. On lui transmettra !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je suis sûr que, de toute façon, son cerveau non reptilien lui fera lire directement mes propos. (Sourires.)
Je veux aussi faire fonctionner le mien. Si je comprends bien l’ensemble de la discussion, ce qui est proposé pour les entreprises de moins de cinquante salariés par le Gouvernement et par la majorité présidentielle, c’est soit le délégué syndical élu, soit un salarié mandaté par un syndicat qui n’est pas obligatoirement représenté au sein de l’entreprise.
Nous proposons une troisième possibilité : un salarié de l’entreprise, élu par ses pairs et qui discute directement avec l’employeur. Pourquoi ne pas accepter la démocratie en son entier ? On recourt à une possibilité, à la deuxième ou à la troisième. C’est tout ce que propose l’article écrit par la commission, et je pense que cette solution respecte la pluralité.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Je suis un peu choqué par cette discussion, je ne la comprends pas. J’entends bien ce qui est dit : quand il y a une représentation syndicale, c’est elle qui discute. Mais on parle là des entreprises de moins de cinquante salariés ! On en connaît dans la ruralité. J’étais médecin, je ne connaissais pas l’entreprise, mais je savais le vécu des ouvriers qui travaillaient dans ce cadre et les démarches qu’ils menaient quand un conflit survenait.
Ce qui est proposé par l’article 10 A me paraît assez logique, et je trouve les propos qui ont été tenus quelque peu discriminatoires. Discriminatoires, ils le sont vis-à-vis des patrons, qui ne sont pas tous de méchants patrons farouchement déterminés à écraser les gens ! Certains veulent que leur entreprise marche, allant même jusqu’à souhaiter en faire profiter leurs ouvriers et à avoir l’ambition de créer des emplois ! Ce que j’ai entendu me paraît très dur. Je pense que la France doit, pour se réformer, se réconcilier avec son patronat. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Sinon, on ira dans le mur !
Discriminatoires, les propos le sont aussi vis-à-vis des salariés. Y a-t-il, d’un côté, les bons salariés, ceux qui sont syndiqués, et, de l’autre, les mauvais, ceux qui ne sont pas syndiqués ? Ceux qui ne sont pas syndiqués sont dans cette situation pour des raisons de circonstances, parce qu’ils sont bien avec leur patron, parce qu’ils travaillent dans une entreprise qui marche bien et qu’ils n’ont pas, en définitive, ressenti le besoin d’adhérer à un syndicat. En revanche, s’il y a un problème, ils sont capables d’aller demander conseil auprès d’un syndicat, voire d’y adhérer, si cela leur paraît nécessaire.
La zone de clivage n’est pas aussi forte que ne le laissent entendre les propos qui ont été tenus dans cette assemblée. Voilà tout simplement ce que je voulais dire.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Nous abordons une partie importante du texte, et il est normal que les convictions s’expriment.
Nous pensons, pour notre part, que les corps intermédiaires sont importants. Les syndicats, y compris ceux avec lesquels il nous arrive de ne pas être d’accord, sont des interlocuteurs crédibles. Nous devons leur faire confiance, parce qu’ils sont la base même de notre contrat social, du dialogue social ; il ne faut pas les squeezer.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Même lorsqu’il n’y en a pas ?
M. Didier Guillaume. La proposition que vous faites, monsieur le rapporteur, au nom de la commission, est différente de celle que nous soutenons.
Le deuxième tour laisse toujours la possibilité d’élire quelqu’un de l’entreprise. Mais, ce que nous voulons, c’est garder, pour le premier tour, le droit actuel, ce qui ne signifie pas que nous voulons à tout prix préserver les gardiens du temple ou je ne sais quoi ! Si nous sommes attachés au droit actuel, ce n’est pas tant pour une question de symbole ; c’est pour une question de démocratie sociale.
Pour le premier tour, nous souhaitons que les candidats soient désignés par les syndicats présents dans l’entreprise. S’il n’y a pas de présence syndicale dans l’entreprise, nous souhaitons que les candidats soient désignés par mandatement syndical. Cette proposition nous semble relever de la bonne logique du dialogue social, ce qui explique d’ailleurs nos échanges. À cet égard, je ne pense pas que les propos de Mme Bricq – qui vient justement de nous rejoindre – aient été excessifs. Elle s’est s’exprimée sur le vif, comme on le fait au cœur d’une discussion.
La légitimité des syndicats est un aspect très important. C'est la raison pour laquelle nous souhaiterions vraiment que le Sénat supprime cet article.
J’entends qu’il faut réconcilier les patrons ou les entreprises et la politique. Or on nous a assez fait grief d’avoir montré, par les actions en direction de l’entreprise que les gouvernements ont menées durant ce quinquennat – je pense notamment au pacte de responsabilité et au CICE –, que nous aimions l’entreprise et les chefs d’entreprise. Nous souhaiterions d’ailleurs que l’inverse soit également vrai et que nous puissions nous accorder sur un pacte social. Pour y parvenir, nous pensons qu’il faut, dans un premier temps, garder la rédaction du Gouvernement s’agissant du premier tour d’une élection.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 et 965.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 333 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 639, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. - Alinéa 7
Remplacer le pourcentage :
30 %
par le pourcentage :
50 %
III. – Alinéas 8 à 10
Supprimer ces alinéas.
IV. – Alinéa 11, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
V. – Alinéas 12 à 15
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il s’agit pour nous, vous l’aurez compris, d’un amendement de repli, puisque, la commission étant elle-même à l’origine de l’article 10 A, nous nous attendions fort au rejet de notre amendement de suppression en séance publique. Néanmoins, nous persistons à dire que cet article est très mauvais pour la démocratie sociale. Nous proposons donc, en guise de moindre mal, d’en revenir aux accords fixant le seuil de représentativité à 50 % des suffrages exprimés pour établir la représentativité des salariés habilités à signer les accords collectifs plutôt que de l’abaisser à 30 %.
Pour répondre à ce qui a été dit précédemment, il n’est pas question pour nous de priver les entreprises de la possibilité de négocier. Cependant, la conduite d’une négociation demande de la part des salariés concernés une « aptitude » à l’exercice.
Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, lesquelles constituent la grosse majorité de nos entreprises – elles emploient plusieurs millions de salariés –, il ne serait ni juste ni même normal que les salariés retenus pour négocier ne soient pas capables de le faire. Je le dis avec d’autant plus de force que la logique du projet de loi, qui conduit à inverser la hiérarchie des normes et à privilégier les accords d’entreprise, rend indispensable la présence de salariés capables de négocier.
Nous ne nous battons pas pour refuser la négociation dans les entreprises, notamment les plus petites d’entre elles. Nous nous battons pour réserver aux organisations syndicales la possibilité de se présenter au premier tour des élections destinées à établir la représentativité des salariés. Si le quorum n’est pas atteint, parce que les électeurs ne sont pas assez nombreux, un second tour est organisé. Des personnes non mandatées par une organisation syndicale pourront toujours s’y présenter, briguer les suffrages et être élues par leurs pairs. Nous ne nous opposons pas à cette disposition, qui existe dans le droit actuel et que nous respectons. Ce que nous refusons, c’est qu’il soit mis un terme au monopole syndical pour les candidatures au premier tour.
Faut-il le rappeler, la négociation et la signature d’un accord, quel qu’il soit, requièrent quand même de la part des salariés qui représentent les leurs la possession d’un minimum de bases juridiques, notamment de connaissances en droit social et en droit du travail. Si tel n’est pas le cas, les salariés sont placés dans des conditions inacceptables pour négocier face à un patron !
Je vous invite à aller interroger les représentants des salariés aux conseils de prud’hommes sur le nombre de litiges dont ils sont saisis venant de petites entreprises. Ils vous diront que la quantité des contentieux trouve son origine dans le fait que les salariés ne sont pas suffisamment informés de leurs droits pour parvenir à se défendre eux-mêmes dans le cadre de l’entreprise.
Par cet amendement, nous essayons de limiter le champ de l’article 10 A, qui, pour nous, porte vraiment atteinte à la démocratie sociale dans les entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Pour promouvoir ce nouveau canal de négociation, la commission a souhaité que les accords soient signés dans des conditions similaires à celles qui existent aujourd'hui.
Lors de l’examen de l’article 10, nous aurons un débat sur la règle majoritaire ; je ne développerai donc pas plus longuement mon propos. Je me contente d’indiquer que c’est cette logique retenue par la commission qui l’a conduite à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je partage évidemment votre constat, madame David, sur l’importance de la règle majoritaire. Telle est précisément la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé un amendement de suppression de l’article 10 A. En revanche, je ne vous suis pas quand vous proposez de supprimer le mandatement. Au-delà de la bataille culturelle, je crois en effet aux vertus du collectif en termes d’accompagnement et de formation. Je suis tout à fait d’accord avec vous, on ne naît pas négociateur !
Être mandaté par une organisation syndicale, c’est avoir la garantie qu’elle vous formera, vous accompagnera et vous soutiendra. Telles sont les raisons pour lesquelles je favorise le mandatement.
Je crois que nous sommes tous d’accord ici pour ne pas interdire aux petites entreprises de bénéficier de souplesse. À partir de là, comment trouver des règles pour parvenir à compenser le déséquilibre inhérent à la relation entre un employeur et un salarié ? Je pense que c’est en agissant au nom du mandat délivré par une organisation syndicale qu’on parvient à rééquilibrer les choses.
Pour moi, les enjeux sont au nombre de deux.
Le premier consiste à ne pas empêcher les petites entreprises de bénéficier de la souplesse dont elles ont besoin. Pour ce faire, les accords types négociés au niveau de la branche, directement applicables, doivent être prêts à être signés dans l’entreprise. Cette notion, bien évidemment nouvelle, qui peut, à mon sens, beaucoup apporter aux petites entreprises, était l’une des préconisations du rapport de Jean-Denis Combrexelle. Imaginez une négociation sur le forfait jours, qui doit s’établir entre 215, 220 ou 222 jours. Cet accord « à trous » négocié au niveau de la branche peut être applicable directement au sein de l’entreprise. Pour moi, c’est la solution d’avenir. J’y vois une vraie forme de modernisation de dialogue social.
Le second enjeu, c’est le mandatement, qui permettra, selon moi, aux petites entreprises de bénéficier de souplesse.
Parce que je ne veux absolument pas exclure le mandatement, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 10 A.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 334 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l'article 10 A
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 144 rectifié et 145 rectifié, présentés par Mme Deromedi, M. Bouchet, Mme Cayeux, MM. Chasseing, Dallier, de Legge, Doligé, Frassa, Gremillet, Husson et Laménie, Mme Lopez et MM. Magras, Mandelli, Masclet, Morisset, Pellevat, Pillet, Pointereau, Soilihi et Vasselle, ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 267 rectifié ter, présenté par Mme Deroche, MM. Retailleau, Allizard, Bignon, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cantegrit et Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Chasseing, Cornu, Dallier, Danesi et Dassault, Mmes Debré, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, MM. Doligé et P. Dominati, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, M. Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Falco, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa, J. Gautier, Genest, Gilles, Gournac, Grand, Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houel et Houpert, Mme Hummel, MM. Huré, Husson et Joyandet, Mme Kammermann, MM. Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Malhuret, Mandelli, A. Marc, Masclet et Mayet, Mmes Mélot, M. Mercier, Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Perrin, Pierre, Pinton, Pointereau et Poniatowski, Mmes Primas et Procaccia et MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Revet, Savary, Savin, Trillard, Vaspart, Vasselle, Vendegou, Vial, Vogel et Baroin, est ainsi libellé :
Après l'article 10 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles L. 2314-24 et L. 2324-22 du code du travail sont ainsi modifiés :
1°Au premier alinéa, les mots : « deux tours » sont remplacés par les mots : « un tour » ;
2° Le deuxième alinéa est supprimé.
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Le monopole syndical de désignation des candidats au premier tour des élections interdit les candidatures libres qui pourraient émerger dès ce premier tour parmi les salariés non syndiqués, mais qui, néanmoins, voudraient représenter le point de vue des salariés présents dans l’entreprise. L’amendement vise à lever cet obstacle.
Nous voulons également pallier le faible taux d’appartenance des salariés à un syndicat.
Le sujet est complexe, comme nous avons pu le voir en commission, mais nous aimerions entendre la réponse du rapporteur sur cet amendement d’appel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a eu un débat intéressant sur cet amendement, un débat qui est d’ailleurs appelé à se prolonger devant les Français.
Les règles du dialogue social ne doivent bien évidemment pas être calquées sur celles de la démocratie politique. Nous y viendrons lorsque nous aborderons, plus loin dans le texte, les notions de majorité, par exemple. Reste que s’il y avait un monopole des partis politiques pour la présentation des candidats aux élections sénatoriales, je ne serais pas devant vous, et le président Milon non plus, me dit-il !
Mme Catherine Génisson. Vous étiez sur une liste !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Non, j’étais un candidat indépendant !
Ce que je veux dire, c’est qu’il est sain de permettre à des personnes sans étiquette de pouvoir apporter leur pierre à l’édifice. Elles ne doivent pas être suspectes a priori. C’est ce que pointe cet amendement, porté par de nombreux collègues du groupe Les Républicains.
À ce stade, la commission préconise le retrait de l’amendement, considérant que le débat aura lieu dans les prochains mois et que le peuple français aura à se prononcer sur cette question, notamment.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable. Nous tenons en effet au monopole syndical, fruit de la position commune arrêtée en 2008 par les partenaires sociaux.
L’objectif est de trouver le moyen de favoriser l’implantation syndicale plutôt que de la contourner ou de la détourner. Le projet de loi vise, en élargissant l’objet de la négociation, à permettre aux organisations syndicales de se saisir des questions les plus structurantes de la vie quotidienne des salariés. Pour renforcer leur rôle, il me paraît essentiel de faire partager la conviction que la dimension collective est garante d’un meilleur soutien et d’un accompagnement de qualité.
Refuser de remettre en cause ce monopole n’est pas une atteinte au libre choix des salariés : tous les syndicats légalement constitués depuis deux ans peuvent présenter des listes. Par ailleurs, si les salariés ne font pas confiance aux candidats présents au premier tour, ils peuvent toujours s’abstenir. Et, lors du deuxième tour, ils peuvent tout à fait voter pour un candidat de leur choix ! Dans beaucoup de PME, les instances représentatives du personnel ne sont pas syndiquées. On voit donc bien que la question du libre choix n’est pas le sujet.
L’enjeu dans notre pays aujourd’hui, c’est de faire en sorte, pour sortir de la culture de l’affrontement qui revient souvent dans nos débats, de renforcer le poids et la légitimité des organisations syndicales dans l’entreprise. Tel est l’axe que nous devons avoir dans toutes les entreprises de notre pays où seront organisées, à la fin de l’année, des élections dans le cadre des TPE. Nous travaillons actuellement sur le sujet avec les organisations syndicales et mettons au point une large communication.
On ne peut pas se contenter d’avoir une telle défiance envers les organisations syndicales ! Je ne pense vraiment pas que la bonne solution soit de trouver des voies pour les contourner. Nous avons une bataille culturelle à mener sur cette question, comme sur la question du mandatement.
Je le sais bien, et nous en avons tous conscience, il faut arriver à améliorer les choses dans les TPE, ce qui passe, pour moi, par un renforcement de l’implantation syndicale.
Mme Evelyne Yonnet. Très bien !
M. le président. Madame Deroche, l'amendement n° 267 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Catherine Deroche. Sur ce sujet, qui mérite d’être débattu, il n’y a pas une solution toute simple. Nous l’avons bien vu lors des auditions, notamment celle de Jean-Denis Combrexelle, qui est à l’origine du rapport.
Pour l’heure, je retire l’amendement. Nous aurons le débat plus tard.
M. Jean Desessard. Vous n’allez quand même pas en discuter dans le cadre de la primaire ? (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 267 rectifié ter est retiré.
Article 10
L’article L. 2232-12 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 2232-12. I. – La validité d’un accord d’entreprise ou d’établissement est subordonnée aux deux conditions cumulatives suivantes :
« 1° L’accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants ;
« 2° Les organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants, n’ont pas exprimé leur opposition dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de cet accord, dans les conditions prévues à l’article L. 2231-8.
« II. – Au plus tard un mois après l’opposition, l’employeur ou une ou plusieurs des organisations signataires du projet d’accord peuvent indiquer qu’ils souhaitent une consultation des salariés visant à valider l’accord.
« Cette consultation est organisée dans un délai maximal de deux mois.
« Elle peut être organisée par voie électronique, se déroule dans le respect des principes généraux du droit électoral et selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l’employeur et les organisations ayant souhaité la consultation.
« Participent à la consultation les salariés des établissements couverts par l’accord et électeurs au sens des articles L. 2314-15 et L. 2314-17 à L. 2314-18-1.
« L’accord est valide s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, quel que soit le nombre de votants.
« Faute d’approbation, l’accord est réputé non écrit.
« Un décret définit les conditions de la consultation des salariés dans le cadre du présent II. »
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l'article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je suis opposée au référendum d’entreprise tel qu’il est proposé dans le projet de loi.
J’observe que ce dispositif n’est soutenu que par un très faible nombre d’organisations syndicales. Même l’UNSA, qui est plutôt favorable au texte, tout en soulignant qu’il doit être amélioré, nous a envoyé un tract très détaillé dans lequel on peut lire : « Loi El Khomri, il faut que ça bouge encore ! » et « Référendum : suppression de son utilisation dans la procédure de validation des accords d’entreprise – article 10 ! ». Pourquoi très peu d’organisations syndicales sont favorables à cette méthode ?
Je connais bien évidemment l’argument tendant à nous reprocher de ne pas faire confiance aux salariés au sein de l’entreprise. Je relève cependant que le recours à la technique du référendum est utilisé quand la majorité des syndicats représentant la majorité des salariés n’acceptent pas de signer un accord. Je relève également qu’il suffit que des organisations syndicales représentant seulement 30 % des salariés le demandent pour qu’il soit déclenché. La commission a ajouté la possibilité pour le patron de prendre la même initiative. J’ai bien noté, madame la ministre, et je m’en félicite, que vous n’avez pas retenu cette disposition, d’autant plus dangereuse qu’elle serait décidée par le patron !
Quelle légitimité peut bien avoir une majorité si la minorité peut, à tout moment, décider d’organiser un référendum pour revalider la légitimité de ceux qu’elle représente ?
Dans notre pays – je ne parle pas de la Suisse –, on peut demander l’organisation d’un référendum d’initiative populaire non pas pour poser directement une question, mais pour demander qu’une question soit posée. C’est le Parlement qui décide de soumettre ou non ladite question à référendum. Dans le champ du politique, on s’assure donc toujours que le passage par le tamis majoritaire est consolidé.
On le sait, la conjoncture dans laquelle intervient un vote en entreprise pèse. On le sait aussi, quand, au sein d’une entreprise, un accord pénalise une catégorie particulière et que la majorité n’est pas concernée – ou estime que les efforts demandés ne sont pas considérables –, cette dernière peut imposer à une minorité un alourdissement de sa charge de travail. L’accord recueille ainsi la majorité des suffrages, non parmi les catégories concernées, mais au sein de l’entreprise, prise dans sa globalité.
Je prends l’exemple de Smart, où 53 % à 56 % des personnes consultées ont été favorables à l’accord, un accord que les syndicats – la CFDT et la CGT – ont dénoncé. Chez Smart, 74 % des cadres et des agents techniques étaient favorables à l’accord, contre seulement 39 % des ouvriers. Quand on travaille comme ouvrier sur une chaîne, une augmentation de la durée du travail de dix minutes, d’un quart d’heure ou de vingt minutes n’a pas le même impact que pour un cadre ! Vous voyez bien que la composition du corps électoral peut donner des résultats injustes.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Cet article comporte deux mesures qui, au final, affaiblissent encore la légitimité des organisations syndicales.
La première concerne la représentativité que doivent avoir les organisations syndicales pour être en position de signer un accord. Dans son texte, le Gouvernement prévoyait qu’un ou plusieurs syndicats représentant 50 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles puissent signer un accord. Nous ne pouvons que regretter la décision de la commission d’abaisser ce seuil à 30 %, laissant les organisations minoritaires en position de valider les accords.
La seconde mesure, c’est la possibilité pour ces mêmes organisations syndicales minoritaires de renforcer leur légitimité en recourant à l’organisation d’un référendum. Apparemment gage de démocratie – la consultation de tous les salariés sur une problématique –, cette mesure s’apparente en réalité à un court-circuitage en règle des organisations majoritaires.
Cela pose la question de votre vision du dialogue social et de la démocratie dans l’entreprise, madame la ministre. Les employeurs organisent une élection professionnelle qui donne une légitimité aux organisations syndicales majoritaires. Pourtant, apparemment, il vous semble normal de passer outre ! Et, là-dessus, vous êtes finalement d’accord avec la majorité sénatoriale et avec une partie du groupe socialiste.
Avec votre mesure, par le biais du référendum, pourraient être validées des choses contraires à l’intérêt des salariés ! Manifestement, les Français ne sont pas dupes de cette manœuvre.
Dans une lettre que j’ai reçue récemment, Sébastien, âgé de quarante ans, se montre très critique à l’égard des consultations de salariés pour ratifier des accords d’entreprise : « Les rares fois où il y a eu des référendums de ce type, c’était avec le pistolet sur la tempe : soit vous acceptez de travailler plus pour gagner moins, soit on licencie. Évidemment, dans ces conditions-là, on peut atteindre la majorité de 50 %. »
Il est tout à fait hypocrite de laisser croire qu’il n’existe pas dans les entreprises un rapport de force défavorable aux salariés, du fait notamment du poids du chômage. C’est hypocrite de nier le lien de subordination !
Où est la démocratie, madame la ministre, quand un référendum est organisé parce qu’un accord n’a pas pu être signé ? Or tout le monde sait que, quand un accord n’est pas signé, c’est parce qu’il est mauvais pour les salariés.
Enfin, quel paradoxe ! Votre loi prétend favoriser le dialogue social en valorisant les syndicats, alors qu’elle les remet en cause.
Cet article 10 est, en réalité, un outil pour faire taire toute résistance afin d’imposer des régressions sociales. Voilà la réalité ! Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne le voterons pas.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l’article.
Mme Nicole Bricq. Nous sommes à l’évidence pris entre deux feux. Nous – le Gouvernement et le groupe socialiste – devons répondre à deux groupes qui préfèrent en rester à la situation actuelle.
L’article 10, dans notre schéma, est le miroir de l’article 2 et la pierre sur laquelle se fonde l’équilibre du texte. Si l’on est d’accord avec la philosophie de l’article 2…
Mme Annie David. Eh bien non !
Mme Nicole Bricq. … – je ne parle là que du temps de travail et non pas de manière générale –, on ne peut qu’être d’accord avec la rédaction de cet article élaborée par le Gouvernement, par la négociation, pendant les quinze jours de suspension du parcours de ce texte avant sa délibération en conseil des ministres et ainsi présentée à l’Assemblée nationale.
En effet, cet article assure l’équilibre des parties en instaurant l’accord majoritaire. Cela est très important : cette règle des 50 % avait été acceptée par toutes les organisations représentatives de salariés en 2008. Voilà pourquoi nous souhaitons qu’elle soit inscrite dans le texte. En outre, aux termes de cet article, si l’accord n’a pas la majorité, un syndicat signataire, dès lors qu’il représente au moins 30 % des salariés, peut demander l’organisation d’une consultation des salariés, c’est-à-dire d’un référendum. Comme l’expliquait Mme Génisson, c’est un bon compromis entre démocratie représentative et démocratie directe.
Mme Laurence Cohen. C’est ce qu’il faut faire pour ce projet de loi : un référendum !
Mme Nicole Bricq. Cette consultation des salariés est possible, mais elle ne se fait pas de prime abord. Nous avons retenu cette architecture, parce que nous ne voulons pas que l’employeur puisse faire ce qu’il veut. Voilà pourquoi nous soutiendrons l’amendement du Gouvernement visant à rétablir la rédaction issue de l’Assemblée nationale : si elle n’est pas rétablie, tout le texte sera dénaturé.
Je lance sur ce point un appel à nos collègues de droite qui ont soutenu l’article 2, même si l’on met de côté ce qui concerne les 35 heures et le plancher horaire du travail à temps partiel : refuser le rétablissement de cette rédaction, ce serait montrer votre désaccord avec la philosophie du texte, qui consiste à donner de l’espace au dialogue social…
Mme Éliane Assassi. C’est votre version !
Mme Nicole Bricq. … et à conforter les organisations syndicales dans cet exercice.
Quant à mes autres collègues, je les préviens que si l’on n’accepte pas cette règle majoritaire, c’est tout l’équilibre du texte qui disparaît.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l’article.
M. Jean Desessard. J’ai beaucoup apprécié le discours de Mme Bricq, qui m’est arrivé au cerveau et que j’ai très bien compris. (Sourires.)
Selon ses explications, cet article répond à l’article 2 et pose un équilibre entre la démocratie représentative et la démocratie directe. La seule question que je me pose est la suivante : si la droite est majoritaire, non seulement au Sénat mais aussi à l’Assemblée nationale, que deviendront cette loi et son fameux équilibre ?
Mme Nicole Bricq. On ne peut pas le savoir !
M. Jean Desessard. Certes, mais c’est quand même la question qu’il faut poser.
M. Didier Guillaume. Et si c’est votre majorité qui l’emporte ?
M. Jean Desessard. Ce n’est pas nous qui avons buté la CGT !
Je lis dans les journaux qu’il y a un bras de fer entre le Gouvernement et cette organisation syndicale ; M. le Premier ministre a pris des positions très nettes envers la CGT et FO pour les faire céder. Or c’est bien, selon moi, ce qui va se passer : vous allez gagner, mais votre loi, une fois adoptée, ne tiendra que six ou sept mois !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Le temps d’un printemps…
M. Jean Desessard. En effet, la droite attend, la droite est prête. Il existe certes des désaccords en son sein, mais ils seront réglés facilement, d’après leurs dires. Or la droite une fois au pouvoir changera complètement la philosophie de ce texte.
Mme Catherine Deroche. C’est la démocratie !
M. Jean Desessard. Voici ce qui m’inquiète : vous aurez fait adopter une loi contre une partie du mouvement syndical, une loi dont la philosophie est peut-être bonne, mais dont l’application est irréaliste.
Je dirais même, madame Bricq, que vous vous montrez quelque peu utopique dans cette histoire. En effet, au nom d’une grande idée, certes discutable, de la démocratie sociale, vous risquez de faire entrer autre chose dans notre droit.
Mme Éliane Assassi. C’est la porte ouverte !
M. Jean Desessard. En outre, vous n’entendez pas aujourd’hui vos alliés potentiels ; ils risquent de vous en vouloir quand il sera temps de voter pour décider qui appliquera cette fameuse loi.
Le schéma que vous décrivez est bon, madame Bricq, il m’est arrivé jusqu’au cerveau ; je ne suis pas sûr pour autant que vous ayez les moyens d’agir dans les prochaines années. Par conséquent, votre belle loi risque de ne connaître aucune application puisqu’elle sera transformée par une majorité non plus seulement sénatoriale mais gouvernementale.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l’article.
M. Didier Guillaume. Mme Nicole Bricq a dit l’essentiel au nom de notre groupe ; néanmoins, à écouter M. Jean Desessard, je me demande, alors, à quoi sert le Parlement.
M. Robert del Picchia. Eh oui !
M. Didier Guillaume. Selon lui, de toute façon, un quinquennat passe vite, et ce n’est pas la peine de faire une loi puisque, en cas d’alternance, elle sera changée !
Mme Catherine Deroche. Bien sûr ! Autant ne rien faire pendant cinq ans !
M. Didier Guillaume. Mais toutes les lois, mon cher collègue, seront changées, sans aucune exception ! Nous devons donc examiner le fond du problème sans nous perdre dans les rêves ou – c’est affaire de perspective – les cauchemars les plus fous.
J’en reviens à cet article : là aussi, monsieur Desessard, votre argumentation ne tient pas. L’équilibre du projet de loi défendu par Mme El Khomri repose sur l’article 2 et sur l’article 10. On peut être contre l’article 2, contre l’inversion de la hiérarchie des normes : c’est respectable, même si je ne partage pas cet avis. En revanche, quand on en vient à l’article 10, voici ce que nous, les femmes et les hommes de gauche qui sommes ici élus, devons faire si nous croyons en ce texte : nous devons le voter. Cet article donne des garanties à la démocratie sociale en faisant passer de 30 % à 50 % le seuil de représentativité nécessaire à la conclusion d’un accord. Toutes les organisations syndicales, globalement parlant, sont favorables à la négociation et au vote des accords. Voilà pourquoi nous disons qu’il faut croire en ce qui se passe sur le terrain.
Après ce qui a été dit lors de l’examen de l’article précédent, je voudrais éviter que se tiennent de nouveaux faux procès. Je n’accepte pas qu’on dise aux uns ou aux autres qu’ils ont trahi, qu’ils ont démissionné ou encore qu’ils ont oublié leurs convictions. Chacun a le droit d’exposer ses convictions avec autant de force qu’il le souhaite, mais sans dénaturer celles des autres !
Le débat ne s’est pas trop mal passé la semaine dernière : il faut qu’il se passe bien cette semaine !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Si l’on ne nous traite pas de totalitaires !
M. Didier Guillaume. Cela ne s’est pas passé dans l’hémicycle.
M. Didier Guillaume. Du moins ne l’ai-je pas personnellement entendu.
Ce qui importe, c’est la démocratie au sein de l’entreprise. Or, selon moi, ni le passage de 30 % à 50 % ni le référendum d’entreprise ne représentent un risque de ce point de vue. En revanche, la majorité sénatoriale, que je respecte malgré nos désaccords, entend aller beaucoup plus loin dans l’inversion des normes et s’éloigner de ce que veut la gauche en adoptant la primauté du référendum, qui écarte les syndicats. Pour notre part, nous croyons encore au fait syndical !
Mme Éliane Assassi. C’est pour ça que les manifestations sont interdites !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Quand on est une femme ou un homme de gauche, pour reprendre l’expression de M. Guillaume, on essaye d’abord d’écouter ce que les femmes et les hommes de gauche expriment dans la rue.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
Mme Annie David. Or ces gens ne sont pas entendus aujourd’hui. En effet, les manifestations de jeudi prochain ne seront pas autorisées.
Monsieur Guillaume, je peux partager votre soutien au passage aux accords majoritaires. L’un de nos amendements sur cet article, l’amendement n° 641, a d’ailleurs un tel objet. Nous souhaitons bien que les accords d’entreprise, pour être adoptés, soient signés par des organisations représentant au moins 50 % des salariés.
Ce que nous contestons, c’est votre réintroduction du référendum d’entreprise. Notre collègue Marie-Noëlle Lienemann vient de rappeler que l’UNSA, l’un des trois syndicats à être d’accord avec ce texte, conteste le référendum. Il n’y a plus qu’un seul syndicat à être favorable au référendum d’entreprise. La plupart des organisations syndicales qui soutiennent votre texte vous demandent de supprimer cet article 10, à cause non pas des 50 % mais bien de ce référendum.
N’essayez donc pas de nous faire croire que seraient opposés à votre vision, d’une part, la droite, qui voudrait aller encore bien plus loin et retirer tous leurs droits aux salariés, et, d’autre part, les membres du groupe communiste, qui voudraient simplement s’en tenir aux anciennes lois et ne donner des droits qu’aux seuls travailleurs. Nous aussi portons des propositions ! Nous continuons en revanche de contester l’idée du référendum d’entreprise, qui n’a rien de démocratique lorsqu’il est organisé tel qu’il l’est dans les entreprises.
M. le président. L’amendement n° 49, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Pour toutes les raisons qui ont été exposées, cet amendement vise logiquement à supprimer le référendum d’entreprise convoqué à l’initiative des syndicats minoritaires. Il faut bien avouer que cet article 10 constitue un véritable bouleversement dans les règles du dialogue social. Nous y sommes donc fermement opposés.
L’article tel qu’il est issu des travaux de la commission prévoit que, si un ou des syndicats représentatifs ne totalisant que 30 % des voix aux élections professionnelles sont disposés à signer un accord proposé par l’employeur, ils pourront demander que celui-ci soit validé par l’organisation d’un référendum dans l’entreprise, contournant ainsi l’opposition des syndicats majoritaires. Il me faut cependant préciser que, si la réécriture de la commission ne nous satisfait pas, la rédaction issue de l’Assemblée nationale que le Gouvernement souhaite rétablir n’attire guère plus nos faveurs.
Madame la ministre, comme Annie David vient de le rappeler, vous tentez de nous faire croire que votre texte renforce le dialogue social, alors qu’il affaiblit en réalité les organisations syndicales majoritaires. S’il en fallait une preuve, c’est bien cet article, qui permet aux organisations syndicales minoritaires de passer outre les règles actuelles de la représentativité dans l’entreprise. Or les syndicats élus du personnel tirent leur légitimité des élections professionnelles.
Sous prétexte de démocratie directe – ce qui est déjà contestable –, cette mesure affaiblit d’évidence la légitimité syndicale, alors qu’aucun dialogue social n’est possible sans les syndicats. En conséquence, selon moi, c’est un court-circuitage des syndicats qui s’opère : là réside notre divergence fondamentale avec vous.
D’ailleurs, pour prolonger les propos de Mme Marie-Noëlle Lienemann, au-delà des syndicats qui s’opposent globalement au texte, je citerai la position de Carole Couvert, ancienne présidente de la CFE-CGC, selon laquelle ce référendum revient à dire qu’aucun poids n’est donné aux élections professionnelles, alors que les syndicats tirent leur légitimité de celles-ci, ou encore celle de Joseph Thouvenel, vice-président de la CFTC, qui se demande si ce n’est pas pour faire avaler des pilules qui ne passent pas que la ministre envisage une telle option. Vous voyez donc que nous ne sommes pas isolés sur ce point. Selon moi, prôner la démocratie sociale, ce serait déjà écouter les syndicats qui représentent la majorité des salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
L’article 10 a effectivement été retravaillé par la commission. Initialement, il comprenait deux volets : d’une part, la validation d’un accord d’entreprise par des syndicats représentant 50 % des salariés et, d’autre part, la consultation.
Sur le premier point, j’avoue être entré sans a priori dans le débat. Au fur et à mesure, des auditions je me suis rendu compte que le seuil qui était fixé était peut-être un peu haut…
Mme Catherine Génisson. Vous l’aviez voté en 2008 !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. … pour permettre la conclusion d’accords. Or si nous souhaitons que ce texte soit adopté après quatre mois de débats intenses, c’est bien pour permettre que des accords soient signés : à quoi bon sinon !
Permettez-moi de vous citer le compte rendu des auditions devant notre commission. Selon l’UNSA, « 50 %, c’est compliqué » ; pour le cabinet NDRH, « 50 %, on ne voit pas comment l’atteindre » ; le DRH de Bosch nous déclarait : « je ne vais pas signer beaucoup d’accords » ; enfin, selon la CFTC « y aller par palier, pourquoi pas ? » On voit donc bien que, même parmi les syndicats, cette nouvelle règle est perçue comme un défi.
En conséquence, bien que nous ne souhaitions pas y renoncer de manière définitive, il faut nous montrer prudents. Un amendement a d’ailleurs pour objet d’instaurer une clause de revoyure en 2018 pour en tirer un bilan.
Par ailleurs, plusieurs orateurs ont fait référence à la position syndicale commune de 2008. Or nulle part dans cette position, que j’ai lue attentivement, il n’est évoqué une date butoir pour le passage à l’accord majoritaire, qui n’est évoqué qu’en tant qu’objectif. Permettez-moi de vous la citer : « Cette même règle transitoire » – la règle des 30 % – « sera applicable dans les entreprises au 1er janvier 2009 et jusqu’au passage à un mode de conclusion majoritaire des accords. Les partenaires sociaux décideront du passage à l’étape suivante au vu des résultats des négociations conduites dans les entreprises suivant ces nouvelles modalités. » Voilà la position adoptée en 2008. Aucun phasage n’était prévu, on ne renonçait à rien et nulle part n’est même mentionnée la proportion de 50 %. Si vous disposez d’un document en faisant mention, mes chers collègues, je suis preneur !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Vous faites état, monsieur le rapporteur, de la position syndicale commune de 2008 ; je peux vous affirmer pour ma part que de nombreuses organisations syndicales sont contentes de ce passage à la règle majoritaire, qui constitue selon moi un élément déterminant de ce projet de loi. Selon Philippe Martinez lui-même, que je recevais vendredi, il s’agit de l’un des points positifs de ce texte.
Par ailleurs, il s’agit en quelque sorte d’un miroir de l’article 2. On ne peut en effet élargir l’objet de la négociation sans aller vers cette règle majoritaire. J’ai parlé souvent à son propos de verrou ; je crois du moins qu’il s’agit d’une garantie extrêmement importante.
Il est vrai par ailleurs que beaucoup d’organisations, notamment patronales, sont opposées à cette règle. Je pense néanmoins que, quand on veut favoriser la légitimité des acteurs, leur responsabilité et leur engagement, et passer ainsi d’une culture de l’affrontement à une culture du compromis, il est nécessaire de sortir de la règle qui permet des accords avec 30 % de soutien et 70 % d’opposition.
La seconde question posée est celle de la consultation des salariés. Je rappelle qu’aujourd’hui de telles consultations sont extrêmement fréquentes. Certaines sont décidées par des organisations syndicales, comme chez Sephora, parce qu’il convient de demander l’avis des salariés sur certains accords. Pour citer une fois encore Philippe Martinez,…
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. C’est le grand amour !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … lui-même disait la semaine dernière, à propos de l’accord à la SNCF, que c’était aux salariés de cette entreprise de juger si c’était un bon ou un mauvais accord.
Aujourd’hui, la validité d’un accord est soumise à la règle des 30 %. Le présent projet de loi propose en revanche que, lorsqu’un accord sur le temps de travail a fait l’objet d’une négociation, les organisations syndicales puissent le soumettre à la consultation des salariés. Or le temps de travail est un sujet quotidien et structurant pour les salariés.
Nous savons bien en outre que l’accord majoritaire sera la règle et le référendum l’exception. En effet, demander l’avis des salariés représente un risque pour une organisation syndicale : elle sait très bien qu’elle peut le payer lors des élections professionnelles quelques années plus tard. Je rappellerai que le seuil de 30 %, qui sera celui du référendum, représente aujourd’hui le seuil de validité des accords.
Je voudrais dire un mot du cas de Smart. J’ai eu l’occasion de dénoncer le référendum mené par cette entreprise lors de sa tenue ; je reste cohérente avec cette position. J’ai pu alors clairement affirmer que l’entreprise en question n’avait pas mené un dialogue social interne exemplaire ; c’est le moins que l’on puisse dire. Ma conception du dialogue social est sans ambiguïté : il faut d’abord qu’il y ait une totale transparence, ce qui n’était pas le cas pour les négociateurs chez Smart. La négociation de l’accord était donc déjà mal partie.
En outre, non seulement la direction n’a pas été claire avec les représentants des salariés dès le début de cette affaire, mais elle n’a pas non plus fait montre de clarté sur les enjeux et les raisons économiques de la négociation. Si nous mentionnons aujourd’hui dans ce texte la méthode, la loyauté et la transparence nécessaires pour la conclusion d’accords, c’est bien pour éviter qu’il y ait une nouvelle affaire Smart. Une négociation qui n’est d’emblée ni transparente ni loyale ne peut finir qu’ainsi. Voilà pourquoi, dans le cadre de ce projet de loi, nous fixons des règles particulièrement claires à ce sujet.
Quant à la consultation des salariés de Smart, même si elle a été demandée par des organisations syndicales, elle avait néanmoins pour objectif d’instaurer un climat de peur dans l’entreprise : comme il y avait eu un défaut de transparence en amont, on ne savait pas véritablement à quoi s’attendre derrière. Il s’agissait donc, à mon sens, de tout sauf d’un dialogue social exemplaire.
Par ailleurs, monsieur Watrin, vous mentionnez la position de Joseph Thouvenel. Or Philippe Louis, de la CFTC lui aussi, m’a tenu dans mon bureau des propos divergents de ceux que vous me rapportez de son collègue. La CFDT et la CFTC sont aujourd’hui en accord avec ce dispositif. Que faire si des organisations syndicales qui représentent 49 % des salariés et ont négocié un tel accord souhaitent sa conclusion ? Nous devons aussi nous poser cette question. C’est dans de telles circonstances que sera utilisée la consultation des salariés, quand ces organisations estimeront qu’il s’agit d’un accord qui préserve l’intérêt collectif de l’entreprise et qu’elles voudront qu’il repose sur un consensus suffisamment large. Bien entendu, cela représente un risque pour elles : voilà pourquoi le référendum aura un caractère exceptionnel.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Vous nous parlez, madame la ministre, de la non-transparence de Smart, mais c’est bien la version Smart du dialogue social que vous renforcerez avec cet article !
En effet, Smart a organisé une consultation de ses employés par référendum. Ayant reçu des réponses défavorables parmi les ouvriers et favorables parmi les cadres, ils ont poursuivi leur plan et fait régner la peur au sein de l’entreprise. Ils ont commencé par convoquer les délégués syndicaux ; un forcing terrible a été exercé sur eux six mois durant. Ensuite, les employés ont été victimes d’un chantage à l’emploi : ils étaient convoqués individuellement et devaient donner leur réponse dans la semaine.
On s’aperçoit bien qu’une pression énorme s’exerce dans de telles entreprises et que les délégués syndicaux ne progressent pas. Le climat est terrible de ce point de vue : après les événements de Goodyear et d’Air France, on ne peut pas dire que les choses s’arrangent ; au contraire, le chantage à l’emploi est absolument terrifiant.
Vous dites regretter que la direction de Smart n’ait pas été inquiétée, mais que faites-vous avec cet article ? Vous généralisez ces pratiques ! Selon vous, la représentation syndicale a quelque peu raison d’avoir peur, mais ce n’est pas le fond du problème. Or les syndicats ne défendent pas eux-mêmes, mais les salariés, dans un rapport de force donné !
J’en viens à l’argument de M. le rapporteur, selon qui il faudrait bien aboutir à un accord sur ce texte après quatre mois de négociations pour que des accords puissent être signés dans les entreprises. Des accords, tout d‘abord, sont déjà conclus. Ensuite, pour poursuivre dans cette logique, je souhaiterais vous poser, madame la ministre, une simple question : pourquoi, alors que votre loi est majoritairement contestée dans la rue et dans les entreprises, ne la soumettez-vous pas au référendum ?
M. Jean Desessard. Faites-vous partie des 30 % ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voudrais d’abord répondre à Mme la ministre que, en effet, le fait que les accords soient désormais négociés et conclus par des organisations représentatives majoritaires représente une grande avancée. C’est un fait incontestable ! Cela légitime, quand il y a un accord, le fait que les organisations syndicales sont responsables ; d’ailleurs, je pense que cela changera la culture de tous, du patronat comme des organisations syndicales.
Quant à la question référendaire, elle arrive, comme vous le dites très justement, madame la ministre, en écho à l’article 2. Nous contestons l’article 2, parce que nous pensons qu’il déroge à la hiérarchie des normes. Quand vous nous répondez à ce propos, vous nous dites qu’il faut avoir confiance dans les organisations syndicales, qui seront formées et aptes à aboutir à un équilibre entre l’entreprise et l’intérêt général. Or M. le rapporteur nous dit à présent que ce sera difficile de rassembler 50 % dans une entreprise et d’obtenir ainsi un accord, alors même qu’on veut justement par ce texte encourager une culture de l’accord. Dès lors, plutôt que de pousser les organisations à créer du consensus par l’accord, vous leur proposez une stratégie de fuite : la possibilité d’un référendum à partir de 30 %.
Je sais bien qu’on peut faire confiance au référendum, mais j’observe que cette confiance est à géométrie variable en fonction des sujets…
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. C’est vrai !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Surtout, comme je l’ai expliqué, il s’agit non pas d’un référendum de tout le peuple, mais d’une consultation des seuls salariés, qui peuvent avoir, au sein de la même entreprise, des intérêts contradictoires, par exemple entre les cadres et les ouvriers. L’un des points forts des organisations syndicales est justement qu’elles incarnent cette synthèse et ce compromis.
En outre, si l’on considère qu’une majorité n’est pas fiable, parce qu’elle ne parvient pas à un accord, il ne faudra pas vous étonner que certains de nos concitoyens appellent au référendum révocatoire. Selon cette perspective, quand on n’est pas d’accord avec la majorité, soit parce qu’elle vote quelque chose, soit parce qu’elle ne le vote pas, on peut dire : ce n’est pas grave, renvoyons l’affaire au peuple souverain !
Cette logique consiste à mettre en cause la légitimité de la majorité de l’extérieur, par un fait plébiscitaire. Or l’histoire nous a montré que, chaque fois qu’on mettait le doigt dans cet engrenage, cela ne structurait pas les corps intermédiaires pour produire du consensus ou, à défaut, des compromis positifs ; cela ne faisait qu’irriter des colères et du populisme. Par conséquent, comme la majorité des organisations syndicales, j’estime que ce mécanisme de référendum n’est pas nécessaire, même suivant la logique qui est la vôtre dans l’article 2 ; en outre, il est selon moi dangereux dès lors qu’il permet de remettre en cause la hiérarchie des normes.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Une démarche démocratique, c’est d’essayer de comprendre l’argumentation adverse. Par conséquent, je vous écoute, mes chers collègues : vous ne voulez pas du référendum. Il faut alors que vous m’expliquiez comment vous défendez la nécessité d’écouter la rue. En effet, nous sommes dans un État de droit, muni de représentations démocratiques ; si nous sommes ici, ce n’est pas pour faire de la figuration : on pourrait sinon faire autre chose de plus agréable par ces journées pluvieuses. Vous voulez qu’on écoute la rue, mais vous ne voulez pas qu’on écoute les salariés ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. C’est n’importe quoi !
Mme Nicole Bricq. C’est quand même extraordinaire ! C’est la moindre des choses que, face au refus de 50 %, un syndicat signataire puisse demander que l’on écoute la voix des salariés. Cela concerne le temps de travail, c’est-à-dire la vie de tous les jours. Il est quand même normal de donner la parole aux salariés, qui sont concernés directement dans leur entreprise, de même que leurs familles. Il s’agit en effet de sujets très importants : les temps de pause, les congés, ou encore la durée hebdomadaire ou annuelle du travail. Voilà ce que nous défendons. Je n’arrive pas à comprendre : oui à la rue mais non aux salariés, telle est votre position ! (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.) Nous ne sommes pas d’accord, mais nous exprimons ce désaccord démocratiquement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Madame le ministre, je n’avais pas l’intention d’intervenir avant de vous entendre citer longuement le cas de l’entreprise Smart.
Il y a une vingtaine d’années, j’ai eu, en tant que président du conseil régional de Lorraine, la possibilité d’orienter vers Hambach l’installation de l’usine Smart du groupe Daimler-Benz. Il s’agissait là d’une idée de l’ingénieur Hayek, qu’il ne faut pas confondre avec le professeur Hayek. (Sourires.)
Depuis vingt ans, cette usine est régulièrement en compétition avec l’ensemble des unités du groupe Daimler-Benz pour obtenir le droit de fabriquer des automobiles en France. À de rares exceptions, elle obtient gain de cause.
Or les discussions entre les responsables de l’entreprise et les salariés ne se résument pas, hélas ! à un face-à-face entre des patrons pleins de bonne volonté et des salariés pleins de bonne volonté. L’enjeu des négociations, c’est également la survie de l’entreprise dans un environnement concurrentiel.
Ce contexte se définit non seulement par le nombre de parts de marché que l’entreprise peut garder ou perdre, mais aussi par la place de l’unité de production au sein d’un groupe mondialisé très puissant : le chiffre d’affaires de Daimler-Benz est certes inférieur au PIB français, mais pas tant que cela.
À cet égard, le référendum tel que le propose M. le rapporteur est totalement pertinent. Il permettra de faire appel au bon sens de l’ensemble des salariés.
Je conçois qu’au sein d’une unité de production, les opérateurs, pour employer la sémantique à la mode, soient attachés à défendre leurs intérêts au plus juste. À court terme, ils n’ont pas nécessairement le même point de vue que les cadres : ces derniers travaillent en général au-delà de la durée légale, car ils sont animés par la passion de leur entreprise.
Cela étant, l’intérêt collectif de l’entreprise entre également en ligne de compte : dès lors que l’employeur, ou que des syndicats signataires minoritaires recourent au référendum, c’est au nom d’une conscience solide de l’intérêt collectif. Ce dernier va au-delà des divisions syndicales, lesquelles sont par définition provisoires et ne reflètent pas toujours des préoccupations de très long terme.
Voilà pourquoi je voulais revenir sur l’exemple de l’entreprise Smart, dont la direction et les salariés se sont montrés responsables. Plus largement, je tenais à prendre position pour la rédaction élaborée par la commission.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Merci, mon cher collègue !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. En écoutant ces discussions, je me revois un an en arrière : le Sénat débattait du projet de loi Macron. Nous défendions déjà le référendum des salariés pour le travail du dimanche.
Mme Nicole Bricq. La question, c’est l’initiative laissée à l’employeur !
Mme Catherine Deroche. Pour notre part, nous sommes constants. Parallèlement, je constate que Mme Bricq évolue,…
Mme Nicole Bricq. Non !
Mme Catherine Deroche. … et je ne peux que m’en réjouir, même si cela doit désespérer M. Desessard ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Mes chers collègues, je le répète, cet article a toute son importance et mérite une discussion de nature politique, au bon sens du terme.
À cet égard, j’insiste : au sein d’une entreprise, un tel référendum revient à opposer les salariés entre eux. En effet, il permet d’exercer des pressions directes sur ces derniers. C’est un outil parfait pour faire du chantage à l’emploi. Laurence Cohen l’a bien indiqué, pour les salariés, il se résumera à un ultimatum du type : « Si vous ne validez pas l’accord, nous licencions. »
Or la représentation syndicale a notamment pour but d’éviter une confrontation directe entre l’employeur et les salariés et c’est bien évidemment cette conception que nous défendons !
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Mes chers collègues, le référendum et la consultation des salariés ne sont pas une nouveauté : ils ont déjà cours au sein des entreprises. Je le rappelle sous le contrôle de Jean-Marc Gabouty : l’intéressement et la participation sont des matières qui s’y prêtent et qui sont déjà prévues par le code du travail.
Les syndicats organisent également des consultations de manière informelle. Régulièrement, avant de signer un accord, ils reviennent vers leur base pour demander son avis. Mais, pour ma part, je préfère que la consultation soit effectuée dans les urnes qu’à main levée.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ainsi, le vote reflétera un peu mieux la réalité.
On nous reproche de vouloir court-circuiter les syndicats, mais il me semble que l’un des grands défis qui s’imposent dans la sphère sociale comme dans la sphère politique est la conciliation de la démocratie représentative avec la démocratie participative.
Voilà plusieurs années que l’on nous vante les mérites des méthodes participatives. Elles seraient pertinentes pour élaborer le budget à Porto Alegre, mais non pour prendre des décisions à l’échelle humaine au sein de l’entreprise ?
Mme Éliane Assassi. Et le référendum de 2005, vous ne vous en souvenez plus ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. En réalité, il ne faut pas accabler le référendum. Il ne mérite ni cet excès d’honneur ni cette indignité ! Au demeurant, je ne crois pas qu’il sera employé ad nauseam, tous les quatre matins.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Pour y recourir, le droit d’opposition devra s’être manifesté. Puis, les organisations signataires, ou encore, dans la rédaction élaborée par la commission, l’employeur, devront solliciter la consultation.
À ce titre, je précise que nous avons souhaité étendre cette faculté à l’employeur par parallélisme des formes. Dès lors que deux parties négocient, il faut bien que l’une et l’autre puissent dénouer les oppositions. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Laurence Cohen. Mais les deux parties ne sont pas à égalité !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Certes, mais elles participent toutes les deux à la négociation. Nous avons donc tenu à rétablir une forme de symétrie.
Mme Éliane Assassi. Le parallélisme est impossible !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le rapporteur, dans cette affaire, vous ignorez une dimension essentielle et évidente : organiser directement un référendum,…
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Non, pas directement !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … c’est placer le ou les salariés face au patron, en ignorant le lien de subordination qui existe entre eux.
De surcroît, celui qui maîtrise la rédaction de la question joue un rôle de maître d’œuvre dans l’organisation du référendum.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ça, c’est un véritable sujet !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Enfin, j’attire votre attention sur le danger que représente la négation de la spécificité des institutions représentatives du personnel. Bien souvent, ces dernières aident à la compréhension du dialogue et à la négociation. En supprimant ce filtre, on laissera monter des colères susceptibles d’entraîner de graves conséquences.
Aussi, il ne faut pas opposer la démocratie représentative et la démocratie directe : il faut construire un dispositif équilibré en articulant intelligemment l’une et l’autre.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Nous sommes d’accord !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 49.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 335 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 21 |
Contre | 310 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est bien dommage !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 891 rectifié, présenté par MM. Collombat, Amiel, Bertrand et Guérini et Mmes Jouve et Malherbe, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 958, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le titre III du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 2232-12 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– au début, les mots : « La validité d’un accord d’entreprise ou d’établissement » sont remplacés par les mots : « I. – La validité d’un accord d’entreprise ou d’établissement portant sur la durée du travail, les repos et les congés ou d’un accord mentionné à l’article L. 2254-2 » ;
– après le mot : « par », sont insérés les mots : « , d’une part, l’employeur ou son représentant et, d’autre part, » ;
– les mots : « au moins 30 % » sont remplacés par les mots : « plus de 50 % » ;
– après la première occurrence du mot : « exprimés », sont insérés les mots : « en faveur d’organisations représentatives » ;
– à la fin, les mots : « , et à l’absence d’opposition d’une ou de plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants » sont supprimés ;
b) Le second alinéa est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :
« Si cette condition n’est pas remplie et si l’accord a été signé à la fois par l’employeur et par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections mentionnées au premier alinéa, quel que soit le nombre de votants, une ou plusieurs de ces organisations ayant recueilli plus de 30 % des suffrages disposent d’un délai d’un mois pour indiquer qu’elles souhaitent une consultation des salariés visant à valider l’accord.
« Si, à l’issue d’un délai de huit jours à compter de cette demande, les éventuelles signatures d’autres organisations syndicales représentatives n’ont pas permis d’atteindre le taux de 50 % mentionné au premier alinéa et que les conditions mentionnées au deuxième alinéa sont toujours remplies, cette consultation est organisée dans un délai maximal de deux mois.
« La consultation des salariés, qui peut être organisée par voie électronique, se déroule dans le respect des principes généraux du droit électoral et selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l’employeur et les organisations qui ont demandé la consultation.
« Participent à la consultation les salariés des établissements couverts par l’accord et les électeurs au sens des articles L. 2314-15 et L. 2314-17 à L. 2314-18-1.
« L’accord est valide s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.
« Faute d’approbation, l’accord est réputé non écrit.
« Un décret définit les conditions de la consultation des salariés dans le cadre du présent article. » ;
c) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – La validité des autres accords d’entreprise ou d’établissement est subordonnée aux règles définies au présent article, dans sa rédaction antérieure à la loi n° … du … visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s. » ;
2° L’article L. 2232-13 est ainsi modifié :
a) Le second alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « par », sont insérés les mots : « , d’une part, l’employeur ou son représentant et, d’autre part, » ;
– les mots : « au moins 30 % » sont remplacés par les mots : « plus de 50 % » ;
– après la première occurrence du mot : « exprimés », sont insérés les mots : « en faveur d’organisations représentatives » ;
– à la fin, les mots : « , et à l’absence d’opposition d’une ou de plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants » sont supprimés ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les règles de validité de la convention ou de l’accord sont celles prévues à l’article L. 2232-12. Les taux de 30 % et de 50 % mentionnés au même article sont appréciés à l’échelle du collège électoral. La consultation des salariés, le cas échéant, est également effectuée à cette échelle. » ;
3° L’article L. 2231-7 est abrogé ;
II. – Au premier alinéa de l’article L. 2242-20 du même code, les mots : « signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections des titulaires au comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, » sont supprimés.
III. – Au premier alinéa de l’article L. 2391-1 du même code, les mots : « signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés, quel que soit le nombre de votants, en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections des titulaires au comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel » sont supprimés.
IV. – L’article L. 7111-9 du même code est ainsi modifié :
1° A Après le mot : « par », sont insérés les mots : « , d’une part, l’employeur ou son représentant et, d’autre part, » ;
1° Les mots : « au moins 30 % » sont remplacés par les mots : « plus de 50 % » ;
2° Après la première occurrence du mot : « exprimés », sont insérés les mots : « en faveur d’organisations représentatives » ;
2° bis Après le mot : « personnel », sont insérés les mots : « ou, à défaut, des délégués du personnel » ;
3° À la fin, les mots : « , et à l’absence d’opposition d’une ou de plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés dans ce collège à ces élections, quel que soit le nombre de votants » sont supprimés ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les règles de sa validité sont celles prévues à l’article L. 2232-12. Les taux de 30 % et de 50 % mentionnés au même article sont appréciés à l’échelle du collège des journalistes. »
IV bis. – Le V de l’article L. 4312-3-2 du code des transports est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– après les mots : « code du travail », sont insérés les mots : « qui portent sur la durée du travail, les repos et les congés ou celle des accords mentionnés à l’article L. 2254-2 du même code » ;
– après le mot : « par », sont insérés les mots : « , d’une part, l’employeur ou son représentant et, d’autre part, » ;
– les mots : « au moins 30 % » sont remplacés par les mots : « plus de 50 % » ;
– après la première occurrence du mot : « exprimés », sont insérés les mots : « en faveur d’organisations représentatives » ;
– à la fin, les mots : « et à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections » sont supprimés ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
c) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :
« Les règles de validité de ces accords sont celles prévues à l’article L. 2232-12 du code du travail. Les taux de 30 % et de 50 % mentionnés au même article sont appréciés à l’échelle du collège des salariés mentionnés au 4° de l’article L. 4312-3-1 du présent code. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La validité des autres accords collectifs de travail concernant les salariés mentionnés au 4° de l’article L. 4312-3-1 du présent code est subordonnée aux règles définies à l’article L. 2232-12 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° … du … visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s. »
V. – L’article L. 6524-4 du code des transports est ainsi modifié :
1° À la fin, les mots : « , appréciée dans ce collège » sont supprimés ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Les taux de 30 % et de 50 % mentionnés au même article sont appréciés à l’échelle de ce collège. »
V bis. – L’article L. 514-3-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – La convention ou les accords d’établissement sont négociés entre l’employeur et les organisations syndicales de salariés représentatives dans l’établissement.
« La validité d’un accord d’établissement est subordonnée à sa signature par, d’une part, l’employeur ou son représentant et, d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants.
« Si cette condition n’est pas remplie et que l’accord a été signé à la fois par l’employeur et par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections mentionnées au deuxième alinéa du présent II, quel que soit le nombre de votants, une ou plusieurs de ces organisations ayant recueilli plus de 30 % des suffrages disposent d’un délai d’un mois pour indiquer qu’elles souhaitent une consultation des salariés visant à valider l’accord.
« Si, à l’issue d’un délai de huit jours à compter de cette demande, les éventuelles signatures d’autres organisations syndicales représentatives n’ont pas permis d’atteindre le taux de 50 % mentionné au deuxième alinéa du présent II et que les conditions mentionnées au troisième alinéa du présent II sont toujours remplies, cette consultation est organisée dans un délai de deux mois.
« La consultation des salariés, qui peut être organisée par voie électronique, se déroule dans le respect des principes généraux du droit électoral et selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l’employeur et les organisations qui ont demandé la consultation.
« Participent à la consultation les salariés des établissements couverts par l’accord et électeurs au sens des articles L. 2314-15 et L. 2314-17 à L. 2314-18-1.
« L’accord est valide s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.
« Faute d’approbation, l’accord est réputé non écrit.
« Les conditions d’application du présent II sont identiques à celles prévues pour l’application de l’article L. 2232-12 du code du travail.
« Les conventions ou accords régionaux sont négociés et conclus entre :
« 1° D’une part, le président de la chambre régionale ou un ou plusieurs représentants, mandatés à cet effet, des employeurs des établissements du réseau relevant du champ d’application de la convention ou de l’accord ;
« 2° D’autre part, les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau régional ou dans l’ensemble des établissements du réseau relevant du champ d’application de la convention ou de l’accord.
« La validité d’un accord au niveau régional est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure de l’audience, au moins 30 % des suffrages exprimés, quel que soit le nombre de votants, et à l’absence d’opposition d’une ou de plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants.
« Les conventions ou accords nationaux sont négociés et conclus entre :
« a) D’une part, le président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture ou un ou plusieurs représentants, mandatés à cet effet, des employeurs des établissements du réseau relevant du champ d’application de la convention ou de l’accord ;
« b) D’autre part, les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national.
« La validité d’un accord national est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure de l’audience, au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues représentatives au niveau national, quel que soit le nombre de votants, et à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés en faveur des organisations représentatives à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants. »
V ter. – Le II de l’article L. 1432-11 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « code, », sont insérés les mots : « qui portent sur la durée du travail, les repos et les congés » et les mots : « au moins 30 % » sont remplacés par les mots : « plus de 50 % » ;
b) À la fin de la première phrase, les mots : « et à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections » sont supprimés ;
c) La seconde phrase est supprimée ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les règles de validité de ces accords sont celles prévues à l’article L. 2232-12 du même code. Les taux de 30 % et de 50 % mentionnés au même article sont appréciés à l’échelle des deux collèges de personnel mentionnés aux 1° et 2° du 1 du I du présent article.
« La validité des autres accords collectifs de travail prévus au livre II de la deuxième partie du code du travail est subordonnée aux règles définies à l’article L. 2232-12 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° … du … visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s. » ;
3° Au troisième alinéa, les références : « deux alinéas précédents » sont remplacées par les références : « quatre premiers alinéas du présent II » et, à la fin, les références : « aux 1° et 2° du 1 du I du présent article » sont remplacées par la référence : « au troisième alinéa du présent II ».
VI. – A. – Le présent article s’applique à compter du 1er janvier 2017 aux accords collectifs qui portent sur la durée du travail, les repos et les congés et, dès la publication de la présente loi, aux accords mentionnés à l’article L. 2254-2 du code du travail. Il s’applique à compter du 1er septembre 2019 aux autres accords collectifs, à l’exception de ceux mentionnés à l’article L. 5125-1 du code du travail.
B. – Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard au 31 décembre 2018, un rapport faisant le bilan de la mise en œuvre des nouvelles règles de validité des accords conclus au niveau de l’entreprise définies au présent article, notamment celles relatives à la consultation des salariés.
Ce rapport est établi après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives, après avis de la Commission nationale de la négociation collective.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le présent amendement vise à rétablir l’article 10 dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale.
Dans un premier temps, le principe majoritaire s’appliquera à l’ensemble des accords relatifs à la durée du travail, aux congés et aux repos, ainsi qu’aux accords visant à développer l’emploi.
Dans un second temps, ce principe sera généralisé, à compter de 2019 au plus tard. Dans le cadre du débat à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a accepté de consacrer, en 2018, un bilan intermédiaire à la mise en œuvre de cette mesure.
En outre, cet amendement a pour objet la consultation des salariés, dont il vient d’être question. Il tend à laisser cette procédure à la main des organisations syndicales, à condition qu’elles représentent au minimum 30 % des suffrages exprimés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission réaffirme son attachement à la rédaction qu’elle a élaborée le 1er juin dernier. Je n’en dirai pas davantage, étant donné que nous venons de débattre longuement de ces questions.
J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la ministre, nous avons exposé de nombreux arguments pour tenter de vous expliquer en quoi il nous paraît dangereux de saper les fondements de la représentation syndicale.
D’ailleurs, c’est à la suite d’une visite précipitée de M. Bompard, président-directeur général de la Fnac, que vous avez annoncé l’inscription du référendum d’entreprise dans ce projet de loi…
Initialement, le présent texte indiquait que les accords signés par les syndicats dont l’audience est comprise entre 30 % et 50 % des voix pouvaient être soumis à référendum.
La droite sénatoriale a encore étendu cette possibilité, qui nie la représentativité des syndicats majoritaires tout en reconnaissant celle des organisations minoritaires et, ainsi, donne l’illusion d’un système plus démocratique. En réalité, voter l’instauration d’un tel référendum consiste à approuver un recul social.
À l’heure actuelle, n’importe quel employeur peut, de manière unilatérale, modifier en mieux – entendez bien ces deux mots ! – les conditions de travail et de rémunération.
Mme Annie David. Voilà !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En revanche, les employeurs sont obligés de passer par un accord pour durcir les accords sociaux.
Bref, cette proposition aboutit à entériner des reculs sociaux. Nous ne sommes pas naïfs ! L’expérience montre que, pris individuellement, les salariés acceptent plus facilement les régressions sociales que les organisations syndicales, lesquelles ont l’habitude des tactiques patronales visant à réduire les droits des salariés.
Au demeurant, à ma connaissance, tous les référendums qui ont eu lieu jusqu’à présent étaient destinés à répondre aux revendications patronales !
Franchement, comment peut-on ignorer ce lien de subordination ? (Mme Laurence Cohen applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Mes chers collègues, au fur et à mesure que le débat avance, nous entendons peu ou prou les mêmes arguments…
Je tenais toutefois à opérer quelques mises au point.
Premièrement, je rappelle que la règle des 50 % reste la pierre angulaire de toute vie démocratique.
Deuxièmement, j’ai été très sensible aux propos que Mme Bricq, MM. Guillaume et Lemoyne ont consacrés au référendum d’entreprise. Il s’agit bien de trouver un compromis entre la démocratie représentative et la démocratie participative. À cet égard, je crois que nous sommes tous d’accord.
Cela étant, il faut tenir compte du contexte : la France est déchirée. D’aucuns considèrent ce projet de loi comme une dérive libérale sur le plan économique. Plus largement, certains syndicats refusent de franchir le pas de la réforme et s’en tiennent à des positions très dures.
Il faudra bien sortir de cette crise ! Le Gouvernement souhaite étendre aux syndicats disposant d’une représentativité de 30 % le droit de demander un référendum. En outre, avec un tel amendement, cette procédure ne serait pas engagée sur l’initiative du patronat. Il s’agit là d’un compromis susceptible de débloquer la situation : les uns et les autres doivent avoir des billes pour négocier.
Même si tel n’est pas l’avis de la majorité du groupe UDI-UC, je soutiens l’amendement du Gouvernement à titre personnel. À mon sens, cette solution est à même de favoriser les négociations au cours des jours à venir et, partant, de nous aider à sortir de la crise.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, que la position du Gouvernement soit bien claire : doivent s’appliquer ou bien le principe majoritaire, ou bien, sur un accord négocié en amont, la consultation des salariés à la seule main des organisations syndicales représentant plus de 30 % des votants.
De plus, je ne tolère pas la manière dont certains analysent mon agenda public.
Je me suis bien entretenue avec M. Bompard, président-directeur général de la Fnac, comme je rencontre des représentants d’organisations syndicales, comme je reçois d’autres employeurs, d’autres représentants des entreprises. Mais un axe de travail n’est pas inventé le jour où il sort dans la presse !
Mme Éliane Assassi. Eh bien, plaignez-vous à la presse elle-même !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Avec M. Bompard, je n’ai à aucun moment évoqué le présent projet de loi en général ou ce mode de consultation des salariés en particulier.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Alors, la presse nous ment ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Cette mesure, que j’assume à 200 %, ne m’a en aucun cas été soufflée par M. Bompard : elle est le fruit d’un travail que j’ai mené avec mes services, au fil des contacts que nous avons eus avec les organisations syndicales, en tout cas avec celles qui acceptent de se rendre à la table des négociations ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Catherine Deroche et M. Robert del Picchia applaudissent également.)
M. Robert del Picchia. Bien répondu !
M. Didier Guillaume. Bonne mise au point !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 958.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 336 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Pour l’adoption | 111 |
Contre | 206 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 935 rectifié, présenté par Mme Laborde, M. Bertrand et Mmes Jouve et Malherbe, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
au moins 30 %
par les mots :
plus de 50 %
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Estimant qu’un seuil de 50 % risquait de bloquer le dialogue social dans de nombreuses entreprises, la commission a opté pour le seuil de 30 %.
Mes chers collègues, pour ma part, je suis contre cette modification. Il était temps que je vous le dise ! (Sourires.) Aussi, je vous propose par cet amendement de revenir à un seuil de 50 %.
M. Didier Guillaume. En effet, il était temps !
Mme Éliane Assassi. Mais mieux vaut tard que jamais !
M. le président. L’amendement n° 641, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer le taux :
30 %
par le taux :
50 %
II. – Alinéas 5 à 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Avec cet amendement, nous espérons conserver dans le présent texte ce que nous considérons comme une avancée, tout en supprimant ce qui, en parallèle, nous apparaît comme un recul inacceptable.
D’une part, nous l’avons expliqué, nous sommes favorables aux accords majoritaires à 50 %. Mais, en commission, la droite a abaissé ce seuil à 30 %.
D’autre part, nous sommes opposés au référendum d’entreprise sous la forme qui nous est proposée : je le répète, tel qu’elle est conçue, cette procédure serait une voie ouverte au contournement des organisations syndicales. Sous couvert de démocratie, elle donnerait aux organisations syndicales minoritaires une place et une légitimité ne reflétant pas les suffrages exprimés aux élections professionnelles. Surtout, elle serait clairement le moyen de faire passer en force des accords rejetés par les syndicats représentant la majorité des salariés.
Enfin, je rappelle que les entreprises ne sont pas des lieux neutres, sans enjeux de domination, de rivalité voire de chantage, en particulier de chantage à l’emploi. Un référendum au sein d’une entreprise est nécessairement empreint de ces réalités, d’autant plus sur des sujets aussi délicats que l’emploi et dans le contexte de crise particulièrement vive que nous connaissons.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 205 rectifié est présenté par MM. Labazée, Durain, Godefroy, Cabanel et Gorce, Mmes Jourda et Lienemann, M. Montaugé, Mme Bonnefoy, M. Duran, Mme Ghali, M. Néri et Mmes Monier et Guillemot.
L’amendement n° 436 est présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 5 à 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 205 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous avons déjà largement débattu de ces questions.
Premièrement, nous refusons par principe le référendum tel qu’il est défini par le présent article : dès lors que 30 % des organisations syndicales peuvent engager cette procédure, l’état d’esprit de la négociation change sensiblement. Ce seuil ne nous paraît pas acceptable.
Deuxièmement, la commission a aggravé ce dispositif en instituant l’initiative patronale.
Voilà pourquoi nous proposons la suppression des alinéas 5 à 11 de l’article 10.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 436.
M. Jean Desessard. Pour la signature des accords d’entreprise, la commission a abaissé le seuil de représentation syndicale à 30 %.
Parallèlement, pour s’opposer à ces accords, il faut réunir des syndicats représentant au moins 50° % des salariés.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. C’est la règle actuelle !
M. Jean Desessard. Bref, s’il n’y a pas d’opposition, 30 % des syndicats suffisent ; et, dans le cas contraire, l’employeur a la possibilité d’organiser un référendum. C’est contre ce dispositif que nous avons déposé le présent amendement !
M. le président. L’amendement n° 349, présenté par Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 11
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Si cette condition n’est pas remplie et si l’accord a été signé à la fois par l’employeur et par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections mentionnées au premier alinéa, quel que soit le nombre de votants, une ou plusieurs de ces organisations ayant recueilli plus de 30 % des suffrages disposent d’un délai d’un mois pour indiquer qu’elles souhaitent une consultation des salariés visant à valider l’accord.
« Si, à l’issue d’un délai de huit jours à compter de cette demande, les éventuelles signatures d’autres organisations syndicales représentatives n’ont pas permis d’atteindre le taux de 50 % mentionné au premier alinéa et si les conditions mentionnées au deuxième alinéa sont toujours remplies, cette consultation est organisée dans un délai maximal de deux mois.
« La consultation des salariés, qui peut être organisée par voie électronique, se déroule dans le respect des principes généraux du droit électoral et selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l’employeur et les organisations signataires.
« Participent à la consultation les salariés des établissements couverts par l’accord et électeurs au sens des articles L. 2314-15 et L. 2314-17 à L. 2314-18-1.
« L’accord est valide s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.
« Faute d’approbation, l’accord est réputé non écrit.
« Un décret définit les conditions de la consultation des salariés dans le cadre du présent article. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Étant donné que l’amendement n° 958, présenté par le Gouvernement, a été rejeté, nous proposons cet amendement de repli. Tout syndicat signataire d’un accord et pesant plus de 30 % doit pouvoir organiser un référendum d’entreprise !
M. le président. L’amendement n° 642, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
une ou plusieurs des organisations signataires du projet d’accord
par les mots :
l’ensemble des organisations syndicales de salariés représentées
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Il s’agit là aussi d’un amendement de repli, qui tend à élargir l’initiative référendaire dans l’entreprise à l’ensemble des organisations syndicales représentées.
Ainsi, le référendum ne sera plus réservé aux organisations minoritaires, et l’on évitera les risques que nous avons relevés : ceux du contournement et du passage en force d’un accord.
Selon leur détermination et leur volonté, tous les syndicats pourront, sans exception, faire appel à la consultation des salariés.
M. le président. L’amendement n° 1018, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
ayant souhaité la consultation
par le mot :
signataires
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Cet amendement tend à préciser le mode d’élaboration du protocole spécifique qui doit être conclu en vue de la consultation. À cette fin, nous proposons de viser non les organisations « ayant souhaité la consultation », mais les organisations « signataires ». Ainsi, nous élargissons l’ensemble considéré.
M. le président. L’amendement n° 643, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de ces accords collectifs et suivant les mêmes modalités, les salariés sont consultés sur le montant de rémunération de la direction de l’entreprise et sur le niveau de versement de dividendes aux actionnaires, quand l’entreprise pratique ce mode de rémunération. Cette consultation des salariés conditionne l’application de l’accord collectif dans sa globalité. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement apparaîtra peut-être comme une provocation…
M. Michel Forissier, rapporteur. En effet !
Mme Annie David. Vous l’aurez compris, nous ne sommes pas favorables au référendum d’entreprise,…
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Ah bon ?
Mme Annie David. … je n’y reviendrai pas.
Néanmoins, puisque référendum il doit y avoir, cet amendement tend à ce que les salariés puissent, par ce biais, s’exprimer sur davantage de sujets relatifs à la vie de l’entreprise.
On nous laisse entendre que cette procédure a pour but de développer le dialogue social. Eh bien, nous proposons de l’étendre à des points tout aussi importants que la durée du travail, les repos et les congés, en permettant, par exemple, aux salariés de se prononcer sur la stratégie suivie par leur entreprise, notamment via la rémunération de sa direction et le montant du versement des dividendes liés à telle ou telle de ses activités économiques.
Cette extension est d’autant plus justifiée que les facteurs dont il s’agit pèsent sur le tissu productif français. Les grandes entreprises augmentent les versements de dividendes au détriment de l’investissement. Elles ne privilégient pas l’investissement destiné à préparer l’avenir et à renforcer la compétitivité. Elles ne font pas primer l’emploi. Au contraire, elles donnent la priorité à la rémunération des actionnaires.
Ces dividendes massifs sont obtenus au prix de restructurations, de réductions d’effectifs tout aussi massives – j’ai en tête l’exemple de Sanofi –, ou encore de délocalisations vers des pays à bas salaires.
Dans le même mouvement, les dirigeants perçoivent des revenus obscènes. Joints aux distributions d’actions gratuites, les salaires, primes et bonus peuvent représenter jusqu’à 225 fois le SMIC !
Dès lors, pour accroître la justice, l’égalité et la citoyenneté au sein des entreprises, mais aussi pour assurer la bonne marche de ces dernières, nous proposons d’élargir le champ du référendum à l’ensemble de ces sujets. À nos yeux, ces questions sont elles aussi d’une très grande importance pour la vie des entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’amendement n° 935 rectifié vise à rétablir le quota de 50 %. Se situant dans une logique non pas de renoncement, mais de cheminement, la commission estime préférable de procéder par palier et de maintenir les règles existantes jusqu’au 31 décembre 2018.
Avant de me faire une religion sur ce sujet – je le dis spécialement à votre attention, madame Laborde ! (Sourires.) –, j’ai interrogé le ministère quant à l’existence de données statistiques sur le niveau de pourcentage auquel se signent les accords. Il semblerait que ces données n’existent pas.
Si nous voulons donner une véritable effectivité à la réforme, il nous semble important de disposer de ces données avant de nous engager sur des éléments, certes très séduisants intellectuellement, mais également très structurants.
L’amendement n° 1016 que la commission présentera tout à l’heure vise à introduire une « clause de revoyure » au 31 décembre 2018. J’incite le ministère à enrichir ces données afin que nous puissions alors légiférer en toute connaissance de cause. Nous ne pourrions légiférer aujourd’hui qu’en faisant le pari que les acteurs vont s’adapter.
À ce stade, la commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 935 rectifié, ainsi que sur l’amendement n° 641 présenté par le groupe CRC qui vise notamment à introduire la même disposition.
Sur les amendements identiques nos 205 rectifié et 436 visant à supprimer la possibilité de consulter les salariés si un accord est frappé d’opposition, la commission a émis un avis défavorable, réaffirmant par là son attachement à la consultation.
Sur l’amendement n° 349 du groupe socialiste républicain et citoyen, elle a également émis un avis défavorable.
Concernant l’amendement n° 642, elle considère qu’il est incohérent d’étendre le droit de demander une consultation à tous les syndicats, y compris à ceux qui ne sont pas signataires de l’accord. Dans la mesure où ils n’ont pas exercé leur droit d’opposition, il ne semble pas très logique qu’ils puissent demander une consultation des salariés. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, sur l’amendement n° 643 qui vise à introduire l’obligation de consulter les salariés sur les rémunérations des dirigeants de l’entreprise et le niveau de versement de dividendes aux actionnaires, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 935 rectifié présenté par Mme Laborde.
Depuis la loi de 2008 portant rénovation de la démocratie sociale, le principe majoritaire est en effet ce vers quoi nous tendons. J’ai relu les débats sur le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi. Personne ne croyait alors que l’on pourrait trouver des accords majoritaires sur les plans de sauvegarde de l’emploi, les PSE. Or, en un peu plus de deux ans, plus de mille décisions sont intervenues, dont 60 % sont signées à ce jour.
L’obligation de signer un accord majoritaire n’est donc pas nécessairement synonyme de blocage du dialogue social dans notre pays. Lorsqu’un accord est signé par des organisations syndicales ayant obtenu plus de 30 % des voix aux dernières élections professionnelles, cela ne veut pas dire que les non-signataires s’y opposent nécessairement. On peut même penser que, s’ils n’usent pas de leur droit à opposition, c’est qu’ils sont d’accord.
L’objectif est de changer les pratiques et d’inciter chacun à prendre ses responsabilités et je pense qu’il faut absolument passer à ce principe majoritaire.
Sur l’amendement n° 641, le Gouvernement émet un avis défavorable. Je n’y reviens pas, car nous avons déjà eu ce débat.
J’émets un avis favorable sur les amendements identiques nos 205 rectifié et 436 et sur l’amendement n° 349, et un avis défavorable sur les amendements nos 642 et 1018, ce dernier tendant à donner la possibilité à l’employeur de convoquer un référendum, ce qui n’est pas le cas dans la rédaction défendue par le Gouvernement.
Concernant l’amendement n° 643, le partage de la valeur ajoutée et l’encadrement de la rémunération des dirigeants sont de vraies questions, mais elles seront traitées dans le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dit Sapin II.
Par ailleurs, pourquoi ne pas proposer ces consultations sur d’autres questions tout aussi essentielles dans la vie quotidienne des salariés, comme les négociations relatives aux salaires ou aux conditions de travail ?
Mme Annie David. C’est ce que vous proposez !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 935 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 337 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 142 |
Contre | 187 |
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 641.
Mme Annie David. J’ai dû mal entendre les avis donnés par Mme la ministre parce que, sauf erreur de ma part, l’amendement n° 641 a reçu un avis défavorable alors que son premier paragraphe a le même objet que l’amendement n° 935 rectifié visant à remplacer le taux de 30 % par un taux de 50 %, qui a reçu un avis favorable, et que son second paragraphe a le même objet que les amendements nos 205 rectifié et 436 visant à supprimer les alinéas 5 à 11, qui ont également reçu un avis favorable.
Cela ne me semble pas logique, à moins que Mme la ministre n’ait donné par réflexe un avis défavorable sur cet amendement parce qu’il est présenté par le groupe CRC ? Je sollicite donc de plus amples explications.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je suis en effet favorable aux dispositions que tend à introduire l’amendement n° 641, mais défavorable à son exposé des motifs. C’est également le cas pour les amendements nos 205 rectifié et 436.
J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Vous ne vous êtes expliquée qu’à moitié, madame la ministre, parce qu’on ne prend pas position par rapport à un exposé des motifs ! Il aurait semblé plus logique de demander le retrait de l’amendement n° 641, par exemple au profit de l’amendement n° 349 de Mme Bricq. Toutefois, je ne crois pas que vous soyez opposée à la suppression des alinéas 5 à 11, qui ouvrent la possibilité à l’employeur d’organiser une consultation.
En effet, vous ne pouvez pas être défavorable aux amendements nos 205 rectifié et 436 sans être favorable au référendum organisé sur l’initiative de l’employeur dans les conditions prévues par l’article tel qu’il nous est soumis.
Les majorités nécessaires pour signer les accords me rappellent certains problèmes de mathématiques : est-ce que l’ensemble des ensembles qui n’appartiennent pas à un ensemble appartient à cet ensemble ? Si 30 % des salariés ont voté pour les organisations syndicales signataires d’un accord, mais que plus de 50 % des salariés exercent leur droit d’opposition à cet accord, en quoi est-ce différent d’un taux d’élection de 50 % exigé dès le départ ?
Madame la ministre, je ne trouve pas très correct de d’émettre des avis en fonction des signataires des amendements plutôt qu’en fonction des mesures qu’ils tendent à introduire. Nous demander le retrait de notre amendement au profit de celui de Mme Bricq aurait été plus clair et plus respectueux du dialogue, non pas social, mais entre les parlementaires et le Gouvernement.
M. Robert del Picchia. C’est ainsi qu’il fallait le comprendre !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Monsieur le sénateur, j’ai donné un avis favorable sur les amendements nos 205 rectifié et 436 parce que je suis favorable à la suppression des alinéas 5 à 11. Toutefois, compte tenu de leurs exposés des motifs – je suis sincère en le disant –, je souhaite qu’ils soient retirés, de même que l’amendement n°641, au profit de l’amendement n° 349.
M. le président. Madame David, l’amendement n° 641 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 205 rectifié et 436.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 349.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 338 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Pour l’adoption | 114 |
Contre | 207 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 642.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1018.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 339 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 643.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 1016, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… Au plus tard le 31 décembre 2018, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant la mise en œuvre de l’article L. 2232-12 du code du travail.
Ce rapport, établi après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et après avis de la Commission nationale de la négociation collective, étudie également l’opportunité :
1° de subordonner la validité d’un accord collectif à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants ;
2° d’instaurer une consultation des salariés, à la demande de l’employeur ou des organisations syndicales signataires d’un accord ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations syndicales représentatives au premier tour des élections mentionnées au 1°, en vue d’approuver cet accord.
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Souhaitant favoriser un cheminement vers l’accord majoritaire, la commission a fait le choix d’en rester aux règles actuelles en matière de validité des accords dans l’article 10 : majorité d’engagement de 30 % des suffrages exprimés et droit d’opposition des syndicats majoritaires. Il s’agit de l’expression d’une majorité négative – la position commune de 2001 faisait déjà référence à la notion de majorité positive et de majorité négative –, mais le fait majoritaire existe bien.
Cet amendement vise à prévoir une clause de revoyure au 31 décembre 2018 et la remise d’un rapport. Madame la ministre, contrairement au Gouvernement, nous n’avons pas été très gourmands en matière de rapports. Compte tenu de la bénévolence de la commission, qui a toujours donné des avis favorables à vos demandes de rapport, nous espérons la même bienveillance du Gouvernement concernant cette clause de revoyure.
Permettez-moi de revenir sur votre argument concernant les plans de sauvegarde de l’emploi, les PSE, qui sont conclus avec un seuil de 50 %. Comme vous l’avez dit, les PSE aboutissent dans les deux tiers des cas, mais l’incitation à signer est forte, parce que, si les syndicats ne signent pas, l’employeur peut procéder de manière unilatérale. En outre, le PSE accorde un certain nombre de mesures qui sont de nature à accompagner le mouvement. J’estime donc que la comparaison avec le PSE n’est pas totalement valable.
Je vous prie donc de croire à notre sincérité quand nous affirmons notre volonté d’en rester aux règles actuelles pour une période transitoire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. J’émets un avis défavorable sur cet amendement, puisqu’il tire la conséquence de la fin de la règle de l’accord majoritaire.
Sur les PSE, je rappelle qu’au moment des débats sur le projet de loi relative à la sécurisation de l’emploi tout le monde disait qu’il serait impossible d’avoir des accords à 50 % sur un sujet aussi chargé symboliquement que le licenciement. En revanche, dans l’article 10, il est question de temps de travail.
Par ailleurs, je vous rappelle que la rédaction du Gouvernement prévoit la remise d’un rapport de mise en œuvre par étapes en 2018.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. La commission retire sa demande de scrutin public pour le vote de cet amendement.
M. Jean Desessard. Du renfort est arrivé !
M. le président. Je mets aux voix l’article 10, modifié.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, de la commission et, l’autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?… Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 340 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 11
I. – Le chapitre IV du titre V du livre II de la deuxième partie du code du travail est complété par des articles L. 2254-2 à L. 2254-7 ainsi rédigés :
« Art. L. 2254-2. – I. – Lorsqu’un accord d’entreprise est conclu en vue de la préservation ou du développement de l’emploi, ses stipulations se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée du travail.
« Lorsque l’employeur envisage d’engager des négociations relatives à la conclusion d’un accord mentionné au premier alinéa, il transmet aux organisations syndicales de salariés toutes les informations nécessaires à l’établissement d’un diagnostic partagé entre l’employeur et les organisations syndicales de salariés.
« L’accord mentionné au premier alinéa comporte un préambule indiquant notamment les objectifs de l’accord en matière de préservation ou de développement de l’emploi. Par dérogation au second alinéa de l’article L. 2222-3-3, l’absence de préambule entraîne la nullité de l’accord.
« L’application des stipulations d’un accord de préservation de l’emploi ne peut avoir pour effet ni de diminuer la rémunération, horaire ou mensuelle, des salariés lorsque le taux horaire de celle-ci, à la date de conclusion de cet accord, est égal ou inférieur au taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré de 20 %, ni de ramener la rémunération des autres salariés en dessous de ce seuil.
« La validité d’un accord est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants.
« Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, cet accord peut être négocié et conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2232-20-1 à L. 2232-20-4 pour les entreprises employant moins de cinquante salariés, et dans les conditions mentionnées aux articles L. 2232-21 à L. 2232-27 pour les entreprises employant cinquante salariés et plus.
« II. – Le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord mentionné au premier alinéa du I du présent article. Ce refus doit être écrit.
« Si l’employeur engage une procédure de licenciement à l’encontre du salarié ayant refusé l’application de l’accord mentionné au même alinéa, ce licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse et est soumis aux seules modalités et conditions définies aux articles L. 1233-11 à L. 1233-15 et L. 2254-3 applicables au licenciement individuel pour motif économique ainsi qu’aux articles L. 1234-1 à L. 1234-20. La lettre de licenciement comporte l’énoncé du motif spécifique sur lequel repose le licenciement.
« III. – L’accord mentionné au premier alinéa du I du présent article précise :
« 1° Les modalités selon lesquelles est prise en compte la situation des salariés invoquant une atteinte disproportionnée à leur vie personnelle ou familiale ;
« 2° Les modalités d’information des salariés quant à son application et son suivi pendant toute sa durée.
« L’accord peut prévoir les conditions dans lesquelles fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux autres salariés :
« – les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l’accord ;
« – les mandataires sociaux et les actionnaires, dans le respect des compétences des organes d’administration et de surveillance.
« L’accord prévoit les conditions dans lesquelles les salariés bénéficient d’une amélioration de la situation économique de l’entreprise à l’issue de l’accord.
« Afin d’assister dans la négociation les délégués syndicaux ou, à défaut, les élus ou les salariés mandatés mentionnés au dernier alinéa du I, un expert-comptable peut être mandaté :
« a) Par le comité d’entreprise, dans les conditions prévues à l’article L. 2325-35 ;
« b) Dans les entreprises ne disposant pas d’un comité d’entreprise :
« – par les délégués syndicaux ;
« – à défaut, par les représentants élus mandatés ;
« – à défaut, par les salariés mandatés.
« Le coût de l’expertise est pris en charge par l’employeur.
« Un décret définit la rémunération mensuelle mentionnée au quatrième alinéa du I du présent article et les modalités par lesquelles les salariés sont informés et font connaître, le cas échéant, leur refus de voir appliquer l’accord à leur contrat de travail.
« IV. – Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 2222-4, l’accord est conclu pour une durée déterminée. À défaut de stipulation de l’accord sur sa durée, celle-ci est fixée à cinq ans.
« V. – Un bilan de l’application de l’accord est effectué chaque année par les signataires de l’accord.
« Art. L. 2254-3. – Le salarié licencié en application de l’article L. 2254-2 bénéficie d’un parcours d’accompagnement personnalisé, qui débute par une phase de pré-bilan, d’évaluation des compétences et d’orientation professionnelle en vue de l’élaboration d’un projet professionnel. Ce parcours, dont les modalités sont précisées par décret, comprend notamment des mesures d’accompagnement et d’appui au projet professionnel, ainsi que des périodes de formation et de travail.
« L’accompagnement personnalisé est assuré par Pôle emploi, dans des conditions prévues par décret.
« Art. L. 2254-4. – Le bénéficiaire du dispositif d’accompagnement mentionné à l’article L. 2254-3 est placé sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle et perçoit, pendant une durée maximale de douze mois, une allocation supérieure à celle à laquelle le salarié aurait pu prétendre au titre de l’allocation d’assurance mentionnée à l’article L. 5422-1 pendant la même période.
« Le salaire de référence servant au calcul de cette allocation est le salaire de référence retenu pour le calcul de l’allocation d’assurance du régime d’assurance chômage mentionnée à l’article L. 5422-1.
« Pour bénéficier de cette allocation, le bénéficiaire doit justifier d’une ancienneté d’au moins douze mois à la date de rupture du contrat de travail.
« Le montant de cette allocation ainsi que les conditions dans lesquelles les règles de l’assurance chômage s’appliquent aux bénéficiaires du dispositif, en particulier les conditions d’imputation de la durée d’exécution de l’accompagnement personnalisé sur la durée de versement de l’allocation d’assurance mentionnée à l’article L. 5422-1, sont définis par décret.
« Art. L. 2254-5. – L’employeur est tenu de proposer le bénéfice du dispositif d’accompagnement mentionné à l’article L. 2254-3 à chaque salarié dont il envisage le licenciement en application de l’article L. 2254-2.
« Art. L. 2254-6. – L’employeur contribue au financement du dispositif d’accompagnement mentionné à l’article L. 2254-3 par un versement représentatif de l’indemnité compensatrice de préavis, dans la limite de trois mois de salaire majoré de l’ensemble des cotisations et contributions obligatoires afférentes.
« La détermination du montant de ce versement et son recouvrement, effectué selon les règles et sous les garanties et sanctions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 5422-16, sont assurés par Pôle emploi. Les conditions d’exigibilité de ce versement sont précisées par décret.
« Art. L. 2254-7. – Lorsque l’employeur n’a pas proposé le dispositif d’accompagnement en application de l’article L. 2254-3, Pôle emploi le propose au salarié. Dans ce cas, l’employeur verse à l’organisme chargé de la gestion du régime d’assurance chômage mentionné à l’article L. 5427-1 une contribution égale à deux mois de salaire brut, portée à trois mois lorsque son ancien salarié adhère au dispositif d’accompagnement mentionné à l’article L. 2254-3 sur proposition de Pôle emploi. Cette contribution finance la partie de l’allocation supérieure à celle à laquelle le salarié aurait pu prétendre au titre de l’allocation d’assurance.
« La détermination du montant de cette contribution et son recouvrement, effectué selon les règles et sous les garanties et sanctions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 5422-16, sont assurés par Pôle emploi. Les conditions d’exigibilité de cette contribution sont précisées par décret. »
II. – L’article L. 2323-15 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette consultation porte également, le cas échéant, sur les conséquences pour les salariés de l’accord conclu en vue de la préservation ou du développement de l’emploi mentionné à l’article L. 2254-2. »
III. – À la première phrase du II de l’article L. 2325-35 du même code, après la référence : « L. 5125-1 », est insérée la référence : «, L. 2254-2 ».
IV (nouveau). – Le chapitre V du titre II du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est abrogé.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous sommes un certain nombre à avoir déposé des amendements tendant à supprimer l’article 11 au motif que celui-ci est tout à fait dangereux.
Par ailleurs, nous sommes étonnés de voir repris ici ce que l’on appelle abusivement « des accords offensifs » pour l’emploi, proposés par M. Sarkozy et contre lesquels la gauche, alors dans l’opposition, s’était élevée.
Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, qui avait institué les fameux accords de maintien de l’emploi, les AME, des accords dits « défensifs ». Déjà, nous n’étions pas très convaincus, mais M. Sapin, alors ministre du travail, nous avait assuré que ces accords étaient bien balisés : ils étaient assortis d’un ensemble de garanties et n’étaient en rien comparables aux accords proposés par la droite et M. Sarkozy.
Quelles sont ces garanties ?
Premièrement, ces accords ne sont signés que si l’entreprise est confrontée à des difficultés réelles et lourdes.
Deuxièmement, ils sont d’une durée déterminée.
Troisièmement, les graves difficultés économiques sont notifiées.
Or, la loi Macron, qui a déjà donné lieu à ce débat, a allongé la durée de cet accord, en le portant à cinq ans, ce qui accroît d’autant, dans la durée, les inconvénients subis par les salariés.
Aujourd’hui, on nous dit qu’il faut non plus seulement des accords défensifs, mais aussi des accords offensifs. On remet en cause les avancées sociales non plus seulement pour maintenir l’emploi, mais aussi pour développer l’entreprise. Et, pour ce faire, il serait judicieux de revenir sur toute une série de garanties octroyées aux salariés.
J’entends bien qu’il ne sera pas ici possible de baisser le salaire, mais il n’aura échappé à personne que les rémunérations ne sont pas constituées uniquement par les salaires. Il sera, par exemple, possible de travailler plus pour le même salaire, ce qui équivaut à une baisse de la rémunération du travail.
Pour notre part, nous estimons que ce n’est pas de cette façon que l’on doit développer les activités dans notre pays, car cela ne doit pas se faire au détriment des droits sociaux des salariés. Même s’il s’agit d’accords majoritaires dans l’entreprise, on voit bien que l’on va petit à petit sur le terrain bien connu du MEDEF qui, au nom du dynamisme économique, cherche essentiellement à réaliser des gains qui se traduisent par des reculs sociaux. Or notre pays ne fait pas suffisamment d’efforts dans d’autres directions tout à fait essentielles.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Comme nous l’avons dénoncé à plusieurs reprises, notamment lors de l’examen de l’article 10, le lien de subordination au sein de l’entreprise est un principe totalement ignoré du Gouvernement. La jurisprudence de la Cour de cassation est pourtant suffisamment étoffée pour définir les paramètres de ce lien. Malgré cela, nous nous retrouvons avec un article 11 qui permet une baisse de la rémunération horaire des salariés par le biais d’un maintien du salaire mensuel couplé à une augmentation du temps de travail, en laissant le soin audit accord de définir les modalités de prise en compte de l’atteinte à la vie privée des salariés.
En échange de cela, quelle protection pour les salariés ?
La possibilité pour un salarié de refuser que son contrat de travail soit modifié arbitrairement, au risque d’être licencié, comme le permet l’article L. 1233-3 du code du travail !
Plus besoin que l’entreprise rencontre des difficultés économiques, puisqu’il suffit que l’accord d’entreprise ait pour objet « la préservation ou le développement de l’emploi », un motif qui pourrait être avancé par n’importe quelle entreprise. Une fois cet accord adopté, ces dispositions s’imposeront au salarié. Exit le principe de faveur, en vertu duquel les dispositions les plus avantageuses s’appliquent obligatoirement !
De plus, en cas de refus, le salarié ne bénéficiera plus des garanties propres au licenciement économique, comme c’était le cas avec les accords de maintien de l’emploi, hors droit au reclassement.
Ainsi, un salarié qui n’accepterait pas cet accord dit « offensif » pourra, grâce à votre texte, madame la ministre, être licencié pour raison personnelle. Au-delà du cas du salarié, je souligne que ce texte permet aux employeurs de se soustraire aux obligations afférentes à la mise en place d’un plan social en cas de licenciement collectif.
Votre argument selon lequel il faudrait renforcer la compétitivité de l’entreprise est totalement démonté par l’exemple des « Conti » ou celui de Bosch. De fait, le principe de flexisécurité est un échec flagrant, mais vous vous obstinez, aggravant encore les choses avec cet article. Pour le groupe CRC, c’est « non » : nous ne voterons pas cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l’article.
M. Jean Desessard. L’article 11 de ce projet de loi ouvre la possibilité de négocier au sein des entreprises des accords de préservation ou de développement de l’emploi.
Nous souhaitons la suppression de cet article, afin d’éviter que les entreprises ne puissent avoir recours aux accords dits « offensifs » en raison de la grande précarité dans laquelle ils pourraient placer les salariés.
En effet, des entreprises auraient la possibilité de conclure un accord majoritaire qui primerait le contrat, notamment en matière de rémunération et de durée du temps de travail. Ainsi, ces accords, sans conditions ni économiques ni d’emploi, permettraient, par exemple, de faire travailler davantage les salariés, sans augmenter pour autant leur rémunération, sous peine de se faire licencier.
En 2013, la loi relative à la sécurisation de l’emploi prévoyait déjà des accords permettant de contourner le contrat. Ces accords, appelés « accords de maintien de l’emploi », étaient limités à des circonstances particulières, lorsque la survie de l’entreprise était en jeu. Les conditions de mise en place de ces accords avaient ensuite été assouplies par la loi Macron ; et nous avions alors exprimé des réserves, car cette dynamique était peu contrôlée et elle était susceptible de conduire à d’autres régressions, ce qui est aujourd’hui le cas.
L’article 11 que nous examinons aujourd’hui étend ces accords à des objectifs de développement de l’emploi. Les conséquences pour les salariés pourraient être considérables : le salarié concerné devra faire le choix entre la précarité et la perte de son emploi. Or ce n’est pas le sens que nous voulons donner à ce texte. La flexibilité ne doit pas se développer au détriment de la sécurité.
De plus, les modifications apportées en commission ne font que renforcer les conséquences néfastes pour les salariés. À titre d’exemple, la rémunération mensuelle pourra désormais être diminuée si le taux horaire est supérieur ou égal à 1,2 SMIC. Dans ces conditions, nous le voyons bien, la relation contractuelle unissant l’employeur et son salarié est totalement déséquilibrée, et le rapport de force s’établit en défaveur du salarié.
Aussi, pour toutes ces raisons, nous vous proposerons, par amendement, de supprimer l’article 11.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l’article.
Mme Nicole Bricq. Il s’agit là d’un article très important, et je comprends qu’il donne matière à une bataille. J’ai bien entendu certaines revendications syndicales, notamment celle émanant d’un syndicat ; cela fait partie des points de principe. Mais supprimer cet article ou l’accepter dans la rédaction actuellement proposée par la commission des affaires sociales, reviendrait à déséquilibrer le texte.
J’ai cité les accords intervenus chez Michelin, je n’y reviendrai pas, mais permettez-moi de prendre un exemple plus parlant, celui de Peugeot.
Quand Peugeot allait mal, un accord défensif borné dans le temps a été signé par les syndicats et mis en œuvre. Venu à expiration, il donne aujourd’hui lieu à examen et va être renégocié pour devenir offensif. Peugeot va mieux grâce à l’intervention de l’État, il faut le rappeler, mais aussi parce que l’entreprise a été remise à flot et qu’elle a de nouveau les capacités d’investir. Elle fait aujourd’hui le bilan de l’accord qui est intervenu, et les organisations syndicales, qui étaient dans un rapport défensif, sont aujourd’hui dans une démarche offensive.
Il importe d’être réactif à la vie de l’entreprise pour donner des points d’appui aux organisations syndicales : celles-ci vont voir ce qui a été fait dans le cadre du précédent accord et ce qui ne l’a pas été, et, dans la mesure où il s’était agi d’un accord de modération salariale, elles vont évidemment demander que les salariés récoltent les fruits de leurs efforts.
Pour notre part, nous ne souhaitons pas supprimer l’article 11, car nous souhaitons le modifier par amendements. Nous voulons exposer nos amendements et entendre le Gouvernement.
Nous voulons maintenir la rémunération, ainsi que le mandatement dans les petites entreprises. Notre collègue Jean-Louis Tourenne défendra, au nom du groupe socialiste, un amendement prévoyant que les efforts des salariés soient proportionnés à ceux qui seront attendus des dirigeants d’entreprise et des mandataires sociaux ; c’est, à nos yeux, un point très important.
Je le répète, nous voulons défendre ces amendements. Mme la ministre nous dira ce qu’elle pense de nos propositions. Nous soutenons la version originale et originelle du texte, pas celle qui a été adoptée par la commission des affaires sociales.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 50 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 447 est présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
L’amendement n° 961 rectifié est présenté par MM. Durain, Labazée, Godefroy, Cabanel et Montaugé, Mmes Lienemann, Bonnefoy et Ghali, M. Néri, Mme Guillemot et M. Karam.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 50.
M. Dominique Watrin. Nous sommes fermement opposés à cet article, qui s’inscrit dans la lignée des lois régressives votées depuis 2008. Celles-ci ont permis aux entreprises de déroger aux accords de branche et aux conventions collectives, en imposant des sacrifices souvent très importants aux salariés, au nom du maintien de l’emploi.
Je veux parler bien sûr de la loi Bertrand de 2008, qui instaure la primauté de l’accord d’entreprise en termes d’annualisation du temps de travail. Il a fallu ensuite imposer cet accord au contrat de travail, car la jurisprudence a considéré que tout ce qui relevait de la durée du temps de travail était un élément essentiel du contrat de travail. Ainsi, la loi Warsmann de 2012 a permis de licencier pour motif personnel les salariés qui refusaient ces accords. Puis est venu l’ANI, l’accord national interprofessionnel, qui a encore élargi, en cas de graves difficultés économiques, la possibilité de déroger à des droits plus favorables concernant les modalités d’organisation, de répartition du travail et de rémunération.
Nous avons un désaccord fondamental avec Mme Bricq sur le bilan, mais nous allons en reparler en séance publique, car de nombreux amendements ont été déposés. Nous pourrons alors considérer le nombre de suppressions d’emplois, les sacrifices consentis par les salariés (Mme Nicole Bricq s’exclame.), que ce soit chez PSA ou Renault, et je n’aurai pas la sévérité de citer l’accord intervenu chez Continental, à Clairoix, dans l’Oise. Les salariés ont renoncé à la réduction du temps de travail et ont accepté le gel des salaires, mais l’accord à peine signé, l’encre à peine sèche, la fermeture de l’entreprise était annoncée, et 1 200 salariés se retrouvaient sur le carreau.
Non seulement on ne tire pas les enseignements de ces accords, qui ont constitué un recul eu égard aux capacités industrielles de notre pays, mais, avec ce texte, on va plus loin encore dans les sacrifices exigés des salariés, même lorsque l’entreprise n’est pas confrontée à des difficultés économiques. Plus de durées fixées, sauf celle qui figurera dans l’accord. On crée des licenciements sui generis, puisque, dès lors qu’un accord aura été conclu en vue de développer l’emploi, le salarié ne pourra pas contester la cause sérieuse et réelle du licenciement. Se pose aussi la question des rémunérations. Un véritable débat doit donc être engagé sur ce sujet.
Mme Nicole Bricq. C’est pour cette raison qu’il ne faut pas supprimer l’article !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 447.
M. Jean Desessard. Je l’ai défendu lorsque je me suis exprimé sur l’article 11. Je souscris à l’argumentation du groupe CRC.
Lors de l’examen de chaque nouveau projet de loi portant sur le travail, on nous dit qu’il faut faciliter l’adaptation des entreprises, mais, à chaque fois, on s’aperçoit que ce n’est pas suffisant. On fait un peu plus, mais ce n’est pas encore assez, et ainsi de suite… Nous n’en ferons jamais assez, car nous sommes en concurrence avec des pays asiatiques en voie de développement, dont les conditions sociales n’ont rien à voir avec les nôtres ! Il nous faut adapter toujours plus nos entreprises, mais il y a un gouffre entre les nôtres et celles-là.
Dans un an, le patronat nous dira : ce que vous avez fait est bien, mais ce n’est pas assez ! Il faut encore faire un effort. Comparez les rémunérations de nos salariés avec celles des salariés des pays en voie de développement ; ces entreprises peuvent faire la même chose que nous, en beaucoup moins de temps et pour beaucoup moins cher.
Est-ce là ce que nous voulons ? Voulons-nous adapter petit à petit la situation des entreprises françaises à celle de ces pays, qui nous font concurrence ? Ou affirmons-nous qu’il existe une spécificité française dans les rapports sociaux, avec une qualité de travail et un niveau de formation intéressants ?
Grâce à ces projets collectifs, à ces infrastructures, à ce capital humain, nous pouvons faire en sorte que nos entreprises soient compétitives, sans remettre en cause tous les droits sociaux, ainsi que les conditions de travail, qui sont effectivement plus favorables en France que dans de nombreux autres pays.
La droite a choisi : il faut adapter l’entreprise, il faut aller le plus loin possible ; ils ne le disent pas ouvertement, mais ce n’est qu’une question d’années ou de mois. Les socialistes s’engagent aussi dans cette voie, mais il n’y a pas d’espoir : vous ne pourrez jamais être statiques, vous ne trouverez jamais le bon équilibre. Le MEDEF estimera toujours que ce n’est pas suffisant et que les entreprises n’y arrivent pas. Si la finalité est que notre pays soit compétitif par rapport aux pays en voie de développement, alors il faudra encore beaucoup de lois de régression sociale !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 961 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ai déjà exposé ma position il y a quelques instants, en parlant sur l’article, et je souscris à l’argumentaire des collègues qui viennent de prendre la parole. J’insisterai donc seulement sur la remise en cause du contrat de travail, qui me paraît extrêmement dangereuse.
Au moins les députés socialistes ont-ils souhaité que le projet de loi prévoie un licenciement économique, et non un licenciement sec. Reste que le contrat de travail pourra être modifié unilatéralement, même en l’absence de problème majeur. La logique dans laquelle on entre ainsi conduit à placer les salariés dans une situation de vulnérabilité, où ils seront soumis à une pression.
M. Desessard a raison : est-ce ainsi que nous rendrons notre économie performante et, en particulier, que nous assurerons le redressement de notre industrie ? Non ! Nous n’y parviendrons pas en rabiotant à la marge ici ou là, comme on est en train de le faire, mais en accompagnant la mutation technologique, en encourageant l’innovation et en mettant l’accent sur la formation des salariés et sur le 4.0. Concentrons tous nos efforts dans cette direction, car nous sommes encore en retard dans cette mutation !
Le FMI lui-même a mis en évidence que, dans la plupart des secteurs, en particulier des secteurs exportateurs mondialisés, le coût du travail n’est pas le facteur déterminant. Consolidons donc plutôt notre modèle social et, en même temps, pour soutenir les services et les autres secteurs moins exposés à la concurrence internationale, qui ont avant tout besoin de remplir leurs carnets de commandes, menons une politique de relance par la redistribution des richesses au service du pouvoir d’achat !
Un équilibre est nécessaire. Or que constatons-nous ? On nous avait promis 1 million d’emplois avec le pacte de stabilité ; on les attend toujours ! On nous promet aujourd’hui qu’en permettant de licencier et en « flexibilisant » le travail, comme on dit, on modernisera les entreprises ; les résultats positifs de cette politique, nous les attendrons longtemps. Pendant ce temps, la fragilisation économique et industrielle du pays se poursuit… Ce n’est pas la bonne voie !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques tendant à supprimer l’article 11. Elle estime en effet que le dispositif qu’elle a adopté apporte un certain nombre de réponses, après que les accords de maintien de l’emploi ont, comme vous le savez, rencontré un succès tout relatif, puisqu’une douzaine seulement ont été conclus.
Dans ce contexte, nous considérons que ce dispositif va dans le bon sens, d’autant qu’il comporte un certain nombre de garanties pour les salariés qui ne souhaitent pas s’inscrire dans la dynamique d’un accord, offensif ou défensif, un parcours d’accompagnement ayant été prévu par l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Ma conviction est que l’une des réponses au problème du chômage, à la question de l’emploi, tient à notre capacité à prendre les bonnes décisions au bon moment et au bon niveau.
Malheureusement, dans notre pays qui perdait déjà des emplois industriels depuis le deuxième trimestre de 2001, les conséquences de la crise ont été plus sévères qu’en Allemagne, où les salariés ont accepté, avec leurs syndicats, des accords collectifs sur l’emploi, dont la plupart, d’ailleurs, ne prévoyaient pas de baisse de rémunération, mais des gels de salaires. Les entreprises allemandes ont joué le jeu en renonçant aux licenciements, de sorte que de nombreux emplois ont pu être maintenus, dans des conditions qui assuraient des garanties aux salariés. À l’issue de la crise, les mesures ont pu être levées ; ainsi, dans la métallurgie allemande, les augmentations salariales avoisinent aujourd’hui 5 %.
En un sens, la question n’est pas d’être offensif ou défensif ; elle est de trouver les meilleures voies pour développer l’emploi, car le chômage que nous connaissons n’est pas acceptable. La question du bon moment est tout aussi essentielle. Par ailleurs, il ne s’agit évidemment pas d’agir à n’importe quel prix : nous sommes tous d’accord pour dire que les garanties des salariés et les exigences sociales doivent être préservées.
Oui, comme le montrent les exemples de Michelin, STX et PSA, les accords, quand ils sont conclus par des syndicats majoritaires, sont à la fois efficaces et justes ! Dans ces trois cas, en effet, des centaines d’emplois ont pu être préservées et les salariés ont obtenu des contreparties en échange de leur effort ; je pourrais vous en citer de multiples. Les accords pour développer l’emploi fourniront un cadre à ces négociations et leur permettront d’être efficacement mises en œuvre.
Je comprends, bien sûr, les interrogations que ce dispositif suscite, mais elles ne me paraissent pas justifiées, même si je reconnais à ceux qui les formulent une certaine cohérence. De fait, leur position est dans le droit-fil de celle qu’ils ont adoptée au sujet de la loi sur la sécurisation de l’emploi, notamment en ce qui concerne les accords de maintien de l’emploi. Ainsi, j’ai relu les propos que vous avez tenus à l’époque, madame Lienemann, et je reconnais volontiers une certaine cohérence à vos positions.
D’abord, les accords prévus par le projet de loi seront majoritaires ; ils reposeront donc sur un consensus large, ce qui me paraît essentiel. L’intérêt collectif doit primer une situation individuelle : tel est le sens du principe majoritaire, qui sera pour les salariés la première des garanties.
Ensuite, les accords en faveur de l’emploi, contrairement aux accords de maintien de l’emploi, avec lesquels la commission propose de les fusionner, ne pourront pas avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle des salariés, c’est-à-dire leur pouvoir d’achat.
Mme Nicole Bricq. Et voilà !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Même si, conformément aux souhaits des partenaires sociaux, une telle baisse a été fortement encadrée, notamment par l’accord national interprofessionnel de 2013, elle est possible dans le cadre d’un accord de maintien de l’emploi, ce qui se justifie par les difficultés graves de l’entreprise. Elle ne le sera pas dans le cadre des accords prévus par le projet de loi, ce qui constitue une différence majeure.
Par ailleurs, ces accords seront assortis de garanties importantes, renforcées au demeurant, dans le cadre des concertations que nous avons menées avec les partenaires sociaux, mais aussi avec les députés dans leur ensemble.
Premièrement, contrairement à ce que d’aucuns prétendent, ces accords auront une durée : ils devront être conclus pour une durée déterminée, une durée par défaut étant fixée à cinq ans.
Mme Nicole Bricq. La durée pourra être inférieure !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Elle pourra être inférieure, éventuellement supérieure ; il appartiendra aux partenaires sociaux d’en décider.
Deuxièmement, les accords devront être conclus sur le fondement d’un diagnostic partagé. C’est pourquoi l’employeur qui envisage un tel accord devra transmettre en amont toutes les informations nécessaires aux organisations syndicales représentatives. En outre, le préambule de l’accord devra énoncer les objectifs de celui-ci et, faute de préambule, l’accord sera frappé de nullité ; cela est très clair et tout à fait essentiel.
Troisièmement, la négociation sera strictement réservée aux syndicats. Dans les entreprises sans délégué syndical, la négociation d’un accord ne pourra avoir lieu qu’avec des salariés ou des élus du personnel mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives. C’est aussi une garantie importante.
Quatrièmement, les salariés qui refuseront l’accord bénéficieront de garanties renforcées. La question du contrat de travail, soulevée par Mme Lienemann, se pose, en fin de compte, si un salarié refuse un accord en faveur de l’emploi – un accord, je le rappelle, proposé par le rapport Combrexelle. Il ne s’agit pas de transposer en France le système allemand, dans lequel un tel salarié est déclaré démissionnaire ; cela est extrêmement clair, comme l’ont montré les débats en commission à l’Assemblée nationale.
En effet, le projet de loi prévoit que le licenciement des salariés qui refuseront l’accord sera proposé selon les modalités de la procédure applicable au licenciement individuel pour motif économique ; ces salariés bénéficieront d’un accompagnement personnalisé et percevront une indemnité.
Cinquièmement, les efforts ne seront pas unilatéraux, puisque les accords pourront contenir des mesures assurant que les mandataires et dirigeants fournissent eux aussi des efforts proportionnés pendant la durée de l’accord ; cela me paraît également important.
Dans tous les cas, les partenaires sociaux devront dresser un bilan annuel de l’application de l’accord, permettant de réajuster la situation en tant que de besoin.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà des débats que nous pouvons avoir sur le caractère offensif ou défensif des accords, la question qui se pose est : sommes-nous capables de prendre par le dialogue social les bonnes décisions au bon moment, pour ne pas avoir à négocier des plans de sauvegarde de l’emploi ? De ce point de vue, quand j’examine de près certains accords, comme ceux conclus chez STX et Michelin, il m’apparaît qu’il faut fournir un cadre à l’ensemble des accords qui sont signés !
Mme Nicole Bricq et M. Yves Daudigny. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Si, comme l’a expliqué mon collègue Dominique Watrin, nous sommes opposés à l’article 11 du projet de loi dans la rédaction proposée par le Gouvernement, il va de soi que nous sommes totalement défavorables à la rédaction adoptée par la commission des affaires sociales de notre assemblée. En effet, la droite sénatoriale s’est engouffrée dans la brèche ouverte en exigeant que les accords de préservation et de développement de l’emploi puissent modifier la rémunération mensuelle des salariés.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. C’est faux !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Or, comme l’a souligné notre collègue Jean Desessard, le MEDEF n’est jamais satisfait.
Ainsi donc, il serait désormais possible de réduire la rémunération mensuelle des salariés au-dessus de 1,2 SMIC. Cette éventualité nous inquiète au plus haut point, puisque nous sommes convaincus que c’est aussi par la relance du pouvoir d’achat des salariés que nous contribuerons à l’augmentation de la croissance.
De même, la majorité sénatoriale a étendu les accords de préservation et de développement de l’emploi aux entreprises de moins de cinquante salariés, dépourvues de délégué syndical.
Je n’oublie pas non plus la clause de retour à meilleure fortune, qui permettra aux entreprises de maintenir les mesures le temps de la crise économique.
Quand on songe qu’on nous assène depuis quarante ans que l’austérité nécessite de se serrer toujours plus la ceinture pour relancer la croissance, il est à craindre que ces dispositifs aient de beaux jours devant eux…
Madame la ministre, vous avez expliqué qu’il fallait prendre les bonnes décisions au bon moment. Nous ne pouvons que vous suivre, mais, en ce qui concerne l’Allemagne, il me semble, même si je ne suis pas une grande spécialiste de ce pays, qu’il faudrait regarder la situation de plus près, s’agissant notamment des conditions dans lesquelles des emplois ont été créés. En effet, je crois avoir compris que les faits positifs dont vous avez parlé s’accompagnent d’une grande précarité et de nombreux contrats à bas salaire.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Comme vous l’aurez compris, l’article 11 du projet de loi ne nous satisfait pas du tout, puisque, après les accords défensifs issus de la loi sur la sécurisation de l’emploi, on en vient aux accords offensifs.
Pourtant, les accords de maintien de l’emploi permettent déjà à une entreprise en difficulté économique de conclure un accord afin de diminuer la rémunération des salariés à temps de travail constant ou d’augmenter la durée du temps de travail sans contrepartie. Comme l’ont souligné Jean Desessard, Dominique Watrin et Brigitte Gonthier-Maurin, il n’y a pas de limite : plus on en donne, plus ils en veulent ! Jusqu’où allons-nous aller, mes chers collègues ?
Voilà qu’il suffira désormais, pour signer un accord, de déclarer avoir pour objectif le développement ou la préservation de l’emploi… Difficile de nier que la condition est bien floue et que le champ est très vaste ! En d’autres termes, n’importe quelle entreprise pourra conclure un accord à n’importe quel moment.
De plus, une fois adoptés, ces accords s’imposeront aux salariés, même si les clauses en sont moins favorables que les dispositions légales ou les stipulations du contrat de travail. La hiérarchie des normes est donc bien inversée, et le principe de faveur abandonné.
En outre, le salarié qui refusera de se soumettre au nouveau régime pourra faire l’objet d’un licenciement économique individuel, ce qui signifie qu’il sera privé des protections de reclassement assurées dans le cadre des actuels accords de maintien de l’emploi.
Mme Nicole Bricq. Pas du tout !
Mme Laurence Cohen. Bien sûr que si !
Mme Annie David. Madame la ministre, vous avez mentionné les plans de sauvegarde de l’emploi. Or, précisément, les accords dont nous parlons autorisent les entreprises à se soustraire à leur obligation de mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi ! Dès lors, les effets d’aubaine vont se multiplier, car de nombreuses entreprises chercheront à éviter une procédure collective.
Je rappelle aussi que le plan de sauvegarde de l’emploi s’accompagne d’une convention de revitalisation. Aujourd’hui, ces conventions sont mises en œuvre dans un grand nombre de nos territoires ; hier, en visitant une entreprise concernée, j’ai mesuré combien ces conventions de revitalisation sont essentielles pour permettre l’implantation de nouvelles entreprises dans les territoires où l’activité économique recule. Aussi bien, madame la ministre, avec vos accords offensifs, non seulement vous ne préservez pas les emplois existants, mais vous ne favoriserez pas non plus le développement d’emplois de remplacement !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. À chaque projet de loi, on nous dit : on a atteint l’équilibre, c’est formidable. Ainsi, M. Rebsamen nous assurait qu’on avait trouvé le bon dosage. Et puis vous voilà, madame la ministre, avec votre texte ! Je suis à peu près sûr que, dans quelque temps, un autre ministre, ou peut-être vous-même, reviendrez avec un texte nouveau…
Au demeurant, les socialistes, lorsqu’ils étaient dans l’opposition, n’ayant pas à gérer, étaient beaucoup plus réticents devant les évolutions qu’il fallait envisager ; je me souviens de positions plus tranchées.
En vérité, il y a une dynamique, car les rapports sociaux, aujourd’hui, ne sont pas statiques : dans un monde en mouvement, rien n’est établi une fois pour toutes. Dans ce contexte, la question est : quel projet social d’envergure a-t-on ?
Madame la ministre, vous proposez d’avancer vers la flexibilité en établissant des garde-fous qui ne constituent pas une sécurité. La sécurité contre les précarités et le chômage, c’est au niveau de l’État qu’elle devrait être assurée, ce qui n’est pas prévu dans le projet de loi ! Les garde-fous prévus au niveau de l’entreprise sauteront, parce qu’on entendra ce discours : pourquoi m’imposez-vous ces règles, pas assez flexibles, qui ne correspondent pas à la situation de mon entreprise ?
Vous avez pris l’exemple de l’Allemagne. Pourtant, lorsque nous vous avons demandé de prévoir un plus grand nombre de salariés administrateurs, comme en Allemagne, vous avez refusé ! L’exemple n’est donc pas probant, puisqu’on n’emprunte à l’Allemagne que ce que l’on veut bien.
Par ailleurs, le patronat allemand n’est pas le patronat français – même si celui-ci comprend, monsieur Cadic, des éléments extrêmement positifs. Je me souviens de ce qui s’est passé lors de la vente d’Adidas : alors que les vendeurs entendaient que l’appareil de production reste en Allemagne, le repreneur, qui s’appelait Tapie, après avoir pris l’engagement qu’il en serait ainsi, a évidemment, sitôt la transaction conclue, organisé une vente à la découpe et la délocalisation des lieux de production partout dans le monde… J’y insiste : la culture du patronat français et même sa composition, sa structure, diffèrent de celles du patronat allemand.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Je ne veux pas laisser caricaturer le travail de la commission.
En réalité, l’unification des régimes est déjà présente dans le texte gouvernemental, puisque la rédaction initiale de l’article 11 traite bien de préservation et de développement de l’emploi. Pour éviter que trente-six dispositifs ne continuent à coexister, la commission a repris ce travail d’unification, tout en s’attachant à bien préciser les choses. Ainsi, il s’agit de transposer dans le cadre des accords de préservation de l’emploi le régime prévu pour les accords de maintien de l’emploi, ni plus ni moins. La rémunération des salariés ne pourra donc pas être abaissée au-delà de 1,2 SMIC.
Je le répète : je ne fais que reprendre le texte présenté par le gouvernement socialiste !
En outre, je défendrai au nom de la commission l’amendement n° 1017 visant à préciser que la rémunération mensuelle des salariés ne peut pas baisser dans le cadre d’un accord de développement de l’emploi. Qu’on ne caricature donc pas le travail que nous avons accompli !
Par ailleurs, c’est la commission qui a ajouté à l’article 11 la disposition aux termes de laquelle « l’accord prévoit les conditions dans lesquelles les salariés bénéficient d’une amélioration de la situation économique de l’entreprise à l’issue de l’accord ». Cette clause de retour à meilleure fortune ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement.
La commission des affaires sociales a accompli un travail sérieux d’amélioration du dispositif, qui prend en compte à la fois les besoins collectifs des entreprises et les besoins collectifs et individuels des salariés !
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Le temps m’a manqué dans mon intervention précédente pour aborder la dimension de l’efficacité économique, mais je pense qu’il faut aussi situer le débat sur ce plan. Face à la concurrence internationale, des mesures doivent en effet être prises.
La principale raison pour laquelle l’Allemagne, que vous avez citée, madame la ministre, a peut-être un peu mieux surmonté la crise économique de 2008 que la France est qu’elle a développé beaucoup plus que nous le chômage partiel indemnisé ; ce ne sont donc pas forcément les accords d’entreprise qui expliquent les meilleurs résultats allemands.
En termes macroéconomiques, j’incline à penser comme M. Desessard : nous observons une mise en concurrence des salariés à l’échelle européenne, dont nos groupes profitent largement en s’appuyant sur des accords qu’ils signent, comme Renault en Espagne, pour faire pression sur les salariés afin qu’ils acceptent toujours plus de sacrifices, sous la menace de voir un nouveau modèle de véhicule affecté à un autre site, dont les salariés se seront montrés plus accommodants. Où est l’efficacité économique ?
À la vérité, les seuls gagnants de ce système sont les actionnaires et les grands dirigeants. Souvenez-vous, mes chers collègues, que pendant que de tels accords étaient appliqués, Carlos Ghosn a multiplié son salaire par deux, de 2,75 millions d’euros à 5,24 millions d’euros, tandis que les salariés de Renault n’ont été augmentés que de 11 euros bruts par mois…
Je pourrais parler aussi du bilan de ce qui s’est passé à PSA. En termes d’intérêt économique général et de développement de l’emploi dans notre pays, quel est le résultat ? Il faut tout de même le dire : 13 000 suppressions d’emplois ! Encore est-ce sans compter les 750 suppressions d’emplois dont on parle aujourd’hui à l’usine de Poissy, dont les salariés ont pourtant consenti beaucoup d’efforts – travail le samedi moins indemnisé, flexibilité accrue, suppressions de RTT et de congé et une productivité en progrès. Qu’on m’explique où est l’efficacité économique !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 50, 447 et 961 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 341 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 40 |
Contre | 300 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 645, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
y compris en matière de rémunération et de
par les mots :
à l’exclusion des dispositions relatives à la rémunération et à la
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement de repli vise à exclure les questions de rémunération et de durée du travail du champ d’application de l’alinéa 2.
L’article 11 dans sa rédaction actuelle sape l’un des piliers de notre droit du travail : le principe de l’ordre public social de protection, qui garantit depuis des décennies au salarié que la disposition la plus favorable lui sera appliquée. Désormais, en effet, il suffira pour imposer les conditions de l’accord d’entreprise en matière de temps de travail et de rémunération des salariés que l’accord ait pour objectif la préservation ou le développement de l’emploi.
J’insiste sur le risque, que mes collègues ont déjà signalé, que ce motif soit invoqué par n’importe quelle entreprise, de manière injustifiée. Nous craignons que cet article n’ouvre une véritable boîte de Pandore ! En effet, sous la pression du chantage aux licenciements ou à la fermeture de l’entreprise, un employeur pourra imposer à un salarié un accord moins favorable que les clauses stipulées dans son contrat ou dans la convention collective ou même que les dispositions prévues par la loi.
Certes, il est prévu a priori qu’un accord ne pourra diminuer la rémunération mensuelle des salariés. Mais a priori seulement, dès lors qu’il est aussi prévu qu’« un décret définira la rémunération mensuelle ». Les craintes sont vives que cette rémunération n’englobe pas l’ensemble des rémunérations fixes et variables versées aux salariés, mais uniquement les rémunérations fixes, ce qui permettrait aux employeurs de supprimer les primes de leurs salariés.
Enfin, il pourra être tout bonnement procédé à l’augmentation du temps de travail.
Nous sommes donc en présence d’un nouveau principe ; pas si nouveau, à vrai dire, puisqu’il s’agit de travailler plus pour gagner moins, ce qu’on avait déjà entendu dans la bouche d’un présidentiable…
C’est pour éviter ce recul social et sociétal que nous invitons le Sénat à adopter cet amendement de repli !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’adoption de cet amendement reviendrait à vider de sa substance l’article 11. La commission ayant adopté celui-ci, y compris son alinéa 2, elle a émis un avis défavorable sur l’amendement.
Dans le modèle allemand, dont nous avons déjà parlé – certes à un autre propos, puisqu’il s’agissait de la composition des conseils d’administration des entreprises –, un salarié qui n’accepte pas un accord de compétitivité est purement et simplement déclaré démissionnaire. Le dispositif que nous avons adopté prévoit un certain nombre de mesures d’accompagnement, qu’il faut considérer en miroir – pour reprendre une expression chère au Gouvernement – de l’alinéa 2, qui est une disposition fondatrice de l’article 11.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il me semble, sans parler de dialogue de sourds, que ce débat sur le principe majoritaire et la signature des accords par les syndicats repose sur un malentendu.
D’un côté, nous pouvons rejoindre le groupe CRC dans notre refus absolu de contourner les organisations syndicales, compte tenu du déséquilibre qui existe en effet dans la relation entre l’employeur et le salarié ; nous considérons que, lorsque le salarié est accompagné, formé et soutenu par une organisation syndicale, ce déséquilibre se réduit.
De l’autre, je constate que les orateurs du groupe CRC emploient dans toutes leurs démonstrations l’argument du pistolet sur la tempe, faisant fi de ce que nous parlons d’accords majoritaires négociés avec des organisations syndicales.
Pour moi, il y a là une vraie divergence de fond : nous considérons qu’il faut laisser la possibilité d’adaptations au sein des entreprises par le moyen de la négociation et d’un accord majoritaire. Proposer de supprimer la rémunération des salariés et la durée du travail du champ des accords de préservation et de développement de l’emploi procède, d’une certaine manière, d’un manque de confiance à l’égard des syndicats ! (Murmures sur les travées du groupe CRC.) Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, connaissez-vous beaucoup d’accords majoritaires qui vont contre l’intérêt des salariés ?
Mme Éliane Assassi. Il y en a eu !
Mme Myriam El Khomri, ministre. À chaque organisation syndicale que je rencontre, je dis : montrez-moi un tel accord, car, moi, je ne connais que des accords signés ou non signés ! C’est là que nous avons une vraie divergence.
Vous ne pouvez pas considérer qu’être représenté par une organisation syndicale équivaut à être seul face à son employeur ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRC.)
J’estime pour ma part qu’il faut développer le syndicalisme dans notre pays, créer des acteurs forts, c’est-à-dire des acteurs dont on renforce à la fois la légitimité et la responsabilité. C’est ce que l’on retrouve dans le dispositif de l’article 11.
Mme Laurence Cohen. Nous n’avons vraiment pas la même lecture du texte !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Par ailleurs, si l’accord conclu est défavorable aux salariés, ne pensez-vous pas que les organisations syndicales qui l’auront signé se feront « retoquer » par ces mêmes salariés aux prochaines élections professionnelles ? C’est quand même ça, la réalité du terrain ! En prévoyant un dispositif où les syndicats s’engagent, le Gouvernement a évidemment tout cela en tête.
Je fais confiance aux syndicats et au dialogue social. Je considère que ce n’est pas le projet unilatéral de l’employeur qui doit primer, mais un autre projet de société, celui que je défends au travers de ce texte.
M. le président. L’amendement n° 646, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
il transmet
insérer les mots :
dans le délai d’un mois
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Je ne sais pas si vous faites confiance aux syndicats, madame la ministre, mais, en ce qui nous concerne, nous ne sommes pas convaincus par vos arguments depuis le début de ce débat, et nous ne sommes pas les seuls !
L’alinéa 3 de l’article 11 comporte une imprécision à laquelle il conviendrait de remédier, afin d’éviter un certain nombre d’abus qui pourraient survenir lors de la préparation des négociations en vue de la signature d’accords de préservation et de développement de l’emploi.
Si chacun souscrit ici à l’idée – du moins, je l’espère ! –que l’employeur doit avoir pour obligation de transmettre aux organisations syndicales toutes les informations nécessaires à l’établissement d’un diagnostic partagé, il n’en reste pas moins que l’alinéa en question ne précise pas le délai dans lequel celui-ci doit le faire. L’absence d’une telle précision constitue un manque qu’il conviendrait de corriger. Compte tenu de ce que vous avez dit tout à l’heure, madame la ministre, je suis d’ailleurs persuadée que vous serez d’accord avec moi !
En effet, comment les organisations syndicales pourraient-elles se préparer au mieux à de futures négociations, en lien avec l’ensemble des salariés, sans que le respect d’un certain délai soit garanti ?
Comme le reconnaissent une grande partie des juristes spécialisés en droit du travail, les accords d’entreprise sont déjà par définition favorables aux employeurs. Ne pas fixer de délai minimal creuserait donc encore davantage le fossé entre eux et les salariés, et ce bien sûr systématiquement au détriment de ces derniers.
C’est pourquoi nous proposons d’imposer à l’employeur de transmettre ces informations dans un délai d’un mois, durée qui semble être la plus pertinente au regard de ce que jugent les syndicats et les experts en droit du travail.
À notre avis, refuser d’instaurer un tel délai serait un non-sens en matière de démocratie dans l’entreprise – puisque chacun, quelles que soient les positions qu’il adopte, prétend défendre la démocratie dans l’entreprise –, et rendrait caducs ces accords de préservation et de développement de l’emploi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, parce que la rédaction de l’article ne permet pas de connaître le point de départ précis à compter duquel il faudrait faire courir ce délai d’un mois. Le texte ne prévoit en effet la transmission des informations que « lorsque l’employeur envisage d’engager des négociations ». C’est donc un peu flou.
En outre, on peut considérer qu’un employeur a un intérêt objectif à transmettre les données le plus rapidement possible, dès lors qu’il souhaite entrer dans une démarche de discussion ou de négociation avec les partenaires sociaux pour aboutir à la signature d’un accord de préservation et de développement de l’emploi. Le comportement naturel des acteurs laisse à penser que l’on n’observera pas d’attitudes dilatoires, car les employeurs seront incités à transmettre rapidement toutes les informations nécessaires à l’établissement d’un diagnostic partagé.
En définitive, la commission est défavorable à l’amendement, non pas en raison de la rédaction de l’amendement lui-même, mais de l’article 11 tel qu’il était rédigé initialement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Tout d’abord, les partenaires sociaux eux-mêmes nous demandent d’arrêter d’être trop formalistes. On est en effet parfois tenté de faire preuve d’un peu trop de formalisme quand on élabore la loi, alors que cela peut rendre les choses plus compliquées par la suite sur le terrain.
Ensuite, pourquoi fixer le délai à un mois ? La durée pourrait être plus longue, elle pourrait également l’être moins. On pourrait également s’interroger sur le moment à partir duquel il faudrait faire partir ce délai.
En réalité, une règle très claire s’applique : si un chef d’entreprise ne transmet pas les informations nécessaires, il n’y a pas de diagnostic partagé et donc pas d’accord ! Si l’employeur veut en conclure un, il est soumis à l’obligation de transmettre ces informations, comme je l’ai rappelé. L’amendement tend à créer une contrainte pour les deux camps, tant pour les organisations syndicales que pour l’employeur, ce qui ne présente pas beaucoup d’intérêt.
Enfin, contrairement à ce que vous indiquiez tout à l’heure lorsque vous affirmiez que nous allions à l’encontre des conventions de branche, je tiens à rappeler qu’aucun accord d’entreprise ne peut aller en deçà des accords de branche dans les quatre domaines que sont les classifications, la prévoyance, les garanties collectives et les salaires, domaines que nous ne touchons absolument pas dans ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Si j’ai bien compris, la commission serait défavorable à notre amendement, parce que le texte du Gouvernement serait flou. C’est ce que j’ai compris de votre argumentaire, monsieur le rapporteur ! (M. le rapporteur opine.)
D’un côté, on a la commission et son avis, de l’autre, la démonstration – certes intéressante – de Mme la ministre, selon laquelle il ne faut pas trop de formalisme. Mais, depuis le début de l’examen du texte, c’est toujours aux mêmes qu’on reproche d’être formalistes ! Alors que nous proposons des amendements visant à mieux encadrer les dispositions figurant dans le texte et à sécuriser les droits des salariés, on nous reproche d’être trop formalistes, trop confus et de ne pas les avoir suffisamment élaborés.
Je ne sais pas si cela s’apparente à un dialogue de sourds ; en tout cas, il y a effectivement une divergence non seulement de niveau de langage, mais aussi d’appréciation sur ce qu’est l’entreprise.
Depuis le début du débat, nous revenons toujours sur les mêmes sujets, à savoir l’inversion de la hiérarchie des normes et la mise à sac du principe de faveur. On se rend compte que tous les articles, l’un après l’autre, déclinent la même philosophie. C’est pourquoi nous essayons à chaque fois de montrer les raisons pour lesquelles cette loi est mauvaise pour les salariés et d’améliorer les choses. Malheureusement, c’est évidemment une fin de non-recevoir que l’on nous oppose !
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 892 rectifié, présenté par MM. Requier, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’accord mentionné au premier alinéa ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié.
II. – Alinéas 6 et 7
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, cet accord peut être négocié par des représentants élus mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans les conditions prévues aux articles L. 2232-21 et L. 2232-21-1 ou, à défaut, par un ou plusieurs salariés mandatés mentionnés à l’article L. 2232-24.
III. – Alinéa 41
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, mon propos vaudra pour l’amendement n° 892 rectifié et l’amendement n° 920 rectifié, ce dernier étant un amendement de repli.
À côté des accords dits « défensifs », l’article 11 met en place des accords dits « offensifs », qui ont pour but de pérenniser ou de développer l’emploi.
Or, en l’absence de péril pour l’entreprise ou l’établissement, il paraît inconcevable que ces accords puissent être mis en place sans aucune garantie pour les salariés et que le salaire mensuel de ceux-ci soit diminué.
M. le président. L’amendement n° 350, présenté par Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’application des stipulations d’un accord de préservation ou de développement de l’emploi ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle des salariés.
La parole est à Mme Evelyne Yonnet.
Mme Evelyne Yonnet. Cet amendement vise à garantir le maintien de la rémunération des salariés.
Sur le fond, l’article 11 répond à la nécessité de concilier la sécurité des salariés avec l’indispensable adaptation de notre économie à la réalité de marchés en évolution rapide. À moins de considérer que nous devrions quitter le système de l’économie de marché – c’est une option –, il faut permettre aux entreprises de s’adapter à des situations qui, de favorables, peuvent rapidement devenir menaçantes, afin que celles-ci ne soient pas obligées de passer directement par la case « règlement judiciaire ».
Pour obtenir une telle souplesse, il faut respecter les institutions représentatives, leur capacité de réflexion et de conviction. À cet égard, il faut rappeler que les accords de préservation et de développement de l’emploi bénéficieront de la nouvelle procédure des accords majoritaires. Nous observons d’ailleurs que la majorité de la commission a préservé le seuil de 50 % comme condition de validité de ces accords. Qui peut le plus peut le moins : c’est peut-être le signe que la commission ne peut pas vraiment en contester le bien-fondé ! En tout cas, ces accords auront un impact certain sur la pérennité et le développement des entreprises.
Pour en revenir à notre amendement, je crois que la préoccupation que nous exprimons à l’égard de la rémunération des salariés est partagée dans l’ensemble de l’hémicycle. Nous estimons indispensable d’inscrire dans la loi, quels que soient le nom et la finalité que l’on donne aux accords, qu’il s’agisse du maintien, de la préservation ou du développement de l’emploi, le fait que ces accords ne peuvent pas avoir pour effet de diminuer la rémunération des salariés.
Avec l’amendement qu’elle a déposé un peu tardivement, la commission semble finalement rejoindre cette préoccupation, à deux nuances près, mais d’importance : seuls les salaires égaux ou inférieurs à 1,2 SMIC seraient réellement préservés, et ce uniquement dans le cadre d’un accord de développement de l’emploi ! Le moins que l’on puisse demander d’un accord de développement de l’emploi est en effet qu’il ne conduise pas à une diminution de salaire…
Quelle organisation syndicale osera signer un accord ayant pour effet de diminuer des rémunérations « pléthoriques » s’élevant à 1,3 ou 1,4 SMIC ?
Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale fixe un cadre qui préserve l’intérêt de l’entreprise et maintient la rémunération des salariés. Il faut faire confiance à la négociation collective pour une application intelligente de ces dispositions.
Pour nous, le rôle des organisations syndicales est très précieux. Si tout est inscrit dans la loi, quelle bataille les syndicats mèneront-ils demain ? Suivre les transformations économiques et sociales, les accompagner en préservant au maximum non seulement les salariés, mais aussi l’outil de travail, nous semble indispensable. C’est notre rôle à nous tous ici.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et républicain appelle à voter cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 920 rectifié, présenté par Mme Malherbe, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’accord mentionné au premier alinéa du présent article ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié.
Cet amendement a été précédemment défendu.
L’amendement n° 1017, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’application des stipulations d’un accord de développement de l’emploi ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle des salariés.
II. – Alinéa 6
Après le mot :
accord
insérer les mots :
de préservation ou de développement de l’emploi
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’amendement vise à écrire noir sur blanc que « l’application des stipulations d’un accord de développement de l’emploi ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle des salariés ».
Les accords de préservation de l’emploi, quant à eux, reprennent le dispositif des accords de maintien de l’emploi, les AME, puisqu’il a vocation à s’éteindre.
M. le président. L’amendement n° 351, présenté par Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, cet accord peut être négocié par des représentants élus mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans les conditions prévues aux articles L. 2232-21 et L. 2232-21-1 ou, à défaut, par un ou plusieurs salariés mandatés mentionnés à l’article L. 2232-24.
La parole est à Mme Stéphanie Riocreux.
Mme Stéphanie Riocreux. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Le texte issu de l’Assemblée nationale prévoit qu’un accord d’entreprise puisse être négocié par des représentants élus, mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales, dans les entreprises dépourvues de délégué syndical. Pour certains, le mandatement serait pourtant un épouvantail qui aurait pour effet de faire surgir dans une entreprise où régnaient jusqu’alors l’harmonie et la sérénité une horde de syndicalistes venant semer le trouble et la désolation ! (Sourires.) Cette image est à peine caricaturale (Nouveaux sourires.) de la manière dont certains – ils sont de plus en plus rares, fort heureusement ! – envisagent le dialogue social avec les organisations syndicales.
Le texte de la commission prévoit de remettre la capacité de négociation du côté des salariés entre les mains de délégués du personnel, ou de maintenir la procédure actuelle de validité des accords à 30 %, sauf exercice du droit d’opposition. Cette solution n’est ni raisonnable ni de nature à préserver la cohésion de tous les acteurs de l’entreprise, surtout dans le cas d’un accord de maintien de l’emploi. Un accord de cette nature est complexe sur le plan à la fois juridique et économique.
Nous l’entendons depuis ce matin dans cet hémicycle : la négociation nécessite des compétences particulières et, le cas échéant, une certaine expertise. Les délégués du personnel, quelles que soient leur bonne volonté et leurs capacités, pourraient se retrouver en difficulté. La procédure envisagée par la commission pourrait alors se révéler source de confusion et de contentieux. Ce n’est pas la bonne manière de faire avancer la cause du dialogue social.
Vous l’avez rappelé, madame la ministre, le mandatement est l’un des moyens de faire progresser un dialogue social actif et responsable et le groupe socialiste et républicain vous soutient dans cette démarche. Nous proposons donc de rétablir le texte issu de l’Assemblée nationale, qui est plus opérationnel que celui de la commission des affaires sociales.
M. le président. L’amendement n° 1036, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les deux occurrences des mots :
dans les conditions
par les mots :
par les personnes
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 892 rectifié, 350 et 920 rectifié, qui visent à rétablir le texte du Gouvernement tel qu’issu de l’Assemblée nationale. Elle émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 351.
Par cohérence avec les travaux conduits le 1er juin dernier et la réécriture partielle de l’article 11, elle a par ailleurs déposé les amendements nos 1017 et 1036.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 892 rectifié, parce que nous souhaitons bien différencier les AME des accords en faveur de l’emploi, notamment en ce qui concerne la clause relative aux « graves difficultés économiques ».
Le Gouvernement émet également un avis favorable sur les amendements nos 350 et 920 rectifié, même si ces amendements sont moins complets que l’amendement précédent. Il est en outre favorable à l’amendement n° 351.
En revanche, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 1017 car, comme je le disais, nous souhaitons vraiment distinguer les AME des accords en faveur de l’emploi. Le régime des AME a été fixé par les partenaires sociaux et constitue un engagement à leur égard après la conclusion de l’accord national interprofessionnel, l’ANI, de 2013. Pour nous, la clause relative aux « graves difficultés économiques » différencie les deux types d’accords.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 1036, car les accords de développement de l’emploi doivent être conclus dans le cadre du mandatement syndical.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l’amendement n° 892 rectifié.
M. Dominique Watrin. Mon explication de vote sera globale, car deux propositions différentes ont en réalité été formulées en matière de maintien de la rémunération mensuelle des salariés dans le cadre de ces accords de préservation et de développement de l’emploi.
En effet, M. le rapporteur propose que le maintien de la rémunération ne soit garanti que dans le cadre des accords de développement de l’emploi, alors que nos collègues du groupe socialiste et républicain et du groupe du RDSE proposent de ne pas distinguer entre les accords de développement de l’emploi et ceux de préservation de l’emploi.
Quelle que soit la formulation, les garanties sont, de notre point de vue, insuffisantes.
Je donnerai l’exemple, dans mon département, des salariés de la Française de mécanique, société qui appartient au groupe PSA.
Depuis trois ans, chaque salarié a perdu des milliers d’euros en raison du gel des salaires, de la fin du treizième mois et du blocage, voire de la disparition des primes. Malgré tous les sacrifices consentis, et bien que la situation du groupe se soit redressée, ces mesures extrêmement sévères s’appliquent toujours.
Mme la ministre nous a expliqué que la rémunération mensuelle d’un salarié comprenait son salaire et les cotisations sociales de base. Par conséquent, je ne vois pas bien ce que la formulation proposée apporterait aux salariés comme garantie. Le gel des salaires continuerait à s’appliquer, les salariés ne toucheraient toujours pas leurs primes, pas plus que leur treizième mois.
Je rappelle que l’entreprise dont je parle a retrouvé des marges de compétitivité et que son chiffre d’affaires est même en hausse de plus de 6 %. Pourtant, des accords continuent à s’appliquer, ce qui expose les salariés à de nombreux sacrifices.
C’est pourquoi nous ne voterons pas les différents amendements en discussion commune.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. J’ai bien noté que Mme la ministre considérait que l’amendement n° 892 rectifié était plus complet que l’amendement n° 350. C’est pourquoi je vais le retirer.
M. le président. L’amendement n° 350 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 892 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 342 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 133 |
Contre | 207 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 920 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1017.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 343 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 145 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 351.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 344 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 134 |
Contre | 207 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 1036.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 647, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
Supprimer le mot :
individuel
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Si un employeur engage une procédure de licenciement à l’encontre d’un salarié ayant refusé l’application d’un accord de préservation et de développement de l’emploi, la procédure se fera selon les règles applicables au licenciement individuel pour motif économique. En l’état actuel du texte, la situation est donc beaucoup moins protectrice pour le salarié que pourrait l’être un éventuel licenciement économique collectif.
En effet, dans le cas d’un licenciement individuel pour motif économique, l’employeur n’a pas l’obligation de négocier avec les délégués du personnel. Les informations reçues par le salarié licencié seront insuffisantes – elles seront en tout cas moindres – pour permettre à ce dernier de se défendre correctement.
Combien de salariés, aujourd’hui, connaissent suffisamment leurs droits pour être capables de négocier seuls ? Sans l’appui des organisations syndicales, il est souvent difficile, voire impossible pour eux de le faire.
Sans modification de la rédaction du texte, cette disposition viendrait casser la logique apparente défendue par le Gouvernement sur les accords de préservation et de développement de l’emploi, qui, comme leur nom l’indique, sont censés être des « accords » collectifs, reposant sur une volonté commune des deux parties. On pourrait effectivement voir dans la mesure une quasi-sanction à l’encontre d’un salarié refusant l’accord, le laissant seul à même de se défendre.
C’est pourquoi nous proposons la suppression du terme « individuel ». Cette modification permettrait de mettre en œuvre une logique plus protectrice pour les salariés, sans pour autant négliger les situations individuelles exigeant des clauses spécifiques. Elle offre surtout la garantie d’une plus grande démocratie sociale dans l’entreprise, une démocratie sociale accessible à tous et bénéfique pour tous !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La procédure s’apparente à celle d’un licenciement individuel pour motif économique, mais le motif, en lui-même, n’est pas individuel. Il s’agit donc, comme précisé par le texte, d’un licenciement sui generis.
Si tel n’avait pas été le cas, effectivement, certaines obligations se seraient imposées à l’employeur – par exemple, les obligations relatives à la mise en œuvre d’un PSE, pour plus de dix salariés concernés. Or, on le sait, les mesures de cette sorte font office de verrous et n’incitent pas à la conclusion d’accords.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il est également défavorable.
Effectivement, nous avons retenu un certain parallélisme avec les accords de maintien de l’emploi, d’où, notamment, l’absence de mise en œuvre d’un PSE si plusieurs salariés refusent. Cela, d’ailleurs, correspond aussi à une demande formulée par les partenaires sociaux dans le cadre de l’ANI de 2013.
Pour autant, nous avons veillé à instaurer de nombreuses garanties, en particulier en termes d’accompagnement spécifique. L’ensemble de ces mesures est détaillé dans l’article 11 du projet de loi et nous avons déjà eu l’occasion d’échanger sur la question.
M. le président. L’amendement n° 307 rectifié, présenté par MM. Tourenne, Vaugrenard, M. Bourquin et Lalande, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, M. Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer les mots :
peut prévoir
par le mot :
prévoit
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. L’objet de cet amendement, dont M. Jean-Louis Tourenne est premier signataire, est une évidence : comment peut-on espérer faire accepter par des salariés un accord de préservation ou de développement de l’emploi, par lequel ils consentent des sacrifices, si leurs efforts ne sont pas partagés par les dirigeants et les actionnaires ?
Nous proposons donc de rendre obligatoire, et non facultative, la clause précisant les conditions dans lesquelles les dirigeants et les actionnaires fournissent des efforts proportionnés à ceux des salariés.
Cette clause est d’autant plus nécessaire, notamment dans les grandes entreprises, que les rémunérations fixes comme variables des dirigeants sont régulièrement l’objet d’étonnement et de commentaires peu amènes. C’est pourquoi, d’ailleurs, le Gouvernement a entrepris dans le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique – le projet de loi Sapin II – d’obliger à tout le moins les conseils d’administration à tenir compte des votes des assemblées générales.
La presse économique s’est aussi fait l’écho d’entreprises importantes qui exigent des efforts des salariés au nom de la compétitivité, mettent en place des plans de licenciement et, parallèlement, augmentent les dividendes annuels et les rémunérations des dirigeants de 20 % ou 30 %. Dans le même temps, dans les TPE et PME de nos territoires, les efforts sont partagés par tous, avec des dirigeants qui travaillent beaucoup et ne sont en rien des privilégiés.
L’opinion ne comprendrait pas que les efforts ne soient pas partagés dans toutes les entreprises par les dirigeants et les actionnaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
À nos yeux, l’alinéa 13 de l’article 11, tel qu’il est rédigé, ouvre une voie facultative que certaines entreprises emprunteront sans aucun doute pour obtenir la signature d’un accord. L’expérience des AME nous montre, a contrario, que la présence de nombreux verrous a pu parfois décourager la signature d’accords.
Mme Nicole Bricq. La mesure proposée n’est pas un verrou !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Attendons les explications du Gouvernement, madame Bricq, avant de trancher définitivement la question.
La commission, je le précise, a ajouté une clause de retour à meilleure fortune pour les salariés. Nous considérons avoir trouvé là une disposition qui leur est favorable, leur permettant de recueillir des fruits de leurs efforts. Si on leur demande de « se serrer la ceinture », soit pour sauver l’entreprise, soit pour conquérir de nouveaux marchés, ils doivent en « voir la couleur » à un moment donné ! Ce dividende du salarié, en quelque sorte, ne semblerait absolument pas volé !
Votre avis, madame la ministre, serait très précieux pour éclairer le vote à venir.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. La position du Gouvernement est alignée sur celle de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, qui avait émis un avis défavorable sur une proposition identique à celle qui est avancée par les auteurs de cet amendement, laissant le choix aux partenaires sociaux de fixer les contreparties à mettre en œuvre dans le cadre de l’accord.
Dans le texte soumis au 49.3, nous avons repris les termes « peut prévoir », sachant que c’est la question de la proportion qui a fait l’objet d’un débat au sein de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, puisque, contrairement aux AME, nous ne sommes pas, ici, dans une situation de graves difficultés économiques.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Peut-être le groupe socialiste, eu égard aux explications de Mme la ministre, accepterait-il de retirer son amendement…
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Nous n’avons pas l’intention de retirer notre amendement.
J’entends l’argumentation du rapporteur, qui diffère de celle de Mme la ministre. Effectivement, les AME n’ont pas donné les résultats escomptés, tant le dispositif avait été corseté, mais cette disposition n’est pas de celles qui ont bloqué.
Mme la ministre donne, quant à elle, une autre explication, que je comprends du reste : le fait que l’accord « puisse prévoir » laisse une marge de négociation, notamment aux organisations syndicales, pour demander des efforts proportionnés des dirigeants et actionnaires en guise de contrepartie.
Toutefois, au moment où nos collègues députés ont mené leurs travaux en commission des affaires sociales, nous n’avions pas encore connaissance de certains excès, révélés par la suite, en matière de rémunérations, notamment variables, d’où, d’ailleurs, la disposition prévue dans le projet de loi Sapin II, et rappelée tout à l’heure par M. Yves Daudigny.
Franchement, il serait très difficile pour nous de retirer cet amendement. Si des efforts doivent être demandés, ils doivent être fournis par tous, y compris par les dirigeants !
Vous dites, monsieur le rapporteur, avoir inséré une clause de retour à bonne fortune. Cette clause, que vous appliquez aux salariés, peut parfaitement l’être aux dirigeants ! Je ne vois rien de choquant à cela. Mais là, nous sommes, non plus dans votre philosophie, mais dans celle que nous partageons avec Mme la ministre !
Donc, nous ne souhaitons pas retirer cet amendement, dont la charge symbolique est très forte.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Nous avons adopté un certain nombre d’amendements en faveur d’accords dits « offensifs ». Le terme est dur, mais c’est bien ce que nous avons voté.
Pour l’image du Sénat, il serait regrettable que nous assortissions ces efforts financiers qui vont être demandés aux salariés d’un rejet de l’amendement de nos collègues socialistes.
C’est un problème d’affichage, mes chers collègues. Nous donnerions une bien mauvaise image au public, si nous demandions aux salariés de réaliser un certain nombre d’efforts pour essayer de sauver leur entreprise, sans avoir la même exigence vis-à-vis des employeurs et des actionnaires.
C’est pourquoi, à titre personnel, je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je me réjouis que les socialistes n’aient pas retiré leur amendement, que je m’apprêtais à reprendre. Je suis tout à fait satisfait de constater qu’ils jugent normal d’envisager une modulation des rémunérations des patrons, dès lors que les salariés sont aussi mis à contribution, afin que chacun participe à l’effort général.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 307 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que la commission a souhaité connaître l’avis du Gouvernement, et que celui-ci est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 345 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 158 |
Contre | 184 |
Le Sénat n’a pas adopté.
M. Yves Daudigny. Regrettable !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Dites-le au Gouvernement !
M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos 449 rectifié et 879 rectifié sont identiques.
L’amendement n° 449 rectifié est présenté par Mmes Billon et Lamure, MM. Bouchet, Canevet, Cadic, Danesi et Adnot, Mmes Deromedi et Primas et M. Vaspart.
L’amendement n° 879 rectifié est présenté par Mme Aïchi et M. Labbé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 17 à 23
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° 449 rectifié.
M. Olivier Cadic. Cet amendement, soutenu par plusieurs membres de la délégation aux entreprises, tend à supprimer la nouvelle obligation, évidemment à la charge de l’employeur, de payer un expert-comptable pour assister les délégués syndicaux, ou équivalents, dans la négociation des accords défensifs ou offensifs.
C’est encore une nouvelle contrainte de gestion que l’on fait peser sur l’employeur alors que la priorité de ce dernier, dans le contexte de l’article 11, est par définition de préserver ou développer l’emploi. Ces alinéas préservent certes l’emploi des experts-comptables, mais pas nécessairement celui des salariés des entreprises concernées !
En outre, on peut s’interroger sur le choix de cette profession par rapport à d’autres, notamment juridiques, qui auraient certainement une expertise très légitime à apporter à des délégués syndicaux soucieux d’avoir les meilleurs conseils pour négocier au mieux.
Au-delà de cette appréciation de bon sens, une telle disposition nous semble contraire au respect des règles de concurrence du droit européen.
Pour toutes ces raisons, il nous a semblé judicieux de proposer la suppression de ces alinéas 17 à 23.
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour présenter l’amendement n° 879 rectifié.
Mme Leila Aïchi. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 17 à 23 de l’article 11, ayant pour objet, effectivement, de créer une nouvelle situation de monopole au profit des seuls experts-comptables pour assister les délégués syndicaux ou, à défaut, les élus ou les salariés mandatés dans la négociation des accords sur l’emploi.
Il s’agit, d’après nous, d’une atteinte au périmètre du droit. L’article 11 tend à instaurer, au profit des experts-comptables, un monopole d’assistance qui n’est nullement justifié par l’intérêt général ou par l’intérêt des salariés, et qui, en tout état de cause, dépasse le périmètre d’intervention des experts-comptables, même à titre accessoire.
Alors que la question des accords sur l’emploi est exclusivement d’ordre juridique, il est totalement incompréhensible que le monopole juridique créé le soit au profit d’une profession non juriste.
De surcroît, ces dispositions engendrent une distorsion de concurrence entre les experts-comptables et les autres professionnels, notamment ceux qui sont habilités à intervenir en qualité de conseil juridique à titre principal dans les conditions fixées par les dispositions du titre II de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
Enfin, l’institution de droits exclusifs au profit des seuls experts-comptables, telle que prévue par ces alinéas, est contraire à l’intérêt des délégués syndicaux, des élus et des salariés mandatés. Ces derniers sont ainsi privés de la possibilité de recourir à l’expert le plus adapté à leur besoin d’assistance, notamment dans les domaines juridiques ou techniques, les experts-comptables ne pouvant intervenir que dans le périmètre restreint de leurs compétences.
M. le président. L’amendement n° 1020, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer les mots :
élus ou les salariés mandatés mentionnés
par les mots :
personnes mentionnées
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 83, 101 rectifié, 112 rectifié, 131 rectifié, 174, 878 rectifié et 897 rectifié sont identiques.
L’amendement n° 83 est présenté par M. Courteau.
L’amendement n° 101 rectifié est présenté par Mme Des Esgaulx et M. Pierre.
L’amendement n° 112 rectifié est présenté par M. Godefroy, Mmes Emery-Dumas et Génisson et M. Tourenne.
L’amendement n° 131 rectifié est présenté par MM. Daudigny et Bigot.
L’amendement n° 174 est présenté par MM. Montaugé et Cabanel.
L’amendement n° 878 rectifié est présenté par Mme Aïchi et M. Labbé.
L’amendement n° 897 rectifié est présenté par MM. Mézard, Amiel, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Ces sept amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 17
Remplacer les mots :
un expert-comptable
par les mots :
tout professionnel habilité
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 83.
M. Roland Courteau. En l’état, le projet de loi tend à instituer un monopole au profit des seuls experts-comptables pour assister dans la négociation les délégués syndicaux ou, à défaut, les élus ou les salariés mandatés.
Le présent amendement a pour objet de mettre en conformité cette faculté à se faire assister pendant les négociations par un tiers avec les stipulations du traité sur l’Union européenne, le principe général de liberté du commerce et de l’industrie, les dispositions de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et celles de l’ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable.
Le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, tend effectivement à créer une distorsion de concurrence entre les experts-comptables et les autres professionnels, notamment ceux qui sont habilités à intervenir en qualité de conseil juridique à titre principal.
Cette situation, caractérisant une rupture de concurrence, ne satisfait pas aux exigences de libre circulation des services et de libre et égale concurrence visées par le traité sur l’Union européenne, en ce qu’elle crée un monopole au profit des experts-comptables, qui n’est justifié ni par l’intérêt général ni par les intérêts du public.
Ainsi, l’expert-comptable se voit doté d’un monopole sur l’accompagnement des délégués syndicaux, des élus et des salariés mandatés dans les négociations des accords d’entreprise, sans considération des compétences et métiers dont les organisations syndicales ont besoin pour les accompagner dans ces processus de négociation.
Ces compétences peuvent être celles des experts-comptables dans le domaine économique et financier, mais aussi celles d’avocats, s’agissant des questions de droit, d’organisation et de négociation, ou de médiateurs assermentés, s’agissant de l’assistance à la négociation.
M. le président. Les amendements nos 101 rectifié et 112 rectifié ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 131 rectifié.
M. Yves Daudigny. Dans le cadre de cette nouvelle catégorie d’accords dits de préservation et de développement de l’emploi, l’article 11 tend à prévoir que le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués syndicaux, les représentants élus mandatés ou les salariés mandatés peuvent désigner un expert-comptable pour les assister dans la négociation.
Nous vous proposons, mes chers collègues, de ne pas limiter cette désignation aux seuls experts-comptables et de l’élargir à toute personne habilitée, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, la négociation d’un tel accord doit s’engager après l’établissement d’un diagnostic partagé entre l’employeur et les organisations syndicales de salariés, auxquelles ont été transmises toutes les informations nécessaires à cette appréciation.
Il s’agit ici, pour les représentants des salariés, d’envisager l’entreprise sous tous ses aspects, non seulement économiques, mais aussi juridiques et techniques. De même, l’assistance qui pourra leur être apportée dans la négociation ne se limite pas à la comptabilité de l’entreprise et comporte également une dimension de méthode, voire de médiation.
Il est donc de l’intérêt des représentants des salariés que puisse être désignée la personne dont le domaine de compétence leur paraît le plus adapté à la situation et le plus utile à la négociation.
En deuxième lieu, restreindre cette assistance à la seule profession des experts-comptables irait à l’encontre, semble-t-il, d’un certain nombre de dispositions, tant de la réglementation européenne que du droit interne.
Ont été évoquées, à cet égard, les règles du traité sur l’Union européenne relatives à la liberté du commerce et de l’industrie ; celles de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, qui autorisent les professions réglementées à donner des consultations juridiques relevant de leur activité principale ; celles, enfin, de l’ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable, selon laquelle les prestations de conseils ne peuvent être que l’accessoire d’une mission principale.
Pour toutes ces raisons, de droit et de fait, dans l’intérêt de l’ensemble des acteurs appelés à négocier, il nous paraît opportun de ne pas restreindre le domaine de l’assistance et du conseil auquel il peut être recouru.
M. le président. L’amendement n° 174 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Leila Aïchi, pour présenter l’amendement n° 878 rectifié.
Mme Leila Aïchi. Le présent amendement a pour objet de mettre en conformité la faculté à se faire assister pendant les négociations par un tiers avec les stipulations du traité sur l’Union européenne – à savoir le principe général de liberté du commerce et de l’industrie –, les dispositions de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et celles de l’ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable.
Ainsi, mes chers collègues, nous vous proposons d’élargir ce périmètre à tous les professionnels habilités.
Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi tend à créer une distorsion de concurrence entre les experts-comptables et les autres professionnels, notamment ceux qui sont habilités à intervenir en qualité de conseil juridique.
Cette situation, caractérisant une rupture de concurrence, ne satisfait pas aux exigences de libre circulation des services et de libre et égale concurrence visées par le traité sur l’Union européenne, en ce qu’elle crée un monopole au profit des experts-comptables qui n’est justifié ni par l’intérêt général ni par les intérêts du public.
Enfin, cette disposition est contraire à l’intérêt des délégués syndicaux, des élus et des salariés mandatés, dans la mesure où ces derniers sont privés de la possibilité de recourir à l’expert le plus expérimenté et le mieux adapté à leurs besoins.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 897 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement est largement défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Les amendements identiques nos 449 rectifié et 879 rectifié visent à supprimer la possibilité, pour les négociateurs représentant les salariés, de bénéficier de l’expertise d’un expert-comptable.
Le sujet, je le sais, tient à cœur à Olivier Cadic, qui l’a défendu dans le cadre des travaux de la commission.
L’accord dont il est question ici, qu’il soit offensif ou défensif, revêt une grande importance. Il sera, d’une certaine manière, fondamental pour les trois ou quatre années qui vont suivre dans l’entreprise.
Il semble donc essentiel que les salariés puissent se forger une idée précise de la situation et du diagnostic établi, au regard des éléments transmis par l’employeur, et puissent, dans ce cadre, bénéficier de l’aide d’un expert. Il y va de la loyauté du dialogue, mais cette assistance est certainement aussi de nature à faciliter la conclusion d’un accord.
Au terme d’un débat animé, dans lequel Olivier Cadic a défendu ses convictions, la commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements nos 449 rectifié et 879 rectifié.
Les amendements suivants sont relatifs à la nature précise des experts auxquels on pourrait avoir recours.
Le texte proposé par le Gouvernement précise : « afin d’assister dans la négociation les délégués syndicaux ou, à défaut, les élus ou les salariés mandatés mentionnés au dernier alinéa du I, un expert-comptable peut être mandaté ».
La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ce point, étant entendu, néanmoins, que les AME – lesquels ont tout de même inspiré, en partie, la rédaction de l’article 11 – prévoyaient bien la possibilité d’une assistance par un expert-comptable. Aucune autre profession n’était citée, et l’on n’avait pas retenu un terme générique, comme « professionnel habilité ».
Depuis le début, mes chers collègues, nos discussions sur cet article 11 témoignent du travail réalisé par la commission, un travail d’unification des régimes – dans le cadre de cet article – qui nous a conduits à importer un certain nombre de dispositions issues des AME.
Voilà pourquoi le recours spécifique à un expert-comptable ne nous paraissait pas extravagant, mais nous souhaitons tout de même recueillir l’avis du Gouvernement sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Ce dispositif a été choisi par les partenaires sociaux dans le cadre de l’ANI du 11 janvier 2013 sur la sécurisation de l’emploi. Dans cet accord, les partenaires sociaux ont décidé de confier à un expert-comptable la compétence à la fois pour accompagner les comités d’entreprise dans la négociation sur les orientations stratégiques, mais également pour assister les élus dans les procédures de licenciement économique et pour accompagner les syndicats qui signent un accord de maintien de l’emploi. Il s’agit donc d’un parallélisme des formes par rapport aux AME.
J’ai interrogé de nouveau les organisations syndicales sur le recours à l’expert-comptable après le dépôt des amendements. Elles ont clairement exprimé leur choix. Il n’est donc pas exact de dire que celui-ci est contraire à leurs intérêts.
Ce choix est-il justifié ? Lorsque nous avons abordé précédemment la question du diagnostic partagé, nous avons constaté que la mission d’accompagnement des organisations syndicales dans le cadre des accords de développement de l’emploi exigerait des compétences avant tout comptables et financières.
L’enjeu principal est de bien comprendre tous les éléments d’ordre économique, financier et social que fournira l’employeur – nous avons eu le débat tout à l’heure sur le délai d’un mois –, en amont de la négociation, afin d’apprécier la situation de l’entreprise. C’est en tout cas la volonté qui a été clairement exprimée par les organisations syndicales. Le diagnostic partagé, je le redis, est le point crucial et l’enjeu véritable de ce débat. Les quelques exemples que nous avons cités en attestent. C’est aussi pourquoi les compétences requises sont plutôt financières et comptables.
J’entends bien tous les arguments qui ont été invoqués. Toutefois, ouvrir cet appui à d’autres professionnels comme des avocats, qui sont tout à fait légitimes en matière d’expertise juridique, n’est pas l’enjeu principal. Je rappelle enfin que rien n’empêchera les syndicats ou le comité d’entreprise de faire en outre appel à d’autres professionnels s’ils l’estiment nécessaire à tel ou tel moment de la négociation.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble des amendements.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. J’ai deux soucis. Le premier me fait sourire, mais il est grave.
Nous sommes soumis à une déontologie qui exige la présentation de nos intérêts lors d’un vote. Or j’ai un intérêt très fort dans ce vote, ayant – depuis longtemps – une épouse avocat – également depuis longtemps. Si je prends position pour ces amendements, ce que je crois légitime, d’aucuns risquent de me reprocher une confusion d’intérêts, me reprochant de voter pour préserver la paix du ménage… C’est un vrai sujet.
M. Jean Desessard. Du moment que vous le reconnaissez…
M. Gérard Longuet. Sur le fond, et plus sérieusement, je regrette votre position, madame la ministre, car elle donne le sentiment que seule Secafi-Alpha a la possibilité d’intervenir dans l’évaluation.
Je comprends très bien que les syndicats soient attachés à cette organisation et à quelques autres cousines, mais, très honnêtement, je pense que nous pourrions étendre cette mission de conseil à d’autres compétences. En effet, bien des entreprises en difficultés ont été sauvées par des avocats, qui sont devenus de vrais professionnels, ou par des salariés de sociétés, investisseurs financiers de retournement, qui sont aussi de vrais professionnels. Les experts-comptables ont en général une vue rétrospective parfaite – c’est d’ailleurs leur raison d’être –, mais pas nécessairement une vue prospective, car les business plans sont établis plutôt par les financiers qui prennent des risques sur des projets.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Cette querelle entre les gens du chiffre et les gens du droit est bien connue.
M. Gérard Longuet. Ce n’est pas une querelle, c’est un vrai débat !
Mme Nicole Bricq. Les barreaux, qu’il s’agisse du Conseil national ou des barreaux dans les départements, ont agi auprès des sénateurs. Pour notre part, nous avons expérimenté la situation lors de l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, à l’issue duquel les avocats l’ont emporté sur les experts-comptables.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Hélas !
Mme Nicole Bricq. Donc, nous connaissons le sujet.
Si j’interviens en explication de vote sur ces amendements, c’est parce que nous sommes confrontés à une question récurrente : le coût des experts-comptables et celui des expertises techniques à la charge de l’employeur, dont il ne peut réclamer le remboursement au comité d’entreprise. Même si l’expertise demandée par un CHSCT est annulée, c’est l’employeur qui est tenu de la prendre en charge.
Cette question revient très régulièrement, car des sommes importantes sont en jeu. Ces expertises ont effectivement un coût très élevé et nécessitent souvent des contre-expertises techniques.
M. Cadic invoque à l’appui de son raisonnement le monopole syndical pour justifier que l’entreprise soit déchargée du coût de l’expertise. Or, lorsque nous avons discuté du monopole syndical, cher collègue, vous aviez affirmé que vous étiez contre. Vous voulez donc gagner sur les deux tableaux. C’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas du tout d’accord avec l’objet de ces amendements, qui visent notamment à avantager les avocats. Au nom du groupe socialiste, je ne les voterai pas.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Je pensais, et je pense toujours, avoir présenté une argumentation cohérente et solide. Néanmoins, au vu des éléments présentés à son tour par Mme la ministre avec beaucoup de clarté et de cohérence, comme à son habitude depuis une semaine, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 131 rectifié est retiré.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je remercie M. le rapporteur d’avoir rappelé mes convictions. Celles-ci n’ont pas changé, bien que j’aie entendu l’argumentaire de Mme la ministre. (Sourires.)
Madame Bricq, vous aviez très bien commencé avec la question du coût sur laquelle nous sommes tout à fait d’accord avec vous et qui motive, pour partie, cet amendement. Je regrette juste que vous n’ayez pas tout à fait compris la question du monopole. Ce qui était en cause, ce n’était pas le monopole syndical.
Mme Nicole Bricq. Dans ce cas, il ne faut pas le faire figurer dans l’objet de votre amendement !
M. Olivier Cadic. C’était le fait que cette question soit réservée aux experts-comptables, comme l’ont également souligné d’autres intervenants.
Comme l’a rappelé à juste titre Gérard Longuet, il n’est pas opportun de réserver cette assistance aux experts-comptables, afin qu’ils revérifient en fin d’année les comptes des entreprises avec les bilans. Tout le monde a conscience des dérives qui peuvent en résulter…
Mme Nicole Bricq. Alors, vous êtes pour les syndicats et non pour les avocats ! Vous aggravez votre cas.
M. Olivier Cadic. … et qui sont aussi très régulièrement contestées par les entreprises.
Nous pouvons ne pas être d’accord, madame Bricq, et je respecte votre avis. Seulement, nous voterons différemment.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. J’ai écouté avec attention ce débat. Permettez simplement à un ancien professionnel qui n’exerce plus d’apporter un éclairage concernant la terminologie employée.
Beaucoup de choses ayant été dites, je me contenterai d’insister sur deux formulations.
En premier lieu, les conseils juridiques n’existent plus, Gérard Longuet l’a parfaitement expliqué. Cette profession a été supprimée et fondue dans l’ordre des avocats. En conséquence, dans un amendement ou dans une explication, n’employons plus ces termes.
En second lieu, l’expression « professionnel habilité » ne veut rien dire : habilité par qui, par quoi, comment ? On ne peut que se référer à des professions réglementées. À ce propos, Mme Bricq a parfaitement raison, la querelle du chiffre et du droit est connue depuis de nombreuses années. J’y ai moi-même participé, mais dans la pratique, sur le terrain, les angles s’arrondissent.
Il convient d’évoquer également les experts judiciaires inscrits près les cours d’appel. Au sein de la section des experts judiciaires, se trouvent en effet des experts en diagnostic, c’est-à-dire des experts-comptables spécialisés ou d’autres experts spécialisés dans les diagnostics d’entreprise et qui ont été habilités par les cours d’appel.
À mon sens, dans certaines procédures particulières, l’expert-comptable qui aura été mandaté pourra légitimement s’appuyer sur un avocat pour aborder certains problèmes juridiques.
Enfin, les honoraires sont réglementés par des procédures très précises au sein de l’Ordre national des experts-comptables et soumis à des barèmes. À mon sens, une fois ce texte adopté, tant le Gouvernement que les partenaires sociaux devraient prendre contact avec le président du Conseil national de l’Ordre, afin de lui demander d’élaborer une norme sur les conditions d’intervention pour assister les partenaires sociaux et les comités d’entreprise dans le cadre de ce texte, et de fixer un barème en fonction des masses financières, par exemple. Cela serait de nature à rassurer tout le monde sur le plan financier.
Mme Nicole Bricq. C’est ce qu’ils font !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Les deux premiers amendements de cette liasse tendent à valoriser la diversité des experts. D’ailleurs, dans certaines entreprises où sévissent les éthers de glycols ou l’amiante, les experts toxicologiques seraient également bienvenus pour établir un bilan !
C’est pourquoi nous sommes assez favorables à la série d’amendements commençant par l’amendement n° 83 visant à favoriser la diversité, conformément au droit européen, et se terminant par l’amendement n° 878 rectifié.
Il en va différemment pour les deux premiers à propos desquels l’un de nos collègues a parlé au nom des avocats en disant qu’il n’avait pas de conflit d’intérêt,…
M. Gérard Longuet. Si, j’en ai un !
Mme Marie-Christine Blandin. … et un autre au nom des experts en disant qu’il n’exerçait plus. Puisque nous avons entendu les deux sons de cloches, les conflits d’intérêts n’existent plus… (Sourires.)
Je voulais juste insister sur un point. Ces deux premiers amendements qui tendent à réintroduire les avocats aux côtés des experts-comptables le font d’une drôle de manière : ils suppriment sept alinéas, dont ceux qui prévoient le financement de la mission des experts-comptables par l’entreprise. Il doit être possible de défendre la présence des avocats sans supprimer le financement de la mission d’expertise !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Qu’il n’y ait aucune méprise concernant les propos que j’ai tenus tout à l’heure, compte tenu de ce qu’a dit notamment M. Longuet.
Je reconnais bien évidemment le rôle d’accompagnement des avocats en matière de droit du travail ; je crois l’avoir déjà dit.
M. Gérard Longuet. Oui !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Mes propos faisaient davantage écho au débat que nous avons eu tout à l’heure sur la situation de l’entreprise et la question du diagnostic. C’est vraiment l’enjeu central, préalable indispensable pour instaurer un climat de confiance en vue de la négociation ultérieure.
L’appui d’un expert-comptable vise à permettre un constat objectif sur la situation de l’entreprise, qui constitue en ce sens une vraie garantie en matière de sincérité. Nous avons beaucoup parlé au cours de la journée de la loyauté et de la transparence. Or, à mes yeux, de cette intervention dépendra ensuite la sincérité de la démarche de la négociation.
Cela n’enlève rien au travail vraiment formidable que réalisent les avocats, notamment en matière de droit du travail,…
M. Gérard Longuet. Et d’autres !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … à côté d’autres intervenants, bien évidemment. Le choix des partenaires sociaux est décisif pour répondre à cet enjeu.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 449 rectifié et 879 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Compte tenu des explications de Mme la ministre, je retire l’amendement n° 83.
M. le président. L’amendement n° 83 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 878 rectifié et 897 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 648, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 25, seconde phrase
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
trois
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. L’article 11, sous bien des aspects, rend quasiment inutile la discussion de l’article 30 relative à la définition du licenciement économique que nous aurons plus tard, tant il permet de faciliter les plans de restructuration.
Il s’agit en effet, comme nous l’avons vu, d’aller encore plus loin que ce qui existe – c’est déjà difficilement supportable – en matière d’accords dits « de préservation de l’emploi », en permettant des suppressions massives d’emplois dans le cadre de grands groupes, comme Renault ou Peugeot. J’en ai fait la démonstration lors de mes interventions précédentes.
Le sujet qui nous préoccupe ici plus précisément est celui de la durée de validité de l’accord en question, qui est fixée, sauf accord collectif différent, à cinq ans, reprenant une orientation déjà imprimée dans le passé.
Signer les accords prévus par l’article 11, c’est, de fait, accepter que les salariés portent le risque industriel de leur propre entreprise, dont ils ne sont le plus souvent pas actionnaires, en conjuguant leurs efforts et leurs sacrifices pour faire en sorte qu’elle se redresse et puisse, selon la formule de l’article 11, « préserver et développer l’emploi ».
Nous aurons peut-être ici un débat sur les clauses de revoyure, mais cette possibilité n’est envisagée dans le présent projet de loi qu’à l’issue de l’accord. Donc, en l’état actuel du texte, les salariés pourront constater une reprise des dividendes, une augmentation parfois importante du chiffre d’affaires ou des bénéfices nets, à l’instar de ce qui s’est produit dans ma circonscription, comme je l’ai évoqué lors de mon intervention précédente, mais l’accord durera cinq ans ou s’appliquera pendant la durée qui a été fixée lors de sa négociation.
Nous restons opposés à ce dispositif et nous proposons maintenant, par un amendement de repli, de supprimer cette barrière en réduisant la durée de l’accord de cinq ans à trois ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Il s’agit en fait de modifier la durée supplétive de l’accord prévu à l’article 11, si les négociateurs n’ont pas d’eux-mêmes prévu de limite, même si l’on peut légitimement penser que, sur des accords aussi importants, une durée sera négociée. Le texte initial du Gouvernement prévoyait un délai de cinq ans, tandis que M. Watrin et les membres du groupe CRC proposent trois ans. La commission ayant été assez sensible aux arguments en faveur d’une réduction du délai, elle a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous avons décidé, faute de précision dans l’accord, que celui-ci soit fixé pour une durée déterminée de cinq ans qui est la durée de droit commun de tous les accords collectifs, y compris les accords de maintien de l’emploi. Les partenaires sociaux peuvent convenir d’une durée plus courte ou plus longue. Cinq ans représentent une durée raisonnable, puisque la négociation de tels accords est nécessairement longue et qu’il faut prévoir une durée d’application de l’accord suffisante.
En définitive, nous nous alignons notamment sur la durée des AME, mais toujours en prévoyant la possibilité, pour les partenaires sociaux, de s’entendre sur une durée plus courte. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’entends bien que vous avez voulu fixer un délai de cinq ans, madame la ministre. Nous, nous souhaitons réduire cette durée à trois ans, car l’article 11 tend à permettre l’application de ces fameux accords offensifs aux salariés, même s’ils leur sont plus défavorables. En tout cas, ces accords s’inscrivent pleinement dans l’inversion de la hiérarchie des normes et l’abandon du principe de faveur, comme je vous le disais.
Dans la mesure où ces accords peuvent aller bien en deçà de la loi, il nous semble important que leur durée de vie maximale ne dépasse pas trois ans, d’autant qu’aucune clause de revoyure n’est prévue. Cela signifie que, pendant ces trois ans, l’entreprise continue de connaître des difficultés économiques. Même si l’entreprise reprend du « poil de la bête » et recommence à tutoyer les bénéfices, parfois très importants, les accords offensifs sont maintenus et les salariés restent très défavorisés par cet accord.
Une durée de trois ans nous semble donc une bonne durée pour permettre à l’entreprise de se redresser. Aller au-delà reviendrait à placer les salariés dans une position très défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je soutiens l’argumentaire de ma collègue de l’Isère. Si c’est pour faire face à une situation conjoncturelle, la durée prévue pourrait être beaucoup moins longue. En l’espèce, ce droit est inscrit dans le dur pour cinq ans, ce qui est considérable. On n’en voit pas le bout ! J’apprécie donc la position de la commission à cet égard.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je vous invite à relire l’article 11 : « À défaut de stipulation de l’accord sur sa durée, celle-ci est fixée à cinq ans. » Lorsque l’accord arrive à expiration, il cesse de produire ses effets, tout en définissant des conditions de suivi et prévoyant des clauses de rendez-vous.
Je le rappelle, la durée de cinq ans est déterminée par défaut. Dans la mesure où ce sont les partenaires sociaux qui doivent, dans le préambule, poser les conditions de l’accord, c’est-à-dire présenter de manière succincte ses objectifs et son contenu, pourquoi ne les laissons-nous pas définir eux-mêmes la méthode et le calendrier ?
M. le président. L’amendement n° 210, présenté par MM. Tourenne, Antiste, Botrel, Carrère et Duran, Mme Génisson, MM. M. Bourquin et Jeansannetas, Mmes Jourda et Lienemann, MM. Montaugé et Lalande, Mme S. Robert et MM. Vaugrenard, Courteau, Durain et Madrelle, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 27
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le Gouvernement engage une réflexion visant à conserver au salarié concerné par un licenciement économique, le statut de salarié, en examinant les possibilités de rester dans l’entreprise, le temps de sa formation qualifiante.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement est plutôt un amendement d’appel, mais il paraissait extrêmement important à certains de nos collègues, en particulier à Jean-Louis Tourenne.
On nous parle beaucoup, en France, de sécurité sociale professionnelle, mais nous ne sommes pas vraiment capables de trouver des mécanismes comparables à ceux qui ont cours en Allemagne, c’est-à-dire à assurer un « portage » dans l’entreprise pour que le salarié y demeure et conserve son statut, y compris dans les périodes difficiles comme un licenciement économique, afin de l’accompagner dans sa reconversion grâce à une formation qualifiante, par exemple. Cet amendement vise donc à ce que le Gouvernement engage une réflexion à ce sujet.
Il s’agit effectivement de trouver un nouveau modèle de sécurisation des parcours professionnels, sans que le salaire et la formation qualifiante soient, bien évidemment, à la charge de l’entreprise. Une partie de ces frais ou des cotisations nécessaires pourraient néanmoins faire éventuellement l’objet d’une négociation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a estimé qu’un dispositif d’accompagnement sur mesure, spécifique, était effectivement mis en place dans le cadre de l’article 11 pour accompagner les salariés qui ne s’inscriraient pas dans la dynamique de l’accord offensif ou défensif.
Ce dispositif est très proche du contrat de sécurisation professionnelle et semble relativement bien calibré. À ce propos, une question avait d’ailleurs été posée lors des débats en commission : ne serait-il pas contre-productif de maintenir dans l’entreprise le salarié en question à côté d’autres salariés qui auraient accepté l’accord ? Cela ne serait-il pas source de petites tensions internes ?
Cela étant, nous comprenons bien le sens de votre réflexion, madame la sénatrice, qui est d’aider le salarié concerné à garder du lien social, des relations et à rester en contact avec le monde de l’entreprise.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable, et ce pour plusieurs raisons.
Vous l’avez dit vous-même, madame la sénatrice, il s’agit d’un amendement d’appel, puisque cette situation est déjà prévue pour les salariés des grands groupes comptant plus de mille employés en Europe, qui demeurent liés contractuellement à l’entreprise durant leur congé de reclassement. Nous avons d’ailleurs porté la durée de ce congé de neuf à douze mois dans la loi du 6 août 2015.
Une telle charge ne peut être imposée aux PME et aux entreprises qui se trouvent actuellement en liquidation ou en redressement judiciaire, mais le contrat de sécurisation professionnelle que nous avons réformé l’année dernière apporte des garanties très importantes en termes d’accompagnement et d’accès à la formation.
Les salariés qui refuseront l’application de l’accord ne pourront pas rester salariés de l’entreprise. Tel était le sens du débat que nous avons eu sur l’intérêt collectif par rapport au contrat individuel. Toutefois, la loi prévoira, à juste titre, des garanties importantes, équivalentes au contrat de sécurisation professionnelle. Les salariés seront accompagnés individuellement et bénéficieront d’une indemnité spécifique en plus de l’indemnisation du chômage.
Vous avez raison, une réflexion plus large doit absolument être menée. Nous l’aborderons lors de la discussion autour du compte personnel d’activité, le CPA, en vue de mieux gérer les transitions et les ruptures professionnelles, car, j’en suis bien consciente en ma qualité de ministre du travail et de la formation professionnelle, la situation doit être améliorée dans notre pays. De ce point de vue, le compte personnel d’activité est un premier pas vers une meilleure gestion de ces transitions professionnelles.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Notre message, madame la ministre, va dans le sens de ce que vous indiquez sur la gestion des transitions professionnelles. Néanmoins, en France, une évolution tendancielle se dessine, puisque celles-ci ont souvent lieu hors de l’entreprise, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays. Je pense notamment au chômage partiel de salariés dont on pense qu’ils vont effectuer une transition professionnelle. Or ils sont tellement loin de l’entreprise qu’ils ont quittée ou des éventuelles entreprises qu’ils pourraient intégrer que, de toute façon, cette connexion ne se fait pas.
Certes, le CPA constitue plutôt une avancée, mais elle ne sera pas suffisante à mes yeux. J’ai néanmoins bien pris acte du souci du Gouvernement de poursuivre la réflexion en ce sens. C’était également la volonté de Jean-Louis Tourenne, qui est à l’origine de cet amendement. Notre collègue se mettra en rapport avec l’ensemble de vos services, madame la ministre, pour envisager la suite de cette réflexion.
M. le président. L’amendement n° 210 est retiré.
L’amendement n° 1021, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 28
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« L’adhésion du salarié au parcours d’accompagnement personnalisé emporte rupture du contrat de travail.
« Cette rupture du contrat de travail, qui ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis, ouvre droit à l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 et à toute indemnité conventionnelle qui aurait été due en cas de licenciement au terme du préavis ainsi que, le cas échéant, au solde de ce qu’aurait été l’indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement et après défalcation du versement de l’employeur mentionné à l’article L. 2254-6. Les régimes social et fiscal applicables à ce solde sont ceux applicables aux indemnités compensatrices de préavis.
II. – Alinéa 33
Après le mot :
proposer
insérer les mots :
, lors de l’entretien préalable,
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Cet amendement vise à clarifier le cadre juridique du parcours d’accompagnement personnalisé, le PAP, mis en place pour accompagner les salariés qui refusent l’application de l’accord offensif ou défensif. Le PAP est financé pour partie par l’employeur à partir des indemnités compensatrices de préavis. Il est précisé qu’il ne peut pas y avoir deux fois un versement pour l’employeur, l’un au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, l’autre au titre du PAP.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Bien que je sois opposée à la fusion des accords de maintien de l’emploi et des accords en faveur de l’emploi, je suis favorable aux modifications proposées. Elles permettent en effet de se rapprocher du contrat de sécurisation professionnelle – j’avais appelé l’attention de l’Assemblée nationale sur ce point – ; elles sécurisent les garanties apportées aux salariés qui refuseront l’accord. C’est une bonne chose.
M. le président. L’amendement n° 649, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
six
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à allonger la durée du versement de l’indemnité compensatrice de préavis. En effet, le refus de participer à l’accord peut être considéré comme un motif réel et sérieux de licenciement. Il faut donc prévoir, comme le fait l’alinéa 34 que nous proposons de modifier, les contours d’une allocation de reclassement destinée à dédouaner l’entreprise de ses difficultés et de ses obligations.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la dotation prévue est assez ridicule et ne permet pas d’engager un véritable parcours de réinsertion professionnelle. Au regard de la généralisation probable de ce type de rupture du contrat de travail, on semble ne pas avoir souhaité rendre les choses trop difficiles aux employeurs !
On peut donc penser que, demain, des licenciements interviendront, après qu’une provision, soigneusement constituée avec le produit du travail des salariés, aura été mobilisée pour financer les conséquences sociales d’un plan de préservation et de développement de l’emploi qui n’aura évidemment aucun lien avec la stratégie d’un quelconque groupe, si tant est que l’entreprise concernée soit ou non intégrée dans un groupe. Rappelons en outre que cette provision fait l’objet d’une réduction fiscale.
Vous comprendrez donc aisément, étant donné la fragilité du statut accordé au licencié pour cause réelle et sérieuse de refus de changement arbitraire de poste de travail, que nous souhaitions que les garanties accordées aux salariés concernés soient d’un montant plus important.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Elle souhaite s’en tenir, par homothétie, aux conditions de mise en œuvre des contrats de sécurisation professionnelle, qui prévoient également une durée de trois mois.
Par ailleurs, le bénéficiaire du dispositif est éligible au PAP sur une période largement plus longue : « Le bénéficiaire du dispositif d’accompagnement […] est placé sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle et perçoit, pendant une durée maximale de douze mois, une allocation supérieure à celle à laquelle le salarié aurait pu prétendre au titre de l’allocation d’assurance chômage… » Les modalités seront fixées par décret.
Un encadrement renforcé est bien prévu pour faciliter la transition professionnelle du salarié. Ce dispositif ne dure que douze mois, me rétorquerez-vous. Certes, nous souhaitons que, au bout de douze mois, la réorientation soit achevée et que le salarié ne reste pas trop longtemps « sur le quai ». Telle est l’intention de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, dont l’adoption pourrait pénaliser les salariés.
Pour établir ce dispositif, nous nous sommes calés sur le contrat de sécurisation professionnelle, qui, lui-même, a été décidé par les partenaires sociaux. L’adoption de cet amendement aurait pour conséquence de priver le salarié de la partie de l’indemnité compensatrice de préavis supérieure à trois mois de salaire, lorsqu’une convention ou un accord collectif de travail le prévoit. Certains salariés pourraient donc y perdre.
M. le président. L’amendement n° 1019, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 40
1° Supprimer le mot :
après
2° Remplacer le mot :
insérée
par les mots :
remplacée par
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Je tiens à répéter que cet article est lourd de conséquences. Outre ce que les membres de mon groupe et moi-même avons déjà dénoncé, les accords sur l’emploi constituent une véritable bombe.
Avec ce principe de préservation et de développement de l’emploi, les employeurs n’auront plus à justifier les licenciements par l’existence de graves difficultés économiques, d’un diagnostic partagé avec les syndicats, voire d’un engagement pour maintenir l’emploi. Quel magistrat pourra apprécier si un accord respecte bien ce nouveau critère, à savoir qu’il est signé « en vue de développer et de maintenir l’emploi » ? Faut-il rappeler ici, mes chers collègues, que l’on ne construit pas un code du travail sur la confiance ?
En outre, cet article est ni plus ni moins la reprise de l’accord « compétitivité emploi » que Nicolas Sarkozy n’avait pas eu le temps d’introduire dans le code du travail en 2011.
Au mois de mars 2015, le ministère du travail ne recensait, fort heureusement, qu’une dizaine d’accords dans toute la France. Le groupe Mahle-Behr qui fabrique des climatiseurs et des chauffages pour l’industrie automobile a signé l’un de ces accords. Cela n’a pas permis à l’entreprise de se redresser : les licenciements et investissements massifs dans des pays à bas coûts ont été de mise.
Il aurait donc été juste de ne pas poursuivre dans cette direction. Malheureusement, non seulement le Gouvernement ne rompt pas avec ce dispositif antisocial, mais il l’aggrave.
En résumé, M. Sarkozy en rêvait, M. Hollande l’a fait…
Mme Nicole Bricq. Là, ce n’est pas Hollande !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’article.
Mme Nicole Bricq. C’est à regret que nous voterons contre cet article, car nous étions favorables à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Selon nous, cet article donnait un équilibre au projet de loi, de manière générale. En effet, il permettait de s’adapter aux réalités économiques, tout en préservant les droits des salariés, voire en les augmentant.
La commission des affaires sociales l’a emporté et a modifié les règles de fond, au détriment des salariés. Nous sommes donc contraints de voter contre sa version.
M. le président. Je mets aux voix l’article 11, modifié.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe CRC, l’autre, de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 346 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 25 février 2015.
4
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 12.
Article 12
La deuxième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L’article L. 2122-4 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le périmètre des entreprises ou établissements compris dans le champ d’un accord de groupe est identique à celui d’un accord conclu au cours du cycle électoral précédant l’engagement des négociations, la représentativité des organisations syndicales est appréciée par addition de l’ensemble des suffrages obtenus dans ces entreprises ou établissements au cours du cycle précédant le cycle en cours.
« Dans le cas contraire, la représentativité est appréciée par addition de l’ensemble des suffrages obtenus lors des dernières élections organisées dans les entreprises ou établissements compris dans le périmètre de l’accord. » ;
2° L’article L. 2232-32 est ainsi modifié :
a) Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les organisations syndicales de salariés représentatives dans chacune des entreprises ou chacun des établissements compris dans le périmètre de l’accord sont informées préalablement de l’ouverture d’une négociation dans ce périmètre. » ;
b) Après le mot : « représentatives », sont insérés les mots : « à l’échelle de l’ensemble des entreprises ou établissements compris dans le périmètre de cet accord » ;
3° L’article L. 2232-33 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2232-33. – L’ensemble des négociations prévues par le présent code au niveau de l’entreprise peuvent être engagées et conclues au niveau du groupe dans les mêmes conditions, sous réserve des adaptations prévues à la présente section. » ;
4° L’article L. 2232-34 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2232-34. – La validité d’un accord conclu au sein de tout ou partie d’un groupe est appréciée selon les conditions prévues aux articles L. 2232-12 et L. 2232-13. Les taux de 30 % et de 50 % mentionnés aux mêmes articles sont appréciés à l’échelle de l’ensemble des entreprises ou établissements compris dans le périmètre de cet accord. La consultation des salariés, le cas échéant, est également effectuée dans ce périmètre. » ;
5° (Supprimé)
6° Le chapitre II du titre III du livre II est complété par une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« Accords interentreprises
« Art. L. 2232-36. – Un accord peut être négocié et conclu au niveau de plusieurs entreprises entre, d’une part, les employeurs et, d’autre part, les organisations syndicales représentatives à l’échelle de l’ensemble des entreprises concernées.
« Art. L. 2232-37. – La représentativité des organisations syndicales dans le périmètre de cet accord est appréciée conformément aux règles définies aux articles L. 2122-1 à L. 2122-3 relatives à la représentativité syndicale au niveau de l’entreprise, par addition de l’ensemble des suffrages obtenus dans les entreprises ou établissements concernés lors des dernières élections précédant l’ouverture de la première réunion de négociation.
« Art. L. 2232-38. – La validité d’un accord interentreprises est appréciée conformément aux articles L. 2232-12 et L. 2232-13. Les taux de 30 % et de 50 % mentionnés aux mêmes articles sont appréciés à l’échelle de l’ensemble des entreprises comprises dans le périmètre de cet accord. La consultation des salariés, le cas échéant, est également effectuée dans ce périmètre. » ;
« Art. L. 2232-39. – (Supprimé)
7° Après le chapitre III du titre V du livre II, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE III BIS
« Rapports entre les accords de groupe, les accords interentreprises, les accords d’entreprise et les accords d’établissement
« Art. L. 2253-5. – Lorsqu’un accord conclu dans tout ou partie d’un groupe le prévoit expressément, ses stipulations se substituent aux stipulations ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou postérieurement dans les entreprises ou les établissements compris dans le périmètre de cet accord.
« Art. L. 2253-6. – Lorsqu’un accord conclu au niveau de l’entreprise le prévoit expressément, ses stipulations se substituent aux stipulations ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou postérieurement dans les établissements compris dans le périmètre de cet accord.
« Art. L. 2253-7. – Lorsqu’un accord conclu au niveau de plusieurs entreprises le prévoit expressément, ses stipulations se substituent aux stipulations ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou postérieurement dans les entreprises ou les établissements compris dans le périmètre de cet accord. »
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l’article.
M. Dominique Watrin. L’article 12 ajoute un deuxième alinéa à l’article L. 2122-4 du code du travail, afin que toute négociation intervenant dans le même périmètre qu’un précédent accord de groupe signé soit soumise à la représentativité découlant du cycle électoral précédent, et non du cycle en cours.
Ainsi, lorsque le groupe est parvenu à obtenir la signature de syndicats dans le cadre d’un accord, il est assuré de pouvoir reprendre les mêmes interlocuteurs signataires pour éventuellement leur faire signer un nouvel accord sans risque de perdre ces interlocuteurs, même lorsque les derniers résultats électoraux ont pu changer la donne.
Il n’y a donc aucun risque que la sanction des urnes, en cas de mauvais accord signé, vienne empêcher le groupe de continuer à obtenir des mêmes syndicats la signature qui lui est nécessaire !
Alors que ce projet de loi prétend par ailleurs assouplir au maximum la possibilité de réviser des accords d’entreprise avec des syndicats qui n’en étaient pas signataires, mais sont devenus représentatifs lors de nouvelles élections, une telle disposition semble exagérée, sauf à révéler ce qu’est la négociation au niveau du groupe : un moyen de contourner les règles de la représentativité au sein des entreprises et de contourner les résultats électoraux pour obtenir plus facilement la signature d’accords.
Ce sont pourtant bien les résultats des dernières élections qui devraient seuls compter pour garantir la représentativité et ses enjeux dans le domaine de la négociation collective.
Les accords d’entreprise ou de groupe ne sauraient être le fruit de discussions entre partenaires choisis, voire initiés. Il est donc légitime, comme nous le proposons, de procéder à la suppression pure et simple de cet article.
Mme la présidente. L’amendement n° 51, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. L’article 12 comporte de nombreuses dispositions régressives en matière de négociation collective : appréciation de la représentativité dans les groupes fondée sur le cycle électoral précédent, possibilité pour l’accord de groupe de déroger aux accords de branche, primauté de l’accord de groupe sur l’accord d’entreprise.
Ces mesures portent en elles la remise en cause des droits des salariés, par des dispositifs surprenants, c’est pourquoi nous préconisons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales. J’aurai l’occasion de revenir sur le troisième alinéa de l’article L. 2122-4 lors de l’examen de l’amendement suivant.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression, puisque l’article 12 apporte une clarification. Jusqu’à présent, rien n’était véritablement écrit sur les accords de groupe, qui ont pourtant une véritable utilité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Cet article est très important pour permettre au dialogue social de mieux s’adapter à la réalité économique, et donc aux partenaires sociaux de mieux maîtriser les sujets en discussion. L’objectif est de favoriser la négociation de groupe. Vous le savez, la France compte de nombreux groupes, qui rassemblent près de 10 millions de salariés. Or le nombre d’accords conclus est particulièrement faible : on en a compté seulement 780 en 2014.
Il faut réintroduire davantage de démocratie à ce niveau. Les salariés y gagneront, y compris sur l’emploi, la formation, la gestion des compétences. On voit bien qu’en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, quelques accords de groupe ont été conclus.
Par ailleurs, cet article crée les accords interentreprises. Là aussi, l’enjeu est d’étendre à toujours plus de salariés d’entreprises le bénéficie de la négociation. Ces accords pourront par exemple couvrir des entreprises sous-traitantes ou encore promouvoir l’emploi au sein des filières.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 51.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 347 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 29 |
Contre | 311 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 651, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet article modifie la représentativité à l’échelon des groupes. Ainsi, toute négociation intervenant dans le même périmètre qu’un précédent accord de groupe signé sera soumise non pas à la représentativité issue du cycle électoral en cours, mais à celle du cycle précédent.
Cette mesure est assez contestable. Imaginons, mes chers collègues, que, après les élections sénatoriales du mois de septembre 2017, ceux qui ne seraient pas réélus continuent de siéger ici même, pendant que les sénateurs nouvellement élus attendraient que le cycle précédent se termine, à une date qu’ils ignorent.
Pour les salariés, soumettre la représentativité au cycle électoral précédent revient à leur dire que leur voix ne compte pas et que les résultats électoraux ne déterminent pas la représentativité d’une organisation. L’argument avancé, selon lequel cette disposition éviterait que des négociations se retrouvent bloquées du fait des représentants des salariés, marque un certain mépris à leur égard. Entendez-vous par là que la négociation d’accords passe avant la volonté des salariés ?
Cette mesure est également contestable pour les organisations syndicales. Vous affaiblissez leur légitimité issue des urnes, afin de satisfaire les employeurs désireux de conclure rapidement des négociations. Là encore, quelle légitimité pour les syndicats battus aux élections, qui retourneront à la table des négociations, et pour ceux qui les auront remportées, qui représentent de fait les salariés, mais qui, eux, ne pourront participer aux négociations ?
Madame la ministre, ce n’est pas ainsi que vous favoriserez le dialogue social.
Mme la présidente. L'amendement n° 230 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Bizet et Commeinhes, Mme Garriaud-Maylam, MM. César, Cambon, Cornu, Lefèvre et Vaspart, Mme Mélot, MM. Houel, Revet, P. Leroy et Mouiller, Mme Cayeux, MM. Dallier et Panunzi, Mmes Deromedi, Morhet-Richaud et Primas et MM. Trillard, Mandelli et Laménie, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un accord de groupe conclu dans les conditions prévues à l’article L. 2232-34 du code du travail peut définir d’autres modalités que celles prévues aux troisième et quatrième alinéas du présent article. » ;
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Cet amendement vise à permettre aux groupes qui ont choisi par accord de groupe de retenir une mesure de la représentativité syndicale différente du cycle électoral de continuer à le faire. Une telle possibilité présente un intérêt dans certaines situations où la vie de l'entreprise est modifiée, notamment lors d’une vente ou d’une fusion. Le cycle électoral a alors l'inconvénient de figer les résultats électoraux pour une longue période, alors que la représentativité ne correspond plus à la réalité de l'entreprise.
Le présent amendement tend donc à permettre aux groupes, par accord majoritaire, de retenir des règles différentes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a bien conscience que la rédaction de l’alinéa 3 de l’article 12 est perfectible. Pour autant, elle demande le retrait de l’amendement n° 651 ; à défaut elle émettra un avis défavorable.
Nous comprenons l’attachement de certains à la stabilité du périmètre pour les accords de groupe et leur souhait de trouver une synchronisation. Pour autant, le fait de recourir à une mesure d’audience datant du cycle précédent peut poser problème si le paysage syndical a changé entre-temps.
Pour ma part, je plaide pour que l’on affine la rédaction de l’article 12 au cours de la navette. Nous pourrions éventuellement – c’est une suggestion, non une proposition d’amendement – rédiger ainsi la fin de l’alinéa 3 : « la représentativité des organisations syndicales est appréciée par addition de l’ensemble des suffrages obtenus dans ces entreprises ou établissements pendant le cycle en cours. »
La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 230 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’exercice a été complexe, car la mesure de la représentativité syndicale nécessite d’assurer un équilibre entre deux impératifs. Il faut que la représentativité soit en phase avec l’expression réelle des salariés, mais également que le paysage syndical soit stable, afin qu’il soit propice à la négociation et au dialogue social.
Nous nous sommes appuyés sur l’arrêt de la Cour de cassation, laquelle a décidé en 2013 de privilégier la stabilité et la sécurité de la négociation collective en optant pour un système général de mesure de l’audience fondé sur la notion de cycle électoral. N'y voyez là aucune marque de mépris à l’égard des organisations syndicales. La Cour de cassation a en effet consulté les partenaires sociaux à cette occasion, lesquels, dans leur grande majorité, soutenaient cette position, dans une optique de stabilité de leur mission. Plusieurs élections peuvent avoir lieu au cours d’un même cycle et de façon différée. C’est toute la difficulté de l’exercice.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements, car des règles claires et codifiées sont nécessaires. C’est pour cela que nous avons codifié la jurisprudence de la Cour de cassation.
Mme la présidente. Madame David, l'amendement n° 651 est-il maintenu ?
Mme Annie David. J’entends les arguments de Mme la ministre et de M. le rapporteur.
Faisons alors en sorte soit de ne pas entamer, soit de conclure les négociations avant les élections. En 2017, au moment des élections sénatoriales, le Gouvernement évitera qu’un texte ne soit en navette au Parlement – en général, le Gouvernement préfère que tel soit le cas les années d’élection – ; à défaut, le Sénat fera avec les nouveaux élus. Essayons de faire de même s’agissant des élections syndicales, lesquelles sont prévisibles, comme les élections politiques, puisqu’elles ont lieu à échéance régulière. Il n’y a aucune surprise en la matière. Faisons en sorte qu’il n’y ait pas d’accord en cours au moment des élections et prévoyons de négocier avec les nouveaux élus, qui seront alors mandatés pour participer aux négociations de leur début à leur fin. Ne prévoyons pas de négocier avec des personnes qui ne représenteront plus les syndicats au sein des entreprises dans lesquelles elles travaillent.
Quoi qu’il en soit, nous maintenons cet amendement.
Mme la présidente. Madame Gruny, l'amendement n° 230 rectifié est-il maintenu ?
Mme Pascale Gruny. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 230 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 651.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 652, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer les mots :
ou établissements
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Dans la majeure partie des PME à faible représentation syndicale, les représentants du personnel, quand il y en a d’ailleurs, éprouvent des difficultés pour se faire entendre. Dans ces conditions, comment la majorité sénatoriale et le MEDEF peuvent-ils arguer que les salariés pourront négocier un accord à égalité avec l’employeur ?
Je regrette profondément, madame la ministre, que vous avanciez cet argument pour conclure des accords qui seraient gagnants-gagnants.
La prétendue égalité entre capital et travail n’est pas une idée nouvelle. L’existence d’une inégalité des parties au contrat de travail a enfin été reconnue au début du XXe siècle, lorsque le mouvement ouvrier a quelque peu mis à mal l’idéologie libérale de l’époque.
Le droit du travail, comme le souligne très justement Pascal Lokiec, professeur de droit social à l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, « s’est construit contre le dogme selon lequel tout ce qui ferait l’objet d’un contrat serait juste par nature ; or non, dans des rapports inégalitaires, ce qui est négocié n’est pas forcément juste. »
Nous sommes donc inquiets de constater que le code du travail, protecteur pour les salariés, est attaqué et que des accords singuliers, individuels, sont préférés, ce qui renforce le pouvoir de l’employeur, le salarié ne disposant plus des contreparties actuelles.
Pour atteindre cet objectif, on prévoit un périmètre d’accord plus favorable à l’employeur, au détriment de la représentativité syndicale, qui s’établit sur l’ensemble de l’entreprise.
Notre amendement s’inscrit en opposition à cette logique. C’est pourquoi nous vous proposons de l’adopter, mes chers collègues.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission ne voyait pas de problème s’agissant de la prise en compte des établissements. Le texte présenté initialement par le Gouvernement avait donc été validé sur ce point. L’article 12 place les entreprises et les établissements sur un pied d’égalité, ce qui nous paraissait assez logique.
La commission émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement. Cela étant dit, le Gouvernement a peut-être des éléments à nous soumettre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Même si je ne partage absolument pas le point de vue de Mme Cohen, j’émets un avis favorable sur l’amendement qu’elle a présenté. Le texte actuel prévoit que les syndicats représentatifs de l’ensemble des entreprises ou des établissements participeront aux négociations. C’est tout simplement la formule consacrée dans le code du travail.
Pour autant, on imagine mal qu’un accord de groupe puisse ne pas couvrir la totalité d’une entreprise. Comment s’articuleraient dans ce cas les différents niveaux de normes au sein des entreprises si une partie des établissements était couverte par l’accord et l’autre pas ?
Pour harmoniser les règles au niveau du groupe, les rendre applicables à toutes les entreprises de celui-ci et éviter toute ambiguïté sur la légitimité du périmètre de l’accord, je suis favorable à la suppression de la mention des établissements.
Mme la présidente. L'amendement n° 654, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La négociation interentreprises ne peut comporter des dispositions dérogatoires aux accords de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement applicables au sein des entreprises signataires, et ne doit pas contenir de dispositions relatives à un plan de sauvegarde de l’emploi, à la mobilité, à la préservation ou au développement de l’emploi, et aux instances représentatives du personnel au sein des entreprises. » ;
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Suivant les analyses du Syndicat des avocats de France, cet amendement vise à encadrer la négociation interentreprises que ce projet de loi entend développer.
Si ces nouvelles voies de négociation entreprises sans liens capitalistiques entre elles peuvent parfois présenter un intérêt sur le terrain, il est indispensable de restreindre les thèmes de négociation pouvant être ainsi traités. En effet, le déplacement du pouvoir normatif vers les entreprises et les groupes, sans encadrement et sans respect du principe de faveur, ouvre la voie à des stratégies de concurrence dont les salariés ne seront d’ailleurs pas les seules victimes, comme nous l’avons déjà souligné précédemment.
Nous pensons que la branche reste le niveau de négociation approprié pour lutter contre le dumping social et la concurrence débridée.
Tel est le sens de cet amendement de repli.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Si un accord est obtenu au niveau du groupe, c’est parce que les différentes parties ont trouvé un équilibre, respectueux des intérêts et des attentes des salariés. Finalement, ces accords de groupe qui s’imposent aux accords d’entreprise constituent une forme de hiérarchie des normes, le haut s’imposant au bas.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Nous pouvons le dire entre nous, demain, comme aujourd'hui, les entreprises ne négocieront pas de PSE ou d’accord de préservation de l’emploi sur un périmètre interentreprises, car elles risqueraient alors d’être requalifiées de co-employeurs.
Pour le reste, faisons confiance aux partenaires sociaux. Je note d’ailleurs que la CGT, dont j’ai rencontré des représentants vendredi, est plutôt favorable aux accords interentreprises. Ceux-ci permettent, par exemple – nous en avons souvent débattu –, à l’ensemble des salariés d’un groupe de bénéficier des actions sociales et culturelles. Ils apportent également des garanties aux entreprises sous-traitantes. C’est dans le cadre de tels accords que l’on peut améliorer certains points, notamment développer l’emploi dans une filière. Selon moi, ils constituent un véritable plus.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 32 rectifié est présenté par Mme Lienemann, MM. Godefroy, Cabanel et Durain et Mme Ghali.
L'amendement n° 655 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 21 à 26
Supprimer ces alinéas.
L’amendement n° 32 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l'amendement n° 655.
M. Dominique Watrin. Les alinéas 21 à 26 de l’article 12 prévoient que toutes les négociations obligatoires peuvent se tenir au niveau du groupe.
Un accord de groupe pourra prévaloir, s’il le prévoit expressément, sur les accords d’entreprise ou d’établissement antérieurs ou postérieurs.
Cette disposition signe la fin du principe de faveur, puisque l’accord de groupe pourra primer les accords d’entreprise, y compris s’il est moins favorable. En outre, l’accord de groupe se substituera automatiquement aux accords d’entreprise signés postérieurement. Toute négociation dans les entreprises ou dans les établissements sera alors inutile. Il s’agit là d’une véritable confiscation du pouvoir de négociation au sein de l’entreprise, ce qui paraît tout à fait paradoxal dans ce projet de loi.
Cet article est d’autant plus inquiétant que les groupes peuvent être de dimension internationale et que le droit du travail peut être très différent d’un pays à l’autre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l'article.
M. Dominique Watrin. Comme je l’ai fait déjà à plusieurs reprises, je souhaite illustrer mes propos un peu théoriques et les enjeux de l’article 12 par un exemple concret.
Le groupe Saint-Gobain compte une soixantaine d’entreprises, dont certaines sont sous convention Syntec, soit l’une des conventions collectives de branche les moins favorables. Si le groupe le souhaite, il pourra à l’avenir reprendre dans l’accord de groupe la disposition d’un accord d’entreprise sous convention Syntec et ainsi l’imposer à l’ensemble des entreprises du groupe. C’est encore une fois le moins-disant qui l’emportera.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12, modifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 348 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 311 |
Contre | 20 |
Le Sénat a adopté.
Article 13
I. – Après l’article L. 2232-5 du code du travail, il est inséré un article L. 2232-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2232-5-1. – La branche définit par la négociation les garanties applicables aux entreprises relevant de son champ d’application et régule la concurrence entre ces entreprises. »
II. – L’article L. 2232-9 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 2232-9. – I. Une commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation est mise en place par accord ou convention dans chaque branche.
« II. La commission paritaire exerce les missions d’intérêt général suivantes :
« 1° Elle représente la branche, notamment dans l’appui aux entreprises et vis-à-vis des pouvoirs publics ;
« 2° Elle exerce un rôle de veille sur les conditions de travail et l’emploi ;
« 3° Elle établit un rapport annuel d’activité qu’elle verse dans la base de données nationale mentionnée à l’article L. 2231-5-1. Ce rapport comprend un bilan des accords collectifs d’entreprise conclus dans le cadre du titre II, des chapitres I et III du titre III et des titres IV et V du livre Ier de la troisième partie du même code, en particulier de l’impact de ces accords sur les conditions de travail des salariés et sur la concurrence entre les entreprises de la branche, et formule, le cas échéant, des recommandations destinées à répondre aux difficultés identifiées.
« Elle peut rendre un avis à la demande d’une juridiction sur l’interprétation d’une convention ou d’un accord collectif dans les conditions mentionnées à l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire.
« Elle peut également exercer les missions de l’observatoire paritaire mentionné à l’article L. 2232-10.
« III. La commission paritaire est réunie au moins trois fois par an en vue des négociations mentionnées au chapitre Ier du titre IV du présent livre. Elle définit son calendrier de négociations dans les conditions prévues à l’article L. 2222-3. »
II bis. – À la fin du premier alinéa de l’article L. 2261-19 du même code, les mots : « en commission paritaire » sont remplacés par les mots : « au sein de la commission paritaire mentionnée à l’article L. 2232-9 ».
III. – (Supprimé)
IV. – (nouveau) Au dernier alinéa de l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire, après le mot : « avis », sont insérés les mots : « de la commission paritaire mentionnée à l’article L. 2232-9 du code du travail ou ».
Mme la présidente. L'amendement n° 656, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’article 13 prévoit le contrôle a priori par les branches des accords d’entreprise, en amont de leur signature. Ce contrôle avait été proposé par le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Christophe Sirugue, afin de permettre au Gouvernement de réunir une majorité au sein de son groupe.
Selon le député socialiste et le Gouvernement, le contrôle une fois par an des accords d’entreprise par les commissions paritaires permanentes serait suffisant. Qualifiée de « pivot de la loi », l’inversion de la hiérarchie des normes serait encadrée par ce mécanisme.
Pour notre part, nous considérons que ce dernier ne revient pas sur l’inversion de la hiérarchie des normes et que le contrôle des commissions paritaires permanentes est dérisoire.
Pensez-vous sérieusement que ces commissions, qui se réunissent difficilement une fois par an, pourront contrôler les accords d’entreprise et les valider ?
Nous refusons cet écran de fumée, car il ne prémunit aucunement les salariés et les entreprises contre le dumping social.
Pour ces raisons, nous appelons à voter la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur la suppression de l’article 13, qui est un article important.
L’article 13, à l’instar de l’article 10, permet de donner une cohérence à l’article 2, laquelle a été réaffirmée par la commission, qui y a intégré les dispositions prévues à l’article 2 A du présent projet de loi, alias l’amendement « sentinelle » défendu par Christophe Sirugue à l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, la commission a ajouté un certain nombre de mesures dans cet article. Ainsi, désormais les commissions paritaires permanentes seront obligées de mettre en ligne leurs rapports annuels d’activité sur le nouveau portail internet prévu à l’article 7 du projet de loi. Elles devront se réunir au moins trois fois par an, car elles auront a priori plus de travail, leurs missions étant confortées et de nouvelles missions d’intérêt général leur étant confiées. Nous avons ainsi commencé à décrire les conditions dans lesquelles ces commissions devront exercer leurs missions. Enfin, autre apport assez substantiel de la commission, le juge judiciaire sera autorisé à demander l’avis de la commission paritaire sur l’interprétation d’une convention ou d’un accord collectif présentant une difficulté sérieuse dans de nombreux litiges.
Cet article 13, musclé par la commission – M. le président de la commission ne manquera pas de me reprendre si nécessaire –, étant ainsi cohérent, il a toute sa place dans le texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Madame la sénatrice, je dois l’avouer, vos propos me laissent assez perplexe.
Vous dites que l’article 13 prévoit un contrôle a priori par les branches; or ce n’est absolument pas le cas. En revanche, un tel contrôle dans un délai de trois mois est une demande formulée avec force vendredi par Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT.
Par ailleurs, alors que vous vous faites le chantre des branches depuis le début de l’examen du présent texte, vous voudriez aujourd'hui supprimer cet article. Pourtant, il inscrit pour la première fois dans un texte de loi le rôle de celles-ci en matière de régulation de la concurrence et de protection des salariés. Il les dote en plus de commissions permanentes qui devront se réunir régulièrement et auront un rôle de veille.
Il s’agit donc non pas d’un contrôle a priori, contrairement à ce que vous avez indiqué, madame la sénatrice, mais d’un rôle de veille sur les conditions de travail et d’emploi. Cet article fait ainsi des branches un point d’appui pour les petites entreprises.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis assez étonnée des remarques de Mme la ministre, qui ne cesse, au fur et à mesure de notre débat, aujourd'hui, de nous distiller des informations sur sa rencontre avec Philippe Martinez.
Mme Nicole Bricq. C’était dans la presse samedi !
Mme Laurence Cohen. Peut-être, mais nous sommes au Sénat. Quoi qu’il en soit, les informations nous sont livrées au compte-gouttes dans l’hémicycle.
Les membres de mon groupe et moi-même défendons dans cette enceinte un certain nombre de propositions qui sont soutenues par une intersyndicale et nous ne sommes pas les représentants de la CGT. Je tenais à apporter ces précisions.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 656.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 349 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 311 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 943, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 2232-5-2. – Les branches ont un champ d’application national. Elles peuvent toutefois prévoir que certaines de leurs stipulations conventionnelles sont adaptées ou complétées au niveau local.
« À cette fin, une organisation professionnelle d’employeurs représentative dans la branche peut mandater ses structures territoriales statutaires ou ses organisations adhérentes pour négocier et conclure des accords au niveau local. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le présent amendement a pour objet de clarifier le cadre de la branche, conformément à la volonté exprimée par les partenaires sociaux dans leur lettre paritaire adressée à mon ministère le 28 janvier dernier.
Il tend à préciser que le champ d’application des branches est national – c’était une nécessité bien sûr –, car elles doivent être fortes et dotées de moyens suffisants. Il vise également à ce que, dans ce cas, des négociations puissent continuer de se tenir à l’échelon local avec les acteurs représentatifs sur le terrain. C’est d’ailleurs déjà la pratique dans de nombreuses branches – je pense à celles du bâtiment, de la production agricole, de la métallurgie.
Une clarification était nécessaire. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous avez raison, madame la ministre, inscrire dans la loi que l’échelon géographique de référence d’un accord de branche est le niveau national est une bonne chose. C’est incontestable. Cela permet de clarifier la situation actuelle, l’article L. 2232-5 du code du travail prévoyant que le « champ d’application territorial des conventions de branche et des accords professionnels peut être national, régional ou local ».
Ce qui me préoccupe, c’est qu’il peut être dérogé à ces accords. Il faut que ceux-ci participent à la construction d’un droit positif pour les salariés. On ne peut pas tabler sur le fait qu’ils soient moins-disants.
C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 308 est présenté par M. Courteau, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 658 est présenté par Mme Cukierman, M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 13
Rétablir le III dans la rédaction suivante :
« III. – À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 514-3 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « et des organisations syndicales affiliées à une organisation syndicale représentative au niveau national » sont supprimés.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 308.
M. Roland Courteau. Le présent projet de loi a pour objectif de favoriser la négociation collective aux niveaux les plus pertinents.
Dans le réseau des chambres d’agriculture, la commission nationale de concertation et de proposition est l’instance de négociation nationale.
Le code rural et de la pêche maritime prévoit que, en plus des organisations syndicales représentatives dans le réseau des chambres d’agriculture, peuvent participer à cette instance des organisations syndicales qui ne sont pas représentatives dans le réseau, mais qui le sont au niveau interprofessionnel au sens de l’article L. 2122-9 du code du travail, c'est-à-dire représentatives du fait de leur audience auprès des salariés de droit privé.
C’est incohérent, à notre avis, et cela enlève de la légitimité à la négociation collective.
Cet amendement a donc pour objet de limiter la participation à la commission nationale de concertation et de proposition aux organisations syndicales représentatives.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 658.
Mme Laurence Cohen. Les personnels des chambres d’agriculture sont régis par le statut institué par la loi du 10 décembre 1952 relative à l’établissement obligatoire d’un statut du personnel administratif des trois chambres consulaires : les chambres d’agriculture, les chambres de commerce et les chambres de métiers.
Alors que, à l’origine, ce statut régissait uniquement les personnels administratifs des chambres d’agriculture, la loi d’orientation agricole du 9 juillet 1999 a étendu son application, au-delà des personnels administratifs, à l’ensemble des chambres d’agriculture.
Par deux arrêts de décembre 2012 et de juin 2013, le Conseil d’État a confirmé que seul le statut élaboré en application de la loi du 10 décembre 1952 par la commission nationale paritaire s’applique aux personnels des chambres d’agriculture.
Compte tenu de ce statut particulier, selon un arrêt du Conseil d’État, si plus de 70 % des 8 000 salariés de ces établissements relèvent du droit privé, ils ne sont rattachés ni aux dispositions du code du travail ni aux dispositions applicables dans la fonction publique.
Or l’absence d’articulation avec le code du travail, qui devrait pourtant constituer la base minimale applicable, pose de plus en plus de problèmes du point de vue des relations sociales dans les chambres d’agriculture.
Il paraît donc nécessaire de tendre vers une harmonisation des réglementations. C’est l’objet de cet amendement.
En effet, selon l’article L.514-3 du code rural et de la pêche maritime, la commission nationale de concertation et de proposition est l’instance paritaire de négociation nationale pour toutes les questions relatives aux conditions d’emploi, de travail et de garanties sociales des personnels. Sa composition est définie par ce même article.
Ainsi, pour le collège des salariés, sont appelés à participer, outre les représentants des organisations syndicales représentatives des personnels au niveau des chambres d’agriculture, les représentants des organisations syndicales affiliées à une organisation représentative au niveau national.
Je rejoins les propos de mon collègue : en visant à limiter aux seules organisations syndicales représentatives dans les chambres d’agriculture le droit de siéger en commission nationale, notre amendement, s’il est adopté, permettra de mettre en accord la composition des commissions nationales avec ce qui est prévu dans le code du travail depuis l’adoption de la loi du 20 août 2008 sur la représentativité et la négociation collective.
C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ces amendements n’ont pas suscité une appétence extraordinaire de la part de commission. Ils sont fondés certainement sur des réalités qui vous ont été signalées, mes chers collègues. Pour autant, avoir l’éclairage de représentants d’organisations syndicales affiliées à une organisation représentative au niveau national et interprofessionnel au sein de ces instances n’est pas inintéressant non plus.
C’est pourquoi la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. La situation est un peu particulière puisque les règles du dialogue social au sein du réseau des chambres d’agriculture ont été améliorées dans le cadre de la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Les dispositions adoptées sont le fruit d’un équilibre entre les demandes des syndicats de salariés et celles des employeurs. Le décret traduisant cette amélioration a été publié au printemps 2015 et, avec le ministre de l’agriculture, nous ne souhaitons pas revenir dessus.
Il est vrai que peuvent siéger au sein de la commission nationale de concertation et de proposition des organisations syndicales qui ne sont pas représentatives au niveau du réseau des chambres, mais qui le sont au niveau interprofessionnel. Cette particularité s’explique par le fait que cette commission n’est que consultative et force de proposition. C’est au sein de la commission nationale paritaire, la CNP, où ne siègent que les organisations représentatives au sein du réseau, que sont prises les décisions et soumis au vote les accords.
Donc, en lien avec le ministre de l’agriculture, j’émets un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Serait-il possible de savoir quelles sont les organisations représentatives et quelles sont celles qui ne le sont pas, mais qui font partie de cette instance ? Peut-on connaître leur nom ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 308 et 658.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que la commission a souhaité connaître l’avis du Gouvernement, qui est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 350 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Pour l’adoption | 129 |
Contre | 203 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 13, modifié.
(L'article 13 est adopté.)
Article 14
I. – La section 8 du chapitre Ier du titre VI du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L’article L. 2261-32 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2261-32. – I. – Le ministre chargé du travail peut, eu égard à l’intérêt général attaché à la restructuration des branches professionnelles, engager une procédure de fusion du champ d’application des conventions collectives d’une branche avec celui d’une branche de rattachement présentant des conditions sociales et économiques analogues :
« 1° Lorsque la branche est caractérisée par la faiblesse des effectifs salariés ;
« 2° Lorsque la branche a une activité conventionnelle caractérisée par la faiblesse du nombre des accords ou avenants signés et du nombre des thèmes de négociations couverts ;
« 3° Lorsque le champ d’application géographique de la branche est uniquement régional ou local ;
« 4° Lorsque moins de 5 % des entreprises de la branche adhèrent à une organisation professionnelle représentative des employeurs ;
« 5° En l’absence de mise en place ou de réunion de la commission prévue à l’article L. 2232-9.
« Cette procédure peut également être engagée pour fusionner plusieurs branches afin de renforcer la cohérence du champ d’application des conventions collectives.
« Un avis publié au Journal officiel invite les organisations et personnes intéressées à faire connaître, dans un délai déterminé par décret, leurs observations sur ce projet de fusion.
« Le ministre chargé du travail procède à la fusion après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective.
« Lorsque deux organisations professionnelles d’employeurs ou deux organisations syndicales de salariés représentées à cette commission proposent une autre branche de rattachement, par demande écrite et motivée, le ministre consulte à nouveau la commission dans un délai et selon des modalités fixées par décret.
« Une fois le nouvel avis rendu par la commission, le ministre peut prononcer la fusion.
« II. – Le ministre chargé du travail peut, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, prononcer l’élargissement du champ d’application géographique ou professionnel d’une convention collective, afin qu’il intègre un secteur territorial ou professionnel non couvert par une convention collective.
« Un avis publié au Journal officiel invite les organisations et personnes intéressées à faire connaître, dans un délai déterminé par décret, leurs observations sur ce projet d’élargissement du champ d’application.
« Lorsque deux organisations professionnelles d’employeurs ou deux organisations syndicales de salariés représentées à cette commission proposent un projet alternatif d’élargissement du champ d’application, par demande écrite et motivée, le ministre consulte à nouveau la commission dans un délai et selon des modalités fixées par décret.
« Une fois le nouvel avis rendu par la commission, le ministre peut prononcer l’élargissement du champ de la convention collective concernée.
« III. – Pour les branches mentionnées au I, le ministre chargé du travail peut, eu égard à l’intérêt général attaché à la restructuration des branches professionnelles, refuser d’étendre la convention collective, ses avenants ou ses annexes, après avis de la Commission nationale de la négociation collective.
« IV. – Pour les branches mentionnées au I, le ministre chargé du travail peut, eu égard à l’intérêt général attaché à la restructuration des branches professionnelles, après avis de la Commission nationale de la négociation collective et du Haut Conseil du dialogue social, décider de ne pas arrêter la liste des organisations professionnelles mentionnée à l’article L. 2152-6 ni la liste des organisations syndicales reconnues représentatives pour une branche professionnelle mentionnée à l’article L. 2122-11.
« V. – Sauf dispositions contraires, un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. » ;
2° Sont ajoutés des articles L. 2261-33 et L. 2261-34 ainsi rédigés :
« Art. L. 2261-33. – En cas de fusion des champs d’application de plusieurs conventions collectives en application du I de l’article L. 2261-32 ou en cas de conclusion d’un accord collectif regroupant le champ de plusieurs conventions existantes, les stipulations conventionnelles applicables avant la fusion ou le regroupement, lorsqu’elles régissent des situations équivalentes, sont remplacées par des stipulations communes, dans un délai de cinq ans à compter de la date d’effet de la fusion ou du regroupement. Pendant ce délai, la branche issue du regroupement ou de la fusion peut être couverte par plusieurs conventions collectives.
« Eu égard à l’intérêt général attaché à la restructuration des branches professionnelles, les différences temporaires de traitement entre salariés résultant de la fusion ou du regroupement ne peuvent être utilement invoquées pendant le délai mentionné au premier alinéa du présent article.
« À défaut d’accord conclu dans ce délai, les stipulations de la convention collective de la branche de rattachement s’appliquent.
« Art. L. 2261-34. – Jusqu’à la mesure de la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs qui suit la fusion de champs conventionnels prononcée en application du I de l’article L. 2261-32 ou de la conclusion d’un accord collectif regroupant le champ de plusieurs conventions préexistantes, sont admises à négocier les organisations professionnelles d’employeurs représentatives dans le champ d’au moins une branche préexistant à la fusion ou au regroupement.
« La même règle s’applique aux organisations syndicales de salariés.
« Les taux mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2261-19 et à l’article L. 2232-6 sont appréciés au niveau de la branche issue de la fusion ou du regroupement. »
II. – Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi :
1° Les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel engagent une négociation sur la méthode permettant d’atteindre, dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, l’objectif d’environ deux cents branches professionnelles ;
2° Les organisations liées par une convention de branche engagent des négociations en vue d’opérer les rapprochements permettant d’atteindre cet objectif.
III. – Le ministre chargé du travail engage, au plus tard le 31 décembre 2016, la fusion des branches dont le champ d’application géographique est uniquement régional ou local et des branches n’ayant pas conclu d’accord ou d’avenant lors des quinze années précédant la promulgation de la présente loi.
IV. – À l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, le ministre chargé du travail engage la fusion des branches n’ayant pas conclu d’accord ou d’avenant lors des sept années précédant la promulgation de la présente loi.
V. – Pendant les trois ans suivant la promulgation de la présente loi, le ministre chargé du travail ne peut procéder à la fusion prévue au I de l’article L. 2261-32 du code du travail, dans sa rédaction résultant du présent article, en cas d’opposition écrite et motivée de la majorité des membres de la Commission nationale de la négociation collective.
Le premier alinéa du présent V n’est pas applicable lorsque la fusion concerne des branches mentionnées au III du présent article.
La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. L’article 14 prévoit la fusion de branches professionnelles. L’idée n’est pas neuve ! Les prétextes et les motivations invoqués pour encourager la fusion ne nous paraissent pas justifiés.
Tout d’abord, avant de fusionner les branches existantes, dont certaines n’auraient pas porté de fruits depuis quelque temps, il faudrait s’assurer que l’ensemble des salariés de ce pays est dans le périmètre d’une convention collective et bénéficie donc d’une protection et de garanties négociées.
Or on estime à environ 500 000 le nombre de salariés dépourvus de convention collective ; il me semble urgent d’y remédier.
Ensuite, la primauté de l’accord d’entreprise va conduire à réduire d’autant le nombre de salariés couverts par la convention de leur profession.
Enfin, les critères géographiques ou démographiques retenus pour le regroupement nous semblent assez arbitraires.
Ce n’est pas parce qu’une convention collective concerne moins de 5 000 salariés qu’elle est présumée inactive et ce n’est pas parce qu’elle est limitée à une catégorie de personnels, à une région, à un département ou à un bassin d’emploi que son activité est nulle.
Il faut faire confiance à l’intelligence, madame la ministre, vous nous le répétez depuis le début du débat, et ne pas vouloir imposer à toute force des regroupements dont on sent confusément qu’ils vont conduire, si l’on n’y prend garde, à un abaissement des garanties collectives des salariés.
En effet, il y a fort à parier que la convention collective « unificatrice » sera le produit des dispositions spécifiques les moins favorables aux salariés des branches regroupées.
L’exemple nous est fourni en ce moment même, s’il en était besoin, par le conflit social qui affecte la Société nationale des chemins de fer, notre bonne vieille SNCF. Certains parlent de privilèges. Le fait est que le statut des cheminots est sans nul doute bien meilleur que celui des salariés des autres entreprises du secteur ferroviaire.
L’objet de la confrontation est connu : comment le statut des cheminots, produit de luttes historiques du mouvement ouvrier, peut-il devenir la base, en France, d’une convention collective de haut niveau accordant des droits nouveaux aux salariés des autres opérateurs ferroviaires et des entreprises à activité connexe, et non une exception que l’on ne cessera de dénoncer ? Là est tout l’enjeu de l’article 14 !
Puisque vous n’avez de cesse de promouvoir le dialogue social, laissez donc les acteurs de celui-ci faire leurs constats et prendre leurs initiatives, madame la ministre ! Cessez de vouloir suivre les ordres de Jean-Claude Juncker ou du MEDEF ! (Exclamations sur plusieurs travées.)
M. Yves Daudigny. L’attaque est rude !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l'article.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste et républicain votera en faveur du présent article, plutôt bien réécrit par la commission, qui l’a toiletté tout en en respectant l’ordonnancement.
Le sujet du regroupement des branches est sur la table depuis des années, et force est de constater qu’il n’avance guère. Il faut pourtant que les branches correspondent aux secteurs d’activité et à la vie des entreprises.
C’est donc tout à fait le rôle du Gouvernement, quel qu’il soit, de définir un calendrier et de reprendre la main si ce chantier indispensable n’avance pas. Si l’on veut que les partenaires sociaux, conformément à la philosophie du texte présenté par le Gouvernement, débattent et négocient au niveau de l’entreprise, il faut que les branches puissent jouer leur rôle de régulation. Elles le joueront d’autant mieux qu’elles seront réunifiées et vraiment opérationnelles.
Je vous invite par conséquent, mes chers collègues, à adopter cet article, qui permettra de rendre les branches plus efficaces.
Mme la présidente. L'amendement n° 659, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après la référence :
I
insérer une phrase ainsi rédigée :
Tout salarié est couvert par une convention collective de branche.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. La signature d’un accord de branche permet d’adapter à la loi les particularités d’une branche professionnelle, mais également d’améliorer et de compléter les dispositions du code du travail. Jusque-là, nous sommes d’accord.
Un accord de branche constitue une forme de cadre juridique pour les entreprises d’une branche. Comme chacun sait, il est possible d’y déroger, notamment par un accord d’entreprise, uniquement dans le cas où le nouvel accord établi est plus favorable pour le salarié. Cela, c’était avant le présent projet de loi.
Sous couvert de simplification, l’article 14 vise à sécuriser l’employeur en cas de fusion ou de regroupement entre branches et élabore une feuille de route à l’attention du ministre et des partenaires sociaux, afin de parvenir à 200 branches d’ici à trois ans. Alors que, en 2012, notre pays comptait 687 branches professionnelles, on estime à environ 500 000 le nombre de salariés n’étant pas couverts par une convention collective de branche. Il s’agit en général de salariés de TPE. Dans ce cas, le code du travail s’applique strictement.
En outre, les nombreuses possibilités de dérogation aux conventions collectives de branche par accord d’entreprise doivent absolument s’accompagner de l’affirmation du principe de rattachement de tout salarié à une convention collective de branche. C’est ce que nous demandons, par cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La France est déjà dans une situation assez remarquable par rapport à ses voisins européens en termes de couverture des salariés par les branches, puisque celle-ci est supérieure à 90 %.
On ne peut pas obliger une entreprise à adhérer à une organisation patronale, les partenaires sociaux à se réunir au sein d’une branche ou le Gouvernement à étendre tous les accords ou conventions de branche, même s’il le fait très régulièrement.
C’est d'ailleurs l’extension des accords ou conventions de branche qui permet une telle couverture ; c’est également une solution de confort, tout le monde étant protégé sans qu’il soit forcément nécessaire de négocier à tous les étages.
Aujourd'hui, de ce point de vue, la situation est assez satisfaisante en France. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Si je partage complètement votre objectif, madame David, à savoir que tous les salariés soient couverts par un accord de branche, votre amendement n’en est pas moins purement déclaratoire.
Dans notre pays, 95 % des salariés sont couverts par un accord de branche. C’est une véritable chance si l’on compare avec le taux de couverture conventionnelle des autres pays.
Cette situation est liée à la procédure d’extension mise en place par le ministère du travail qui permet de rendre les conventions applicables presque automatiquement à de nombreux salariés. En Allemagne, la couverture est de l’ordre de 55 % à 59 %, en Italie, de 80 %, qu’il s’agisse de conventions de branche et de conventions d’entreprise, en Espagne, d’environ 70 %, mais celle-ci a tendance à diminuer.
Cependant, qui sont les 500 000 salariés non couverts par des accords de branche ? D’après les services de la direction générale du travail, ce ne sont pas majoritairement les salariés des TPE, comme vous l’indiquez, mais bien plutôt ceux des ONG, des partis politiques, vos assistants parlementaires, mesdames, messieurs les sénateurs, qui ne sont absolument pas couverts, ainsi que les salariés de quelques établissements culturels, comme l’Opéra de Paris. Si cela vous intéresse, je peux vous communiquer des données extrêmement précises à ce sujet. Les salariés concernés ne sont donc pas forcément ceux auxquels on pense. La question se pose de façon notable dans le cadre des partis politiques et des ONG.
Mme la présidente. L'amendement n° 660, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Après le mot :
fusion
insérer les mots :
, sauf opposition écrite et motivée de la majorité des membres de la commission nationale de la négociation collective,
II. – Alinéa 17
Compléter cet alinéa par les mots :
, sauf opposition écrite et motivée de la majorité des membres de la commission nationale de la négociation collective
III. – Alinéas 33 et 34
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à permettre le maintien du droit de veto de la Commission nationale de la négociation collective, ou CNNC, sur les fusions et élargissements des conventions collectives.
En effet, le présent projet de loi, tel qu’il est rédigé, supprime ce droit existant depuis 2014. Il substitue le contrôle de la commission précitée à une décision du ministère. Les garde-fous prévus, qu’il s’agisse des critères d’appréciation du ministère ou des possibilités d’observations par les organisations représentatives d’employeurs ou de salariés, ne nous semblent pas suffisants, dans la mesure où ils ne revêtent pas de caractère impératif et ne peuvent influer sur la décision finale.
Ce changement paraît assez peu compréhensible, dans un texte qui prétend favoriser le dialogue social, la négociation entre salariés et employeurs dans le cadre d’une démocratie sociale apaisée et rénovée.
Comment, en effet, expliquer que l’on donne autant de pouvoir à un ministre, reléguant un organisme paritaire à un simple rôle d’observateur ?
Cette commission nationale a pourtant été créée dans ce but. Le pouvoir de veto sur les fusions et élargissements des conventions collectives a une vraie pertinence. Il permet notamment de rejeter les fusions fondées sur le principe visé à l’alinéa 4 de l’article 14, c’est-à-dire sur la « faiblesse des effectifs salariés ». Ce critère est, selon nous, insuffisant pour prendre une décision de fusion de branches. De nombreuses branches ont certes peu d’effectifs, mais fonctionnent pourtant très bien et le dialogue social y existe. Il n’y a aucune raison objective que leur existence soit mise en danger et que les organisations qui la composent se plient aux exigences du ministère.
On l’a compris, le ministère cherche à « élaguer » les branches concomitamment à la réduction du code du travail. Cette volonté existait déjà auparavant, mais il semble que le rythme des fusions ne convienne toujours pas au Gouvernement.
Je terminerai mon intervention en faisant référence aux propos du professeur Lyon-Caen lors de son audition par la commission des affaires sociales, mentionnant des velléités similaires de regroupement des branches en 1946 et concluant ainsi : « La vie l’emporte toujours sur une décision autoritaire ! »
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, car nous avons déjà pris beaucoup de retard dans la restructuration du paysage conventionnel. Le rapport de Jean-Frédéric Poisson sur la négociation collective et les branches professionnelles remonte à 2009, et nous sommes en 2016 !
En outre, la CNNC est associée aux quatre dispositifs visés à l’article 14 : fusion, élargissement, refus d’extension, refus d’arrêter la liste des partenaires sociaux représentatifs au niveau de la branche.
Renforcer son droit de veto, comme vous le souhaitez, nous semble de nature à compromettre la restructuration.
Vous avez évoqué, mon cher collègue, le cas des branches de petite taille. La commission a souhaité que la ministre puisse se focaliser en premier lieu sur les branches dépourvues d’activité depuis quinze ans. La taille est un élément qui ne vient qu’après. Pour transposer à l’échelle des EPCI, nous voyons bien que ceux-ci n’ont pas besoin d’être de taille XXL pour bien fonctionner. C’est pourquoi nous avons en partie réécrit l’article 14.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
On tourne autour de la question de la restructuration des branches depuis de très nombreuses années. Sincèrement, lorsqu’un quart des branches professionnelles n’a pas conclu d’accord depuis quinze ans, un tiers depuis dix ans, quelle est la protection des salariés ? Je l’ai dit, 42 branches ont aujourd'hui un coefficient inférieur au SMIC : quelle est la réalité de la pratique ?
À un moment donné, le Gouvernement doit disposer de marges de manœuvre pour permettre les fusions. Un délai de trois ans est prévu, durant lequel la CNNC et les partenaires sociaux ont bien sûr du pouvoir, afin d’accélérer la restructuration des branches. C’est ainsi que nous parviendrons à obtenir une négociation dynamique au niveau des branches. Si nous tenons tous à la couverture conventionnelle, il faut beaucoup plus de dynamisme.
En matière de formation professionnelle, le rapprochement des branches rendra aussi possible la création de passerelles entre plusieurs d’entre elles, ce qui permettra aussi d’améliorer la formation des salariés.
La question de la restructuration des branches est un enjeu essentiel, dont nous parlons depuis vingt ans – je pense notamment aux rapports Poisson ou Quinqueton, ce dernier m'ayant été remis récemment. Nous devons maintenant trouver les moyens d’avancer plus rapidement dans cette voie.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 660.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 351 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 29 |
Contre | 312 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 662, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 22 à 24
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 2261-33. - En cas de fusion des champs d’application de plusieurs conventions collectives en application du I de l’article L. 2261-32 ou en cas de conclusion d’un accord collectif regroupant le champ de plusieurs conventions existantes, sont applicables, lorsqu'elles régissent des situations équivalentes, les stipulations conventionnelles présumées les plus favorables avant la fusion.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement tend à une réécriture des alinéas 22 à 24 de l’article 14. Personne ne s’étonnera que nous souhaitions que ces regroupements ou fusions de branches professionnelles se fassent selon un principe de faveur.
Cela nous paraît d’autant plus pertinent pour les salariés concernés qu’un regroupement par « métiers », tel qu’il est envisagé dans le présent projet de loi pour certaines conventions de portée régionale ou locale, ne doit pas faire oublier que le contenu des conventions concernées peut être assez proche sur les sujets traités par la convention collective.
Toutes les conventions de la métallurgie ont ainsi des avenants ou des parties consacrées au travail de nuit ou au travail posté ; tous les textes du secteur du bâtiment comportent, de même, des dispositions relatives aux conséquences des intempéries. Il est donc primordial que ces regroupements ou fusions se fassent dans le sens d’un mieux-disant social pour les salariés.
Cela permettrait aussi que les discussions et négociations entre branches s’engagent sur des bases saines, dans le souci que nous avons de sécuriser les droits des salariés couverts par les branches concernées.
Mme la présidente. L'amendement n° 941, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 22, seconde phrase
Remplacer les mots :
être couverte par
par le mot :
maintenir
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Cet amendement vise aussi à reprendre un point de la lettre paritaire signée par les organisations syndicales et patronales le 28 janvier dernier, en tendant justement au maintien des conventions collectives pendant les cinq ans qui suivent une fusion, afin de permettre aux partenaires sociaux de s’entendre sur une négociation. Il est donc possible de travailler pendant trois ans sur la fusion et, dès lors que celle-ci est déterminée, on dispose encore de cinq ans pour que des négociations se tiennent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement : il tend utilement à préciser les choses.
S’agissant de l’amendement n° 662, présenté par le groupe CRC, on en revient toujours au débat sur les dispositions qui seraient les plus favorables aux salariés. Certaines conventions peuvent en effet être plus favorables que d’autres sur certains points, mais, lorsque des branches vont se rapprocher, tout sera mis sur la table et de nouveaux équilibres se dessineront.
Si l’on retenait uniquement les dispositions les plus avantageuses de chacune des conventions, nous serions un peu dans une logique d’« échelle de perroquet ».
Y compris dans certaines branches très proches, les dispositifs peuvent être légèrement différents. Mais nous faisons confiance aux négociateurs. Nous avons cinq ans pour y arriver. N’ayons pas peur !
En conséquence, la commission est défavorable à l’amendement n° 662.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 662 ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. À entendre M. le rapporteur, il y a forcément des « plus » ou des « moins » dans chacune des branches et, lorsque des regroupements vont s’opérer, il faudra trouver un équilibre.
Mais, au final, les salariés subiront forcément des « moins » dans leur nouvelle convention, quelles que soient les branches au sein desquelles ils exercent.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ils auront aussi des « plus » !
Mme Annie David. Monsieur le rapporteur, si l’on veut véritablement favoriser le fameux dialogue social, si l’on veut réellement que les salariés ne soient pas lésés par ce projet de loi, il faut prendre le mieux-disant de chacune des branches et l’appliquer à l’ensemble des salariés.
Tel est précisément le sens de l’amendement n° 662.
Mme la présidente. L'amendement n° 80 rectifié bis, présenté par MM. Husson, Houel, César et Karoutchi, Mmes Canayer et Imbert, MM. B. Fournier et Commeinhes, Mmes Lamure et Deromedi, MM. Vasselle, Revet, Longuet et P. Leroy, Mme Micouleau et MM. Doligé, Rapin et Laménie, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et multi-professionnel sont associées à cette négociation.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. La loi du 5 mars 2014 reconnaît, dans son volet démocratie sociale, un niveau multi-professionnel entre les branches et l’interprofession pour les professions libérales, l’agriculture et l’économie sociale et solidaire. Ce niveau est censé leur donner un statut de partenaire dans le cadre du dialogue social national et territorial.
Ainsi, il ressort du code du travail que, « préalablement à l’ouverture d’une négociation nationale et interprofessionnelle, puis préalablement à sa conclusion, les organisations professionnelles d’employeurs représentatives à ce niveau informent les organisations représentatives au niveau national et multi-professionnel des objectifs poursuivis par cette négociation et recueillent leurs observations. »
Cette procédure d’information, globalement respectée, s’avère d’une façon générale insuffisante.
Par conséquent, sur un sujet aussi important que la restructuration des branches, les organisations multiprofessionnelles doivent être activement associées aux négociations.
Les organisations patronales interprofessionnelles, peu au fait des spécificités des organisations multiprofessionnelles, ne pourront, en parfaite connaissance de cause, se prononcer, en leur nom, sur un thème aussi compliqué.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Cet amendement porte sur l’alinéa 29 de l’article 14 qui traite de l’engagement d’une « négociation sur la méthode permettant d’atteindre, dans un délai trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, l’objectif d’environ deux cents branches professionnelles ».
La commission émet un avis favorable sur cet amendement, estimant utile et pertinent que ces organisations multiprofessionnelles soient associées à ce stade préliminaire, s’agissant exclusivement d’une question de méthode. Cette disposition vise, très concrètement, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, la FNSEA, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, l’UDES, et l’Union nationale des professions libérales, l’UNAPL.
Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, madame la ministre, vous aviez émis un avis favorable sur des amendements qui tendaient à associer un certain nombre d’organisations. Nous sommes dans une logique similaire et j’espère que vous réserverez le même accueil à cet amendement !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Madame Lamure, je partage pleinement votre volonté d’associer les organisations multiprofessionnelles.
Je sollicite toutefois le retrait de cet amendement, qui me semble d’ores et déjà satisfait.
L’UNAPL et la FNSEA font déjà partie de la Commission nationale de la négociation collective.
Demain se tient l’assemblée générale de l’UDES et j’ai annoncé aujourd’hui à ses représentants par visioconférence qu’un décret sera pris dans les prochains mois pour que l’UDES rejoigne aussi la CNNC.
Ces trois organisations multiprofessionnelles seront donc associées à la fusion des branches.
Mme la présidente. Madame Lamure, l’amendement n° 80 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. La commission ayant émis un avis favorable sur cet amendement, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Nous avons inscrit dans le présent texte des dispositions qui ne relèvent pas nécessairement du niveau de la loi. Il me semble donc que l’on peut également adopter cet amendement, madame la ministre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 80 rectifié bis.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que le Gouvernement a sollicité le retrait de cet amendement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 352 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l’adoption | 198 |
Contre | 124 |
Le Sénat a adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 663, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 31 et 32
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Les dispositions prévues aux alinéas 31 et 32 de l’article 14 nous semblent contraires à la logique visant à faire confiance au dialogue social, logique qui vous est pourtant chère, madame la ministre…
En effet, il nous semble particulièrement malvenu que la loi accorde aujourd’hui au ministre du travail un pouvoir de fusion d’autorité de certaines branches – je regrette à cet égard que ce texte fasse systématiquement mention du ministre, et non de la ministre !
Ainsi, pourront être fusionnées, au plus tard le 31 décembre 2016, des branches régionales ou locales et des branches n’ayant pas conclu d’accord ou d’avenant ces quinze dernières années, et, trois ans après la promulgation de la loi, des branches n’ayant pas conclu d’accord ou d’avenant lors des sept années précédant cette promulgation.
Cette fusion d’autorité, qui agira aussi comme un moyen de pression sur les organisations syndicales et professionnelles, nous paraît incohérente avec votre volonté affichée de donner toute sa place au dialogue social !
Faut-il y voir un moyen de forcer la marche ? En 2014, le Premier ministre avait fixé l’objectif d’atteindre, d’ici à 2020, une centaine de branches professionnelles, contre 687 aujourd’hui. Nous le savons, cet objectif ne sera pas atteint, le processus de restructuration engagé par la loi du 5 mars 2014 n’ayant été amorcé que dans 124 branches.
Vous revenez donc sur une mesure assez récente, alors même que vous nous faisiez le reproche, à propos de l’examen d’un amendement précédent, de revenir sur un texte qui n’avait pas eu le temps d’être mis en œuvre.
Dans la lettre paritaire adressée au Gouvernement à la fin du mois de janvier, les sept organisations signataires – quatre syndicats, la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC et FO, et trois organisations professionnelles, la CGPME, le MEDEF et l’UPA – rappellent leur volonté de « continuer à décider paritairement des modalités sur la base desquelles ces restructurations pourraient s’effectuer ». Aussi, nous proposons la suppression de ces alinéas 31 et 32, qui ne répondent pas aux objectifs de ce courrier.
Mme la présidente. L'amendement n° 857, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Alinéa 32
Après les mots :
fusion des branches
insérer les mots :
comptant moins de 5000 effectifs salariés
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement tend à rétablir le texte de l’Assemblée nationale qui prévoyait de fixer un seuil de 5 000 salariés pour la fusion de branches.
La commission a estimé que ce seuil n’était pas pertinent. Nous considérons, pour notre part, qu’il peut être intéressant, dans un premier temps, de constituer des branches de taille réduite.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’amendement n° 663, présenté par le groupe CRC, vise à supprimer la possibilité pour la ministre d’engager la restructuration accélérée des branches inactives depuis plusieurs années.
La position de la commission est assez constante sur ce point : il paraît assez rationnel de s’engager dans un processus de restructuration de branches qui n’ont pas conclu d’accords depuis quinze ans ou sept ans. L’avis est donc défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 857, il me semblait que le small is beautiful était plutôt en vogue chez les écologistes, monsieur Desessard !
La question se pose du maintien de branches de taille modeste qui ont une vraie vie. Il ne me semble pas absolument nécessaire de rétablir le seuil de 5 000 salariés, même si cela ferait sans doute plaisir à Mme la ministre. Instruits de nos expériences d’élus locaux, nous savons aussi qu’avancer à marche forcée vers des regroupements n’est pas forcément la panacée – on le constate actuellement pour les EPCI.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, mais peut-être pourriez-vous le retirer au bénéfice de ces explications, mon cher collègue.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 663. Comme je l’ai déjà indiqué, voilà quinze ans que nous parlons du dossier de la restructuration des branches professionnelles dans notre pays, et le présent article entend accélérer le mouvement.
En revanche, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 857, présenté par Jean Desessard.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur, la taille de la branche ne fait pas nécessairement la qualité de la négociation. On cite souvent l’exemple des remontées mécaniques, une petite branche particulièrement dynamique.
Ces branches pourront toutefois continuer à être dynamiques tout en se regroupant avec d’autres. Il me semble opportun d’atteindre une certaine taille critique, et nous voulons introduire des critères dans la loi pour accélérer le mouvement de fusion. Je suis donc favorable au maintien du critère de 5 000 salariés.
Toutefois, conformément au sens de la lettre paritaire que vous avez citée, nous sommes tous d’accord pour que la fusion de branches corresponde aussi à un rapprochement d’activités.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 857.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 353 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Pour l’adoption | 118 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Article 14 bis
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 2222-1 est ainsi rédigé :
« Les conventions et accords collectifs de travail dont le champ d’application est national s’appliquent, sauf stipulations contraires, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans un délai de six mois à compter de leur date d’entrée en vigueur. Ce délai est imparti aux organisations syndicales de salariés et d’employeurs habilitées à négocier dans ces collectivités pour conclure des accords dans le même champ si elles le souhaitent. » ;
2° L’article L. 2622-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2622-2. – Lorsqu’une convention ou un accord collectif de travail national s’applique en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, des modalités d’adaptation à la situation particulière de ces collectivités peuvent être prévues par accord collectif. Cet accord est conclu dans le délai de six mois prévu au dernier alinéa de l’article L. 2222-1 ou après l’expiration de ce délai.
« Lorsqu’une convention ou un accord collectif de travail national exclut une application en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, des accords collectifs dont le champ d’application est limité à l’une de ces collectivités peuvent être conclus, le cas échéant en reprenant les stipulations de l’accord applicable à la métropole. »
II. – Le dernier alinéa de l’article L. 2222-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la présente loi, est applicable à compter du 1er avril 2017, pour les conventions et accords conclus après cette date en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Le même alinéa est applicable à compter du 1er janvier 2018 à Mayotte.
III. – L’application en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon des conventions et accords conclus avant la date mentionnée au II est réexaminée à l’occasion de la négociation de leurs avenants, qui peuvent décider de leur application pour tout ou partie à ces collectivités.
IV. – Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs habilitées à négocier en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon engagent, dans chacune de ces collectivités, des négociations permettant d’améliorer la couverture conventionnelle en outre-mer, le cas échéant en reprenant ou en adaptant des stipulations des conventions collectives nationales existantes, dans les conditions prévues à l’article L. 2622-2 du code du travail.
Mme la présidente. L’amendement n° 664, présenté par M. Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, les conventions collectives prennent en compte les critères déterminant les salaires des agents de la fonction publique d’État et de la fonction publique hospitalière.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Les fonctionnaires d’État travaillant outre-mer bénéficient d’une surrémunération, différente selon les collectivités. Cette majoration est de 53 % à La Réunion et de 40 % en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane. Elle est notamment justifiée par le différentiel de coût de la vie.
Bien évidemment, il serait souhaitable qu’une étude du coût de la vie soit menée de façon rigoureuse pour déterminer le différentiel exact du coût de la vie entre chaque entité d’outre-mer et la France hexagonale.
Dès lors, il s’agit de mettre en œuvre tous les dispositifs permettant que tous les revenus, y compris les revenus sociaux, soient augmentés de ce différentiel.
Il s’agit donc de faire bénéficier les salariés du secteur privé et de la fonction publique territoriale des mêmes avantages que ceux dont bénéficient les agents de la fonction publique d’État, à savoir un complément de rémunération.
Afin d’atteindre ces objectifs, il convient de s’appuyer sur les conventions collectives ; celles-ci doivent prendre en compte les critères déterminant les salaires des agents de la fonction publique d’État et de la fonction publique hospitalière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission n’a pas souhaité préempter le champ des négociations entre les partenaires sociaux ultramarins.
Si ceux-ci souhaitent faire référence aux traitements versés aux fonctionnaires en poste outre-mer, pourquoi pas ? C’est leur liberté. En tout cas, ce n’est pas à la loi de le décider ou de l’imposer.
C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il s’agit également d’un avis défavorable, d’autant plus que l’article 14 bis comporte déjà des avancées majeures en ce qui concerne la couverture conventionnelle de l’outre-mer, tout en permettant de l’adapter à ses spécificités.
Les partenaires sociaux sont libres de définir eux-mêmes les mesures adaptées, au vu des conditions économiques et sociales en outre-mer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’entends les explications de Mme la ministre, mais je voudrais profiter de l’examen de cet amendement pour attirer l’attention du Gouvernement sur la question de la surrémunération outre-mer.
Je me suis récemment rendue à La Réunion avec une délégation de la commission des affaires sociales.
Sans engager l’ensemble de la délégation, qui comprenait des sensibilités diverses, je dois dire que j’ai été assez étonnée par ce dispositif, qui entraîne des conséquences, en termes non seulement de niveau de vie, mais aussi d’attractivité de certaines professions. Il arrive ainsi que certains postes ne sont pas pourvus.
Certes, je sors un peu du cadre strict du projet de loi que nous examinons, mais je souhaite, madame la ministre, attirer votre attention.
Il me semble qu’il faudrait mettre à plat la question de la surrémunération et faire en sorte que celle-ci soit juste et équitable pour les fonctionnaires, sans être trop importante ou trop faible, ce afin de pourvoir effectivement tous les postes.
J’ai bien vu sur place que les choses n’étaient pas évidentes… C’est pourquoi je lance cet appel à la vigilance et je souhaite que des réponses soient apportées dans les prochains mois à cette question.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14 bis.
(L'article 14 bis est adopté.)
Chapitre III
Des acteurs du dialogue social renforcés
Articles additionnels avant l’article 15
Mme la présidente. L’amendement n° 73, présenté par M. Grand, n'est pas soutenu.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 207 rectifié, présenté par M. Labazée, Mme Jourda, MM. Cabanel, Durain, Vincent, Marie et Carrère, Mmes Monier et Lienemann, MM. M. Bourquin et Duran, Mme Bonnefoy, M. Gorce, Mme Ghali et MM. Courteau, Antiste, Raynal, Karam et Masseret, est ainsi libellé :
Avant l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2141-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un chèque syndical peut être attribué par l’employeur au salarié au cours du premier mois de l’année civile. Le salarié est libre d’attribuer ce chèque à l’organisation syndicale de son choix, sous la forme d’un bon de financement syndical. Les modalités de calcul du montant du chèque sont fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 232, présenté par M. Carvounas, n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 207 rectifié ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’amendement n° 73 de M. Grand, qui n’a pas été soutenu, ainsi que l’amendement n° 207 rectifié concernent finalement le même débat : comment faire en sorte que davantage de salariés adhèrent à une organisation syndicale ?
Certains promeuvent le modèle scandinave, c’est-à-dire une adhésion obligatoire. D’autres souhaitent qu’un accord collectif ne produise d’effets que pour les personnes membres du syndicat signataire.
Monsieur Courteau, vous proposez en l’espèce la création d’un chèque syndical, qui pourrait être attribué par l’employeur au salarié, qui serait alors libre de l’affecter à l’organisation syndicale de son choix.
L’idée est intéressante, au même titre que les autres pistes avancées.
Pour autant, prendre une telle décision ce soir nous paraît quelque peu prématuré.
La commission demande donc le retrait de l’amendement n° 207 rectifié, à défaut de quoi elle émettra un avis défavorable.
Il se trouve que la commission se serait bien ralliée à l’amendement n° 232, qui visait justement la remise d’un rapport sur le sujet, mais il n’a pas été soutenu. Il me semble que toutes ces questions doivent être analysées et évaluées avant toute décision.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’amendement n° 207 rectifié vise la possibilité de l’attribution d’un chèque syndical par l’employeur.
Il existe déjà des entreprises – je pense par exemple à Axa – qui financent un tel chèque syndical.
Je note que l’amendement offre une faculté et ne constitue pas une contrainte pour les entreprises.
J’aurais également émis un avis favorable sur l’amendement n° 232, mais il n’a pas été soutenu.
Dans tous les cas, il existe bien un sujet lié à l’attractivité et au développement du syndicalisme. Cela est d’autant plus vrai que le projet de loi élargit l’objet de la négociation aux éléments les plus structurants dans l’entreprise.
L’amendement n° 207 rectifié, que je vous remercie, monsieur Courteau d’avoir déposé, constitue, dans ce contexte, une piste intéressante. C’est pourquoi j’y suis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Nous soutiendrons cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 207 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
Mme la présidente. L’amendement n° 665, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1233-10 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les représentants du personnel disposent d’un droit de veto suspensif sur les plans de licenciements collectifs. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Le droit de veto suspensif sur les plans de licenciement et de restructuration doit permettre au juge de suspendre le plan de licenciement en l’absence de motif économique.
Il s’agit, dans ce cas, de faire prévaloir la recherche de propositions alternatives au licenciement.
Accorder aux instances de représentation des salariés de nouveaux droits, incluant notamment un veto suspensif au plan de licenciement pour permettre la recherche d’autres solutions de développement, aurait pu et pourrait sauver, à l’avenir, des milliers d’emplois.
Tous les jours, on voit des exemples flagrants : les salariés font des contre-propositions qui sont malheureusement bloquées par des directions qui cherchent absolument le profit financier.
Il y a donc un intérêt à adopter une telle mesure.
Ce droit de veto, qui va de pair, pour les comités d’entreprise, avec un accès à un expert rémunéré par l’entreprise tout au long de la procédure de licenciement et avec un droit d’alerte plus performant, permettrait de donner plus de sécurité aux salariés licenciés.
Avec cet amendement, nous visons à responsabiliser plus fortement les grandes entreprises et les groupes, vis-à-vis à la fois des salariés licenciés et des territoires, dont l’activité économique d’ensemble est affectée par les décisions prises par ces entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Monsieur Foucaud, faire en sorte que les salariés fassent des contre-propositions sur la réorganisation de leur entreprise, c’est une chose. Mettre en place un droit de veto suspensif est une mesure beaucoup plus lourde de conséquences !
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, dont l’adoption introduirait une forme de cogestion stricte et remettrait en cause, d’une certaine façon, le pouvoir de direction de l’employeur.
Par ailleurs, on le constate bien, lorsque la situation est compliquée, les uns et les autres sont d’accord pour se mettre autour de la table et réfléchir à un plan de sauvegarde de l’emploi. Et dans deux tiers des cas, on aboutit effectivement à un accord.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis est également défavorable. Nous ne souhaitons pas revenir sur l’équilibre de la loi de 2013, qui a été préparée sur la base de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013.
Ainsi, le contentieux, devant le tribunal de grande instance, de la suspension de la procédure a été supprimé, à la faveur d’un nouveau droit : l’injonction.
À tout moment, les représentants du personnel peuvent saisir l’administration et lui demander d’enjoindre à l’entreprise de se conformer à une règle de procédure non respectée ou de fournir des éléments qui seraient nécessaires à la conduite du processus d’information et de consultation.
Les représentants du personnel peuvent également saisir le juge administratif en urgence, dans le cadre d’un référé-suspension, pour contester la légalité d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
Le juge a donc déjà le pouvoir de suspendre un tel plan. Il n’est par conséquent pas nécessaire de modifier le code du travail sur ce point.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Il existe certes des entreprises vertueuses, mais je pourrais aussi vous donner des chiffres concernant certains grands groupes qui, toujours, veulent faire plus d’argent ! Nous sommes à 5 % de rentabilité, alors passons à 6 %, à 7 %, à 8 % ! Le résultat de ces politiques, ce sont des licenciements, voire des licenciements abusifs !
Je vais vous donner l’exemple d’un groupe britannique, Yorkshire : il fabriquait des colorants en France et a décidé de délocaliser sa production en Inde.
À ce sujet, de nombreux reportages dans les journaux et à la télévision ont d’ailleurs révélé les conditions de fabrication des colorants dans ce pays, où des enfants de huit ans meurent, aujourd’hui, du cancer !
Cela dit, le groupe Yorkshire a licencié en France et le syndicat de l’entreprise – la CGT, madame la ministre… – a porté plainte pour faillite frauduleuse. L’entreprise a perdu ce procès, tant en première instance qu’en appel ! En raison du droit européen, qui n’aide pas forcément les salariés de ce point de vue, il a été difficile de la condamner effectivement.
Si les contre-propositions des salariés de cette entreprise avaient été écoutées, des centaines de licenciements auraient pu être évitées et l’entreprise aurait pu se développer en France. Et nous aurions peut-être moins de morts, en Inde, lors du processus de fabrication de produits chimiques ou de colorants ! Tout le monde connaît bien ce phénomène, puisque de nombreux reportages sur cette question ont été réalisés dans les médias.
Il s’agit des droits des salariés !
Arrêtons de penser que seule la CGT mène des actions négatives et que, dans les grands groupes, les patrons prennent toujours les bonnes décisions !
Regardez le CICE ! On a donné de l’argent aux banques et, aujourd’hui, certaines licencient.
De même, les salariés de Carrefour ou d’Auchan font des propositions, par exemple sur la question des circuits courts pour les fruits et légumes. Or on s’aperçoit qu’on a donné de l’argent à ces entreprises pour leur compétitivité, mais qu’elles achètent ces produits à l’étranger. Pendant ce temps, les producteurs français sont contraints de brûler leurs fruits et légumes et les Français ne peuvent pas les acheter !
Voilà quelques contradictions d’une partie du capital !
Il faut donc ouvrir les yeux et faire appel au peuple de France, aux salariés et aux syndicats, afin de formuler des propositions pour avancer.
Mme la présidente. L’amendement n° 231, présenté par M. Carvounas, n'est pas soutenu.
Article 15
I. – La section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre III de la première partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 1311-18 ainsi rédigé :
« Art. L. 1311-18. – Les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent mettre des locaux à la disposition des organisations syndicales, lorsque ces dernières en font la demande.
« Le maire, le président du conseil départemental, le président du conseil régional, le président d’un établissement public local ou regroupant des collectivités territoriales ou le président d’un syndicat mixte détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés, compte tenu des nécessités de l’administration des propriétés de la collectivité ou de l’établissement, du fonctionnement des services et du maintien de l’ordre public.
« Le conseil municipal, le conseil départemental, le conseil régional ou le conseil d’administration de l’établissement ou du syndicat mixte fixe, en tant que de besoin, la contribution due à raison de cette utilisation.
« La mise à disposition mentionnée au premier alinéa peut faire l’objet d’une convention entre la collectivité ou l’établissement et l’organisation syndicale. »
II. – L’article L. 2144-3 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : «, syndicats » est supprimé ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les locaux communaux peuvent également être mis à la disposition des organisations syndicales, dans les conditions prévues à l’article L. 1311-18. »
III. – Le I du présent article est applicable aux locaux mis à la disposition d’organisations syndicales avant la publication de la présente loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Foix, Nice, Le Blanc-Mesnil, Toulouse, Orléans : les exemples se multiplient d’organisations syndicales qui se voient privées de locaux syndicaux par des municipalités.
Certains locaux sont menacés, je pense en particulier à la bourse du travail de Villejuif dans le Val-de-Marne.
Parce que, parfois, les locaux ont été vendus à des promoteurs immobiliers, parce que, d’autres fois, c’est le meilleur moyen de faire taire des opposants gênants, cette pratique est devenue de plus en plus fréquente.
À ce titre, on ne peut que regretter que l’article 15, dans sa rédaction actuelle, en reste à une simple possibilité – l’hébergement des structures syndicales par les collectivités territoriales –, sans tenir compte pleinement du rapport de 2013 de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS.
Ce rapport appelait de ses vœux la consolidation de l’usage de la mise à disposition des locaux dans la loi, en demandant que les collectivités logent gratuitement les syndicats interprofessionnels qui en font la demande.
Nous regrettons que, malgré la volonté affichée, il manque une véritable sécurisation d’un dispositif, bien souvent mis en place actuellement par le biais, entre autres, des bourses du travail.
Pourquoi ne pas avoir pris des mesures permettant un encadrement plus rigoureux et plus sécurisant pour les organisations syndicales ?
Deux éléments démontrent la timidité du Gouvernement.
Tout d’abord, autoriser une collectivité territoriale à demander une compensation pécuniaire pour avoir mis à disposition un local revient à limiter la possibilité pour les plus petites structures syndicales d’en faire la demande.
Ensuite, la mise à disposition étant une simple possibilité, et non une obligation, les décisions qui privent les organisations syndicales de locaux seront légitimées.
Certes, la mise à disposition est étendue à l’ensemble des échelons territoriaux et ne concerne plus seulement les communes. Bien sûr, nous saluons cette avancée. Mais nous devons nous demander si une telle mesure est bien de nature à renforcer le corpus juridique nécessaire.
Nous ne le pensons pas. C’est pourquoi nous souhaitons rendre cette mise à disposition plus contraignante, afin qu’elle devienne obligatoire.
Il nous semble, en effet, que cela permettrait de renforcer le dialogue social, comme l’indique le titre du présent chapitre.
Cela reviendrait aussi à reconnaître juridiquement que « les activités déployées dans ces lieux contribuent à l’intérêt général local et sont à visée sociale », comme l’indiquait l’IGAS en 2013.
Mme la présidente. L’amendement n° 379 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après les mots :
organisations syndicales
insérer les mots :
ou des associations reconnues d’utilité publique
II. – Alinéa 5
Après les mots :
l’organisation syndicale
insérer les mots :
ou l’association reconnue d’utilité publique
III. – Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable lorsque la demande émane d’une association reconnue d’utilité publique. Dans ce cas, les locaux communaux peuvent être mis à disposition dans les conditions prévues à l’article L. 1311-18. »
IV. – Alinéa 10
Après les mots :
d’organisations syndicales
insérer les mots :
ou d’associations reconnues d’utilité publique
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 379 rectifié est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 667, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque des locaux ont été mis à la disposition d'une organisation syndicale pendant une durée d'au moins trois ans, la décision de la collectivité ou de l'établissement de lui en retirer le bénéfice doit s’accompagner d’une proposition de relogement dans la commune. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Avec cet amendement, nous demandons que, lorsqu’une collectivité retire le bénéfice d’un local syndical, les organisations ne soient pas mises à la rue.
Nous demandons ainsi une garantie, pour elles, de continuer de bénéficier d’un local similaire, c’est-à-dire d’une taille équivalente, afin de ne pas entraver l’action syndicale.
Il faut dire que cette question est particulièrement d’actualité : certaines collectivités ont retiré le bénéfice des locaux de bourses du travail aux syndicats.
Tel est le cas à Nice, où la bourse du travail, occupée depuis 1892, a été déplacée, au départ, pour faire des travaux de réhabilitation. Finalement, la mairie a décidé d’expulser la CGT de ses locaux historiques, sans respecter ni les 120 ans d’histoire sociale du département ni les engagements pris par le maire en 2009.
Le député-maire de la ville, Christian Estrosi, a annoncé qu’il ne souhaitait plus que l’union départementale de la CGT réintègre la bourse du travail dans le Vieux-Nice. En fait, la CGT paye des désaccords politiques avec l’actuelle municipalité.
Un autre exemple : à Lille, la CGT, la FSU et Solidaires exigent, depuis 2012, de réintégrer la bourse du travail historique, dans laquelle a été cependant maintenue Force ouvrière. La municipalité refuse, pour l’instant, d’accepter cette demande.
On le constate bien avec ces illustrations, il est nécessaire de garantir a minima un droit au relogement aux organisations syndicales, et pas uniquement une indemnité. Ce droit s’appliquerait dans le cas prévu par notre amendement, c’est-à-dire lors d’une occupation des locaux durant un minimum de trois ans.
Mme la présidente. L’amendement n° 967, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque des locaux ont été mis à la disposition d’une organisation syndicale pendant une durée d’au moins cinq ans, la décision de la collectivité ou de l’établissement de lui en retirer le bénéfice sans lui proposer un autre local lui permettant de continuer à assurer ses missions lui ouvre le droit à une indemnité spécifique, sauf stipulation contraire de la convention prévue à l’avant-dernier alinéa du présent article. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Cet amendement tend à revenir sur la rédaction adoptée par la commission des affaires sociales qui a vidé de son sens la protection des locaux syndicaux.
Pourquoi avons-nous mis en place cette protection ?
D’abord, parce que nous pensons, bien sûr, qu’une telle disposition aide les organisations syndicales dans leurs missions de proximité.
Ensuite, il est important, pour nous, que les syndicats puissent assurer leurs missions en toute sérénité, sans crainte d’être délogés par les exécutifs locaux.
Vous avez cité quelques exemples, monsieur le sénateur. J’ai moi-même été saisie d’une situation similaire à Chartres et à Châteauroux.
Pour moi, il s’agit vraiment d’un point essentiel.
Dans le même temps, le principe de la libre administration des collectivités locales s’applique, et nous ne devons pas décourager celles-ci de prêter, à l’avenir, certains locaux.
C’est pourquoi nous avions conçu un dispositif équilibré : lorsqu’un syndicat aura utilisé un local durant cinq ans, la collectivité qui voudra l’en déloger devra soit lui trouver un local équivalent, soit l’indemniser.
Cet amendement vise à rétablir ce dispositif dans le projet de loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 991, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque des locaux ont été mis à la disposition d'une organisation syndicale pendant une durée d'au moins cinq ans, la décision de la collectivité ou de l'établissement de lui en retirer le bénéfice sans lui proposer un autre local lui permettant de continuer à assurer ses missions lui ouvre le droit à une indemnité spécifique, sauf stipulation contraire de la convention prévue à l'avant-dernier alinéa du présent article, dont les conditions et le montant sont fixés par décret. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Mon amendement rejoint les précédents, mais il est plus long…
Il est différent de celui de mes collègues du groupe CRC, qui suggèrent une proposition de relogement.
Pour Mme la ministre, il peut s’agir d’une indemnité, venant en compensation de la fin de l’accès aux locaux.
Pour nous, il peut aussi s’agir d’une indemnité, mais dont les conditions et le montant sont fixés par décret. Mme la ministre ayant longuement défendu l’amendement du Gouvernement, je ne serai pas plus long.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
Elle a réécrit l’article 15. Nous sommes en effet au Sénat, maison des collectivités locales, et nous avons eu à cœur de respecter leur libre administration.
Le fait de pouvoir octroyer une facilité ne signifie pas l’obligation de verser une indemnité.
La collectivité peut être amenée à reprendre un bien immobilier. Je n’ai pas besoin, mes chers collègues, de vous rappeler le contexte financier très compliqué de nombre d’entre elles.
Beaucoup de communes, de départements ou de régions engagent une politique de rationalisation et d’optimisation de leur parc immobilier qui peut se traduire par des cessions ou des réorganisations. De ce fait, certaines conventions d’occupation conclues avec des organisations peuvent être remises en cause.
Personnellement, j’apprécie Fernand Pelloutier. Il faisait partie de ceux qui, en 1885, ont mis en place les bourses du travail. Certes, l’environnement était alors différent !
On peut d’ailleurs se demander pourquoi ces bourses du travail ne sont pas progressivement devenues la propriété des syndicats, qui auraient pu s’en porter acquéreur en raison des financements dont ils bénéficient. Leurs budgets – j’ai récemment regardé celui de la CGT – pourraient aussi leur permettre de louer des locaux.
Instituer, dans la loi, une indemnité obligatoire, dès lors qu’une collectivité ne peut pas reloger, nous a paru excessif au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales.
Toutefois, le Gouvernement est dans son rôle en déposant un tel amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements autres que le sien ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 667 et 991.
Je suis évidemment favorable au rétablissement du droit à l’indemnisation, mais je suis opposée au principe de l’encadrement par décret.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. L’amendement du Gouvernement me surprend quelque peu. Il tend à l’indemnisation d’un locataire resté cinq ans dans un même local en cas de demande de départ ou de réalisation de travaux.
Il s’agit aujourd’hui d’une organisation syndicale, mais demain, l’extension éventuelle d’un tel dispositif m’inquiète.
Pourquoi cette mesure ne concernerait-elle pas, plus tard, un locataire resté cinq ans dans un logement, que le propriétaire veut récupérer, cela se faisant au prix d’une indemnisation ?
M. Jean-François Longeot. Exactement !
M. Jean Desessard. J’ai failli le proposer !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Cette extension potentielle peut présenter un danger et déséquilibrer les propriétaires bailleurs, comme les offices d’HLM.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 967.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 354 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 188 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 991.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 15.
(L'article 15 est adopté.)
Article 16
I. – L’article L. 2143-16 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une convention ou un accord d’entreprise peut majorer les durées prévues au présent article. »
II. – Les articles L. 2142-1-3, L. 2143-13, L. 2143-15, L. 2315-1, L. 2325-6, L. 2326-6, L. 2393-3 et L. 4614-3 du même code sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf accord collectif contraire, lorsque le représentant du personnel élu ou désigné est un salarié mentionné à l’article L. 3121-56, le crédit d’heures est regroupé en demi-journées qui viennent en déduction du nombre annuel de jours travaillés fixé dans la convention individuelle du salarié. Une demi-journée correspond à quatre heures de mandat. Lorsque le crédit d’heures ou la fraction du crédit d’heures restant est inférieur à quatre heures, le représentant du personnel en bénéficie dans des conditions définies par un décret en Conseil d’État. »
III. – Au 12° de l’article L. 412-8 du code de la sécurité sociale, après le mot : « missions », sont insérés les mots : « ainsi que les délégués syndicaux, pour les accidents survenus dans le cadre de leurs missions prévues à l’article L. 2143-16-1 du code du travail, ».
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. Après avoir diminué le nombre d’heures de délégation des délégués syndicaux avec la loi Dialogue social, qui a mis en place des délégations uniques du personnel, le Gouvernement prévoyait d’augmenter les heures de délégation syndicale de 20 %, soit en moyenne deux heures supplémentaires.
La droite sénatoriale a décidé de supprimer cette augmentation du crédit d’heures de délégation syndicale. Plus exactement, elle a prévu de laisser le soin aux accords d’entreprise d’augmenter si nécessaire les crédits d’heures des délégués syndicaux appelés à négocier. En cela, la droite est cohérente dans ses positions, mais elle démontre au passage la gravité des conséquences de l’inversion de la hiérarchie des normes.
Demain, les heures de délégation syndicale pourront être négociées par accord d’entreprise, comme c’est le cas pour les heures supplémentaires ou les autres dispositions relatives au temps de travail.
Une fois de plus, vous affaiblissez considérablement l’ordre public en permettant d’ouvrir toutes ces dérogations. De toute façon, il ne nous semblait pas que, en augmentant de 20 % les heures de délégation, que M. Rebsamen avait préalablement réduites de 30 % en moyenne, le Gouvernement satisferait aux besoins grandissants, en lien, justement, avec l’élargissement du champ de la négociation au niveau des entreprises.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 352, présenté par Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer neuf alinéas ainsi rédigés :
… – La sous-section 1 de la section 3 du chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L’article L. 2143-13 est ainsi modifié :
a) Au début du 1°, le mot : « Dix » est remplacé par le mot : « Douze » ;
b) Au début du 2°, le mot : « Quinze » est remplacé par le mot : « Dix-huit » ;
c) Au début du 3°, le mot : « Vingt » est remplacé par le mot : « Vingt-quatre » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 2143-15, le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;
3° L’article L. 2143-16 est ainsi modifié :
a) Au début du 1°, le mot : « Dix » est remplacé par le mot : « Douze » ;
b) Au début du 2°, le mot : « Quinze » est remplacé par le mot : « Dix-huit ».
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement, monsieur Watrin, a précisément pour objet de rétablir l’augmentation du nombre d’heures de délégation des représentants du personnel. Nous vous proposons ainsi de revenir au texte de l’Assemblée nationale.
Je voudrais quand même rappeler que la loi du 17 août 2015 avait étendu le champ d’intervention des délégués syndicaux au-delà de l’entreprise, chaque délégué pouvant désormais utiliser des heures de délégation pour participer, au nom de son organisation, à des négociations ou des concertations interprofessionnelles ou de branche. Leur charge de travail s’était donc déjà alourdie avec la loi dite Rebsamen.
Du reste, l’étude d’impact annexée au présent projet de loi montre que, dans 40 % des établissements ayant un délégué syndical, celui-ci déclare consacrer plus de temps à son mandat que lui en accorde le crédit d’heures légal.
Le besoin d’élargir ce crédit d’heures se faisait donc ressentir avant le présent texte, lequel accroît encore les responsabilités et le champ d’intervention des organisations syndicales.
Il nous paraît par conséquent normal de rétablir cette hausse de 20 % des heures de délégation à leur disposition.
J’ajoute que nous avons repris, dans notre amendement, l’alinéa 1 de l’article tel qu’il résulte des travaux de la commission, c’est-à-dire que nous souhaitons conserver la possibilité de majorer cette durée par accord d’entreprise.
En résumé, nous maintenons les 20 % et, en plus, nous envisageons une possible majoration par accord d’entreprise.
Mme la présidente. L'amendement n° 970, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Remplacer ces alinéas par neuf alinéas ainsi rédigés :
I. – La sous-section 1 de la section 3 du chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L’article L. 2143-13 est ainsi modifié :
a) Au 1°, le mot : « Dix » est remplacé par le mot : « Douze » ;
b) Au 2°, le mot : « Quinze » est remplacé par le mot : « Dix-huit » ;
c) Au 3°, le mot : « Vingt » est remplacé par le mot : « Vingt-quatre » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 2143-15, le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;
3° L’article L. 2143-16 est ainsi modifié :
a) Au 1°, le mot : « Dix » est remplacé par le mot : « Douze » ;
b) Au 2°, le mot : « Quinze » est remplacé par le mot : « Dix-huit ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’enjeu est de laisser plus de temps aux représentants syndicaux pour préparer les négociations, puisque nous souhaitons élargir l’objet de celles-ci.
Nous accordons donc 20 % de moyens supplémentaires, que nous ne subordonnons pas à la signature d’un accord.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Toute la différence est là, effectivement, madame la ministre.
Nous en sommes d’accord, dès lors qu’il y a plus de négociations, les délégués syndicaux ont besoin de plus d’heures. C’est dans cet esprit que nous avons adopté une nouvelle rédaction de l’article 16, en prévoyant une faculté de majoration. En revanche, mettre la barre à 20 % pour tout le monde à compter de la promulgation de la loi n’a pas grand sens.
Pour notre part, nous souhaitons focaliser le dispositif sur celles et ceux qui vont effectivement s’engager dans une négociation, car c’est bien l’esprit du présent projet de loi que nous partageons. Nous avons donc préféré instituer une faculté et laisser les parties prenantes se mettre d’accord autour de la table. C’est, à notre sens, la meilleure façon d’y arriver.
La commission émet des avis défavorables sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 352 ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 352.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 355 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 970.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 356 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 16.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 357 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 189 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous avons examiné 114 amendements au cours de la journée ; il en reste 414.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 21 juin 2016 :
À neuf heures trente : vingt-cinq questions orales.
De quatorze heures trente à dix-sept heures trente :
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (n° 610, 2015-2016) ;
Rapport de MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Marc Gabouty et Michel Forissier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 661, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 662, 2015-2016).
À dix-sept heures trente : débat préalable à la réunion du Conseil européen des 28 et 29 juin 2016.
Le soir :
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (n° 610, 2015-2016) ;
Rapport de MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Marc Gabouty et Michel Forissier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 661, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 662, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD