Sommaire
Secrétaires :
Mme Corinne Bouchoux, M. Jean-Pierre Leleux.
fonds d’urgence affecté aux départements par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie
Question n° 1373 de M. Georges Labazée. – M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales ; M. Georges Labazée.
transfert à la région de la compétence en matière de transport
Question n° 1404 de M. Jean-Yves Roux. – M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales ; M. Jean-Yves Roux.
règles de représentation au sein des conseils communautaires
Question n° 1401 de M. Rémy Pointereau. – M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales ; M. Rémy Pointereau.
Suspension et reprise de la séance
modalités de gestion des autorisations de plantation
Question n° 1407 de Mme Anne Emery-Dumas. – Mme Juliette Méadel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'aide aux victimes ; Mme Anne Emery-Dumas.
Question n° 1381 de Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. – Mme Juliette Méadel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'aide aux victimes ; Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.
Question n° 1412 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mme Juliette Méadel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'aide aux victimes ; Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
effectifs de la police aux frontières dans les aéroports parisiens
Question n° 1386 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Mme Juliette Méadel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'aide aux victimes ; Mme Hélène Conway-Mouret.
accès de la police municipale au fichier national des immatriculations
Question n° 1387 de M. Alain Gournac. – Mme Juliette Méadel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'aide aux victimes ; M. Alain Gournac.
bilan des mesures incitatives pour lutter contre la désertification médicale
Question n° 1391 de M. Michel Vaspart. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Michel Vaspart.
Question n° 1397 de Mme Frédérique Espagnac. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; Mme Frédérique Espagnac.
Question n° 1439 de Mme Évelyne Didier. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; Mme Évelyne Didier.
mise en danger des randonneurs par les chiens de protection des troupeaux
Question n° 1359 de Mme Patricia Morhet-Richaud. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; Mme Patricia Morhet-Richaud.
Suspension et reprise de la séance
utilisation des détecteurs de métaux
Question n° 1410 de Mme Françoise Férat. – Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication ; Mme Françoise Férat.
conditions de prise en compte à l'échelle intercommunale des obligations de la loi sru
Question n° 1380 de M. Henri Tandonnet. – Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication ; M. Henri Tandonnet.
Question n° 1405 de M. Michel Le Scouarnec. – Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication ; M. Michel Le Scouarnec.
mise en œuvre des nouveaux programmes scolaires
Question n° 1375 de M. François Bonhomme. – Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité réelle ; M. François Bonhomme.
prise en compte des projets de logement pour la définition de la carte scolaire
Question n° 1388 de M. Dominique Bailly. – Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité réelle ; M. Dominique Bailly.
violences en milieu scolaire et agressions contre les enseignants
Question n° 1411 de M. Didier Marie. – Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité réelle ; M. Didier Marie.
enseignants exerçant les fonctions d'éducateur en internat
Question n° 1414 de M. Alain Duran. – Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité réelle ; M. Alain Duran.
postes supplémentaires d'enseignants dans le loir-et-cher pour la rentrée de 2016
Question n° 1415 de Mme Jacqueline Gourault. – Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité réelle ; Mme Jacqueline Gourault.
Suspension et reprise de la séance
hausse des tarifs autoroutiers dans les alpes-maritimes
Question n° 1382 de Mme Dominique Estrosi Sassone. – Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité ; Mme Dominique Estrosi Sassone.
qualité du service rendu aux usagers sur les lignes de transport express régional champardennaises
Question n° 1395 de M. Marc Laménie. – Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité ; M. Marc Laménie.
promotion des métiers de la pêche
Question n° 1406 de M. Michel Canevet. – Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité ; M. Michel Canevet.
mise en place de véhicules auto-partagés dans les immeubles collectifs
Question n° 1366 de M. Louis Nègre. – Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité ; M. Louis Nègre.
sécurisation de l'espace public dans les communes sans police municipale
Question n° 1384 de M. André Reichardt. – Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité ; M. André Reichardt.
4. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Suspension et reprise de la séance
5. Hommage à Maurice Blin, ancien sénateur
6. Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Article additionnel après l'article 16
Amendement n° 198 rectifié de M. Georges Patient. – Retrait.
Articles additionnels après l'article 16 bis
Amendement n° 847 rectifié de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 972 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 52 de M. Dominique Watrin. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 380 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 1014 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 105 rectifié de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. – Non soutenu.
Amendement n° 256 rectifié bis de Mme Catherine Deroche. – Retrait.
Amendement n° 257 rectifié bis de Mme Catherine Deroche. – Adoption.
Amendement n° 385 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 672 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 670 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 671 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de l’article.
Amendement n° 53 de M. Dominique Watrin. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 677 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 1013 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 18
Amendement n° 679 de M. Dominique Watrin. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 680 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 681 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 1023 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 18 bis
Demande de réserve de l’article 19. – Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. – La réserve est ordonnée.
Mme Annie David ; Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social
Adoption de l’article.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
7. Hommage à Jo Cox, députée britannique
8. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 28 et 29 juin 2016
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes
M. Harlem Désir, secrétaire d'État
M. Roland Courteau ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État
M. Joël Guerriau ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État
M. Michel Billout ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État
M. Didier Marie ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État
Mme Anne-Catherine Loisier ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État
M. Jean-Pierre Bosino ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État
M. Jean-Yves Leconte ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État
M. Michel Canevet ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État
M. Éric Bocquet ; M. Harlem Désir, secrétaire d’État
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
9. Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Article 19 (précédemment réservé)
Amendement n° 1043 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 682 de M. Dominique Watrin. – Retrait.
Amendement n° 683 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 983 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 1022 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 19 (précédemment réservé)
Article 20 (précédemment examiné)
Article additionnel après l’article 20
Amendement n° 684 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 54 de M. Dominique Watrin. – Rejet par scrutin public.
Adoption de l’article par scrutin public.
Articles additionnels après l’article 20 bis
Amendement n° 981 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 687 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 978 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 245 rectifié de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendement n° 975 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 912 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Rejet.
Amendement n° 312 de Mme Dominique Gillot. – Rejet.
Amendement n° 167 rectifié bis de M. Alain Vasselle. – Retrait.
Amendement n° 367 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 317 rectifié de Mme Maryvonne Blondin. – Rejet.
Amendement n° 698 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 688 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 81 rectifié de M. Jean-François Husson. – Retrait.
Amendement n° 313 de M. Yannick Botrel. – Retrait.
Amendement n° 314 de M. Yves Rome. – Adoption.
Amendement n° 316 de Mme Nicole Bricq. – Retrait.
Amendement n° 315 de M. Yannick Botrel. – Retrait.
Amendement n° 162 rectifié quater de M. Alain Marc. – Retrait.
Amendement n° 161 rectifié quater de M. Alain Marc. – Adoption.
Amendement n° 163 rectifié ter de M. Alain Marc. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1031 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 976 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 21 bis
Amendement n° 977 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 94 rectifié ter de M. Philippe Mouiller. – Retrait.
Amendement n° 692 de M. Paul Vergès. – Rejet.
Amendement n° 360 rectifié de M. André Reichardt. – Retrait.
Adoption de l’article.
Renvoi de la suite de la discussion.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Corinne Bouchoux,
M. Jean-Pierre Leleux.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt d’un rapport
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le dixième rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
3
Questions orales
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
fonds d’urgence affecté aux départements par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Labazée, auteur de la question n° 1373, transmise à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
M. Georges Labazée. J’ai déposé cette question orale il y a un certain temps, mais, en raison des règles internes à cette maison, je ne peux la poser qu’aujourd’hui, tandis que, parallèlement, l’actualité a évolué, tout comme le nombre d’allocataires du revenu de solidarité active, le RSA.
Ce nombre a fortement augmenté, vous le savez, monsieur le ministre, de même que, par voie de conséquence, la charge correspondante pour les départements. Malheureusement, c’est peu dire que la compensation de l’État n’a pas crû selon le même rythme. Vous avez vous-même, comme moi, présidé un conseil général et vous avez pu constater comment la répartition de la charge entre l’État et les départements est passée de 50-50 en 2002 à 28-72. Ainsi, dans les caisses des départements, le trou se creuse inexorablement : après un montant de 3,3 milliards d’euros de reste à charge en 2014, la facture s’est élevée à 4 milliards d’euros en 2015.
Aussi, l’année dernière, l’État a débloqué une aide d’urgence de 50 millions d’euros pour soulager dix départements qui étaient dans le rouge vif. J’avais alors interrogé le Gouvernement sur les conséquences de ce prélèvement pour les réserves de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, et sur les moyens de contrôle prévus pour assurer que cette aide accordée aux départements soit utilisée pour la dépense sociale.
Cette année, selon l’Assemblée des départements de France, l’ADF, ce seraient entre trente et quarante départements qui ne disposeraient pas des fonds suffisants. Dans ce contexte, à la fin du mois de février dernier, le Premier ministre a proposé de « renationaliser » le RSA à compter du 1er janvier 2017 ; d’où un soupir de soulagement pour les départements en difficulté, qui, en contrepartie, « s’engagent à renforcer l’accompagnement de ses bénéficiaires vers l’insertion et l’emploi ». D’ici là, le Gouvernement devrait débloquer une nouvelle aide d’urgence pour les budgets de 2016.
Je salue cette proposition du Premier ministre, mais une question demeure quant au choix de l’année de référence pour déterminer le droit à compensation. La proposition faite par le Gouvernement de prendre comme référence l’année n-1 suit la même logique que celle qui a présidé à la décentralisation du revenu minimum d’insertion, le RMI, en 2004 : l’année de référence était l’année 2003 pour une décentralisation effective en 2004.
Je saisis tout à fait l’impératif de maîtrise des comptes publics, mais pourrait-on trouver un meilleur équilibre pour les départements, qui – faut-il le rappeler ? – sont les principaux acteurs de nos territoires en matière d’initiatives et de dépenses sociales ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, votre question est tout à fait d’actualité, puisque, dès que j’en aurai terminé avec cette séance de questions orales, je me rendrai à l’hôtel Matignon, où le Premier ministre et moi-même recevrons une large délégation de l’Assemblée des départements de France pour tenter de trouver une solution à ce problème du RSA.
Vous l’avez rappelé, le Premier ministre a reçu une première délégation de l’ADF le 25 février dernier et a fait droit à sa demande visant à recentraliser le RSA sans toucher aux recettes dynamiques – la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, et les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, qui augmentent dans des proportions considérables.
Depuis lors, des discussions ont lieu, pas toujours dans la facilité ni dans la tranquillité, car j’observe de grandes contradictions entre les points de vue des uns et des autres au sein de l’ADF ; certains sont favorables à cette recentralisation et d’autres y sont défavorables, droite et gauche confondues. Cela ne simplifie pas le débat…
Quoi qu’il en soit, nous avons proposé de recentraliser le RSA, ce qui conduirait l’État à le financer en 2017 à hauteur de 700 millions d’euros – ce n’est pas rien –, en retenant effectivement l’année 2016 comme référence, par homothétie avec ce qui s’est passé en 2004, lorsque le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait décentralisé le RSA.
En effet, ne l’oublions pas, le RSA est une allocation de solidarité nationale, issue du RMI créé par Michel Rocard pour favoriser l’insertion, et il a été décentralisé en 2004 en prenant comme référence l’année 2003. Dès lors, de la même manière, nous nous fondons aussi sur l’année n-1 comme référence.
En outre, entre-temps, le pacte de confiance et de responsabilité a été adopté ; il a tout de même conduit à transférer aux départements la taxe foncière sur les propriétés bâties, soit 865 millions d’euros, et a permis l’augmentation des taux des DMTO.
Vous le constatez, le Gouvernement prend ses responsabilités ; à l’ADF de prendre maintenant les siennes. Oui, il y a un vrai problème de financement du RSA, mais encore faut-il trouver une solution équilibrée et la fonder sur des références objectives. C’est ce que nous proposons.
J’espère que nous parviendrons à un accord dès ce matin.
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Je partage la position de M. le ministre et je lui souhaite une très bonne chance pour les négociations de tout à l’heure.
transfert à la région de la compétence en matière de transport
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 1404, adressée à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le ministre, l’article 15 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, prévoit de transférer les compétences relatives au transport non urbain, régulier ou à la demande, à compter du 1er janvier 2017, ainsi que la compétence relative au transport scolaire, à compter du 1er septembre 2017. Dans l’esprit du législateur, il s’agissait de permettre ainsi aux collectivités territoriales concernées de préparer au mieux les modalités du transfert qui impliquent des services, du personnel et des moyens, tout en prenant en compte la fin de l’année scolaire.
Or, même si l’intention de départ est louable, cette distinction pose dans les faits de nombreux problèmes, notamment dans les départements ruraux. En effet, le trafic des lignes régulières concernant pour une grande part des élèves, il paraît difficile de respecter strictement les deux échéances prévues. Dans mon département par exemple, celui des Alpes-de-Haute-Provence, département rural et montagnard, sur les 5 200 élèves transportés, 1 200 utilisent des lignes régulières.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, et dans un but de simplification et de cohérence, serait-il possible d’envisager de retenir une seule date de transfert pour les deux compétences – transport régulier et transport scolaire – qui serait fixée au 1er septembre 2017 ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, la loi NOTRe prévoit en effet le transfert à la région des services de transports non urbains, réguliers ou à la demande au 1er janvier 2017, ainsi que l’organisation des transports scolaires au 1er septembre 2017. Vous souhaitez savoir s’il serait possible de ne retenir qu’une date de transfert de ces deux compétences, date que vous désirez fixer au 1er septembre prochain.
L’entrée en vigueur différée de ces transferts de compétence a été débattue dans cet hémicycle comme à l’Assemblée nationale, et un large consensus – ce n’est pas toujours le cas – s’est dégagé en ce sens, une fois accepté le transfert de ces compétences des départements aux régions. Il s’agit de s’adapter au mieux à l’organisation et à la gestion des services publics de transports, la question du transport scolaire étant le plus souvent spécifique et étroitement liée au calendrier scolaire.
Il est bien entendu possible d’apporter de la souplesse à ce dispositif. Dans les cas où le transfert de ces compétences à deux dates différentes poserait problème – ce qui semble être le cas dans votre circonscription –, la région et le département peuvent très bien conclure une convention de délégation de compétence. Le département continue ainsi à administrer les lignes régulières et les transports à la demande pour le compte de la région jusqu’au transfert effectif de la compétence en matière de transport scolaire.
Régie par le principe de liberté contractuelle, la convention de délégation de compétence offre, vous le savez, des marges de manœuvre aux acteurs locaux, afin d’assurer la continuité du service public jusqu’au transfert effectif de sa gestion.
Aussi, au 1er septembre 2017, la région sera compétente pour l’ensemble des services de transport, et il lui appartiendra de définir le mode de gestion qui lui paraîtra le plus pertinent, en conservant, je le répète, la possibilité de déléguer l’exercice de ses compétences au département ou au bloc communal.
Vous le constatez, monsieur le sénateur, des solutions existent pour faciliter, là où c’est nécessaire, ces transferts de compétence, par le biais de la discussion et de la recherche du compromis, et le Gouvernement y est particulièrement attentif.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. J’aurais préféré, il est vrai, un transfert au 1er septembre prochain, mais la solution retenue prend en compte la réalité des territoires ruraux, et je vous en sais gré.
règles de représentation au sein des conseils communautaires
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 1401, transmise à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
M. Rémy Pointereau. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, qui est aussi chargé des collectivités territoriales ; elle porte sur les règles de représentation au sein des conseils communautaires.
Conformément à la décision du 20 juin 2014 du Conseil constitutionnel, statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par la commune de Salbris, et à la loi du 9 mars 2015 autorisant l’accord local de répartition des sièges de conseiller communautaire, les conseils communautaires sont soumis à une répartition stricte des conseillers communautaires à proportion de la population communale.
Ainsi, en cas de démission ou de décès, les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale, ou EPCI, perdent la faculté de fixer par accord local le nombre de sièges et leur répartition au conseil communautaire. Cette répartition a lieu sans qu’aucune commune ne puisse disposer de plus de la moitié des sièges ni être totalement dépourvue de représentation.
Toutefois, la loi du 9 mars 2015 permet l’adoption d’un accord local par une majorité qualifiée des deux tiers des conseils municipaux des communes membres représentant plus de la moitié de la population de celles-ci ou de la moitié de ces conseils représentant plus des deux tiers de la population, ce qui est limitatif.
Dans le Cher, des démissions ou des décès d’élus municipaux ont nécessité l’organisation d’élections, qui ont débouché sur des accords locaux de répartition des sièges de conseils communautaires. Or ces accords ont été remis en cause, alors même qu’ils avaient été mis en place à la suite des élections municipales de 2014 ; c’est notamment le cas dans la communauté d’agglomération de Bourges, mais également dans plusieurs communautés de communes du département.
Cela a conduit à démettre de leurs fonctions des conseillers communautaires régulièrement élus au mois de mars 2014, bien que ceux-ci n’aient commis aucun manquement à leurs devoirs d’élus. Pour éviter cette situation, qui est incomprise, contestée et rejetée, il aurait été souhaitable d’attendre le renouvellement des conseillers en 2020, lors des élections municipales et communautaires – c’est d’ailleurs ce que demandent plusieurs conseils municipaux pour éviter que ne soit affaiblie la représentation au sein des intercommunalités des communes les moins peuplées.
Ainsi, monsieur le ministre, je souhaite savoir si, au-delà de la jurisprudence précitée, il serait envisageable de maintenir par tout autre moyen, dans ces cas spécifiques, les règles de représentation librement arrêtées en 2014 lors des précédentes élections municipales, jusqu’à la fin des mandats actuels. Il s’agit simplement de respecter, ce faisant, le choix exprimé par les urnes !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur Pointereau, je comprends bien la situation qui se présente dans un certain nombre de communes de votre département, mais la décision du Conseil constitutionnel Commune de Salbris du 20 juin 2014, que vous avez vous-même citée, prévoit explicitement l’impossibilité de maintenir des accords locaux intervenus antérieurement à cette décision.
Vous auriez souhaité maintenir jusqu’au prochain renouvellement général des conseils communautaires les accords locaux de répartition des sièges lorsque des démissions imposent de procéder à une élection.
Dans sa décision de 2014, le Conseil constitutionnel a annulé les dispositions relatives aux accords locaux de répartition des sièges de conseillers communautaires au motif qu’elles ne permettaient pas d’assurer une représentation de la population selon des critères essentiellement démographiques. L’entrée en vigueur immédiate de cette annulation aurait obligé à procéder à une nouvelle répartition des sièges de conseillers communautaires dans l’ensemble des EPCI à fiscalité propre dans lesquels un accord local avait été conclu, c’est-à-dire pratiquement partout, car il y a eu beaucoup d’aménagements de ce type, y compris d’ailleurs chez moi, dans ma communauté de communes.
Afin d’éviter les « conséquences manifestement excessives » d’une telle annulation immédiate, mais tout en préservant l’effet utile de sa déclaration d’inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel a décidé de limiter son application aux seules élections à venir. Le dispositif actuellement en vigueur constitue donc déjà un aménagement par rapport à la situation qui aurait prévalu si le Conseil constitutionnel n’avait pas modulé l’application de sa décision.
Ce qui préexiste est ainsi reconnu par le Conseil, mais dès lors que, pour une raison ou une autre, on est amené à élire de nouveaux conseillers communautaires, il est explicitement prévu que l’on recompose les conseils communautaires. Il n’existe donc pas d’autre choix, en cas d’élection municipale partielle ou totale dans l’une des communes membres, que de procéder à une telle recomposition.
Tel est malheureusement le cas dans les communes que vous citez. Les élus auraient souhaité – je peux le comprendre – que la répartition des sièges soit prorogée, car il n’est jamais simple de dégager un accord qui fonctionne, qui soit équilibré. Hélas, le Conseil constitutionnel a tranché, et sa décision s’impose tant au législateur qu’au représentant de l’État et aux élus concernés.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Merci de votre réponse, monsieur le ministre, qui ne me satisfait toutefois que partiellement. Sachez que cette situation a causé un grand désarroi au sein des conseillers communautaires, qui avaient bien travaillé, mais qui ont dû mettre fin à leurs fonctions.
Je constate par ailleurs qu’il existe une inégalité de traitement puisque l’accord local devient caduc en cas de démission ou de décès dans une communauté existante, alors qu’il peut y avoir un accord local en cas de fusion. Ainsi, ma communauté de communes va fusionner avec une autre communauté et, en l’espèce, l’accord local pourra être décidé par nos conseils communautaires.
En outre, les élus ont besoin de stabilité juridique.
M. Rémy Pointereau. Je souhaite donc que l’on trouve une solution d’ici à 2020.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures cinquante, est reprise à neuf heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, auteur de la question n° 1407, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Mme Anne Emery-Dumas. Ma question s’adresse au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, par ailleurs porte-parole du Gouvernement. Elle porte sur les inquiétudes que soulèvent, au sein de la fédération des unions viticoles du Centre-Loire, les modalités d’application du nouveau régime de gestion des autorisations de plantation de vigne.
Ce dispositif, qui remplace le système des droits de plantation depuis le 1er janvier dernier, peut mettre en péril la pérennité et la viabilité des appellations d’origine contrôlée, les AOC ; il inquiète notamment les vignerons de l’aire d’appellation de Pouilly-sur-Loire. Les organismes de défense et de gestion de la fédération des unions viticoles du Centre-Loire craignent notamment le détournement de notoriété, phénomène amplifié par l’augmentation des plantations de cépages d’AOC du Centre-Loire en dehors de ces appellations.
Ils souhaitent donc fixer leurs propres critères d’éligibilité et de priorité, conformément à l’article L. 665-8 du code rural et de la pêche maritime créé par l’ordonnance du 7 octobre 2015 relative aux produits de la vigne. Ils veulent notamment réintroduire le critère permettant aux jeunes de s’installer et celui de la compétence professionnelle, auquel ils sont particulièrement attachés.
Je souhaite que le Gouvernement nous indique les moyens de fixer ces critères et les modalités à mettre en œuvre pour y parvenir.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Juliette Méadel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’aide aux victimes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de mon collègue Stéphane Le Foll, qui est en réunion en ce moment avec le nouveau président des Jeunes agriculteurs, M. Jérémy Decerle.
Madame la sénatrice, vous appelez l’attention du ministre de l’agriculture sur les modalités de mise en œuvre du nouveau régime d’autorisations de plantation de vigne en vigueur depuis le 1er janvier dernier. Ce nouveau système de régulation suscite des inquiétudes concernant la pérennité et la viabilité des appellations françaises, plus particulièrement des appellations de la région Centre-Val-de-Loire.
Alors que de nombreux secteurs agricoles sont aujourd’hui libéralisés ou sur le point de l’être, je tiens tout d’abord à rappeler que, pour la France, l’enjeu des négociations européennes a été de maintenir un système de régulation du potentiel de production permettant aux vignobles qui le souhaitent de croître au regard des perspectives de marché identifiées, tout en garantissant la stabilité des marchés face aux éventuels risques d’offre excédentaire ou de dépréciation des indications géographiques. En 2013, Stéphane Le Foll a ainsi obtenu le maintien d’un tel système, qui n’était pas l’intention première de la Commission.
Pour octroyer les autorisations de plantation et établir les critères d’éligibilité et de priorité, une procédure de gouvernance rénovée de la filière viticole a été définie dans le code rural et de la pêche maritime. Elle prévoit une concertation large des professionnels, à l’échelon tant local que national.
Pour la première année de sa mise en œuvre, les représentants de la filière se sont accordés sur l’activation à l’échelle nationale d’un critère d’éligibilité visant à éviter les risques de détournement de notoriété des appellations d’origine protégée, les AOP, et des indications géographiques protégées, les IGP, et de deux critères de priorité, dont un qui favorise les nouveaux venus avec une condition d’âge.
Au terme de la procédure d’instruction des dossiers pour 2016, un classement des demandes individuelles sera ainsi établi au plan national. Ce travail de définition et de pondération des critères sera reconduit au second semestre 2016 au titre de la campagne de 2017. À ce titre, dans la mesure où le choix de la filière s’orienterait vers une activation des critères par zone du territoire, la pondération des critères telle qu’elle est proposée à l’échelon local déterminera son caractère opérationnel dans la zone considérée.
Enfin, en l’absence de disposition européenne en ce sens, la définition d’une superficie minimale ou maximale à attribuer au producteur dans le cadre du dispositif d’autorisations de plantations nouvelles et de l’activation d’une limitation régionale ne serait pas conforme à la réglementation européenne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas.
Mme Anne Emery-Dumas. Je veux simplement remercier Mme la secrétaire d’État de sa réponse et me réjouir que l’on ait pu mettre en place cette concertation, qui s’imposait, dans des aires viticoles comme celle de Pouilly, pour conserver la qualité de la production.
avenir de la filière bois
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, auteur de la question n° 1381, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. L’Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes compte quelque 3 millions d’hectares de surfaces boisées qui font de cette grande région, la mienne, la plus vaste forêt de France. Souvent morcelée et privée à hauteur de plus de 90 %, cette forêt se caractérise aussi par sa diversité : elle abrite des feuillus et des pins d’essences diverses.
Si elle constitue bien sûr un atout environnemental considérable, elle joue aussi un rôle économique important. Avec près de 70 000 salariés de l’amont à l’aval, elle représente 20 % des emplois français de ce secteur. C’est sur cet aspect économique que porte ma question.
Pendant des années, des plans de développement de cette filière se sont succédé, créant de multiples structures et échelles d’intervention. Or, dans un secteur de long terme comme celui-ci, les propriétaires forestiers et l’ensemble des professionnels ont naturellement besoin, pour stimuler les investissements porteurs d’avenir, de visibilité sur la durée, d’acteurs bien identifiés, bref de lisibilité et de stabilité.
Leurs préoccupations sont multiples, qu’elles concernent le renouvellement des forêts, l’adaptation de la production forestière aux besoins des marchés, la stratégie industrielle, la gestion des dégâts du gibier, les risques phytosanitaires, ou encore la formation des professionnels de l’exploitation.
M. le ministre de l’agriculture a mandaté quatre personnalités pour lui remettre un rapport, afin de poser les bases d’un plan recherche et innovation 2025 pour la filière forêt-bois. Les conclusions de cette mission, remises le mois dernier, sont-elles susceptibles d’apporter des éléments de réponse aux préoccupations dont je viens de faire état, au plan tant environnemental qu’économique ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Juliette Méadel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'aide aux victimes. Madame la sénatrice, je vous prie de nouveau de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Stéphane Le Foll, qui est actuellement en réunion avec le nouveau président des Jeunes agriculteurs, M. Jérémy Decerle.
La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt prévoit la validation, par décret, d’un programme national de la forêt et du bois fixant les orientations de la politique forestière pour les dix prochaines années.
Au terme d’une année de travaux, menés par le ministère chargé de la forêt, en collaboration étroite avec toutes les administrations concernées et la filière dans son ensemble, un projet de programme national a été soumis, le 8 mars dernier, au Conseil supérieur de la forêt et du bois et a reçu un avis positif à la quasi-unanimité. Ce document est désormais soumis à l’Autorité environnementale, qui rendra son avis au mois de juillet prochain. Il fera ensuite l’objet d’une consultation du public, telle que la loi le prévoit.
L’ambition du programme national est de créer de la valeur et de l’emploi à partir de la richesse de la forêt française, en mobilisant cette ressource dans le strict respect d’une gestion durable. Le programme affiche quatre objectifs ambitieux, déclinés et adaptés par le biais d’un grand nombre d’actions concrètes. En outre, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt prévoit qu’il doit faire l’objet d’une adaptation au plan régional, au travers des programmes régionaux de la forêt et du bois. Ces programmes seront élaborés dans le cadre de commissions régionales de la forêt et du bois, coprésidées par le préfet de région et le président du conseil régional, et regroupant l’ensemble de la filière.
L’élaboration des programmes régionaux, en cohérence avec le programme national, sera donc l’occasion, pour chaque région, de décliner la politique forestière pour les dix prochaines années, de l’adapter aux spécificités locales – essences, tissu industriel, tourisme, etc. – et de donner de la visibilité aux acteurs de la filière dans leur ensemble.
Le ministre de l’agriculture a récemment sollicité les préfets pour leur demander une première version de ces programmes régionaux d’ici à la fin de l’année 2016, afin de finaliser les travaux en 2017.
La cohérence de la politique forestière, politique stratégique pour notre pays, dans ses différentes dimensions – productive, à tous les stades de la transformation, environnementale, touristique et d’activités de loisirs –, a été fortement renforcée par le Gouvernement, au travers du programme national, mais également du contrat de filière forêt-bois.
Désormais, nous entrons dans la phase de mise en œuvre de ces avancées majeures pour la filière et dans le temps de la déclinaison régionale de ces orientations stratégiques, afin de pouvoir les adapter au plus près des réalités et des enjeux des territoires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Madame la secrétaire d'État, en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, la forêt représente un taux d’occupation des sols nettement supérieur à la moyenne nationale.
Vous comprendrez, dès lors, l’importance, pour nous, d’une gestion durable, intégrant pleinement les enjeux environnementaux, mais aussi économiques.
C’est pourquoi je vous remercie de cette réponse précise, qui me semble apporter des éléments de nature à rassurer les professionnels de la filière.
traite et migrantes
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 1412, adressée à Mme la ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la secrétaire d'État, le récent rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat sur la traite des êtres humains, dont j’ai été corapporteur, a souligné le risque d’amplification du phénomène de traite dans le contexte actuel de crise des migrants.
Selon les statistiques de l’ONU, 70 % des victimes de la traite des êtres humains sont des femmes et de jeunes filles.
Depuis le conflit en Syrie, la proportion de femmes, parmi les migrants, a nettement augmenté. Notre attention a donc été attirée sur les dangers encourus spécifiquement par les femmes dans ces situations tragiques de grande vulnérabilité.
Nous savons que la frontière entre traite et trafic illicite de migrants est extrêmement poreuse.
Dans son rapport du mois de janvier dernier, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, rappelle que « le désir de migrer étant un ressort extrêmement puissant de la traite des êtres humains, l’immigration illégale n’est parfois que “la face cachée de la traite” ».
Human Rights Watch a fait état de cas dans lesquels des migrants avaient versé de l’argent à des passeurs clandestins, puis avaient été remis entre les mains d’individus se livrant à la traite.
La crise actuelle réunit les conditions pour que les réseaux exploitent cette situation. La traite est, d’ailleurs, une réalité tangible au sein des camps de migrants.
À Calais, l’association France Terre d’Asile a mis en place une structure spécifique, fondée sur un projet d’identification, d’information et d’orientation des victimes de la traite des êtres humains dans le Calaisis.
L’identification des victimes est d’une extrême difficulté. Or c’est l’étape indispensable à leur protection.
En situation de vulnérabilité extrême, ces victimes sont toutes sous emprise. Nos interlocuteurs ont rappelé que les exploiteurs mettaient tout en œuvre pour les empêcher de verbaliser leur parcours de vie véritable et leur qualité de victime de la traite.
Dès lors, comment mieux détecter les victimes potentielles de la traite ? Les témoignages entendus par la délégation convergent pour souligner la nécessité de médiateurs culturels. Je vous demande donc, madame la secrétaire d'État, de créer les 50 postes de médiateur culturel annoncés dans le cadre du plan d’action national contre la traite des êtres humains 2014-2016.
Le Gouvernement peut agir sur un second plan : il peut compléter le questionnaire annexé à l’arrêté du 23 octobre 2015, afin de prévoir des questions relatives à toutes les situations de vulnérabilité visées à l’article L. 744-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA.
Mme Hélène Conway-Mouret. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Juliette Méadel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'aide aux victimes. Madame la sénatrice, le Gouvernement s’est engagé avec une détermination absolue dans la lutte contre la traite des êtres humains. Dès 2012, il a développé, à ce sujet, une véritable politique publique, de nature interministérielle.
Ce volontarisme inédit s’est exprimé selon trois axes majeurs : le renforcement de l’arsenal législatif, la création de la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains, la MIPROF, en 2013, et l’adoption du premier plan d’action national contre la traite des êtres humains, couvrant la période 2014-2016.
La situation des femmes migrantes nous préoccupe, tout particulièrement à Calais. Chacun sait que ces femmes constituent la proie des réseaux. Les témoignages des associations humanitaires en attestent, puisqu’ils évoquent de nombreux cas d’exploitation sexuelle.
Les services de l’État sont pleinement mobilisés aux côtés des associations qui vont à la rencontre des femmes migrantes pour assurer leur suivi médical, comme Gynécologie sans frontières, ou pour prendre en charge celles qui sont victimes de traite, à l’instar de l’Amicale du nid.
Pour ce qui concerne la création des 50 postes de médiateur culturel, il reviendra aux associations, auxquelles seront délégués des moyens nouveaux pour la mise en place du parcours de sortie de la prostitution, de juger si ce recrutement fait partie de leurs priorités d’action.
Le parcours de sortie de la prostitution constitue une avancée majeure, permise par la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. Les associations auront toute latitude pour s’organiser au plus près du terrain et pour utiliser ces ressources complémentaires en fonction des besoins qu’elles auront identifiés.
Pour ce qui est de la détection des vulnérabilités des demandeurs d’asile, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, qui octroie la protection internationale, a d’ores et déjà engagé un processus de formation de ses agents à l’identification des besoins de protection liés à la traite, en application du plan d’action qu’il met en œuvre depuis l’été 2013.
Les formations sont délivrées par des officiers de protection référents, spécialisés sur ces thèmes.
L’entretien personnel avec le demandeur d’asile concerné est mené par un officier de protection formé, qui bénéficie de l’appui des référents internes sur les thématiques de la traite et des mineurs isolés : il est l’occasion d’amener l’intéressé, si besoin est, à verbaliser sa situation de victime de traite et son appartenance à une minorité, et à faire état, le cas échéant, de craintes à l’idée de retourner dans son pays d’origine.
Cette identification, dont la verbalisation est le préalable indispensable, est susceptible de justifier l’octroi d’une protection internationale s’il est établi, d’une part, que le demandeur s’est engagé dans un processus de distanciation du réseau de traite qui l’exploitait et, d’autre part, que cette situation fait naître chez lui des craintes de persécution ou d’atteintes graves dans l’hypothèse où il regagnerait son pays d’origine.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.
Je veux simplement insister sur deux aspects.
Premièrement, le questionnaire sur la base duquel l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, réalise ses détections ne lui suffit pas à repérer les situations de vulnérabilité visées dans le CESEDA. Il faut absolument le compléter.
Deuxièmement, je veux revenir sur le rôle des associations que vous avez effleuré. Sur le terrain, celles-ci réalisent un travail extraordinaire, avec beaucoup d’humanité, notamment lorsqu’il s’agit d’accueillir des femmes, parfois très jeunes.
Vous avez renvoyé la création des postes de médiateur aux associations. Le problème tient aux moyens octroyés à celles-ci, notamment à celles qui se consacrent à la lutte contre la traite des êtres humains.
J’appelle donc à une pérennisation et, même, à une augmentation de leur financement, faute de quoi nous ne pourrons pas répondre avec humanité à ces situations de vulnérabilité.
effectifs de la police aux frontières dans les aéroports parisiens
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, auteur de la question n° 1386, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur les effectifs de la police aux frontières, la PAF, dans les deux aéroports parisiens d’Orly et de Roissy-Charles-de-Gaulle.
En effet, si les conditions d’accueil mises en place dans ces aéroports par la société Paris Aéroport – nouveau nom d’Aéroports de Paris – se sont incontestablement améliorées, notamment pour ce qui concerne l’espace public et l’information des voyageurs, il n’en va pas de même des conditions dans lesquelles s’effectue le contrôle à l’arrivée et au départ des passagers.
Comme beaucoup, je constate, hélas, de longues attentes, qui peuvent aller jusqu’à une demi-heure, notamment lors des arrivées des longs courriers, particulièrement entre 6 heures et 9 heures du matin. Cette situation est d’autant plus regrettable qu’elle semble avoir pour seule origine un nombre insuffisant de fonctionnaires de la police aux frontières à un moment où les besoins peuvent raisonnablement être anticipés.
L’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle représente la plus grosse frontière de France et de l’espace Schengen.
Depuis 2006, le trafic de passagers y a augmenté de 10 %, soit 6 millions de passagers. Cela représente environ 16 500 passagers supplémentaires par jour. S’y ajoute l’ouverture de deux terminaux – 2E et 2G – et de deux nouveaux satellites – S3 et S4.
Malgré cela, il ne semble pas que les effectifs de la PAF aient été revus à la hausse, ce qui a pour effet de pénaliser les passagers qui fréquentent ces aéroports.
Ajoutons que, si cette situation peut porter préjudice à la sécurité des biens et des personnes, elle affecte également la première impression que ces voyageurs ont de notre pays.
En réponse à cette difficulté, on pourrait, par exemple, constituer une instance coprésidée par l’autorité désignée pour assurer la coordination des services de l’État sur les plateformes et, pour Paris Aéroport, les directeurs des aéroports de Roissy et d’Orly, afin notamment de répondre de manière adéquate aux flux de passagers.
Enfin, vous semble-t-il possible, madame la secrétaire d'État, que le ministère de l’intérieur augmente les effectifs de la PAF dans les deux aéroports parisiens, de manière à améliorer les conditions d’accueil et donc de voyage des passagers ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Juliette Méadel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'aide aux victimes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, pour commencer, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur.
Madame Conway-Mouret, vous interrogez le Gouvernement sur le dispositif de sécurité mis en place dans les aéroports, plus spécifiquement à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.
D'abord, le Gouvernement se félicite que, grâce aux efforts conjugués des équipes de Paris Aéroport et du ministère de l’intérieur, de très importants progrès aient été réalisés ces derniers jours en termes d’équipements technologiques au sein des aéroports de Roissy et d’Orly.
Ainsi, sur la base de la convention signée entre le ministère de l’intérieur et Paris Aéroport et à la suite de l’autorisation ministérielle du 10 juin 2016, une expérimentation a été lancée le 13 juin dernier pour tester pendant un an la technologie de reconnaissance faciale. Les premiers sas dotés d’une capacité de reconnaissance faciale ont été ouverts dans l’aéroport de Roissy, conformément au calendrier fixé. Par ailleurs, je vous informe que les sas d’ores et déjà installés à Roissy et à Orly ont désormais un accès automatisé aux bases de données du système Schengen et d’Interpol.
Ces améliorations technologiques sont la traduction, en matière de contrôle aux frontières, du plan de modernisation des systèmes d’information que le ministre de l’intérieur a souhaité pouvoir mettre en œuvre dès le mois de décembre 2014 et qui a naturellement été validé par le Gouvernement et le Président de la République dans le cadre du plan antiterroriste de janvier 2015 et du pacte de sécurité de novembre 2015.
L’utilisation de sas PARAFE modernisés – PARAFE pour passage automatisé rapide aux frontières extérieures - répond, ainsi, à un double objectif de renforcement et de systématisation du contrôle aux frontières, pour l’État, et de fluidification du passage de frontière, pour les usagers, au regard des engagements de qualité de votre groupe, dont je mesure l’importance en termes d’attractivité et d’image de notre pays à l’échelon international.
Au-delà de la modernisation des équipements technologiques, vous avez également appelé mon attention, madame la sénatrice, sur les effectifs de la police aux frontières affectés aux aéroports de Roissy et d’Orly. En particulier, vous avez souligné leur rôle en matière de maîtrise des files d’attente. Vous évoquez notamment un allongement du temps d’attente, parfois au-delà d’une heure.
Sur cette question, je tiens, en premier lieu, à souligner que le contexte de menace accrue et le rétablissement du contrôle aux frontières, le 13 novembre dernier, impliquent un renforcement et une systématisation des contrôles pour des raisons de sécurité nationale. Indépendamment de la hausse du trafic qui n’est pas contestée, la situation sécuritaire est un facteur d’explication de l’augmentation des temps d’attente.
Si ces derniers restent inférieurs à ceux qui sont pratiqués dans certains aéroports, notamment aux États-Unis, la situation des usagers doit être prise en compte.
Je vous confirme, par conséquent, que le ministre de l’intérieur a décidé de renforcer les effectifs de la police aux frontières affectés dans les aéroports de Roissy et d’Orly. Dans le cadre des plans de renfort précités, d’ici à la fin de cette année ou au tout début de l’année prochaine, 73 gardiens de la paix supplémentaires seront affectés à Roissy et 20 à Orly.
En outre, le ministre de l’intérieur a demandé au directeur général de la police nationale d’évaluer l’opportunité d’un recrutement complémentaire d’adjoints de sécurité, pour que 46 agents supplémentaires soient, le cas échéant, affectés à Roissy et 17 à Orly d’ici à la fin de l’année.
Enfin, pour renforcer les divisions immigration de la police aux frontières de Roissy et d’Orly pendant la saison estivale, des personnels issus d’autres divisions seront redéployés, à hauteur de 38 personnels à Roissy et 11 à Orly : ce dispositif permettra de prendre en compte la hausse du trafic aérien pendant cette période.
Enfin, d’autres améliorations pourraient être apportées en termes de répartition des vols entre créneaux horaires et terminaux, de mise en cohérence des flux de passagers avec les horaires des agents de la police aux frontières, dans les limites des règles applicables, ou encore d’évaluation de dispositifs innovants de pré-enregistrement. À cet égard, le ministre de l’intérieur est très favorable à ce que soient réactivées les instances de coordination entre les services du ministère de l’intérieur, Paris Aéroport et les compagnies aériennes qui existaient par le passé.
Des échanges sont d’ailleurs en cours en ce sens avec les différentes parties prenantes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse très complète.
Nous pouvons tous nous réjouir des efforts réalisés en matière de sécurité.
Cependant, la France restant très attractive – elle demeure le pays le plus visité au monde –, il était très important que le ministre de l’intérieur puisse entendre les critiques et les frustrations, que j’ai relayées au travers de ma question, de ceux qui viennent dans notre pays pour des raisons professionnelles ou pour y faire du tourisme. Bien sûr, il faut faire en sorte que ces visiteurs reviennent le plus souvent possible !
À cet égard, toutes les mesures que vous avez décrites vont, me semble-t-il, dans le bon sens.
accès de la police municipale au fichier national des immatriculations
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Gournac, auteur de la question n° 1387, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Alain Gournac. Madame la secrétaire d'État, ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, mais je suis ravi que vous y répondiez. Elle concerne les policiers municipaux.
Ceux-ci n’ont pas accès au fichier national des immatriculations. Ainsi, face à une voiture qui pose problème, soit parce qu’elle est stationnée depuis longtemps sans être connue dans le quartier, soit parce que son propriétaire n’a pas respecté une interdiction qui entraîne l’enlèvement, le policier municipal doit nécessairement faire appel à la police nationale, qui, seule, a accès à ce fichier. Or la police nationale n’est pas toujours immédiatement joignable. Il faut dire que ses agents sont quelque peu occupés en ce moment…
Par ailleurs, lorsqu’il s’agit de plusieurs véhicules en infraction ou dont la présence est suspecte – récemment, une vingtaine d’automobilistes réunis à l’occasion d’une fête avaient mal garé leur véhicule –, il est souvent demandé au policier municipal de se déplacer au commissariat, muni de la liste de ces voitures. Cela fait perdre un temps précieux à la police municipale, dans l’exercice de son îlotage, comme à la police nationale
À la veille d’un marché ou d’une manifestation culturelle, à l’instar de celle qui a eu lieu ce week-end dans les Yvelines, les maires préfèrent légitimement que la police municipale essaie de contacter les propriétaires des véhicules qui relèvent d’un stationnement gênant. La consultation du fichier n’est donc pas systématique.
Dans la période difficile que nous traversons, où les liens de solidarité doivent être renforcés sur nos territoires, l’officier de police judiciaire qu’est le maire ne devrait pas être contraint de rechercher des informations sur ces véhicules gênants et parfois inquiétants.
Madame la secrétaire d'État, alors que le plan Vigipirate et l’état d’urgence doivent mobiliser les forces de sécurité sur le terrain, au plus près de la population, ne conviendrait-il pas que les polices municipales puissent faire partie de la liste des organismes autorisés à avoir directement accès au fichier national des immatriculations ? Nous y gagnerions beaucoup en efficacité.
M. Louis Nègre. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Juliette Méadel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'aide aux victimes. Monsieur le sénateur, je répondrai à votre question au nom du ministre de l’intérieur, qui ne peut être présent parmi nous ce matin.
Vous évoquez un sujet hautement important et qui nous concerne tous.
Comme vous le savez, le système d’immatriculation des véhicules, le SIV, a remplacé le fichier national des immatriculations, le FNI, à la suite de l’entrée en vigueur de l’arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d’immatriculation des véhicules.
L’accès au SIV, pour les agents de police municipale ou agents de police judiciaire adjoints, est réalisé actuellement par l’intermédiaire des services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, conformément aux dispositions combinées des articles R. 330-2 et R. 330-3 du code de la route.
La possibilité, pour les polices municipales, d’accéder directement au SIV fait l’objet, depuis plus d’un an, de travaux soutenus au ministère de l’intérieur.
Une modification de l’article R. 330-2 du code précité est requise pour permettre un accès direct des polices municipales à ce fichier. La Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, a été saisie en ce sens et, par une délibération du 17 septembre 2015, a émis un avis favorable aux projets de décrets portant modification des articles R. 225-4 et R. 330-2 du code de la route, afin de permettre aux agents de police municipale d’accéder directement à certaines données des traitements du système national des permis de conduire, le SNPC, et du système d’immatriculation des véhicules, dans le cadre de leurs missions et, naturellement, dans la limite du besoin d’en connaître.
Pour répondre aux exigences du Conseil d’État, un amendement à la proposition de loi dite Savary a été déposé et adopté en commission le 8 décembre 2015. Il s’agissait de modifier plusieurs articles du code de la route relatifs à l’accès aux données contenues dans les traitements de données à caractère personnel ayant pour finalité la gestion des pièces administratives du droit de circuler des véhicules, ainsi que la délivrance et la gestion des permis de conduire – le SNPC. La loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, promulguée le 22 mars 2016, qui en est résultée, modifie les articles L. 330-2, L. 330-3 et L. 330-4 du code de la route, en supprimant les mentions « sur leur demande », lesquelles signifiaient que l’accès n’était qu’indirect. Le soin de définir les modalités d’accès, direct ou indirect, à ces deux fichiers est renvoyé à un décret.
Un nouveau projet de décret est en cours de finalisation et sera soumis à la CNIL et au Conseil d’État dans les meilleurs délais. Ce projet permettra aux agents de police municipale d’accéder directement aux données du SIV utiles à leur mission, dans le cadre d’une habilitation préfectorale.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Madame la secrétaire d'État, les réponses intéressantes que vous m’avez apportées me laissent penser que j’ai bien fait de vous interroger !
Oui, nous attendons le décret.
Je peux vous dire que, dans les Yvelines, où nous venons de traverser des moments très difficiles, à la suite de l’assassinat d’un couple de policiers dans une commune très proche de la mienne, ce week-end a été terrible.
Une course à pied était organisée. Une vingtaine de voitures qui n’étaient pas immatriculées dans les Yvelines étaient stationnées le long du parcours, leurs passagers visitant peut-être le château de Saint-Germain-en-Laye. Y avait-il un danger ? Nous étions incapables de le dire. Or, pour que je puisse répondre à la requête qui m’a été faite de demander l’enlèvement de ces voitures, il fallait attendre la réponse du commissariat… Imaginez la perte de temps !
Comme les policiers municipaux, j’attends avec impatience la publication du décret. Celui-ci permettra de rendre leur travail plus efficace et libérera la police nationale, qui a bien d’autres choses à faire.
On peut comprendre que les policiers municipaux soient assez remontés : ils ne font tout de même pas n’importe quoi ! De même, le maire, qui est officier de police judiciaire, ne prend pas de décisions à la légère.
Madame la secrétaire d'État, je vous remercie beaucoup de ces réponses. Vous pouvez dire au ministre de l’intérieur, que j’apprécie, que j’espère que le décret paraîtra le plus rapidement possible. Nous en avons besoin !
bilan des mesures incitatives pour lutter contre la désertification médicale
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart, auteur de la question n° 1391, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Michel Vaspart. Madame la secrétaire d'État, si la désertification médicale touche depuis des années et de façon de plus en plus préoccupante les communes rurales mal desservies par les services publics, particulièrement par les transports, elle frappe aussi désormais les villes moyennes, même éventuellement celles qui sont desservies par une ligne ferroviaire à grande vitesse et dotées d’infrastructures permettant à un médecin et à sa famille de s’installer de manière pérenne.
Ainsi, dans la commune de Lamballe, dans les Côtes-d’Armor, où passe le TGV, les six généralistes partent à la retraite les uns après les autres sans être remplacés.
La Bretagne est fortement touchée par le phénomène. C’est tout spécialement le cas du département des Côtes-d’Armor.
Les élus tentent tant bien que mal de s’organiser en créant des maisons de santé susceptibles d’attirer les professionnels de santé.
Depuis leur création, en 2005, sur l’initiative de Xavier Bertrand, ministre de la santé de l’époque, ces maisons constituent une solution qui a contribué à préserver un tissu de professionnels de santé relativement homogène sur notre territoire. Maire d’une commune de 2 500 habitants, j’ai installé une maison de professionnels de santé qui permet de couvrir les besoins de la population de ma commune, mais aussi des deux communes limitrophes.
Toutefois, force est de constater que cela ne suffit pas à répondre à toutes les situations, sans compter que les financements ne suivent pas toujours. Ainsi, il est des zones isolées où personne ne souhaite s’installer. Il est aussi des horaires auxquels les médecins ne veulent plus se soumettre et des déplacements chez les patients qu’ils ne veulent plus faire !
Face à cette situation, le Gouvernement avait annoncé, voilà près de quatre ans, à la fin de l’année 2012, la création, dans le cadre du pacte territoire-santé, d’un statut de praticien territorial de médecine générale.
Madame la secrétaire d'État, je souhaiterais connaître le bilan coût-efficacité de la création de ce statut, notamment pour mon département.
Je souhaiterais aussi connaître le bilan de l’accueil des médecins étrangers, que l’on nous présente comme une autre solution à la désertification, ainsi que les effets de l’augmentation, depuis 2013, de la proportion, à l’examen classant national, de postes d’internes en médecine générale qui avait été annoncée.
Plus généralement, je souhaiterais connaître l’avis de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé et du Gouvernement sur l’efficacité concrète de toutes les mesures incitatives engagées dans le contexte budgétaire très contraint qui prévaut autant à l’échelon national qu’à celui des collectivités locales.
Subsidiairement, quelle est la position du Gouvernement sur la piste de la délégation de soins qui permettrait à d’autres professionnels de santé de réaliser certains actes prédéfinis, en lieu et place des médecins généralistes, dans les zones sous-dotées ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, améliorer l’accès aux soins et réduire les inégalités en termes de santé sont bel et bien des priorités du Gouvernement et du pacte territoire-santé que la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, a mis en œuvre dès 2012.
À elle seule, votre question résume l’une des particularités du sujet : pour résoudre le problème de la désertification médicale, une mesure ne suffit pas. Il faut un ensemble de mesures.
Prenons l’exemple, que vous avez cité, du numerus clausus. Voilà un peu plus de vingt ans, dans les années 1990, entre 3 500 et 4 000 étudiants étaient sélectionnés chaque année. Ce chiffre est aujourd'hui passé à 8 000 ! Depuis le début des années 2000, le numerus clausus n’a cessé d’augmenter. Au reste, les étudiants qui ont fait partie des promotions du début des années 2000 ont aujourd'hui terminé leurs études.
Pour autant, on voit bien que de grandes inégalités ont subsisté.
Dès lors, nous avons souhaité, depuis 2013, assouplir le numerus clausus de manière ciblée, dans les régions les plus déficitaires. En effet, de façon générale, les étudiants restent dans la région où ils ont fait leurs études.
Toutefois, j’y insiste, il ne s’agit là que d’une mesure parmi celles qui devaient être prises et que je veux à mon tour évoquer.
Par exemple, à l’échelon national, 1 750 jeunes ont signé le contrat d’engagement de service public, ce qui dépasse l’objectif que nous nous étions fixé. Je vous rappelle que ce dispositif s’adresse aux médecins ou dentistes en formation ; il leur permet de bénéficier d’une bourse, en contrepartie d’une installation dans un territoire manquant de professionnels, pour une durée équivalant à celle de l’aide qu’ils ont reçue pendant leurs études.
Par ailleurs, 600 praticiens territoriaux de médecine générale se sont installés dans des territoires déficitaires, et 800 maisons de santé maillent désormais le territoire national.
En Bretagne, au travers du contrat d’engagement de service public, le CESP, 52 étudiants se sont engagés à exercer dans un territoire manquant de professionnels de santé, 9 d’entre eux ayant exprimé le souhait de s’installer spécifiquement dans les Côtes-d’Armor.
Grâce au dispositif PTMG, Praticien territorial de médecine générale, 35 médecins se sont installés dans la région, dont 5 dans les Côtes-d’Armor.
Par ailleurs, 77 maisons de santé pluridisciplinaires sont actuellement en fonctionnement dans la région, dont 15 dans les Côtes-d’Armor.
Ces données montrent bien que nous pouvons inverser la tendance, avec une implication de tous les acteurs locaux aux côtés de l’agence régionale de santé. Ainsi, 15 communes du département des Côtes-d’Armor ont participé à l’opération Généraliste dating, une manifestation originale organisée par l’ARS avec les facultés de médecine de Rennes et de Brest pour favoriser l’installation des étudiants dans les territoires les plus en difficulté.
Monsieur le sénateur, c’est donc bien la diversité des mesures et la concertation des acteurs qui permettra d’agir efficacement. Bien évidemment, cela prendra plusieurs années, le temps que les étudiants aient achevé leurs études et que les professionnels s’approprient pleinement ces mesures et s’installent dans les territoires sous-dotés.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart.
M. Michel Vaspart. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État.
Quand les maires en sont réduits à passer des annonces sur le site Le Bon Coin pour tenter d’attirer un généraliste dans leur commune, comme c’est le cas du maire de la commune de Fréhel, qui n’est pas très éloignée de la mienne, cela signifie qu’il existe un sérieux problème !
Vous avez évoqué l’opération organisée dans les Côtes-d’Armor, qui est intéressante et à laquelle je me suis associé. Je participe également à plusieurs tables rondes créées dans le département des Côtes-d’Armor. Malgré les incitations, on a le sentiment qu’il est difficile de résoudre le problème.
Le Sénat, notamment la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, s’était ému de la situation et avait proposé de ne plus accepter l’installation de médecins conventionnés dans les secteurs sur-dotés, ces derniers ayant été définis avec les professionnels et non pas de manière unilatérale. De mon point de vue, c’est le moins que l’on puisse faire !
Lorsque des personnes âgées de 86 ans vivant dans un secteur souffrant de désertification médicale demandent à leur maire ce qu’il fait pour résoudre la situation, celui-ci ne peut pas leur répondre que le numerus clausus a augmenté et qu’ils devront attendre huit ans avant de pouvoir disposer d’un médecin !
démographie médicale
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, auteur de la question n° 1397, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Frédérique Espagnac. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé. Elle concerne la crise que connaissent depuis plusieurs années les professionnels de santé dans l’exercice de leur métier. Cette crise ne cesse de s’aggraver et d’affecter la démographie médicale et la vie dans nos territoires, cela vient d’être dit.
Dans le département des Pyrénées-Atlantiques, plus particulièrement dans le Béarn, la démographie médicale, que ce soit en zone urbaine ou en zone rurale, ne cesse de diminuer de manière inquiétante.
Dans la ville de Pau, en cinq ans, 20 généralistes ont cessé leur activité, alors que 4 seulement se sont installés. Les chiffres sont encore plus alarmants pour ce qui concerne les médecins spécialistes. Ainsi, plus de 60 % des gynécologues partiront à la retraite d’ici à 2020.
Au regard du faible taux de remplacement observé aujourd’hui, la baisse démographique de cette profession va encore s’amplifier, nous le savons.
Par ailleurs, après le rendez-vous que nous avons eu voilà quelque temps avec Mme Marisol Touraine, permettez-moi de vous sensibiliser de nouveau à la situation du centre hospitalier d’Oloron-Sainte-Marie qui nous préoccupe fortement depuis plusieurs semaines. Cet hôpital, qui rayonne sur un large territoire rural et de montagne, menace aujourd’hui de fermer sa maternité et son service de réanimation, en raison d’un nombre insuffisant d’obstétriciens et d’anesthésistes.
Si ces menaces se confirmaient, les conséquences seraient très lourdes pour la population locale, qui devrait parcourir en moyenne 30 kilomètres de plus pour bénéficier de tels services. Ainsi, un habitant de la commune de Sainte-Engrâce devrait effectuer un parcours de 76 kilomètres au lieu de 45 kilomètres pour être pris en charge par le service de réanimation ou par la maternité à l’hôpital de Pau.
Au-delà des conséquences sanitaires pour la population locale, c’est la dynamique économique et sociale du territoire et son attractivité qui seraient sacrifiées par la fermeture de ces services.
Madame la secrétaire d’État, je ne doute pas que vous soyez sensible à la problématique de la démographie médicale et aux enjeux de celle-ci pour nos territoires. En ce sens, je salue le travail que vous avez engagé avec M. le Premier ministre pour améliorer les conditions de travail des professionnels de santé. Les vingt-deux mesures prises lors de la grande conférence de la santé, qui s’est tenue à Paris le 11 février dernier, sont, je le crois, un premier pas positif vers une sortie de crise pour cette profession.
Face aux situations d’urgence auxquelles nos territoires sont confrontés aujourd’hui pour maintenir leurs services de santé, il paraît primordial de leur offrir des perspectives positives et concrètes.
Aussi, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous apporter des précisions sur le calendrier et les moyens spécifiques qui seront déployés par le Gouvernement pour mettre en œuvre les vingt-deux mesures de la grande conférence de la santé destinées à garantir et développer l’offre médicale dans nos territoires ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, je suis, comme Mme Marisol Touraine et vous-même, parfaitement consciente de l’importance de maintenir une offre médicale importante dans tous les territoires de la République.
Sans doute n’aurais-je pas qualifié de « crise » la situation actuelle des professionnels de santé qui exercent, ne l’oublions pas, l’un des plus beaux métiers existants ! Néanmoins, dans certains territoires, notamment quand la désertification se fait sentir, l’exercice est rendu plus difficile, les professionnels de santé, isolés, pouvant être sollicités jour et nuit, y compris le week-end, et privés de vacances. Bien entendu, cela n’est guère incitatif !
C’est pourquoi les mesures prises par le Gouvernement sont diverses, pour répondre à toutes les inquiétudes.
Je l’ai dit, le numerus clausus n’a cessé d’augmenter de façon globale à l’échelon national depuis le début des années 2000. Marisol Touraine a souhaité l’accroître de façon ciblée dans les régions les plus déficitaires. La mesure a été mise en œuvre. Toutefois, cette augmentation ciblée étant récente, ses effets ne se feront sentir que dans une dizaine d’années.
Par ailleurs, toute une série de mesures incite financièrement les médecins à s’installer dans des territoires fragiles. Je pense aux territoires de montagne comme la Soule, la vallée d’Aspe ou la vallée d’Ossau.
Ont ainsi été mises en place des bourses pour les étudiants qui s’engagent à exercer dans les territoires fragiles. Plus de 1 700 contrats sont déjà signés.
Par ailleurs, les contrats de praticien territorial de médecine générale sécurisent les revenus au moment de l’installation : 600 ont déjà été signés sur l’ensemble du territoire national. C’est aussi le sens de la prime d’engagement de carrière hospitalière qui sera ciblée sur les spécialités ou les territoires en tension. D’un montant significatif, elle incite les jeunes médecins à embrasser une carrière hospitalière. L’objectif fixé est la signature de 3 000 contrats d’ici à trois ans.
Enfin, il existe désormais une rémunération complémentaire pour les médecins installés dans les territoires les plus isolés, notamment en zone montagneuse : les 100 premiers contrats ont été signés au début de l’année.
Il convient également d’adapter les modes d’exercice en permettant aux jeunes d’exercer à plusieurs dans les maisons de santé. La maison de santé pluriprofessionnelle qui a ouvert au début de l’année 2015 à Bedous en est un bel exemple.
Il nous faut évidemment conforter les hôpitaux de proximité dans leurs territoires. Et je connais, madame la sénatrice, votre attachement à l’hôpital d’Oloron-Sainte-Marie.
La mise en place du groupement hospitalier de territoires, le GHT, permettra à cet hôpital de renforcer ses coopérations avec les hôpitaux alentour et de bénéficier des moyens matériels et humains du centre hospitalier de Pau. En effet, la constitution de GHT, même si elle peut parfois inquiéter les professionnels et les élus, dans la mesure où elle induit un changement dans leur façon de faire, tend au contraire à sécuriser les hôpitaux isolés, en favorisant la coopération entre les professionnels, qui pourront exercer dans plusieurs hôpitaux. Ainsi, des consultations seront organisées sur place, dans toutes les spécialités.
Le GHT aidera l’hôpital d’Oloron-Sainte-Marie à renforcer ses filières de soins et à pérenniser une offre de qualité et de proximité pour la population.
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de votre réponse. Je connais l’implication de Marisol Touraine sur le dossier de l’hôpital d’Oloron-Sainte-Marie, qui fait l’objet de toute notre vigilance.
Je me félicite que vous ayez rappelé toutes les mesures qui ont été prises. Elles sont encore peu connues, et il est important de mieux les identifier, afin qu’elles soient mieux utilisées dans nos territoires.
Je rappelle à ce titre l’engagement de tout un département, plus particulièrement du Béarn, en faveur de l’hôpital et de la maternité d’Oloron-Sainte-Marie.
forfaits de santé
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, auteur de la question n° 1439, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Évelyne Didier. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur les différents forfaits de santé qui sont apparus au côté du forfait hospitalier.
En effet, la Mutualité française lorraine, qui a beaucoup travaillé sur ces questions, alerte sur les nombreux dispositifs qui se multiplient, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public, occasionnant de nouvelles dépenses pour les patients et mettant ainsi à mal l’accès aux soins.
Il s’agit de frais supplémentaires facturés par les établissements de santé qui n’ont rien à voir avec les soins. On trouve ainsi des frais administratifs, des frais d’archivage de radiographie, ou encore des frais d’acheminement de prélèvements biologiques. Des témoignages rapportent même une facturation de frais pour utilisation de thermomètre ou de garde de dentier ! L’imagination est grande dans ce domaine, et cette liste n’est pas exhaustive, le nombre de ces forfaits ne cessant de croître.
Ces pratiques restent souvent opaques, alors même que les frais occasionnés ne sont remboursés ni par la sécurité sociale ni par les complémentaires santé. Ce sont souvent de petites sommes, qui peuvent passer inaperçues, mais qui, au bout du compte, alourdissent la note. Le patient a ainsi bien du mal, au milieu de tous ces tarifs, à distinguer ce qui relève du parcours de soins, ce qui est autorisé par la loi et ce qui ne l’est pas.
Une clarification est nécessaire, afin que l’assuré puisse différencier l’obligatoire de l’optionnel. Il y a urgence en la matière, car la conséquence immédiate pour les patients les plus fragiles en termes d’accès aux soins est le report ou l’annulation de leur prise en charge médicale, ce qui aggrave leur problème de santé.
Comme le rappelle la direction générale de l’offre de soins, seules peuvent être facturées en plus au patient les prestations pour exigence particulière dénuée de fondement médical.
C’est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d’État, ce que le Gouvernement compte faire pour mettre un terme à une pratique à la frontière de l’illégalité.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, vous interrogez Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la pratique de certains établissements de santé consistant à facturer aux patients divers forfaits, sans aucun fondement médical.
Je veux commencer par rappeler que les conditions de facturation de prestations pour exigences particulières du patient sont strictement encadrées.
Ainsi, seules peuvent être facturées à ce dernier les prestations pour exigences particulières dénuées de fondement médical, visées par le code de la sécurité sociale, notamment les prestations ayant fait l’objet d’une demande écrite, dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par les tarifs des prestations de l’établissement.
En tout état de cause, il convient d’être particulièrement vigilant sur la conduite des établissements en matière de facturation de ces prestations annexes et sur le respect de la réglementation.
C’est en ce sens que la ministre des affaires sociales et de la santé a recommandé aux ARS que les réclamations des patients – vous en avez cité un certain nombre – portant sur les pratiques des établissements de santé soient systématiquement traitées et suivies, si nécessaire, d’un rappel à l’ordre de l’établissement concerné avec, au besoin, l’appui des services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, dont l’une des missions est de vérifier la loyauté des pratiques commerciales des professionnels à l’égard des consommateurs.
Par ailleurs, afin de se prémunir contre toute déviance en la matière, une instruction a été publiée au bulletin officiel du 15 mai 2015, afin de rappeler aux établissements de santé la réglementation applicable et les recommandations utiles en matière de facturation des prestations pour exigence particulière du patient.
Dans ce document, il est ainsi rappelé que les forfaits d’assistance aux démarches administratives, dont vous avez évoqué l’existence, ne peuvent faire l’objet d’une facturation au patient. Ces charges sont en effet déjà couvertes au travers du financement des établissements.
En parallèle, Marisol Touraine a souhaité que la loi Santé rappelle avec fermeté cette exigence de non-facturation au patient de prestations dont les frais sont intégralement couverts par les régimes obligatoires.
Pour que cette exigence soit suivie d’effets, elle a été accompagnée par un renforcement des pouvoirs de la DGCCRF en la matière. Ainsi, tout manquement à ces principes est désormais passible d’une amende administrative dont le montant ne pourra excéder 15 000 euros pour les établissements. Le décret qui permettra d’entériner cette disposition est en cours de rédaction.
Vous l’avez compris, madame la sénatrice, votre question est parfaitement justifiée. Mme la ministre des affaires sociales et de la santé y accorde une importante toute particulière. Sa détermination est totale pour prévenir et sanctionner, le cas échéant, les pratiques de facturation abusives vis-à-vis des patients.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Madame la secrétaire d’État, je suis heureuse d’entendre que le décret, en cours de rédaction, ne saurait tarder.
J’ai rencontré les responsables de la Mutualité française lorraine qui ont déjà mené un important travail en Lorraine, en recueillant sur leur site toutes sortes de témoignages.
Je veux toutefois insister sur un aspect particulier. Quand vous entrez à l’hôpital, vous n’avez pas forcément les idées claires, c’est le moins que l’on puisse dire. Dès lors, comment prémunir les gens contre de telles dérives avant leur hospitalisation ? On leur dit de se renseigner, ce qui est bien sûr de bonne méthode. Pourtant, ils n’en ont pas toujours ni la possibilité ni les moyens. Il s’agit donc d’une question importante pour les personnes fragiles.
mise en danger des randonneurs par les chiens de protection des troupeaux
Mme la présidente. La parole est à Patricia Morhet-Richaud, auteur de la question n° 1359, transmise à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Depuis de nombreuses années, l’absence de régulation du loup conduit à des constats toujours plus alarmants et à des situations de très grande détresse, pour les éleveurs, bien sûr, mais aussi pour les maires des communes concernées, toujours plus nombreuses, où les attaques du loup se répètent et s’amplifient, sans que les pouvoirs publics soient capables d’apporter une réponse permettant d’enrayer ce fléau, qui met en danger la survie de l’agriculture de montagne.
Dans mon département, les Hautes-Alpes, le nombre de victimes a augmenté de 57 % entre 2013 et 2014 et de 10 % en 2016, par rapport à la même période en 2015.
Les tirs réglementaires du plan d’action national loup sont totalement inefficaces, puisque le nombre d’attaques du prédateur augmente. Chaque année, 2,5 millions d’euros sont dépensés pour indemniser les éleveurs, sans pour autant rendre possible la coexistence du canidé et du pastoralisme !
Pis, les mesures mises en œuvre pour assurer le maintien de l’activité pastorale et une meilleure protection des troupeaux conduisent à des situations où la vie d’autrui est mise en danger. Il est malheureusement impossible de partager l’espace entre promeneurs et chiens de protection. Ce sont pourtant les services de l’État qui demandent la mise en place d’un tel dispositif !
Madame la secrétaire d’État, que doivent répondre les maires de nos communes aux randonneurs qui portent plainte après avoir été attaqués par un chien de protection des troupeaux ?
Quelle attitude doivent-ils adopter face à des parents dont le jeune enfant a été agressé par un patou de plus de cinquante kilos ?
Comment les maires peuvent-ils concilier la fréquentation touristique, essentielle à la vie économique de leur territoire, et la protection des troupeaux, tout aussi indispensable au dynamisme local ?
Que comptez-vous faire pour mettre un terme aux situations conflictuelles entre randonneurs et chiens de protection ?
Je vous remercie de bien vouloir m’indiquer quelles dispositions ont été prises pour accompagner le maire, principal responsable de la sécurité sur le territoire de sa commune.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Stéphane Le Foll, qui est retenu ce matin et m’a chargée de vous répondre.
En réalité, vous posez la question suivante : comment organiser le bon usage de la montagne entre l’ensemble des personnes qui y vivent et celles qui y séjournent dans le cadre de leurs vacances, plus spécifiquement entre les éleveurs et les randonneurs ?
Au préalable, il est important de réaffirmer que le recours à des chiens pour la protection des troupeaux domestiques est reconnu comme très efficace. En effet, il permet de réduire le nombre d’attaques et le nombre de victimes par attaque. Pour cette raison, il est cofinancé par l’État et par le Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER. Ce poste a représenté 18 % des dépenses consacrées à la protection des troupeaux en 2014.
Une campagne de communication et de sensibilisation a été mise en place depuis plusieurs années, en partenariat avec les acteurs des communes concernées. Elle vise l’information des usagers de la montagne sur la conduite appropriée aux abords des troupeaux, notamment grâce à des panneaux signalant la présence d’un troupeau gardé par des chiens de protection, et permet de rappeler les réflexes à adopter. Des documentaires et des plaquettes sont également mis à disposition du public, et une sensibilisation en milieu scolaire est organisée. Bien évidemment, une telle information est encore plus importante pour les enfants, qui n’ont pas toujours les réflexes que peuvent avoir les adultes.
Depuis 2008, des guides à l’usage des maires intitulés Le Chien de protection, gardien de troupeau au pâturage sont diffusés par les directions départementales des territoires concernés. Ce document technique apporte toutes les indications nécessaires concernant l’information du public, le rôle et la responsabilité du maire, la procédure à suivre en cas de morsure d’une personne par un chien de protection des troupeaux, la réglementation en la matière, les courriers et formulaires de recueil des circonstances d’une morsure et la liste des coordonnées utiles propres au département.
Toutefois, vous avez raison, il convient d’améliorer la prévention des incidents et accidents parfois graves qui se produisent avec des tiers. C’est pourquoi la prévention des incidents et l’amélioration de la protection des troupeaux sont désormais des axes prioritaires du plan national d’action loup mis en œuvre pour la période 2013-2017.
Des travaux pilotés par l’État, en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, sont en cours pour sécuriser l’emploi des chiens et rendre ceux-ci plus performants en termes de protection : il convient en effet de mieux former les détenteurs de chiens, de renforcer les tests de comportement des chiens de protection et d’améliorer leur traçage génétique pour prévenir les comportements dangereux.
En tout état de cause, pour éviter les accidents, ce dispositif de protection reposant sur un animal doit être combiné avec du gardiennage ou des clôtures.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de vos propos. Dans cet hémicycle, à Paris, il est facile de faire ce genre de déclarations. Mais croyez-vous sincèrement qu’elles puissent satisfaire les maires confrontés à ces situations ?
Le week-end dernier, dix-sept génisses ont péri à cause du loup. Les éleveurs sont à bout, de même que les élus. Les mesures de protection ne sont pas toujours adaptées, surtout pour les bovins. Les ânes de Provence, meilleur moyen de protéger ceux-ci, ne sont pas pris en charge dans le cadre du dispositif. La convention de Berne de 1979 n’est plus adaptée à la réalité, pas plus que le nombre de canidés à prélever. Nous devons avancer s’agissant de la gestion du plan national d’action loup.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à onze heures.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, auteur de la question n° 1410, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Françoise Férat. Lors de mes travaux sur le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, j’ai été interpellée sur les dispositions de l’article L. 542-1 du code du patrimoine. Celui-ci dispose que « nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, à l’effet de recherches de monuments et d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche ».
De nombreuses associations françaises d’activités de détection de loisir regroupent des passionnés de la détection de métaux. Il leur arrive régulièrement de pratiquer des dépollutions de terrains et des recherches d’objets perdus, à la demande de propriétaires, qu’il s’agisse de personnes privées, d’agriculteurs ou encore de collectivités locales. Il leur arrive même d’intervenir, à la demande d’archéologues, sur des sites archéologiques. Ils sont conscients de la nécessité du respect de ces sites et de leur protection contre tout pillage.
Or les associations habilitées à obtenir les autorisations administratives rencontrent de nombreuses difficultés et ne reçoivent pas de réponse aux demandes réitérées d’autorisation que ses membres soumettent aux préfets, ce qui les empêche de pratiquer cette activité de loisir. Dans les cas où il se révèle nécessaire, un refus motivé permettrait pourtant de poser les limites véritables de celle-ci.
Madame la ministre, aviez-vous connaissance de cette absence systématique de réponse et, le cas échéant, pouvez-vous nous en donner les raisons ? Je crains que cette situation n’ouvre la possibilité de fouilles non validées, au risque que le produit de ces recherches ne soit détourné.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. En archéologie, l’acte de fouiller entraînant en lui-même la modification, voire la disparition, du site fouillé, il doit être mené avec une grande rigueur, afin que le contexte de découverte de chaque vestige, quelle que soit sa valeur apparente, soit enregistré.
C’est pour cette raison que l’État requiert, pour délivrer l’autorisation d’utiliser un détecteur de métaux à des fins de recherche archéologique, non seulement une compétence scientifique de l’intéressé, mais aussi l’existence d’un projet de recherche raisonné.
Par ailleurs, aucune autorisation de recherche archéologique programmée, avec ou sans détecteur, n’est jamais délivrée à une personne morale, pas plus à une association qu’à un laboratoire du CNRS, par exemple. Les autorisations sont toujours nominatives et délivrées à une personne qui assurera la responsabilité scientifique de l’opération.
La position du ministère de la culture s’agissant de la « détection de loisir » est constante. Si l’archéologie bénévole a toute sa place sur le territoire national, elle ne saurait en rien être assimilée à de la « détection de loisir », terme qui n’a aucun fondement juridique et recouvre souvent en réalité une chasse au trésor, comme en témoignent les dizaines de milliers d’objets issus de trouvailles clandestines vendus en ligne chaque année.
De fait, l’usage du détecteur de métaux n’intervient d’ailleurs qu’à titre exceptionnel et de façon très technique dans la pratique professionnelle de la discipline archéologique. Tout véritable amateur d’archéologie peut se former sur les chantiers dirigés par des professionnels de la discipline, qui offrent chaque année environ 1 500 places réservées aux bénévoles. Le succès des journées nationales de l’archéologie, qui se sont déroulées le week-end dernier, en témoigne.
Je précise que les trouvailles d’objets relevant de l’archéologie réalisées sans autorisation avec un détecteur de métaux ne peuvent être reconnues comme des découvertes fortuites, puisque l’utilisation d’un détecteur suppose l’intention de trouver ce qui n’était pas visible. Elles s’apparentent alors à du pillage et ne relèvent plus du régime de la découverte d’un trésor, lequel prévoit, aux termes de l’article 716 du code civil, un partage entre l’inventeur et le propriétaire du terrain.
Les préfets de région qui instruisent ces dossiers sont donc le plus souvent amenés à refuser les autorisations qui leur sont demandées lorsqu’elles ne s’appuient sur aucun projet ni aucune compétence scientifique. L’absence de réponse dans un délai de deux mois vaut refus implicite de l’administration, mais cette situation n’est pas fréquente.
J’ajoute que l’administration centrale du ministère de la culture reçoit régulièrement différentes associations concernées pour leur expliquer comment protéger le patrimoine archéologique et les orienter vers une pratique d’archéologie bénévole vertueuse.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Je vous remercie, madame la ministre, de cette clarification. Je fais, tout comme vous, la différence entre la détection de loisir et celle qui est pratiquée par les associations habilitées, à la demande, parfois, d’archéologues.
J’entends bien que l’absence de réponse des préfets vaut refus. Je pense néanmoins qu’il vaudrait la peine que ce refus soit explicitement signifié, par exemple par un courrier type. En effet, j’ai pu constater que l’absence de réponse peut au contraire donner à penser aux personnes concernées que l’activité en question est autorisée.
Nous sommes d’accord : la rigueur est de mise, mais une notification systématique de la réponse serait bienvenue ; les associations seraient ainsi obligées de s’y tenir.
conditions de prise en compte à l'échelle intercommunale des obligations de la loi sru
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet, auteur de la question n° 1380, adressée à Mme la ministre du logement et de l'habitat durable.
M. Henri Tandonnet. Je souhaite appeler l’attention sur les conditions de prise en compte, à l’échelle intercommunale, des obligations résultant de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, et de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.
L’article 55 de la loi SRU a créé l’obligation, pour les communes les plus urbaines, de compter au moins 20 % de logements locatifs sociaux dans leur parc de résidences principales à l’échéance de 2020.
La loi du 18 janvier 2013 renforce cette obligation pour certaines communes, en relevant le seuil à 25 % de logements sociaux, et introduit un échéancier de rattrapage par période triennale, en reportant à 2025 la date butoir à laquelle les communes devront avoir atteint l’objectif de 20 % ou de 25 % de logements sociaux.
L’article L. 302-8, alinéa 2, du code de la construction et de l’habitation offre la possibilité d’appréhender cette obligation dans un cadre territorial mutualisé, en cohérence avec la prise de compétence des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, en matière de logement social.
En effet, sans remettre en cause les obligations introduites par la loi SRU et la loi du 18 janvier 2013, ledit article permet de confier le soin à l’EPCI compétent en matière de programme local de l’habitat de fixer un objectif de réalisation de logements locatifs sociaux par commune, dès lors que le cumul des objectifs communaux à réaliser sur l’ensemble du territoire communautaire est au moins égal à ce que prévoient les obligations de la loi SRU applicables aux communes qui y sont assujetties.
Alors que les territoires sont invités à raisonner sur la base d’un ensemble cohérent de collectivités pour la mise en œuvre du schéma de cohérence territoriale, le SCOT, du plan local d’urbanisme intercommunal, du programme local de l’habitat, le PLH, et du plan de déplacements urbains, le PDU, il apparaît plus conforme à la bonne réalisation de l’objectif d’offre de logements sociaux de répartir ceux-ci sur l’ensemble des territoires de l’ensemble concerné, ainsi mieux organisé.
Dans ce contexte, je souhaite savoir s’il est possible que soit admise, par les services de l’État, cette application mutualisée à l’échelle d’un EPCI, plutôt que commune de plus de 3 500 habitants par commune de plus de 3 500 habitants, des obligations de réalisation de logements sociaux.
Tout blocage lié à une interprétation restrictive de l’article des dispositions de L. 302-8 du code de la construction et de l’habitation remettrait en cause, d’une part, les possibilités de développement de la mixité sociale offertes par cette approche mutualisée et plus harmonieuse, et, d’autre part, les compétences dévolues aux EPCI en matière d’habitat, de politique du logement et de planification de l’urbanisme, ainsi que la cohérence promue par les nouveaux outils de l’urbanisation.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur Henri Tandonnet, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser la ministre du logement et de l’habitat durable, qui préside ce matin la réunion de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne et m’a chargée de vous apporter une réponse.
Vous interrogez la ministre du logement et de l’habitat durable sur la possibilité d’appliquer aux intercommunalités les obligations issues de l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, et ainsi de confier à l’EPCI la responsabilité de répartir entre les communes l’effort à mettre en œuvre sur son territoire en vue d’y proposer de 20 % à 25 % de logements sociaux.
De façon constante, le législateur a considéré que l’article 55 de la loi SRU devait s’appliquer à l’échelle de la commune, maille pertinente d’appréciation de la mixité sociale de l’habitat.
Cette mixité sociale de l’habitat constitue l’un des socles de la cohésion nationale ; pour qu’elle puisse être efficace, il convient qu’elle irrigue chacun de nos territoires, chacun de nos bassins de vie et d’emploi. L’article 55 ne saurait par conséquent s’appliquer à une échelle plus large que celle de la plus petite entité de notre découpage administratif. C’est donc au maire et à son conseil municipal de prendre en compte les enjeux de mixité sur le périmètre communal dans son ensemble, y compris au niveau des quartiers qui le constituent.
On ne saurait, dans notre pays, procéder autrement que par le recours à cet échelon communal pour rééquilibrer durablement la production et l’offre de logement social.
On ne saurait procéder autrement pour enfin rompre avec les logiques de ségrégation spatiale et sociale actuellement à l’œuvre, y compris à l’échelle de territoires intercommunaux qui s’agrandissent par ailleurs de plus en plus, notamment dans le cadre du redécoupage en cours de la carte intercommunale. Les logiques de « ghettoïsation » freinent le parcours résidentiel et la mobilité des ménages les plus fragiles.
La faculté, que vous avez rappelée, de mutualiser, conjoncturellement et sur une période limitée, les objectifs fixés par la loi SRU entre les communes d’un même territoire intercommunal, a jusqu’alors été souvent dévoyée par certaines communes, désireuses de s’affranchir d’obligations de rattrapage et d’éviter le constat de carence prévu par la loi SRU.
Le Gouvernement veille donc à une application rigoureuse de l’article 55. Toutes les communes concernées doivent prendre leur part dans l’effort de solidarité nationale, afin de permettre à tous nos concitoyens de se loger dans la commune de leur choix.
Cela n’est en rien contradictoire avec les orientations récentes, qui conduisent les intercommunalités à prendre et à assumer le rôle de chef de file des politiques locales de l’habitat sur leur territoire. Une intercommunalité peut mettre en œuvre une politique volontariste, à l’échelle de la communauté, des attributions de logements sociaux, élaborer et piloter des programmes locaux de l’habitat à même de répondre à tous les besoins identifiés localement.
C’est d’ailleurs tout le sens de l’action du Gouvernement, telle qu’illustrée par le projet de loi Égalité et citoyenneté, en cours d’examen à l’Assemblée nationale, qui vous sera soumis dans quelques semaines.
Dans cette attente, vous comprendrez, monsieur le sénateur, que le Gouvernement ne souhaite pas modifier le territoire d’application de la loi SRU.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Elle a au moins le mérite d’être très claire, mais vous comprendrez qu’elle me déçoive beaucoup.
Il a fallu trente ans pour percevoir la nécessité de passer d’un PLU communal à un PLU intercommunal ; j’espère qu’il ne faudra pas trente ans pour comprendre que la question du logement social doit s’apprécier, sur un territoire donné, de manière globale. Dès lors que le SCOT, le PLU intercommunal, le plan de déplacements urbains, le PLH sont réalisés à l’échelle intercommunale, c’est à cette échelle qu’il faut raisonner pour le logement social !
Je souhaite donc attirer l’attention de Mme la ministre du logement et de l’habitat durable, à la veille de l’examen du projet de loi Égalité et citoyenneté, sur la nécessité d’une telle évolution, dont je crains néanmoins qu’elle n’intervienne pas dans l’immédiat.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, auteur de la question n° 1405, adressée à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable.
M. Michel Le Scouarnec. Le littoral breton, en particulier morbihannais, représente un atout indéniable en termes d’attractivité et de possibilités de développement. Toutefois, les difficultés relatives à l’application des nouvelles dispositions en matière d’urbanisme dans les hameaux et les villages sont très importantes pour ce territoire. Les secteurs ruraux de centre Bretagne sont tous concernés, alors même que la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi Littoral, ne s’y applique pas. C’est dire l’importance de cette question ; je souhaite qu’une réponse précise y soit apportée, et surtout qu’une évolution concrète de la législation intervienne rapidement.
Je suis convaincu de la nécessité de préserver les terres agricoles. Mon intention n’est pas de remettre en cause les dispositions des lois SRU, ALUR ou Littoral dont l’objet commun est de lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation de ces terres. Cependant, cet empilement de textes aux dispositions parfois contradictoires est venu complexifier fortement l’urbanisation des « dents creuses » dans les hameaux. L’interdiction de construire dans ces espaces posée par la loi ALUR fragilise fortement le développement équilibré de nos territoires. Dans nos communes rurales, les hameaux et les constructions isolées constituent des formes d’urbanisation prégnantes.
En outre, l’application stricte des lois ALUR et Littoral est souvent mal perçue et incomprise par les administrés, dont certains voient leur parcelle, auparavant constructible, ne plus l’être. Ces situations provoquent de la détresse, à la fois morale et matérielle.
Permettre que les « dents creuses » des hameaux deviennent ou redeviennent constructibles, tout en poursuivant les efforts de réduction de la taille des parcelles, favoriserait la densification des espaces et la préservation des paysages. Cela serait conforme à l’esprit de la loi ALUR et compatible avec la loi Littoral. Outre qu’elle fournirait une réponse pertinente aux problèmes rencontrés par les nombreux élus et citoyens concernés, cette mesure permettrait de renforcer l’attractivité de nos territoires par le développement d’une offre de logements répondant aux attentes des habitants recentrée sur des centres-bourgs disposant d’un minimum de services publics.
Mme Pinel, alors ministre du logement, avait reconnu la nécessité de renforcer l’accompagnement des collectivités et des citoyens dans l’appropriation des possibilités réglementaires en la matière. Cela est bien, mais quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour mettre la législation en cohérence avec la réalité des territoires ? Pouvoir construire dans les « dents creuses » est une question de survie et de dynamisme pour les territoires ruraux.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur Le Scouarnec, vous interrogez la ministre du logement et de l’habitat durable sur les difficultés rencontrées localement pour renforcer l’urbanisation des hameaux, compte tenu de l’application conjointe de la loi ALUR et de la loi Littoral. Il s’agit là d’une conséquence indirecte du durcissement de l’institution des secteurs de taille et de capacité limitée, les STECAL.
Permettez-moi, tout d’abord, de rappeler quelques éléments de contexte. Afin d’éviter certaines dérives, il a été décidé, par la loi ALUR, de restreindre le recours aux secteurs de taille et de capacité limitée, en précisant que ce dernier devait rester exceptionnel.
Les PLU approuvés avant la promulgation de la loi ALUR et encore en vigueur contiennent cependant de tels secteurs définis selon le droit antérieur, à savoir de manière moins stricte que ne le prévoit dorénavant ladite loi.
Ces secteurs de taille et de capacité limitée ont permis de classer comme constructibles certains terrains, dits en « dents creuses ». Ces PLU sont cependant, aujourd’hui, appelés à évoluer, en vertu des obligations de mise en conformité avec la loi ALUR, mais également de la profonde refonte de la carte intercommunale. C’est la raison pour laquelle cette situation n’apparaît qu’aujourd’hui.
Cette règle n’est bien entendu pas spécifique aux territoires littoraux, mais, dans ces territoires, elle vient s’ajouter à celles de la loi Littoral. Par ailleurs, dans le Morbihan, l’habitat traditionnel est dispersé, avec un ensemble de terrains classés constructibles en diffus. Cette particularité rend la problématique plus sensible encore.
Toutefois, des solutions existent dans le droit actuel. Il faut les utiliser. C’est pourquoi la ministre du logement a demandé à ses services de travailler spécifiquement sur ces territoires, pour accompagner les élus dans leur appropriation des nouveaux outils. Ce travail s’inscrira dans le cadre du réseau « littoral et urbanisme », animé par le ministère du logement, dont la vocation est précisément de mieux décliner les principes de la loi Littoral, et plus généralement des règles d’urbanisme, en fonction des spécificités de chaque territoire.
Une question essentielle, que vous avez soulevée, monsieur le sénateur, concerne la définition des hameaux. Dans ces derniers, définis comme des regroupements structurés de constructions en nombre limité destinées principalement à l’habitation, isolés et distincts du bourg ou du village, il est possible, de manière exceptionnelle, de délimiter des secteurs de taille et de capacité limitée qui autoriseront le comblement des « dents creuses » dans les PLU en cours de révision.
La ministre du logement est donc sensible aux difficultés rencontrées par les élus dans cette phase de transition des documents d’urbanisme, mais c’est bien par le biais d’une meilleure déclinaison des principes des lois ALUR et Littoral dans les documents d’urbanisme que seront sécurisées les autorisations de construire et évitée la frustration, voire la colère, compréhensible, de certains de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Je prends bonne note de votre réponse, madame la ministre, mais je ne suis pas convaincu qu’elle éclairera l’ensemble des maires et des acteurs locaux. Je n’y vois d’ailleurs moi-même pas très clair…
Les STECAL méritent d’être mieux définis. C’est en associant les élus et les citoyens à la réflexion pour démêler les fils de cette situation législative bien complexe.
Les juges ne prennent pas nécessairement en compte les circulaires et recommandations ministérielles : ils appliquent la loi. Peut-être faut-il modifier celle-ci, ou du moins en préciser par décret les modalités d’application. La circulaire Perben de 2006, hélas, n’a pas été reconnue par les juges.
Construire dans les « dents creuses » permettrait de réduire le coût du foncier, notamment sur le littoral, soumis à une pression foncière exceptionnelle, et de mieux répartir l’urbanisation, plutôt que de consommer des terres agricoles pour créer des lotissements géants : ce sont parfois des dizaines d’hectares qui sont ainsi mobilisés en périphérie des villes.
En ce qui concerne les STECAL, nous attendons des précisions. Mme Pinel avait elle-même reconnu que la législation, sur ce point, était susceptible d’interprétations diverses. Tel ne doit pas être le cas : la loi doit être la même pour tous !
Quant aux propriétaires des terres concernées, ils se sentent légitimement spoliés. Dans le Morbihan, de nombreuses associations ont été créées : les gens se réunissent pour se défendre et attendent, en la matière, une évolution de la législation.
Nous sommes nombreux à penser que l’inconstructibilité des « dents creuses » n’est pas conforme à l’objectif de densification et d’économies de terrains. L’évolution demandée serait également un moyen de soutenir le secteur de la construction, et ainsi de créer des emplois.
J’espère, madame la ministre, qu’une rencontre sera bientôt organisée sur ce sujet, comme me l’avait promis Mme Cosse.
mise en œuvre des nouveaux programmes scolaires
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, auteur de la question n° 1375, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. François Bonhomme. Ma question porte sur les disparités qui risquent d’apparaître entre établissements scolaires dans le cadre de la mise en œuvre des nouveaux programmes, dès la rentrée 2016.
En effet, le décret entérinant cette nouvelle mouture des programmes scolaires du cours préparatoire à la troisième n’a été pris que fin novembre 2015, d’où un délai bien trop court pour que les éditeurs aient le temps, d’ici à la prochaine rentrée, de refaire les manuels de toutes les matières pour toutes les années de l’école élémentaire et du collège et de transmettre les spécimens aux professeurs avant que les établissements n’opèrent leurs choix.
Ainsi, dans la plupart des cas, l’acquisition s’étalera sur deux ans et tous les collégiens n’auront pas accès en même temps aux mêmes programmes. Pour autant, on estime que 11,2 millions de manuels de collège seront renouvelés dès la rentrée 2016 ; les autres le seront à la rentrée 2017.
Pour le collège, le financement de ces acquisitions est prévu dans la loi de finances de 2016, à hauteur de 150 millions d’euros pour la première année.
Toutefois, il en va différemment pour l’école élémentaire. En effet, si l’achat des manuels n’est pas une obligation pour les communes, il est néanmoins fréquent, dans la pratique, que ces dernières acceptent de le prendre en charge, partiellement ou totalement. À l’heure actuelle, le budget des communes pour l’équipement des écoles varie déjà, estime-t-on, entre 13 et 130 euros par enfant et par an. Le coût total du renouvellement des manuels scolaires de l’école primaire est estimé à 240 millions d’euros étalés sur plusieurs années.
Le Sénat avait, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, budgété 50 millions d’euros pour venir en aide aux communes, mesure qui, malheureusement, n’a pas été retenue par les députés.
Or la mise en œuvre des nouveaux programmes scolaires représente bel et bien une charge nouvelle pour les communes, alors même que ces dernières ont déjà dû financer la réforme des rythmes scolaires et qu’elles sont confrontées à une baisse drastique des dotations de l’État.
Je voudrais donc savoir ce que le Gouvernement entend faire pour que, sur notre territoire, tous les élèves, du cours préparatoire au collège, aient en même temps accès aux mêmes programmes.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité réelle. Monsieur le sénateur Bonhomme, comme vous le soulignez à juste titre, les communes ont la charge des écoles publiques, et notamment de leurs dépenses de fonctionnement. Elles assurent, à ce titre, la prise en charge financière des manuels scolaires, sans que leur acquisition ait cependant de caractère obligatoire. Le choix d’y procéder ainsi que la fixation du niveau de la dépense correspondante relèvent donc de la seule démocratie locale.
Par ailleurs, les manuels scolaires ne constituent pas des supports obligatoires d’enseignement. En effet, les enseignants peuvent décider de substituer à ceux-ci des documents photocopiés. La dépense liée aux droits de reprographie est alors à la charge de l’État, conformément aux dispositions de l’article L. 212-4 du code de l’éducation. À ce titre, un montant de 7,7 millions d’euros a été inscrit en loi de finances initiale de 2016 pour le premier degré.
En outre, en vertu de la liberté pédagogique qui leur est légitimement reconnue, les enseignants peuvent adapter les contenus des manuels scolaires qui sont à leur disposition. À partir des programmes définis par le ministère, ils peuvent choisir la méthode et les outils didactiques qui leur paraissent les mieux adaptés à la progression de leurs élèves.
Enfin, des documents d’accompagnement ont été élaborés et mis en ligne pour chaque matière, afin de faciliter la mise en œuvre des nouveaux programmes.
S’agissant par exemple de l’école maternelle, un livre numérique présente le programme 2015 au travers de supports variés tels que des commentaires audio ou vidéo et des extraits de séances de classe, ainsi que d’une offre de ressources scientifiques, didactiques et pédagogiques d’aide dans différents domaines d’apprentissage, produites avec le concours de groupes d’experts et de l’Inspection générale de l’éducation nationale.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, le ministère propose des pistes concrètes afin d’accompagner les enseignants dans la mise en œuvre effective des nouveaux programmes de la scolarité obligatoire, sans que cela nécessite obligatoirement de nouvelles dépenses pour les collectivités locales.
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse, qui me laisse néanmoins quelque peu dubitatif.
Certes, en vertu de la liberté pédagogique dont ils jouissent, les enseignants peuvent substituer aux manuels des photocopies, dans certaines conditions.
Madame la ministre, vous nous renvoyez au caractère non obligatoire de l’acquisition des manuels, mais vous n’êtes pas sans savoir comment cela se passe dans la réalité : les enseignants et les établissements scolaires se tournent vers les maires ou, le cas échéant, vers les EPCI pour obtenir une réponse à une situation créée par une décision de l’État.
Bien entendu, ce n’est pas la première fois que l’État, indirectement, se décharge d’une dépense quasiment obligatoire, mais il a, en la matière, une responsabilité qui ne peut être ignorée. En tout cas, on ne peut se borner à renvoyer cette responsabilité à la seule démocratie locale : c’est bien à l’État qu’elle incombe !
prise en compte des projets de logement pour la définition de la carte scolaire
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Bailly, auteur de la question n° 1388, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Dominique Bailly. Je souhaite interroger le Gouvernement sur la définition de la carte scolaire et, plus précisément, sur les ouvertures ou suppressions de classes.
Dans la perspective de la rentrée de septembre 2016, les directeurs d’établissement ont dû, dès octobre ou novembre 2015, faire remonter des éléments concernant leurs effectifs prévisionnels, en fonction de l’évolution scolaire des enfants et des quelques préinscriptions déjà enregistrées. Au mois de février, le directeur académique des services de l’éducation nationale, le DASEN, établit une orientation, qui fait l’objet d’une confirmation adressée aux municipalités en juin.
Je voudrais souligner l’absence de prise en compte d’une variable aux incidences pourtant fortes. Je prends l’exemple de ma commune, Orchies, qui compte 8 500 habitants : depuis janvier 2016, avec les bailleurs sociaux, nous avons construit et surtout attribué plus de 170 logements, dont un certain nombre, bien entendu, à des familles avec enfants. Le DASEN me dit qu’il sera toujours possible, en septembre, en vertu de la clause de revoyure, d’ouvrir ou de fermer des classes. Pour ma part, je souhaiterais plutôt que le nombre de logements attribués dans une commune soit pris en compte en amont, en vue d’anticiper la décision de fermer ou d’ouvrir des classes.
Quelles évolutions pourrions-nous envisager sur ce point ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité réelle. Monsieur le sénateur, nous avons l’ambition, avec les nouvelles modalités de répartition des moyens entre académies incluant des critères sociaux et territoriaux, de rétablir l’égalité des chances entre tous les élèves.
Je tiens donc à vous assurer que la préparation de la carte scolaire dans le premier degré, compétence partagée entre l’État et les communes, fait l’objet d’échanges nourris entre les représentants de la commune, responsables des locaux et du fonctionnement de l’école, et l’inspecteur d’académie.
Je vous rappelle que ce dernier implante ou retire des moyens après avis du conseil départemental de l’éducation nationale. Cette instance, qui associe les élus, les parents et les personnels auprès de l’administration, constitue un lieu de concertation et de réflexion stratégique sur la politique éducative et ses conséquences sur la carte scolaire.
Le seuil retenu, en matière d’effectif d’élèves, pour ouvrir ou fermer une classe est défini par l’inspecteur d’académie. À cette fin, celui-ci est incité, par une circulaire du 3 juillet 2003, à réunir, en sus des procédures de consultation précédemment évoquées, les représentants des municipalités, les parents d’élèves et les enseignants, afin de permettre une information en amont sur le projet de carte scolaire.
Dans ce cadre, l’ensemble des acteurs peuvent ainsi faire valoir les variables socioéconomiques qui seraient de nature à modifier les prévisions d’effectifs d’élèves. La circulaire prescrit en outre de tenir compte des perspectives pluriannuelles des situations locales, qui peuvent donc inclure les projets immobiliers.
Par ailleurs, dans le cadre des conventions « ruralité » récemment signées pour assurer un service éducatif de qualité en zones rurales et de montagne, le Gouvernement a prévu de rappeler l’importance du contexte socioéconomique pour la prise de décisions en matière de carte scolaire. Il compte attirer l’attention des services déconcentrés sur la nécessité d’inscrire leur action dans le cadre de schémas territoriaux pluriannuels prenant en compte ces données socioéconomiques.
Vous le voyez, c’est bien au-delà de la seule estimation des effectifs scolaires qu’est menée la réflexion sur la définition de la carte scolaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.
Le travail en commun avec les DASEN pour élaborer les critères socioéconomiques auxquels vous avez fait référence est effectivement une évolution positive. Pour autant, la qualité des relations entre les mairies et l’académie demeure un déterminant fort. C'est la raison pour laquelle j’insiste sur la nécessité de faire de la construction et de l’attribution de logements un critère majeur.
Continuons à travailler ensemble pour la refondation de notre école !
violences en milieu scolaire et agressions contre les enseignants
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 1411, adressée à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Didier Marie. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les phénomènes de violence en milieu scolaire.
Pendant l’année scolaire 2014-2015, les établissements publics du second degré ont signalé, en moyenne, 12,4 incidents pour 1 000 élèves. Ce chiffre est comparable à celui de l’année scolaire précédente. Celle qui se termine connaît aussi son lot d’incidents. Ainsi, le 15 juin, un garçon de onze ans a poignardé un élève et, selon un rapport remis mercredi dernier à Mme la ministre de l’éducation nationale, une collégienne sur cinq a été victime de cyberviolences.
Au mois de janvier 2016, au Havre, dans mon département, nous avons connu un autre événement inquiétant : un enseignant a été agressé par un lycéen, pour avoir évoqué avec ce jeune les inquiétudes de plusieurs enseignants quant à son comportement. Il ne s’agit malheureusement pas d’un cas isolé. Insultes et menaces pouvant aller jusqu’à la violence physique, de la part tant d’élèves que de parents, deviennent fréquentes. Plus de 20 % des enseignants s’estiment victimes ou, à tout le moins, concernées par des attitudes agressives.
De tels comportements se manifestent souvent devant la classe ou dans la cour de récréation, au vu de tous les élèves, ce qui remet en cause l’autorité des enseignants et les pénalise dans l’exercice de leur métier.
Je souhaite donc connaître les dispositions prises par le Gouvernement pour lutter contre les violences scolaires, en particulier celles qui sont commises à l’encontre des enseignants, et les mesures qui pourraient être mises en œuvre à la prochaine rentrée pour réduire le nombre d’agressions subies par les enseignants et améliorer ainsi significativement leurs conditions de travail.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité réelle. Monsieur le sénateur, le ministère de l’éducation nationale est déterminé, comme vous, à agir efficacement contre les violences inadmissibles dont les enseignants peuvent être victimes, quelles que soient les personnes qui s’en rendent coupables.
Il faut faire preuve de la plus extrême fermeté contre les auteurs des violences, par le dépôt systématique de plaintes et le recours automatique au conseil de discipline lorsque l’auteur des faits est un élève.
Par ailleurs, le ministère de l’éducation nationale a renforcé l’assistance aux victimes par une aide juridique, ainsi que par le développement de groupes académiques d’appui.
Pour réduire les risques de violence dans les établissements, le Gouvernement a renforcé la présence d’adultes, par une amélioration des taux d’encadrement. Ainsi, le nombre de surveillants a augmenté significativement depuis 2012. Des personnels spécifiques ont été recrutés, avec pour mission d’assurer la sécurité des personnes et des biens dans les établissements. Ainsi, près de 500 agents rattachés aux équipes mobiles de sécurité sont répartis entre toutes les académies et des assistants de prévention et de sécurité ont été déployés dans les établissements les plus exposés aux phénomènes de violences.
En outre, les personnels de direction et d’inspection sont formés à la prévention et à la gestion des crises, avec des modules ciblés concernant la protection des personnels à l’encontre de toutes formes de violences. Ces actions sont prolongées et amplifiées par des exercices réalisés dans les établissements, en relation avec les autorités préfectorales, la police et la gendarmerie. Les recteurs et directeurs des ressources humaines sont également formés en la matière.
Enfin, la délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire développe une action d’ampleur visant notamment la protection des personnels. Des outils et des groupes chargés de recenser les phénomènes de violence ont ainsi été mis en place, afin de pouvoir mieux les appréhender et d’améliorer la réactivité des autorités en cas de survenance. De nombreuses ressources pour la formation initiale et continue des personnels sont également diffusées.
Je vous précise que ces actions s’inscrivent dans un dispositif plus global destiné à améliorer le climat scolaire dans toutes ses dimensions.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Je voudrais d’abord saluer la réponse de Mme la secrétaire d’État, s’agissant en particulier de la nécessaire sévérité dont il convient de faire preuve face à de tels actes.
Je prends bonne note des consignes données pour que le dépôt de plainte soit systématique. Je salue aussi les moyens engagés pour encadrer les établissements scolaires, avec la création des équipes mobiles de sécurité, et répondre aux besoins de formation, afin de permettre aux enseignants de mieux faire face à des situations souvent compliquées.
J’espère que, grâce à toutes ces mesures, nous pourrons constater une amélioration lors de la prochaine rentrée scolaire.
enseignants exerçant les fonctions d'éducateur en internat
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Duran, auteur de la question n° 1414, adressée à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Alain Duran. Je voudrais attirer l’attention du Gouvernement sur la situation des enseignants du premier degré exerçant les fonctions d’éducateur en internat dans les établissements régionaux d’enseignement adapté, les EREA.
Les internats éducatifs jouent un rôle important, différent de celui d’un internat classique, au sein des EREA. Ces établissements sont gérés par des enseignants spécialisés qui assurent des fonctions d’enseignant-éducateur et accompagnent les élèves dans leur projet de formation et d’orientation comme dans leur vie quotidienne.
Le concept d’internat éducatif a été élaboré comme un moyen de remédiation pour aider et accompagner les jeunes en grande difficulté scolaire et, parfois, en situation de handicap que les EREA accueillent. L’internat éducatif nécessite des personnels formés. C’est la raison pour laquelle ce sont des professeurs des écoles spécialisés qui exercent ces fonctions éducatives.
Or, par une note de service datée du 14 octobre 2015, le ministère de l’éducation nationale a appelé les recteurs à « confier, en priorité, l’exercice de ces fonctions, en particulier la surveillance des nuitées, à des assistants d’éducation », en indiquant que « de telles fonctions n’ont vocation à être prises en charges par des professeurs des écoles que de manière exceptionnelle, dans la mesure où elles ne correspondent pas à leurs missions statutaires ».
Cette instruction s’est traduite par la décision de plusieurs académies, dont celle de Toulouse, de mettre fin sans concertation aux missions de nuit assurées par les enseignants au sein des internats éducatifs des EREA et de les remplacer par des assistants d’éducation, ou AED, en vue de la rentrée scolaire 2016.
Une telle décision suscite l’incompréhension des personnels enseignants concernés. En effet, les AED ne sont pas spécialisés et spécifiquement formés pour répondre aux besoins propres des élèves concernés. De surcroît, leur statut est plus précaire et n’offre pas les garanties nécessaires au bon exercice de cette mission éducative difficile, qui exige de s’inscrire dans un cadre pérenne.
Un groupe de travail avait pourtant été institué en vue de traiter de l’avenir des missions et de la revalorisation des personnels des EREA. Arrêté à l’automne 2014, il n’a pas été associé à l’élaboration de l’instruction que j’ai citée, dont l’édiction sans concertation va tendre à affaiblir la qualité du travail mené au sein de ces établissements.
J’ai noté avec satisfaction la relance, le 16 juin, du groupe de travail et de réflexion réunissant syndicats et ministère. La reprise de la concertation est une première étape d’une importance majeure. Quelle voie le Gouvernement entend-il suivre pour assurer le maintien d’un encadrement éducatif de qualité au sein des EREA.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité réelle. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, la loi pour la refondation de l’école de la République affirme le principe de l’école inclusive.
Dans ce cadre, les EREA sont des structures clés. Ils permettent en effet de prendre en charge des adolescents qui sont en grande difficulté scolaire ou sociale ou qui présentent un handicap.
Le rôle des professeurs des écoles éducateurs au sein des EREA est essentiel ; il faut ici le souligner. Ils apportent un encadrement éducatif hors des heures d’enseignement, pendant la journée comme en début de soirée à l’internat. Cette mission exige une qualification dont les éducateurs disposent ; seuls ces personnels peuvent la remplir.
La question posée concerne la surveillance des élèves pendant les nuits. Or cette surveillance ne nécessite pas de qualification particulière. Elle a vocation à être assurée de manière privilégiée par des assistants d’éducation, comme dans tous les établissements.
Vous le voyez, il n’est pas question ici de remettre en cause le rôle des professeurs des écoles éducateurs au sein des EREA ou de les opposer aux assistants d’éducation.
Toutefois, il est effectivement temps de se mettre collectivement autour de la table pour récrire la circulaire relative aux EREA, qui date de 1995. C’est pourquoi Mme la ministre de l’éducation nationale a demandé à la direction générale de l’enseignement scolaire de réunir dans les meilleurs délais un groupe de travail sur les EREA, dans le même esprit que ce qui a été fait, par exemple, pour les sections d’enseignement général et professionnel adapté, ou SEGPA, autres structures clés pour le traitement des difficultés scolaires. Comme vous l’avez indiqué, ce groupe de travail s’est réuni le 16 juin dernier.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, c’est en pleine conscience des situations professionnelles existantes que nous continuons de mener notre action.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Duran.
M. Alain Duran. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces précisions, qui vont dans le bon sens.
Je note avec plaisir que vous confirmez – mais je n’avais aucun doute à cet égard – le rôle clé des EREA et que le Gouvernement n’entend pas les remettre en cause.
Une première réunion du groupe de travail s’est tenue le 16 juin. Il faut, me semble-t-il, profiter de l’occasion pour remettre à plat les missions des personnels, notamment celles des professeurs des écoles éducateurs. Afin de les rassurer, il serait souhaitable d’établir rapidement un calendrier pour la poursuite d’une réflexion nécessaire et urgente.
postes supplémentaires d'enseignants dans le loir-et-cher pour la rentrée de 2016
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, auteur de la question n° 1415, adressée à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Jacqueline Gourault. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la préparation de la rentrée scolaire de 2016.
Dans mon département, le Loir-et-Cher, elle a été marquée par un élan collectif associant nombre d’élus, de parents et d’enseignants, afin de défendre l’école et d’essayer de préserver sa place indispensable partout sur le territoire. Ces personnes ont demandé à la quasi-unanimité une vingtaine de postes supplémentaires.
Les équipes municipales, soutenues par les parents d’élèves, très impliqués dans la vie des écoles, ne peuvent accepter que l’État ne fasse pas sa part, alors qu’elles construisent, rénovent et équipent les bâtiments, mettent en place ces structures indispensables que sont les garderies et restaurants scolaires, embauchent pour donner des contenus et de la qualité aux nouvelles activités périscolaires, les NAP.
Au final, un seul poste supplémentaire a été attribué par l’inspection d’académie. Je souhaite insister sur les conséquences de ce manque d’enseignants en Loir-et-Cher.
D’abord, bien qu’une baisse des effectifs d’élèves soit attendue dans notre département, à hauteur de 196 enfants dans le primaire, les seuils d’ouverture de classe sont tout de même, pour la rentrée de 2016, de 28 élèves en élémentaire, et de 31 en maternelle…
Dès lors, dix écoles devront supporter une fermeture de classe et environ cinq autres n’obtiendront pas l’ouverture de classe pourtant indispensable.
La situation a aussi des répercussions sur les remplacements d’enseignants. Dans notre département, le système est exsangue, et ce sont bien évidemment nos enfants qui en pâtissent.
L’arrivée annoncée de 60 000 enseignants supplémentaires d’ici à 2017 ne produit pas d’effet concret dans les départements, en tout cas pas dans le nôtre. Où sont les postes supplémentaires qui permettront que chaque élève, qu’il vive en zone prioritaire, en zone rurale ou en zone urbaine, puisse étudier dans de bonnes conditions ? Comment comptez-vous améliorer le système de remplacement des enseignants, afin que tous les jours chaque élève puisse avoir un professeur ? En effet, à mon sens, l’égalité commence par la permanence de l’enseignement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité réelle. Madame la sénatrice, comme vous le savez, l’effort de création de postes engagé dès la rentrée 2012 se poursuit aujourd’hui. Il s’agit non seulement de remédier aux suppressions de postes décidées par la précédente majorité, qui avait laissé notre école dans un état tout à fait problématique, mais aussi d’accompagner la mise en œuvre des réformes et l’évolution de la population scolaire.
Ainsi, 6 639 postes seront créés pour la rentrée de 2016. Ils sont désormais répartis entre les académies en fonction non seulement du nombre d’élèves, mais aussi, depuis l’an dernier, de la situation sociale des territoires, de leur caractère rural, ainsi que de la priorité donnée au premier degré.
Dans ce cadre, la préparation de la carte scolaire dans le département de Loir-et-Cher a, comme tous les ans, été précédée par des temps d’échanges avec les élus, les parents et les enseignants, reçus en audience à cette fin par la direction des services de l’éducation nationale.
Depuis la rentrée 2013, malgré la perte de 468 élèves, dont 196 pour la rentrée prochaine, onze postes supplémentaires ont été attribués grâce aux nouvelles modalités d’affectation des moyens que je viens de rappeler. Cela se traduit mécaniquement par une progression, sur cette même période, du taux d’encadrement des élèves, le nombre d’enseignants devant élèves ayant en effet évolué positivement en quatre ans.
Très concrètement, pour la rentrée 2016, quatre postes et demi seront implantés dans les écoles élémentaires des réseaux d’éducation prioritaire, dans le cadre du dispositif « Plus de maîtres que de classes ». La scolarité des moins de 3 ans sera par ailleurs renforcée, ce qui permettra au département de dépasser l’objectif de 30 % de scolarisation des moins de 3 ans en réseau d’éducation prioritaire, ou REP, le taux atteignant même 43 % dans les REP+.
En outre, malgré des baisses d’effectifs souvent sensibles, les écoles en milieu rural ont fait l’objet d’une attention particulière : dix fermetures initialement proposées ont été levées à l’issue de la réflexion menée avec les différents partenaires éducatifs.
Enfin, deux postes supplémentaires de remplaçant ont été créés dans le département.
Vous le voyez, c’est dans le dialogue, en tenant compte des spécificités de chaque territoire, que sont aujourd’hui attribués les moyens, en vue du rétablissement de l’égalité des chances entre tous les élèves.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Madame la secrétaire d’État, je savais que vous alliez évoquer les suppressions de postes décidées par l’ancien gouvernement. Pour ma part, je m’étais déjà élevée contre les choix faits à l’époque, avec encore plus de vigueur que je ne le fais aujourd'hui, puisque – il faut le reconnaître – les suppressions alors mises en œuvre étaient d’une autre ampleur.
Il n’empêche que certaines décisions récentes de fermeture de classes en milieu rural étaient regrettables et que, entre vingt postes réclamés et un poste attribué, il y a une marge !
Mais je voulais surtout attirer l’attention du Gouvernement sur le problème des remplacements. Selon une étude sur le bilan social du ministère de l’éducation nationale récemment parue, le nombre moyen de jours d’absence par an et par enseignant est de 17,2. Certes, cela inclut, notamment, les congés de maternité, mais il y a souvent un problème de gestion des remplaçants.
J’ajoute que le statut des remplaçants est d’une rigidité à toute épreuve. Il remonte à 1950 et s’avère de plus en plus vétuste dans le paysage éducatif français et européen. Comment s’étonner qu’un certain nombre d’absences courtes ne donnent pas lieu à remplacement, dans le primaire comme dans le secondaire ? Il faudrait peut-être aussi se pencher sur ce sujet.
Selon un rapport de la Cour des comptes intitulé Gérer les enseignants autrement et publié en 2013, les postes d’enseignant sont répartis sur le territoire selon des critères qui caractérisent seulement partiellement et indirectement les difficultés des élèves. En Loir-et-Cher, et partout en France, les remplaçants devraient être affectés en fonction de la réalité des postes. Cela améliorerait, je le crois, le quotidien de l’enseignement dans notre pays.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à onze heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 1382, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question porte sur la répercussion des hausses des péages autoroutiers sur le réseau Estérel-Côte d’Azur, ou ESCOTA.
En 2010, le coût du trajet d’Aix-en-Provence à Menton sur l’autoroute A8 était de 19,20 euros pour les 202 kilomètres du réseau ouest-est. Depuis le 1er février, il est de 21,30 euros, soit un coût moyen de presque dix centimes par kilomètre.
Dans plusieurs gares de péage des Alpes-Maritimes, les prix ont également été augmentés. Ainsi, depuis Nice, dix centimes d’augmentation sont appliqués dans chaque direction et dans d’autres gares de péage, comme celle de Cagnes-sur-Mer, l’augmentation grimpe même jusqu’à vingt centimes, en fonction de la destination.
De plus, la hausse du 1er février s’élève à 1,18 % sur le réseau ESCOTA, contre 1,12 % sur le reste du réseau national en moyenne.
L’autoroute A8 est l’une des autoroutes les plus fréquentées de France, mais également l’une des plus chères pour les usagers, alors que ceux-ci ne constatent pas le lancement de chantiers significatifs justifiant ces hausses de prix. Pour les usagers, les travaux de fluidification sont même plutôt source de ralentissements et d’embouteillages.
Le 24 juillet 2013, la Cour des comptes a rendu un rapport soulignant que la progression des tarifs a été « particulièrement importante » sur le réseau ESCOTA entre 2009 et 2012. Ce même rapport dénonce aussi le protocole d’accord au contrat de plan 2012-2016 signé le 16 décembre 2011, qui prévoyait des investissements pour des « opérations de faible envergure, dont l’intérêt pour l’usager est plus difficile à établir ». À cela s’ajoute un taux d’insatisfaction parmi les plus élevés pour ce réseau depuis 2006.
Enfin, depuis quarante ans, le contournement de Nice par le péage de Saint-Isidore est payant, alors que de nombreuses autoroutes circulaires d’autres grandes villes, dont le périphérique parisien, sont gratuites.
Alors que rien n’indique que cette hausse des tarifs servira à financer une extension du réseau pourtant saturé, comment le Gouvernement peut-il agir concrètement pour qu’une telle augmentation ne relève pas d’un phénomène de « rentabilité exceptionnelle pour le concessionnaire », comme l’Autorité de la concurrence en exprime la crainte dans son rapport de septembre 2014 ?
Le Gouvernement va-t-il contrôler régulièrement la réalité des justifications avancées pour cette hausse, en vérifiant par exemple que les aménagements visant à la fluidification du trafic justifient véritablement l’augmentation annuelle des tarifs prévue jusqu’en 2023 à la suite des dernières négociations entre l’État et les sociétés autoroutières ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche, qui ne pouvait être présent ce matin.
Le Gouvernement a entendu les remarques émises par la Cour des comptes et l’Autorité de la concurrence. Comme vous le savez, il a décidé l’an dernier du gel des péages et a mis en place un groupe de travail réunissant notamment des membres de cette assemblée, afin de réfléchir à l’avenir du système autoroutier concédé.
Le groupe de travail a rendu ses conclusions. Un accord a été conclu le 9 avril 2015 entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes. Il a permis de dégager des ressources nouvelles pour le financement des infrastructures de transports, avec, en particulier, 100 millions d’euros versés par les concessionnaires à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, dès l’an dernier. Il contribue à la relance de l’activité économique, avec l’attribution de près de 3,2 milliards d’euros de travaux répartis sur l’ensemble des réseaux, dans le cadre du plan de relance autoroutier.
J’en viens plus particulièrement au réseau ESCOT. La convention de concession définit le rythme d’augmentation des péages, qui a été de 1,18 % en 2016. Ces règles de hausse sont établies au préalable et validées par décret en Conseil d’État. Les tarifs proposés par la société concessionnaire font l’objet d’un contrôle complet par les services de l’État, qui n’hésitent pas à refuser ou à modifier ces propositions, afin de faire respecter les termes des contrats de concession.
En contrepartie des péages, le concessionnaire est chargé de la réalisation des travaux, de l’exploitation de l’autoroute, de son entretien et de sa maintenance. Durant ces dernières années, ESCOTA a justifié auprès de nos services un montant de travaux de 700 millions d’euros. Il s’agit en particulier de la réalisation d’écrans acoustiques ou d’éco-ponts, afin de réduire les impacts de l’infrastructure, ou encore d’aménagements destinés à favoriser la sécurité, comme la réalisation d’un tunnel, l’amélioration de certains aménagements, la mise en sécurité des tunnels ou l’installation de filets de sécurité pour éviter la chute de blocs.
Soyez assurée, madame la sénatrice, que les services du ministère chargé des transports sont particulièrement vigilants à l’amélioration permanente des conditions de sécurité et au parfait entretien des autoroutes par les entreprises qui bénéficient de leur concession.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.
À travers cette question, je voulais relayer les préoccupations des élus de mon département et, surtout, des usagers qui empruntent ces autoroutes quotidiennement, pour des raisons essentiellement professionnelles, et voient donc leur pouvoir d’achat grevé par les hausses successives des tarifs.
Je demeure inquiète, en dépit de l’accord et des contrôles de l’État que vous avez mentionnés. Ainsi, dernièrement, dans un article du Parisien, le président de Vinci Autoroutes, qui est aussi le président de l’ASFA, l’Association des sociétés françaises d’autoroutes, faisait ouvertement état de nouvelles hausses des tarifs à venir. Il est à craindre que le réseau ESCOTA ne soit une nouvelle fois fortement touché…
Même si l’accord qui a été conclu entre les sociétés concessionnaires et l’État précise qu’il n’y aura plus de surprofits, il faut rester vigilant.
qualité du service rendu aux usagers sur les lignes de transport express régional champardennaises
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, auteur de la question n° 1395, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Marc Laménie. Ma question a trait aux problèmes ferroviaires, en particulier à la dégradation des conditions de transport des voyageurs sur les lignes TER dans l’ancienne région Champagne-Ardenne.
Les directions nationale et régionale de la SNCF ont décidé voilà quelques semaines de remplacer certains trains, notamment sur les lignes de Charleville-Mézières à Givet et de Charleville-Mézières à Hirson, par des autocars en raison de la nécessité de transférer des conducteurs du département des Ardennes vers la région parisienne.
Par ailleurs, il est envisagé de supprimer la présence de contrôleurs sur les trains TER de Champagne-Ardenne. Le département des Ardennes serait concerné au titre des lignes Charleville-Mézières-Rethel-Reims et Charleville-Mézières-Sedan-Carignan-Longwy.
Ces décisions entrent en contradiction avec l’effort de 57 millions d’euros consenti par l’État, les collectivités locales et la SNCF dans le cadre du contrat de plan État-région 2015-2020 afin de maintenir une offre locale de transport ferroviaire satisfaisante et attractive.
La suppression des moyens humains pose incontestablement un problème de sécurité pour les usagers des TER.
De telles mesures, décidées de façon unilatérale, font, une nouvelle fois, peu de cas des principes d’aménagement du territoire et confortent les préoccupations que j’avais déjà exprimées le 12 mai 2015 à l’occasion d’une précédente question orale.
J’ajoute que des suppressions de lignes TER étaient déjà intervenues en décembre 2013, entre Châlons-en-Champagne, Sainte-Menehould et Verdun, et récemment entre Fismes, dans le département de la Marne, et La Ferté-Milon, dans le département de l’Aisne.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, madame la secrétaire d'État, je souhaiterais savoir quelles mesures peuvent être prises à très court terme afin de garantir la continuité du service de transport ferroviaire et, surtout, la sécurité des voyageurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. Vidalies, qui ne pouvait être présent ce matin.
M. Vidalies comprend les difficultés des usagers des lignes ferroviaires TER de Champagne-Ardenne, mais ne peut malheureusement vous apporter qu’une réponse limitée sur les conditions d’exploitation de ces services.
Cette desserte est en effet exploitée par SNCF Mobilités dans le cadre de la convention TER qui la lie avec la région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, autorité organisatrice. L’État, au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales, n’intervient pas dans ses choix.
S’agissant de la suppression de trains liée à une pénurie de conducteurs, elle est liée à une situation nationale qui résulte d’une mauvaise appréciation de la SNCF en termes de gestion prévisionnelle des effectifs, avec une moindre prolongation d’activité par les conducteurs au-delà de l’âge d’ouverture des droits à la retraite. Ces départs, qui n’ont été constatés que six mois à l’avance, n’ont pas pu être intégrés dans les contingents de formation de nouveaux conducteurs, formation d’une durée de dix-huit mois. Les nouvelles formations engagées dès l’identification de ce problème n’aboutiront qu’à l’été.
Cette situation tout à fait singulière n’est pas du tout satisfaisante. Aussi mon collègue a-t-il fermement demandé au président de SNCF Mobilités de prendre toutes mesures adaptées pour remédier au plus vite à ces difficultés.
L’entreprise a ainsi mis œuvre des mesures telles que le report de congés et la prolongation d’activité de quelques mois, sur une base volontaire, de conducteurs devant partir à la retraite.
Ces mesures n’ont néanmoins pas permis d’éviter la mise en place de plans de transport adaptés, en assurant des solutions de substitution aux usagers. Par ailleurs, SNCF Mobilités s’est engagé à rembourser les voyageurs affectés par ces perturbations.
S’agissant de la suppression de l’accompagnement systématique des TER par des contrôleurs, la région fixe, dans le cadre de la convention la liant à SNCF Mobilités, le niveau et les modalités d’accompagnement des services qu’elle organise, dans la mesure où c’est elle qui en supporte le coût.
Cette nouvelle organisation, déjà mise en œuvre dans près de 10 % des TER et dans 90 % des trains d’Île-de-France, permet un redéploiement des contrôleurs afin d’apporter une meilleure qualité de service aux usagers.
Le Gouvernement a de son côté pris toutes les mesures utiles pour renforcer la sécurité des voyageurs à bord des trains et la lutte contre la fraude, dans le cadre de la loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, dite loi Savary, et du décret publié le 3 mai dernier.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de ces informations.
Concernant le transport ferroviaire, je suis tout à fait conscient des difficultés que peuvent soulever les conventions liant les régions et la SNCF, ainsi que le partage des responsabilités entre SNCF Mobilités et SNCF Réseau. Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur la question des infrastructures.
Je me permets d’insister sur la pertinence du transport ferroviaire, ne serait-ce qu’au regard de la sécurité. Je tiens aussi à défendre, par respect et reconnaissance, l’ensemble des personnels de la SNCF.
M. Louis Nègre. Très bien !
M. Marc Laménie. Au regard de la sécurité des usagers, il me paraît très grave que, dans les TER, il n’y ait plus de contrôleurs. La présence humaine des contrôleurs est, à mes yeux, irremplaçable, en particulier à une époque où, hélas, les incivilités se multiplient. Ils jouent aussi un rôle de conseil, d’écoute des voyageurs.
Je regrette que des dessertes ferroviaires soient supprimées et remplacées par des lignes d’autocars : ce n’est pas une bonne solution.
promotion des métiers de la pêche
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, auteur de la question n° 1406, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Michel Canevet. J’ai souhaité interroger le secrétaire d'État chargé de la mer pour lui rappeler toute l’importance que, à la pointe de la Bretagne, nous attachons aux questions maritimes et, en particulier, à la pêche.
Sur la zone du quartier d’immatriculation – l’ancien quartier maritime –, on observe une diminution du nombre de marins, tout simplement parce qu’il n’y a pas suffisamment de jeunes – ou de moins jeunes – attirés par le métier. Cela est particulièrement inquiétant pour l’avenir d’un secteur, celui de la pêche, extrêmement important pour la Bretagne en termes d’emplois et d’activité.
Voilà quelques années, la région Bretagne a rationalisé l’organisation des formations maritimes pour ne plus maintenir qu’un seul établissement d’enseignement de type lycée dans chaque département.
Le lycée maritime du Guilvinec, qui est implanté sur la commune de Tréffiagat-Léchiagat et accueille actuellement une centaine d’élèves, est ainsi le seul du Finistère. Il a, depuis quelque temps déjà, formulé une demande d’ouverture d’une section de préparation au brevet de technicien supérieur « pêche », pour élever le niveau de la formation et essayer ainsi de répondre à un certain nombre d’attentes des professionnels du secteur. Il s’agit aussi d’inciter davantage de jeunes à s’intéresser aux métiers de la pêche en leur assurant une formation de très bon niveau.
Je souhaitais interroger le Gouvernement, madame la secrétaire d'État, sur la suite donnée à cette demande de création d’une préparation au BTS « pêche » au lycée maritime du Guilvinec.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Vidalies, qui ne pouvait être présent ce matin.
Le renouvellement de notre flotte de pêche est une priorité du Gouvernement, notamment pour soutenir nos entreprises de pêche maritime, qui constituent un pan important de notre économie maritime.
La conjoncture est plutôt positive. Les constructions de navires neufs et les acquisitions sont en augmentation, ce dont on ne peut que se féliciter. Les salaires actuels sont rémunérateurs et attractifs. Toutefois, les armements signalent encore, comme vous, des difficultés à attirer les jeunes vers les métiers de la pêche.
La question de la rénovation de la formation professionnelle maritime est donc au cœur de l’action qu’Alain Vidalies mène dans le domaine maritime, et plus particulièrement dans le secteur de la pêche. Il s’agit de répondre à l’évolution des technologies, au développement d’activités nouvelles en mer et à l’émergence de nouveaux métiers qui participent à la « croissance bleue ».
Ainsi, l’ouverture des premières classes de préparation au BTSM, le brevet de technicien supérieur maritime, a eu lieu à la rentrée 2014. À cette occasion, la formation de techniciens supérieurs opérationnels dans les domaines non seulement de la pêche et de la gestion de l’environnement marin, mais aussi de la maintenance des systèmes électro-navals, a été privilégiée.
La région Bretagne a bénéficié de ce renforcement de l’offre de formation. En effet, cette région accueille quatre des douze lycées professionnels maritimes sous tutelle du ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, et quatre des dix classes qui composent le dispositif du BTSM.
La première promotion de diplômés sortira en juin 2016. Avant d’envisager de poursuivre le déploiement du dispositif mis en place, une évaluation sera effectuée, notamment au regard des emplois proposés aux titulaires du BTSM et de la poursuite par certains d’entre eux de leurs études.
C’est sur cette base, et en concertation avec les conseils régionaux intéressés, que pourront être envisagés le développement de ce type de formation et l’éventuelle ouverture de nouvelles classes. M. Vidalies sait que plusieurs lycées maritimes sont candidats, notamment celui du Guilvinec.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. J’attendais de Mme la secrétaire d'État une réponse beaucoup plus positive que celle que j’ai entendue ! Certes, elle évoque des perspectives, mais les attentes sont extrêmement fortes, en matière d’adaptation des formations aux besoins, dans la zone du quartier maritime du Guilvinec et, au-delà, dans toute la Bretagne.
Certes, la flottille est en train, fort heureusement, de se renouveler. Elle en avait bien besoin, puisque la moyenne d’âge des bateaux, de l’ordre de vingt-sept ou vingt-huit ans, est extrêmement élevée. Or, si l’on veut attirer demain des hommes vers la pêche, les outils de pêche devront être modernes et adaptés. Le renouvellement de la flottille est donc indispensable.
Cependant, aujourd'hui, le problème est d’éviter un exode de bateaux. Pour cela, il faut qu’il y ait des marins, et, pour qu’il y ait des marins, il faut mettre en place des campagnes de sensibilisation et des formations attractives. Nous pensons, avec les professionnels du secteur, que l’ouverture d’une formation au BTSM serait de nature à attirer des jeunes.
Il faut rappeler que pas une seule formation au BTS « pêche » n’est actuellement ouverte sur la façade atlantique. Il est important que, sur cette façade maritime essentielle pour les activités halieutiques en France, le dispositif de formation réponde véritablement aux besoins.
Je compte sur votre soutien, madame la secrétaire d'État, pour relayer auprès de votre collègue notre souhait qu’une formation de type BTS ouvre à la prochaine rentrée scolaire au lycée maritime du Guilvinec.
mise en place de véhicules auto-partagés dans les immeubles collectifs
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre, auteur de la question n° 1366, adressée à Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
M. Louis Nègre. Ma question a trait à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août dernier, dont nous attendons bon nombre de déclinaisons réglementaires.
Le sujet qui me tient à cœur et sur lequel je souhaite appeler l’attention aujourd’hui est celui de la mise en place de véhicules auto-partagés dans les immeubles collectifs.
Inséré en première lecture au Sénat, l’article 42 de ladite loi modifie les obligations en matière de création d’aires de stationnement dans les immeubles d’habitation et de bureaux. Il rend possible une mécanique astucieuse qui consiste à réduire le nombre d’aires de stationnement obligatoires en contrepartie de la mise à disposition des résidants de véhicules auto-partagés, pour aller dans le sens d’une moindre congestion de nos centres-villes et d’une amélioration significative de la qualité de l’air.
Ainsi, lorsque le plan local d’urbanisme impose la réalisation d’un certain nombre d’aires de stationnement, ce nombre peut être réduit de 15 % au minimum en échange de la mise en place de véhicules auto-partagés.
Eu égard à la nécessité de réduire l’impact environnemental et sanitaire du transport individuel, ledit article dispose qu’il doit s’agir de véhicules électriques munis d’un dispositif de recharge adapté ou de véhicules propres.
Cette innovation législative représente une économie potentielle pour les promoteurs immobiliers en même temps qu’elle permet la création d’un service additionnel vertueux pour les résidants des copropriétés.
Comme le spécifie l'article 42, les conditions de mise en œuvre de ce dispositif doivent être précisées par décret. Il s’agit de caractériser à la fois l’amplitude et la nature même du mécanisme : j’entends par là, bien sûr, le ratio de véhicules à mettre en place en fonction du nombre d’aires de stationnement non construites et la nature de ces véhicules, puisque sont visés non seulement les véhicules électriques, mais également les véhicules propres.
Il me semble par ailleurs opportun de qualifier davantage l’ensemble de la technologie qui accompagne l’installation de ces véhicules
Ce sont autant d’interrogations qui concernent à la fois les collectivités, en tant que rédacteurs des documents et autorisations d’urbanisme, que les promoteurs immobiliers et les exploitants d’auto-partage pour la mise en œuvre d’un tel dispositif.
Or, l’échéancier de mise en application de la loi qui fait état des décrets prévus et de leur date de publication estimée ne fait aucune mention de cet article 42.
L’absence de qualification réglementaire crée une insécurité juridique qui pourrait vider de toute sa substance cette disposition.
Ma question, madame la secrétaire d'État, est donc la suivante : l’engagement pris de publier un décret sur ce sujet sera-t-il respecté et, si oui, suivant quel calendrier ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de Ségolène Royal, qui ne pouvait être présente ce matin et m’a chargée de vous répondre.
L’article 42 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a introduit la possibilité de diminuer de 15 % la portée de l’obligation de réaliser des aires de stationnement pour véhicules motorisés prévues par le plan local d’urbanisme en contrepartie de la mise à disposition de véhicules électriques munis d’un dispositif de recharge adapté ou de véhicules propres en auto-partage.
Comme la ministre de l’environnement l’a déjà indiqué, cette mesure est d’application immédiate. Elle partage avec vous la volonté de développer tous les dispositifs en faveur de la mobilité alternative à la voiture particulière.
Il n’est pas prévu de décret d’application de cet article, car il n’apparaît pas pertinent de fixer un ratio à l’échelle nationale du nombre de places d’auto-partage à réaliser en contrepartie de la diminution des obligations en matière de normes de stationnement. En effet, l’intérêt et la viabilité d’un dispositif d’auto-partage est très dépendant du contexte local, qui peut changer d’une ville à l’autre et même d’un quartier à l’autre, de la localisation des projets, de leur taille, de leurs modalités de gestion, de la qualité de la desserte en transport collectif, de l’offre en véhicules en auto-partage déjà disponible…
La fixation de normes au niveau national conduirait à rigidifier une démarche qui se veut innovante et demande de la souplesse. Les expérimentations sont nécessaires dans ce domaine et il est préférable de laisser place au dialogue entre la collectivité et le constructeur, qui pourront ainsi s’accorder sur la base d’un projet dont les modalités seront adaptées au contexte local.
Ainsi, Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer encourage vivement les acteurs locaux, collectivités et porteurs de projets, qui souhaitent utiliser cette nouvelle possibilité offerte par la loi depuis bientôt un an à le faire sans plus attendre. Une instruction en ce sens sera adressée aux services déconcentrés du ministère, en vue d’accompagner le montage de ces projets et de capitaliser les retours d’expérience.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Madame la secrétaire d'État, je vous demandais un décret et un calendrier. Vous me répondez qu’un décret n’est pas nécessaire.
M. Louis Nègre. Moi qui suis sur le terrain, et non pas dans les bureaux du ministère, je constate que nous avons du mal à mettre en œuvre cette disposition que vous qualifiez vous-même de vertueuse et d’innovante.
En effet, les nombreux acteurs de terrain ne savent pas très bien aujourd’hui comment l’appliquer. Il faut au minimum fixer un cadre…
Dans ces conditions, je vous propose de mettre en place le plus rapidement possible un groupe de travail en vue de trouver un accord sur la façon dont ce dispositif vertueux doit être mis en application. Dans cette perspective, engager un dialogue précis est nécessaire.
Cette démarche est indispensable, me semble-t-il, pour aller vers une réduction du nombre de voitures individuelles et de la congestion de nos centres-villes, ainsi que pour améliorer la qualité de l’air. La commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, à laquelle j’ai eu l’honneur de participer, a chiffré à 100 milliards d’euros le coût des dommages causés par cette pollution !
Qu’attendons-nous ? Au bout d’un an, au motif que la loi est d’application immédiate, rien n’a été mis en place. Soyons donc pragmatiques et concrets, et installons tout de suite un groupe de travail en vue d’assurer l’application de cette disposition. À défaut, la Norvège nous dépassera dans ce domaine !
sécurisation de l'espace public dans les communes sans police municipale
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, auteur de la question n° 1384, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. André Reichardt. Madame la secrétaire d'État, j’ai souhaité attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur les difficultés rencontrées par les maires quant à la sécurisation des espaces publics dont ils ont la charge, que les communes concernées disposent ou non d’une police municipale.
La loi autorise en effet les maires à faire appel à des sociétés de surveillance privée, après accord du préfet. Le domaine d’intervention de ces sociétés est particulièrement réglementé, puisqu’elles n’ont le droit d’exercer leur mission qu’à l’intérieur de lieux fermés, d’espaces minutieusement balisés ou aux abords de ceux-ci, mais en aucun cas sur la voie publique.
Les agents de surveillance privée qui assistent à des méfaits n’ont pas le droit d’intervenir directement : ils doivent en référer aux autorités compétentes, le plus souvent à la gendarmerie lorsqu’il s’agit de communes rurales. Or, notamment quand la commune est éloignée d’une caserne, il arrive que les gendarmes mettent du temps à se rendre sur les lieux.
Depuis les attentats de novembre 2015, il est demandé aux maires d’être particulièrement vigilants en matière de sécurité, mais ils n’ont pas véritablement reçu les moyens d’assurer cette mission.
Une circulaire du ministère de l’intérieur datée du 5 janvier 2016 engage bien les préfets à élaborer des conventions locales de coopération de sécurité, ou CLCS, notamment dans les zones exposées à la délinquance. Ces conventions associent les maires et les services de sécurité privée autour des forces de l’ordre, mais elles visent essentiellement à permettre des échanges d’informations, sans vraiment régler les problèmes auxquels sont confrontés les élus concernés en matière de sécurité.
Dans ces conditions, comment les maires sont-ils supposés résoudre la quadrature du cercle, pris comme ils le sont entre leur responsabilité d’assurer la sécurité sur le territoire de leur commune, l’absence de police municipale, notamment dans les petites communes qui n’ont pas les moyens d’en financer une, et les limites du recours aux services, très encadrés, des sociétés de surveillance privée.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur.
Vous l’interrogez sur les moyens à la disposition d’un maire pour assurer la sécurité des personnes et des biens dans sa commune.
La sécurité est bien sûr le cœur du métier de l’État. C’est en même temps une coproduction faisant intervenir d’autres acteurs, dans une logique de partenariat qui est le gage d’une efficacité accrue.
La sécurité dans nos villes et nos villages tient d’abord à une présence visible de la police et de la gendarmerie nationales. Vous le savez, des efforts importants de recrutement ont été réalisés. Si des réorganisations territoriales sont en cours, elles peuvent aussi conduire à une plus grande réactivité et à un positionnement des effectifs adapté aux réalités de la délinquance d’aujourd’hui.
Le deuxième acteur important, ce sont bien sûr les polices municipales. La création d’un service de police municipale relève d’une initiative du conseil municipal, en application du principe de libre administration des collectivités territoriales.
Le ministre de l’intérieur a pris plusieurs initiatives visant à faciliter concrètement l’exercice des missions de cette « troisième force de sécurité intérieure » : financement des gilets pare-balles, fournitures d’armes de poing issues des stocks de la police nationale, assouplissement du cadre juridique de l’accès aux fichiers, pour ne citer que ces trois exemples. Il a réuni trois fois la commission consultative des polices municipales depuis le début de l’année 2015 pour rendre compte de l’avancée de ces chantiers.
Bien sûr, dans les petites communes, la création d’une police municipale peut s’avérer coûteuse : je précise cependant que le droit en vigueur permet des solutions de mutualisation intercommunale, voire la création d’une police municipale intercommunale.
Une autre solution est le recrutement d’agents de surveillance de la voie publique, les ASVP. Ce sont des agents publics pouvant être contractuels et disposant de compétences de verbalisation pour certaines infractions. Ces agents peuvent également apporter une réponse efficace en matière de sécurité dans les petites communes.
Reste, enfin, la question des agents de sécurité privée. Le domaine d’intervention des agents de surveillance privée est, selon l’article L. 613-1 du code de la sécurité intérieure, circonscrit à l’intérieur des bâtiments ou dans la limite des lieux dont ils ont la garde.
Néanmoins, le deuxième alinéa de ce même article leur permet, je le rappelle, d’exercer sur la voie publique, à titre exceptionnel et sur autorisation du représentant de l’État dans le département, des missions, même itinérantes, de surveillance contre les vols, dégradations et effractions visant les biens dont ils ont la garde.
La loi permet donc déjà à ces agents d’exercer une garde statique ou itinérante au bénéfice d’une commune dès lors qu’il s’agit de surveiller des biens pour prévenir d’éventuels actes de malveillance.
Dans ce cadre, ces agents peuvent utilement coopérer avec les forces de sécurité. En effet, la formation qu’ils suivent en vue de l’obtention de leur carte professionnelle comprend des modules stratégiques dont l’objet est de leur apprendre, par exemple, à détecter des situations conflictuelles, à mettre en œuvre des consignes ponctuelles ou permanentes, à transmettre les informations utiles dans le cadre d’actes de malveillance et à faire des comptes rendus.
Ces différents acteurs étatiques, municipaux et privés doivent bien sûr se parler et coopérer. Ainsi, chacun exerce, dans une logique de partenariat et dans le respect des compétences respectives de chacun, des missions complémentaires au service de la sécurité de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de ce rappel de la réglementation existante. Il aura au moins l’avantage de clarifier les choses pour un certain nombre de maires qui s’interrogent légitimement. Pour autant, votre réponse ne me satisfait pas pleinement.
Si le dispositif que vous avez rappelé peut suffire – et encore ! – dans une situation normale, il n’en est naturellement pas ainsi dans la situation de crise que nous connaissons depuis les attentats de janvier et, surtout, de novembre 2015.
À certaines époques de l’année, en effet, les petites communes, comme les grandes, organisent des manifestations diverses qui sont autant de fêtes, de rassemblements susceptibles d’attirer un large public. Citons, pêle-mêle, le réveillon du jour de l’an, le 14 juillet ou encore la Fête de la musique, qui se déroulera ce soir même.
Ce soir, par exemple, partout en France, même dans les petites villes et les communes rurales, se tiendront des rassemblements exigeant une surveillance particulière.
Dans les petites communes rurales, la gendarmerie ne pourra pas être partout, alors que, dans les grandes villes, les effectifs de la police auront été spécialement renforcés. Dans les deux cas, les maires sont responsables de la sécurité, mais, alors que les uns seront bien soutenus, les autres seront bien seuls et dépourvus !
Il y a là, outre une inégalité flagrante entre les différentes strates de communes, un risque accru pour certaines catégories de population, notamment, je le répète, parce que la gendarmerie ne pourra pas être présente dans toutes les communes rurales où seront organisées ce soir des manifestations susceptibles de drainer ne serait-ce que 100 ou 200 personnes. La perpétration d’un attentat dans ces circonstances serait, naturellement, catastrophique.
Je vous invite, madame la secrétaire d'État, à vous faire l’écho de cette grave préoccupation auprès du Gouvernement.
4
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-129 du 10 février 2016 portant sur un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d’électricité, déposé sur le bureau du Sénat le 13 avril 2016.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Hommage à Maurice Blin, ancien sénateur
Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris, comme vous tous, le décès de notre ancien collègue Maurice Blin, qui fut sénateur des Ardennes de 1971 à 2007 et présida le groupe de l’Union centriste de 1993 à 1998. (Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Agrégé de philosophie, universitaire de profession, grand intellectuel, auteur de plusieurs ouvrages tels que Le Travail et les dieux, en 1976, et Nostalgie d’Empire, en 2001, spécialiste de Nietzsche, Maurice Blin fut élu en 1958, à trente-cinq ans, député des Ardennes. Il fut élu sénateur de ce même département en 1971, puis réélu à trois reprises, en 1980, en 1989 et en 1998.
Pendant ses trente-six années de mandat sénatorial, Maurice Blin fut membre de la commission des affaires économiques, puis de la commission des finances. Il fut rapporteur général du budget pendant plus de dix ans, de 1978 à 1989. Au cours de son dernier mandat, il fut un des rapporteurs de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi de programme pour la recherche, en 2005-2006.
Ceux qui l’ont accompagné sur ces bancs gardent la mémoire d’un spécialiste des questions financières, notamment des finances locales, mais aussi et surtout d’un homme affable et à l’écoute de tous.
Il appréciait les travaux de notre assemblée, dont il soulignait les qualités suivantes : « persévérance dans l’effort, respect du temps, de l’écrit et du travail ». Dans un article intitulé « Le Sénat, bâtisseur et témoin », il marqua son profond attachement au bicamérisme.
Au nom du président Gérard Larcher et du Sénat tout entier, je veux assurer sa famille et ses proches, le président et les membres du groupe UDI-UC et notre collègue Marc Laménie, dont Maurice Blin fut le mentor, de notre compassion sincère et leur présenter nos condoléances les plus attristées.
Je vous propose d’observer un moment de recueillement en sa mémoire. (Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)
6
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (projet n° 610, texte de la commission n° 662, rapport n° 661).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre III du titre II, à l’amendement n° 198 rectifié tendant à insérer un article additionnel après l’article 16.
Titre II (suite)
Favoriser une culture du dialogue et de la négociation
Chapitre III (suite)
Des acteurs du dialogue social renforcés
Article additionnel après l'article 16
Mme la présidente. L'amendement n° 198 rectifié, présenté par MM. Patient, S. Larcher, Karam, Desplan et Antiste, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le titre II du livre VI de la deuxième partie du code du travail est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Représentativité
« Section 1
« Représentativité syndicale régionale et interprofessionnelle
« Art. L. 2624-1. – I. – Sont représentatives au niveau de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin ou de Saint-Pierre-et-Miquelon et au niveau interprofessionnel, les organisations syndicales qui :
« 1° Satisfont aux critères de l’article L. 2121-1 ;
« 2° Sont représentatives à la fois dans des branches de l’industrie, de la construction, du commerce et des services ;
« 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l’addition au niveau de la collectivité concernée et interprofessionnel des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants ainsi que des suffrages exprimés aux élections des membres représentant les salariés aux chambres locales d’agriculture dans les conditions prévues à l’article L. 2122-6. La mesure de l’audience s’effectue tous les quatre ans.
« II. – Une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle locale est représentative à l’égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels ses règles statutaires lui donnent vocation à présenter des candidats à condition :
« 1° De satisfaire aux critères de l’article L. 2121-1 et du 2° du I ;
« 2° D’avoir recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés au sein de ces collèges, à l’issue de l’addition des résultats mentionnés au 3° du I.
« III. – Le présent article est applicable à Mayotte à compter du 1er janvier 2018.
« Section 2
« Représentativité patronale
« Art. L. 2624-2. – I. – Sont représentatives au niveau de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin ou de Saint-Pierre-et-Miquelon et multi-professionnel les organisations professionnelles d’employeurs :
« 1° Qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 2151-1 ;
« 2° Qui sont représentatives ou dont les organisations adhérentes sont représentatives sur le fondement de l’article L. 2152-1 du présent code dans au moins cinq conventions collectives relevant soit des activités agricoles mentionnées aux 1° à 4° de l’article L. 722-1 et au 2° de l’article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime, soit des professions libérales définies à l’article 29 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, soit de l’économie sociale et solidaire, et ne relevant pas du champ couvert par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ;
« 3° Auxquelles adhèrent au moins trois organisations relevant de l’un des trois champs d’activités mentionnés au 2° ;
« II. – Préalablement à l’ouverture d’une négociation locale et interprofessionnelle, puis préalablement à sa conclusion, les organisations professionnelles d’employeurs représentatives à ce niveau informent les organisations représentatives au niveau national et multi-professionnel des objectifs poursuivis par cette négociation et recueillent leurs observations.
« Art. L. 2624-3. – Sont représentatives au niveau de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin ou de Saint-Pierre-et-Miquelon et interprofessionnel les organisations professionnelles d’employeurs :
« 1° Qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 2151-1 ;
« 2° Dont les organisations adhérentes sont représentatives à la fois dans des branches de l’industrie, de la construction, du commerce et des services ;
« 3° Dont les entreprises et les organisations adhérentes à jour de leur cotisation représentent au moins 8 % de l’ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d’employeurs satisfaisant aux critères mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 2151-1 et ayant fait la déclaration de candidature prévue à l’article L. 2152-5. Le nombre d’entreprises adhérant à ces organisations est attesté, pour chacune d’elles, par un commissaire aux comptes, qui peut être celui de l’organisation, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. La mesure de l’audience s’effectue tous les quatre ans.
« Lorsqu’une organisation professionnelle d’employeurs adhère à plusieurs organisations professionnelles d’employeurs ayant statutairement vocation à être présentes au niveau national et interprofessionnel, elle répartit entre ces organisations, pour permettre la mesure de l’audience prévue au présent article, ses entreprises adhérentes. Elle ne peut affecter à chacune de ces organisations une part d’entreprises inférieure à un pourcentage fixé par décret, compris entre 10 % et 20 %. L’organisation professionnelle d’employeurs indique la répartition retenue dans la déclaration de candidature prévue à l’article L. 2152-5. Les entreprises adhérentes sont informées de cette répartition.
« Art. L. 2624-4. – À défaut de branche constituée en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon et si aucune convention ou aucun accord national de branche ne s’applique localement au secteur d’activité concerné, les partenaires sociaux représentatifs en application, d’une part, de l’article L. 2624-1, et d’autre part, selon le cas, de l’article L. 2624-2 ou L. 2624-3, peuvent négocier un accord de branche ou inter branches dans les conditions du droit commun. Cet accord peut faire l’objet d’une procédure d’extension ou d’élargissement. »
II. – Le présent article est applicable à Mayotte à compter du 1er janvier 2018.
La parole est à M. Félix Desplan.
M. Félix Desplan. Le code du travail prévoit un mode de détermination de la représentativité des organisations syndicales dans les entreprises, dans les branches au niveau national ou régional, ainsi qu’au niveau national et interprofessionnel.
Or la spécificité de la situation outre-mer a conduit, par le passé, à trouver des solutions dans le cadre d’accords interprofessionnels régionaux. Le présent amendement a pour objet de fixer les conditions dans lesquelles les organisations syndicales sont considérées comme représentatives pour la négociation d’accords interprofessionnels.
Ces accords interprofessionnels doivent être négociés avec des organisations patronales également représentatives au même niveau. Les règles de représentativité des organisations patronales sont donc également fixées dans le texte de l’amendement.
Le modèle retenu est celui qui est fixé par la loi pour la détermination de la représentativité au niveau national et interprofessionnel pour les organisations de salariés, et au niveau national et interprofessionnel ou national et multi-professionnel pour les organisations patronales.
Le paysage conventionnel des collectivités ultramarines intéressées, quoique différent d’une collectivité à l’autre, se caractérise par un nombre important d’entreprises qui ne sont couvertes par aucune convention de branche, nationale ou locale, soit parce que la convention collective nationale n’est pas applicable, soit parce que la branche n’est pas constituée outre-mer.
Pour tenter de résorber cette difficulté, le présent amendement vise à permettre aux organisations syndicales et professionnelles représentatives au niveau local de signer des accords de branche à la double condition que les secteurs d’activités intéressés ne soient pas déjà constitués en branche et qu’aucun accord national ne s’applique localement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, permettez-moi tout d’abord de vous dire que j’ai trouvé très touchant l’hommage que vous avez rendu à Maurice Blin. À moi qui ne l’ai pas connu, vos propos ont donné envie de découvrir ses travaux. Nous côtoyons dans cette assemblée des personnes de la plus grande qualité, ce qui nous permet à tous de progresser. (MM. Vincent Capo-Canellas et Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent.)
En ce qui concerne l’amendement n° 198 rectifié, la commission y est défavorable, même si elle comprend l’objectif. La représentativité ne se présume pas. Depuis 2008, nous sommes entrés dans un processus où celle-ci se construit de bas en haut. Il serait donc délicat d’inscrire un tel dispositif dans la loi.
Cela étant, l’article 14 bis, introduit sur l’initiative du Gouvernement, permet d’adapter aux outre-mer un certain nombre de droits en vigueur sur le territoire métropolitain. Ils pourront donc devenir effectifs dans les territoires ultramarins. Je le souligne en réponse à votre allusion au nombre important d’entreprises qui ne sont couvertes par aucune convention de branche, nationale ou locale.
Par ailleurs, l’adoption d’un amendement du Gouvernement a complété l’article 13, relatif aux branches, afin de prévoir que les organisations professionnelles d’employeurs représentatives dans la branche au niveau national pourront mandater au niveau local ou régional des représentants afin de négocier.
Au regard de ces éléments, votre amendement me paraît, dans l’esprit, satisfait, mais la commission ne peut aller jusqu’à souscrire à la présomption de représentativité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je tiens également à m’associer à l’hommage rendu à Maurice Blin. Nos pensées vont à sa famille et à ses proches dans ce moment particulièrement difficile.
Monsieur le sénateur Félix Desplan, le problème que vous posez est essentiel. Je partage votre volonté d’élargir la couverture conventionnelle aux outre-mer, car la situation actuelle – je pense que nous pouvons tous en convenir ici – n’est pas acceptable. Il s’agit à la fois d’un enjeu en termes d’égalité républicaine et d’une question sociale importante.
Au travers de l’article 14 bis, inséré à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a pris une mesure importante visant en quelque sorte à inverser le régime dit « Perben » et à poser le principe selon lequel, à défaut de précision contraire, les conventions collectives s’appliqueront à l’outre-mer. C’est une évolution considérable, voire historique.
Nous avons également, dans ce cadre, donné un rôle important aux partenaires sociaux locaux, qui pourront ou non reprendre les accords passés et décider de leur adaptation. Vous avez raison de le souligner, il est essentiel que leur représentativité soit connue.
Lors du débat à l’Assemblée nationale, sur l’initiative de Monique Orphé, nous avons décidé d’engager une réflexion avec la direction générale du travail, à laquelle tous les parlementaires peuvent s’associer. Je souhaite que nous attendions d’en connaître le résultat. Je ne suis pas persuadée que la voie législative soit la plus adaptée.
Dans cette perspective, je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, je serais contrainte d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Desplan, l'amendement n° 198 rectifié est-il maintenu ?
M. Félix Desplan. Puisque Mme la ministre m’annonce qu’un travail sur le sujet est en cours, j’accepte de retirer cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 198 rectifié est retiré.
Article 16 bis
L’article L. 414-41 du code du travail applicable à Mayotte est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une convention ou un accord d’entreprise peut majorer les durées prévues au présent article. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 16 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 847 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 16 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 2142-1-3 du code du travail est remplacée par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Ce temps est :
« - Au moins égal à cinq heures pour les entreprises de 50 à 150 salariés ;
« - Au moins égal à huit heures pour les entreprises de 151 à 200 salariés ;
« - Au moins égal à dix heures pour les entreprises de plus de 500 salariés. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à rétablir le nombre de délégués syndicaux et d’heures de délégation à leur niveau d’avant l’entrée en vigueur de la loi Rebsamen, qui a réduit le nombre de représentants élus à la délégation unique du personnel, la DUP, ainsi que les volumes d’heures de délégation.
Cette loi dite de « dialogue social » avait, par exemple, supprimé dix heures de délégation pour les représentants du personnel dans les entreprises de 100 à 150 salariés.
Pour rendre effective la participation des salariés à la détermination de leurs conditions de travail, il faut garantir que leur représentation ne puisse être vidée de tout contenu. Nous proposons donc que le nombre d’élus à la DUP ne puisse être inférieur au nombre cumulé des élus des différentes instances.
Nous continuons de refuser la diminution du nombre d’élus du personnel dans la nouvelle délégation unique. Nous refusons également la diminution des heures de réunion alors que plus de missions seront confiées à ces délégués.
Cet amendement prévoit donc de porter les crédits d’heures de délégation syndicale à cinq heures au minimum pour les entreprises de 50 à 150 salariés, à huit heures pour les entreprises de 151 à 200 salariés et à au moins dix heures pour les entreprises de plus de 500 salariés.
Plutôt que d’augmenter, comme le prévoit le texte du Gouvernement, de 20 % le volume d’heures réduit par la fusion des délégations uniques, nous proposons de revenir sur cette fusion et d’accroître les crédits d’heures de délégation syndicale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Le représentant de la section syndicale n’a pas les mêmes responsabilités que le délégué syndical. En particulier, il ne négocie pas les accords collectifs. Il n’a donc pas besoin du même nombre d’heures de délégation. La commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Les fonctions sont en effet différentes. Les délégués syndicaux ont le monopole de la négociation syndicale. Nous avons bien expliqué que si l’on accordait plus de moyens aux représentants syndicaux, c’était justement parce qu’il y avait une extension de la place de la négociation au niveau de l’entreprise. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Une loi sur le travail a été votée en juillet dernier. Revenir aujourd’hui sur ses dispositions créerait de l’instabilité, ce que ne veulent ni les entreprises ni les syndicats.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame Procaccia, quand ça l’arrange, la droite sénatoriale n’hésite pas à revenir sur des textes récents ! Hier soir, nous avons défendu un amendement tendant à maintenir des dispositions votées en 2014 et non encore appliquées ; il n’a pas été adopté : en l’occurrence, l’instabilité législative ne vous gênait pas… En revanche, lorsqu’il s’agit, comme ici, de redonner un peu plus de pouvoir aux organisations syndicales et à leurs représentants dans les entreprises, vous la dénoncez !
Votre argument n’est donc absolument pas recevable. Je maintiens cet amendement !
Mme la présidente. L'amendement n° 972, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 16 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’état des discriminations syndicales en France sur la base des travaux réalisés par le défenseur des droits. Ce rapport fait état des bonnes pratiques observées dans les entreprises pour lutter contre ces discriminations.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer le rapport du Conseil économique, social et environnemental, le CESE, sur le développement de la culture du dialogue social en France. Ce rapport, rédigé par Jean-François Pilliard et Luc Bérille, aborde la question des discriminations syndicales, qui se rencontrent trop souvent. En effet, selon une étude réalisée en 2014 par l’OIT, 11 % des salariés du secteur privé estiment avoir été victimes de discriminations syndicales.
La loi Rebsamen a institué une garantie de non-discrimination syndicale et une valorisation des parcours syndicaux, mais il est bien souvent difficile d’objectiver la situation. Le rapport du CESE préconise que le Gouvernement établisse, sur le fondement des travaux réalisés par le Défenseur des droits, un rapport qui serait remis au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi. Je pense qu’il est aujourd’hui essentiel de mener un travail sur ce sujet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Nous allons battre des records en termes tant de scrutins publics que de demandes de rapports ! (Sourires.)
Cela étant, cet amendement traduit effectivement les recommandations 34 et 35 du CESE, qui ont été adoptées à une très large majorité, tant par les représentants des organisations syndicales que par la représentation patronale.
Dans ces conditions, il n’y a pas de raison d’y faire obstacle et la commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 16 bis.
Article 17
I A (nouveau). – La section 7 du chapitre V du titre II du livre III de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L’article L. 2325-35 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf stipulation contraire d’une convention ou d’un accord d’entreprise, l’expert-comptable ne peut être choisi qu’après présentation d’au moins trois devis émanant de prestataires différents. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 2325-38 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Sauf stipulation contraire de cet accord, l’expert ne peut être choisi qu’après présentation d’au moins trois devis émanant de prestataires différents. »
I. – La section 4 du chapitre IV du titre Ier du livre VI de la quatrième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° A (nouveau) Après le troisième alinéa de l’article L. 4614-12, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf stipulation contraire d’une convention ou d’un accord, l’expert ne peut être choisi qu’après présentation d’au moins trois devis émanant de prestataires différents. » ;
1° L’article L. 4614-13 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– la première phrase est supprimée ;
– au début de la deuxième phrase, le mot : « Toutefois, » est supprimé ;
c) Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les autres cas, l’employeur qui entend contester la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, le coût prévisionnel de l’expertise tel qu’il ressort, le cas échéant, du devis, l’étendue ou le délai de l’expertise saisit le juge judiciaire dans un délai de quinze jours à compter de la délibération du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l’instance de coordination mentionnée à l’article L. 4616-1. Le juge statue, en la forme des référés, en premier et dernier ressort dans les dix jours suivant sa saisine. Cette saisine suspend l’exécution de la décision du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l’instance de coordination mentionnée à l’article L. 4616-1, ainsi que les délais dans lesquels ils sont consultés en application de l’article L. 4612-8, jusqu’à la notification du jugement. Lorsque le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou l’instance de coordination des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ainsi que le comité d’entreprise sont consultés sur un même projet, cette saisine suspend également, jusqu’à la notification du jugement, les délais dans lesquels est consulté le comité d’entreprise en application de l’article L. 2323-3.
« Les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur. Toutefois, en cas d’annulation définitive par le juge de la décision du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l’instance de coordination, les sommes perçues par l’expert sont remboursées par ce dernier à l’employeur. Le comité d’entreprise peut, à tout moment, décider de les prendre en charge dans les conditions prévues à l’article L. 2325-41-1. » ;
2° Il est ajouté un article L. 4614-13-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4614-13-1. – L’employeur peut contester le coût final de l’expertise devant le juge judiciaire, dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’employeur a été informé de ce coût. »
II. – La sous-section 2 de la section 7 du chapitre V du titre II du livre III de la deuxième partie du même code est complétée par un article L. 2325-41-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2325-41-1. – Le comité d’entreprise peut, à tout moment, décider de prendre en charge, au titre de sa subvention de fonctionnement prévue à l’article L. 2325-43, les frais d’une expertise du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en application du troisième alinéa de l’article L. 4614-13. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Cet article, passé relativement inaperçu, est néanmoins important, car son adoption pourrait remettre en cause une compétence importante du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT : l’expertise.
Les rapporteurs, qui saluent le « dispositif mis en œuvre par le présent article », oublient un peu vite que les CHSCT, créés en tant que tels par les lois Auroux de 1982, avaient pour vocation de veiller à la sécurité des salariés. Ils ont donc pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale des travailleurs, ainsi qu’à leur sécurité et à l’amélioration des conditions de travail, en particulier pour faciliter l’accès des personnes à l’emploi, et enfin de veiller au respect des prescriptions légales dans ces domaines.
Or, ce qui frappe d’emblée, c’est que cette institution, qui est dotée de la personnalité juridique, ne dispose pas de moyens en dehors des crédits d’heures accordés aux salariés qui en sont membres.
La technicité de ces questions de santé et de sécurité impose de recourir à des compétences élevées, et donc de faire appel à des experts indépendants et agréés par le ministère du travail.
Jusqu’à une décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité du 27 novembre 2015, les frais d’expertise étaient pris en charge par l’employeur, quel que soit le résultat de l’étude. Par ailleurs, la contestation de l’expertise par l’employeur ne suspendait pas cette dernière.
La décision du Conseil constitutionnel sur la QPC précitée, qui faisait suite à un arrêt de la Cour de cassation du 15 mai 2013, a ouvert la porte à un réel recul du droit des salariés en préconisant une révision des règles de suspension de l’expertise en cas de contestation.
Non seulement le projet de loi prévoit d’affirmer ce caractère suspensif de la contestation de l’expertise, mais il va plus loin, me semble-t-il, que le Conseil constitutionnel, en n’obligeant plus l’employeur à prendre en charge les frais d’expertise, même en cas de résultat favorable à l’employeur.
Ainsi, le projet de loi met en péril le recours même à l’expertise. Si le texte était adopté en l’état, le CHSCT, dépourvu de moyens, réduirait sans aucun doute le champ de son contrôle.
Les aggravations du dispositif proposées par la majorité sénatoriale – suspension jusqu’à la décision du juge ou exigence d’une mise en concurrence d’experts – n’arrangeront rien, bien au contraire. C’est la raison pour laquelle les sénatrices et sénateurs du groupe CRC voteront contre cet article.
Mme la présidente. L'amendement n° 52, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Comme l’indique le rapport, l’article 17 récrit les dispositions relatives à l’expertise que peut demander le CHSCT, pour les mettre en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel du 27 novembre 2017.
Toutefois, cette réécriture va plus loin que les préconisations du Conseil constitutionnel et modifie les modalités de remboursement des frais d’expertise, lesquels, jusqu’à présent, étaient, sauf abus, à la charge de l’employeur, en raison de l’absence de budget propre du CHSCT et de la latitude de choisir les experts, une mise en concurrence étant désormais prévue.
Si le Conseil constitutionnel a reconnu que le paiement des frais d’expertise par l’employeur en cas d’annulation de la décision du CHSCT est inconstitutionnel, il a aussi jugé que mettre à la charge de l’employeur ces frais d’expertise ne constituait que la mise en œuvre des exigences constitutionnelles découlant du Préambule de la Constitution de 1946.
De plus, il faut souligner que cette expertise est demandée premièrement « lorsqu’un risque grave est constaté dans l’établissement », deuxièmement « en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » ou, troisièmement, « dans le cadre d’une consultation sur un projet de restructuration et de compression des effectifs ».
Or la réécriture proposée supprime le principe d’une prise en charge des frais d’expertise par l’employeur, puisque le comité d’entreprise pourra aussi les assumer.
De surcroît, la réécriture proposée au travers de ce projet de loi prévoit la contestation du coût prévisionnel de l’expertise. Pourtant, de nombreux experts ne sont pas convaincus de la pertinence de cette mesure. En effet, ils soulignent que « cela conduira à la possibilité d’une succession de contentieux, alors qu’aucune autre forme d’expertise n’est exposée à cette double peine. Cela ne va pas dans le sens de la simplification. »
Cet article vise à entraver et à fragiliser la mission d’expertise du CHSCT. C’est pourquoi nous en demandons la suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement de suppression de l’article. À la suite d’une QPC, une partie des dispositions du code du travail a été annulée. L’article 17, dont la commission a considérablement enrichi le texte en imposant notamment la production de trois devis avant de pouvoir décider du choix de l’expert, vise à y remédier et pose un certain nombre de principes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Cessons les faux procès ! Nous n’oublions pas que le CHSCT travaille sur les questions de santé, puisque nous présentons même un article tendant à élargir le champ de ses missions, notamment en matière d’accompagnement des personnes en situation de handicap.
Nous devons légiférer en tenant compte de la décision du Conseil constitutionnel. Celui-ci ayant considéré que la charge des frais d’expertise ne pouvait reposer sur l’employeur en cas d’annulation de la décision du CHSCT, le Gouvernement a proposé une solution équilibrée, qui consiste à faire reposer cette charge sur le cabinet d’experts, tout en encadrant les délais de recours et, en cas de contentieux, en rendant suspensif le délai de jugement en première instance. Ce dispositif, qui a été élaboré en concertation avec les professionnels du secteur, permettra au CHSCT d’exercer dans les meilleures conditions son droit à l’expertise et aux experts de bénéficier d’une plus grande sécurité juridique.
Voilà de quoi il s’agit ! Nous devions prendre une décision ; la solution que nous proposons, est, je le redis, équilibrée. J’indique que je ne souscris pas à l’ensemble des modifications introduites par la commission,…
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Vous y viendrez !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … qui conduisent à alourdir et à complexifier encore les procédures.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste et républicain est, comme le Gouvernement, opposé à cet amendement.
La rédaction de l’article 17 adoptée par la commission n’est pas celle que nous souhaitions, mais nous voulons poursuivre la discussion sur cet article, car nous entendons voter l’amendement n° 380 du groupe écologiste, qui nous paraît de nature à rassembler tous les suffrages de notre côté de l’hémicycle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame la ministre, nous souhaitons, nous aussi, que l’on en finisse avec les faux procès : cessez de nous faire dire ce que nous n’avons pas dit !
Nous pensons que le CHSCT a une très grande importance dans l’entreprise. Ce n’est en effet pas au travers du présent texte que le Gouvernement a ouvert la porte à la diminution du financement du CHSCT par les employeurs, mais vous persistez dans cette voie avec ce projet de loi. Ce faisant, vous permettez à la droite sénatoriale d’aller encore plus loin, même si vous ne souscrivez pas à ses propositions, madame la ministre.
Je le redis : cessons les faux procès ! Parlons du fond, échangeons, argument contre argument. Peut-être ce projet de loi ne constitue-t-il pas un retour au XIXe siècle, comme cela a pu être dit, mais ce n’est pas non plus, madame la ministre, un texte qui donnera des droits nouveaux aux salariés. Il faut arrêter de le présenter ainsi !
L’inversion de la hiérarchie des normes et l’abandon du principe de faveur, que je sache, figurent bien dans votre texte ! Avec de telles mesures, on peut tout imaginer. Vous ne pouvez pas prétendre qu’il s’agit d’avancées et de droits nouveaux pour les salariés.
Mme Nicole Bricq. Vous l’avez déjà dit…
Mme Annie David. Ainsi, à propos du CHSCT, vous ouvrez une porte que, pour notre part, nous refusons même d’entrebâiller.
Nous considérons que le CHSCT doit avoir les moyens de fonctionner…
Mme Nicole Bricq. On est d’accord…
Mme Annie David. Permettez que je m’exprime, madame Bricq ! Même si nous avons déjà dit tout cela hier, nous continuerons à le dire, que cela vous plaise ou non ! Lorsque vous prenez la parole, personne ne vous empêche de parler !
Nous ne vous faisons pas de faux procès, madame la ministre, et nous vous demandons, en retour, de ne pas nous en faire !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 52.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 358 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 313 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 380, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Il s’agit de supprimer l’obligation pour le CHSCT, lorsqu’il souhaite choisir un expert, et pour le comité d’entreprise, lorsqu’il souhaite avoir recours aux services d’un expert-comptable, de procéder à cette désignation sur la base d’au moins trois devis.
Cette disposition introduite par la commission des affaires sociales du Sénat, dont l’objet est, je suppose, de renforcer la transparence, peut induire selon nous une certaine suspicion : parce que les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur, le CHSCT et le comité d’entreprise seraient nécessairement inconséquents et dépensiers… Cette vision des choses est excessive. D’ailleurs, l’employeur présidant ces instances, il peut tout à fait y faire valoir son point de vue.
En outre, cette obligation de faire établir au moins trois devis ne nous semble pas forcément compatible avec la célérité qui peut s’imposer dans les cas d’urgence.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression des alinéas 1 à 8.
Mme la présidente. L’amendement n° 1014, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le mot :
alinéa
par la référence :
III
II. – Alinéa 3
Au début, insérer la mention :
III. -
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
Mme la présidente. L’amendement n° 105 rectifié, présenté par Mme Des Esgaulx et M. Pierre, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 256 rectifié bis, présenté par Mme Deroche, MM. Retailleau, Allizard, Bignon, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cantegrit et Cardoux, Mme Cayeux, M. César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chasseing, Cornu, Dallier, Danesi et Dassault, Mmes Debré, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, MM. Doligé et P. Dominati, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, M. Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Falco, Fontaine, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa, J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grand, Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houel, Houpert, Huré et Husson, Mmes Imbert et Kammermann, MM. Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Malhuret, Mandelli, Masclet et Mayet, Mmes M. Mercier, Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Panunzi, Paul, Perrin, Pierre, Pillet, Pinton, Pointereau et Portelli, Mmes Primas et Procaccia et MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Revet, Savary, Savin, Trillard, Vaspart, Vasselle, Vendegou, Vial, Vogel et Baroin, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5, au début
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Il ne peut être choisi qu’à l’issue d’une procédure de mise en concurrence, dans des conditions fixées par décret.
II. – Alinéa 8, au début
Insérer une phrase ainsi rédigée :
L’expert ne peut être choisi qu’à l’issue d’une procédure de mise en concurrence, dans des conditions fixées par décret.
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Cet amendement vise à introduire un peu plus de concurrence dans le marché captif des cabinets d’experts fournissant des prestations aux comités d’entreprise ou aux CHSCT.
Mme la présidente. L’amendement n° 257 rectifié bis, présenté par Mme Deroche, MM. Retailleau, Allizard, Bignon, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cantegrit et Cardoux, Mme Cayeux, M. César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chasseing, Commeinhes, Cornu, Dallier, Danesi et Dassault, Mmes Debré, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, MM. Doligé et P. Dominati, Mmes Duchêne et Duranton, M. Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Falco, Fontaine, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa, J. Gautier, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grand, Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené et Houel, Mme Hummel, MM. Huré et Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Malhuret, Mandelli, Masclet et Mayet, Mmes M. Mercier, Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Panunzi, Paul, Perrin, Pierre, Pinton, Pointereau et Portelli, Mmes Primas et Procaccia et MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Revet, Savary, Savin, Trillard, Vaspart, Vasselle, Vendegou, Vogel et Baroin, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 5
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 2325-40 est ainsi rédigé :
« Art L. 2325-40.- L’expert-comptable et l’expert technique mentionné à l’article L. 2325-38 sont rémunérés conjointement par l’entreprise et par le comité d’entreprise.
« Un décret en Conseil d’État fixe :
« - La part prise en charge par l’entreprise et la part prise en charge par le comité d’entreprise ;
« - Le montant maximum hors taxes par année civile de la rémunération des experts visés aux articles L. 2325-35 et L. 2325-38. Ce montant est déterminé en fonction de la masse salariale, telle qu’elle figure à la déclaration annuelle des salaires de l’établissement et de l’entreprise.
« Le président du tribunal de grande instance est compétent en cas de litige sur leur rémunération. »
II. – Alinéa 10
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les frais d’expertise sont à la charge conjointe de l’entreprise et du comité d’entreprise. Un décret en Conseil d’État fixe la part prise en charge par l’entreprise et la part prise en charge par le comité d’entreprise. » ;
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Cet amendement tend à prévoir que la charge financière des expertises soit partagée entre l’entreprise et le comité d’entreprise et que le montant soit plafonné par décret.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Sur l’amendement n° 380, la commission ne s’est pas dédite et a émis un avis défavorable. Elle avait en effet enrichi la rédaction de l’article 17.
Mme Nicole Bricq. Appauvri, plutôt !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Demander trois devis, ce n’est tout de même pas sorcier, mes chers collègues ! Cela permettra d’éclairer les décisionnaires et d’éviter de devoir acquitter des montants prohibitifs. Ces dispositions me semblent être de bonne gestion.
Les amendements nos 256 rectifié bis et 257 rectifié bis visent à prolonger le travail d’encadrement que nous avons mené s’agissant du choix des experts et des prestataires.
L’amendement n° 256 rectifié bis prévoit une mise en concurrence pour toutes les expertises. La commission a considéré que, pour ce qui concerne les plus petites entreprises et les expertises les plus simples, son adoption conduirait à alourdir les procédures. Prévoir l’établissement de trois devis nous semble satisfaisant. La commission souhaite donc le retrait de cet amendement.
Elle a émis un avis favorable, en revanche, sur l’article n° 257 rectifié bis, qui vise à faire participer le comité d’entreprise au financement des expertises qu’il demande. Il s’agit, en somme, d’une sorte de ticket modérateur.
Mme Catherine Deroche. Madame la présidente, nous retirons l’amendement n° 256 rectifié bis.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Sur l’amendement n° 380, l’avis est favorable. En effet, imposer l’établissement de trois devis me semble une mauvaise réponse pour lutter contre des abus en réalité très minoritaires.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. On le fait dans nos collectivités locales !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il convient de rappeler que les experts sont agréés par le ministère du travail, après une procédure d’instruction qui associe les partenaires sociaux, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, et l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, l’INRS. Cette procédure d’agrément est essentielle.
Dans la pratique, lorsqu’un travail récurrent est mené par un même cabinet d’experts, qui connaît la situation de l’entreprise, pourquoi alourdir la procédure en demandant la présentation de trois devis ?
J’ajoute, pour ce qui concerne le droit à l’expertise du CHSCT, que l’article 17 comporte d’ores et déjà des dispositions visant à sécuriser les conditions dans lesquelles un employeur peut contester le recours à l’expert du CHSCT, notamment au regard d’un coût prévisionnel jugé déraisonnable sur la base d’un premier devis.
Sur l’amendement n° 1014, l’avis est favorable.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 257 rectifié bis, s’il est légitime que le comité d’entreprise prenne en charge sur son budget de fonctionnement une partie du coût de l’expertise relative aux orientations stratégiques, cette règle ne peut pas s’étendre aux autres consultations. Étant donné le montant de la subvention de fonctionnement, cela reviendrait à priver le comité d’entreprise d’une partie de son droit à l’expertise. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je l’ai dit, nous sommes favorables à l’amendement n° 380 de nos collègues écologistes. Le recours à un expert est encadré par la loi et la jurisprudence ; il n’est pas nécessaire d’en rajouter.
Nous sommes opposés au très suspicieux amendement n° 256 rectifié bis…
Mme Catherine Deroche et M. Bruno Retailleau. Il a été retiré !
Mme Nicole Bricq. Tant mieux, car il était inspiré par un préjugé.
L’amendement n° 257 rectifié bis participe du souhait de la droite de faire supporter la totalité du coût de l’expertise au budget de fonctionnement du CHSCT, ce qui priverait celui-ci de toute ressource : cela conduirait à sa mort douce…
Par ailleurs, il n’est pas possible de préjuger du montant des frais d’expertise par décret. On ne peut pas prévoir les problèmes qui peuvent surgir. Un décret peut éventuellement fixer les catégories de dépenses prises en charge, mais pas les montants.
Nous sommes donc opposés à cet amendement. Adopter de telles dispositions n’enrichirait pas le texte, monsieur le rapporteur ; cela l’appauvrirait et appauvrirait des instances nécessaires à la vie de l’entreprise.
Mme la présidente. L’amendement n° 385, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Alinéa 15, première phrase
Supprimer les mots :
le coût prévisionnel de l’expertise tel qu’il ressort, le cas échéant, du devis,
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Cet amendement vise à supprimer la voie de contestation en la forme des référés du coût prévisionnel de l’expertise demandée par le CHSCT.
Il semble illogique d’introduire une possibilité de contestation a priori du coût prévisionnel à un stade où, par définition, ce coût ne peut être connu avec certitude, même à l’aide d’un devis. Ce coût est en effet fonction des travaux qui seront, in fine, réalisés par l’expert. Seule la contestation portant sur le bien-fondé et les modalités de l’expertise paraît pertinente à ce stade.
Il est à craindre, selon nous, que la contestation pour ce motif ne soit détournée de son but et qu’il y soit recouru à des fins dilatoires ou comme substitut à une contestation sur le fondement d’autres motifs. Il semble donc pertinent de supprimer cette possibilité et de conserver uniquement celle, prévue à l’alinéa 18 de l’article, de contester le coût final de l’expertise.
Loin de moi l’intention de polémiquer, mes chers collègues, mais à quelle petite entreprise voudrait-on imposer systématiquement de faire établir trois devis ? Est-il logique de prendre une telle mesure pour les CHSCT ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui vise à supprimer la possibilité de contestation a priori du coût prévisionnel, telle qu’elle est prévue dans le texte du Gouvernement. Or cette disposition est aussi destinée protéger l’expert. En effet, si l’on ne maintient que la contestation a posteriori, l’expert pourra être obligé, le cas échéant, de rembourser à l’employeur l’intégralité des sommes perçues. Mieux vaut prévenir que guérir !
Quant aux trois devis, je puis vous assurer, en tant que maire d’une commune de 500 habitants, qu’une secrétaire de mairie peut très bien les demander rapidement, ce qui permet ensuite d’opérer des choix efficients. Je ne pense donc pas que cela représente un drame pour une TPE.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis est également défavorable. Il est préférable que le coût soit réajusté en amont, avant que l’expertise ne soit terminée. Cela permet d’éviter un contentieux. C’est pourquoi il faut maintenir la possibilité de contestation a priori.
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.
Mme Evelyne Yonnet. Monsieur le rapporteur, que je sache, les CHSCT ne sont pas encore soumis au code des marchés publics…
Le CHSCT s’occupe de prévention. Il joue dans ce domaine un rôle essentiel, au bénéfice tant de l’employeur que des salariés, et lorsqu’il commande une expertise, c’est qu’il y a danger. Mettre à la charge du CHSCT les frais d’expertise entraînerait à terme la mort du comité d’entreprise. Je rappelle que c’est celui-ci qui vote la demande d’expertise, en présence de l’employeur et des représentants syndicaux. Pour qu’une telle demande soit formulée, il faut qu’un véritable problème de fond relatif aux conditions de travail se pose : les salariés peuvent être menacés d’un péril et l’employeur risquer gros. Tout cela s’inscrit dans le cadre de la prévention et du dialogue social.
Mme la présidente. L’amendement n° 672, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 15, première phrase
Remplacer le mot :
quinze
par le mot :
cinq
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Vous l’aurez compris, il s’agit d’un amendement de repli. Puisque nous n’avons pas obtenu la suppression de cet article, nous proposons, à tout le moins, de ramener de quinze à cinq jours, à compter de la délibération du CHSCT, le délai dont dispose l’employeur pour contester la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert ou le coût prévisionnel de l’expertise.
Un délai de quinze jours est en effet trop long : dans la mesure où le juge a dix jours pour rendre son avis, le début de l’expertise se trouve renvoyé à vingt-cinq jours, la contestation de l’entrepreneur étant suspensive. Cela n’est pas acceptable, dans la mesure où, comme l’a dit à l’instant Mme Yonnet, les expertises menées à la demande du CHSCT intéressent très souvent la santé des salariés. Dès lors, il nous semble important, pour la santé des salariés comme pour celle de l’entreprise, que ces expertises puissent être conduites le plus rapidement possible et dans les meilleures conditions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a estimé qu’un délai de cinq jours était un peu court pour permettre une saisine élaborée et argumentée, et souhaite maintenir un délai de quinze jours. L’avis est donc défavorable.
Je sais, madame Yonnet, que vous connaissez très bien l’univers des comités d’entreprise et des CHSCT, pour avoir vous-même siégé dans ces instances. J’ai bien conscience que le cadre n’est pas le même que pour les collectivités locales. Quoi qu’il en soit, la mesure que nous préconisons est simplement de bonne gestion. Franchement, il n’est pas sorcier de faire établir trois devis !
Par ailleurs, on constate très régulièrement que les budgets de fonctionnement des comités d’entreprise sont en excédent. Certes, il existe une fongibilité partielle au profit des œuvres sociales, mais pourquoi ne pas prévoir, symboliquement, la possibilité d’une participation aux frais d’expertise ? Il s’agit, en quelque sorte, d’appliquer à tous un principe de responsabilité. L’idée est non pas de stigmatiser quiconque, mais de favoriser une prise de conscience.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 670, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 15, dernière phrase
Remplacer cette phrase par cinq phrases ainsi rédigées :
Lorsque la désignation de l’expert est prise en application de l’article du 1° de L. 4614-12, le juge statue dans les dix jours suivant sa saisine, en première instance, en appel et devant la Cour de cassation. Les délais pour interjeter appel et former un pourvoi en cassation sont fixés à huit jours. À défaut de décision rendue à l’issue de ces délais, la désignation de l’expert est réputée admise par le juge. Les travaux réalisés par l’expert antérieurement à l’annulation de la délibération du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sont, le cas échéant, à la charge de l’employeur. Lorsque la désignation de l’expert est prise en application du 2° de l’article L. 4614-12, la saisine suspend l’exécution de la décision du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l’instance de coordination visée à l’article L. 4616-1, ainsi que les délais dans lesquels il est consulté en application de l’article L. 4612-8 jusqu’à ce qu’une décision définitive soit notifiée aux parties.
II. – Alinéa 16
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’article 17 modifie les règles relatives au recours à une expertise par un CHSCT.
En effet, à la suite de la censure du Conseil constitutionnel, il appartient au législateur de prévoir de nouvelles règles plus conformes à la lettre et à l’esprit de la Constitution, afin d’éviter l’apparition d’un vide juridique à compter du 1er janvier prochain.
Pour autant, la réécriture proposée au travers du présent article ne nous satisfait pas, car elle n’écarte pas le risque, pour les cabinets d’expertise en santé au travail, de devoir rembourser le montant de leurs interventions à l’issue d’une procédure judiciaire.
Par ailleurs, nous considérons qu’il est impératif que l’expert puisse commencer sa mission sans délai en cas de risque grave pour la santé et la sécurité des salariés. Il peut ainsi, dans les cas les plus graves – installations dangereuses, salariés en grande détresse psychologique… –, alerter le médecin du travail, l’inspection du travail ou encore les représentants du personnel, pour qu’ils interviennent en urgence.
Nous proposons donc de revenir sur le caractère suspensif du recours introduit par l’employeur dans ces cas les plus graves et de laisser à la charge de l’employeur le coût des travaux réalisés dans le court intervalle précédant la décision judiciaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission, qui a récrit en partie l’article 17, est restée constante et a émis un avis défavorable. La position du groupe CRC a sa cohérence, celle de la commission a la sienne.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 671, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 17 et 18
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Nous proposons de réduire de quinze à sept jours le délai durant lequel l’employeur peut contester le recours à un expert ou les honoraires de celui-ci.
En effet, la contestation des honoraires est parfois utilisée comme un moyen de reporter l’expertise, voire de la rendre inopérante. C’est notamment le cas quand le recours à l’expert est justifié par l’examen d’un projet de l’entreprise ou par la nécessaire présentation des comptes, dans un contexte de négociation ou d’évolutions au sein de l’entreprise.
En plus de rendre difficile l’accès aux documents, l’employeur peut ainsi agir en justice pour contester les honoraires, compliquant d’autant la tâche de l’expert. Il nous semble que l’employeur peut décider plus rapidement s’il souhaite contester les frais d’honoraires ou le choix de l’expert.
Ramener le délai à sept jours permettrait de sécuriser l’activité de l’expert, et ainsi de garantir l’effectivité de son rôle auprès des salariés – rôle primordial s’il en est puisqu’il s’agit de réduire les asymétries d’information entre les salariés élus au comité d’entreprise ou au CHSCT et la direction.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Il a en effet pour objet de supprimer la mesure sans doute la plus importante de l’article 17. Nous avons déjà eu ce débat : vous êtes fidèles à votre logique, la commission l’est à la sienne.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis est également défavorable. Cet amendement repose, à mon sens, sur une mauvaise interprétation du texte : la contestation du coût final de l’expertise ne bloquera pas les procédures, car elle intervient a posteriori, une fois l’expertise réalisée. Cet encadrement par un délai de quinze jours est souhaité par tous les praticiens. À leurs yeux, c’est une sécurité pour les experts qui appuient le CHSCT. Par ailleurs, il est faux de dire que l’employeur n’a pas besoin de temps pour prendre sa décision.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 310 rectifié est présenté par M. Marie, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, MM. Anziani et Masseret, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 386 est présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 19 et 20
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° 310 rectifié.
Mme Nicole Bricq. Notre collègue Didier Marie nous a convaincus de l’intérêt de cet amendement, conforme à la position constante du groupe socialiste et républicain du Sénat sur les CHSCT.
L’année dernière, lors de la discussion du projet de loi relatif au dialogue social, nous avions accepté la délégation unique du personnel, ou DUP, pour les entreprises comptant jusqu’à 300 salariés, dans la mesure où chaque instance –comité d’entreprise et CHSCT – gardait sa capacité pleine et entière en son sein. Le ministre du travail de l’époque, François Rebsamen, avait accédé à cette demande.
Nous voulons insister sur le fait que comité d’entreprise et CHSCT sont deux instances distinctes disposant chacune de la personnalité morale. Nous considérons que le budget du comité d’entreprise doit subvenir spécifiquement aux besoins propres de celui-ci.
Si les alinéas 19 et 20 du texte de la commission étaient adoptés en l’état, cela induirait une confusion dans les rôles et les responsabilités de chacune des instances. On sait très bien que les budgets des comités d’entreprise sont consommés en totalité ou presque. Ceux-ci ne disposent donc pas des moyens de supporter les frais des expertises demandées par les CHSCT. Si les dispositions des alinéas 19 et 20 étaient adoptées, cela aurait pour effet d’inciter les employeurs à refuser de payer les expertises, pour laisser cette charge aux comités d’entreprise.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 386.
Mme Corinne Bouchoux. Nous sommes assez surpris de la construction juridique que les alinéas 19 et 20 de l’article semblent mettre en œuvre.
Le comité d’entreprise et le CHSCT sont deux instances distinctes, aux vocations profondément différentes. Sauf erreur de ma part, elles disposent chacune de la personnalité morale. Les comités d’entreprise ont pour mission essentielle de financer des activités sociales et culturelles au bénéfice des salariés, les CHSCT de protéger la sécurité et la santé de ceux-ci.
Dès lors que ces instances sont distinctes et que chacune a sa vocation spécifique – même si toutes deux exercent leur action au bénéfice des salariés –, nous ne comprenons pas pourquoi il faudrait instaurer une sorte de fongibilité entre leurs budgets, au risque de mettre en péril l’une ou l’autre, voire les deux. Un tel dispositif est de nature à faire naître les soupçons…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Cela étant, nous pourrions peut-être préconiser l’adoption de ces amendements, qui sont en fait de coordination avec l’amendement du groupe Les Républicains prévoyant une participation obligatoire du comité d’entreprise aux frais d’expertise que nous avons adopté précédemment… Dès lors que l’on a instauré une telle participation obligatoire, on peut supprimer la participation facultative !
À titre personnel, j’émets donc un avis favorable. C’est un gage de notre ouverture ! (Mme Catherine Deroche rit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Je comprends tout à fait la préoccupation des auteurs de ces amendements de protéger l’autonomie des comités d’entreprise et surtout d’éviter que l’on porte atteinte aux moyens dont ils disposent, mais je pense qu’ils peuvent être complètement rassurés à cet égard.
Le dispositif prévu ne changera absolument rien aux attributions respectives du comité d’entreprise et du CHSCT : ils resteront deux instances séparées, avec chacune ses prérogatives. L’article 17 ne modifie qu’un point précis, s’agissant des conséquences en cas d’annulation d’une expertise du CHSCT, pour prendre en compte la jurisprudence du Conseil constitutionnel déjà évoquée. Il est en effet prévu que le comité d’entreprise pourra, s’il le souhaite, se porter garant à l’égard du cabinet d’experts en cas d’annulation de l’expertise. Nous avons discuté de cette possibilité avec les professionnels du secteur et les partenaires sociaux – il me semble important de le préciser. Il s’agit de permettre au CHSCT de bénéficier d’une expertise même dans le cas où le cabinet d’experts souhaiterait des garanties.
Absolument rien ne pourra être imposé au comité d’entreprise : c’est un point fondamental. S’il est d’accord pour se porter garant, il devra l’indiquer d’emblée, dès la commande de l’expertise. Sinon, comme le prévoit la loi, c'est le cabinet d’experts qui prendra en charge les conséquences financières de l’annulation de celle-ci. L’employeur ne pourra pas contraindre le comité d’entreprise ou faire pression sur lui, car il n’a pas de droit de regard sur la manière dont ce dernier utilise son budget.
Il s’agit en quelque sorte de créer une soupape de sécurité, à la demande des partenaires sociaux et des professionnels du secteur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. En ce qui nous concerne, nous voterons ces amendements. Il est nécessaire de bien séparer les budgets du comité d’entreprise et du CHSCT. Tout mettre dans un pot commun est une vieille demande de certains employeurs, qui aimeraient que l’argent ne soit utilisé que pour financer des activités sociales et culturelles et qu’il n’y en ait plus, par conséquent, pour payer des expertises portant par exemple sur un plan de sauvegarde de l’emploi ou sur les conditions de fonctionnement de l’entreprise. Le comité d’entreprise et le CHSCT sont deux entités juridiques distinctes, ayant des vocations différentes : il est nécessaire de maintenir deux budgets séparés.
M. le rapporteur a fait un peu de provocation…
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. C'était de l’humour !
Mme Annie David. … en appelant à voter ces amendements, la commission ayant déjà fait adopter le principe d’une participation obligatoire du comité d’entreprise aux frais d’expertise, à laquelle nous ne serons jamais favorables !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. M. le rapporteur a lancé un hameçon, mais le poisson ne mord pas si facilement, surtout si c’est un poisson femelle ! (Sourires.)
J’avais bien noté, madame la ministre, que nos collègues députés avaient accepté cette modification dans la mesure où il s’agissait d’une simple faculté, d’une voie de recours le cas échéant. Néanmoins, je voulais rappeler notre attachement à la spécificité de ces instances, comme nous l’avions fait l’année dernière.
Cela étant dit, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 310 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote sur l’amendement n° 386.
Mme Corinne Bouchoux. Les arguments de Mme la ministre ne m’ont pas convaincue à 100 %. Nous maintenons donc notre amendement, car, selon nous, s’engager dans la voie de la fongibilité des budgets ou des structures n’est pas positif.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 17, modifié.
(L'article 17 est adopté.)
Article 17 bis
(Non modifié)
Après le 2° de l’article L. 4612-1 du code du travail, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis De contribuer à l’adaptation et à l’aménagement des postes de travail afin de faciliter l’accès des personnes handicapées à tous les emplois et de favoriser leur maintien dans l’emploi au cours de leur vie professionnelle ; ».
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. L’article 17 bis, issu de l’adoption d’un amendement déposé par un groupe de députés socialistes et repris par le Gouvernement dans le cadre du 493, a une apparence sympathique, bien qu’inséré dans un texte qui, pour l’essentiel, n’a pas grand-chose de progressiste…
Cependant, le sujet évoqué ici, à savoir une instance représentative du personnel particulièrement maltraitée, le CHSCT, et la question récurrente, dont le traitement est loin d’être idéal, de l’emploi des travailleurs handicapés, mérite toute notre attention.
Demander au CHSCT de s’occuper de la problématique des travailleurs handicapés, de leur place dans l’entreprise, de leur maintien dans l’emploi, de l’adaptation éventuelle de leur poste de travail, relève un peu d’une tautologie. Au mieux, c’est l’expression de la louable intention de parlementaires préoccupés par le décalage croissant entre handicap et vie professionnelle « normale ». Au pire, c’est la traduction d’une volonté de dédouaner par avance les entreprises qui ne respectent pas les critères, pourtant de plus en plus souples, fixés en la matière.
En novembre 2014, s’appuyant sur des statistiques de 2012, la DARES a mis en évidence une dégradation globale de l’accès des travailleurs handicapés à l’emploi. On pourrait citer un certain nombre de chiffres à ce sujet.
Le pourcentage d’établissements accueillant effectivement des travailleurs handicapés tend à se réduire : il s’élève au total à 37 %, entre établissements sous accord spécifique et établissements sans accord, tandis que 22 % des établissements se contentent de payer la contribution à l’AGEFIPH, l’Association de gestion des fonds pour l’insertion des personnes handicapées, ou de sous-traiter quelques activités au secteur dit protégé, c'est-à-dire les établissements et services d’aide par le travail, ou ESAT ; enfin, 40 % des établissements combinent emplois directs, en nombre insuffisant, contribution financière et appel à la sous-traitance aux établissements spécialisés.
Cette situation n’est pas admissible du point de vue de la lutte contre les discriminations. C'est pourquoi nous pouvons légitimement craindre que, avec le dispositif de cet article, le compte n’y soit pas, ne serait-ce que parce que l’inversion de la hiérarchie des normes, instaurée au travers de l’article 2, pèsera aussi sur les conditions d’exercice du droit aux horaires individualisés.
Nous ne nous opposerons bien évidemment pas à cet article, mais nous ne sommes pas dupes quant à la réalité de sa portée.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 17 bis.
(L'article 17 bis est adopté.)
Article 18
I. – L’article L. 2325-43 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le comité d’entreprise peut décider, par une délibération, de consacrer une partie de son budget de fonctionnement au financement de la formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux de l’entreprise.
« Cette somme et ses modalités d’utilisation sont inscrites, d’une part, dans les comptes annuels du comité d’entreprise ou, le cas échéant, dans les documents mentionnés à l’article L. 2325-46 et, d’autre part, dans le rapport mentionné à l’article L. 2325-50. »
II. – Le chapitre II du titre Ier du livre II de la deuxième partie du même code est ainsi rétabli :
« CHAPITRE II
« Formation des acteurs de la négociation collective
« Art. L. 2212-1. – Les salariés et les employeurs ou leurs représentants peuvent bénéficier de formations communes visant à améliorer les pratiques du dialogue social dans les entreprises, dispensées par les centres, instituts ou organismes de formation agréés par le ministre du travail. Ces formations peuvent être suivies par des magistrats judiciaires ou administratifs et par d’autres agents de la fonction publique.
« Ces formations peuvent être en tout ou partie financées par les crédits du fonds prévu à l’article L. 2135-9.
« Les conditions d’application du présent article sont prévues par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 2212-2. – Des conventions ou des accords collectifs d’entreprise ou de branche peuvent définir :
« 1° Le contenu des formations communes prévues à l’article L. 2212-1 et les conditions dans lesquelles elles sont dispensées ;
« 2° Les modalités de leur financement, pour couvrir les frais pédagogiques, les dépenses d’indemnisation et les frais de déplacement et d’hébergement des stagiaires et animateurs. »
III. – Au 3° de l’article L. 2135-11 du même code, les mots : « ainsi que » sont remplacés par le signe : « , » et, après les mots : « du présent article », sont insérés les mots : « ainsi que les formations communes mentionnées à l’article L. 2212-1 ».
IV. – Le titre IV du livre Ier de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :
1° Au début de l’intitulé du chapitre V, sont ajoutés les mots : « Congés et » ;
2° Est insérée une section 1 intitulée : « Formation économique, sociale et syndicale » et comprenant les articles L. 2145-1 à L. 2145-4 ;
3° Est ajoutée une section 2 intitulée : « Congés de formation économique, sociale et syndicale » et comprenant les articles L. 3142-7 à L. 3142-15, qui deviennent les articles L. 2145-5 à L. 2145-13.
IV bis (nouveau). – L’intitulé de la troisième sous-section de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du même code est supprimé.
V. – Au second alinéa de l’article L. 1232-12, à la fin du premier alinéa de l’article L. 2145-1, à la fin de la première phrase du premier alinéa et à la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2325-44 et à la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 3341-3 du même code, la référence : « L. 3142-7 » est remplacée par la référence : « L. 2145-5 ».
VI. – Au second alinéa de l’article L. 1232-12 et à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 1442-2 du même code, la référence : « L. 3142-12 » est remplacée par la référence : « L. 2145-10 ».
VII. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 2325-44 et à l’article L. 3341-2 du même code, la référence : « L. 3142-13 » est remplacée par la référence : « L. 2145-11 ».
VIII. – Au second alinéa de l’article L. 1232-12 du même code, les références : « , L. 3142-14 et L. 3142-15 » sont remplacées par la référence : « et L. 2145-12 ».
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. Le comité d’entreprise consacre une partie de son budget de fonctionnement au financement de la formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux de l’entreprise.
L’article 18 prévoit des formations communes au bénéfice des salariés et des employeurs, ainsi que de leurs représentants, mais aussi des magistrats judiciaires ou administratifs et des fonctionnaires.
En ouvrant le financement des formations au fonds de financement des organisations professionnelles et syndicales, le Gouvernement essaye de gommer les potentielles contradictions entre salariés et employeurs.
La vision du dialogue social selon laquelle salariés et employeurs avancent main dans la main relève de la fiction d’un monde consensuel où les intérêts seraient toujours convergents…
Le fait même qu’existe un code du travail montre bien que les rapports entre employeurs et salariés sont foncièrement inégaux, et que les rapports de domination se dissimulent parfois derrière la façade de l’égalité juridique des contractants.
Cette situation conduit les salariés à défendre des intérêts qui sont antagoniques de ceux des employeurs. Dans ce contexte, nous nous méfions de l’utilisation de certains vocables, tels que « partenaires sociaux » ou « dialogue social », qui tend à gommer la réalité des rapports, souvent divergents, entre employeurs et employés.
Organiser des formations communes aux salariés et aux employeurs apparaît, dès lors, quelque peu illusoire.
Mme la présidente. L'amendement n° 53, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Créés par l’ordonnance du 22 février 1945 et la loi du 16 mai 1946, dans un contexte d’ébullition collective où le progrès social était le leitmotiv des politiques de l’emploi, les comités d’entreprise jouent un rôle qu’il convient de rappeler : leur mission, sociale, politique et culturelle, est d’assurer l’expression collective des salariés et la prise en compte de leurs intérêts dans la gestion de l’entreprise.
Au regard de la définition que donne la loi de ces missions, je ne peux que m’étonner du contenu de l’article 18. Vouloir financer la formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux via le budget du comité d’entreprise créerait un mélange des rôles, en donnant aux comités d’entreprise une mission qui ne leur incombe pas.
Surtout, l’article 18 prévoit l’organisation de formations communes aux salariés et aux employeurs visant à « améliorer les pratiques du dialogue social ».
Sur la forme, je m’étonne de voir inscrire dans le code du travail cette formulation tout à fait subjective, donnant à entendre qu’il existerait de « bonnes » et de « mauvaises » pratiques du dialogue social, ces dernières étant sans doute celles des salariés qui refusent d’être des béni-oui-oui…
Sur le fond, il est clair que ces formations pourraient être utilisées par les directions d’entreprise comme un moyen stratégique d’influer sur de futures négociations. Encore une fois, on mélange les genres !
Différents outils existent aujourd’hui pour assurer la formation des salariés, y compris sur leurs droits dans l’entreprise. Cet article remet en cause la légitimité d’outils de formation existants ; j’aurais préféré qu’un projet de loi présenté par un gouvernement de gauche les renforce…
Pour toutes ces raisons, nous demandons, mes chers collègues, la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer purement et simplement l’article 18, qui prévoit, d’une part, la possibilité de financer la formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux par le biais du budget de fonctionnement du comité d’entreprise, et, d’autre part, la possibilité d’organiser des formations communes aux salariés et aux employeurs. Selon l’exposé des motifs de l’amendement, cela reviendrait à nier les intérêts antagonistes des salariés et des employeurs. À défaut de favoriser la convergence des intérêts des uns et des autres, ces formations auront peut-être le mérite de leur permettre de mieux se comprendre. De ce point de vue, il n’est sans doute pas inintéressant de permettre leur mise en place. Encore une fois, il s’agira d’une simple faculté.
La commission est défavorable à cet amendement de suppression de l’article.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Les trente premières pages du rapport Combrexelle traitent de la formation et de la culture du dialogue social. Monsieur le sénateur, je n’ai absolument pas la même vision que vous de ces formations communes aux salariés et aux employeurs. La matière des négociations est de plus en plus technique. Il me paraît important d’assurer des formations portant sur les sujets de discussion, par exemple la gestion prévisionnelle des compétences ou l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Par exemple, on voit bien que, dans notre pays, les managers manquent de culture du dialogue social. Organiser des formations communes dans ce domaine constituera à mes yeux un véritable progrès à cet égard. Il me semble essentiel que nous puissions avancer sur ce sujet, notamment en termes d’attractivité. Si nous n’arrivons pas à former les jeunes, qu’ils soient du côté des employeurs ou de celui des représentants syndicaux, à la culture du dialogue social, nous n’arriverons pas à progresser.
L’article 18 comporte deux innovations : la possibilité, pour le comité d’entreprise, d’utiliser sa subvention de fonctionnement pour renforcer la formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux ; celle d’organiser des formations communes aux représentants syndicaux et aux représentants patronaux.
Je puis vous assurer, monsieur Watrin, que votre vision n’est pas partagée par l’ensemble des partenaires sociaux, dont beaucoup considèrent que ces formations communes seront un « plus », tant pour les managers que pour les syndicalistes.
Supprimer cet article reviendrait, de mon point de vue, à priver les syndicats de moyens de mieux se préparer aux négociations et de peser davantage sur les décisions.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 53.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 359 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 232 |
Pour l’adoption | 29 |
Contre | 203 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 244 rectifié est présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau, Longeot et Pozzo di Borgo.
L'amendement n° 311 est présenté par MM. Labazée, Durain, Cabanel et Montaugé, Mmes Jourda, Lienemann et Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Daudigny, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy et Jeansannetas, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 675 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 1 à 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l'amendement n° 244 rectifié.
M. Michel Canevet. L’article 18 prévoit d’ouvrir au comité d’entreprise la possibilité de consacrer une partie de son budget de fonctionnement au financement de la formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux. Cette disposition ne semble ni raisonnable ni justifiée : c'est pourquoi notre amendement prévoit la suppression des trois premiers alinéas de l’article.
Nous estimons que le comité d’entreprise a vocation à financer l’action culturelle et sociale, et pas la formation des représentants syndicaux. D’autres dispositions figurant plus loin dans le texte ont cet objet. En outre, il existe, dans les entreprises, des plans de formation destinés à financer les actions que l’entreprise et ses acteurs considèrent comme prioritaires.
Le budget du comité d’entreprise doit servir d’abord et avant tout à financer l’action sociale et culturelle, au bénéfice de l’ensemble des salariés. Chercher à le transformer en outil de financement de la formation des représentants du personnel reviendrait, selon nous, à détourner cette instance de sa mission, et probablement à en amoindrir l’efficacité. Cela ouvrirait en outre la voie à d’inévitables conflits d’intérêts.
Madame la ministre, chers collègues, ne l’oublions pas : l’esprit de ce texte est de simplifier le code du travail, de fluidifier la vie dans l’entreprise.
Fluidifier la vie dans l’entreprise, c’est favoriser l’investissement, le développement de start-up en France, et finalement faire reculer le chômage. Nous considérons que le dispositif de ces trois alinéas n’est pas de nature à concourir à cet objectif. Il faut éviter que tout le monde s’occupe de tout et permettre à chaque instance de se concentrer sur la mission que la loi lui confie. (M. Olivier Cadic applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Labazée, pour présenter l'amendement n° 311.
M. Georges Labazée. Le texte prévoit des fonds spécifiquement destinés à financer la formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux. Il n’est pas question, pour nous, que le budget de fonctionnement du comité d’entreprise soit détourné de sa vocation, à savoir financer l’action sociale, économique et culturelle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 675.
Mme Laurence Cohen. Je fais miens les propos de notre collègue Canevet, qui a bien rappelé le rôle du comité d’entreprise.
J’ajouterai simplement que la formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux de l’entreprise ne relève pas des compétences du comité d’entreprise. Il semble plus pertinent d’en rester au modèle d’un financement paritaire par le biais des cotisations.
Je rappelle que l’article L. 3142-7 du code du travail dispose déjà que les entreprises contribuent, à hauteur de 0,08 % de leur masse salariale, au financement du congé de formation économique, sociale et syndicale des salariés. Nous ne voyons pas pourquoi on modifierait ce dispositif en sollicitant le budget du comité d’entreprise.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ces trois amendements, bien qu’identiques, relèvent de sources et de logiques différentes.
La commission souhaite, avant de se prononcer, entendre l’avis du Gouvernement.
MM. Canevet et Cadic craignent, pour parler crûment, que l’on ne branche un tuyau supplémentaire pour le financement des structures syndicales. Nous avons tous en tête des rapports non publiés, notamment celui de Nicolas Perruchot, qui attiraient l’attention sur les dysfonctionnements de ce financement.
Si je comprends cette préoccupation, j’ai aussi envie de faire confiance aux acteurs de terrain. L’article, qui s’inscrit un peu dans une logique de subsidiarité, prévoit non une obligation, mais une simple faculté. On le sait, les budgets de fonctionnement des comités d’entreprise sont souvent excédentaires, ce qui peut éventuellement permettre d’instaurer la souplesse prévue.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je peux comprendre les inquiétudes des auteurs des amendements, mais les alinéas 1 à 3 de l’article 18 ouvrent une simple possibilité au comité d’entreprise, sans rien lui imposer. La formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux continuera de relever demain, comme c’est le cas aujourd'hui, du Fonds de financement du dialogue social.
Lors des concertations que j’ai menées avec les organisations syndicales, certaines d’entre elles m’ont suggéré la piste suivante : dans l’hypothèse où se manifesteraient des besoins nouveaux en matière de formation des délégués syndicaux et des délégués du personnel et où le budget de fonctionnement du comité d’entreprise serait en excédent – il s’agit bien du seul budget de fonctionnement, ce qui signifie que les moyens destinés au financement des œuvres sociales et culturelles ne seraient nullement affectés –, on pourrait ouvrir la possibilité au comité d’entreprise de consacrer, s’il le souhaite, une partie de ce dernier au renforcement du financement de cette formation.
Ces précisions étant apportées, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur les trois amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission suit l’avis du Gouvernement !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 244 rectifié, 311 et 675.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 360 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 145 |
Contre | 196 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 677, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 7, première phrase, 11 et 13
Supprimer le mot :
communes
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Contrairement à Mme la ministre, nous ne croyons pas du tout pertinent de mettre en place des formations communes réunissant employeurs et salariés, même si ces formations portent sur le dialogue social.
Pour nous, le dialogue social ne peut être de bonne tenue que si chacun est dans son rôle. On ne peut pas placer tous les acteurs sur le même pied, ni feindre d’oublier l’existence d’un lien de subordination ou la finalité du dialogue social, à savoir déboucher sur des accords prévoyant ou non d’attribuer certains droits aux salariés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission, qui tient aux deux dispositifs prévus par l’article 18, a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je vais, sans me faire trop d’illusions, tenter de convaincre les auteurs de cet amendement de l’utilité de ces formations communes.
La mission Combrexelle a étudié ce qui existait au Québec en matière de formations communes réunissant les employeurs et les représentants syndicaux. Je vous assure que nous avons beaucoup à apprendre d’autres pays en matière de méthodologie et de techniques de négociation. Bien sûr, chacun doit rester dans son rôle, mais il s’agit de passer d’une culture de l’affrontement à une culture du compromis, de parvenir à évaluer ensemble la situation économique et sociale, en conjuguant le point de vue de l’employeur et celui du syndicaliste.
Dans cette perspective, il serait vraiment dommage de rejeter en bloc les formations communes aux techniques de négociation, car elles sont de nature à faire avancer notre pays !
M. Claude Kern. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 1013, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7, première phrase
Remplacer les mots :
du travail
par les mots :
chargé du travail
II. – Alinéa 18
1° Après le mot :
intitulé
insérer les mots :
et la division
2° Remplacer les mots :
la troisième sous-section
par les mots :
la sous-section 3
3° Remplacer les mots :
est supprimé
par les mots :
sont supprimés
III. – Après l'alinéa 21
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au deuxième alinéa de l'article L. 2145-6 du même code, dans sa rédaction résultant du 3° du IV du présent article, la référence : « L. 3142-14 » est remplacée par la référence : « L. 2145-12 ».
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis est défavorable, par cohérence avec la suppression, par la commission, de la compétence donnée à l’Institut national de travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 170 rectifié bis est présenté par Mmes Meunier, Blondin, Lepage et Génisson, M. Courteau, Mmes Monier, Conway-Mouret, D. Michel, Féret et Yonnet, M. Vaugrenard, Mme Bataille, M. Kaltenbach, Mmes Emery-Dumas et Schillinger, M. Daudigny, Mme S. Robert, MM. Assouline et Durain, Mme Ghali, MM. Tourenne, Filleul, Néri et Godefroy, Mmes Tocqueville et Jourda, M. Carrère et Mmes Campion, Riocreux et Guillemot.
L'amendement n° 423 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
L'amendement n° 678 est présenté par Mme Cukierman, M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces formations comportent une formation spécifique à la négociation sur l’égalité professionnelle.
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 170 rectifié bis.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement a trait à la formation spécifique à la négociation sur l’égalité professionnelle.
En effet, malgré l’adoption de nombreuses mesures, au fil des textes, en faveur de l’égalité professionnelle, les inégalités entre les femmes et les hommes perdurent.
La négociation sur l’égalité professionnelle est un moyen privilégié de faire avancer cette cause et d’inscrire cette thématique parmi les préoccupations tant de l’entreprise que des partenaires sociaux.
Cependant, les négociateurs ne sont pas toujours formés à la spécificité de cette négociation et, de surcroît, sont souvent des hommes. Par conséquent, il nous semble nécessaire de leur dispenser une formation sur le thème de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 423.
M. Jean Desessard. Le présent projet de loi tend à accorder une place prépondérante à la négociation collective. Si celle-ci doit être développée, alors il convient de renforcer la formation des acteurs de la négociation, en particulier lorsque cette dernière porte sur des éléments essentiels de la relation de travail, comme le temps de travail.
Nous saluons la philosophie de l’article 18, en ce qu’il vise à renforcer la formation dont bénéficient les acteurs de la négociation collective.
Nous considérons cependant que le dispositif de cet article doit gagner en spécificité s’agissant de la négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. En effet, cette dernière constitue un moyen privilégié de faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes et d’inscrire cette thématique parmi les préoccupations essentielles de l’entreprise et des partenaires sociaux. Néanmoins, les négociateurs ne sont pas toujours formés à la spécificité de cette question.
Nous proposons donc de prévoir des formations spécifiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 678.
M. Éric Bocquet. En dépit des diverses lois sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes votées depuis quarante ans, force est de constater que celle-ci est loin d’être atteinte ! Outre que les écarts de rémunération sont toujours aussi importants et la ségrégation professionnelle aussi marquée, cette dimension de l’égalité professionnelle continue d’être régulièrement attaquée !
Comment ne pas s’étonner et regretter que l’étude d’impact du projet de loi n’évoque pas les répercussions des dispositions de celui-ci sur l’emploi des femmes et que la délégation aux droits des femmes du Sénat n’ait pas été pleinement saisie ?
Madame la ministre, vous entendez, avec ce projet de loi, vivifier le dialogue social et donner tout leur rôle aux partenaires sociaux au sein des entreprises. Il nous paraît indispensable que l’article 18, relatif à la formation des acteurs de la négociation collective, intègre aussi la dimension de l’égalité professionnelle.
Cet oubli, ou cette absence de précision, nous semble particulièrement dommageable, surtout quand on sait que la majorité des négociateurs sont des hommes. Si l’on souhaite faire progresser l’égalité professionnelle, il est, à nos yeux, essentiel que des formations spécifiques soient consacrées à cette question.
Les négociateurs doivent être sensibilisés à cette thématique et armés pour être capables de défendre des mesures permettant d’atteindre l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, notamment en matière de suppression des écarts de rémunération, d’accès à l’emploi, de mixité des emplois, de déroulement de carrières, de mise en place des temps partiels.
La vie des entreprises, à l’image de la société, est souvent marquée par des stéréotypes assez tenaces. C’est par des actions volontaristes et une prise de conscience que l’égalité pourra, selon nous, progresser.
Dispenser des formations spécifiques relève de cet objectif. Nous sommes convaincus que vous serez d’accord avec nous sur ce point, madame la ministre, et que vous émettrez un avis favorable sur cet amendement !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Il ne s’agit pas pour elle de faire de la peine aux auteurs des amendements, mais il faut se référer au texte que l’on modifie. Celui-ci, de caractère très général, permet de viser des formations communes dispensées dans des instituts agréés et destinées à améliorer les pratiques du dialogue social dans les entreprises.
Je pense que, parmi ces formations, certaines auront naturellement pour thème l’égalité professionnelle. Mais si l’on mentionne expressément cette dernière, il faudra faire de même pour les salaires, les conditions de travail, la santé des salariés… Quantité de sujets de négociation et de causes chères aux salariés mériteraient également de figurer dans la rédaction de l’article 18. L’avis défavorable de la commission ne constitue nullement un manque de considération pour le chantier de l’égalité professionnelle.
Par ailleurs, depuis le début de l’examen de ce projet de loi dans l’hémicycle, nous avons adopté un certain nombre d’articles visant à conforter l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Je pense notamment à la consécration législative, hier, du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, le CSEP, à l’enrichissement de la base de données, qui devra désormais comporter des éléments statistiques sur la parité dans les conseils d’administration, aux articles 1er bis, 1er ter, 1er quater et 1er quinquies, menacés par des amendements de suppression que nous avons repoussés.
Bref, notre assemblée ne peut pas être soupçonnée d’avoir voulu porter un mauvais coup à la cause de l’égalité professionnelle : bien au contraire, nous avons accompli un certain nombre de pas pour la promouvoir.
En réalité, si nous adoptions ces amendements identiques, nombre d’autres causes se trouveraient laissées de côté ! Je pense donc que nous devons nous en tenir à la rédaction actuelle de l’alinéa 7. Nous avons adopté de très nombreux amendements allant dans le sens de la promotion de l’égalité professionnelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je partage tout à fait l’intention des auteurs de ces amendements identiques.
On sait toute la difficulté d’atteindre l’égalité professionnelle. Le CSEP lance une formation sur la question des classifications destinée aux négociateurs au niveau des branches. Il faut bien évidemment développer ce type de mesures.
Cela étant, dans le modèle québécois, auquel j’ai fait référence tout à l’heure, la négociation est enseignée comme une méthode, une technique, chacun étant laissé libre de ses options, qu’elles soient syndicales ou d’ordre thématique.
Je trouve très bien d’intégrer des formations sur l’égalité professionnelle au sein des formations communes, mais le fait que les auteurs des amendements veuillent leur donner un caractère systématique m’amène à m’en remettre à la sagesse du Sénat, plutôt que d’émettre un avis favorable, comme je serais pourtant a priori tentée de le faire…
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. M. le rapporteur nous a expliqué que, à d’autres articles du texte, nous avons pris des mesures de nature à tendre vers l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qui pour l’heure n’existe toujours pas.
C’est précisément pour cette raison que nous devons, par cohérence, adopter ces amendements, quitte à en récrire le dispositif à la marge au cours de la navette. La négociation sur les salaires fait déjà partie de la culture des syndicats, mais tel n’est pas le cas de celle sur l’égalité professionnelle. Il convient donc de prévoir des formations spécifiques sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je remercie Mme la ministre d’avoir émis un avis de sagesse. La loi Roudy a été votée en 1983. Force est de constater que, depuis cette date, en dépit du vote de moult lois, la situation n’a pas tant évolué que cela.
L’inégalité salariale entre hommes et femmes, qui est une réalité, résulte de l’inégalité professionnelle, de la discrimination à l’embauche, à la promotion…
Pour faire un bon diagnostic, il faut des gens bien formés. Le sujet de l’égalité professionnelle doit, à mon sens, être obligatoirement inscrit au programme de la formation de celles et ceux qui négocient. Je conclurai sur une note d’humour : peut-être un jour de telles dispositions protégeront-elles la gent masculine ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. J’ai bien écouté M. le rapporteur. Il a émis, au nom de la commission, un avis défavorable, mais, au fond de lui-même, il aurait aimé émettre un avis de sagesse. (Sourires.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Vous allez au-delà de mes intentions !
M. Didier Guillaume. J’ai bien écouté Mme la ministre. Elle a émis un avis de sagesse, mais, au fond d’elle-même, elle aurait aimé émettre un avis favorable.
Sur un tel sujet, mes chers collègues, nous devons donner aujourd'hui un signal. Il s’agit d’un combat de première importance, mené notamment par la délégation aux droits des femmes du Sénat. Les discriminations demeurent fortes, notamment en matière de salaires ou à l’embauche.
C’est pourquoi je pense qu’il serait bon que, dans sa grande sagesse, le Sénat adopte ces amendements. Nous verrons ce qu’il adviendra au cours de la navette, mais il y a des symboles importants. Montrons clairement que, pour la Haute Assemblée, l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est un enjeu essentiel !
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je ne peux que souscrire aux remarques qui viennent d’être formulées à l’appui de ces amendements.
Voilà des mois que nous débattons et échangeons au Sénat sur le thème de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Malgré les lois successives, des inégalités professionnelles extrêmement importantes perdurent. Il est vrai que l’on attend aussi de la Haute Assemblée qu’elle adresse des signaux politiques. En émettre un aujourd'hui pour signifier l’importance d’atteindre l’égalité professionnelle est essentiel.
Il faut d’ailleurs souligner que, parmi les forces politiques et syndicales aussi, de toutes sensibilités, il subsiste des résistances à l’égalité professionnelle. Un effort de formation de chacun sur ces questions est également nécessaire en leur sein.
Sur un tel sujet, le rôle de la Haute Assemblée est de se rassembler pour s’exprimer d’une seule voix. À chaque fois, on nous invite à la patience, mais nous avons laissé bien assez de temps au temps. Nous sommes maintenant en 2016, mes chers collègues !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je voudrais tenter de convaincre M. le rapporteur en utilisant une métaphore sportive.
Les plus grandes joueuses de tennis, telles Billie Jean King, Martina Navratilova ou Chris Evert-Lloyd, se sont battues pendant des décennies pour obtenir une rémunération équivalente à celle des hommes, avant de décider, un jour, de faire la grève de la raquette.
Faudra-t-il que les sénatrices en viennent elles aussi à faire grève ? Cela se verrait, notamment lors des séances de nuit : sur l’ensemble des travées, de droite comme de gauche, l’assistance est très féminine… (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Surtout les vendredis et les lundis !
Mme la présidente. Surtout les soirs de match ! (Rires.)
Mme Nicole Bricq. Faudra-t-il qu’un jour les sénatrices désertent l’hémicycle pour faire progresser une lutte que nous menons depuis trente-trois ans ?
Dans les années soixante-dix, j’étais allée soutenir les femmes qui travaillaient au centre de traitement des chèques postaux de la rue Bourseul, dans le XVe arrondissement. Nous défilions en brandissant des pancartes sur lesquelles il était écrit : « À travail égal, salaire égal ».
Quarante ans après, nous en sommes encore au même point : la différence moyenne de rémunération entre hommes et femmes demeure de 25 % ! Il faut faire comprendre aux négociateurs à l’échelon des entreprises ou des branches, qui sont très majoritairement des hommes, que l’égalité entre les hommes et les femmes, cela compte aussi !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 170 rectifié bis, 423 et 678.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 361 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 168 |
Contre | 175 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Huées sur les travées du groupe CRC.)
Je mets aux voix l’article 18, modifié.
(L’article 18 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 18
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 679, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Sont amnistiées de droit, au bénéfice des personnes physiques et morales, lorsqu’elles ont été commises avant le 6 mai 2012, les infractions passibles de moins de dix ans d’emprisonnement commises dans les circonstances suivantes :
1° À l’occasion de conflits du travail ou à l'occasion d'activités syndicales ou revendicatives de salariés, d'agents publics, de professions libérales ou d’exploitants agricoles, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics ;
2° À l’occasion de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux, relatifs aux problèmes de l'éducation, du logement, de la santé et de l’environnement, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics.
Sont exclues de l’amnistie prévue au présent article les infractions commises en matière de législation et de réglementation du travail ainsi que celles commises, directement ou par l'intermédiaire d'un préposé doté d'une délégation de pouvoir, par les personnes mentionnées à l’article L. 1441-4 du code du travail ou par la personne morale qu'ils représentent.
II. – Lorsqu’elle intervient après condamnation définitive, l'amnistie résultant du présent article est constatée par le ministère public près la juridiction ayant prononcé la condamnation, agissant soit d'office, soit sur requête du condamné ou de ses ayants droit. La décision du ministère public peut être contestée dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 778 du code de procédure pénale.
III. – En cas de condamnation pour infractions multiples, le condamné est amnistié si l’infraction amnistiée est légalement punie de la peine la plus forte ou d’une peine égale à celles qui sont prévues pour les autres infractions poursuivies.
IV. – Les contestations relatives à l’amnistie de droit sont soumises aux règles de compétence et de procédure prévues par les deuxième et troisième alinéas de l'article 778 du code de procédure pénale. En l'absence de condamnation définitive, les contestations sont soumises à la juridiction compétente pour statuer sur la poursuite.
V. – Sont amnistiés les faits commis avant le 6 mai 2012 par tout salarié ou agent public en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou qu’ils sont susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur. Toutefois, si ces faits ont donné lieu à une condamnation pénale, hors celles prononcées au titre des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l'amnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles est subordonnée à l'amnistie ou à la réhabilitation légale ou judiciaire de la condamnation pénale. Sont exceptés du bénéfice de l’amnistie prévue par le présent article les faits constituants des manquements à la probité ou à l’honneur. L’amnistie est acquise de plein droit à compter de la promulgation de la présente loi. L’inspection du travail veille à ce qu'il ne puisse être fait état des faits amnistiés. À cet effet, elle s’assure du retrait des mentions relatives à ces sanctions dans les dossiers de toute nature concernant les travailleurs qui bénéficient de l'amnistie. Les règles de compétence applicables au contentieux des sanctions sont applicables au contentieux de l'amnistie.
VI. – Sous réserve des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l’article 5, sont amnistiés les faits mentionnés au 2° de l’article 1er commis avant le 6 mai 2012 par les étudiants ou élèves des établissements universitaires ou scolaires ayant donné lieu ou pouvant donner lieu à des sanctions disciplinaires. L'amnistie implique le droit à réintégration dans l'établissement universitaire ou scolaire auquel le bénéficiaire de l'amnistie appartenait, à moins que la poursuite de ses études ne l'exige pas.
VII. – Tout salarié ou agent public licencié pour une faute autre qu’une faute lourde commise en dehors de toute action revendicative ou syndicale, ayant fait l’objet d’une amnistie de droit, est, sauf cas de force majeure, réintégré dans le poste qu’il occupait avant son licenciement ou dans un poste équivalent. La demande de réintégration est présentée à l’auteur du licenciement dans un délai d’un an à compter soit de la promulgation de la présente loi, soit du prononcé de la sanction. En cas de changement d’employeur en application des articles L. 1224-1 ou L. 1224-3 du code du travail, la réintégration du salarié s’effectue chez l’employeur succédant. En cas de défaut de réponse de l’employeur à la demande de réintégration, celle-ci est acquise dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande. En cas de refus de mise en œuvre effective de la réintégration, le salarié ou l’agent peut saisir, en référé, la juridiction compétente pour la relation de travail qui délivre, en application de la présente loi, un titre exécutoire sous astreinte. Le salarié réintégré bénéficie pendant douze mois, à compter de sa réintégration effective, de la protection attachée au délégué syndical prévue aux articles L. 2411-1 à L. 2437-1 du même code.
VIII. – Les contestations relatives au bénéfice de l’amnistie des sanctions disciplinaires définitives sont portées devant l'autorité ou la juridiction qui a rendu la décision. L’intéressé peut saisir cette autorité ou juridiction en vue de faire constater que le bénéfice de l'amnistie lui est effectivement acquis. En l’absence de décision définitive, les contestations sont soumises à l'autorité ou à la juridiction saisie de la poursuite. L’exécution de la sanction est suspendue jusqu'à ce qu’il ait été statué sur la demande ; le recours contentieux contre la décision de rejet de la demande a également un caractère suspensif.
IX. – L’amnistie efface les condamnations prononcées ou éteint l'action publique en emportant les conséquences prévues par les articles 133-9 à 133-11 du code pénal et 6 et 769 du code de procédure pénale. Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la remise des peines et des mesures de police et de sûreté. Elle fait obstacle au recouvrement du droit fixe de procédure mentionné à l’article 1018 A du code général des impôts. Toute référence à une sanction ou à une condamnation amnistiée sur le fondement de la présente loi est punie d’une amende de 5 000 euros. Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, de l’infraction définie au présent alinéa. La peine encourue par les personnes morales est l’amende, dans les conditions prévues par l’article 131-38 du code pénal.
X. – L'amnistie entraîne la remise de toutes les peines principales, accessoires et complémentaires ainsi que de toutes les incapacités ou déchéances subséquentes. Elle ne peut donner lieu à restitution. Elle rétablit l'auteur de l’infraction dans le bénéfice du sursis qui a pu lui être accordé lors d’une condamnation antérieure.
XI. – En cas d’instance sur les intérêts civils, le dossier pénal est versé aux débats et mis à la disposition des parties. Si la juridiction de jugement a été saisie de l'action publique avant la publication de la présente loi, cette juridiction reste compétente pour statuer, le cas échéant, sur les intérêts civils.
XII. – L’amnistie entraîne la suppression des empreintes génétiques issues des traces biologiques recueillies dans les fichiers de police ainsi que l’ensemble des informations nominatives relatives aux délits mentionnés à l’article 1er recueillies à l’occasion des procédures d’enquête et des procédures judiciaires dans les fichiers de police judiciaire. L’amnistie emporte amnistie de l’infraction prévue à l’article 706-56 du code de procédure pénale.
XIII. – Le chapitre II du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail est complété par un article L. 1132-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1132-… – Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distributions d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de l’accomplissement d’une démarche d’information, de revendication ou de réclamation auprès de l’administration du travail, de l’inspection du travail, d’une organisation syndicale, pour avoir agi ou témoigné en justice. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Ces dernières années, beaucoup de nos concitoyens se sont légitimement engagés dans des mouvements sociaux. Ils se sont exprimés pour faire respecter leurs droits fondamentaux, protéger leurs conditions de travail ou encore préserver l’emploi, les services publics, un système de protection sociale efficace et solidaire ou leur environnement. Alors qu’ils défendaient l’intérêt général, nombre d’entre eux ont fait l’objet de sanctions pénales ou disciplinaires et de licenciements.
Trop de sanctions injustes ont été infligées, qui ne visaient qu’à éteindre toute velléité de contestation, parfois en réprimant le simple affichage ou la distribution de tracts.
On se souvient plus particulièrement du cas de Xavier Mathieu, délégué syndical CGT de l’entreprise Continental, condamné à 1 200 euros d’amende par la cour d’appel d’Amiens pour avoir refusé un prélèvement d’ADN, de celui de deux syndicalistes d’Eurodisney condamnés pour avoir fait, sur leur blog, le lien entre le suicide de deux de leurs collègues et leurs conditions de travail. Plus récemment, cinq ans de prison ferme ont été requis contre une manifestante pour avoir jeté un micro en direction de policiers lors de l’évacuation de la mairie d’Amiens occupée, le 28 avril dernier, en marge d’une manifestation contre le projet de loi Travail. D’une extrême violence, la charge des policiers avait entraîné de graves blessures.
Les citoyens qui défendent leur école, leur outil de travail, leur hôpital ou leur retraite ne sont ni des criminels ni des délinquants. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous entendons, par cet amendement, leur rendre justice, notamment en vertu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Aussi proposons-nous d’amnistier les faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales ou revendicatives. L’amnistie concernerait également les sanctions disciplinaires.
Mme la présidente. L’amendement n° 680, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail est complété par un article L. 1132-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1132-… – Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distributions d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de l’accomplissement d’une démarche d’information, de revendication ou de réclamation auprès de l’administration du travail, de l’inspection du travail, d’une organisation syndicale, pour avoir agi ou témoigné en justice. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Le présent amendement tend à exclure le licenciement de tout salarié ayant intenté une action en justice liée à son activité professionnelle à l’encontre de son employeur ou de tout membre de l’entreprise, société ou groupe dans lequel il exerce. Il vise également à protéger l’ensemble des salariés qui seraient susceptibles de produire des preuves ou témoignages lors de la procédure judiciaire.
D’ailleurs, un arrêt rendu le 16 mars dernier par la chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé la nullité du licenciement intervenu en raison d’une action en justice intentée par un salarié demandant aux juges la requalification de son CDD en CDI. Pour la Cour de cassation, le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite par le salarié est nul, car il porte atteinte à une liberté fondamentale, celle d’agir en justice.
Un article bien connu du code du travail a été visé par la Cour de cassation : l’article L. 1121-1, selon lequel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
La jurisprudence précise qu’il appartient à l’employeur d’établir que sa décision était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice par les salariés de leur droit d’agir en justice. Elle invite les juges du fond à contrôler le mobile de la mesure prise par l’employeur.
La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion d’énoncer cette règle, à propos de la rupture anticipée d’un CDD et d’un licenciement consécutif à une action en résiliation judiciaire du contrat, dans un arrêt du 3 février 2016 ; elle en fait désormais un véritable principe.
Finalement, en s’appuyant sur la jurisprudence récente, notre amendement vise à apporter aux salariés une protection permettant l’accès libre à la justice et libérant les parties demanderesses de toute entrave professionnelle uniquement motivée par la mise en œuvre de ladite procédure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Concernant l’amendement n° 679, nous avions amorcé ce débat la semaine dernière, à l’occasion de l’examen d’un autre amendement, qui visait à exempter d’inscription au fichier national des empreintes génétiques des personnes ayant commis des actes délictueux.
Le présent amendement vise, quant à lui, à amnistier des infractions passibles de moins de dix ans d’emprisonnement : dix ans d’emprisonnement, c’est énorme ! Vous évoquez, monsieur Watrin, le cas d’une personne qui aurait distribué des tracts : je doute qu’elle encoure dix ans de prison, quelles que soient les circonstances !
Mme Jacqueline Gourault. Ça se saurait !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Si nous adoptions aujourd’hui un tel amendement, quel signal enverrions-nous à nos concitoyens et aux forces de sécurité qui devront peut-être encore, jeudi prochain, encadrer des manifestations ou des rassemblements ? On a bien vu la semaine dernière ce qu’il en a été, avec les nombreux troubles qui se sont produits aux alentours des cortèges.
Mme Éliane Assassi. Il ne faut pas tout mélanger !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Madame Assassi, je ne mélange rien ! Vous savez bien que la rédaction de cet amendement permet une large application de l’amnistie : les fameux casseurs rentreraient dans son champ. Cela pose problème !
En outre, l’adoption d’un tel dispositif aboutirait à la création d’une catégorie de personnes « intouchables », qui seraient au-dessus des lois.
La commission a, par conséquent, émis un avis défavorable sur l’amendement n° 679.
Sur l’amendement n° 680, son avis est également défavorable. Comme vous l’avez précisé, monsieur Bocquet, le juge fait d’ores et déjà respecter les libertés fondamentales des salariés, sans qu’il soit nécessaire de toutes les citer dans le code du travail. La jurisprudence de la Cour de cassation est établie ; il convient de s’y tenir.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je reconnais qu’il existe parfois des contextes particuliers de tension et de détresse ; personne ne peut le nier. En revanche, tout ne peut pas être excusé, et certains actes commis dans des entreprises à l’occasion de conflits sociaux, tels que des séquestrations, des dégradations ou des violences physiques, ne sont tout simplement pas acceptables. C’est pourquoi je suis défavorable au principe d’une loi d’amnistie de tous les faits de cet ordre commis avant le 6 mai 2012.
Mme Éliane Assassi. Mme Taubira était d’accord avec nous ! Les temps ont changé !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je vous donne, en tant que ministre, l’avis du Gouvernement. Je suis prête à me pencher sur les cas de personnes ayant été condamnées pour avoir distribué des tracts. Dites-moi seulement où, quand et comment les choses se sont déroulées, et je vous assure que je vous apporterai des réponses très précises sur de tels cas concrets.
L’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 679 est donc défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 680, comme vous l’avez dit vous-même, monsieur Bocquet, le droit permet déjà cette protection : un licenciement fondé sur un tel motif serait sans cause réelle et sérieuse. La loi prévoit clairement la nullité d’un licenciement fondé sur une discrimination syndicale ou en raison de l’opinion. De même, les mesures de rétorsion contre des salariés qui témoignent d’un crime, d’un délit ou d’une situation de harcèlement sont frappées de nullité.
J’ajoute que le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, que vous allez bientôt examiner, renforcera encore ces protections en créant un statut de lanceur d’alerte. En conclusion, j’estime que cet amendement est satisfait.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote sur l’amendement n° 679.
M. Jean-Noël Cardoux. Pour employer un euphémisme, je dirai que, dans le climat actuel, cet amendement est pour le moins malvenu et à la limite de la provocation…
Je ne sais pas, chers collègues, si vous avez observé dans quel état sont les rues de Paris depuis un mois : les manifestations se succèdent, des vitrines sont vandalisées, des commerces sont mis à sac. Dernièrement – je m’en étais ouvert en commission –, un hôpital pour enfants a même été attaqué… (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Henri de Raincourt. C’est scandaleux !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai ! (Si ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Noël Cardoux. Arrêtez donc de pérorer sans cesse quand quelqu’un s’exprime !
Mme Éliane Assassi. Vous n’étiez pas là pendant une semaine et vous vous permettez de parler ainsi !
M. Jean-Noël Cardoux. Criez, vous ne savez faire que ça !
Mme Cécile Cukierman. Et vous, vous ne savez que donner des leçons !
M. Jean-Noël Cardoux. Dans les circonstances présentes, je trouve que déposer un tel amendement relève de la pure provocation ! L’adopter, au moment même où le ministre de l’intérieur hésite à donner son autorisation à la manifestation prévue jeudi,…
Mme Éliane Assassi. Je vous rassure, la manifestation se tiendra quand même !
M. Jean-Noël Cardoux. … serait envoyer le signal suivant aux manifestants et aux casseurs qui les accompagnent : « Allez-y, de toute façon vous serez amnistiés ! »
Pour ma part, je pense aux forces de l’ordre, aux policiers et aux gendarmes qui, depuis un mois et demi, subissent les attaques des casseurs,…
Mme Cécile Cukierman. Manifestants et casseurs, ce n’est pas la même chose !
Mme Sophie Primas. Et quand les casseurs portent un drapeau de la CGT ?
Mme Cécile Cukierman. Et quand ils portent un brassard ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Noël Cardoux. … se font tabasser sans pouvoir répliquer, sauf à être mis en cause, et sont à la limite de la rupture sur le plan physique. Va-t-on leur dire : « Voyez-vous, ces gentils messieurs qui vous ont tabassés et qui, souvent, vous ont blessés, on va les amnistier, ils ne seront pas condamnés. » Je trouve cela scandaleux !
Madame Cohen, vous nous avez dit tout à l’heure, sur le sujet de l’égalité entre hommes et femmes, qu’il fallait envoyer des signaux politiques. Je pense que, dans le contexte que nous connaissons actuellement, le groupe CRC se grandirait en retirant cet amendement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme Éliane Assassi. Certainement pas !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Il n’est nul besoin d’invectives. Je me range bien évidemment aux avis émis par M. le rapporteur et Mme la ministre.
Je fais mienne l’argumentation sur l’inopportunité d’un tel amendement que vient de développer mon excellent collègue Jean-Noël Cardoux.
J’ajoute que l’on ne saurait voter une telle amnistie, car il n’y a pas, d’un côté, des violences qui seraient excusables, et, de l’autre, des violences qui seraient condamnables. Mes chers collègues, quand le quantum de peine est de dix ans d’emprisonnement, il s’agit non pas de petits débordements, mais d’actes de violence graves, qui ne sont pas pardonnables.
Par ailleurs, il ne peut pas non plus y avoir deux catégories de citoyens, les uns bénéficiant d’une forme d’immunité, les autres étant soumis à la loi.
Il est donc impossible de voter cet amendement, pour des raisons non pas politiciennes, mais de simple bon sens. Je pense que nous pouvons tous en convenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Bien évidemment, je me range aux arguments du président Retailleau.
Provocation pour provocation, je trouve franchement scandaleux que les héritiers d’une idéologie politique ayant inspiré des régimes dont on sait comment les opposants étaient traités par la justice et la police osent déposer un tel amendement ! (M. Jean-Paul Emorine applaudit. – Protestations sur les travées du groupe CRC.) Je me borne, mes chers collègues, à vous renvoyer à votre histoire…
Mme Éliane Assassi. Vous avez pourtant eu besoin des communistes, au cours de l’histoire ! Où seriez-vous sans le parti communiste ?
M. Alain Marc. Faire une telle proposition, ce n’est vraiment pas le signal qu’il faut envoyer aujourd’hui !
Mme Éliane Assassi. Le parti communiste est le parti des fusillés : respectez-le !
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Je souhaiterais insister d’abord sur le fait que le champ des infractions susceptibles de faire l’objet de l’amnistie prévue par cet amendement est déjà extrêmement restreint par rapport à celui des lois d’amnistie passées.
N’oublions pas, en outre, que chaque loi d’amnistie est accompagnée d’une circulaire de la chancellerie à destination des parquets. La circulaire d’application de la loi d’amnistie de 2002 précisait ainsi qu’il « appartient aux parquets et aux juridictions d’apprécier, dans chaque cas d’espèce, s’il existe entre le fait poursuivi et le critère de l’amnistie retenu par le législateur une relation suffisante pour permettre de constater l’amnistie ». On voit donc bien qu’il y a un garde-fou.
Ainsi, si les agissements reprochés ont été commis non pas à l’occasion de manifestations ou d’actions pour la défense de l’intérêt collectif d’une profession, mais dans le cadre d’une action ponctuelle préméditée, la loi d’amnistie ne s’applique pas. Par conséquent, contrairement à ce qu’a affirmé M. le rapporteur, les lois d’amnistie ne peuvent pas profiter aux casseurs qui saisissent l’occasion des manifestations pour s’attaquer non seulement aux forces de l’ordre, mais aussi aux cortèges syndicaux.
Par ailleurs, comme les lois d’amnistie passées, le présent amendement prévoit une amnistie des sanctions disciplinaires. L’inspection du travail serait donc chargée de veiller à ce que les mentions de ces faits soient retirées des dossiers des intéressés. Notons, à cet égard, que le Conseil constitutionnel, dans une décision du 20 juillet 1988, a validé cette possibilité en indiquant que le législateur pouvait « étendre le champ d’application de la loi d’amnistie à des sanctions disciplinaires ou professionnelles dans un but d’apaisement politique ou social ».
Dès lors, il est tout à fait normal que, dans le cadre du projet de loi Travail, un groupe comme le nôtre relaie des revendications que nous avions déjà exprimées en d’autres occasions, s’agissant notamment de l’amnistie pour des faits relevant de l’action syndicale.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je voterai évidemment contre ces amendements. J’indique à nos collègues du groupe CRC que le président Chirac avait décidé, en 2002, de ne pas recourir à une loi d’amnistie. Le président Sarkozy a suivi cet exemple, et M. Hollande lui-même s’est prononcé contre les lois d’amnistie. Il n’y a aucune raison d’y revenir maintenant !
Mme Éliane Assassi. Si, justement !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. On peut créditer le groupe CRC d’une forme de constance : ses membres soulèvent ce débat très régulièrement.
Sur le fond, on peut selon moi, en démocratie, dans la France d’aujourd’hui, défendre ses convictions, exprimer des revendications sociales, participer à la lutte sociale tout en restant dans le cadre de la loi. Telle est en tout cas notre conviction ; c’est pourquoi nous voterons contre l’amendement n° 679.
Je pense en outre qu’il serait quelque peu délicat d’expliquer, dans la société d’aujourd’hui, marquée par de fortes tensions, pourquoi la loi traiterait différemment les mêmes faits selon la nature des motifs qui ont inspiré leurs auteurs. Certains actes commis dans le cadre d’une confrontation sociale telle que celle que l’on connaît aujourd’hui relèvent tout de même du champ pénal. Il faut s’en tenir au cadre républicain, qui garantit certes les libertés, mais aussi l’égalité devant la sanction.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Je me réjouis que l’on puisse avoir un débat aussi serein sur une mesure d’amnistie…
Voilà quelques années, une proposition de loi d’amnistie que nous avions déposée avait largement rassemblé, à gauche, et avait même été adoptée par la Haute Assemblée. Il est donc tout à fait possible de discuter d’amnistie sans forcément tomber dans l’hystérie ou employer des arguments excessifs, comme on a pu en entendre aujourd’hui. Cela étant, je ne veux pas remettre d’huile sur le feu…
Je n’ai jamais dit que des gens avaient été arrêtés ou mis en prison pour avoir simplement distribué des tracts ou collé des affiches, mais qu’ils avaient reçu des menaces ou des assignations judiciaires. Nous devons nous écouter mutuellement et parler sereinement de cette question de l’amnistie.
Sur le fond, chers collègues, vous dites qu’un droit particulier ne doit pas s’appliquer aux syndicalistes et qu’il existe d’autres manières de se faire entendre. Je vous renvoie au cas, que j’ai déjà cité, de Xavier Mathieu. Il était délégué syndical à l’usine Continental d’Amiens, qui a d’ailleurs fermé depuis lors, ce qui a causé la disparition de plusieurs centaines d’emplois. Conformément à sa mission, il défendait l’emploi, les salariés : dès lors, est-il normal qu’on ait voulu le soumettre à un prélèvement d’ADN ? Il risquait ainsi d’être fiché pendant dix ou vingt ans, comme un délinquant !
Un sénateur du groupe Les Républicains. C’est le droit commun !
M. Dominique Watrin. Nous ne demandons pas un traitement particulier ou privilégié pour les syndicalistes ; nous demandons simplement que l’action syndicale ne puisse pas être réprimée d’une manière tout à fait discriminatoire.
M. Bruno Retailleau. Il ne s’agit pas d’action syndicale, mais de voies de fait !
M. Dominique Watrin. Puisque vous avez convoqué l’histoire, je le ferai à mon tour. Lors du débat sur notre proposition de loi d’amnistie, en 2013, j’avais évoqué le cas des mineurs grévistes de 1948. Mme Taubira avait alors reconnu que ces mineurs avaient été licenciés de manière discriminatoire et arbitraire, mais le processus de réhabilitation et de réparation est aujourd’hui complètement bloqué par l’actuel ministre de la justice !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 679.
J'ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 362 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 313 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 680.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 18 bis (nouveau)
L’article L. 2325-43 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’excédent du budget de fonctionnement peut être affecté au budget dédié aux activités sociales et culturelles après un vote à l’unanimité du comité d’entreprise. »
Mme la présidente. L'amendement n° 681, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous demandons la suppression de cet article introduit par la commission des affaires sociales du Sénat et le retour au texte initial.
Nous avons déjà débattu du rôle des comités d’entreprise. Selon nous, il faut laisser le budget de fonctionnement au comité d’entreprise et ne pas prévoir, par la loi, que son excédent soit affecté au budget dédié aux activités sociales et culturelles. Cela reviendrait en effet à détourner la réalité objective de ce budget.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Cet article est issu d’un amendement de Michel Raison, adopté par la commission. Celle-ci ne se déjuge pas et émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Il s’agit d’en finir avec une rigidité excessive et un cloisonnement strict entre le budget de fonctionnement et le budget dédié aux activités sociales et culturelles. Cette disposition ménage la possibilité d’affecter l’excédent du budget de fonctionnement au budget dédié aux activités sociales et culturelles. Je précise que, pour ce faire, il faut l’unanimité. Cette garantie nous paraît suffisante.
M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, ce qui est cohérent avec la position que j’ai rappelée tout à l’heure. Depuis la loi Rebsamen, nous souhaitons que le comité d’entreprise puisse monter en compétence sur les questions de stratégie, notamment en matière économique. Il est donc essentiel de bien distinguer entre le budget de fonctionnement et le budget dédié aux activités sociales et culturelles.
C’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement émettra un avis défavorable sur l’amendement n° 1023. Certes, j’ai accordé la possibilité – si le comité d’entreprise est d’accord – de consacrer l’excédent du budget de fonctionnement à la formation ; reste qu’il faut maintenir la séparation entre celui-ci et le budget dédié aux activités sociales et culturelles.
Mme la présidente. L'amendement n° 1023, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
après un vote à l’unanimité
par les mots :
par une décision prise à l’unanimité des membres élus
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision sur l’unanimité de la décision.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 18 bis, modifié.
(L'article 18 bis est adopté.)
Article additionnel après l'article 18 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 215 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Bizet et Commeinhes, Mme Garriaud-Maylam, MM. Lefèvre, César, Cambon, Cornu et Vaspart, Mme Mélot, MM. Houel, Revet, J.C. Leroy et Mouiller, Mme Cayeux, MM. Dallier, Panunzi et P. Dominati, Mmes Deromedi, Morhet-Richaud et Primas et MM. Trillard, Mandelli et Laménie, est ainsi libellé :
Après l’article 18 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2323-86 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises comportant des établissements distincts, un accord d’entreprise conclu dans les conditions du II de l’article L. 2232-12 peut déterminer librement le mode de répartition de la subvention entre les comités d’établissement. La répartition peut être opérée notamment au prorata des effectifs de chacun des établissements. »
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Cet amendement vise à rétablir un principe de solidarité entre les établissements d’une même entreprise pour la gestion des activités sociales et culturelles, en prévoyant qu'un accord collectif d'entreprise puisse organiser une répartition de la subvention selon des modalités différentes, notamment au prorata des effectifs.
En l'état actuel du texte, la répartition de la subvention entre les comités d'établissement se fait en fonction de la masse salariale, ce qui avantage les établissements avec de hauts revenus de cadres par exemple. En donnant la possibilité de procéder aussi à cette répartition en fonction des effectifs, plus d'équité est offerte aux établissements où les revenus sont moins élevés.
Il convient de prévoir cette possibilité dans la loi, car la Cour de cassation a, à plusieurs reprises, remis en cause ce principe de solidarité, en imposant que la répartition de la subvention versée par les entreprises à leurs comités d’établissement se fasse au prorata des masses salariales des établissements concernés et non à celui des effectifs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission estime qu’il s’agit d’un très bon amendement, sur lequel elle émet un avis favorable.
Cette disposition permet en effet d’avoir de la souplesse dans les accords d’entreprise, de pouvoir opérer une répartition qui se fasse au prorata des effectifs et pas seulement à celui de la masse salariale. Cela peut être dans l’intérêt des établissements où les salaires sont moins élevés. La Cour de cassation a d’ailleurs rendu un arrêt faisant jurisprudence, jurisprudence à laquelle l’adoption de cet amendement pourrait répondre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Madame la sénatrice, vous posez une très bonne question.
Le système actuel n’est pas équitable pour les établissements où les salariés sont moins bien rémunérés. Il faut donc un accès plus juste aux œuvres sociales et culturelles pour améliorer le pouvoir d’achat des salariés. Vous pointez à juste titre la difficulté issue de la répartition entre les différents établissements en fonction de la masse salariale qui a été imposée par la jurisprudence. Il faudrait laisser beaucoup plus de souplesse aux partenaires sociaux pour décider, dans le cadre des accords conclus dans l’entreprise. Tel est l’enjeu de cet amendement.
Néanmoins, la solution proposée ouvre des possibilités d’affectation qu’il semble nécessaire de bien encadrer. Or vous ne posez aucun critère limitatif : « La répartition peut être opérée notamment au prorata des effectifs de chacun des établissements. » Dans cette rédaction, l’adverbe « notamment » pose problème. Nous gagnerions donc à y retravailler.
Cela étant, je comprends l’intérêt à adopter cet amendement dès la première lecture. C’est pourquoi le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur ce problème important.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Très bonne sagesse !
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.
Mme Evelyne Yonnet. Bien sûr, personne ne peut être contre le fait que tout le monde puisse bénéficier d’œuvres sociales et qu’une entreprise qui a une grosse masse salariale partage son budget avec les autres petites entreprises. Pour ce faire, on peut très bien créer un comité interentreprises, démarche qui paraît plus équitable, et s’appuyer sur la volonté des représentants syndicaux pour rassembler la masse salariale et faire profiter tous les salariés des œuvres sociales.
D’un point de vue juridique, j’ignore si on peut tenir compte seulement des effectifs ; la commission et le Gouvernement ont rappelé la jurisprudence à ce sujet. Il faut donc voir si une telle répartition est possible. Je le répète, dans le droit fil des discussions que nous avons eues hier soir, pourquoi ne pas réfléchir à des accords interentreprises pour partager les subventions et rendre les œuvres sociales accessibles à tous les salariés ?
Je souhaite apporter une précision sur l'article 18 bis. Il faut bien distinguer le budget de fonctionnement et le budget dédié aux activités sociales et culturelles, lequel profite à tout le monde. Cela n’a pas été mentionné, mais il faut préciser que les comités d’entreprise sont gérés par des salariés. À ce titre, ils sont inclus dans le budget de fonctionnement, et non dans le budget dédié aux activités sociales et culturelles. Par conséquent, réunir les deux soulève certaines difficultés.
En outre, le budget dédié aux activités sociales et culturelles est destiné aux salariés, alors que, comme son nom l’indique, le budget de fonctionnement sert au fonctionnement du comité d’entreprise. Cela inclut la formation professionnelle des salariés qui en font partie, les différentes cotisations, apprentissage, etc. Un CE, c’est comme une entreprise.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je n’ai pas de désaccord de fond sur cet amendement. Il s’agit de compléter le code du travail, qui précise qu’une telle opération passe par un accord d’entreprise.
En revanche, je crains que cette disposition ne soit pas très opérationnelle. On modifie la répartition de subventions entre établissements aux fins d’équité, mais on substitue au critère de la masse salariale un critère d’effectifs.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. On peut aussi prévoir un mix !
Mme Nicole Bricq. Selon moi, cela va créer des problèmes entre les élus des différents CE.
C’est l’aspect pratique qui m’effraie. Il faudrait peut-être prévoir une décision unanime, car j’imagine mal les élus de l’instance représentative d’un établissement accepter le partage et je doute que l’on parvienne au résultat espéré.
Comme on dit trivialement, cela ne mange pas de pain de faire figurer cette disposition dans la loi, mais, si cela doit rester sans effet, cela n’a pas grand sens. On peut essayer. Je ne vois pas spontanément comment on peut dire : « On prend moins et vous avez plus ».
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Permettez-moi d’apporter un éclairage particulier à la Haute Assemblée. Certains accords d’entreprise prévoient déjà une répartition en fonction du nombre de salariés.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Exactement !
Mme Nicole Bricq. Ah, d’accord !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Ils ont été invalidés et, au regard de la jurisprudence, il faut s’appuyer sur la masse salariale.
Mme Nicole Bricq. On sait tout !
Mme Myriam El Khomri, ministre. C’est légitime et cela se comprend, puisque les cotisations varient selon le montant du salaire. On peut imaginer que, dans certaines entreprises, on s’interroge sur l’accès équitable aux œuvres sociales et culturelles.
Cet amendement vise à tenir compte du critère des effectifs.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18 bis.
Demande de réserve
Mme Myriam El Khomri, ministre. Madame la présidente, en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande la réserve de la discussion de l’article 19, des amendements qui y sont rattachés et des amendements portant article additionnel après l’article 19. En effet, le Gouvernement a besoin de procéder à une vérification technique sur l’amendement n° 1043.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. La commission y est extrêmement favorable.
M. Didier Guillaume. Extrêmement ! (Sourires.)
Mme la présidente. La réserve est ordonnée.
Article 20
(Non modifié)
Au 1° de l’article L. 2135-12 du code du travail, après le mot : « branche », sont insérés les mots : « ou, dans le secteur de la production cinématographique, de l’audiovisuel et du spectacle, les organisations professionnelles d’employeurs représentatives de l’ensemble des professions de ce secteur dont les statuts prévoient qu’elles ont vocation à percevoir ces crédits ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Madame la ministre, je souhaite profiter de cet article sur le dialogue social dans le domaine de la production cinématographique, de l’audiovisuel et du spectacle pour vous alerter sur les intermittents du spectacle.
Comme vous l’annonciez la semaine dernière, le Gouvernement s’apprête à compenser le manque à gagner pour l’assurance chômage à la suite de l’accord signé au mois d’avril entre les intermittents du spectacle et les organisations patronales. Nous sommes d’accord sur une chose : il faut que cet accord soit appliqué. Il prend en compte bon nombre des revendications des intermittents : date anniversaire, 507 heures sur douze mois, prise en compte des congés maternité et des heures d’enseignement artistique, droits de celles et ceux qui arrivent à la retraite.
Là où nous avons un désaccord profond, c’est qu’il semble que vous ayez au final cédé à la pression patronale. Le régime de sécurité sociale s’appuie sur un principe simple : la solidarité entre employeurs et employés, et entre générations.
Pression, disais-je, car regardons les choses en face : qui a imposé une lettre de cadrage scandaleuse faisant porter sur les épaules des intermittents toute la responsabilité du déficit de l’UNEDIC ? Qui a mis dans la balance les négociations avec le projet de loi que nous examinons ?
Aujourd’hui, alors même que la précarité n’a jamais autant touché les intermittents et que les employeurs n’ont jamais autant bénéficié de baisses de cotisations, votre décision de combler les manques patronaux crée un précédent gravissime.
Comme le signale un collectif de personnalités du spectacle, regroupant notamment Mathieu Amalric, Agnès Jaoui ou Denis Podalydès, la prise en charge de l’assurance chômage par l’État risque de tuer l’intermittence, en la rendant dépendante de budgets fluctuant au gré des majorités politiques.
De fait, les intermittents sont un fabuleux exemple du modèle de flexisécurité que vous entendez imposer aux autres salariés.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je rappelle que le Gouvernement a décidé, avec les annexes 8 et 10, que les professionnels du spectacle pouvaient se mettre d’accord sur des règles spécifiques relatives à l’assurance chômage.
Je rappelle également que, à la suite de l’échec des négociations sur l’assurance chômage, notamment celles du régime général, ma première priorité a été que les demandeurs d’emploi ne souffrent d’absolument aucun report d’indemnisation. Au contraire, j’ai pris des mesures pour que l’ensemble des dispositions puissent être mises en œuvre le plus rapidement possible.
Dès la semaine dernière, je me suis engagée auprès des professionnels à propos du résultat du dialogue social entre les organisations professionnelles du spectacle et les syndicalistes. L’accord conclu a été entériné et sera applicable mi-juillet. Il n’y a pas d’autre discussion à avoir sur ce sujet.
Aujourd’hui, par le dialogue social, les professionnels ont trouvé des voies d’aménagement. C’est dans ce cadre que cet accord sera mis en œuvre. Le Gouvernement montre une nouvelle fois son soutien à tous les professionnels du secteur, non par des paroles, mais par des actes. Nous prendrons les mesures nécessaires, comme je l’ai précisé la semaine dernière.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Hommage à Jo Cox, députée britannique
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec une vive émotion que nous avons appris jeudi dernier le décès de notre collègue députée britannique, Jo Cox, qui a succombé à ses blessures après avoir été agressée. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes se lèvent.)
Le président Gérard Larcher, qui recevait vendredi, au Sénat, une délégation britannique de la ville de cette parlementaire, à l’occasion du soixantième anniversaire de son jumelage avec Rambouillet, lui a rendu hommage à cette occasion.
En son nom, et au nom du Sénat tout entier, et avec notre collègue Éric Bocquet, président du groupe d’amitié France-Royaume-Uni, je veux assurer sa famille et ses proches, ainsi que nos collègues du Parlement britannique, de notre compassion sincère et leur présenter nos condoléances les plus attristées.
Je vous propose d’observer un moment de recueillement en sa mémoire. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le secrétaire d’État observent un moment de recueillement.)
8
Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 28 et 29 juin 2016
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 28 et 29 juin.
Dans le débat, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le vice-président de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil européen qui se tiendra les 28 et 29 juin prochains ne ressemblera à aucun de ceux qui l’ont précédé.
Il sera en effet le premier à se tenir après un référendum dont le résultat décidera du maintien ou non d’un État membre au sein de l’Union européenne. C’est un choix souverain qui appartient désormais aux seuls citoyens britanniques, mais je veux redire ici, à deux jours de ce scrutin, que nous souhaitons que le choix de l’unité européenne, de la cohésion, de la défense de nos valeurs communes l’emporte et que le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne parce que c’est sa place, parce que c’est son intérêt et celui de l’Europe.
Je veux rendre à mon tour hommage, monsieur le président, comme vous venez de le faire, à la députée Jo Cox, une femme qui consacrait sa vie au service des autres et d’un monde plus solidaire et qui s’était engagée avec passion pour le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne. La violence et la haine qui l’ont assassinée et qui veulent détruire la démocratie ne doivent pas l’emporter. Son engagement, ses valeurs ne disparaîtront pas avec elle.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce Conseil européen sera donc celui de l’après-référendum et des décisions qui en découleront. Mais, quel que soit ce résultat, l’Europe devra continuer à avancer et à apporter des réponses aux défis et aux grandes crises auxquels elle est confrontée.
Ce Conseil européen sera également appelé à prendre des décisions sur plusieurs grandes questions, au premier rang desquelles figure la crise migratoire.
Au cours des derniers mois, l’accord entre l’Union européenne et la Turquie et la fermeture de la route des Balkans ont conduit à une diminution considérable des flux de migration en mer Égée.
Cependant, ces flux restent très importants en Méditerranée centrale et s’accompagnent de naufrages dramatiques. Au total, près de 212 000 personnes ont effectué la traversée de la Méditerranée depuis le début de l’année. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés estime à 2 868 le nombre de morts lors de ces traversées.
Ces chiffres recouvrent deux réalités très différentes.
En mer Égée, 1 721 arrivées ont été enregistrées au cours du mois de mai, ce qui est inférieur à la moyenne quotidienne des arrivées à la fin de l’année dernière ou encore en janvier de cette année, laquelle était supérieure à 2 000 personnes par jour.
L’accord entre l’Union européenne et la Turquie et la fermeture des routes des Balkans ont donc produit un effet dissuasif et les autorités turques ont incontestablement engagé la lutte contre les passeurs. Dans le même temps, les autres volets de l’accord avec la Turquie se mettent progressivement en place : 462 personnes ont été réadmises en Turquie depuis la Grèce et 511 Syriens ont été réinstallés depuis la Turquie dans l’Union européenne.
L’aide aux réfugiés syriens en Turquie s’accroît également de la part de l’Europe pour couvrir des dépenses d’alimentation, de santé, d’hébergement et d’accès à l’éducation. Dans le même temps, la solidarité à l’égard de la Grèce, où près de 54 000 migrants sont bloqués, doit également se poursuivre : sur les 300 millions d’euros du nouvel instrument d’aide humanitaire prévus en 2016, 83 millions d’euros ont déjà été versés.
En Méditerranée centrale, les flux ont continué à être très importants. Ils sont comparables à ceux de l’année dernière, soit près de 20 000 personnes au mois de mai, contre 21 000 en 2015, ce qui porte le total des arrivées en Italie à plus de 52 000 personnes depuis le début de l’année.
La priorité est donc de lutter contre les passeurs et contre tous les trafics au large de la Libye, puisque c’est essentiellement de cet État, qui reste un État failli, que proviennent ces migrations. Il faut donc soutenir le Gouvernement d’entente nationale, qui combat l’État islamique en Libye et qui doit pouvoir instaurer la sécurité dans l’ensemble du pays. C’est aussi l’une des missions de l’opération EUNAVFOR MED Sophia, dont le mandat a été élargi, que de contribuer à la sécurité au large de la Libye.
Le Conseil Affaires étrangères a en effet décidé ce lundi, à la suite de l’adoption de la résolution 2292 du Conseil de sécurité des Nations unies du 14 juin, d’élargir le mandat de cette opération à deux nouvelles tâches : le renforcement de la mise en œuvre de l’embargo sur les armes à destination de la Libye et la formation de garde-côtes libyens.
La France prend toute sa part à cet effort au sein de cette opération maritime, sur le plan diplomatique, bien sûr, je l’ai rappelé – nous avons fait adopter cette résolution au Conseil de sécurité –, mais aussi en matière de solidarité avec les pays les plus exposés, c'est-à-dire les pays européens de première arrivée des migrants. Nous sommes aujourd'hui le premier des pays de l’Union en termes de relocalisation de réfugiés depuis la Grèce et l’Italie.
Il nous faut bien sûr continuer à agir en apportant des réponses aux causes profondes des migrations. Le Conseil européen se prononcera donc sur la communication de la Commission du 7 juin dernier portant sur son projet de nouveau cadre de partenariat, lequel vise à davantage concentrer l’action et les ressources de l’Union européenne dans ces activités extérieures pour mieux coordonner à la fois la politique migratoire, mais aussi les éléments de politique d’aide au développement et de politique commerciale.
Ce nouveau cadre de partenariat s’inscrit dans la lignée des décisions prises lors du sommet de La Valette en novembre dernier par l’Union européenne et ses partenaires africains : des pactes sur mesure pourront être élaborés en fonction de la situation et des besoins de chaque pays partenaire, avec des priorités de court terme – sauver des vies en mer, accroître le nombre de retours, permettre aux migrants et aux réfugiés de rester près de chez eux – et de plus long terme – soutenir le développement des pays tiers afin de remédier aux causes profondes de la migration irrégulière.
Les chefs d’État ou de Gouvernement chargeront également la Commission d’élaborer pour cet automne une proposition pour mettre sur pied un plan d’investissement pour ces pays tiers. Ce plan pourrait s’inspirer en partie des mécanismes du plan Juncker et inciter les investisseurs publics et privés à participer à des projets contribuant au développement des pays d’Afrique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’Europe doit continuer de mieux s’organiser pour lutter contre les trafics d’êtres humains, contrôler ses frontières communes, garantir le droit d’asile, reconduire ceux qui n’en relèvent pas, soutenir la stabilité et le développement des pays d’origine et de transit.
Elle a des premiers résultats, aux termes notamment de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie. Elle doit mettre en œuvre toutes les décisions qui ont été prises concernant le contrôle des frontières et elle doit davantage s’engager avec les pays d'origine.
Outre la question du référendum britannique, le soutien à la croissance, à l’emploi et à l’investissement sera le deuxième enjeu au cœur des travaux de ce Conseil européen. Plusieurs points importants seront traités.
Le Conseil européen devrait adopter des conclusions sur le marché unique, en particulier sur le marché unique du numérique, qui est un enjeu de croissance et d’emploi, en même temps que de protection des créateurs, avec la régulation des plateformes et la protection du droit d’auteur.
Sur l’investissement, le Conseil européen donnera suite à la proposition annoncée par la Commission de prolonger le plan Juncker au-delà des trois ans qui étaient initialement prévus. Nous soutenons cette démarche et nous souhaitons effectivement que ce plan soit amplifié.
En effet, ce plan est d’ores et déjà un succès pour l’Europe et pour la France.
Ce plan est un succès pour l’Europe d’abord puisque, au 16 juin 2016, 266 décisions d’approbation de projets ont été prises par les instances de la Banque européenne d’investissement et du Fonds européen d’investissement, soit 17,7 milliards d’euros de financements permettant de mobiliser plus de 100 milliards d’euros d’investissements à l’échelle européenne, autrement dit plus d’un tiers de l’objectif du plan.
Ce plan est un succès pour la France ensuite puisqu’elle est le premier pays bénéficiaire en termes de montant total des projets approuvés – 2,7 milliards d’euros d’engagements pour 14,5 milliards d’euros d’investissements concernés.
Le Conseil traitera également de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire. Les travaux se poursuivent sur la base du rapport des cinq présidents. Le Conseil Ecofin a en effet adopté une feuille de route pour compléter l’Union bancaire.
Le conseil abordera les enjeux de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, en particulier les deux révisions récentes de la directive sur la coopération administrative pour apporter plus de transparence sur les pratiques fiscales des multinationales en Europe.
Il traitera de l’agriculture et des mesures additionnelles attendues de la Commission pour faire face aux tensions sur les marchés du lait et de la viande de porc. L’accord conclu entre les ministres de l’agriculture du Triangle de Weimar est, de ce point de vue, une étape très importante.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le référendum constituera bien sûr un point majeur de ce Conseil européen, mais face à l’ampleur des défis auxquels l’Europe est confrontée, il devra aussi, j’y insiste, permettre d’avancer sur les priorités de l’Union européenne en matière de sécurité, de migration, de croissance.
Quel que soit le résultat du référendum, nous devrons tracer de nouvelles perspectives pour l’Europe. La relance du projet européen est nécessaire. Elle devra répondre aux grandes priorités du moment : la sécurité intérieure et extérieure, notamment la lutte contre le terrorisme, qui sera d’ailleurs discutée, au cours du Conseil européen de la semaine prochaine, lors de la présentation de la stratégie globale de sécurité de la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ; la consolidation de la croissance et de l’investissement ; la relation de l’Union européenne avec son voisinage, en particulier la Méditerranée et l’Afrique ; la jeunesse, qui est l’avenir de notre continent.
Sur toutes ces questions, nous travaillons en étroite relation avec l’Allemagne et avec nos partenaires, en espérant que cela pourra se faire à vingt-huit et que le Royaume-Uni restera dans l’Union européenne. Nous avons une conviction commune : il n’y a pas de solution dans le repli national.
Unie, l’Europe est plus forte pour faire face aux nombreux défis auxquels elle est confrontée. Tel est le message que nous continuerons de porter, avec l’Allemagne et nos principaux partenaires, quel que soit le résultat du 23 juin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. le président de la commission des affaires européennes applaudit également.)
M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de huit minutes à chaque groupe politique et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, la commission des finances et la commission des affaires européennes interviendront ensuite durant huit minutes chacune.
Le Gouvernement répondra aux commissions et aux orateurs.
Puis nous aurons un débat interactif et spontané consistant en une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes pour une durée totale d’une heure.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe CRC.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’assassinat de notre collègue Jo Cox, j’ai tenu, en tant que président du groupe d’amitié France-Royaume-Uni et au nom de l’ensemble de ses membres, à adresser un message de solidarité à Sir Julian King, le nouvel ambassadeur du Royaume-Uni en France. Les membres du groupe CRC ont également souhaité adresser leurs condoléances à sa famille, au peuple britannique et à leur faire part de l’expression de notre total soutien au nom de la démocratie et de la liberté.
Comme chacun le sait, les Britanniques devront répondre cette semaine à la question suivante : « Le Royaume-Uni doit-il demeurer membre de l’Union européenne ou la quitter ? »
La campagne pour la sortie de l’Union se déroule dans un contexte propice aux instrumentalisations : attentats de Paris et de Bruxelles, crise des réfugiés. Les eurosceptiques conservateurs ne limitent pas leurs analyses aux critères ethniques et culturels. Le candidat à la direction du parti conservateur, Boris Johnson, souhaite reprendre le contrôle des frontières britanniques pour empêcher les migrants « de tirer les salaires vers le bas et de placer les écoles et le système de santé sous pression ».
De l’autre côté, nous pouvons déplorer que la campagne Remain n’ait pas été une campagne pro-Union européenne. Elle n’a guère défendu en effet l’Union telle qu’elle est, elle a plutôt défendu l’idée d’un statu quo.
David Cameron a prétendu défendre le maintien dans l’Union au nom de l’accord arraché en février, mais il faut bien le constater, cet accord n’a pas été un argument porteur, en particulier parce que la majorité des électeurs favorables au maintien dans l’Union, plutôt situés à gauche de l’échiquier politique, n’est guère enthousiasmée par les mesures de réduction des aides sociales aux migrants. Le camp du maintien dans l’Union a donc été en permanence sur la défensive. À droite et au centre, on a beaucoup insisté sur les conséquences économiques et politiques d’un Brexit. À gauche, on a insisté sur les protections sociales, aussi minimes soient-elles, offertes par l’Union et sur le risque d’une vague néolibérale en cas de sortie.
Au cours du débat sur le Brexit, rares ont été les moments où l’on a pu défendre l’idée d’un projet européen d’avenir. Même si les Britanniques décident de rester, l’accord conclu le 19 février sur les conditions de leur maintien entérine un certain retrait du Royaume-Uni au sein de l’Union. Il obligera les États membres à définir précisément le nouveau modèle dans lequel ils souhaitent inscrire l’avenir de l’Union s’ils veulent redonner une certaine dynamique au projet européen.
Il nous semble que l’Union européenne ne pourra avancer que si elle construit avec l’ensemble de ses composantes un projet européen digne, social et articulé sur l’idée de coopération plutôt que sur celle de compétition dévastatrice. Pour l’heure, nous en sommes encore loin.
Prenons l’exemple de la Grèce. Ce pays subit de plein fouet des mesures d’austérité insoutenables. L’Union européenne a imposé le vote d’une loi budgétaire de 7 000 pages, trois hausses massives de la TVA, la privatisation d’aéroports à des prix bradés, le départ à la retraite à 67 ans, l’augmentation des cotisations maladie, la fin des protections pour les petits propriétaires incapables de payer leurs emprunts, tout cela pour qu’Athènes obtienne un prêt principalement destiné à rembourser les intérêts de sa dette extérieure. Le Fonds monétaire international, le FMI, a beau concéder que celle-ci est insoutenable, l’Allemagne, de son côté, refuse qu’elle soit amputée.
Monsieur le secrétaire d’État, quand le Conseil européen se décidera-t-il enfin à agir réellement en faveur d’un soutien effectif à la Grèce ? L’étude publiée récemment par le Handelsblatt, un quotidien allemand, a montré que 95 % de l’aide à la Grèce est allée à ses créanciers.
Dans le même temps, le président de l’Eurogroupe a admis dans Les Échos des 29-30 avril que lui-même comprenait mal la signification du « déficit structurel » qu’aucun État ne doit excéder : « C’est un indicateur difficile à prédire, difficile à gérer et difficile à expliquer. Une de mes frustrations, c’est qu’il monte et qu’il descend sans que je sache vraiment pourquoi. » Dès lors, pourquoi continuer à appliquer ces sacro-saints principes avec autant d’ardeur ?
Le constat doit être nuancé : tous les gouvernements ne sont pas logés à la même enseigne. Prenons l’exemple de l’Espagne. Aucune sanction ne lui a été infligée alors que son déficit budgétaire dépasse allégrement la limite autorisée par les traités. Est-ce l’approche des élections législatives, dans un contexte particulier mettant en danger les partis traditionnels, qui rendent la Commission plus indulgente ?
L’émergence de deux nouveaux partis, Ciudadanos et Podemos, lesquels ont respectivement obtenu le 20 décembre dernier près de 14 % et un peu plus de 20 % des voix, a effectivement perturbé le jeu politique. Et il n’est pas certain que le scrutin du 26 juin puisse débloquer la situation. Dans ces conditions, il se pourrait que l’Europe connaisse une nouvelle soirée électorale importante, trois jours après le référendum britannique.
Revenons-en à la situation en Grèce, plus particulièrement à la question des migrations. Nous ne pouvons faire fi de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie. Il y a lieu de s’interroger sur les moyens concrets que l’Union met à disposition de ce pays pour faire face à la situation. Je parle ici des moyens non seulement financiers, mais également humains. Il me semble que ces derniers sont largement en deçà des besoins. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous faire un point très concret sur cette situation particulière ?
Permettez-moi ensuite de vous faire part ici de notre inquiétude concernant les mesures prises en Turquie, notamment la loi dite « antiterroriste », et le danger encouru par certaines minorités dans ce pays. Cette loi est en inadéquation avec les normes démocratiques européennes. L’exécutif européen a ouvert la voie le 4 mai dernier à l’exemption de visas, dont Ankara a fait une condition indispensable pour continuer d’appliquer son accord controversé avec l’Union. Nous savons que Bruxelles a assorti son avis favorable de certaines réserves, estimant qu’Ankara devait encore remplir 5 des 72 critères fixés pour l’obtenir, dont une redéfinition de la loi antiterroriste, jugée trop vague. Cela n’est pas sans danger, bien sûr, pour la démocratie.
La Turquie mettra-t-elle de nouveau la pression à l’Union en laissant passer 7 000 réfugiés quotidiennement ? Nous n’accepterons pas d’entrer dans un tel jeu, totalement inhumain et immoral.
Imposer des sacrifices à des peuples au nom de règles comptables strictes et oublier ces dernières aussitôt que certains amis les transgressent, c’est créer un terreau fertile dans lequel grandira sans peine la graine de la xénophobie et du repli sur soi. Il ne faut donc pas nous étonner de certaines réactions épidermiques sur le continent. Il est grand temps que les gouvernements empruntent une autre voie dans la construction du projet européen, et ce quelle que soit l’issue du référendum britannique jeudi prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Gisèle Jourda. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si chaque Conseil européen est l’occasion de nous poser la question : « Quelle Europe voulons-nous ? », celui des 28 et 29 juin prochains est véritablement une chance d’écrire une nouvelle page de l’histoire européenne.
Que nous critiquions Maastricht, regrettions le temps d’Amsterdam, blâmions Schengen, défions Nice ou conjurions Lisbonne, force est de constater que nous nous retrouvons majoritairement sur une idée : nous voulons une Europe qui sorte de son immobilisme et qui aille de l’avant.
Pleine de bonnes intentions, l’Europe se fige face à ces nouveaux défis, non pas parce qu’elle serait toute-puissante et responsable de toutes les crises, mais parce qu’elle est inachevée et que ses lacunes d’origine sont devenues intenables. Tel Prométhée enchaîné à son rocher, l’Europe visionnaire n’a pas su convaincre.
Ceux qui répondent à la crise par des solutions nationalistes font fausse route. C’est d’un nouveau contrat européen pour les Européens que nous avons besoin. C’est une œuvre de refondation profonde que nous devons proposer. Plus que jamais, la réorientation de la construction européenne portée par le Président de la République est nécessaire. L’Union ne peut continuer de fonctionner que si elle parachève son développement.
Le référendum britannique, quel que soit son résultat, nous oblige à saisir ce moment de clarification pour reprendre l’initiative.
L’ordre du jour du prochain Conseil européen, qui comprend la réponse à la crise des réfugiés, le développement de l’emploi, de la croissance et de l’investissement en Europe, la stratégie européenne de sécurité et de défense, rassemble des éléments moteurs de notre pacte européen, fers de lance de cette refondation tant attendue.
Le premier moteur est le parachèvement de la zone euro. Si nous voulons faire de l’euro une monnaie stable, porteuse de progrès économique et social au service des Européens, nous devons la doter des mécanismes nécessaires au fonctionnement de toute zone monétaire optimale, par l’harmonisation des prix et des salaires, l’ajustement budgétaire interne, l’harmonisation fiscale, la mobilité du travail, et d’un mécanisme de transfert budgétaire entre États.
Comment alors lier ces mécanismes avec justesse, efficacité, sans jamais céder à la facilité ?
Les États ne disposant plus de l’instrument des taux de change, c’est bel et bien la fiscalité et les salaires qui deviennent des instruments de compétitivité, ce qui provoque un nivellement vers le bas et met les peuples européens en concurrence. Nous le dénonçons.
Nous avons besoin de politiques coopératives en matière sociale et fiscale, de règles budgétaires cohérentes, adaptées au cycle économique, de la constitution d’un véritable marché du travail européen, du parachèvement de l’Union bancaire, de la création d’un budget de la zone euro. Plus que tout, nous avons besoin d’institutions pour gouverner et contrôler démocratiquement ces politiques.
C’est pourquoi nous proposons un code de convergence économique et social qui appelle notamment la création d’un socle commun de droits sociaux permettant de lutter efficacement contre le dumping social et salarial, ainsi qu’une harmonisation fiscale permettant de combattre la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales.
Deuxième moteur : nous voulons un nouveau modèle de croissance. Il faut investir massivement en Europe.
Nous proposons de faire du succès de la Conférence de Paris sur le climat le fil conducteur d’un nouveau modèle de croissance.
Bien au-delà du plan Juncker, il faut mettre en place une stratégie massive d’investissement public et privé pour favoriser la création d’emplois de qualité et la transition énergétique, et rattraper le retard de notre continent dans le domaine numérique.
Pour financer l’investissement, l’Europe doit pouvoir emprunter et les marchés financiers doivent être réorientés pour la servir.
Cette stratégie nécessite aussi la mise en œuvre du principe du juste échange et interdit de conclure, en l’état, le TTIP, le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement.
Troisième moteur : il est temps de sauver Schengen et de restaurer la vocation humaniste de l’Union européenne. Nous avons besoin de frontières extérieures sécurisées, nécessairement assorties d’un système commun d’asile.
Face au drame humanitaire de la crise des réfugiés, la solidarité, qui est et doit rester l’un des fondements de la construction européenne, a été mise à mal, au même titre que l’exigence d’une responsabilité commune des États membres.
Cette responsabilité a été en partie reportée sur un pays qui n’est pas membre de l’Union, la Turquie. La Mission d’information sur la position de la France à l’égard de l’accord de mars 2016 entre l’Union européenne et la Turquie relatif à la crise des réfugiés et sur les conditions de mise en œuvre de cet accord nous conduit à nous interroger sur le sort des réfugiés que nous renvoyons dans ce pays dit « sûr » en plus de ceux qui ne peuvent plus en partir.
L’Union européenne est-elle encore digne de son histoire lorsqu’elle applique la fameuse règle dite du « un pour un », qui réduit femmes, hommes et enfants à de simples unités comptables ?
Sans les grands principes humanitaires sur lesquels l’Union européenne s’est construite, aucune confiance n’est possible. Il est donc devenu impératif de réformer le fonctionnement de l’espace Schengen et le règlement Dublin III en transformant le régime d’asile européen commun en véritable système commun d’asile.
L’Union européenne doit aussi mettre en place un mécanisme permanent de relocalisation fondé sur des critères communs à tous les États membres et permettant de répartir les réfugiés de manière équitable et objective.
Quatrième moteur, et c’est un sujet auquel j’accorde une attention toute particulière, plus qu’une politique étrangère et de défense commune, c’est d’une véritable politique communautaire que nous avons besoin sur ces sujets.
L’actuelle stratégie européenne de sécurité définit les objectifs diplomatiques et opérationnels de l’Union sur la base d’une évaluation de l’état du monde qui date de 2003. Actualisée en 2008, elle reste à ce jour la seule grille de lecture que l’Union s’est donnée pour fonder sa politique étrangère et de sécurité commune. À lui seul, son intitulé, Une Europe plus sûre dans un monde meilleur, illustre le décalage de perception, car l’Europe n’est pas encore très sûre et le monde n’est guère meilleur.
Avec Yves Pozzo di Borgo, nous sommes les auteurs d’une proposition de résolution européenne dressant un constat mitigé de la politique de sécurité et de défense commune, et faisons des recommandations cohérentes pour la relancer utilement.
Nous pensons qu’une stratégie globale de sécurité européenne, dans un siècle durablement dangereux, doit intégrer le besoin de nouvelles capacités opérationnelles de défense aussi bien que de nouveaux paramètres de la sécurité intérieure, depuis le contrôle des frontières jusqu’au partage du renseignement, en passant par des coopérations judiciaires et policières efficaces.
Les procédures européennes d’un côté, la pratique intergouvernementale de l’autre, devront à cette fin impérativement jeter entre elles des passerelles, sous la double supervision des États membres et de la Haute Représentante de l’Union, également vice-présidente de la Commission, Mme Mogherini.
Il faut renforcer le Centre européen de lutte contre le terrorisme, améliorer de toute urgence les échanges d’informations entre les États membres, prendre en compte les impératifs d’autonomie énergétique ou de sécurité dans les transports.
Mes chers collègues, il faut rapidement permettre à l’Union européenne de détenir les outils politiques, juridiques et opérationnels de nature à répondre au besoin de sécurité exprimé par les citoyens européens, auquel, seuls et dispersés, les États membres ne sauraient répondre efficacement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du RDSE et de l'UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’ordre du jour du Conseil européen à venir est particulièrement chargé.
Il s’agira notamment d’approuver les recommandations de la Commission dans le cadre du semestre européen et d’évoquer l’actuel engluement de l’Union face à la crise migratoire, qui se traduit aujourd’hui par la fermeture de la route des Balkans, l’accord très controversé mis en œuvre avec la Turquie, la dramatique situation des hotspots en Grèce et le succès plus que mitigé de la politique de relocalisation des réfugiés, des sujets majeurs qui mettent, malheureusement, en relief nos difficultés, voire notre incapacité à répondre aux défis toujours plus nombreux auxquels nous devons faire face.
Cependant, la question la plus sensible de ce Conseil sera bien évidemment celle des suites à donner au référendum qui se tiendra, après-demain, au Royaume-Uni. À l’heure où nous parlons, nous sommes bien incapables d’en prévoir l’issue. L’incertitude quant à ce scrutin reste totale, même après le monstrueux assassinat de la députée pro-européenne Jo Cox.
Je tiens au passage à remercier vivement le président du Sénat pour l’hommage qui vient d’être rendu à cette jeune députée. Jo Cox, qui aurait eu 42 ans demain, symbolise, par son âge et par ses engagements, toute une génération de Britanniques, née au lendemain de l’adhésion de son pays au Marché commun, qui souhaite en finir avec la vision passéiste d’une Angleterre insulaire toujours prompte à vouloir imposer ses règles et ses seules règles à l’Europe et au reste du monde.
Cet attentat sauvage en dit long sur l’incroyable dégradation du débat public en Grande-Bretagne et, malheureusement, ailleurs sur les questions ayant trait à l’Europe.
La défiance actuelle à l’égard de l’Europe n’est, bien sûr, pas de la seule responsabilité des dirigeants du Royaume-Uni. La manière dont nous avons cru très naïvement, dans les années 2000, que l’élargissement à grande vitesse de l’Union était compatible avec une intégration accrue sur la base d’institutions qui avaient été conçues pour six ou dix pays, et avec comme seul mantra l’établissement d’un marché unique, a beaucoup contribué à l’impasse dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.
On ne peut par ailleurs que ressentir un certain malaise quand on écoute les arguments des partisans britanniques du maintien au sein de l’Union et, en premier lieu, ceux qui sont régulièrement avancés par David Cameron. Le plus fréquent est celui du coût financier d’une telle sortie et de ses conséquences pour la place financière de Londres.
Aucune vision, aucun projet politique pour l’Europe dans tout cela, sinon de viser à entraîner dans sa suite d’autres États membres en proie au doute et à la défiance à l’égard de l’Europe. Au sein même du camp du maintien, il y a comme un déni de la question européenne sur le fond.
Quoi qu’il advienne ce 23 juin, nous ne sortirons pas de la spirale inquiétante qui vient de s’enclencher. Évidemment, en cas de succès du maintien, nous aurons évité le terrible symbole d’une Union en déconstruction avec la sortie effective d’un de ses principaux membres.
Toutefois, il faut le dire, les concessions faites à M. Cameron en février dernier, en amont de la tenue du référendum, sont tout sauf satisfaisantes et loin d’éclaircir notre horizon commun. À défaut d’être équilibrées, elles sont tout simplement destructrices pour le projet européen.
Même si certaines des mesures prises ou annoncées en matière de droits sociaux des résidents européens non britanniques parvenaient à surmonter les oppositions du Parlement européen et du Conseil, leur remise en cause devant la justice britannique est possible et entraînerait de nouveaux affrontements politiques.
Par ailleurs, une réforme des traités paraît inévitable pour entériner d’autres concessions obtenues concernant le statut dérogatoire de la Grande-Bretagne face au principe d’une « Union toujours plus étroite » et le souhait de ce pays d’établir un système de carton rouge permettant aux parlements nationaux de s’opposer à tout projet d’acte européen.
On le voit, ce sont des mois de périlleuses négociations qui s’ouvriraient à un moment où l’Union peine déjà à gérer des défis chaque jour plus nombreux.
En cas de succès des partisans du Brexit, la procédure de sortie dans les textes est si imprécise que personne n’est aujourd’hui en mesure d’en dire la durée, les modalités exactes et quel pilote tentera de faire atterrir en catastrophe l’avion britannique en perdition.
Officiellement, c’est la Commission européenne qui prendra les rênes de l’opération. Les choses risquent d’être bien compliquées, car dans les textes européens, rien ne dit de ce qu’il adviendra des 73 eurodéputés britanniques, du commissaire Jonathan Hill et des quelque 1 200 fonctionnaires britanniques de la Commission durant cette période.
S’ils parviennent jeudi soir à leurs fins, les partisans du Brexit ne cachent pas leur souhait d’obtenir le beurre et l’argent du beurre. Dans leur plan de sortie de l’Union, qui a été dévoilé la semaine passée, ceux-ci ne semblent pas vouloir d’une adhésion à l’Espace économique européen, qui les obligerait à contribuer encore au budget de l’Union. Ils aspirent à l’établissement rapide d’un traité de libre-échange avec l’Union et naturellement à conserver nombre de leurs prérogatives financières et bancaires.
Disons-le clairement, laisser à la Commission européenne l’exclusive d’une telle négociation, surtout lorsqu’on voit la manière dont elle s’y prend actuellement dans la négociation de certains grands traités commerciaux bilatéraux, ne nous dit rien qui vaille.
Les arguments en faveur d’une mansuétude de la Commission à l’égard du Royaume-Uni ne manqueront pas. On arguera en haut lieu qu’on ne peut laisser l’économie britannique partir à la dérive, voire le populisme d’extrême droite accéder au pouvoir, laisser le Royaume-Uni en proie aux volontés sécessionnistes des Écossais.
Alors oui, un Brexit coûtera sans doute cher au Royaume-Uni ; il aura aussi des incidences économiques pour le reste de l’Union et pour la France, mais le pire coût risque d’être politique si nous nous contentons de regarder passer les trains.
Regarder passer les trains aujourd’hui, c’est n’avoir aucun discours de réelle fermeté à l’endroit du Royaume-Uni si finalement il décide de se maintenir ou, pire encore, de quitter l’Union. Regarder passer les trains, c’est n’avoir aucun projet fort pour l’Europe de demain.
Une chose est claire, nous ne serons pas en mesure de continuer dans la configuration actuelle, que ce soit à 28 ou à 27, sans véritable projet d’intégration autre qu’économique.
Le projet d’une gouvernance et d’un budget de la zone euro, pour peu qu’il soit réalisable à court terme, est sûrement utile, mais il ne suffit pas à constituer une réponse à la hauteur des enjeux.
Une initiative politique forte doit être prise, en sachant qu’aujourd’hui aucun pays, pas même l’Allemagne, n’est en mesure à lui seul de renverser la table pour donner un nouveau départ à une Europe en déshérence.
Il y a une urgence à penser un nouveau moteur de l’Europe qui ne peut démarrer qu’à travers une grande initiative conjointe de ses quatre plus grandes et importantes nations qui, jusqu’alors, ont joué le jeu de l’intégration : je veux parler de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et de l’Espagne.
C’est aux gouvernements et aux parlements nationaux de ces quatre pays, en étroite collaboration avec le Parlement européen et, bien sûr, les autres États qui voudront bien s’associer à cette démarche, d’élaborer une véritable feuille de route pour l’Europe de demain.
Chacun de ces pays devra faire des concessions, parfois importantes, pour parvenir à un véritable projet commun d’intégration, notamment en matière de politique de sécurité et de défense commune, de construction d’une authentique industrie européenne du futur, d’indépendance technologique et énergétique durable, d’harmonisation fiscale et de solidarité économique.
Bien sûr, tous les membres de l’Union n’accepteront peut-être pas de suivre, mais si nous ne sonnons pas vite et fort l’heure de la clarification, le délitement européen à l’œuvre risque fort de nous emporter. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et de l'UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous pensons tous, ce soir, à notre collègue députée britannique assassinée au nom d’une idéologie nationaliste, en nous souvenant que l’assassinat de parlementaires a toujours marqué des moments difficiles de l’histoire, et encore particulièrement en cette première moitié du XXIe siècle. Comment ne pas penser aussi aux mouvements politiques qui se développent en Hongrie, en Pologne, en Autriche, où l’emploi se porte bien, où les jeunes sont formés ? Comment ne pas penser aux mouvements citoyens de plus en plus présents en Italie, en Espagne ?
Nous devons en tirer la conclusion que de nombreux Européens adressent un message de défiance à l’égard non seulement de certains de leurs dirigeants nationaux, mais aussi, nous le savons, de l’Union européenne et de ses institutions - bien davantage qu’à l’idée de l’Europe elle-même. La responsabilité est collective, car bien des gouvernants, depuis de longues années, ont imputé les problèmes à l’Europe, quand bien même ce n’était pas sa faute, mais la leur. Aujourd'hui, nous payons l’addition !
Ne pas vouloir entendre ces messages, ne pas vouloir travailler à réformer les mécanismes européens, c’est fragiliser encore davantage l’Europe. La France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, comme vient de le dire notre collègue Gattolin, doivent assumer leur responsabilité de relance de l’Europe.
Comment ne pas constater aujourd'hui que faire avancer au même rythme les 28 pays européens est, d’un point de vue réaliste, concret, une mission impossible ? Nous le savons et il faut en tirer les conséquences, faire évoluer l’Europe de telle manière qu’elle puisse fonctionner correctement, peut-être pas à la même vitesse selon les pays.
Aujourd’hui, nonobstant les problématiques internes à chacun des États membres, il s’agit de savoir si l’Europe peut répondre aux grands défis du moment.
Le prochain Conseil européen, monsieur le secrétaire d'État, se penchera une nouvelle fois sur la crise migratoire, qui a éprouvé durablement, y compris dans les esprits, la solidarité européenne, avec des instruments destinés tant à gérer les flux qu’à organiser l’accueil des réfugiés, avec quelques résultats, il faut aussi le reconnaître, même si ce n’est pas merveilleux.
Notre groupe souscrit à la position du Gouvernement consistant à accepter un accueil raisonnable des réfugiés sur notre territoire en rapport avec nos possibilités matérielles et au regard du contexte sécuritaire qui est le nôtre depuis les attentats.
Nous avons accueilli favorablement la mise en place des hotspots, la politique de relocalisation dans les limites que je viens d’évoquer, le renforcement des moyens de l’agence FRONTEX ou encore le paquet « Frontières ».
Aujourd’hui, il s’agit plus particulièrement pour l’Union européenne d’évaluer le plan d’action activé avec la Turquie fin 2015 et confirmé par la déclaration du 18 mars dernier. Cet accord visait à rendre opérationnels des accords de réadmission déjà existants depuis 15 ans entre la Turquie et la Grèce, et depuis 2 ans entre la Turquie et l’Union européenne. C’est donc un accord politique pour lequel il a été décidé d’établir en contrepartie du principe de « un pour un » l’accélération du processus de libéralisation des visas.
Personne n’est sourd quant au respect des 72 critères exigés pour l’exemption des visas. Je préside le groupe d’amitié France-Turquie et crois connaître à peu près la situation turque, monsieur le secrétaire d'État. Celle-ci n’est pas merveilleuse, des dérives quant aux droits de l’homme sont incontestables, mais réagissons-nous aussi violemment à ce qui se passe en Arabie Saoudite ou en Égypte ? La question mérite d’être posée, même si elle n’excuse rien.
En tout cas, vous l’avez dit, l’accord passé avec la Turquie a permis de réduire considérablement le flux des réfugiés et ainsi bien des drames humains, ce qui est déjà un bon résultat, au-delà de ce que l’on peut penser des dérives qui se produisent en Turquie concernant les droits de l’homme. La question est de savoir si l’on a fait avancer le dossier des réfugiés, si l’on a permis l’allégement de certaines souffrances humaines. La réponse est « oui », et le reste passe après, même si ce n’est pas secondaire.
En outre, condamner la Turquie, comme certains pays, c’est oublier qu’elle accueille 2,7 millions de réfugiés sur son sol et qu’elle y fait face. Il est difficile, dans ces conditions, d’accepter de recevoir des leçons tous les jours.
En tout état de cause, comme le disait le Premier ministre ici même fin novembre : « Nous devons respecter ce grand pays qu’est la Turquie », sans être dupes de quoi que ce soit et en disant les choses, mais en étant conscients des réalités.
J’en viens à un autre point de l’ordre du jour du prochain Conseil européen, la question du Brexit. Bien que le souhait d’une partie des Britanniques de sortir de l’Europe obéisse à de nombreux autres ressorts que celui des migrations, celles-ci ont alimenté encore leur euroscepticisme.
À quelques jours du référendum, l’heure n’est plus aux pronostics. La décision appartient au peuple britannique. Nous devrons à la fois prendre acte et tirer des enseignements du résultat du vote quel qu’il soit. Pour notre groupe, les Anglais ont toute leur place dans l’Union, une place qu’ils n’ont malheureusement jamais complètement occupée, mais c’est à eux d’en décider et c’est leur responsabilité !
Quoi qu’il en soit, derrière tout cela, il y a des enjeux économiques. La panne de croissance qui a gagné l’Europe depuis la crise de 2008 a alimenté la défiance que j’évoquais. C’est pourquoi l’emploi, la croissance et l’investissement seront également à l’ordre du jour du Conseil. Le point sera fait sur le fonds européen pour les investissements stratégiques. Ce fonds est utile et contribue à stimuler l’emploi, mais il n’est qu’un outil de plus.
Plus fondamentalement, monsieur le secrétaire d'État, ce dont nous avons besoin, c’est d’un cap politique avec quelques principes. Il s’agit de savoir de quelle Europe nous voulons. Avec les Britanniques, il y a toujours eu ce malentendu, toutefois très conscient, entre deux visions, celle d’une Europe commerciale, du libre-marché, et celle, disons-le, plus romantique d’une Europe humaniste qui faisait dire à François Mitterrand que « l’Europe a trouvé sa raison d’être en devenant l’Europe de la liberté ». Mais ce n’est jamais facile à construire.
Alors aujourd’hui, à défaut d’avoir clairement tranché dans une direction, c’est trop souvent la gestion des crises qui fait avancer le projet européen. Il a fallu le choc économique de 2008 pour faire émerger l’Union bancaire. Il a fallu l’affaire LuxLeaks pour qu’une directive européenne anti-évasion fiscale soit sur le point de voir le jour.
L’Europe n’aura de sens, mes chers collègues, que si elle pose clairement quelques principes forts, dont celui de la coordination des politiques économiques, avec au minimum une convergence des politiques fiscales.
Dernier sujet qui sera évoqué la semaine prochaine, la politique extérieure, notamment les relations entre l’Union européenne et l’OTAN dans la perspective du sommet de Varsovie. Là aussi, il serait souhaitable que la solidarité s’exerce un peu plus.
Je ne m’étendrai pas sur ce que doit contenir la stratégie européenne de défense et de sécurité, car nos collègues de la commission des affaires européennes ont déposé une proposition de résolution que le RDSE regarde avec intérêt, d’autant plus qu’il y est mentionné « l’établissement d’une relation approfondie avec la Russie ».
Je ne reviendrai pas non plus dans le détail sur le débat que nous avons récemment eu, mais puisque la relation entre l’Europe et l’OTAN fera partie des discussions, je rappellerai simplement que l’Union européenne n’a rien à gagner dans la politique d’endiguement qu’a tendance à pratiquer l’OTAN. C’est au sud de l’Europe que se concentrent les conflits les plus impactants pour notre territoire. Ces conflits ne peuvent être résolus sans tenir compte de la Russie, qui doit redevenir un partenaire précieux, car indispensable.
Mon groupe regrette donc la décision prise par l’Union européenne de prolonger le régime des sanctions à l’égard de la Russie. Monsieur le secrétaire d'État, il y a urgence à ce que la France, dans la tradition des pères de l’Europe, délivre à nouveau un message fort à l’adresse de ses partenaires, et c’est ce que nous attendons de vous ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains.
M. Pascal Allizard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le prochain Conseil s’ouvrira sur une Europe qui va mal, dans un monde en crise. Rien de réjouissant au demeurant, sauf à y voir une chance historique, sans doute la dernière, de repenser le projet européen, sa gouvernance et ses moyens de fonctionnement.
S’agissant de l’avenir du Royaume-Uni dans l’Union européenne, les incertitudes se renforcent à mesure que l’on approche de l’échéance. Ainsi que l’a constaté le président du Conseil européen : « Il est très difficile aujourd’hui d’être optimiste. » Deux sondages récents donnaient gagnant le Brexit, bien que la tendance semble s’inverser après l’assassinat de notre collègue la députée Jo Cox.
Si certains qualifient déjà le Brexit de victoire des peuples contre les technocrates, cette vision me semble illusoire et le scénario sera « perdant-perdant ». Je rappelle que, loin d’être ostracisées, les autorités britanniques ont déjà conclu un accord, en février dernier, qui, en cas de maintien dans l’Union européenne, satisfait leurs principales demandes.
La sortie du Royaume-Uni aura des conséquences, en particulier en matière de marché unique, et Londres devra renégocier ses relations commerciales avec l’Union. De même, elle n’émargera plus à aucun fonds européen.
Au-delà, le Brexit aura aussi un impact psychologique et, sauf à considérer le cas britannique comme « endémique », l’on peut redouter un effet d’entraînement qui serait catastrophique pour l’avenir du projet européen. En rejetant par référendum l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne, les Néerlandais ont ouvert un premier front de défiance vis-à-vis de Bruxelles. Et que dire des percées de l’euroscepticisme en Autriche ou en Hongrie ?
Monsieur le secrétaire d'État, en cas de sortie britannique, quelle initiative prendra la France pour maintenir la cohésion européenne ? Quelle sera votre position si d’autres États en venaient à conditionner leur maintien à la satisfaction de demandes particulières ?
La crise migratoire s’invite une nouvelle fois à l’agenda de l’Union européenne.
Si, en Libye, l’expansion de l’État islamique semble contenue, le nombre d’embarcations chargées de migrants se dirigeant vers l’Europe a augmenté. L’opération Sophia en récupère, mais plusieurs centaines de milliers de personnes attendraient actuellement dans les camps libyens. Il paraît donc essentiel que la situation se normalise pour stopper le flux, faute de quoi l’opération EUNAVFOR MED Sophia n’aura servi qu’à assurer les passeurs de l’organisation d’opérations de recueil de migrants.
Vers nos frontières orientales, Syriens, Irakiens, Afghans, Pakistanais continuent de converger, mais les entrées en Grèce ont largement chuté après la mise en œuvre de l’accord avec la Turquie. Si les premiers effets sont visibles, le prix payé par l’Europe continuera longtemps d’alimenter la polémique, car les contreparties sont substantielles et donnent le sentiment d’un accord déséquilibré.
La question de l’entrée sans visa des ressortissants turcs au sein de l’espace Schengen, cela a été évoqué, est conditionnée au respect par la Turquie de 72 critères, dont quelques-uns, il faut bien le dire, cristallisent toutes les tensions. Le respect de tous les critères, monsieur le secrétaire d'État, doit demeurer une condition sine qua non. L’Europe devra aussi rester attentive à l’usage des financements alloués pour les réfugiés, ainsi qu’aux efforts de la Turquie dans la lutte contre les passeurs.
Mais, à n’en pas douter, la crise des migrants laissera des traces sur les opinions publiques européennes.
La question de la coopération entre l’Union européenne et l’OTAN est désormais étroitement liée à la situation en Ukraine et aux relations avec la Russie.
Je ne m’arrêterai pas sur les occasions manquées de faire progresser l’idée d’une défense européenne plus intégrée, mais de fait, il faut bien le constater, nombre de pays d’Europe centrale et orientale membres de l’Union européenne ont aussi choisi d’adhérer à l’OTAN pour assurer leur sécurité face à leur voisin russe et troquer par là même leurs anciens matériels soviétiques contre des équipements trop souvent américains.
Ce que certains ont pris pour la fin de l’Histoire s’est avéré être le début d’une nouvelle histoire. C’est aujourd’hui sur fond d’Union européenne affaiblie par les crises successives que se retrouvent face à face l’OTAN et la Russie, et la guerre de Géorgie puis l’agression contre l’Ukraine ont marqué un coup d’arrêt aux velléités de nouveaux élargissements, européens ou « otaniens ».
Et l’Europe, dans tout cela ? Varsovie, capitale européenne où le Pacte qui porte son nom a été créé et démantelé, accueillera le sommet de l’OTAN en juillet. Au-delà du symbole, cet événement va surtout couronner le renforcement militaire sans précédent de l’OTAN à l’Est entamé depuis le début du conflit ukrainien, et confirmer la vision « locale » de la répartition des rôles : l’Europe pour la vie économique et les affaires, l’OTAN pour la sécurité.
Enfin, je ne suis pas sûr que cette politique de démonstration réciproque de virilité entre l’OTAN et la Russie, qui se prolonge aussi dans le cyberespace, soit très productive. Elle crée surtout les conditions d’un dérapage qui, comme l’illustre l’incident aérien russo-turc à la frontière syrienne, demeure hautement possible, mais qui pourrait avoir lieu cette fois sur le territoire de l’Union européenne.
La situation dans l’est de l’Europe et les relations de l’Union européenne avec la Russie ont largement mobilisé le Sénat. Il y a deux semaines, nous adoptions une proposition de résolution européenne relative au régime des sanctions à l’encontre de la Russie. La sagesse du Sénat fut d’avoir considéré comme primordial le rétablissement des liens de confiance avec la Russie, en liant l’allégement progressif des sanctions à des progrès significatifs dans l’application des accords de Minsk.
Cette vision n’empêche pas d’être réaliste sur la conception russe des relations internationales, bien souvent basée sur les rapports de force, ni de rappeler les inquiétudes européennes vis-à-vis de l’attitude martiale de Moscou dans ce qu’elle considère toujours comme sa sphère naturelle d’influence.
Après l’annexion de la Crimée, la déstabilisation de l’est de l’Ukraine, les sanctions européennes étaient incontestablement fondées et l’Union a payé le prix fort, notamment économique, des mesures de rétorsion russes.
Cela ne doit pas occulter les responsabilités européennes : celles notamment d’avoir conduit un élargissement trop rapide à l’Est et un Partenariat oriental ambigu dans ses objectifs et trop exclusif ; celles aussi d’avoir attendu de la Russie l’exemplarité quand elle n’était pas toujours demandée à d’autres.
À l’évidence, et à condition que chacun fasse un pas, les relations doivent repartir sur de nouvelles bases, car si la Russie est bien « entre deux mondes », nous sommes désormais voisins directs et l’intérêt commun demande de s’entendre.
Monsieur le secrétaire d'État, chacun constate bien qu’il y a deux Europe sur les questions de sécurité : celle qui vit dans l’angoisse permanente de la Russie et remet son sort entre les mains de l’OTAN ; celle tout entière mobilisée contre le terrorisme islamiste et qui peine à comprendre que, sans coopération, point de salut !
Sur tous ces sujets, de nombreux Européens, en particulier en Europe centrale et orientale, sont en plein doute, quelques années à peine après leur adhésion enthousiaste. Ils se retrouvent au cœur d’une crise historique qui n’épargne pas les États membres les plus anciens.
Il nous faut donc redonner du sens à la construction européenne. Cela passe au préalable par une définition précise de nos frontières qui soit cohérente avec notre héritage culturel et civilisationnel commun. C’est dans cet espace au périmètre stabilisé et aux frontières extérieures mieux protégées que les Européens devront se recentrer sur quelques politiques d’envergure continentale, où l’Union peut apporter une contribution décisive, mais aussi alléger la production de normes.
Le temps est également compté, monsieur le secrétaire d'État, si nous voulons créer les conditions d’une « Europe puissance » qui pèse sur les grandes décisions et fasse pièce aux autres puissances du XXIe siècle.
Enfin, dans cette compétition mondiale, les Européens devront, collectivement, mieux protéger leur économie et leurs emplois face à une concurrence dérégulée.
Monsieur le secrétaire d’État, cette reconfiguration salutaire ne signifierait pas l’effacement de la France, mais serait, bien au contraire, l’occasion de réaffirmer sa vision et son rôle moteur en Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour le groupe UDI-UC.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, le Conseil européen des 28 et 29 juin prochains présente un ordre du jour très chargé, avec des enjeux centraux pour l’Union européenne et pour son avenir à court et moyen termes. Le Sénat a toujours eu une voix qui portait dans ces différents débats. Je souhaite, monsieur le secrétaire d’État, que vous puissiez aujourd’hui encore l’entendre.
Dans le cadre de mon intervention, je me concentrerai sur le Brexit, nos relations avec la Russie et le sommet de l’OTAN.
La semaine à venir est décisive dans l’histoire de la construction européenne. Le référendum sur la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union se déroule dans deux jours et, plus que jamais, le risque de victoire pour ceux qui souhaitent le Brexit est important. Il aura malheureusement fallu attendre presque la semaine dernière et l’insoutenable meurtre de notre collègue Jo Cox pour que la France s’intéresse à la question posée aux Britanniques.
Je le regrette, car de ce vote dépend une partie de l’avenir de l’Union européenne. Peut-on laisser les Britanniques décider seuls du destin de l’Europe ? Je ne le crois pas, d’autant que, depuis de nombreuses années, le désamour des peuples vis-à-vis de l’Europe est profond. Chaque fois qu’il faut trouver un bouc émissaire à nos problèmes, c’est Bruxelles qui est dénoncé.
À force, l’envie d’Europe disparaît. L’Union européenne et ses institutions semblent déconnectées des citoyens et ceux qui dénoncent régulièrement le manque de démocratie doivent être entendus.
Enfin, nos politiques en commun doivent être revues. En particulier, il faut réfléchir à une réelle gouvernance économique de l’euro, afin de crédibiliser notre espace de vie. Finalement, j’oserai dire que « l’Union ne fait plus envie », à tel point que la Suisse, la semaine dernière, a décidé d’annuler sa requête d’adhésion, pourtant vieille de 24 ans !
Il est nécessaire, monsieur le secrétaire d’État, que les dirigeants européens reprennent la main, écrivent une nouvelle page de notre histoire en prenant en compte les conclusions des différents « accidents » qui jalonnent notre parcours depuis un peu plus de dix ans.
Il est indispensable de se donner un nouvel avenir commun et d’impulser un nouveau souffle à l’Union. En tant que centristes, vous le savez, nous sommes prêts à mettre toute notre énergie dans cette construction.
Nous comptons sur la France et l’Allemagne. De Gaulle et Adenauer, Giscard et Schmidt, Mitterrand et Kohl, Chirac et Schröder, Sarkozy et Merkel ont montré le chemin. Nous attendons maintenant Hollande et Merkel !
Mais, ai-je envie de dire, peu importe si les Britanniques choisissent de sortir ou non de l’Union. Ce serait un coup dur, mais l’essentiel est que ceux qui en sont membres soient convaincus et enthousiastes pour porter un vrai projet politique et économique en commun, celui d’une Europe intégrée et plus fédéraliste. Le mot fait toujours peur – même les centristes hésitaient à le prononcer. Pourtant, quand certains de nos amis politiques parlent de transferts de souveraineté, il s’agit bien de fédéralisme, n’ayons pas peur de le dire. Ne construisons pas une Europe à la carte qui ne serait que l’addition des demandes de chaque État membre.
Le deuxième point que je souhaite aborder dans ce débat concerne nos relations avec la Russie. Il y va du poids diplomatique et du développement économique de l’Union européenne.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, le Sénat a adopté voilà deux semaines une résolution européenne que j’ai eu l’honneur de préparer avec notre collègue Simon Sutour et qui a recueilli l’assentiment de la quasi-unanimité de notre assemblée, avec 301 voix pour et 16 contre.
J’insiste sur ce vote, car il émane d’une chambre du Parlement d’un des États membres les plus importants de l’Union. Je ne souhaite pas, monsieur le secrétaire d’État, qu’il soit banalisé, voire balayé par les infrastructures communautaires. Nous sommes le premier parlement national parmi les États membres à donner un avis sur cette question. Ce n’est donc vraiment pas négligeable. Et je vous rappelle, monsieur le secrétaire d’État, que ces sanctions ont coûté 0,3 % du PIB en 2014 et 0,4 % du PIB en 2015, soit l’équivalent de ce que va rapporter le plan Juncker s’il réussit.
Cette résolution, équilibrée et réaliste, a pour objectif principal de dénouer la crise ukrainienne le plus rapidement possible, de garantir l’intégrité territoriale de ce pays par la défense des accords de Minsk et d’initier une reprise de relations « normales » avec la Russie.
Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d’État, et sur le Président de la République pour porter la voix du Sénat sur cette question les 28 et 29 juin. Notre résolution doit vous permettre de guider la position française. Or il semblerait que les ambassadeurs, d’un trait de plume, l’aient déjà mise à la poubelle ! Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d’État, que nous représentons le peuple. Et lorsqu’on se moque du peuple, on en arrive au Brexit !
La résolution de cette crise est indispensable pour l’Ukraine, pour la Russie, pour l’Union européenne et pour ses États membres. Aussi, je vous rappelle que le dispositif de la résolution consiste juste en une levée progressive et différenciée des sanctions, sous conditions, dans les domaines économique, politique, diplomatique et individuel. Je pense en particulier aux parlementaires : est-il normal que M. Le Roux soit interdit de séjour en Russie parce que nous interdisons à la présidente du Sénat russe de venir en France ?
Le bon sens voudrait qu’au moins, les 28 et 29 juin, malgré tous les ambassadeurs et les fonctionnaires européens, vous ayez le courage de prendre ces décisions ! Si M. Hollande en faisait la demande, ce serait déjà un signe positif !
M. Michel Canevet. Bravo !
M. Yves Pozzo di Borgo. Pour terminer, j’aimerais évoquer rapidement la question de la défense européenne.
Le 25e sommet de l’OTAN se déroulera les 8 et 9 juillet. Compte tenu des fortes actualités politiques et économiques de part et d’autre de l’Atlantique, nous devons tous avoir en tête l’un des enjeux essentiels pour l’Europe, celui de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme.
Ma collègue Gisèle Jourda rappelait la proposition de résolution européenne que nous avons déposée et qui a été votée à la majorité moins une voix de la commission des affaires européennes et à la majorité absolue de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous l’autorité de nos deux rapporteurs, Jacques Gautier et Daniel Reiner.
Après les attentats dont la France a été victime, le recours à la clause européenne de défense mutuelle a créé une dynamique politique nouvelle et inédite pour relancer, voire refonder le projet d’Europe de la défense.
Il est important que l’Union européenne se forge une stratégie qui identifie les nouvelles menaces et recense les moyens dont elle estime devoir disposer pour y faire face, qu’elle s’assigne des objectifs et des priorités, conjointement avec les États membres, afin de ne pas avoir, dans l’urgence, à rechercher des réponses juridiques, politiques ou capacitaires aux crises qui menacent ses valeurs, ses intérêts vitaux et son existence.
Cette stratégie de politique étrangère et de sécurité devra se concentrer sur la défense des intérêts communs que l’Union et ses États membres auront identifiés.
La nécessité d’une cohérence et d’une impulsion politiques accrues dans le domaine de la sécurité et de la défense à l’échelle de l’Union justifierait, monsieur le secrétaire d’État, d’instituer un dialogue plus fréquent et plus dense au sein du Conseil européen.
Il devrait désormais être convoqué annuellement sur l’enjeu de sécurité et de défense. Ce « Conseil européen de sécurité et de défense », tel qu’il est proposé dans cette résolution, permettrait une actualisation et une meilleure réactivité dans l’analyse et l’évaluation conjointes des menaces et stimulerait la recherche concertée de solutions collectives.
Pour ce faire, il sera nécessaire de lever des contraintes budgétaires naturellement, mais aussi politiques, notamment pour certains États membres, dont nous faisons partie, qui entretiennent un lien fort et ancien avec l’OTAN qu’ils ne souhaitent pas remettre en question.
Il importe de bien différencier la politique de sécurité et de défense européenne de celle de l’OTAN. Ce n’est pas à l’Organisation atlantique d’imposer sa stratégie de défense à l’Union, comme elle le fait depuis de nombreuses années, mais c’est au Conseil européen de définir ses propres objectifs. En étant complémentaires, mais indépendants, nous serons plus efficaces, et l’Europe gagnera en visibilité et en crédibilité.
En conclusion, je rappellerai l’attachement qui est le mien et celui du groupe UDI-UC à la construction européenne. L’Union doit redevenir un projet politique d’avenir. Dans de nombreux domaines, bien au-delà de ceux qui viennent d’être abordés, elle constitue une solution d’envergure aux difficultés soulevées en France. Pour cela, il faut une volonté politique et un engagement sans faille. J’aimerais qu’ils soient plus prégnants dans le débat national. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
M. Jacques Gautier, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser le président Jean-Pierre Raffarin, retenu par des engagements auxquels il n’a pu se soustraire.
Notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ces dernières semaines trois résolutions en vue du prochain Conseil, exprimant deux inquiétudes majeures et deux exigences.
Notre première préoccupation, c’est la menace du Brexit. Notre commission s’est rendue à Londres il y a un mois pour des entretiens de haut niveau : nous mesurons bien le risque.
L’assassinat tragique de la députée Jo Cox vient dramatiser encore un enjeu qui concerne tous les Européens. Un Brexit ouvrirait en effet une crise majeure en Europe et il nous faut, dès à présent, réfléchir au « jour d’après » le vote, et ce quelle que soit son issue.
Si le Royaume-Uni quitte l’Union européenne, il faudra à la fois enclencher la séparation, mais aussi anticiper sur le plan politique d’éventuelles contagions.
Si le Royaume-Uni reste dans l’Union, ce que nous souhaitons, il faudra mettre en œuvre, au niveau européen, le « paquet » négocié en février par David Cameron. Dans les deux cas, la commission des affaires étrangères juge nécessaire de prendre une initiative forte pour relancer l’Europe politique.
Le gouvernement français devrait prendre une telle initiative, qui pourrait à notre avis concerner la sécurité et la défense, conjointement avec l’Allemagne.
Notre commission a d’ailleurs prévu une réunion de travail à l’ambassade britannique dès le 29 juin, et une réunion conjointe ici même le 12 juillet avec nos homologues de la Chambre des communes et de la Chambre des Lords. Le message est clair : quelle que soit l’issue du vote, la coopération de défense avec les Britanniques, très avancée, sera poursuivie, dans l’élan des accords de Lancaster House, qui unissent étroitement nos deux pays.
Notre deuxième inquiétude concerne les migrants. Nous sommes entrés, depuis avril, dans une nouvelle phase, car l’accord passé avec la Turquie le 18 mars, combiné avec la fermeture de la route des Balkans, a ramené le nombre d’arrivées à une cinquantaine par jour, contre 2 000 à l’hiver dernier. Mais plusieurs milliers de migrants attendent dans les hotspots et 50 000 autres, arrivés avant l’accord, sont bloqués en Grèce.
Si la situation est stabilisée, si, pour l’heure, nous constatons une certaine bonne volonté turque dans le contrôle des flux, nous n’en restons pas moins à la merci d’un revirement de la Turquie, qui sait trop bien monnayer sa coopération.
Aussi, tous nos efforts doivent-ils tendre – c’est du ressort de la politique étrangère, monsieur le secrétaire d’État – à un règlement de la crise syrienne, sans oublier, bien entendu, un soutien aux autres pays voisins de la Syrie, qui supportent eux aussi une lourde charge en matière d’accueil des réfugiés – je pense au Liban et à la Jordanie en particulier.
Notre inquiétude, aujourd’hui, est la réactivation probable des arrivées par la Méditerranée centrale. Plusieurs centaines de milliers de migrants subsahariens et de la Corne de l’Afrique seraient candidats au départ vers l’Europe, et plusieurs dizaines de milliers sont d’ores et déjà prêts à embarquer sur les côtes libyennes, alors même que les naufrages reprennent à un rythme soutenu. L’opération européenne Sophia a, paradoxalement, plutôt été une aide qu’un frein pour les passeurs. Je me réjouis donc que l’ONU l’ait autorisée, enfin, à lutter contre le trafic d’armes, en attendant la phase 3, qui, seule, permettra de neutraliser les réseaux de passeurs.
Aujourd’hui, la situation est aussi préoccupante d’un point de vue sécuritaire, car Daech en Libye, attaqué dans la poche de Syrte, pourrait infiltrer ces réseaux de passeurs. Le problème, nous le savons tous, c’est la faiblesse du gouvernement légitime libyen.
La solution, là aussi, est politique : la France et les 28 doivent soutenir les efforts de l’envoyé spécial de l’ONU pour la reconnaissance par tous nos États du gouvernement d’union nationale du président Al-Sarraj, avec comme mesures prioritaires la mise sur pied d’une armée et la formation des garde-côtes.
Mais c’est surtout en amont de ces routes migratoires qu’il faut agir, à la source ! La proposition que vient de faire la Commission européenne d’un nouveau cadre de partenariat avec les pays tiers semble aller dans ce sens, pour peu qu’il ne s’agisse pas simplement de « mobiliser et de concentrer » des moyens existants, ce qui serait évidemment très largement insuffisant.
Sur la Russie, notre position est bien connue, puisque le Sénat en a largement débattu. La résolution de notre commission, évoquée à l’instant, et dont je rappelle qu’elle respecte naturellement le droit international, lie l’allégement des sanctions économiques à l’application des accords de Minsk, ce qui n’empêche pas d’envisager de réévaluer les sanctions diplomatiques et individuelles, lesquelles bloquent des relations indispensables au dialogue politique.
Dialoguer, c’est notre première et permanente exigence. Cela n’empêche pas d’exprimer des désaccords : notre commission a mené en mars, ici même, un dialogue stratégique avec des parlementaires russes du Conseil de la Fédération : nous avons clairement condamné l’annexion de la Crimée et la situation dans l’est de l’Ukraine, tout en cherchant par ailleurs des convergences de vue. À ce titre, on ne peut que se réjouir que le président Juncker se soit rendu à Saint-Pétersbourg.
Dernière exigence : la stratégie globale de l’Union européenne concernant les questions de politique étrangère et de sécurité ne doit pas passer à la trappe ! La sécurité est la première demande des Européens, à égalité avec l’emploi, on l’oublie trop souvent.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Exact !
M. Jacques Gautier, vice-président de la commission des affaires étrangères. L’Europe doit répondre à cette demande ! Comment, sinon, la réconcilier avec ses citoyens ?
Sur la méthode, il n’est pas normal de découvrir dans la presse spécialisée un document qui n’a pas été communiqué aux parlements nationaux.
Sur la stratégie globale, notre commission affiche un objectif fort : s’assurer que sa composante défense soit substantielle et déclinée dans un document de type « Livre blanc », qui remplisse deux objectifs essentiels : avoir une analyse partagée des menaces et mettre en face les moyens d’y parer. Sinon, ce sera un nouveau coup d’épée dans l’eau.
Je l’ai déjà dit, cette stratégie prendrait tout son sens avec une relance franco-allemande, moteur de l’Europe, en matière de sécurité et de défense, qui serait ensuite élargie aux gouvernements qui voudraient et pourraient la suivre.
Nous donnons même les grandes orientations qu’une telle initiative pourrait prendre.
Nous proposons un Conseil européen annuel dédié à la défense et un conseil des ministres de la défense, enfin institutionnalisé, pour peser sur les perspectives financières européennes 2021-2027.
Pour favoriser l’émergence d’une base industrielle européenne de défense, indispensable à notre autonomie, nous préconisons un renforcement des moyens de l’Agence européenne de défense et de son pouvoir de définition des normes.
Enfin, le Gouvernement doit contribuer à définir « l’action préparatoire de recherche et développement », ballon d’essai d’un futur « plan défense » de la Commission européenne.
Vous le voyez, mes chers collègues, les défis qui nous attendent sont importants, et nous devons les relever.
Sans la France pour porter l’idée de défense européenne, nous n’avancerons pas. Nous comptons sur votre écoute, monsieur le secrétaire d’État, et je vous remercie par avance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen des 28 et 29 juin prochains marquera à la fois le début d’une nouvelle période, celle de « l’après-référendum » britannique, et la conclusion de la procédure du semestre européen 2016.
Les résultats de la consultation des citoyens britanniques sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne et leurs conséquences seront, à n’en pas douter, au cœur des discussions des chefs d’État et de gouvernement. Alors que les prévisions des sondages oscillent entre « Brexit » et « Bremain », les institutions européennes et les autres États membres doivent se préparer à toutes les éventualités.
Au-delà de la rupture qu’elle entraînerait dans l’histoire de la construction européenne, une sortie du Royaume-Uni aurait des conséquences économiques négatives à long terme, à la fois pour le Royaume-Uni et pour les autres États membres.
Comme je l’ai mis en évidence dans un récent rapport d’information présenté à la commission des finances, un Brexit pourrait avoir un impact négatif sur le PIB britannique, compris entre 1,6 point et 4,1 points à long terme. Cela correspondrait à une perte de revenus comprise entre 1 050 euros et 2 600 euros par tête et par an.
Pour ce qui est de la France, la croissance de l’activité pourrait être plus faible, de 0,2 point à 0,4 point chaque année, ce qui aurait notamment pour effet de réduire les recettes fiscales de notre pays de 10 à 20 milliards d’euros en 2020 par rapport à leur niveau prévisionnel. Et encore, ces estimations ne tiennent pas compte des éventuels effets de domino d’un Brexit.
Dans ces conditions, il importe que la France soit en mesure de se préserver du pire, en créant les conditions pour renforcer l’attractivité de notre pays et attirer les entreprises, notamment financières, qui pourraient être susceptibles de vouloir quitter le Royaume-Uni. La France devrait par ailleurs renégocier les effets du « rabais sur le rabais » britannique.
Le maintien des effets de ce mécanisme de correction, alors même que le Royaume-Uni ne serait plus contributeur, entraînerait en effet une hausse substantielle de la contribution de la France au budget de l’Union européenne, de l’ordre d’environ 7 %. Le Président de la République s’étant prononcé à plusieurs reprises contre « tous les chèques, toutes les ristournes, tous les rabais », en cas de Brexit, le Gouvernement entend-il proposer de mettre à l’ordre du jour une réforme de l’ensemble du système de corrections budgétaires ? À défaut, le Gouvernement serait-il prêt à solliciter un plafonnement de la contribution française ?
Ensuite, l’aval du Conseil européen sur les recommandations spécifiques par pays devrait venir conclure le semestre européen 2016. La plupart des recommandations adressées à la France sont très similaires à celles formulées les années précédentes et apparaissent légitimes pour renforcer la cohésion de l’Union économique et monétaire.
En revanche, la Commission européenne a inscrit dans son projet de texte une nouvelle recommandation en matière fiscale : l’adoption de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu « d’ici à la fin de l’année 2016 ». Que pensez-vous, monsieur le secrétaire d’État, d’une telle prise de position de la Commission sur un sujet relevant pleinement de la souveraineté nationale ? Une telle recommandation a-t-elle vocation, selon vous, à demeurer dans le texte définitif qui sera adopté par le Conseil de l’Union européenne ?
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais vous interroger sur la proposition de prolonger au-delà de 2018 le Fonds européen pour les investissements stratégiques, mesure phare du plan Juncker, annoncée récemment par la Commission européenne. Le bilan de la première année de mise en œuvre du plan paraît plutôt positif, en particulier pour la France, où 15 projets d’infrastructures et d’innovation ont été approuvés, pour un montant total de 2,2 milliards d’euros, censés entraîner 8,2 milliards d’euros d’investissements. De plus, les PME devraient bénéficier de 518 millions d’euros de financement supplémentaire, sous forme de prêts garantis ou de capital-risque.
Le projet d’ordre du jour du Conseil européen indique que, sur la base de ces premiers résultats, les chefs d’État et de gouvernement devront « tirer des conclusions opérationnelles » au sujet de l’avenir du plan d’investissement. Quelle position la France entend-elle faire valoir au sujet de la poursuite du plan d’investissement ? Quelles seraient les modalités de financement à privilégier ? Enfin, une révision du cadre financier pluriannuel serait-elle indispensable ?
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des réponses que vous voudrez bien apporter à ces quelques questions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le prochain Conseil européen sera dominé par les résultats du référendum britannique et, à nouveau, par la crise des migrants. Ce débat préalable est donc particulièrement bienvenu.
À l’approche du référendum britannique, l’Europe retient son souffle. Nous souhaitons le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne, mais il appartient au peuple britannique, et à lui seul, d’en décider. Malheureusement, la campagne électorale a été tragiquement endeuillée par le meurtre sauvage de la députée travailliste Jo Cox, soutien du « oui ». Je veux saluer sa mémoire et condamner fermement cet horrible assassinat.
Notre collègue Fabienne Keller, qui suit le dossier depuis plusieurs mois au titre de notre commission, se rendra sur place. Quels que soient les résultats du scrutin, il faudra nécessairement prendre des initiatives. L’Europe ne fonctionne plus, la France ne s’exprime plus. À l’inverse, des forces centrifuges s’exercent.
Pourtant, les grands défis de l’heure appellent plus que jamais des réponses communes. Nous voulons une Europe recentrée sur l’essentiel, soucieuse de subsidiarité et de simplification, une Europe qui affirme sa puissance et son autorité dans un monde aujourd’hui en turbulence. C’est sur ces bases que nous dialoguons avec nos homologues des États fondateurs pour penser et repenser l’Europe de l’après-24 juin.
La crise migratoire demeure d’une tragique actualité. L’Europe doit être à la hauteur de ses valeurs. Le rétablissement durable des frontières intérieures mettrait en cause le principe de libre circulation, qui est l’un des grands acquis de la construction européenne. Il aurait, de surcroît, un coût considérable.
Il faut partager l’exercice de la souveraineté pour assurer le contrôle des frontières extérieures, c’est une évidence. Nous appuyons également la création d’un corps de garde-frontières et de garde-côtes, un projet que nous avions déjà évoqué au Sénat voilà quelques années.
Mais peut-on continuer à admettre que FRONTEX ne puisse accéder au système d’information Schengen ou intervenir dans un pays tiers pourtant candidat à l’adhésion ? Parallèlement, nous voulons un contrôle systématique des entrées et des sorties de l’espace Schengen, un dispositif qui nous paraît incontournable.
L’Union européenne doit mener un combat résolu contre les passeurs. La coopération des pays tiers est aussi indispensable en matière de réadmission et pour agir sur les causes des flux migratoires.
Une mission d’information travaille sur l’accord avec la Turquie. Nous devons être vigilants. A-t-on bien évalué la portée de la libéralisation du régime des visas ? On nous dit que 5 critères resteraient à satisfaire sur les 72 exigés. Or le président turc a d’ores et déjà écarté celui portant sur la révision de la loi de lutte contre le terrorisme. L’Europe doit, je le répète, rester ferme sur ses valeurs. C’est aussi dans la durée que nous attendons des résultats concrets.
Enfin, la Commission européenne a présenté ses recommandations dans le cadre du semestre européen, dont Fabienne Keller et François Marc nous rendent compte régulièrement. Les déficits espagnol et portugais demeurent préoccupants. La Grèce va bénéficier d’une enveloppe de 10,3 milliards d’euros débloquée par le mécanisme européen de stabilité. Il faut y voir le signe d’une reconnaissance de l’engagement grec sur la voie des réformes, un chemin encore long et difficile sur lequel nos amis grecs ne doivent pas s’arrêter. La situation demeure toutefois fragile. La présidente Michèle André, le rapporteur général Albéric de Montgolfier, notre collègue Simon Sutour et moi-même restons particulièrement vigilants sur ce sujet.
Concernant la France, la Commission souligne l’objectif d’une correction durable du déficit excessif en 2017, celui de pérenniser les mesures de réduction du coût de travail, de réduire les impôts sur la production et le taux nominal de l’impôt sur les sociétés, ou encore de promouvoir les accords d’entreprise en concertation avec les partenaires sociaux. Autant de défis que notre pays devra finir par relever ! Au-delà, on voit bien les trop grandes divergences entre nos économies. C’est aussi le manque d’harmonisation fiscale et sociale qui doit être souligné, un sujet particulièrement délicat qui explique aussi que nos amis d’outre-Rhin commencent à douter de la confiance qu’ils peuvent avoir en notre pays.
Pour finir, je veux évoquer trois sujets d’une grande actualité.
L’Union européenne s’apprête à prolonger les sanctions contre la Russie. Le Sénat a pourtant appelé tout récemment à un allégement progressif et partiel de ces sanctions, en particulier des sanctions économiques, en liant cet allégement à des progrès significatifs et ciblés dans la mise en œuvre des accords de Minsk. Nous invitons le Gouvernement à agir dans le sens préconisé par la résolution du Sénat, relativement équilibrée, qui invite à rétablir un contact et un dialogue avec le partenaire russe.
Deuxième sujet : le président Juncker va demander aux États membres de reconfirmer le mandat de la Commission européenne pour la négociation du traité transatlantique.
Ce projet ne peut être bénéfique que s’il est bien négocié, c’est-à-dire s’il est équilibré. L’Union doit rester ferme sur ses intérêts, en particulier l’ouverture des marchés publics et la protection de ses indications géographiques.
Enfin, dernier sujet que je souhaitais évoquer, le Conseil européen devrait débattre de la coopération avec l’OTAN. Nous demandons, au Sénat, un débat stratégique pour définir une vision à long terme de l’avenir de la politique de sécurité et de défense commune.
Les États de l’Union européenne également membres de l’OTAN doivent veiller, lors du prochain sommet de Varsovie, à la cohérence des stratégies respectives de l’Union et de l’Organisation atlantique. C’est aussi l’un des messages qu’avec quelques collègues, nous avons porté à nos homologues polonais la semaine passée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord me réjouir de la très grande convergence de vue sur un premier point : le souhait que le référendum, qui va se tenir au Royaume-Uni, permette de confirmer le maintien de ce pays dans l’Union européenne.
Par-delà les différences qui se sont exprimées sur une multitude de sujets, il y a là l’expression d’un souhait que le Parlement, le Gouvernement et nos compatriotes partagent très largement.
Cela tient d’abord à l’amitié qui nous lie au Royaume-Uni – Éric Bocquet, en tant que président du groupe d’amitié, l’a rappelé –, mais aussi à notre conception de l’unité européenne et de la solidarité entre les grandes démocraties et des pays qui veulent partager un destin en commun et une certaine conception de la cohésion sociale. Cela a été mentionné dans beaucoup d’interventions.
Nous partageons aussi, avec ce pays, l’idée de démocratie et de liberté. Beaucoup d’entre vous l’ont évoqué, en faisant part de notre émotion et de notre condamnation à la suite de l’assassinat de la députée Jo Cox.
Je vais maintenant essayer d’apporter des réponses à des éléments que les uns et les autres ont pu mettre en avant.
Éric Bocquet a insisté sur l’idée que la tenue d’un référendum sur l’appartenance, ou non, à l’Union peut être vue comme l’un des symptômes d’une crise européenne.
Plusieurs intervenants ont aussi mentionné des votes intervenus dans d’autres pays, que ce soit à propos de l’accord d’association avec l’Ukraine – je pense aux Pays-Bas – ou lors de l’élection présidentielle en Autriche, où un candidat antieuropéen et populiste a rassemblé près de 50 % des voix. Certes, ce candidat a finalement été battu…
Cela nous rappelle que, même dans des pays où il n’y a pas de crise économique, des formes de contestation mettent en jeu les valeurs mêmes sur lesquelles nous avons construit l’Union européenne.
Mais Éric Bocquet a aussi voulu insister sur les effets de la crise dans des pays qui avaient été très durement impactés, en particulier la Grèce. Il a invoqué la nécessaire coopération sur laquelle devait être fondée l’Union européenne.
Le Premier ministre était en Grèce il y a deux semaines et j’ai eu l’occasion de l’accompagner. Nous avons alors pu, avec le Premier ministre Alexis Tsipras, faire précisément le point sur la solidarité européenne.
Je rappelle que nous venons de franchir des étapes très importantes.
Cette semaine même, une nouvelle tranche d’aide de 10,3 milliards d’euros – cela vient d’être rappelé par le président Jean Bizet – va être débloquée et une première part, d’un montant de 7,5 milliards d’euros, va être décaissée dès maintenant.
Par ailleurs, après la revue de la situation en Grèce, qui vient de s’achever, la négociation sur la dette est ouverte. Cela est très important. C’était la demande principale du gouvernement grec, afin que les conséquences de l’endettement passé et de la crise économique ne pèsent pas, à l’infini, sur l’avenir de ce pays et qu’un redressement soit possible.
Cette négociation sur la dette va porter sur toute une série d’éléments, qui doivent permettre d’alléger, à terme, son poids.
D’abord, les ministres des finances se sont accordés sur des mesures, à court terme, de lissage et de réduction des taux de remboursement des crédits du fonds européen de stabilité financière et du mécanisme européen de stabilité.
L’ensemble des mesures envisagées à moyen et long termes, qui n’interviendront qu’à l’issue du troisième programme, en 2018, doit permettre de traiter l’allongement des durées d’amortissement, des périodes de grâce et des remboursements d’intérêts.
Enfin, à long terme, un mécanisme d’urgence pourra être mis en place, en cas de creusement massif de la dette. Cela permettrait de prévoir le reprofilage et le plafonnement, voire le report des remboursements.
L’idée est donc de disposer, d’ores et déjà, d’un travail sur la soutenabilité de la dette grecque. Il s’agit ainsi de faire en sorte qu’à l’issue de toutes les mesures de réforme prises actuellement en Grèce, le poids de la dette n’entrave pas la reprise. Je rappelle que ces diverses mesures ont pour objectif de sortir de l’endettement et des déficits du passé et de redonner au pays vigueur et croissance économiques, en particulier par le retour des investissements.
C’est bien l’esprit dans lequel nous travaillons depuis la décision historique, qui a été prise l’été dernier avec – vous le savez – un rôle majeur du Président de la République au sein du Conseil européen.
Nous voulions ainsi faire en sorte que la Grèce puisse rester dans l’euro – c’était son choix ! –, que l’intégrité de la zone euro soit préservée, mais que la Grèce soit aussi aidée à sortir de la crise.
Monsieur le sénateur, vous avez également évoqué la solidarité avec la Grèce dans la crise des migrants.
La France, vous le savez, a mis à disposition de l’agence FRONTEX en Grèce et du bureau européen d’appui à l’asile des moyens humains, pour aider le pays dans la mise en œuvre de l’accord avec la Turquie, mais aussi dans le processus de relocalisation des réfugiés qui étaient déjà en Grèce avant l’accord avec la Turquie.
Les 54 000 personnes, que j’ai évoquées, doivent en effet pouvoir, pour celles qui relèvent de l’asile, être accueillies et relocalisées dans d’autres pays de l’Union européenne.
Cela suppose évidemment que le service de traitement des demandes d’asile en Grèce soit renforcé par des personnes qualifiées. C’est pourquoi nous envoyons, en particulier, des agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, mais aussi, pour FRONTEX, des policiers et des douaniers, qui aident à la reconduite de ceux qui n’ont pas vocation à rester en Grèce.
Par ailleurs, la libéralisation des visas, qui fait partie de l’accord avec la Turquie, comme cela a été rappelé par le sénateur Bocquet et d’autres orateurs, notamment le président Bizet, est évidemment liée à l’application des 72 critères.
Aujourd’hui, plusieurs de ces critères ne sont pas remplis et il faut donc, pour mettre en œuvre cette libéralisation des visas, que la Turquie continue d’adopter un certain nombre de réformes.
Nous avons ajouté une autre condition, propre à l’Union européenne : l’adoption de la réforme de la clause de sauvegarde, qui doit pouvoir être activée très rapidement, dans le cas où un problème migratoire apparaîtrait à la suite de cette libéralisation.
Gisèle Jourda a évoqué, comme plusieurs autres intervenants, une sorte de refondation du pacte européen, qui doit à la fois porter sur des questions de sécurité, liées à l’urgence, mais aussi sur des sujets de convergence économique, sociale et fiscale et de soutien à l’économie réelle. Je pense, en particulier, aux investissements liés à la transition écologique dans le prolongement de la COP21.
Tout cela exprime effectivement ce que doivent être nos priorités en faveur d’une relance du projet européen, quel que soit le résultat du référendum.
Je pourrais d’ailleurs reprendre, mot pour mot, ce qui a été dit par les différents intervenants, en particulier par Gisèle Jourda ou Éric Bocquet, en ce qui concerne la nécessité de rapprocher davantage les économies de l’Union européenne.
André Gattolin a également insisté sur l’idée de feuille de route : on ne doit pas simplement répondre aux urgences, réagir à un référendum – même si l’on souhaite ardemment un certain résultat –, on doit aussi fixer une orientation pour l’avenir de l’Europe.
Cela constitue aussi une condition, dans ce monde troublé, pour ressouder les citoyens et leur redonner confiance dans le projet européen.
Certains États ont certes une responsabilité particulière. Vous avez ainsi mentionné plusieurs membres fondateurs, ainsi qu’un État, qui a rejoint l’Union et joue un rôle très actif, au cœur de l’ensemble des politiques européennes.
Pour autant, cela ne peut pas être exclusif !
La France et l’Allemagne, qui sont souvent le moteur des initiatives européennes, ont un rôle et une responsabilité, du fait de leur poids et de leur implication dans la réconciliation européenne après la guerre.
Mais, encore une fois, je ne crois pas que nous devions être exclusifs. Nous devons proposer, à tous ceux qui le souhaitent, d’avancer ensemble.
Oui, certains pays sont plus petits, d’autres plus grands, mais c’est l’honneur et la force de l’Union européenne de faire une place à chacun et de respecter le rôle et la contribution de tous.
D’autres pays que les quatre que vous avez mentionnés jouent un rôle incontestablement très important depuis le début de la construction européenne. Je pense en particulier à ceux du Benelux.
Vous avez cité l’Espagne. Je crois que des pays qui ont rejoint l’Union européenne après sa création ont aussi vocation, dans la mesure où ils le souhaitent, à participer aux futures avancées que nous souhaitons pour l’Union européenne. Ils sont venus volontairement, souvent en renversant une dictature et en faisant le choix de la démocratie et de la liberté. Cela a par exemple été le cas avec l’élargissement de 2004 pour les pays de l’ancien Pacte de Varsovie.
Nous devons proposer à tous des avancées dans le domaine de la sécurité de nos frontières extérieures et de notre capacité de projeter de la stabilité hors de l’Union européenne, ce qui pose la question des nouvelles avancées dans le domaine de l’Europe de la défense.
Nous devons aussi proposer à tous une plus grande intégration économique et une harmonisation sociale et fiscale.
Viendront ceux qui le voudront, ceux qui souhaiteront ces nouvelles percées de la construction européenne !
Pour autant, je vous rejoins sur le fait qu’il ne faut pas s’interdire la possibilité d’une différenciation. Si certains ne veulent pas aller de l’avant et mettre en œuvre de nouvelles politiques communes, ils ne peuvent pas empêcher ceux qui le veulent de le faire, pourvu que nous soyons suffisamment nombreux et dynamiques pour porter ces avancées.
C’est ainsi que sont nés l’euro, Schengen et beaucoup de politiques communes.
Mais ce n’est pas à nous d’écarter a priori certains États membres en fonction de l’histoire ou de leur taille. Je voulais faire cette précision, qui me semble importante.
Il est évident que, par respect pour les citoyens britanniques, nous devons attendre le résultat du référendum, mais, quel qu’il soit, on ne peut pas suspendre indéfiniment la nécessité pour l’Europe de mieux répondre aux urgences et aux crises.
Dans tous les cas, nous souhaitons que l’appel et les initiatives, que nous pourrions être amenés à lancer au lendemain du référendum, puissent rassembler très largement, y compris au-delà des seuls États fondateurs de l’Union européenne.
Jacques Mézard a aussi insisté sur la responsabilité qui est la nôtre d’appeler à une relance.
En tant que président du groupe d’amitié France-Turquie et vice-président du groupe d’amitié France-Russie, il a également évoqué les relations avec ces deux pays. Il a eu raison de rappeler que, même si nous avons un dialogue qui porte sur des sujets très difficiles avec la Turquie et que nos modèles politiques ne sont pas les mêmes, elle constitue un partenaire et un grand voisin.
Dans la crise syrienne et dans celle des réfugiés, elle assume des charges et des responsabilités, que nous devons reconnaître, en particulier l’accueil de plus de 2,5 millions de réfugiés.
Jacques Mézard et de nombreux orateurs ont aussi parlé de la question des sanctions à l’égard de la Russie.
En réponse à Yves Pozzo di Borgo, je souhaite préciser que le Gouvernement, qui a émis un avis de sagesse lors de la discussion, au Sénat, sur la proposition de résolution, a bien pris note du texte qui a finalement été adopté. Nous la prenons pleinement en compte.
Comme cela a déjà été dit, elle appelle au respect des accords de Minsk et à une levée ou un allégement des sanctions en lien avec le respect des accords. Nous sommes totalement en phase avec ce point de vue. C’est d’ailleurs celui que j’avais exprimé au nom du Gouvernement.
Si les sanctions ont été reconduites pour six mois, c’est précisément parce que nous voulons les utiliser comme un levier pour le respect de ces accords.
Sachez que nous dialoguons avec la Russie, ce qui est très important, non seulement sur le dossier ukrainien dans le cadre du format « Normandie », mais aussi dans beaucoup d’autres grandes crises internationales.
Je pense, par exemple, à l’accord sur l’Iran, aux discussions qui peuvent avoir lieu sur la Syrie ou aux négociations sur le conflit du Haut-Karabagh. Je rappelle, à ce sujet, que la France est coprésidente, avec la Russie et les États-Unis, du groupe de Minsk, qui est chargé de la médiation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Le dialogue doit permettre de faire avancer le respect du droit international, ainsi que la résolution pacifique et diplomatique des conflits. Les sanctions ne sont qu’un instrument, certainement pas une fin en soi.
En tout état de cause, nous sommes très attentifs à la résolution adoptée par le Sénat et aux positions qui ont pu être exprimées à l’occasion de son examen.
Pascal Allizard, qui a également évoqué cette question, a aussi soulevé la question des relations entre l’Union européenne et l’OTAN. Effectivement, le Conseil européen tiendra un débat sur ce sujet, en présence du secrétaire général de l’OTAN.
Ces relations sont évidemment importantes, puisque la plupart des États membres de l’Union européenne sont aussi membres de l’OTAN. Il ne peut donc pas y avoir de contradiction entre le rôle joué par cette organisation et la politique de défense que nous voulons voir déployer par l’Union européenne.
Il existe tout de même une particularité et des responsabilités, qui sont spécifiques à l’Union européenne.
En effet, dans un monde qui va mal, dans une Europe bousculée – pour reprendre l’expression utilisée par Pascal Allizard –, une grande partie des crises qui environnent l’Union ne seront pas traitées par d’autres.
Personne ne viendra régler à notre place les différents problèmes auxquels nous sommes confrontés : les relations avec la Russie et le conflit entre l’Ukraine et la Russie, qui a un impact direct sur notre sécurité ; la situation en Méditerranée, en Libye ou en Syrie.
C’est pourquoi nous pensons qu’il faut que l’Union européenne développe davantage ses propres capacités et responsabilités, en particulier en ce qui concerne ce qu’on peut appeler la projection de la stabilité ou en matière de politique de sécurité extérieure et de défense.
C’est l’un des enjeux des discussions qui ont eu lieu entre les ministres de la défense et des affaires étrangères. Le Conseil européen va s’en saisir, en débattant de la stratégie globale de sécurité. Une telle stratégie existait bien, mais l’environnement a été complètement bouleversé ces dernières années.
Nous souhaitons qu’au cœur de cette stratégie globale de sécurité, des avancées substantielles aient lieu pour l’Europe de la défense. Je pense, par exemple, au domaine industriel – cela a été dit –, à celui du financement d’un certain nombre de programmes de recherche, mais aussi à la capacité de projection rapide de l’Union européenne et de prise en charge, par elle-même, de ses enjeux de sécurité et de défense.
En tant que vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Jacques Gautier a évoqué ces sujets.
Il a aussi insisté sur la nécessité de travailler à des solutions politiques en Syrie et en Libye. Je l’ai moi-même évoqué à propos du soutien que nous apportons au gouvernement d’entente nationale en Libye et je crois avoir répondu à ses remarques concernant l’allégement des sanctions et le nécessaire dialogue avec la Russie.
Le rapporteur général de la commission des finances, Albéric de Montgolfier, a évidemment insisté sur les conséquences économiques d’un Brexit. Elles seront très négatives !
Certes, les évaluations sont difficiles à faire, mais des études diverses vont toutes dans le même sens, qu’elles aient été produites par l’OCDE, le FMI, la banque centrale britannique ou d’autres organismes économiques de ce pays. On peut naturellement discuter des chiffres, mais pas du fait que cela aura un impact négatif et rendra beaucoup plus compliquées les relations économiques entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Je ne veux pas aller plus avant à ce stade, parce qu’encore une fois, c’est aux citoyens britanniques de se prononcer, mais nous avons aussi un devoir de vérité et d’amitié. Pour toutes sortes de raisons, qui ne sont pas seulement économiques, nous souhaitons que le Royaume-Uni reste membre de l’Union européenne, au milieu de ses alliés dans cette grande communauté démocratique, mais nous devons aussi dire qu’une sortie de l’Union européenne aura des conséquences et que cela ne serait évidemment pas très favorable sur le plan économique.
Le rapporteur général a aussi évoqué le plan Juncker, sur lequel il y a eu des avancées. La première phase de mise en œuvre du plan a été tout à fait positive, en particulier du point de vue des investissements.
Nous souhaitons donc, comme le rapporteur général, que le plan puisse être étendu. Nous ne sommes pas absolument certains que cela nécessite une modification du cadre financier pluriannuel, puisque c’est la question qui était posée, mais le sujet sera évidemment débattu, notamment avec le Parlement européen.
Le mécanisme de garantie sur le budget de l’Union européenne est certes un peu complexe sur le plan technique, mais il permet à la Banque européenne d’investissement de prendre davantage de risques et de soutenir plus de projets novateurs, en particulier dans le domaine de l’énergie, du numérique, des infrastructures ou de l’industrie. Je rappelle que 45 % des projets soutenus par le plan concernent la transition énergétique.
Tout cela a très bien fonctionné, sans mettre en danger le budget de l’Union européenne. Nous pensons donc qu’on doit pouvoir prolonger ce mécanisme, sans avoir à modifier les équilibres budgétaires.
Enfin, le rapporteur général a souhaité m’interroger sur la retenue à la source. Vous le savez, c’est un projet du Gouvernement, qui est déterminé à le mettre en place rapidement. Le dispositif devrait être adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, avec une entrée en vigueur en 2018.
Le fait que la recommandation de la Commission le mentionne nous conforte dans notre volonté et ne représente, en rien, une gêne. Le calendrier prévu est ambitieux, mais réaliste. Les articles du projet de loi de finances pour 2017 concernant le prélèvement à la source sont, en ce moment même, examinés par le Conseil d’État et seront transmis au Parlement avant la suspension des travaux cet été.
Enfin, monsieur le président Jean Bizet, vous avez voulu, d’une certaine manière, ramasser l’ensemble des interventions.
Vous avez notamment insisté sur le contrôle des frontières extérieures, tant pour les entrées que pour les sorties, et sur le renforcement des moyens destinés à l’agence FRONTEX. Vous avez précisé qu’il s’agissait d’une condition de la crédibilité et de la confiance des citoyens dans le projet européen.
L’Europe doit maintenir l’acquis de Schengen et la liberté de circulation en son sein. Elle doit être capable de continuer à être une terre d’asile pour ceux que nous pouvons accueillir, mais elle doit aussi être une terre de sécurité et faire la démonstration que ce n’est pas en se repliant sur les frontières nationales que nous assurerons mieux la sécurité de nos citoyens et des États membres. Vous avez également eu raison d’insister sur les critères vis-à-vis de la Turquie.
Il est vrai que l’objectif économique de convergence et d’harmonisation fiscale et sociale peut également se décliner pour la France et l’Allemagne. D’ailleurs, je ne crois pas qu’il y ait de doutes, du côté allemand, sur le fait que nous sommes en voie de travailler à cette harmonisation.
À mon avis, c’est un domaine dans lequel nous pouvons avancer plus vite que l’Union européenne. En effet, nos deux économies sont très imbriquées et l’Allemagne a un modèle social élevé, un peu différent du nôtre dans certains domaines, mais finalement très comparable. Rapprocher les prélèvements fiscaux et sociaux ne met donc pas en danger le financement de la solidarité et de notre modèle social.
C’est aussi une façon pour nos deux pays de jouer un rôle moteur dans la construction européenne.
Monsieur le président Bizet, vous avez également rappelé les positions du Sénat vis-à-vis des relations avec la Russie. Je n’y reviens pas.
En conclusion, mesdames et messieurs les sénateurs, nous sommes dans un moment où le temps suspend son vol…
Dans 48 heures, une décision aura été prise par un État membre, à travers le vote de ses citoyens. Même si nous le l’avons pas souhaité, nous respectons profondément le choix souverain du Premier ministre britannique. Il a saisi les citoyens de son pays, qui s’exprimeront sur l’avenir du Royaume-Uni et de ses relations avec l’Union européenne. Je le dis, nous souhaitons que ce choix soit celui du maintien.
Au-delà de ce choix, et en souhaitant que nous pourrons le faire à 28, l’Union européenne devra avancer et je suis persuadé que c’est sur les sujets que vous avez évoqués qu’elle devra apporter la preuve qu’elle en est capable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. le président de la commission des affaires européennes applaudit également.)
Débat interactif et spontané
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.
Je vous rappelle que chaque sénateur peut intervenir pendant deux minutes au maximum. La commission des affaires européennes ou le Gouvernement, s’ils sont sollicités, pourront répondre.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. L’Union européenne prévoit une coopération plus étroite avec le gouvernement libyen. Elle a ainsi annoncé que l’opération Sophia serait prolongée, que la coopération avec les garde-côtes de ce pays serait renforcée et que l’échange d’informations sur les trajectoires empruntées par les bateaux et la formation de forces locales seraient facilités.
Pourtant, selon un rapport récemment publié par Amnesty International, des milliers de personnes sont détenues, pour une durée indéterminée, dans des conditions préoccupantes.
Première question, monsieur le secrétaire d’État : la France est-elle au courant de cette situation ? Quelles sont les mesures que pourrait prendre le Conseil européen pour lutter contre de telles conditions de détention en Libye ? La France entend-elle jouer un rôle pour que les réfugiés soient traités humainement ?
Ma seconde question, qui n’est pas à l’ordre du jour du prochain Conseil européen, porte sur la ratification de l’accord de Paris.
Le conseil des ministres de l’environnement du 20 juin 2016 a émis un signal positif quant à une ratification aussi rapide que possible par l’ensemble des 28 États membres de l’accord de Paris, ce qui constitue un passage obligé avant l’adoption par l’Union européenne elle-même.
Les pays membres sont cependant partagés entre ceux qui, comme la France, sont engagés dans une ratification rapide de l’accord, ceux qui, comme l’Allemagne, entendent le ratifier avant la fin de l’année, et les plus réticents – la République tchèque, la Roumanie, la Slovénie, la Bulgarie et la Croatie.
Pensez-vous que ce sujet, extrêmement important pour l’Europe et l’avenir de notre planète, pourra être discuté lors d’un prochain Conseil européen et qu’une solution consensuelle pourra être trouvée pour permettre à l’Union européenne de ratifier rapidement cet accord ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur Roland Courteau, l’opération EUNAVFOR MED Sophia, qui se déroule au large des côtes libyennes, passe en effet à une nouvelle phase, avec la possibilité de saisir les bateaux identifiés comme participant à un trafic d’armes.
Elle inclura aussi une coopération avec les autorités libyennes, celles du gouvernement d’entente nationale reconnu par la communauté internationale, en matière de formation des garde-côtes. L’objectif est de lutter contre les trafics d’armes, qui peuvent alimenter des factions rivales, et ceux d’êtres humains, qui provoquent des migrations irrégulières et, surtout, des naufrages et des milliers de morts dans cette partie de la Méditerranée.
Il est exact, de nombreux témoignages l’attestent, que ces trafiquants d’êtres humains traitent les migrants de manière épouvantable.
Cela ne concerne d’ailleurs pas seulement la Libye, mais aussi les pays voisins, d’où est organisée la traversée du désert. Ainsi, dans le nord du Niger, on a récemment découvert plusieurs dizaines de corps ; ces hommes, femmes et enfants, abandonnés par les passeurs, sont morts de soif !
Des réfugiés secourus en mer et des organisations non gouvernementales, qui leur prêtent assistance, ont aussi fait état de très mauvais traitements dans les camps en Libye.
Le combat contre ce trafic doit être impitoyable. Et c’est notamment pour cela que nous voulons aider le gouvernement d’entente nationale à reprendre le contrôle et à assumer sa souveraineté sur l’ensemble du territoire libyen.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Le prochain sommet de l’OTAN se tiendra à Varsovie début juillet. La défense européenne est devenue une nécessité face à la situation internationale.
Les moyens financiers supplémentaires décidés depuis le sommet du Pays de Galles en 2014 restent insuffisants face aux immenses défis qui se présentent.
Certes, Daech recule, mais les événements tragiques d’Orlando et de Magnanville rappellent que la menace terroriste est permanente.
En Ukraine, la crise perdure. La Lituanie, la Lettonie, la Pologne et la Roumanie ont considérablement augmenté leurs budgets militaires face aux provocations de la Russie.
Pour répondre à ces nombreux défis, l’Europe a besoin de renforcer son alliance avec l’OTAN. Cette coopération doit s’inscrire de façon durable, le paysage stratégique actuel n’annonçant aucune embellie.
Il est temps de construire l’Europe de la défense dont nous avons besoin. Une position stratégique commune aux 28 pays membres de l’Union européenne est donc nécessaire.
Monsieur le secrétaire d’État, le rétablissement d’un climat de confiance avec la Russie est-il en bonne voie ? Comment la France compte-t-elle réagir sur le dossier ukrainien ? Enfin, quelle orientation souhaitez-vous donner à l’alliance avec l’OTAN ?
Par ailleurs, il est indéniable que la crise migratoire est l’une des causes du Brexit. Elle a bouleversé les consciences en Europe par son flux ininterrompu. L’Allemagne a traité un million de demandes d’asile ; la France, quant à elle, a accueilli 10 000 Syriens.
Dans les pays nordiques comme la Suède, les Pays-Bas et l’Allemagne, les réfugiés bénéficient de protections humanitaires immédiates et durables, mais la situation est bien différente en Italie et en Grèce. Pour une meilleure gestion humaine des flux migratoires en Europe, nous devons épauler ces deux pays, comme vous l’avez rappelé.
Monsieur le secrétaire d’État, au début de votre intervention, vous parliez de relocalisation. Or nous sommes très loin de tenir nos engagements : nous avons relocalisé 283 réfugiés au 7 mars, pour un engagement de 30 000 d’ici à la fin de 2017 !
À l’heure où l’Europe a besoin d’un second souffle, un projet de renforcement des frontières est-il en cours ? Qu’en est-il des moyens à mettre en œuvre pour accroître les interventions en mer et améliorer la lutte contre les passeurs ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur Guerriau, vous avez soulevé tellement de questions qu’il me sera difficile de répondre à toutes.
Je commencerai par le dernier point que vous avez abordé. S’agissant des relocalisations depuis la Grèce et l’Italie, j’ai rappelé que nous étions le premier pays, et les chiffres sont plus importants que ceux que vous avez donnés. Plus précisément, depuis la Grèce, 554 réfugiés ont été relocalisés, et plus de 180 depuis l’Italie. Concernant ces deux pays, je le répète, nous sommes de loin le premier pays. Le programme a mis du temps à démarrer, car, comme je l’ai dit tout à l’heure, il a fallu aider le service d’asile de la Grèce à traiter les demandes et à faire des contrôles de sécurité pour chacune des personnes susceptibles d’être accueillies, compte tenu du risque terroriste.
Nous montrons que nous respectons les engagements pris avec la Grèce. C’est une exigence majeure pour notre pays.
Par ailleurs, nous procédons à des réinstallations depuis la Jordanie, le Liban et la Turquie, en lien avec le Haut-Commissariat aux réfugiés, le HCR. Il s’agit là d’une responsabilité internationale, qui dépasse le cadre de l’Union européenne. Ainsi, le Canada, l’Australie, les États-Unis, bref, toutes les grandes démocraties doivent accepter d’accueillir une partie des réfugiés syriens, même si, comme certains orateurs l’ont précisé, la plupart de ces réfugiés restent dans les pays limitrophes, en Turquie, en Jordanie et au Liban, car tel est leur souhait. Ils espèrent ainsi pouvoir revenir le plus vite possible dans leur pays.
Concernant l’Europe de la défense et l’OTAN, je ne pourrai pas vous répondre aussi complètement, monsieur le sénateur, mais je veux cependant insister sur un point. Pour nous, il importe que, dans la stratégie globale de sécurité – mon collègue ministre de la défense est intervenu en ce sens dans plusieurs réunions du Conseil –, l’aspect « politique de défense » soit mis en avant et fasse l’objet des engagements les plus complets. J’y reviendrai si d’autres questions m’en donnent l’occasion.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le secrétaire d’État, nous avons eu, voilà quelques jours, dans cet hémicycle, un débat concernant l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada. Ce dernier devrait être signé à l’occasion d’un sommet Union européenne-Canada fin octobre. Pourtant de nombreuses questions demeurent, dont la principale : s’agit-il bien d’un accord mixte ?
Nous avons pu voir que la direction générale commerce de la Commission européenne n’est pas favorable à la mixité. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que, au contraire, le gouvernement français considère que cet important accord ne peut être considéré comme un simple accord européen. Si tel était le cas, vous avez déclaré vouloir vous y opposer.
Pouvez-vous nous préciser quelles sont aujourd’hui les forces capables de peser en faveur d’une ratification mixte ?
Par ailleurs, il nous semble que la nature de cet accord exige de la Commission ou, à défaut, du Gouvernement, la plus grande transparence sur les tractations en cours sous couvert de toilettage juridique. Nous souhaitons vivement être destinataires d’un maximum d’informations sur ce qui se discute et se négocie encore, ainsi que sur les positions respectives de ceux qui se trouvent assis à la table des négociations.
En effet, nous craignons vraiment que ne soient prises à l’insu des parlementaires, des élus et des citoyens des décisions qui auraient une influence considérable sur leur vie, mais qui n’auraient jamais été débattues avec eux auparavant, et ce alors même qu’aucune traduction officielle en français du texte de l’accord n’a été publiée par la Commission.
Que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d’État, pour assurer cette nécessaire transparence ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous avez raison, il y a débat actuellement entre les États membres et la Commission sur le caractère mixte ou non de l’accord CETA avec le Canada. Ce point est très important : s’il s’agit d’un accord mixte, il devra être ratifié par les parlements nationaux, alors que s’il n’est pas reconnu comme tel, c’est-à-dire s’il est considéré comme un accord de commerce sans incidence importante sur les législations internes des États membres, il n’aura à être ratifié que par le Parlement européen.
La position de France est toujours la même : nous estimons que c’est un accord mixte. Aujourd’hui, différentes analyses sont en cours pour tenter de débrouiller cette différence d’appréciation.
Je précise que nous soutenons le CETA, ce qui n’est pas le cas de tout le monde, car nous pensons avoir obtenu beaucoup de choses que nous voudrions voir dans d’autres accords : la protection des indications géographiques, un système de règlement des différends qui ne relève pas de l’arbitrage privé,…
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très juste !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. … un équilibre entre les ouvertures réciproques de marchés, la protection des services publics.
Pour autant, nous estimons qu’il doit être discuté dans les parlements nationaux et qu’on ne peut pas avancer dans la politique commerciale de l’Union européenne sans associer largement toutes les parties prenantes, c’est-à-dire les sociétés civiles, les acteurs économiques, sociaux, et, évidemment, les parlements, qui représentent les citoyens.
Par conséquent, nous continuerons à défendre notre position sur le caractère mixte non seulement du CETA, mais aussi d’autres accords qui sont en cours de négociation, en particulier le TTIP. Les parlements nationaux concernés doivent donc pouvoir être consultés.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Monsieur le secrétaire d’État, j’aurais pu à mon tour vous interroger sur la question migratoire, qui sera un sujet essentiel du prochain Conseil, mais je voudrais revenir sur la « mère de toutes les batailles », qui s’inscrit dans la durée : je veux parler de l’action en faveur de la croissance et de l’emploi.
Le niveau d’investissement dans les États européens n’ayant cessé de décliner depuis 2007, la Commission a adopté en juin 2015 le plan Juncker, qui a pour objectif de stimuler l’économie en soutenant les projets ayant des difficultés de financement au regard des risques qu’ils représentent.
Après un an de mise en œuvre, selon ce que l’on veut bien regarder, on peut dire que le verre est à moitié plein ou à moitié vide.
Bien qu’ambitieux, ce plan ne sera vraisemblablement pas en mesure de combler le retard accumulé en matière d’investissement d’ici à sa fin programmée, en 2017.
La France souhaitait et souhaite toujours que ce plan soit créateur d’emplois, qu’il permette la transition écologique et, surtout, qu’il contribue à la cohésion de l’Union européenne. Malgré les avancées, ces attentes ne sont pas toutes satisfaites, et les récents résultats communiqués par la Commission montrent que le plan ne bénéficie pas à tous de la même manière.
Si l’on peut se féliciter que l’ouest de l’Europe en bénéficie largement – en premier lieu la France : sur 249 projets, 17 ont été retenus en France, pour près de 7 milliards d’euros d’investissements –, tel n’est pas le cas pour l’Europe de l’Est ni pour Chypre ou Malte.
Le plan Juncker doit donc davantage s’imposer à l’Est, quand bien même les investisseurs privés y sont moins présents. Il est du devoir de l’Union de fournir une aide renforcée aux pays ayant moins de capacités techniques pour monter des projets, afin d’éviter que le Fonds européen d’investissement stratégique ne profite de façon disproportionnée à certains pays ou à certaines régions.
Même s’il est évident que les institutions ont comme priorité la croissance, nous devons nous interroger pour savoir si ce plan peut ou doit être prorogé. J’aimerais avoir la position du Gouvernement sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, effectivement, l’un des objectifs du plan Juncker est de contribuer à combler le retard d’investissement pris au sein de l’Union européenne depuis la crise de 2008. Aujourd’hui, nous restons encore en deçà du niveau de cette époque.
Évidemment, la reprise va aider les entreprises, qui ont plus confiance en l’avenir et qui ont reconstitué des marges. C’est le cas en France en particulier, et ce constat n’est pas sans lien avec les réformes qui ont été menées : le crédit d’impôt compétitivité emploi, le pacte de compétitivité, le plan de soutien aux PME.
Les entreprises vont investir davantage, mais il faut aussi essayer d’encourager les investissements au niveau européen, en particulier dans les domaines qui vont accroître le potentiel de croissance future de l’Union européenne : la transition énergétique, le numérique, l’innovation. Cela peut concerner des investissements publics comme des investissements privés, même si l’essentiel du plan Juncker est orienté vers le privé.
Cependant, dans certains cas, il peut s’agir de soutenir l’investissement dans de grandes infrastructures avec des financements mixtes, comme pour l’équipement d’une région avec le très haut débit. Le plan Juncker soutient un projet de cette nature pour la région Alsace et un autre pour la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
Nous espérons également voir un autre de nos projets soutenu : la liaison Charles-de-Gaulle Express. Un tel investissement public, bien dessiné, est aussi de nature à contribuer à la croissance.
Il y a néanmoins beaucoup de soutien à des entreprises et à des projets privés.
Si la France bénéficie tout particulièrement du plan Juncker, c’est parce que nous nous sommes très bien organisés pour cela, avec, en particulier, le Commissariat général à l’investissement, qui a l’expertise sur les prêts d’amorçage investissement, mais aussi la Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance.
Nous sommes prêts à partager ce savoir-faire pour aider les porteurs de projets à défendre ceux-ci devant la Banque européenne d’investissement et le Fonds européen d’investissement stratégique. Ainsi, demain, à Chypre, dans l’est de l’Europe ou dans d’autres parties du continent, tout le monde pourrait bénéficier pleinement, comme en France, du plan Juncker.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur la gouvernance européenne, et notamment sur le respect du pacte de stabilité et de croissance, adopté en 2011, qui impose à l’Union européenne d’engager une procédure, éventuellement assortie de sanctions, lorsqu’un État connaît des déséquilibres macroéconomiques excessifs.
Selon cette règle, le 8 mars dernier, la France s’est vu reprocher par la Commission son niveau de dette publique, qui « continue d’augmenter, alors même que la compétitivité et la productivité ne se redressent pas clairement ». Tout comme la France, l’Italie et le Portugal sont aujourd’hui exposés à l’ouverture d’une procédure d’infraction.
Par ailleurs, depuis 2008, la balance des transactions courantes allemandes est excédentaire de plus de 8 %, soit bien au-dessus de la limite des 6 % prévue par le pacte.
Cette situation, vous le savez, creuse les distorsions de concurrence et handicape encore davantage les pays en difficulté.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire quelle voie de rééquilibrage vous envisagez pour faire face à cette Europe à deux vitesses, où l’Allemagne est exemptée du respect des principes du pacte ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Madame Loisier, vous avez raison, la recherche d’un équilibre ou plutôt la lutte contre les déséquilibres macroéconomiques, financiers, budgétaires, mais aussi commerciaux au sein de l’Union européenne est un objectif de la bonne gouvernance de la zone euro et du pacte de stabilité et de croissance.
Peu de monde l’a remarqué en France, mais la Commission a adressé une recommandation à l’Allemagne pour qu’elle corrige ses excédents commerciaux, que vous avez rappelés, car les excédents excessifs des uns contribuent aux déficits commerciaux excessifs des autres.
Concrètement, l’Allemagne a été encouragée à investir et à augmenter la demande en son sein, de sorte que le reste de la zone euro en bénéficie et que les écarts de compétitivité se réduisent.
Aujourd’hui, un consensus s’est fait jour dans le débat européen. Pour contribuer à de meilleurs équilibres et davantage soutenir la croissance dans toutes les parties de la zone euro, il faut, d’une part, agir sur les réformes.
Nous en avons mené un certain nombre en France, ce qui n’avait pas nécessairement été fait auparavant, sur la compétitivité, le soutien à l’investissement par l’allégement des charges des entreprises et la lutte contre les déficits excessifs à un rythme raisonnable, pour ne pas accentuer l’effet récessif des politiques d’austérité. Ce dernier constat, que partage le FMI, nous a été dicté par l’expérience des pays d’Europe du Sud.
D’autre part, nous devons promouvoir des plans d’investissement, comme je l’ai dit tout à l’heure.
Il faut que tous les pays de la zone euro mènent des politiques qui contribuent à accroître l’investissement, la compétitivité, les réformes, tout en sachant que chacun peut se trouver dans une situation différente à un moment donné et jouer sur différents facteurs.
À l’heure actuelle, effectivement, il faut éviter qu’il n’y ait des déséquilibres commerciaux trop importants entre des pays qui avaient déjà des excédents avant la crise et des pays en train de sortir de la crise.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur un sujet qui ne sera pas à l’ordre du jour du Conseil européen.
Voilà quelques semaines, une campagne marquante de Médecins du monde dénonçait le prix indécent de certains médicaments arrivant sur le marché. C’est le cas des nouveaux traitements anticancéreux ou de ceux destinés à soigner l’hépatite C, qui atteignent aujourd’hui des prix exorbitants.
Le principal danger encouru est qu’à long terme notre assurance maladie ne puisse plus supporter le remboursement de tels traitements, dont doivent pourtant bénéficier des milliers de malades.
De plus, les politiques d’austérité ont fait peser le fardeau financier des traitements sur les citoyens essentiellement. Les foyers espagnols, par exemple, paient leurs médicaments 58 % plus cher aujourd’hui qu’en 2010 ; par ailleurs, 39 % des Portugais ne peuvent plus se payer les médicaments qu’ils achetaient pourtant en 2014.
Ainsi, suivant la loi du marché, les prix des médicaments s’envolent tout à coup au détriment des consommateurs, des malades. Les ministres de la santé, qui étaient réunis à Bruxelles la semaine dernière, ont donc décidé de s’attaquer au problème, mais prudemment…
Le Conseil a ainsi demandé aux autorités de la concurrence de continuer à examiner de près les cas de tarification excessive pour s’assurer que le marché reste sain et compétitif.
De plus, les ministres de la santé ont appelé les États membres à coopérer afin de créer un meilleur accès aux traitements. Ils ont donc été encouragés à explorer les possibilités de négociations communes des prix et à augmenter les échanges d’informations.
Parallèlement, le projet de conclusions initial du Conseil prévoyait de redistribuer une grande partie des bénéfices des médicaments innovants réalisés grâce à des investissements publics dans la recherche aux systèmes de santé publique. Cela « éviterait au contribuable de payer deux fois pour le même produit », était-il souligné dans ce projet.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire quelle a été la position de la France sur ce dossier ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, il y a en Europe des règles de mise sur le marché qui sont communes, dans une certaine mesure. L’Union a bien entendu pour objectif d’assurer un meilleur accès aux médicaments comme aux traitements, mais le domaine du prix des médicaments fait l’objet d’une coordination et non d’une régulation européenne. En d’autres termes, les prix ne sont pas fixés au niveau communautaire, chacun des États membres disposant de particularités qui tiennent aux règles de remboursement du système de sécurité sociale. Chaque pays est libre d’organiser sa protection sociale comme il l’entend.
En France, nous sommes particulièrement attachés à des niveaux de remboursement extrêmement élevés et au mécanisme de tiers payant. Ces dispositifs ne peuvent pas être imposés dans toute l’Union européenne, mais ils impliquent que nous ayons à chaque fois une discussion très serrée avec les laboratoires pour la fixation du prix des médicaments. Comme vous l’avez rappelé, il faut que ce prix, qui doit permettre de rémunérer la recherche et le développement des médicaments, soit compatible avec l’accès aux traitements et ne serve pas uniquement à des fins commerciales ou au financement de campagnes de marketing.
C’est une grande bataille mondiale qui appelle sans doute une convergence entre les pays de l’Union européenne. Nous avons donc défendu l’idée d’une très grande coordination, tout en étant attentifs au respect de la subsidiarité, en vertu duquel le prix du médicament est fixé par chaque État membre pour ce qui le concerne.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours de ce débat, nous avons beaucoup parlé d’euroscepticisme, mais il existe aussi des citoyens et des forces politiques qui défendent l’Europe comme vecteur de droit, de meilleure gouvernance et de croissance.
Je pense aux citoyens des pays des Balkans qui sont candidats à l’adhésion, mais aussi, plus particulièrement aujourd’hui, aux Ukrainiens.
Monsieur le secrétaire d’État, le 4 juillet prochain, il y aura une réunion de l’ensemble des pays des Balkans à Paris. Pouvez-vous me confirmer qu’à ce moment-là, sur les sujets de droit, de justice, d’asile, nous pourrons avoir avec ces pays des discussions qui permettront de faire la démonstration de la dynamique européenne en ces domaines et de préciser les perspectives d’élargissement qui les concernent ?
Je sais que la Commission européenne a annoncé qu’il n’y aurait pas d’élargissement lors de son mandat, mais ce n’est pas une raison pour ne pas offrir des perspectives concrètes et refuser de débattre sur le fond de la justice, de la liberté d’expression et de droits dans ces pays, qui sont aujourd’hui candidats à l’Union européenne.
Par ailleurs, s’agissant de la libéralisation des visas pour les ressortissants turcs, nous avons évoqué les 72 critères, dont tout le monde connaît au moins le nombre. Chacun sait aussi qu’il en manque 5 à respecter pour permettre cette libéralisation. En revanche, pour les ressortissants ukrainiens, il faut savoir que la question a déjà été traitée jusqu’au bout, la Commission considérant que tous les critères imposés à l’Ukraine sont aujourd’hui respectés. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, quelle sera la position de la France sur cette libéralisation du régime des visas ? À mon sens, il ne saurait y avoir de double standard entre les pays candidats, d’un côté, et, de l’autre, les pays qui parlent aujourd’hui de droits et de visas avec l’Union européenne.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
Je vous informe que l’Ukraine est en train de se faire battre par la Pologne à Marseille. (Sourires.)
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le président, dans ces conditions, voyons quel soutien nous pouvons apporter à cet État. (Nouveaux sourires.)
Monsieur Leconte, je voudrais d’abord vous répondre sur les Balkans. Vous avez mentionné le très important sommet qui aura lieu le 4 juillet prochain à Paris, avec les pays des Balkans occidentaux et plusieurs États membres de l’Union européenne, dont l’Allemagne et l’Italie, représentées respectivement par la chancelière Angela Merkel et le président du conseil Matteo Renzi. Cette réunion fera suite à une conférence qui s’est déjà tenue à Berlin, puis à Vienne.
Par ailleurs, le Président de la République avait été invité en Slovénie, dans la ville de Brdo, pour la relance d’un processus de dialogue politique entre les pays des Balkans. La France est donc attendue pour aider ces pays, qui sont aujourd’hui, pour beaucoup d’entre eux, candidats à l’adhésion, en attendant qu’ils le deviennent tous, à faire leur transition économique et politique vers l’Union.
Nous le savons, cette région a toujours joué un rôle important dans l’histoire de l’Europe : ainsi, en 1914, elle fut le foyer de déclenchement de la Première Guerre mondiale ; elle fut par ailleurs le théâtre de la dernière guerre qui a eu lieu sur le continent, dans les années 90.
Il s’agit aussi d’une région dont la richesse et la diversité doivent être des atouts pour l’Union européenne.
Nous allons donc travailler au cours de cette conférence à aider ces pays à mieux s’intégrer en tant que région sur le plan des transports, de l’énergie ou des échanges entre les jeunes, avec la création d’un office régional pour la jeunesse inspiré de l’Office franco-allemand pour la jeunesse.
Évidemment, nous travaillons aussi avec eux aux progrès de la justice et des droits fondamentaux. Ainsi, ces pays, qui sont en train de négocier les chapitres de leur dossier d’adhésion, se rapprocheront de l’Union, jusqu’à la rejoindre un jour.
L’Ukraine, elle, fait partie du partenariat oriental. C’est donc un autre type de relations de voisinage. Il y a effectivement une proposition de la Commission sur la libéralisation des visas, mais, là encore, celle-ci doit être examinée à l’aune des critères, qui sont pour beaucoup remplis, mais il y a encore du chemin à faire pour rendre cette libéralisation effective. Cependant, l’Ukraine doit être soutenue dans ses réformes, et pas simplement dans ses résultats « footballistiques ». (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, jeudi prochain sera un jour extrêmement important non seulement pour les Britanniques, mais aussi pour tous les Européens. Les membres du groupe UDI-UC sont bien sûr très attentifs à l’issue de ce scrutin.
Certes, nos voisins d’outre-Manche n’ont pas fait preuve d’un enthousiasme européen débordant ces dernières années : ils n’ont voulu participer ni à l’euro ni à la création de l’espace Schengen, et ils ont négocié une ristourne.
Néanmoins, nous avons la conviction qu’il est souhaitable que les Britanniques puissent rester dans l’Europe. Si le Brexit l’emporte, il faut s’attendre à des conséquences très négatives pour notre économie, comme cela a pu être le cas avec les sanctions prises à l’encontre de la Russie. Les agriculteurs peinent encore aujourd’hui, car ils ont subi de plein fouet les conséquences de cet épisode. Beaucoup y ont même laissé leur exploitation. Certes, l’enjeu ne sera pas du même niveau avec les Britanniques, mais, d’ores et déjà, les pêcheurs bretons craignent d’éventuelles remises en cause des espaces de pêche. Par ailleurs, la première compagnie maritime de transport de passagers en France craint aussi les effets qu’aurait le Brexit sur l’euro, et donc sur son activité.
Quel que soit le résultat, l’Europe sera profondément affectée. En cas de sortie, l’économie sera évidemment touchée, mais, même si les Britanniques décident de rester, l’étroitesse du score sera telle que cela constituera un séisme extrêmement fort pour l’ensemble des Européens. Monsieur le secrétaire d’État, en tout état de cause, il faudra que des initiatives soient prises pour que l’Europe soit effectivement relancée, car le pire serait de continuer dans cette atmosphère de défiance à l’égard de l’Union, alors que des échéances importantes vont intervenir dans un proche avenir.
Est-ce que la France va solliciter l’Allemagne pour prendre des initiatives susceptibles de relancer l’Europe ? (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, comme vous l’avez dit, une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne aurait évidemment des conséquences économiques importantes pour les Britanniques et pour les échanges entre l’Union et ce pays, qui serait alors considéré comme un État tiers, avec tous les inconvénients que cela implique. Il y aurait alors, en vertu de l’article 50 du Traité de l’Union européenne, une négociation pendant deux ans sur les nouvelles formes d’échanges et les arrangements nécessaires entre ce pays et l’Union. La situation serait très délicate et compliquée, mais, encore une fois, nous ne souhaitons pas que les citoyens britanniques fassent ce choix.
Si le Royaume-Uni décide de rester dans l’Union, nous mettrons en œuvre l’accord du 18 février dernier, lequel ne concède aucun droit de veto au Royaume-Uni sur l’intégration future de la zone euro. C’était un point majeur pour la France, sur lequel nous avons explicitement obtenu gain de cause.
Il faudra donc respecter les différentes conditions posées par le Premier ministre britannique, mais ce document de février a aussi réaffirmé que, si les Britanniques considèrent qu’ils ne sont pas concernés par la formule sur une Union sans cesse plus étroite, d’autres États membres estiment en revanche qu’elle s’applique toujours à eux. Nous avancerons, et les États membres qui le souhaitent pourront approfondir leur coopération dans tous les domaines évoqués dans ce débat, et sur lesquels nous nous retrouvons, me semble-t-il : croissance, investissement, sécurité.
Nous prendrons donc des initiatives, en particulier avec l’Allemagne, comme vous le souhaitez, mais aussi en proposant à tous ceux qui sont attachés au projet européen d’aller de l’avant avec nous.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Depuis l’an 2000, date du début des discussions sur les accords de partenariat économique, ou APE, les acteurs économiques et politiques de l’île de la Réunion soulignent l’impact que de tels accords pourraient avoir sur la fragile économie insulaire. Les APE sont des accords conclus entre les pays de la zone Afrique, Caraïbe et Pacifique, ou ACP, anciennement colonisés, et l’Union européenne.
Seize ans plus tard, il existe encore un flou certain autour de ces accords. Certes, vous avez répondu à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, au sénateur de La Réunion, notre collègue Paul Vergès, et votre courrier se veut rassurant. Néanmoins, il ne répond pas tout à fait à nos questions.
Vous faites allusion, il est vrai, à la possibilité pour l’Union européenne de recourir aux dispositions de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le TFUE, mais sont-elles suffisantes ? Vous avancez également que « certaines lignes tarifaires correspondant à des produits sensibles » ne seront pas libéralisées immédiatement, mais quelles sont ces lignes ? Comment pouvez-vous imaginer que l’économie réunionnaise puisse préparer et anticiper cette libéralisation si elle ne connaît pas le contenu de ces accords ?
En outre, on peut s’attendre à ce que d’autres partenaires commerciaux – les États-Unis, de grands pays émergents et des pays africains – exigent prochainement de ces pays les mêmes avantages commerciaux que ceux qu’ils ont accordés à l’Union européenne.
Dans ce contexte, quel est l’avenir de l’économie de La Réunion face aux importations de produits européens et de ceux qui sont fabriqués chez ses voisins, et à un coût défiant toute concurrence ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, j’ai déjà eu l’occasion de répondre sur ce point à M. Paul Vergès, qui est très préoccupé par l’impact potentiel des accords de partenariat économique, en particulier de ceux qui concernent l’Afrique australe et l’Afrique de l’Est.
Nous défendons le statut des régions ultrapériphériques ; ainsi, au titre de ce statut, que la France a toujours promu, il existe des éléments de protection commerciale spécifique, que nous avons fait valoir à propos de la production de canne, de banane ou d’autres produits potentiellement menacés par les accords commerciaux de l’Union européenne ou par les règles de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC.
En tout état de cause, nous serons extrêmement attentifs à ce que les accords de partenariat économique – la déclinaison commerciale des anciens accords de Cotonou conclus avec les pays d’Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique, auxquels nous sommes aussi attachés – n’aient aucune conséquence négative. Il ne doit y avoir aucune opposition d’intérêts entre ces pays partenaires de l’Union européenne et des régions ultrapériphériques, en l’occurrence les départements et régions d’outre-mer ou les collectivités d’outre-mer, qui sont protégées par des traités européens.
Nous suivrons donc précisément et attentivement cette question, ligne tarifaire par ligne tarifaire, catégorie de produits par catégorie de produits.
Cela étant dit, nous pensons aussi que, comme les Antilles françaises vis-à-vis des pays de la Caraïbe inclus dans l’accord de partenariat économique, La Réunion peut aussi tirer bénéfice de ces accords. Nos départements et régions d’outre-mer se situent en effet à proximité de ces pays et peuvent donc exporter une partie importante de leur production vers ces territoires.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi deux réflexions.
En premier lieu, quand la France se tait, elle inquiète, et quand elle parle, elle interpelle. Je veux souligner ici l’inquiétude profonde des Français, à 48 heures d’une décision qui sera peut-être historique, à savoir l’éventuelle sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Dans ce contexte, j’aimerais que l’on entende la voix de la France, à travers celle du Président de la République, et que, en cette occasion, sa voix se mêle à celle de la chancelière allemande. Plus que jamais, nous avons besoin d’entendre la France et l’Allemagne parler de concert. C’est aussi le message que nous avons adressé ce matin au secrétaire général aux affaires européennes, M. Léglise-Costa. Il se prépare, me semble-t-il, une communication de ce type.
Il est très important que l’Europe puisse se redéfinir en se recentrant sur l’essentiel, en étant une Europe de la simplification, de la convergence, de la plus-value communautaire et de la sécurité. Voilà ce que nous souhaiterions entendre.
En second lieu, sachez, monsieur le secrétaire d’État, que, sur ces grands thèmes, le Sénat ne sera pas absent. Il est déjà en réflexion sur ce point, comme il l’a été dès le lendemain du 13 janvier 2015. Nous essaierons de travailler ensemble pour envoyer des messages extrêmement clairs et fermes à nos voisins européens.
Enfin, nous revenons de Pologne et il faudrait sortir du cercle des pays fondateurs. Des pays nous ont rejoints, depuis la création de l’Union, et ils sont profondément européens. Nous avons besoin de tous sur ce point. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat préalable au Conseil européen des 28 et 29 juin 2016.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 19, précédemment réservé.
Article 19 (précédemment réservé)
(Non modifié)
I. – La deuxième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° A La section 3 du chapitre V du titre III du livre Ier est ainsi modifiée :
a) Le 1° de l’article L. 2135-13 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour l’appréciation de cette audience, sont pris en compte, chacun à hauteur de 50 %, d’une part, le nombre des entreprises adhérentes à des organisations professionnelles d’employeurs représentatives qui emploient au moins un salarié et, d’autre part, le nombre de salariés employés par ces mêmes entreprises ; »
b) Le premier alinéa du I de l’article L. 2135-15 est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Au sein de ce conseil, chaque organisation professionnelle d’employeurs dispose d’un nombre de voix proportionnel à son audience au niveau national et interprofessionnel. Pour l’appréciation de cette audience, sont pris en compte à hauteur, respectivement, de 30 % et de 70 %, le nombre des entreprises adhérentes à des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel et le nombre de salariés employés par ces mêmes entreprises. » ;
1° Au 6° de l’article L. 2151-1, après le mot : « adhérentes », sont insérés les mots : « ou de leurs salariés soumis au régime français de sécurité sociale » ;
2° L’article L. 2152-1 est ainsi modifié :
a) Le 3° est ainsi modifié :
– à la première phrase, après le mot : « représentent », il est inséré le mot : « soit » ;
– la même phrase est complétée par les mots : «, soit au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises » ;
– à la deuxième phrase, les mots : « est attesté » sont remplacés par les mots : « ainsi que le nombre de leurs salariés sont attestés » ;
b) La première phrase du dernier alinéa est ainsi modifiée :
– les mots : « le seuil fixé au 3° du présent article est apprécié » sont remplacés par les mots : « les seuils fixés au 3° du présent article sont appréciés » ;
– sont ajoutés les mots : «, quel que soit le nombre d’heures effectuées par les salariés concernés » ;
3° L’article L. 2152-4 est ainsi modifié :
a) La première phrase du 3° est ainsi modifiée :
– après le mot : « représentent », il est inséré le mot : « soit » ;
– sont ajoutés les mots : «, soit au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises » ;
b) (Supprimé)
c) À la deuxième phrase du 3°, les mots : « est attesté » sont remplacés par les mots : «, ainsi que le nombre de leurs salariés, sont attestés » ;
d) Après la deuxième phrase du dernier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« La clé de répartition retenue s’applique au nombre de salariés de ces entreprises. » ;
3° bis L’article L. 2152-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application de l’article L. 2135-13, elles indiquent également, à cette même occasion, le nombre de leurs entreprises adhérentes employant au moins un salarié. » ;
4° Les trois derniers alinéas de l’article L. 2261-19 sont supprimés.
II. – En l’absence de règles spécifiques prévues par un accord conclu entre les organisations d’employeurs représentatives au niveau considéré, chacune de ces organisations dispose, au sein des institutions ou organismes paritaires dont elle est membre, d’un nombre de voix délibératives proportionnel à son audience calculée selon la règle prévue au I de l’article L. 2135-15 du code du travail.
S’agissant des organismes paritaires institués avant la publication de la présente loi, le présent article est applicable lors de leur renouvellement suivant la date de promulgation de la présente loi.
M. le président. L’amendement n° 1043, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
… – L’ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016 relative à la désignation des conseillers prud’hommes est ratifiée.
… – L’article L. 1441-4 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016 précitée, est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « et des adhésions » sont supprimés et, après le mot : « obtenus », sont insérés les mots : « , ainsi que du nombre des entreprises adhérentes à des organisations professionnelles d’employeurs et du nombre de salariés employés par ces mêmes entreprises » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’appréciation de l’audience patronale, sont pris en compte, respectivement à hauteur de 30 % et de 70 %, le nombre des entreprises adhérentes à des organisations professionnelles d’employeurs et le nombre de salariés employés par ces mêmes entreprises. »
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« À titre transitoire, jusqu’à la seconde détermination des organisations professionnelles d’employeurs représentatives, l’audience patronale mentionnée au premier alinéa du présent article est déterminée au niveau national. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Pour tirer toutes les conséquences du compromis trouvé au début du mois de juin dernier par les organisations d’employeurs, le présent amendement vise à définir la règle de répartition des sièges aux conseils de prud’hommes par référence aux règles de répartition des sièges au sein du fonds paritaire de financement du dialogue social.
Cette règle de répartition est sans doute encore perfectible, et je suis toujours en discussion avec les trois organisations professionnelles, mais il est important de marquer dès ce soir cette avancée.
À titre transitoire, cette mesure serait calculée au niveau national.
Par ailleurs, cet amendement tend à prévoir la ratification de l’ordonnance du 31 mars 2016 relative à la désignation des conseillers prud’homaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
La rédaction de cette règle est perfectible, vous l’avez indiqué, madame la ministre, et il est heureux que vous puissiez poursuivre les consultations pour aboutir à un texte convenant aux trois organisations concernées.
Nous nous trouvions dans une configuration assez similaire voilà environ un an, lors de l’examen de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, dite Rebsamen. C’est par un amendement nocturne que le débat s’était ouvert et il est toujours désagréable pour les parlementaires de devoir arbitrer dans ces conditions.
Un travail entre organisations a été mené, qui a conduit à un compromis le 2 mai dernier, d’où la réécriture de l’article 19 du projet de loi à l’Assemblée nationale. Ce que souhaite la commission des affaires sociales est donc que les équilibres atteints le 2 mai dernier ne soient pas remis en question, qu’aucun autre sujet ne soit mis sur la table.
Aussi, c’est sous le bénéfice de vos explications et de la méthode que vous proposez pour atteindre un texte adéquat, madame la ministre, que nous émettons un avis de sagesse positive sur cet amendement.
Mme Catherine Génisson. C’est très bien dit, monsieur le rapporteur !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Comme le dit M. Milon, président de la commission, il s’agit là d’une preuve de confiance à l’égard du Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 682, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6, seconde phrase
Remplacer les taux :
30 % et de 70 %
par les taux :
40 % et de 60 %
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 682 est retiré.
L’amendement n° 683, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
– Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Elle tient compte des résultats constatés lors des élections organisées sur la période de mesure. Les conditions de cette prise en compte sont fixées par décret. » ;
II. – Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
– Le mot : « national » est remplacée par le mot : « régional » ;
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. L’article 19 modifie les règles de la représentativité patronale en arbitrant, en faveur du premier, le conflit qui oppose le MEDEF, auquel s’est ralliée la CGPME, à l’Union professionnelle artisanale, l’UPA, l’Union nationale des professions libérales, l’UNAPL, et l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, l’UDES.
La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, dite Sapin, faisant suite à l’accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013, avait prévu de mesurer la représentativité des organisations patronales en fonction du nombre d’entreprises adhérentes, selon le principe « une entreprise égale une voix ».
Un amendement gouvernemental à la loi Rebsamen a donné satisfaction au MEDEF en introduisant une pondération en fonction du nombre de salariés. Cette mesure a finalement été retirée, la CGPME partageant à l’époque la position de l’UPA et de l’UNAPL, et un recours du MEDEF devant le Conseil constitutionnel vient d’être rejeté.
Dans ce contexte, notre amendement vise à rééquilibrer la représentativité des organisations d’employeurs pour tenir compte du résultat de toutes les consultations, notamment les élections prud’homales, celles qui visent à renouveler les organismes consulaires ou, dans le domaine agricole, celles qui conduisent au renouvellement des administrateurs de caisses de la Mutualité sociale agricole.
Il est indispensable, pour assurer la qualité du dialogue social, que la représentativité des employeurs soit clairement établie et fondée sur des éléments incontestables.
Par ailleurs, il nous semble important que l’échelon régional soit pris en compte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission n’a pas souhaité retenir cet amendement, car elle est partie du principe que la première mesure de l’audience patronale aurait lieu en 2017 et qu’il n’y avait pas besoin de déterminer par décret un panier de résultats à prendre en compte. Il s’agit donc de laisser le processus se dérouler, se mettre en place.
D’ici là, le système existant va bien sûr perdurer, mais, si j’ose dire, chaque jour qui passe nous rapproche un peu plus de cette petite révolution dans la représentativité patronale. (Sourires au banc de la commission.)
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il est également défavorable, monsieur le président.
Tout d’abord, je me permets de vous signaler, monsieur Watrin, que, contrairement à l’époque où le texte a été examiné à l’Assemblée nationale – les trois organisations patronales étaient alors en désaccord –, l’article 19 dans sa rédaction actuelle se fonde sur un compromis entre le MEDEF, la CGPME et l’UPA. La situation a donc changé.
Sur le fond, je ne souhaite pas revenir sur les principes de la représentativité patronale issus de la loi de 2014 ni sur les principes ayant présidé au compromis qui a été trouvé aujourd’hui. Vous proposez de prendre en compte, en plus du nombre d’adhésions, le résultat de certaines élections : je m’y oppose parce que les adhésions sont aussi le meilleur moyen de vérifier l’implantation réelle d’une organisation patronale.
Je me permets par ailleurs de vous rappeler que l’élection prud’homale a été supprimée.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Absolument !
M. le président. L’amendement n° 983 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Après le mot :
considéré
insérer les mots :
ou par une disposition légale ou réglementaire
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement présente cet amendement de précision parce que la règle de composition des instances prévue à l’article 19 et issue d’un compromis récent entre organisations patronales sur la question de leur représentativité n’a pas vocation à s’appliquer aux instances pour lesquelles une règle de composition différente est déjà prévue par la loi ou par un décret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Comme sur l’amendement précédent du Gouvernement, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Afin de clarifier la portée de cet amendement de précision, j’indique qu’il peut être utile, selon la compréhension que j’en ai, pour tenir compte de la situation d’organismes comme le Haut Conseil du dialogue social, la Commission nationale de la négociation collective ou encore le Conseil d’orientation des conditions de travail.
Dès lors que l’objet de cet amendement se borne à cela, nous émettons un avis de sagesse positive.
M. le président. L’amendement n° 1022, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Remplacer le mot :
publication
par le mot :
promulgation
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 19, modifié.
(L’article 19 est adopté.)
Article additionnel après l’article 19 (précédemment réservé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 309 rectifié est présenté par M. Courteau, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 668 rectifié est présenté par Mme Cukierman, M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 514-3-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Chaque organisation syndicale représentative dans un établissement du réseau, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles, quel que soit le nombre de votants, un délégué syndical titulaire et un délégué syndical suppléant pour la représenter auprès de l’employeur.
« Si aucun des candidats présentés par l’organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées ci-dessus ou s’il ne reste, dans l’établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées à l’alinéa précédent, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’établissement.
« Chaque syndicat qui constitue, conformément à l’article L. 2142-1, une section syndicale au sein d’un établissement du réseau peut, s’il n’est pas représentatif dans l’établissement, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l’établissement.
« Le représentant de la section syndicale bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l’exception du pouvoir de négocier des accords collectifs.
« Le mandat du représentant de la section syndicale prend fin, à l’issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation, dès lors que le syndicat qui l’a désigné n’est pas reconnu représentatif dans l’établissement. Le salarié qui perd ainsi son mandat de représentant syndical ne peut pas être désigné à nouveau comme représentant syndical au titre d’une section jusqu’aux six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes dans l’établissement. »
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 309 rectifié.
M. Roland Courteau. Le présent projet de loi a pour objectif de renforcer et de légitimer le dialogue social et la négociation collective. Or, dans les chambres d’agriculture, le cadre statutaire favorise peu le dialogue social entre des interlocuteurs légitimes.
En effet, même si la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a instauré une mesure de la représentativité syndicale, les organisations syndicales non représentatives peuvent tout de même désigner, dans le réseau des chambres d’agriculture, un délégué syndical.
Dans un contexte où les négociations seront indispensables pour organiser la régionalisation et la modernisation du réseau, il nous paraît essentiel de renforcer la légitimité des représentants syndicaux en permettant aux seules organisations syndicales représentatives dans un établissement de désigner un délégué syndical, lui-même légitimé par les voix des salariés recueillies lors des élections professionnelles.
Tel est l’objet de cet amendement, qui modifie le code rural en calquant les dispositions prévues par le code du travail.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 668 rectifié.
Mme Annie David. Comme vient de le dire notre collègue Roland Courteau, cet amendement a trait au statut particulier du personnel des chambres d’agriculture.
Si plus de 70 % des 8 000 salariés des chambres d’agriculture relèvent du droit privé, ils ne sont rattachés ni aux dispositions du code du travail ni aux dispositions applicables dans la fonction publique. L’absence d’articulation actuelle avec le code du travail, qui devrait pourtant constituer la base minimale applicable, est source de litiges quant à la conduite des négociations dans les chambres d’agriculture.
C’est d’autant plus vrai que celles-ci entendent dénoncer l’accord de 2000 sur la réduction du temps de travail afin de supprimer un certain nombre de jours de RTT en réduisant la durée quotidienne de travail. Cela a d’ailleurs entraîné des mobilisations importantes des salariés concernés, par exemple le 6 juin dernier dans les chambres du sud-est de la France.
Dans le cadre des négociations à venir, il est important que le dialogue social se déroule entre interlocuteurs légitimes. Or, actuellement, dans le réseau des chambres d’agriculture, les organisations syndicales non représentatives peuvent désigner un délégué syndical sans bénéficier de la légitimité apportée par les élections professionnelles.
En visant à limiter aux seules organisations syndicales représentatives la désignation d’un délégué syndical, cet amendement tend donc à aligner cette procédure sur ce qui est défini par le code du travail.
Je tiens à préciser par ailleurs que les dispositions introduites par cet amendement n’empêchent nullement les sections syndicales affiliées à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ou à une organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance et qui est légalement constituée de désigner un représentant syndical chargé de les représenter. Ce représentant bénéficie d’ailleurs alors des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l’exception du pouvoir de négocier des accords collectifs.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Nous avons eu hier un débat assez similaire à propos d’amendements miroirs, si je puis dire – je m’acquitterai d’une pièce auprès de Nicole Bricq, car elle utilise régulièrement cette expression. (Sourires.) Nous nous en étions alors remis à l’avis du Gouvernement, ce que nous faisons encore ce soir à propos de ces amendements identiques.
Cela étant dit, on le voit bien, le dispositif présenté par Mme David et M. Courteau semble dérogatoire par rapport à ce qui existe dans d’autres domaines. Cette maison est en outre attachée aux particularités du monde agricole.
Pour tout vous dire, monsieur Courteau, vous m’avez plus convaincu avec vos dernières propositions relatives à la démographie médicale et à l’installation des médecins qu’avec cet amendement… (Nouveaux sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. En cohérence avec ce que j’indiquais hier, et bien que je sois très sensible aux éléments que M. Courteau et Mme David avancent, le ministre de l’agriculture et moi-même ne souhaitons pas revenir sur le droit syndical dans les chambres agricoles. Ce droit a été réformé par la loi d’orientation du 13 octobre 2014.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
MM. Daniel Chasseing et Michel Raison. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Cette mesure concerne tout de même 8 000 salariés dans les chambres d’agriculture et ces avis sont regrettables, même si, je l’entends, la loi citée réforme tout cela.
Ces salariés ne sont rattachés ni aux dispositions du code du travail ni à celles de la fonction publique. Dans les chambres d’agriculture, des négociations vont commencer sur le temps de travail et la suppression de jours de RTT. Il y a déjà eu d’importantes mobilisations dans le Sud-Est et sans doute dans d’autres régions aussi.
Je trouve dommage que, au travers de ce projet de loi, censé apporter des droits et libertés tant aux entreprises qu’aux actifs et aux actives, on n’accorde pas ce droit à ces 8 000 salariés, qui risquent de perdre d’ici peu les jours de RTT qu’ils ont obtenus dans le passé.
Leur statut date d’une loi de 1952 relative à l’établissement obligatoire du statut du personnel administratif des trois chambres consulaires. Même s’il a été réformé récemment, ce statut est resté tel quel et nous trouvons cela regrettable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission s’en est remise à l’avis du Gouvernement sur ces amendements. Je constate que cet avis n’a pas varié depuis hier et qu’il est défavorable. Au final, la commission est donc également défavorable aux amendements identiques nos 309 rectifié et 668 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Madame la ministre, votre avis est plein de sagesse. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.)
Tout d’abord, l’organisation des chambres d’agriculture a été prévue dans le cadre d’une loi antérieure en raison de leur particularité.
Ensuite, il existe au sein de ces chambres, parmi leurs élus, un collège de salariés, ce qui est original.
En outre, indépendamment de la discussion qui nous occupe ce soir, je rappelle que les chambres d’agriculture souffrent énormément parce que l’agriculture elle-même souffre ; le nombre d’agriculteurs diminue, de même que leurs résultats. Le Gouvernement a d’ailleurs fait un hold-up sur leurs réserves…
M. Roland Courteau. Cela n’a rien à voir !
M. Michel Raison. Cela étant dit, les dirigeants des chambres d’agriculture sont très humains, ils ne sont pas là pour embêter leurs salariés, qui sont d’ailleurs généralement très bons. Ils mèneront ces négociations avec le plus de sagesse possible, mais ils sont bien obligés, si vous me passez cette expression triviale, de serrer les boulons dans leurs chambres. Encore une fois, il n’y a pas du tout de malveillance de leur part.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Juste une phrase, monsieur le président : nous ne demandons pas autre chose que de calquer le statut des salariés des chambres d’agriculture sur les dispositions prévues actuellement par le code du travail.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 309 rectifié et 668 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 363 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l’adoption | 129 |
Contre | 204 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 20 (précédemment examiné)
M. le président. Je rappelle que l’article 20 a été précédemment examiné.
Article additionnel après l’article 20
M. le président. L’amendement n° 684, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Pour garantir le recours au contrat à durée déterminée d’usage, le contrat de travail doit contenir les éléments précis et concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi. Les accords ou conventions collectives doivent définir ce que sont les éléments précis et concrets. Ils devront par ailleurs préciser dans quels cas nous sommes dans l’usage constant du contrat à durée déterminée et dans quels cas nous sommes dans le surcroît d’activité.
II. – Lorsqu’un même salarié employé régulièrement sous contrat à durée déterminée d’usage sur le même emploi aura effectué auprès d’une même entreprise un volume moyen annuel de 75 % de la durée annuelle de travail (en référence au nombre d’heures équivalent temps plein défini dans chaque convention collective) constaté sur deux années consécutives, l’employeur devra proposer un contrat à durée indéterminée (soit un contrat à durée indéterminée de droit commun à temps complet) dans les conditions précisées ci-après. Les éventuelles dérogations pour les spectacles exploités sur une longue durée seront traitées dans les conventions collectives ;
Lorsque la succession de contrats à durée déterminée sur un même poste pour le même objet, contractés par différents salariés, a pour effet d’atteindre l’équivalent de 100 % sur vingt-quatre mois d’un poste équivalent à temps complet, ce poste devra être couvert par un contrat à durée indéterminée à temps complet.
III. – La proposition d’un contrat à durée indéterminée de droit commun à temps complet en application du premier alinéa de cet article doit être faite par l’employeur dans les deux mois suivant la réalisation des conditions susvisées par lettre recommandée avec avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.
Les organisations syndicales de salariés et d’employeurs sont destinataires de ces courriers. Elles peuvent intervenir à tout moment pour rendre effective la requalification en contrat à durée indéterminée. À cette fin l’employeur est tenu de leur fournir le registre du personnel.
Dans le cas où le salarié concerné refuserait la requalification en contrat à durée indéterminée, l’employeur devra organiser le recrutement sur ce poste de travail en contrat à durée indéterminée.
L’employeur, en application du deuxième alinéa de cet article, doit dans les deux mois suivant la réalisation des conditions susvisées, organiser le recrutement d’un salarié en contrat à durée indéterminée à temps complet pour couvrir le poste de travail réputé, désormais, être un emploi permanent, en tenant compte des conditions de recrutement précisées dans les conventions collectives. Les salariés ayant le plus rempli de contrats de travail ou dont la durée de travail est la plus importante pour couvrir ce poste auront une priorité d’examen de leur dossier pour se voir proposer un contrat à durée indéterminée.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Le présent amendement vise à renforcer la sécurité des artistes intermittents. Il tend ainsi à prévoir que, lors de l’établissement d’un contrat à durée déterminée d’usage, ou CDDU, celui-ci doit contenir une mention justifiant que l’activité contractualisée est par nature temporaire. Les éléments pouvant constituer cette justification sont renvoyés aux négociations et conventions collectives.
Par ailleurs, il s’agit ici de lutter contre le système dit de « permittence », trop souvent utilisé par les structures artistiques et culturelles, en prévoyant une requalification en contrat à durée indéterminée de droit commun lorsqu’un salarié a cumulé sur deux ans au sein d’une même entreprise et sur un même poste un volume horaire moyen équivalent à 75 % de la durée annuelle de travail.
Cette mesure vise, je le disais, à lutter contre le système de « permittence », qui fragilise à la fois l’emploi et le salarié. Il nous paraît normal que, dans la mesure où une activité est considérée comme permanente, le contrat la réglementant le soit aussi. Il s’agit d’une mesure de transparence et de justice sociale.
C’est une mesure de transparence, car l’établissement de critères permettant de justifier le caractère temporaire de l’activité doit permettre de limiter le recours à des CDDU, qui détournent, par nature, des dispositions législatives et conventionnelles et ne sont que des moyens détournés de profiter de travailleurs précaires pour faire des économies.
C’est aussi une mesure de justice sociale, car le phénomène de « permittence » porte en son sein même une précarisation du travail. L’imprévisibilité due au recours au CDDU disparaît lorsque l’activité est par nature permanente.
Par ailleurs, l’argument régulièrement entendu selon lequel un CDDU favoriserait les salariés en raison des indemnités de fin d’activité semble bien léger lorsque l’on fait le calcul des pertes engendrées par l’absence d’évolution de carrière et du préjudice subi en matière de retraites.
Pour finir, je tiens à signaler que l’adoption de cet amendement ne ferait que renforcer la jurisprudence issue des décisions de la chambre sociale de la Cour de cassation du 23 janvier 2008, du 24 septembre 2008 et du 30 novembre 2010.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’article 34 de la loi Rebsamen prévoyait que les partenaires sociaux devaient négocier pour réviser les listes des emplois de ces professions pouvant être pourvus par la conclusion de contrats à durée déterminée d’usage. D'ailleurs, un certain nombre de secteurs ont bel et bien ouvert de telles négociations, qui ont parfois conduit à la signature d’accords.
S’il est vrai que le spectacle vivant accuse un retard sur ce plan, vous tendez, avec cet amendement, à vous substituer aux partenaires sociaux. La loi prévoyait d’ailleurs que le Gouvernement reprendrait la main à défaut d’accord, mais les choses ont pas mal avancé.
La commission considère qu’il faut laisser le processus aller à son terme et les partenaires sociaux écrire eux-mêmes les données relatives aux CDD d’usage.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, le Gouvernement partage bien évidemment votre objectif, qui est de lutter contre la précarité des métiers du spectacle.
Toutefois, l’adoption de votre amendement, qui vise à instaurer un volume d’heures couperet au-delà duquel le CDD serait transformé automatiquement en CDI, produirait l’effet inverse de l’effet recherché : elle encouragerait à la conclusion de CDD encore plus courts et précariserait les salariés que vous voulez protéger.
L’enjeu de la loi Rebsamen était de favoriser le dialogue social. C’est ce que nous sommes en train de faire.
Vous savez que de nombreuses négociations ont été engagées. Certaines d’entre elles, dans plusieurs branches, sont en train d’aboutir, à l’instar des négociations sur la branche du spectacle vivant, qui ont commencé en septembre 2015.
Huit commissions mixtes paritaires ont été réunies et 68 réunions de négociations se sont tenues dans ce cadre. Il s’agit bien évidemment d’établir la liste des emplois pouvant être pourvus.
La plupart des autres négociations reprendront à la rentrée, après les festivals d’été.
S’il est vrai que nous avons prévu un petit délai supplémentaire par rapport à la date butoir initialement fixée en mars 2016, compte tenu du retard pris pour le début des négociations – vous savez que les CMP sont présidées par la direction générale du travail –, je vous assure que les négociations se passent plutôt bien et sont en bonne voie.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 684.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 20 bis (nouveau)
I. – L’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« I. – Le taux de la contribution mentionnée à l’article L. 137-15 est fixé à 20 %.
« II. – Le taux est fixé à 16 % pour les sommes versées au titre de la participation aux résultats de l’entreprise mentionnée au titre II du livre III de la troisième partie du code du travail et au titre de l’intéressement mentionné au titre Ier du même livre III.
« III. – Le taux est fixé à 12 % pour les versements des sommes issues de l’intéressement et de la participation ainsi que pour les contributions des entreprises mentionnées au premier alinéa de l’article L. 3334-6 du code du travail et versées sur un plan d’épargne pour la retraite collectif dont le règlement respecte les conditions suivantes :
« 1° Les sommes recueillies sont affectées par défaut, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 3334-11 du même code ;
« 2° L’allocation de l’épargne est affectée à l’acquisition de parts de fonds, dans des conditions fixées par décret, qui comportent au moins 7 % de titres susceptibles d’être employés dans un plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire, dans les conditions prévues à l’article L. 221-32-2 du code monétaire et financier.
« IV. Le taux est fixé à 8 % pour les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de prévoyance versées au bénéfice de leurs salariés, anciens salariés et de leurs ayants droit, ainsi que pour les sommes affectées à la réserve spéciale de participation conformément aux modalités définies à l’article L. 3323-3 du code du travail au sein des sociétés coopératives de production soumises à la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives de production.
« V. La contribution mentionnée à l’article L. 137-15 du présent code ne s’applique pas aux sommes versées au titre de la participation aux résultats de l’entreprise mentionnée au titre II du livre III de la troisième partie du code du travail et au titre de l’intéressement mentionné au titre Ier du même livre III pour les entreprises non soumises à l’obligation de mettre en place un dispositif de participation des salariés aux résultats de l’entreprise prévue à l’article L. 3322-2 du code du travail et qui concluent pour la première fois un accord de participation ou d’intéressement ou qui n’ont pas conclu d’accord au cours d’une période de trois ans avant la date d’effet de l’accord.
« L’exonération du taux s’applique pendant une durée de trois ans à compter de la date d’effet de l’accord.
« Le taux de la contribution est fixé à 8 % entre la quatrième et la sixième année à compter de cette même date.
« Les dispositions des trois premiers alinéas du présent V s’appliquent également à une entreprise qui atteint ou dépasse l’effectif de cinquante salariés mentionné à l’article L. 3322-2 du code du travail au cours des six premières années à compter de la date d’effet de l’accord, sauf si l’accroissement des effectifs résulte de la fusion ou de l’absorption d’une entreprise ou d’un groupe.
« Dans les cas de cession ou scission à une entreprise d’au moins cinquante salariés ou de fusion ou absorption donnant lieu à la création d’une entreprise ou d’un groupe d’au moins cinquante salariés au cours de cette même période, la nouvelle entité juridique est redevable, à compter de sa création, de la contribution au taux de 16 %. »
II.– La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée à l’article 278 du code général des impôts.
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Avec cet amendement, nous demandons la suppression de l’article 20 bis.
Cet article, introduit par la commission, prévoit d’abaisser de 20 % à 16 % le forfait social applicable aux sommes versées au titre de la participation aux résultats de l’entreprise et de l’intéressement.
De plus, il réduit ce forfait de 16 % à 12 % pour les contributions des entreprises versées sur un plan d’épargne pour la retraite collectif finançant l’économie. Il exonère pendant trois ans les entreprises employant moins de 50 salariés qui mettent en place pour la première fois et volontairement un régime de participation ou d’intéressement.
En outre, cet article prévoit que la perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale sera compensée par la création d’une taxe additionnelle à la taxe sur la valeur ajoutée.
Nous sommes opposés à l’abaissement du forfait social en faveur de l’intéressement et à la participation des salariés qui déplace les hausses des salaires vers l’indexation des résultats des entreprises, alors que les salariés sont exclus des prises de décisions stratégiques ou largement minoritaires dans celles-ci.
C’est la raison pour laquelle nous voulons supprimer l’article 20 bis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement de suppression d’un article qu’elle a elle-même introduit dans le texte lors de sa réunion du 1er juin dernier.
Les sénateurs qui ont pris l’initiative de cet article sont attachés à ce que l’intéressement et la participation soient encouragés. On constate, d'ailleurs, que cette antienne gaulliste est désormais partagée sur toutes les travées de cet hémicycle – je n’y reviens pas, madame Bricq.
Il est vrai que le forfait social a été considérablement augmenté ces dernières années et qu’il nous paraissait utile de l’abaisser à 16 % pour encourager le versement de sommes qui, parfois, peuvent atteindre l’équivalent d’un treizième mois et d’en exonérer pendant trois ans les entreprises de moins de 50 salariés qui, pour la première fois, mettent en place de tels dispositifs, auxquels nous croyons fortement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Un ajustement pragmatique du forfait social au bénéfice des PME a été réalisé au travers de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Celui qui est proposé à l’article 20 bis est excessif. Son coût, estimé à près de 800 millions d’euros,…
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ce n’est pas le premier des cadeaux de M. Hollande !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … générerait une perte de financement importante pour la sécurité sociale, perte que le texte propose de compenser par un relèvement de l’impôt particulièrement injuste qu’est la TVA.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Les membres du groupe socialiste et républicain sont favorables à l’intéressement comme à la participation. Ce n’est pas le sujet.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Alors ?
Mme Nicole Bricq. Alors il se trouve que nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Le ministre avait proposé un abaissement du forfait social, qui, il est vrai, avait été fortement relevé en peu de temps – il atteignait alors 20 %. Un compromis avait été trouvé sur sa proposition.
J’avais bien noté que les sénateurs siégeant à la droite de cet hémicycle en voulaient plus.
Il faut quand même savoir que la baisse du forfait social entraîne une perte de recettes, notamment pour la sécurité sociale, qui est compensée par le budget de l’État.
Nous sommes donc favorables à cet amendement, même si, on le voit, ce n’est pas tout à fait pour les mêmes raisons que le groupe CRC.
Il me semble que nous sommes parvenus à une solution raisonnable dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. C’était il y a à peine un an ! Ce n’est peut-être pas la peine d’y revenir dès à présent.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 364 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Pour l’adoption | 144 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 20 bis.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 365 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 197 |
Contre | 145 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l’article 20 bis
M. le président. L'amendement n° 981, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 20 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 225-102-1 du code de commerce, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il fait état des accords collectifs conclus dans l’entreprise et de leurs impacts sur la performance économique de l’entreprise ainsi que sur les conditions de travail des salariés. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Cet amendement tend à ce que le rapport présenté par le conseil d’administration ou le directoire à l’assemblée générale des actionnaires soit dorénavant complété par une évaluation de l’impact des accords collectifs conclus dans l’entreprise sur les résultats et les performances de celle-ci, ainsi que sur les conditions de travail des salariés.
Cet amendement traduit l’une des préconisations formulées par le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, dans l’avis que celui-ci m’a remis voilà quelques semaines sur le développement de la culture du dialogue social en France.
Il vise à une meilleure connaissance et à une valorisation de la négociation collective, dans le domaine tant de la responsabilité sociale que de la performance économique des entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20 bis.
L'amendement n° 687, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 20 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l’article 11 de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, sont insérés deux articles ainsi rédigés :
« Art. … – Un espace de concertation est créé entre les autorités organisatrices de transports, les entreprises de transport public et les organisations syndicales des salariés. Il a pour obligation d'être réuni avant toute conclusion ou révision des conventions d'exploitation. Il a pour objectif d'examiner la faisabilité des dispositions de ladite convention avec les conditions de travail, le niveau d'emploi et les conditions sociales des salariés. Les représentants des salariés sont dégagés par l'entreprise pour conduire leur mandat sur les questions se rapportant à cet espace de dialogue social. Dans le souci d’améliorer la continuité du service public ferroviaire de voyageurs, la décision de supprimer des postes dans toute direction régionale de la Société nationale des chemins de fer et sur les lignes régionales est soumise à l'avis conforme des élu(e)s des organisations syndicales siégeant au comité d'établissement régional et à celui des représentant(e)s de l'autorité organisatrice de transport régionale concernés.
« Art. … – Les groupes de transport public ne peuvent sous-traiter l'exercice des missions de service public qu'ils se voient confier sans avoir procédé auparavant à une négociation de nature à faire appliquer les conditions sociales les plus favorables. Les clauses de sous-traitance sont portées à la connaissance du comité d'entreprise de la maison mère du groupe et du comité de groupe et font l'objet d'une consultation de ces instances. »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Par cet amendement, nous voulons revenir à une disposition qui figurait dans une proposition de loi déposée par notre groupe à l’occasion de débats sur le service public ferroviaire.
Puisqu’il est question de dialogue social dans le projet de loi, nous proposons à nouveau des évolutions du dialogue social, spécifiquement dans le cadre des activités ferroviaires.
Pour que celui-ci soit efficace, nous pensons qu’il doit à la fois être respectueux des parties en présence et, particulièrement dans le cas du ferroviaire, placer au centre le maintien et le développement du service public, qui est un enjeu important.
Pour cette raison, nous proposons la création d’un espace de concertation entre les autorités organisatrices de transport, les entreprises de transport public et les organisations syndicales de salariés.
Ce comité devrait être réuni avant toute conclusion ou révision des conventions d’exploitation. Il aurait pour objectif d’examiner la faisabilité des dispositions de ces conventions avec les conditions de travail, le niveau d’emploi et les conditions sociales des salariés. Les représentants des salariés seraient alors dégagés par l’entreprise pour conduire leur mandat sur les questions se rapportant à cet espace de dialogue social.
Ainsi, dans le souci d’améliorer la continuité du service public ferroviaire de voyageurs, la décision, par exemple, de supprimer des postes dans toute direction régionale de la Société nationale des chemins de fer et sur les lignes régionales serait également soumise à l’avis conforme des élus des organisations syndicales siégeant au comité d’établissement régional et à celui des représentants de l’autorité organisatrice de transport régionale concernés.
Voilà, mes chers collègues, ce que nous estimons être les conditions d’un dialogue social serein, dans l’intérêt de tous et du service public.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d’adopter cet amendement.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. En réalité, sous couvert de créer un espace de concertation, cette proposition va très loin !
Chers collègues, votre amendement permettrait, par exemple, qu’un veto puisse être opposé à toute décision de réorganisation concernant une direction régionale de la SNCF ou des lignes régionales.
Je pourrais vous suivre s’il y avait concertation. En effet, en tant qu’élu local, on se sent souvent un peu démuni lorsque des régions suppriment des lignes, notamment en milieu rural. Je pense tout particulièrement à la situation du Morvan, territoire qui est également cher à Jérôme Durain.
Cela étant, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, dont l’adoption conférerait aux syndicats de salariés un droit de veto sur des sujets qui ne relèvent pas de leurs compétences.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à cet amendement, en application à la fois du principe de libre administration des collectivités et de celui de l’autonomie de gestion des entreprises publiques.
Si je comprends le sens de votre amendement et si je souscris à certains de ses aspects, l’instauration d’un nouvel espace de concertation et l’obligation de procéder à des négociations préalables, avec le droit de veto que vous proposez, ne me paraissent pas souhaitables à ce stade.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je veux simplement, en réaction à ce que vient de dire M. le rapporteur sur la question des lignes régionales, insister sur l’intérêt de cet amendement.
Les élus régionaux sentent bien que, entre la SNCF et les exécutifs régionaux, qui ne choisissent pas toujours d’accompagner le développement d’une présence ferroviaire sur l’ensemble des territoires, on leur tient un double discours.
À cet égard, l’espace que nous proposons de créer permettrait un réel dialogue, mais aussi une réflexion collective sur la situation et le devenir d’un certain nombre de lignes que nous savons aujourd'hui menacées, notamment dans le Massif central et dans les Alpes, territoires que je connais bien.
Même si je n’aime pas beaucoup cette expression, je dois dire que les organisations syndicales de cheminots sont, parfois, à « l’avant-garde » dans la défense des lignes qui ont une utilité pour l’aménagement territorial des régions. Ils savent alerter et jouent leur rôle de lanceurs d’alerte auprès des élus sur des choix qui ont parfois vocation à être définitifs.
J’entends que notre amendement ne règle peut-être pas tout le problème, mais il est réellement nécessaire de créer, aujourd'hui, des espaces de concertation si l’on veut que, demain, l’offre de transport soit de qualité sur l’ensemble de nos territoires, au bénéfice de tous et de toutes.
M. le président. L'amendement n° 978, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 20 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sur la base des travaux réalisés par le Conseil économique, social et environnemental, le Gouvernement remet tous les cinq ans au Parlement un bilan qualitatif sur l’état du dialogue social en France, qui fait notamment état de sa dimension culturelle.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons déjà échangé hier sur cette question.
Cet amendement est lui aussi inspiré par les préconisations du CESE. L’idée est de disposer, tous les cinq ans, d’un bilan qualitatif de l’état et de la culture du dialogue social dans notre pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ce n’est ni la première ni la dernière demande de rapport que l’on voit passer ! (Mme la ministre sourit.)
Il s’agit effectivement de transcrire l’une des recommandations du CESE.
Établir un bilan qualitatif tous les cinq ans ne peut pas nuire. Toutefois, nous nous sommes interrogés sur la fréquence de remise du rapport. Un intervalle de cinq ans nous semblait assez long, mais il est vrai que reconstituer les données prend du temps.
Dès lors, la commission a émis, sur cet amendement, un avis de sagesse positive.
Monsieur le président, permettez-moi, puisque nous arrivons au terme de la partie du projet de loi qui m’a incombé en tant que rapporteur, d’adresser quelques remerciements.
Je veux remercier le président de la commission, Alain Milon, ainsi que le président du groupe Les Républicains, Bruno Retailleau, pour la confiance qu’ils m’ont accordée.
Je veux remercier les autres rapporteurs, mes collègues Michel Forissier et Jean-Marc Gabouty, avec lesquels j’ai travaillé en parfaite intelligence.
Je veux remercier les collègues qui ont assisté de façon assidue aux auditions : je pense, en particulier, à Dominique Watrin, Nicole Bricq, Olivier Cadic, Jean-Marie Vanlerenberghe, Pascale Gruny et Catherine Deroche, mais ils sont trop nombreux pour que je puisse les citer tous.
Je veux remercier Mme la ministre pour son écoute. Nous étions d’accord… pour constater nos désaccords. (Sourires.) Néanmoins, nous avons réussi à progresser sur certains articles et nous espérons que la suite de l’examen du texte permettra de préserver quelques apports du Sénat.
Je veux remercier les présidents qui se sont succédé pour conduire nos débats.
Je n’oublie naturellement pas les membres du secrétariat de la commission des affaires sociales, qui m’ont assisté de manière très précieuse dans ce travail ardu et intense, non plus que les membres du cabinet de Mme la ministre, les fonctionnaires de la direction générale du travail ni ceux de la direction générale à l’emploi et à la formation professionnelle. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Pour moi, l’exercice s’apparentait quelque peu à un bizutage, mais j’ai l’impression d’en sortir vivant et je vous en remercie tous ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI- UC, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20 bis.
TITRE III
Sécuriser les parcours et construire les bases d’un nouveau modèle social à l’ère du numérique
Chapitre Ier
Mise en place du compte personnel d’activité
Article 21
I. – Le livre Ier de la cinquième partie du code du travail est complété par un titre V ainsi rédigé :
« TITRE V
« COMPTE PERSONNEL D’ACTIVITÉ
« CHAPITRE UNIQUE
« Section 1
« Dispositions générales
« Art. L. 5151-1. – Le compte personnel d’activité a pour objectifs, par l’utilisation des droits qui y sont inscrits, de renforcer l’autonomie et la liberté d’action de son titulaire et de sécuriser son parcours professionnel en supprimant les obstacles à la mobilité. Il contribue au droit à la qualification professionnelle mentionné à l’article L. 6314-1.
« Le titulaire du compte personnel d’activité décide de l’utilisation de ses droits dans les conditions définies au présent chapitre, au chapitre III du titre II du livre III de la sixième partie ainsi qu’au chapitre II du titre VI du livre Ier de la quatrième partie.
« Le titulaire du compte personnel d’activité a droit à un accompagnement global et personnalisé destiné à l’aider à exercer ses droits pour la mise en œuvre de son projet professionnel. Cet accompagnement est fourni notamment dans le cadre du conseil en évolution professionnelle mentionné à l’article L. 6111-6.
« Art. L. 5151-2. – Un compte personnel d’activité est ouvert pour toute personne âgée d’au moins seize ans se trouvant dans l’une des situations suivantes :
« 1° Personne occupant un emploi, y compris lorsqu’elle est titulaire d’un contrat de travail de droit français et qu’elle exerce son activité à l’étranger ;
« 2° Personne à la recherche d’un emploi ou accompagnée dans un projet d’orientation et d’insertion professionnelles ;
« 3° Personne accueillie dans un établissement et service d’aide par le travail mentionné au a du 5° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ;
« 4° (Supprimé)
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, un compte personnel d’activité est ouvert dès l’âge de quinze ans pour le jeune qui signe un contrat d’apprentissage sur le fondement du deuxième alinéa de l’article L. 6222-1 du présent code.
« Le compte est fermé lorsque son titulaire est admis à faire valoir l’ensemble de ses droits à la retraite.
« Art. L. 5151-3. – Les droits inscrits sur le compte personnel d’activité, y compris en cas de départ du titulaire à l’étranger, demeurent acquis par leur titulaire jusqu’à leur utilisation ou à la fermeture du compte.
« Art. L. 5151-4. – Le compte ne peut être mobilisé qu’avec l’accord exprès de son titulaire. Le refus du titulaire du compte de le mobiliser ne constitue pas une faute.
« Art. L. 5151-5. – Le compte personnel d’activité est constitué :
« 1° Du compte personnel de formation ;
« 2° Du compte personnel de prévention de la pénibilité.
« 3° (Supprimé)
« Il assure la conversion des droits selon les modalités prévues par chacun des comptes le constituant.
« Art. L. 5151-6. – I. – Chaque titulaire d’un compte personnel d’activité peut consulter les droits inscrits sur celui-ci et peut les utiliser en accédant à un service en ligne gratuit. Ce service en ligne est géré par la Caisse des dépôts et consignations, sans préjudice de l’article L. 4162-11. La Caisse des dépôts et consignations et la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés concluent une convention définissant les modalités d’articulation des différents comptes et de mobilisation par leur titulaire.
« II. – Chaque titulaire d’un compte a également accès à une plateforme de services en ligne qui :
« 1° Lui fournit une information sur ses droits sociaux et la possibilité de les simuler ;
« 2° Lui donne accès à un service de consultation de ses bulletins de paie, lorsqu’ils ont été transmis par l’employeur sous forme électronique dans les conditions mentionnées à l’article L. 3243-2 ;
« 3° Lui donne accès à des services utiles à la sécurisation des parcours professionnels.
« Le gestionnaire de la plateforme met en place des interfaces de programmation permettant à des tiers de développer et de mettre à disposition ces services.
« III. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine les conditions dans lesquelles les données à caractère personnel afférentes au compte personnel de formation et au compte personnel de prévention de la pénibilité, ainsi que celles issues de la déclaration sociale nominative mentionnée à l’article L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale, peuvent être utilisées pour fournir les services mentionnés aux I et II du présent article. »
I bis (nouveau). – Le titre VI du livre Ier de la quatrième partie du même code est ainsi modifié :
1° Au septième alinéa de l’article L. 4161-1, les mots : « facteurs de risques professionnels et les » sont supprimés ;
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 4162-2, les mots : « à un ou plusieurs des facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 » sont remplacés par les mots : « au travail de nuit, au travail en équipes successives alternantes, au travail répétitif ou à des activités exercées en milieu hyperbare ».
II. – Le chapitre III du titre II du livre III de la sixième partie du même code est ainsi modifié :
1° L’article L. 6323-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 6323-1. – Le compte personnel de formation est ouvert et fermé dans les conditions définies à l’article L. 5151-2. » ;
2° La première phrase de l’article L. 6323-2 est ainsi modifiée :
a) Le mot : « ou » est remplacé par le signe : «, » ;
b) Après les mots : « d’un emploi, », sont insérés les mots : « travailleur indépendant, membre d’une profession libérale ou d’une profession non salariée ou conjoint collaborateur, » ;
3° Le II de l’article L. 6323-4 est complété par des 10° à 13° ainsi rédigés :
« 10° Un fonds d’assurance-formation de non-salariés défini à l’article L. 6332-9 du présent code ou à l’article L. 718-2-1 du code rural et de la pêche maritime ;
« 11° Une chambre régionale de métiers et de l’artisanat ou une chambre de métiers et de l’artisanat de région. »
« 12° (Supprimé)
« 13° (Supprimé)
4° L’article L. 6323-6 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi rédigé :
« I. – Les formations permettant d’acquérir le socle de connaissances et de compétences défini par décret ainsi que les actions permettant d’évaluer les compétences d’une personne préalablement à cette acquisition sont éligibles au compte personnel de formation. » ;
b) Le III est ainsi rédigé :
« III. – Sont également éligibles au compte personnel de formation, dans des conditions définies par décret :
« 1° L’accompagnement à la validation des acquis de l’expérience mentionnée à l’article L. 6313-11 ;
« 2° Les actions de formation permettant de réaliser un bilan de compétences ;
« 3° Les actions de formation, d’accompagnement, d’information et de conseil dispensées aux créateurs ou repreneurs d’entreprises. » ;
4° bis Après l’article L. 6323-6, il est inséré un article L. 6323-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6323-6-1. – Le compte peut être mobilisé par son titulaire pour la prise en charge d’une formation dans un État membre de l’Union européenne autre que la France, dans les conditions fixées à l’article L. 6323-6. » ;
5° L’article L. 6323-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 6323-7. – Le droit à une durée complémentaire de formation qualifiante, mentionné à l’article L. 122-2 du code de l’éducation, se traduit, lorsque cette formation est dispensée sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle, par l’abondement du compte personnel de formation à hauteur du nombre d’heures nécessaires au suivi de cette formation.
« Ces heures sont financées par la région au titre du droit d’accès à un premier niveau de qualification mentionné au deuxième alinéa du I de l’article L. 6121-2 du présent code. Le cas échéant, l’abondement mentionné au premier alinéa du présent article vient en complément des droits déjà inscrits sur le compte personnel de formation pour atteindre le nombre d’heures nécessaire à la réalisation de la formation qualifiante.
« Cet abondement n’entre pas en compte dans les modes de calcul des heures créditées chaque année sur le compte et du plafond de cent cinquante heures du compte personnel de formation mentionné à l’article L. 6323-11.
« Par dérogation à l’article L. 6323-6, les formations éligibles au titre du présent article sont celles inscrites au programme régional de formation professionnelle. » ;
« 5° bis A (nouveau) L’article L. 6323-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés à caractère saisonnier au sens du 3° de l’article L. 1242-2 bénéficient de droits majorés à hauteur de 25 % sur leur compte personnel de formation. » ;
5° bis (Supprimé)
6° Après l’article L. 6323-11, il est inséré un article L. 6323-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6323-11-1. – Pour le salarié qui n’a pas atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme classé au niveau V du répertoire national des certifications professionnelles, un titre professionnel enregistré et classé au niveau V de ce répertoire ou une certification reconnue par une convention collective nationale de branche, l’alimentation du compte se fait à hauteur de quarante-huit heures par an et le plafond est porté à quatre cents heures. » ;
6° bis À l’article L. 6323-12, les mots : « soutien familial » sont remplacés par les mots : « proche aidant » ;
6° ter À l’article L. 6323-15, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 5151-9, » ;
6° quater La sous-section 4 de la section 2 est complétée par un article L. 6323-20-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6323-20-1. – Lorsque le salarié qui mobilise son compte personnel de formation est employé par une personne publique qui ne verse pas la contribution mentionnée à l’article L. 6331-9 à un organisme collecteur paritaire agréé, cette personne publique prend en charge les frais mentionnés au I de l’article L. 6323-20.
« Les personnes publiques mentionnées à l’article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale peuvent choisir une prise en charge de ces frais par le Centre national de la fonction publique territoriale. La cotisation mentionnée à l’article 12-2 de la même loi est alors majorée de 0,2 %.
« Les personnes publiques mentionnées à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière peuvent choisir une prise en charge par l’organisme paritaire agréé par l’État mentionné au II de l’article 16 de l’ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique des établissements de santé. La contribution mentionnée au même II est alors majorée de 0,2 %. » ;
6° quinquies La sous-section 2 de la section 3 est complétée par un article L. 6323-23-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6323-23-1. – Le compte peut être mobilisé par son titulaire à la recherche d’emploi dans un État membre de l’Union européenne autre que la France s’il n’est pas inscrit auprès de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1, sous réserve de la conclusion d’une convention entre cette institution et l’organisme chargé du service public de l’emploi dans le pays de la recherche d’emploi. Cette convention détermine les conditions de prise en charge des formations mobilisées par le demandeur d’emploi dans le cadre de son compte. » ;
7° Est ajoutée une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Mise en œuvre du compte personnel de formation pour les travailleurs indépendants, les membres des professions libérales et des professions non salariées, leurs conjoints collaborateurs et les artistes auteurs
« Sous-section 1
« Alimentation et abondement du compte
« Art. L. 6323-24. – La contribution prévue aux articles L. 6331-48, L. 6331-53 et L. 6331-65 du présent code et à l’article L. 718-2-1 du code rural et de la pêche maritime finance les heures de formation inscrites dans le compte personnel de formation des travailleurs indépendants, des membres des professions libérales et des professions non salariées, de leurs conjoints collaborateurs et des artistes auteurs.
« Art. L. 6323-25. – Le compte est alimenté en heures de formation à la fin de chaque année et, le cas échéant, par des abondements supplémentaires, selon les modalités définies à la présente sous-section.
« Art. L. 6323-26. – L’alimentation du compte se fait à hauteur de vingt-quatre heures par année d’exercice de l’activité jusqu’à l’acquisition d’un crédit de cent vingt heures, puis de douze heures par année de travail, dans la limite d’un plafond total de cent cinquante heures.
« L’alimentation du compte est subordonnée à l’acquittement effectif de la contribution mentionnée aux articles L. 6331-48 et L. 6331-53 et au 1° de l’article L. 6331-65 du présent code ainsi qu’à l’article L. 718-2-1 du code rural et de la pêche maritime.
« Lorsque le travailleur n’a pas versé cette contribution au titre d’une année entière, le nombre d’heures mentionné au premier alinéa du présent article est diminué au prorata de la contribution versée.
« Art. L. 6323-27. – La période d’absence du travailleur indépendant, du membre d’une profession libérale ou d’une profession non salariée, du conjoint collaborateur ou de l’artiste auteur pour un congé de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant, d’adoption, de présence parentale ou de proche aidant, pour un congé parental d’éducation ou pour une maladie professionnelle ou un accident du travail est intégralement prise en compte pour le calcul des heures mentionnées au premier alinéa de l’article L. 6323-26.
« Art. L. 6323-28. – Le compte personnel de formation peut être abondé en application de l’accord constitutif du fonds d’assurance-formation de non-salariés mentionné à l’article L. 6332-9 du présent code ou à l’article L. 718-2-1 du code rural et de la pêche maritime. Il peut également être abondé par les chambres de métiers et de l’artisanat de région et les chambres régionales de métiers et de l’artisanat mentionnées à l’article 5-1 du code de l’artisanat, grâce aux contributions à la formation professionnelle versées dans les conditions prévues aux articles L. 6331-48 et L. 6331-50 du présent code.
« Le compte personnel de formation des travailleurs indépendants de la pêche maritime, des employeurs de pêche maritime de moins de onze salariés, ainsi que des travailleurs indépendants et des employeurs de cultures marines de moins de onze salariés peut être abondé en application d’une décision du conseil d’administration de l’organisme collecteur paritaire agréé mentionné au troisième alinéa de l’article L. 6331-53 du présent code.
« Le compte personnel de formation des artistes auteurs peut être abondé en application d’une décision du conseil d’administration de l’organisme collecteur paritaire agréé mentionné au premier alinéa de l’article L. 6331-68.
« Art. L. 6323-29. – Les abondements supplémentaires mentionnés à l’article L. 6323-28 n’entrent pas en compte dans les modes de calcul des heures créditées sur le compte chaque année et du plafond mentionnés à l’article L. 6323-26.
« Sous-section 2
« Formations éligibles et mobilisation du compte
« Art. L. 6323-30. – Les formations éligibles au compte personnel de formation sont les formations mentionnées aux I et III de l’article L. 6323-6.
« Le fonds d’assurance-formation auquel adhère le titulaire du compte définit les autres formations éligibles au compte personnel de formation. Pour les artisans, les chambres régionales de métiers et de l’artisanat et les chambres de métiers et de l’artisanat de région peuvent également définir, de manière complémentaire, d’autres formations éligibles.
« Pour les travailleurs indépendants de la pêche maritime, les employeurs de pêche maritime de moins de onze salariés, ainsi que les travailleurs indépendants et les employeurs de cultures marines de moins de onze salariés, les autres formations éligibles sont définies par l’organisme collecteur paritaire agréé mentionné au troisième alinéa de l’article L. 6331-53, sur proposition de la section particulière chargée de gérer la contribution mentionnée au même article.
« Pour les artistes auteurs, les autres formations éligibles sont définies par l’organisme collecteur paritaire agréé mentionné au premier alinéa de l’article L. 6331-68, sur proposition de la section particulière mentionnée au même article.
« La liste des formations mentionnées au deuxième alinéa du présent article est transmise à l’organisme gestionnaire mentionné au III de l’article L. 6323-8.
« Sous-section 3
« Prise en charge des frais de formation
« Art. L. 6323-31. – Les frais pédagogiques et les frais annexes afférents à la formation du travailleur indépendant, du membre d’une profession libérale ou d’une profession non salariée, du conjoint collaborateur ou de l’artiste auteur qui mobilise son compte personnel de formation sont pris en charge, selon des modalités déterminées par décret, par le fonds d’assurance-formation de non-salariés auquel il adhère ou par la chambre régionale de métiers et de l’artisanat ou la chambre de métiers et de l’artisanat de région dont il relève.
« Pour les travailleurs indépendants de la pêche maritime, les employeurs de pêche maritime de moins de onze salariés, ainsi que les travailleurs indépendants et les employeurs de cultures marines de moins de onze salariés, ces frais sont pris en charge par l’organisme collecteur paritaire agréé mentionné au troisième alinéa de l’article L. 6331-53.
« Pour les artistes auteurs, ces frais sont pris en charge par l’organisme collecteur paritaire agréé mentionné au premier alinéa de l’article L. 6331-68. »
III. – L’article L. 6111-6 du même code est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle peut être proposée à distance, dans des conditions définies par le cahier des charges. » ;
2° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces institutions, organismes et opérateurs assurent l’information directe des personnes sur les modalités d’accès à ce conseil et sur son contenu, selon des modalités définies par voie réglementaire. »
III bis (nouveau). – Une concertation sur l’amélioration des modalités de prévention de la pénibilité est engagée, avant le 1er octobre 2016, avec les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel qui, si elles le souhaitent, ouvrent une négociation à ce sujet. Cette concertation doit notamment chercher à établir des mécanismes de suivi de l’exposition des salariés à des facteurs de risques professionnels adaptés aux entreprises de moins de cinquante salariés et aux secteurs où elle est inhérente à l’activité professionnelle exercée. Elle doit s’attacher à proposer des outils de prévention innovants afin de réduire l’exposition des salariés sur une longue durée à des facteurs de risques professionnels et des mécanismes incitant les entreprises à les mettre en place.
IV. – Les I à III entrent en vigueur le 1er janvier 2017, à l’exception des 2° et 7° du II, qui entrent en vigueur le 1er janvier 2018 et des I bis et III bis, qui entrent en vigueur à la publication de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. Je ne reviendrai pas sur les raisons pour lesquelles nous critiquons ce projet de loi dans sa globalité.
Cependant, dans cet ensemble, le compte personnel d’activité apparaît comme une mesure en demi-teinte.
Certes, il inclut désormais un compte d’engagement citoyen. Certes, les jeunes décrocheurs pourront en bénéficier pour se former. Pour le reste, le compte personnel d’activité est simplement le regroupement de dispositifs actuels, dont certains remontent à la loi relative à la sécurisation de l’emploi. Nous sommes bien loin de la revendication des organisations syndicales en faveur d’une sécurité sociale professionnelle !
Avec la révolution numérique, il y a urgence à créer un nouveau statut du travail salarié, consistant en un socle de droits individuels garantis collectivement, opposables à tout employeur et transférables d’une entreprise à l’autre et d’une branche à l’autre.
Ces droits garantiraient la continuité et la progressivité des droits au salaire, à la formation, à la protection sociale, etc. – en clair, à ce que certains appellent « une sécurité sociale professionnelle ».
Ces droits universels permettraient aussi des passerelles de la formation initiale à l’entreprise, en intégrant le droit à la formation tout au long de la vie, levier indispensable au projet de la personne, à la réussite de son parcours, au choix de mobilité, au changement d’orientation professionnelle, ainsi qu’à une vraie égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes.
En conclusion, le compte personnel d’activité est encore très éloigné du projet de sécurité sociale professionnelle qui permettrait de garantir aux salariés, jeunes et moins jeunes, l’épanouissement et l’émancipation par le travail.
Notons enfin que l’amendement adopté par la commission, sur l’initiative de la majorité sénatoriale, ne fait que reprendre les critères de pénibilité déjà identifiés. Il s'agit donc là aussi d’un recul par rapport à ce que l’on pouvait espérer.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. Les membres du groupe socialiste et républicain revendiquent avec fierté et enthousiasme l’avancée sociale importante que représente le compte personnel d’activité, clé de voûte, dans le monde du travail, d’un nouveau modèle social, plus universel et plus individualisé – je reprends vos propos, madame la ministre.
Le rattachement des droits à la personne et non plus au statut permet bien de créer l’instrument d’une liberté protectrice pour tous les actifs.
Le compte personnel d’activité, c’est d’abord une protection universelle, avec le regroupement du compte personnel de formation, du compte personnel de prévention de la pénibilité et du compte d’engagement citoyen, du moins dans sa version adoptée à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale. Il permettra à chacun, quel que soit son statut – salarié, à la recherche d’un emploi, artisan, commerçant ou entrepreneur –, d’accumuler et de conserver des droits tout au long de sa vie et de les utiliser en fonction de ses besoins et de ses aspirations.
Le compte personnel d’activité, c’est aussi l’instrument d’une liberté professionnelle renouvelée pour ceux qui en ont le plus besoin : les salariés qui n’ont pas eu accès à un premier niveau de qualification, les demandeurs d’emploi, les jeunes « décrocheurs » ou en situation de précarité, mais aussi les entrepreneurs, les indépendants, les créateurs d’entreprise.
L’objectif, c’est d’aider chacune et chacun de nos concitoyens à construire un parcours professionnel en phase avec ses aspirations, c'est-à-dire de faire évoluer notre modèle social pour que les grands principes de solidarité qui ont été posés à la Libération, en 1945, gardent toute leur réalité et toute leur vigueur en se modernisant dans le monde qui est celui du XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. L'amendement n° 245 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau, Longeot et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Je voudrais à mon tour féliciter le rapporteur Jean-Baptiste Lemoyne de la qualité de son travail et de son écoute. Certes, la recherche du consensus n’a pas permis de suivre jusqu’au bout la logique vers laquelle nous devrions tendre, mais des pas en avant ont d’ores et déjà été accomplis.
Le compte personnel d’activité, ou CPA, n’est pas une mauvaise idée en soi.
Mme Nicole Bricq. C’est même une très bonne idée !
M. Michel Canevet. Force est de constater, néanmoins, que ce projet n’est pas du tout abouti : en l’état de sa présentation, nous doutons qu’il puisse satisfaire les attentes véritables des acteurs de terrain.
Nous en avons déjà fait l’expérience à propos du compte personnel de prévention de la pénibilité : toutes les entreprises sont vent debout contre sa mise en œuvre,…
Mme Catherine Génisson. Non, pas toutes !
M. Michel Canevet. … qui se révèle particulièrement difficile : son élaboration n’a tout simplement pas fait l’objet d’une réflexion suffisante.
La situation est analogue concernant le compte personnel d’activité : à supposer qu’il s’agisse d’une bonne idée, celle-ci mérite d’être approfondie ; à défaut, le risque est de construire une usine à gaz dont les entreprises, en définitive, ne pourront se dépêtrer.
L’amendement qui vous est proposé, mes chers collègues, ne vise donc qu’à prolonger la phase de réflexion : ce dispositif doit être mis au point avant d’être mis en œuvre. Si tel n’est pas le cas, nous nous heurterons, une fois encore, aux mêmes difficultés ; nous compliquerons la création d’emplois, ainsi que l’installation et le développement des entreprises dans notre pays. C’est vers la simplicité, au contraire, que nous devons tendre ; or nous échouons à y concourir.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à soutenir notre amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Mon cher collègue, la commission partage totalement votre point de vue ; j’attire cependant votre attention sur le fait que nous avons complètement réécrit cet article, en le simplifiant, précisément.
Nous conservons la partie relative au compte personnel de formation, en la perfectionnant. En dépit des belles envolées lyriques de ceux de nos collègues qui soutiennent le nouveau dispositif, le régime du DIF, le droit individuel à la formation, a permis, en son temps, que soient accomplies 530 000 formations ; avec le passage au CPF, le compte personnel de formation, ce chiffre est retombé à 60 000 : on ne peut donc pas dire que c’est une réussite.
Concernant le compte personnel de prévention de la pénibilité, nous vous proposerons de ne conserver que les quatre premiers critères. Quant au CEC, le compte d’engagement citoyen, nous vous proposerons de le supprimer.
Nous vous proposerons également de limiter l’ouverture du CPA à la période d’activité, en partant du principe que dans la vie se succèdent la période des apprentissages, celle de la vie active et celle de la retraite.
Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Sans surprise, l’avis du Gouvernement sera tout à fait défavorable sur cet amendement.
Notre pays possède des forces, mais aussi de véritables faiblesses. On n’entre plus dans une entreprise à 18 ans pour en sortir à 60 ans : ce monde du travail n’est plus. Chacun sait qu’il aura, au cours de sa vie professionnelle, plusieurs statuts, plusieurs employeurs. Or on constate que près de 82 % des Français ont peur de la reconversion professionnelle, dont ils trouvent l’idée difficile à affronter. Il faut donc que nous changions de méthode : tout en édifiant une forme de garantie collective, nous devons attacher les droits à la personne.
C’est pourquoi je promeus le compte personnel d’activité. Il s’agit évidemment d’un projet à très long terme, dont nous poserons les premières briques (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.), dans le cadre de l’application de ce texte, dès le 1er janvier 2017. Il ne s’agit absolument pas d’une dédicace de ma part, madame Nicole Bricq ! (Sourires.)
Nous procédons pas à pas. Toutefois, la mise en place du compte personnel d’activité représente, dans le monde du travail actuel, une véritable nécessité. Pourquoi le défendre avec tant d’enthousiasme ? Parce que – ce point est essentiel – il est universel !
Monsieur Watrin, je sais que vous avez du mal à dire du bien de ce projet de loi, mais je vous ai entendu affirmer qu’il ne s’agissait que d’un conglomérat des comptes existants. C’est faux, et vous le savez bien !
Voilà trente ans, dans notre pays, que l’on dit que la formation professionnelle ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin ; avec le compte personnel d’activité, les heures de formation doublent pour les salariés les moins qualifiés ! Avec le compte personnel d’activité, un jeune décrocheur pourra revenir gratuitement en formation. Et les travailleurs indépendants sont intégrés au dispositif : c’est un compte universel, destiné à chacun, artisan, agent public, travailleur indépendant, salarié, chômeur. Il ne s’agit donc pas d’un conglomérat de comptes existants !
Notre pays a besoin de retrouver le sens du collectif. Néanmoins, les Françaises et les Français doivent être eux-mêmes acteurs de leur parcours professionnel. Or, aujourd’hui, nous ne leur donnons pas suffisamment de clés pour rebondir eux-mêmes en cas de rupture dans leur parcours. Il y va donc d’une forme de responsabilisation, évidemment.
Au-delà même de cette dimension, j’estime que le CPA représente vraiment l’avenir : nous savons bien que des droits attachés à un statut ne sont plus adaptés au monde du travail d’aujourd’hui. C’est pourquoi je précise qu’au 1er janvier 2017, le dispositif ne sera pas livré dans son intégralité ; dans cinq ans, voire dans dix ans, beaucoup de choses auront été ajoutées autour du CPA. Pourquoi, par exemple, la question de l’assurance chômage n’entrerait-elle pas dans ce cadre ? Beaucoup de portes, après coup, pourront donc s’ouvrir.
Lorsque l’on observe, aujourd’hui, la difficulté de rebondir après une rupture dans le parcours professionnel, nous constatons que nous ne sommes pas bons, ni en termes de mobilité géographique ni en termes de formation en direction de ceux qui en ont le plus besoin. C’est pourquoi nous devons parvenir à donner au citoyen lui-même les clés de son parcours professionnel.
Nous travaillons, dans cette perspective, avec la Caisse des dépôts et consignations. Nous avons lancé des « hackathons », notamment à l’École 42, pour réfléchir à tous les services – ils sont très nombreux – qui pourraient être disponibles autour du CPA : nous testons les choses avec des usagers, représentants de demandeurs d’emploi ou de salariés, étudiants d’écoles de commerce, élèves de l’ENA, pour essayer, précisément, de développer, sur de nombreux pans de l’action publique relatifs à la transition professionnelle, de nouveaux services numériques.
Cependant, il ne s’agit pas simplement d’un outil numérique : de nombreux services se nichent derrière l’outil numérique, et ils visent à rendre les personnes véritablement actrices de leur parcours professionnel. J’aurai l’occasion, bien entendu, à l’occasion de l’examen des différents amendements, d’approfondir mon propos, et je répondrai sur le compte personnel de prévention de la pénibilité – loin de moi l’idée d’occulter ce sujet.
En attendant, l’avis du Gouvernement est défavorable sur cet amendement, et je suis persuadée que, un jour, dans cinq ans peut-être, vous direz tous, mesdames, messieurs les sénateurs, non seulement que le CPA est une très bonne idée, mais qu’il se concrétise très bien pour les Français.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur Canevet, vous avez dit, et les auteurs de cet amendement de suppression ont écrit, que ce n’était pas une mauvaise idée. Vous permettrez que je dise que c’est une très bonne idée ! (Sourires sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Alain Vasselle. Ah !
Mme Nicole Bricq. Pour nous, socialistes, cette idée est grosse de ce que nous souhaitons depuis longtemps, et que nous appelons, peut-être un peu pompeusement, une sécurité sociale professionnelle. C’est une innovation !
Ce n’est pas tous les jours que la loi innove. Elle innove, en l’occurrence, en matière sociale, pour accompagner, notamment, des innovations technologiques, sachant que nous serons tous – nous commençons d’ailleurs à l’être, l’économie comme les personnes – numérisés !
Cette mutation technologique entraînera, et entraîne déjà, une mutation des modes de production et des modes de management, mais aussi un bouleversement de la vie elle-même. Nous devons donc armer du mieux possible les individus, quel que soit leur statut, salarié ou indépendant, pour qu’ils puissent affronter ces bouleversements. C’est cela, l’idée, et l’on ne peut que s’en satisfaire !
Mme la ministre a parfaitement expliqué que ce dispositif, dont je rappelle tout de même que le principe a été créé il y a un an, a vocation à être enrichi. Peut-être démarrons-nous un peu modestement ; du reste, certains, parmi nous, au sein du groupe socialiste et républicain, regrettent que le compte épargne-temps n’y ait pas été intégré ; nous y reviendrons au travers de nos amendements. (M. Michel Forissier, rapporteur, manifeste son désaccord.)
Monsieur le rapporteur, je sais bien que cela fait beaucoup, mais nous souhaitons dire, par le biais d’un amendement d’appel, que ce dispositif a vocation à être enrichi !
Pour ma part, j’utilise une métaphore, celle du sac à dos. C’est la mode, vous le savez : les jeunes ont tous leur sac à dos. Eh bien, nous voulons qu’ils aient un sac à dos pour mener leur parcours, et nous l’agrémentons, pour commencer, de divers éléments.
Nous y mettons tout d’abord le compte personnel de formation, qui existe déjà et qui fonctionne bien ; nous renforçons même cette dimension, parce que nous savons que les indépendants comme les salariés, qui iront d’un statut à un autre, auront besoin de formations qualifiantes.
Nous y mettons également le compte personnel de prévention de la pénibilité, dont nous savons qu’il a créé bien des soucis dans la partie droite de l’hémicycle… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Pas seulement !
Mme Nicole Bricq. Nous avons entendu les critiques, et le Gouvernement a modifié le décret, peut-être pas suffisamment à votre goût, chers collègues de la majorité sénatoriale, mais il faut bien commencer quelque part.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Nicole Bricq. Quoi qu’il en soit, si l’on est pour l’individualisation des droits et pour la prise en compte de la société telle qu’elle est, le CPA est une bonne arme !
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. À regarder du côté de l’Autriche, où les choses fonctionnent bien – un compte individuel de droits rechargeables à l’assurance chômage y a été mis en place –, le CPA pourrait ressembler à une bonne idée.
Mme Nicole Bricq. Pourquoi ne fonctionnerait-il pas bien en France ?
M. Olivier Cadic. Toutefois, comme notre rapporteur vient de le souligner, il faudra bien, un jour, évaluer la réussite des dispositifs que nous mettons en place ! Il est facile de prendre des décisions ; quant à évaluer si, sur le terrain, cela fonctionne, c’est une autre histoire !
Prenez le compte personnel de formation : les choses fonctionnent-elles mieux avec un tel outil, si l’on compare notre situation avec celle des autres pays, qui n’en sont pas dotés ? La réponse est non !
Quant au compte personnel de prévention de la pénibilité, il faudra bien également, un jour, que nous arrêtions de délirer, et que nous revenions là-dessus – cela prendra le temps qu’il faudra. Les effets de manche sont possibles ; mais ils finissent toujours par s’effondrer devant la réalité, surtout lorsque les dérives apparaissent dès le départ.
Avec le compte d’engagement citoyen, enfin, une brique est ajoutée. Il s’agit d’une innovation. Dans ce domaine, nous sommes les premiers : il ne me semble pas que d’autres pays nous aient devancés…
Mme Nicole Bricq. L’idée était déjà défendue par Tony Blair !
M. Olivier Cadic. Il s’agit en réalité d’une « nouvelle pierre dans le sac à dos », pour reprendre la formule utilisée par les entrepreneurs français eux-mêmes, qui trouvent, en effet, leur chargement bien lourd ! Après les 35 heures, voici effectivement une nouvelle innovation.
Vous dites, madame la ministre, que, dans cinq ans, les autres pays nous l’envieront. Je le souhaite : cela voudrait dire que vous avez eu raison. Malheureusement, il est probable que, comme cela s’est passé pour les 35 heures, nous en serons toujours, dans quinze ans, à tenter de nous sortir de ce système. Mais j’espère que ce ne sera pas le cas !
Notre taux de chômage est supérieur à 10 % ; les pays qui nous environnent sont peu nombreux à être dans ce cas. Faire baisser le chômage : c’est cet objectif, aujourd’hui, que nous devons avoir en ligne de mire. Apparemment, lorsque l’on n’y parvient pas, on imagine des tas de mesures. Voilà donc une nouvelle idée,…
M. Alain Néri. Et même une bonne idée !
M. Olivier Cadic. … qui n’est peut-être qu’une fausse bonne idée !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. La première révolution a eu lieu en 1970 : Jacques Delors, alors conseiller de Jacques Chaban-Delmas, invente, avec la « nouvelle société », la formation professionnelle continue.
Tout découle de là ! Je puis vous le dire, pour l’avoir vécu, d’abord au sein d’une entreprise, puis dans un centre des formations industrielles. Aujourd’hui, nous en sommes à tenter d’améliorer ce dispositif. Je crois beaucoup à ce compte personnel d’activité, qui accompagnera chaque individu tout au long de sa vie. Personne n’en conteste d’ailleurs le principe, et nous avons déjà voté, dans cet hémicycle, le compte personnel d’activité.
Mme Nicole Bricq. Tout à fait !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Comme l’ont dit nos collègues Cadic et Canevet, le risque est d’échouer à mettre en place le dispositif simple, auquel par ailleurs je crois, en péchant par excès de complexité : qui trop embrasse mal étreint, dit le proverbe. Mes chers collègues, gardons-nous d’aller trop vite ! Avançons pas à pas, avec sérieux et maîtrise.
Mme Nicole Bricq. Tout à fait !
M. Michel Forissier, rapporteur. Oui !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Compte personnel de formation, oui, bien entendu ! Compte personnel de prévention de la pénibilité, oui, mais sous conditions. Car qui n’a pas conscience que la mise en œuvre des dix critères sera difficile ?
M. Alain Vasselle. C’est une usine à gaz !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Qui n’a pas reçu, dans sa permanence, des chefs d’entreprise venus se plaindre de cette difficulté ? Je pense notamment au secteur du bâtiment, qui est sans doute le plus concerné, au quotidien, par la pénibilité. Vous feriez bien, madame la ministre, d’écouter notre rapporteur, qui est très compétent en ce domaine et qui propose, avec une grande sagesse, que nous amendions le dispositif sur ce point.
Quant au compte d’engagement citoyen, nous n’y sommes pas du tout hostiles ; mais, là encore, ce n’est pas maîtrisé : on mélange l’action bénévole et l’action civique et citoyenne, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je m’apprêtais à dire que certains de nos collègues manquent parfois singulièrement de sens de la nuance, mais les propos du dernier orateur modèrent quelque peu mon appréciation.
J’ai entendu un certain nombre d’affirmations, non démontrées, laissant entendre que le CPA était une bonne idée, mais que cette idée n’était pas totalement aboutie. Toutefois, quelle loi traite par le menu l’ensemble de ses dispositions ? Il est simplement prévu l’ouverture d’un droit ; reste désormais à définir les conditions de sa mise en œuvre !
Qui contestera, dans un monde qui a changé, et dans lequel, entre 18 et 60 ans, chacun sera sans doute amené à changer cinq voire dix fois de métier, la nécessité d’une formation continue permettant la maîtrise de nouvelles techniques ?
Je suis Breton. (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Michel Canevet. Moi aussi !
Mme Françoise Gatel. Nous aussi !
M. Jean-Louis Tourenne. Certes, mais certains, peut-être, l’oublient ! (Protestations amusées sur les mêmes travées.) Nous avons tous des titres de noblesse à revendiquer ; le fait d’être Breton en est un. (Sourires.)
À ce titre, je n’oublie pas que l’industrie agroalimentaire a connu d’importantes difficultés. Lorsqu’il a fallu reconvertir les salariés de cette industrie, on s’est aperçu qu’une telle reconversion requerrait le suivi de formations complémentaires, parfois importantes.
Quant au compte personnel de prévention de la pénibilité, chers collègues, nous ne devons pas rencontrer les mêmes personnes : vous nous dites qu’elles sont toutes vent debout contre ce compte, mais ce n’est pas ce que j’entends ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UDI-UC.)
Sans doute avez-vous l’oreille sélective, chers collègues ! J’entends des chefs d’entreprise dire, certes, que c’est compliqué, mais que, en même temps, il est nécessaire de tenir compte de la pénibilité du travail d’un certain nombre de nos concitoyens, dont l’espérance de vie est largement inférieure à la moyenne. Ils s’opposent non pas au « compte pénibilité », mais à la complexité du dispositif, et ils demandent en effet que celui-ci soit simplifié.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Voilà un Breton qui sort les rames ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Louis Tourenne. Néanmoins, c’est une belle innovation que de donner à chacun des droits qu’il pourra utiliser pour évoluer, pour avancer, pour s’adapter ! C’est aussi une belle innovation pour l’entreprise, dont les employés seront capables de s’engager dans des conversions professionnelles. C’est une belle innovation, enfin, que la reconnaissance de l’engagement civique !
M. le président. Monsieur Canevet, l'amendement n° 245 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de quinze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 975 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il permet la reconnaissance de l’engagement citoyen.
II. – Alinéa 14
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 4° Personne ayant fait valoir ses droits à la retraite.
III. – Alinéa 16
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes âgées d’au moins seize ans mais ne relevant pas des situations mentionnées aux 1° à 3° du présent article peuvent ouvrir un compte personnel d’activité afin de bénéficier du compte d’engagement citoyen et d’accéder aux services en ligne mentionnés à l’article L. 5151-6.
« Le compte est fermé à la date de décès du titulaire. À compter de la date à laquelle son titulaire a fait valoir ses droits à la retraite, le compte personnel de formation cesse d’être alimenté, sauf en application de l’article L. 5151-9. Les heures inscrites sur le compte personnel de formation au titre du compte d’engagement citoyen, à l’exclusion des autres heures inscrites sur ce compte, peuvent être utilisées pour financer les formations destinées à permettre aux bénévoles et aux volontaires en service civique d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de leurs missions mentionnées à l’article L. 6313-13.
IV. – Alinéa 22
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 3° Du compte d’engagement citoyen.
V. – Après l’alinéa 30
Insérer vingt-six alinéas ainsi rédigés :
« Section 2
« Compte d’engagement citoyen
« Art. L. 5151-7. – Le compte d’engagement citoyen recense les activités bénévoles ou de volontariat de son titulaire. Il permet d’acquérir :
« 1° Des heures inscrites sur le compte personnel de formation à raison de l’exercice de ces activités ;
« 2° Des jours de congés destinés à l’exercice de ces activités.
« Art. L. 5151-8. – Les activités bénévoles ou de volontariat sont recensées dans le cadre du traitement de données à caractère personnel mentionné au II de l’article L. 6323-8.
« Le titulaire du compte décide des activités qu’il souhaite y recenser.
« Art. L. 5151-9. – Les activités bénévoles ou de volontariat permettant d’acquérir des heures inscrites sur le compte personnel de formation sont :
« 1° Le service civique mentionné à l’article L. 120-1 du code du service national ;
« 2° La réserve militaire mentionnée à l’article L. 4211-1 du code de la défense ;
« 3° La réserve communale de sécurité civile mentionnée à l’article L. 724-3 du code de la sécurité intérieure ;
« 4° La réserve sanitaire mentionnée à l’article L. 3132-1 du code de la santé publique ;
« 5° L’activité de maître d’apprentissage mentionnée à l’article L. 6223-5 du présent code ;
« 6° Les activités de bénévolat associatif, lorsque les conditions suivantes sont remplies :
« a) L’association fait partie des associations mentionnées au cinquième alinéa de l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ;
« b) Le bénévole siège dans l’organe d’administration ou de direction de l’association ou participe à l’encadrement d’autres bénévoles, dans des conditions, notamment de durée, fixées par décret ;
« 7° Le volontariat dans les armées mentionné aux articles L. 4132-11 et L. 4132-12 du code de la défense et aux articles 22 et 23 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.
« Toutefois, les activités mentionnées au présent article ne permettent pas d’acquérir des heures inscrites sur le compte personnel de formation lorsqu’elles sont effectuées dans le cadre des formations secondaires mentionnées au code de l’éducation.
« Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du 6° du présent article.
« Art. L. 5151-10. – Un décret définit, pour chacune des activités mentionnées à l’article L. 5151-9, la durée nécessaire à l’acquisition de vingt heures inscrites sur le compte personnel de formation.
« Les heures acquises au titre du compte d’engagement citoyen sont inscrites dans la limite d’un plafond de soixante heures.
« Art. L. 5151-11. – La mobilisation des heures mentionnées à l’article L. 5151-10 est financée :
« 1° Par l’État, pour les activités mentionnées aux 1° , 2° , 5° , 6° et 7° de l’article L. 5151-9 ;
« 2° Par la commune, pour l’activité mentionnée au 3° du même article ;
« 3° Par l’établissement public chargé de la gestion de la réserve sanitaire, mentionné à l’article L. 1413-1 du code de la santé publique, pour l’activité mentionnée au 4° de l’article L. 5151-9 du présent code.
« Art. L. 5151-12. – L’employeur a la faculté d’accorder des jours de congés payés consacrés à l’exercice d’activités bénévoles ou de volontariat. Ces jours de congés sont inscrits sur le compte d’engagement citoyen. »
VI. – Alinéas 43 et 44
Rétablir ces alinéas dans la rédaction suivante :
« 12° Une commune ;
« 13° L’établissement public chargé de la gestion de la réserve sanitaire, mentionné à l’article L. 3135-1 du code de la santé publique. » ;
VI. – Alinéa 62
Rétablir le 5° bis dans la rédaction suivante :
5° bis Le second alinéa de l’article L. 6323-11 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’accord ou une décision unilatérale de l’employeur peut en particulier porter l’alimentation du compte personnel de formation des salariés à temps partiel jusqu’au niveau de celui des salariés à temps plein. » ;
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. La commission des affaires sociales a voulu « recentrer » le CPA ; en fait, elle l’a plutôt amputé, notamment du compte d’engagement citoyen.
Il s’agissait pourtant d’une avancée importante. Je suis d’ailleurs convaincue, monsieur le rapporteur, que vous y serez sensible : cette disposition vise en effet notamment à valoriser le travail des maîtres d’apprentissage. Elle permet également de valoriser l’engagement citoyen et de donner davantage de droits à ceux qui s’engagent au service de l’intérêt collectif.
Ce compte d’engagement citoyen est le fruit des deux mois de concertation et de débat public, que nous avons menés autour du compte personnel d’activité. Des citoyens, des demandeurs d’emploi, des salariés, des employeurs, des ONG, des associations, se sont mobilisés et ont fait part de leurs propositions. Je propose donc de rétablir le compte d’engagement citoyen.
Je me permets aussi, même si cela dépasse le cadre strict de la défense de cet amendement, de dire quelques mots sur le compte personnel de formation. Vous avez eu l’occasion, monsieur le rapporteur, de critiquer sa mise en œuvre. Or l’ouverture de comptes personnels de formation a connu récemment une véritable accélération : quelque 3,1 millions de nos concitoyens ont ouvert un tel compte ; surtout, 423 946 formations ont été financées.
Pourquoi avons-nous mis en place le compte personnel de formation ? Je me permets de le rappeler : si l’Autriche forme quatre demandeurs d’emploi sur dix, la France n’en forme qu’un sur dix. Et si le Président de la République a lancé le plan « 500 000 formations supplémentaires pour les demandeurs d’emploi », c’est précisément pour que nous arrivions au niveau de l’Allemagne, c’est-à-dire pour que nous formions deux demandeurs d’emploi sur dix.
Sur les 423 946 formations suivies au titre du compte personnel de formation, 312 000 concernent des demandeurs d’emploi, et 111 000 des salariés. Le ciblage qui était visé à travers la mise en place de ce compte est donc pleinement respecté. Surtout, cette mesure vise à ménager un accès à des formations qualifiantes. Là encore, l’objectif est pleinement satisfait – plus de 500 heures en moyenne pour les demandeurs d’emploi, et près de 414 heures, tous bénéficiaires confondus, au titre du CPF.
Certes, les débuts ont été un peu difficiles, mais on peut dire, un an et demi après sa mise en place, que le compte personnel de formation fonctionne bien !
M. le président. L'amendement n° 912 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il permet la reconnaissance de l’engagement citoyen.
II. – Alinéa 14
Rétablir le 4° dans la rédaction suivante :
« 4° Personne ayant fait valoir ses droits à la retraite.
III. – Alinéa 16
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes âgées d’au moins seize ans mais ne relevant pas des situations mentionnées aux 1° à 3° du présent article peuvent ouvrir un compte personnel d’activité afin de bénéficier du compte d’engagement citoyen et d’accéder aux services en ligne mentionnés à l’article L. 5151-6.
« Le compte est fermé à la date du décès du titulaire. À compter de la date à laquelle son titulaire a fait valoir ses droits à la retraite, le compte personnel de formation cesse d’être alimenté, sauf en application de l’article L. 5151-9. Les heures inscrites sur le compte personnel de formation au titre du compte d’engagement citoyen, à l’exclusion des autres heures inscrites sur ce compte, peuvent être utilisées pour financer les formations destinées à permettre aux bénévoles et aux volontaires en service civique d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de leurs missions mentionnées à l’article L. 6313-13.
IV. – Alinéa 22
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
« 3° Du compte d’engagement citoyen.
V. – Après l’alinéa 30
Insérer vingt-six alinéas ainsi rédigés :
« Section 2
« Compte d’engagement citoyen
« Art. L. 5151-7. – Le compte d’engagement citoyen recense les activités bénévoles ou de volontariat de son titulaire. Il permet d’acquérir :
« 1° Des heures inscrites sur le compte personnel de formation à raison de l’exercice de ces activités ;
« 2° Des jours de congés destinés à l’exercice de ces activités.
« Art. L. 5151-8. – Les activités bénévoles ou de volontariat sont recensées dans le cadre du traitement de données à caractère personnel mentionné au II de l’article L. 6323-8.
« Le titulaire du compte décide des activités qu’il souhaite y recenser.
« Art. L. 5151-9. – Les activités bénévoles ou de volontariat permettant d’acquérir des heures inscrites sur le compte personnel de formation sont :
« 1° Le service civique mentionné à l’article L. 120-1 du code du service national ;
« 2° La réserve militaire mentionnée à l’article L. 4211-1 du code de la défense ;
« 3° La réserve communale de sécurité civile mentionnée à l’article L. 724-3 du code de la sécurité intérieure ;
« 4° La réserve sanitaire mentionnée à l’article L. 3132-1 du code de la santé publique ;
« 5° L’activité de maître d’apprentissage mentionnée à l’article L. 6223-5 du présent code ;
« 6° Les activités de bénévolat associatif, lorsque les conditions suivantes sont remplies :
« a) L’association fait partie des associations mentionnées au cinquième alinéa de l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ;
« b) Le bénévole siège dans l’organe d’administration ou de direction de l’association ou participe à l’encadrement d’autres bénévoles, dans des conditions, notamment de durée, fixées par décret ;
« 7° Le volontariat dans les armées mentionné aux articles L. 4132-11 et L. 4132-12 du code de la défense et aux articles 22 et 23 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.
« Toutefois, les activités mentionnées au présent article ne permettent pas d’acquérir des heures inscrites sur le compte personnel de formation lorsqu’elles sont effectuées dans le cadre des formations secondaires mentionnées au code de l’éducation.
« Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du 6° du présent article.
« Art. L. 5151-10. – Un décret définit, pour chacune des activités mentionnées à l’article L. 5151-9, la durée nécessaire à l’acquisition de vingt heures inscrites sur le compte personnel de formation.
« Les heures acquises au titre du compte d’engagement citoyen sont inscrites dans la limite d’un plafond de soixante heures.
« Art. L. 5151-11. – La mobilisation des heures mentionnées à l’article L. 5151-10 est financée :
« 1° Par l’État, pour les activités mentionnées aux 1° , 2° , 5° et 6° de l’article L. 5151-9 ;
« 2° Par la commune, pour l’activité mentionnée au 3° du même article ;
« 3° Par l’établissement public chargé de la gestion de la réserve sanitaire, mentionné à l’article L. 1413-1 du code de la santé publique, pour l’activité mentionnée au 4° de l’article L. 5151-9 du présent code.
« Art. L. 5151-12. – L’employeur a la faculté d’accorder des jours de congés payés consacrés à l’exercice d’activités bénévoles ou de volontariat. Ces jours de congés sont inscrits sur le compte d’engagement citoyen. »
VI. – Alinéa 62
Rétablir le 5° bis dans la rédaction suivante :
5° bis Le second alinéa de l’article L. 6323-11 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’accord ou une décision unilatérale de l’employeur peut en particulier porter l’alimentation du compte personnel de formation des salariés à temps partiel jusqu’au niveau de celui des salariés à temps plein. » ;
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. L’article 21 du projet de loi précise les contours et les modalités de mise en œuvre du compte personnel d’activité, qui regroupera le compte personnel de formation rénové, le compte personnel de prévention de la pénibilité et le nouveau compte d’engagement citoyen.
Vous l’avez dit, madame la ministre : le compte personnel d’activité est « la clef de voûte d’un nouveau modèle social, plus universel et plus individualisé dans le monde du travail. Avec ce dispositif, nous rattachons les droits à la personne et non plus au statut ; nous créons l’instrument d’une liberté protectrice pour tous les actifs. ».
Le compte personnel d’activité permettra à chacun, quel que soit son statut, d’accumuler et de conserver des droits tout au long de sa vie, et de les utiliser en fonction de ses besoins. C’est un véritable progrès social.
S’agissant du compte d’engagement citoyen, il permettra aux millions de Français qui s’engagent dans des activités utiles à la société de faire mieux reconnaître cet engagement et d’être soutenus dans leur démarche. C’est pourquoi nous proposons de rétablir ce compte d’engagement citoyen, supprimé par la commission des affaires sociales.
Cet amendement vise par ailleurs, s’agissant de la clôture du compte personnel d’activité au moment du départ à la retraite, à rétablir le texte dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. En effet, dès lors que l’on ouvre la possibilité de capitaliser des heures de formation utiles à l’engagement citoyen, il me semble justifié d’ouvrir le CPA au-delà de la période d’activité.
M. le président. L'amendement n° 312, présenté par Mmes D. Gillot et Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, MM. Lozach, Botrel, Magner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
« Il permet la reconnaissance de l’engagement citoyen.
II. – Alinéa 14
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 4° Personne ayant fait valoir ses droits à la retraite.
III. – Alinéa 16
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes âgées d’au moins seize ans mais ne relevant pas des situations mentionnées aux 1° et 3° du présent article peuvent ouvrir un compte personnel d’activité afin de bénéficier du compte d’engagement citoyen et d’accéder aux services en ligne mentionnés à l’article L. 5151-6.
« Le compte est fermé à la date de décès du titulaire. À compter de la date à laquelle son titulaire a fait valoir ses droits à la retraite, le compte personnel de formation cesse d’être alimenté, sauf en application de l’article L. 5151-9. Les heures inscrites sur le compte personnel de formation au titre du compte d’engagement citoyen, à l’exclusion des autres heures inscrites sur ce compte, peuvent être utilisées pour financer les formations destinées à permettre aux bénévoles et aux volontaires en service civique d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de leurs missions mentionnées à l’article L. 6313-13.
IV. – Alinéa 22
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
« 3° Du compte d’engagement citoyen.
V. – Après l’alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le compte d'engagement citoyen comprend l’exercice d’une mission de bénévolat de compétence, par laquelle un salarié, pendant les heures dont il dispose, met gratuitement son expertise à la disposition d’une association de solidarité, le temps d’une mission donnée.
VI. – Alinéas 43 et 44
Rétablir ces alinéas dans la rédaction suivante :
«12° Une commune ;
«13° L’établissement public chargé de la gestion de la réserve sanitaire, mentionné à l’article L. 3135-1 du code de la santé publique. »
VII. – Alinéa 62
Rétablir le 5° bis dans la rédaction suivante :
5° bis Le second alinéa de l’article L. 6323-11 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’accord ou une décision unilatérale de l’employeur peut en particulier porter l’alimentation du compte personnel de formation des salariés à temps partiel jusqu’au niveau des salariés à temps plein. » ;
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Cet amendement vise à rétablir les dispositions relatives au compte personnel d’activité supprimées en commission des affaires sociales du Sénat, en particulier celles qui concernent le compte d’engagement citoyen.
L’instauration des 35 heures a libéré du temps pour la vie personnelle et associative des salariés ; celle du service civique permet à des jeunes en phase de construction de mûrir leur projet de vie. Pour beaucoup de nos concitoyens se trouvant en situation d’emploi délicate, sinon difficile, le monde actuel et son organisation évolutive offrent l’occasion d’épanouir des envies, d’exprimer des besoins de sens, d’autonomie, de prise de responsabilité et d’utilité sociale, contribuant à équilibrer vies personnelle et professionnelle et à nourrir l’estime de soi, l’élévation du niveau de compétences et l’engagement pour l’intérêt général.
L’engagement citoyen est une forme d’activité au bénéfice de l’intérêt général, que le projet de loi initial, à travers le CPA, souhaitait soutenir et valoriser.
Malheureusement, la commission des affaires sociales a purement et simplement supprimé cette ouverture, alors même que des représentants de la majorité sénatoriale veulent par ailleurs instaurer, pour les bénéficiaires de minima sociaux, une obligation de service gratuit à la collectivité, qui sonne comme une sorte de remboursement de l’aide publique ou comme une stigmatisation, visant à bien faire sentir le poids de la dette publique.
Mon amendement vise à rétablir le compte d’engagement citoyen au sein du CPA. L’inscription d’heures sur le compte personnel, notamment acquises grâce au bénévolat de compétences, est un moyen d’inciter les actifs à mettre gratuitement leur savoir-faire à la disposition d’une association de solidarité, en dehors de leur temps de travail, en fonction de leur disponibilité et du rythme auquel ils veulent s’y consacrer.
Au fil du temps, le bénévolat, cet engagement qui vise à donner pour les autres un peu de son temps, permet au professionnel d’affirmer son projet altruiste, de servir l’activité qu’il a choisie et de valoriser sa citoyenneté. La reconnaissance de cet engagement citoyen par l’inscription d’heures acquises dans le CPA incitera les actifs à se tourner davantage vers les associations et leur permettra de renforcer leurs compétences acquises par l’expérience.
De nombreuses études montrent que ce sont souvent les plus aisés socialement, les mieux armés culturellement, qui s’engagent le plus. La valorisation de l’engagement citoyen via le CPA permettra vraisemblablement de corriger cette inégalité.
M. le président. L'amendement n° 167 rectifié bis, présenté par M. Vasselle, Mmes Cayeux et Garriaud-Maylam, MM. Commeinhes, Magras, Laufoaulu, Houel et Pellevat, Mme Duchêne, MM. B. Fournier, Chasseing et César et Mme Deromedi, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il permet la reconnaissance de l’engagement citoyen.
II. – Alinéa 14
Rétablir le 4° dans la rédaction suivante :
« 4° Personne ayant fait valoir ses droits à la retraite.
III. – Alinéa 16
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes âgées d’au moins seize ans mais ne relevant pas des situations mentionnées aux 1° à 3° du présent article peuvent ouvrir un compte personnel d’activité afin de bénéficier du compte d’engagement citoyen et d’accéder aux services en ligne mentionnés à l’article L. 5151-6.
« Le compte est fermé à la date du décès du titulaire. À compter de la date à laquelle son titulaire a fait valoir ses droits à la retraite, le compte personnel de formation cesse d’être alimenté, sauf en application de l’article L. 5151-9. Les heures inscrites sur le compte personnel de formation au titre du compte d’engagement citoyen, à l’exclusion des autres heures inscrites sur ce compte, peuvent être utilisées pour financer les formations destinées à permettre aux bénévoles et aux volontaires en service civique d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de leurs missions mentionnées à l’article L. 6313-13.
IV. – Alinéa 22
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
« 3° Du compte d’engagement citoyen.
V. – Après l’alinéa 30
Insérer vingt-six alinéas ainsi rédigés :
« Section 2
« Compte d’engagement citoyen
« Art. L. 5151-7. – Le compte d’engagement citoyen recense les activités bénévoles ou de volontariat de son titulaire. Il permet d’acquérir :
« 1° Des heures inscrites sur le compte personnel de formation à raison de l’exercice de ces activités ;
« 2° Des jours de congés destinés à l’exercice de ces activités.
« Art. L. 5151-8. – Les activités bénévoles ou de volontariat sont recensées dans le cadre du traitement de données à caractère personnel mentionné au II de l’article L. 6323-8.
« Le titulaire du compte décide des activités qu’il souhaite y recenser.
« Art. L. 5151-9. – Les activités bénévoles ou de volontariat permettant d’acquérir des heures inscrites sur le compte personnel de formation sont :
« 1° Le service civique mentionné à l’article L. 120-1 du code du service national ;
« 2° La réserve militaire mentionnée à l’article L. 4211-1 du code de la défense ;
« 3° La réserve communale de sécurité civile mentionnée à l’article L. 724-3 du code de la sécurité intérieure ;
« 4° La réserve sanitaire mentionnée à l’article L. 3132-1 du code de la santé publique ;
« 5° L’activité de maître d’apprentissage mentionnée à l’article L. 6223-5 du présent code ;
« 6° Les activités de bénévolat associatif, lorsque les conditions suivantes sont remplies :
« a) L’association fait partie des associations mentionnées au cinquième alinéa de l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ;
« b) Le bénévole siège dans l’organe d’administration ou de direction de l’association ou participe à l’encadrement d’autres bénévoles, dans des conditions, notamment de durée, fixées par décret ;
« 7° Le volontariat dans les armées mentionné aux articles L. 4132-11 et L. 4132-12 du code de la défense et aux articles 22 et 23 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.
« Toutefois, les activités mentionnées au présent article ne permettent pas d’acquérir des heures inscrites sur le compte personnel de formation lorsqu’elles sont effectuées dans le cadre des formations secondaires mentionnées au code de l’éducation.
« Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du 6° du présent article.
« Art. L. 5151-10. – Un décret définit, pour chacune des activités mentionnées à l’article L. 5151-9, la durée nécessaire à l’acquisition de vingt heures inscrites sur le compte personnel de formation.
« Les heures acquises au titre du compte d’engagement citoyen sont inscrites dans la limite d’un plafond de soixante heures.
« Art. L. 5151-11. – La mobilisation des heures mentionnées à l’article L. 5151-10 est financée :
« 1° Par l’État, pour les activités mentionnées aux 1° , 2° , 5° et 6° de l’article L. 5151-9 ;
« 2° Par la commune, pour l’activité mentionnée au 3° du même article ;
« 3° Par l’établissement public chargé de la gestion de la réserve sanitaire, mentionné à l’article L. 1413-1 du code de la santé publique, pour l’activité mentionnée au 4° de l’article L. 5151-9 du présent code.
« Art. L. 5151-12. – L’employeur a la faculté d’accorder des jours de congés payés consacrés à l’exercice d’activités bénévoles ou de volontariat. Ces jours de congés sont inscrits sur le compte d’engagement citoyen. »
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Lorsque l’idée d’un compte d’engagement citoyen m’a été suggérée, je l’ai trouvée intéressante. Elle permet en effet, comme cela a été dit par Mme la ministre et quelques-uns des orateurs qui m’ont précédé, de valoriser les actions sociales accomplies par certains de nos concitoyens, au moment où nous constatons une baisse du nombre des bénévoles et des volontaires.
Cet amendement vise donc à ce que cette idée ne soit pas rejetée d’un revers de main, mais, au contraire, prise en considération. Cette disposition doit-elle figurer dans le présent texte, ou aurait-elle davantage sa place dans un autre texte, comme le disait M. Vanlerenberghe il y a quelques instants ? Je ne sais.
J’entendrai avec intérêt notre rapporteur donner l’avis de la commission. Il a précisé qu’il avait procédé à une nouvelle rédaction globale du dispositif ; une raison très motivée justifie donc assurément que le compte d’engagement citoyen n’ait pas été intégré dans le nouveau texte.
Considérez donc, monsieur le président, qu’il s’agit d’un amendement d’appel : si nous décidons aujourd’hui de ne pas retenir ce dispositif, il faudra bien malgré tout, à un moment ou à un autre, en intégrer le principe à nos réflexions.
M. le président. L'amendement n° 367, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 3° Du compte d’engagement citoyen.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement va dans le même sens que plusieurs des amendements qui viennent d’être défendus.
Le CPA, dont l’article 21 prévoit la mise en place, a vocation à renforcer l’autonomie et la liberté d’action de son titulaire, ainsi qu’à sécuriser le parcours professionnel. Il contribue au droit à la qualification professionnelle. Toutes les personnes occupant un emploi, y compris lorsqu’elles exercent leur activité professionnelle à l’étranger, les personnes en recherche d’emploi, les personnes accompagnées dans un projet d’orientation et d’insertion professionnelles et les personnes accueillies dans un établissement et service d’aide par le travail y sont éligibles.
Dans la rédaction issue de l’Assemblée nationale, le CPA comprenait le compte personnel de formation, le compte personnel de prévention de la pénibilité et le compte d’engagement citoyen. La commission des affaires sociales au Sénat a supprimé le compte d’engagement citoyen. Le CPA n’est ainsi plus conçu comme un levier de reconnaissance de l’engagement citoyen.
Cela va à l’encontre des valeurs citoyennes que nous défendons. En effet, si nous souhaitons poser les bases d’un droit universel à la formation, notamment pour les jeunes en situation de décrochage et pour ceux qui ne sont pas encore entrés sur le marché du travail, il est nécessaire de prévoir des droits à la formation pour les citoyens qui s’engagent dans des activités bénévoles ou des missions de service civique. La suppression du compte d’engagement citoyen vide le CPA d’une partie importante de sa substance. Le dispositif ne pourra répondre que partiellement aux objectifs.
Cet amendement vise donc à réintégrer le compte d’engagement citoyen au sein du CPA, afin, d’une part, de promouvoir les activités bénévoles, les missions de service civique effectuées par les jeunes et les réserves accomplies, et, d’autre part, d’offrir une meilleure protection sociale à chacun.
Le droit à la formation est élargi par la prise en compte des compétences et expériences acquises durant ces activités d’intérêt général. Le dispositif permet de renforcer la cohésion sociale. Il peut même faciliter des reconversions professionnelles, par le développement de nouvelles compétences au sein d’activités bénévoles.
Par cet amendement, nous voulons ériger le CPA en protection sociale à destination de tous. Les effets qui lui sont attachés sont positifs. Il est donc légitime que le compte d’engagement citoyen puisse en faire partie.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 171 rectifié ter est présenté par Mmes Meunier, Blondin, Lepage et Génisson, M. Courteau, Mmes Monier, Conway-Mouret, D. Michel, Féret et Yonnet, M. Vaugrenard, Mme Bataille, M. Kaltenbach, Mmes Emery-Dumas et Schillinger, M. Daudigny, Mme S. Robert, MM. Assouline et Durain, Mme Ghali, MM. Tourenne, Néri et Godefroy, Mmes Tocqueville, Jourda, Campion et Riocreux, M. Frécon et Mme Guillemot.
L'amendement n° 283 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Roche et L. Hervé, Mme Hummel et MM. Laménie et Cigolotti.
L'amendement n° 689 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 62
Rétablir le 5° bis dans la rédaction suivante :
5°bis L’article L. 6323-11 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après les deux occurrences du mot : « complet », sont insérés les mots : « ou à temps partiel » ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 171 rectifié ter.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement vise l’alimentation du CPA pour les personnes employées à temps partiel.
Comme cela a été indiqué à plusieurs reprises depuis le début de nos travaux, plus de 80 % des salariés à temps partiel sont des femmes. Je rappelle que de nombreuses femmes employées à temps partiel subi sont peu qualifiées et n’ont pas de diplôme et que 80 % des chômeurs n’ont pas le baccalauréat. Il est donc très important de renforcer la formation.
Cet amendement vise donc à corriger l’inégalité entre les salariés à temps partiel et les salariés à temps complet, en attribuant aux premiers les mêmes droits qu’aux seconds, soit 24 heures par an jusqu’à l’acquisition d’un crédit de 120 heures, puis 12 heures par année de travail à temps complet, dans la limite d’un plafond de 150 heures.
M. le président. L'amendement n° 283 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour présenter l'amendement n° 689.
M. Michel Le Scouarnec. Le compte personnel de formation, qui est une bonne idée, reste insuffisant pour nombre de salariés qui souhaiteraient utiliser les crédits d’heures pour une reconversion ou une formation professionnelles.
Prenons l’exemple d’un salarié qui voudrait améliorer son niveau en langue étrangère pour candidater sur un autre poste ou pour changer de métier. S’il travaille à plein-temps, il cumule 24 heures par an jusqu’à 120 heures, puis 12 heures annuelles avant le plafond de 150 heures. Au bout de trois années, il peut espérer obtenir une prise en charge de sa formation linguistique. Mais, s’il travaille à temps partiel, il mettra beaucoup plus de temps pour pouvoir utiliser son crédit nécessaire à la formation.
Actuellement, les salariés à temps partiel cumulent des heures de formation à due proportion du temps de travail effectué.
Autrement dit, pour les emplois à temps partiel, qui sont très majoritairement occupés par des femmes, une proratisation proportionnelle au temps de travail est effectuée.
Nous proposons de corriger cette inégalité, en prévoyant que les salariés à temps partiel bénéficient des mêmes droits que les personnes à temps complet, soit 24 heures par an jusqu’à l’acquisition d’un crédit de 120 heures, puis 12 heures par année de travail à temps complet, dans la limite d’un plafond total de 150 heures.
De notre point de vue, celles et ceux qui n’ont pas la chance d’exercer un emploi à temps plein méritent bien de pouvoir accéder à cette formation dans les mêmes conditions que les autres.
M. le président. Les trois amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 140 rectifié ter est présenté par Mmes Blondin, Meunier, Lepage et Génisson, M. Courteau, Mmes Monier, Conway-Mouret et D. Michel, M. Vaugrenard, Mme Bataille, M. Kaltenbach, Mmes Emery-Dumas et Schillinger, M. Daudigny, Mme S. Robert, MM. Assouline et Durain, Mme Ghali, MM. Tourenne, Botrel, Néri et Godefroy, Mme Jourda, M. Carrère, Mmes Campion et Riocreux, M. Frécon, Mme Guillemot et M. J.C. Leroy.
L'amendement n° 284 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Roche et L. Hervé, Mme Hummel, MM. Laménie et Cigolotti et Mme Létard.
L'amendement n° 431 rectifié est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 62
Rétablir le 5° bis dans la rédaction suivante :
5° bis Au second alinéa de l’article L. 6323-11, les mots : « à due proportion du temps de travail effectué » sont remplacés par les mots : « en proportion du temps de travail effectué majorée de 30 % » ;
La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, pour présenter l'amendement n° 140 rectifié ter.
Mme Anne Emery-Dumas. Il s’agit d’un amendement de repli à l’amendement n° 171 rectifié ter, qui vise à corriger l’inégalité qui existe entre salariés à temps partiel et salariés à temps plein. Nous proposons que les salariés à temps partiel bénéficient de droits accrus en matière de formation, en modifiant le régime actuel du prorata temporis pour prévoir un dispositif de « proportionnelle améliorée ».
Concrètement, pour une salariée à mi-temps, l’alimentation du compte personnel de formation se fait aujourd’hui à hauteur de 12 heures, au lieu de 24 heures par an, jusqu’à l’acquisition d’un crédit de 120 heures. Il est proposé de prévoir une majoration de 30 %, soit 15,6 heures par an au total.
Cet amendement vise par ailleurs à maintenir les dispositions de l’article L. 6323-11 du code du travail quant à la possibilité de « dispositions plus favorables prévues par un accord d’entreprise, de groupe ou de branche qui prévoit un financement spécifique à cet effet ».
M. le président. L'amendement n° 284 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 431 rectifié.
Mme Aline Archimbaud. Nous souhaitons faciliter l’accès des salariés à temps partiel, qui sont très majoritairement des femmes, à la formation professionnelle continue, afin de sécuriser les parcours professionnels et de lutter contre la précarité.
M. le président. Les trois amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 277 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Roche et L. Hervé, Mme Hummel, MM. Laménie et Cigolotti et Mme Létard.
L'amendement n° 427 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
L'amendement n° 926 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 62
Rétablir le 5° bis dans la rédaction suivante :
5° bis Le second alinéa de l’article L. 6323-11 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’accord ou une décision unilatérale de l’employeur peut en particulier porter l’alimentation du compte personnel de formation des salariés à temps partiel jusqu’au niveau de celui des salariés à temps plein. » ;
L'amendement n° 277 rectifié bis n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 427.
Mme Aline Archimbaud. Il s’agit, là encore, de rétablir une rédaction plus favorable aux salariés à temps partiel. Nous voulons leur faciliter l’adaptation à un poste de travail et, plus généralement, l’accès à l’emploi.
Nous le savons, la plupart du temps, le travail à temps partiel est subi, et les salariés concernés cherchent à compléter leur temps de travail.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 926 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Comme cela a déjà été souligné, le compte personnel de formation est alimenté à hauteur de 24 heures par année de travail à temps complet, jusqu’à l’acquisition d’un crédit de 120 heures, puis de 12 heures par année de travail à temps complet, dans la limite d’un plafond total de 150 heures. Pour les salariés à temps partiel, il est alimenté au prorata temporis.
La possibilité d’un accord collectif, que l’Assemblée nationale avait introduite, a été supprimée par la commission des affaires sociales du Sénat. Nous proposons de la rétablir.
M. le président. L'amendement n° 317 rectifié, présenté par Mmes Blondin, Meunier, Lepage, Génisson, Féret et Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mme Emery-Dumas, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 62
Rétablir le 5° bis dans la rédaction suivante :
5°bis Le second alinéa de l’article L. 6323-11 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’accord ou une décision unilatérale de l’employeur peut porter l’alimentation du compte personnel de formation des salariés à temps partiel au niveau de celui des salariés à temps plein. » ;
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Cet amendement de repli vise à rétablir le texte issu de l’Assemblée nationale sur l’alimentation du compte personnel de formation pour les salariés à temps partiel. Nous proposons qu’un accord collectif ou une décision de l’employeur prévoient un abondement du compte à hauteur d’un temps plein.
Cette formulation est une marque de confiance vis-à-vis de la négociation collective au sein de l’entreprise. Le groupe socialiste et républicain fait le même pari que le Gouvernement à cet égard. Nous avons aussi la conviction que nombre de chefs d’entreprise sont conscients de la nécessité de garder et de mieux former les salariés – ces derniers sont attachés à leur entreprise –, dans l’intérêt de l’entreprise elle-même.
Dans un environnement concurrentiel, la compétitivité hors coût passe souvent par la montée en gamme. Cela implique une plus grande compétence des salariés, donc un investissement dans leur formation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements restant en discussion ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Les amendements nos 975 rectifié, 912 rectifié, 312, 167 rectifié bis et 367 sont pratiquement identiques ; ils ont tous pour objet le compte d’engagement citoyen.
À mon sens, nos points de vue ne sont pas si éloignés que cela. Simplement, la commission a opté pour une démarche plus pragmatique. Nous voulons étaler la mise en place du CPA, afin que plus personne ne puisse parler à son propos d’« usine à gaz » ou de « monstre de complexité », comme nous avons pu l’entendre au cours des auditions.
Comme beaucoup d’entre vous, j’ai une certaine expérience de la vie associative et du bénévolat ; j’y ai consacré plus d’une cinquantaine d’années. Je connais donc bien le sujet. Toutefois, j’estime qu’un toilettage et une codification s’imposent. La loi de 1901 est parfois galvaudée du fait de son application. De plus, toute personne qui agit dans le milieu associatif n’est pas forcément un bénévole. Je crois que des clarifications sont nécessaires à cet égard.
Ainsi que cela a été souligné, il nous paraît prématuré de faire commencer le compte d’engagement citoyen tout de suite. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas le mettre en place, mais travaillons dans la concertation, pour élaborer un dispositif qui soit abouti !
Mme la ministre a chanté les louanges des 500 000 formations. D’ailleurs, c’est normal ; elle soutient l’action du Président de la République, et je ferais la même chose à sa place. Simplement, ces 500 000 formations souffrent d’un déficit de crédibilité.
En 2014, avec le droit individuel à la formation, ou DIF, le nombre de personnes en formation était de 530 000. Par la suite, il est tombé à 60 000. Aujourd'hui, vous avancez le chiffre de 423 000. Certes, c’est une bonne nouvelle. Mais nous revenons simplement à la situation antérieure ; il ne s’agit pas à proprement parler d’une amélioration.
Au départ, le dispositif manquait de clarté. Vous l’avez perfectionné. Le travail a été fait, et il faut continuer dans cette direction. D’ailleurs, le résultat n’est pas aussi mirobolant que certains veulent bien le dire.
C'est la raison pour laquelle la commission a choisi le rythme de croisière que vous connaissez. Encore une fois, comme notre collègue Alain Vasselle l’a d’ailleurs bien compris, nous n’avons pas l’intention d’abandonner le principe du compte d’engagement citoyen. Nous voulons simplement qu’il soit procédé différemment.
Par ailleurs, les amendements relatifs à l’alimentation du compte personnel de formation pour les salariés à temps partiel sont déjà, pour partie, satisfaits. Cela dépend des branches. Aujourd'hui, le dispositif est abondé en fonction du temps de travail effectué, et certaines branches ou entreprises apportent des compléments. Il faut donc mettre en place une négociation au niveau des branches, madame la ministre. Mais n’alourdissons pas le système, car cela s’effectuerait au détriment des crédits de formation !
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, la commission a émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Sans surprise, l’avis du Gouvernement sera différent. (Sourires.)
Il est vrai qu’il y a eu des lenteurs en ce qui concerne le compte personnel de formation. Il faut évidemment du temps pour que l’usager s’approprie l’outil, pour que son directeur des ressources humaines lui en parle, etc. Mais nous avons atteint un objectif que nous n’avions plus atteint depuis près de trente ans dans notre pays : l’accès à des formations qualifiantes pour les personnes qui en ont le plus besoin. Pour moi, c’est un élément essentiel.
Nous avons aujourd'hui près de 2 millions de demandeurs d’emploi qui ont un niveau inférieur au bac. En outre, s’il y a entre 150 000 et 200 000 emplois non pourvus dans notre pays, c’est dans 80 % des cas un problème de qualification. Alors, oui, offrir des formations qualifiantes aux demandeurs, cela me semble effectivement très important !
Contrairement à ce qui vient d’être affirmé, le compte d’engagement citoyen n’a pas été improvisé. Il est le fruit de multiples réflexions, d’ailleurs souvent issues de la société civile. Et le fait qu’il y ait des amendements sur le sujet de la part de parlementaires de toutes tendances politiques illustre bien l’importance de l’enjeu. Il est essentiel non seulement de valoriser l’action des personnes investies dans des associations, mais aussi de répondre à leurs besoins de formation.
En 2015, M. Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, avait remis un rapport sur l’engagement citoyen – il me semble que M. le président du Sénat avait également participé à son élaboration –, dans lequel il recommandait d’accorder plus d’heures de formation sur le compte personnel de formation des personnes ayant un tel engagement.
Je pourrais également mentionner la proposition de loi du député UDI Yannick Favennec visant à accorder des trimestres complémentaires de retraite aux responsables associatifs bénévoles.
Vous le voyez, il y a beaucoup de travaux et de réflexions sur le sujet. Comme je l’ai indiqué, le débat public sur le compte personnel d’activité a duré de janvier à mars 2016. Nombre d’associations ont proposé l’instauration du compte d’engagement citoyen.
À mon sens, ce dispositif a toute sa place dans le compte personnel d’activité. En effet, l’« activité », ce n’est pas seulement le travail rémunéré. Il peut aussi s’agir d’activités bénévoles, volontaires. Il n’y a aucune étanchéité à cet égard. Nous parlons d’un compte personnel d’« activité », et non de « travail ».
Les activités bénévoles méritent une reconnaissance, d’autant qu’elles permettent d’acquérir des compétences. C’est cela, la valorisation. D’ailleurs, j’ai tenu à ce que les maîtres d’apprentissage puissent aussi bénéficier du compte d’engagement citoyen. En France, il y a une réserve militaire, une réserve citoyenne… Il est essentiel d’aider ceux qui s’engagent dans de tels cadres.
Je suis donc plutôt favorable aux amendements qui ont été déposés sur le sujet. Toutefois, je suggère à leurs auteurs de les retirer au profit de l’amendement du Gouvernement, dont la rédaction est plus complète.
Par ailleurs, la commission des affaires sociales du Sénat a supprimé les dispositions renforçant les droits à la formation des salariés à temps partiel.
Mme Catherine Génisson. Ce n’est pas bien !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Or j’observe que des amendements tendant à les rétablir ont été déposés, sur toutes les travées de la Haute Assemblée. Je pense en effet qu’il faut renforcer les droits à la formation des personnes en temps partiel subi – comme cela a été rappelé, ce sont souvent des femmes – et sécuriser leur parcours professionnel.
Je le dis clairement, je ne crois pas qu’il faille aller vers une majoration automatique, voire un alignement sur les droits des salariés à temps plein. Les situations sont diverses. Certes, il y a du temps partiel subi, mais il arrive aussi que le temps partiel soit choisi.
Au demeurant, le financement du compte personnel de formation est proportionnel au temps travaillé. Il s’agit d’un système contributif, comme pour les retraites ou le chômage. Il me semblerait donc assez peu cohérent de donner des droits identiques aux salariés à temps partiel et aux salariés à temps complet.
Pour autant, c’est une question essentielle. Je suis donc favorable aux amendements, souvent d’ailleurs inspirés par la rédaction initiale du Gouvernement, visant à donner toute sa place à la négociation collective. C’est en effet au sein des branches ou des entreprises que l’on peut abonder les comptes des salariés à temps partiel. À défaut d’accord, il peut s’agir d’une décision unilatérale de l’employeur, comme cela se pratique dans certaines entreprises.
Aussi, j’émets un avis favorable sur les amendements identiques nos 427 et 926 rectifié et je suggère, comme je l’ai indiqué, le retrait de tous les autres amendements au profit de l’amendement n° 975 rectifié du Gouvernement, dont la rédaction est plus complète.
M. le président. La parole est à M. Michel Forissier, rapporteur.
M. Michel Forissier, rapporteur. Je souhaite apporter une précision technique.
Si nous avons supprimé la disposition que certains amendements, en particulier les amendements identiques nos 427 et 926 rectifié, visent à rétablir, ce n’est pas par opposition à la formation des salariés à temps partiel. C’est tout simplement parce que cette demande est satisfaite.
En effet, l’article L. 6323-14 du code du travail dispose qu’un accord d’entreprise, de groupe ou de branche, mais aussi un accord conclu dans le cadre d’un organisme paritaire collecteur agréé, ou OPCA, peut prévoir l’abondement complémentaire du compte personnel de formation de salariés prioritaires, parmi lesquels figurent explicitement les salariés à temps partiel.
Les amendements en question ont donc une portée normative très limitée, voire nulle. Rien n’empêche aujourd'hui l’accord d’entreprise ou de branche relatif au compte personnel de formation de prévoir que l’alimentation du compte des salariés à temps partiel se fera au même rythme que celui des salariés à temps complet, sur des crédits disponibles.
Au mieux, l’inscription d’une telle disposition dans la loi ne modifiera pas notre ordre juridique. Au pire, elle peut laisser penser que le législateur a voulu instituer une hiérarchie en défaveur d’autres catégories de salariés rencontrant autant de difficultés d’accès à la formation.
Je pense par exemple aux travailleurs handicapés et aux salariés les moins qualifiés ou qui sont très éloignés de l’emploi, qui ne sont pas mentionnés dans la loi. Dans le silence de la loi, ils sont tous égaux. Il faut préserver ce statu quo et, ensuite, traiter les demandes particulières qui ne sont pas satisfaites. En l’occurrence, celle dont nous débattons actuellement est satisfaite.
C’est donc pour ces raisons, et non pour s’opposer au financement du compte, que la commission s’est prononcée contre l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Madame la ministre, je voterai votre amendement avec enthousiasme. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) L’adoption des autres amendements, auxquels vous êtes également favorable, permettrait des avancées complémentaires.
Pendant des années, nous avons été nombreux à caresser un espoir qui s’est révélé vain. « L’égalité des chances », que nous n’avions de cesse d’invoquer, était un bel objectif, mais un peu utopique. Et l’absence d’égalité réelle implique une politique d’égalisation des chances. Concrètement, cela signifie donner plus à ceux qui ont moins. Votre amendement tend à aller dans ce sens, madame la ministre.
Les personnes ayant le moins de formation initiale sont souvent celles qui demandent le moins de formation continue. Je me souviens d’un temps où d’aucuns prônaient un système avec un capital de formation continue inversement proportionnel au capital de formation initiale. En effet, plus on a reçu de formation initiale, plus on est demandeur de formation continue. Or nous devons aller en direction de ceux qui n’ont pas eu beaucoup de formation initiale pour les aider à raccrocher les wagons et leur permettre de s’épanouir.
Oui, le fait de travailler est un engagement citoyen, mais œuvrer au sein d’une collectivité ou d’une association en est un autre, qu’il faut reconnaître de la même manière ! Je me réjouis que cet engagement soit pris en compte.
Je ne comprends pas bien les arguments de M. le rapporteur, selon qui nous aurions le temps… Toutefois, il faudra tout de même bien commencer un jour ! Si nous attendons que tout soit parfait, nous risquons de ne pas beaucoup avancer.
Madame la ministre, vous mettez en marche une belle et une grande idée d’égalisation des chances. Je voterai donc votre amendement, et j’invite la Haute Assemblée à faire de même à l’unanimité ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 975 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme Catherine Génisson. Il n’y a vraiment pas de quoi applaudir !
M. Alain Vasselle. Je retire l’amendement n° 167 rectifié bis, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 167 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 367.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 171 rectifié ter et 689.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 140 rectifié ter et 431 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 427 et 926 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 698, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le niveau de qualification permet aussi la définition de la rémunération du salarié. Cette disposition instituée dans le compte personnel de formation peut, le cas échéant, être discutée par l’accord de branche. »
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Au travers de cet amendement, nous revenons sur la situation particulière des jeunes.
Chacun le sait, les parcours professionnels tendent aujourd'hui à être de moins en moins linéaires. On peut être amené à changer d’emploi dans sa vie. D’ailleurs, nombre de personnes alternent actuellement périodes d’emploi, périodes de recherche d’emploi, périodes de précarité… Cela concerne surtout les jeunes. Dans le même temps, d’autres personnes cumulent plusieurs activités.
Les jeunes qui font des études entrent de plus en plus tard sur le marché du travail. La question de leur retraite se pose dès lors avec force. Imaginez la situation de personnes qui commencent à travailler à vingt-cinq, vingt-six, vingt-sept ou vingt-huit ans et qui devront cotiser pendant quarante ou quarante-deux ans !
Ces changements de statut s’accompagnent souvent d’une perte de droits. Le but du compte personnel d’activité est de donner à chacun les moyens de vivre ces transitions dans un monde du travail très changeant.
Ce dispositif ne correspond pas aux souhaits du groupe CRC, à savoir une véritable sécurité sociale professionnelle. Il tend néanmoins à aller dans ce sens. Il est d’ailleurs dommage qu’il se trouve inscrit dans ce texte, cachant d’autres problématiques plus graves de régression.
C’est pourquoi il nous semble logique de prendre en compte, comme le demandent des syndicats étudiants, dans le compte personnel d’activité les compétences acquises lors de la période d’études, notamment dans le calcul des retraites.
Compter les années d’études dans les annuités, c’est reconnaître que le temps de formation est une période utile d’acquisition des pratiques et des savoir-faire qui seront nécessaires dans la vie professionnelle. C’est aussi acter que, avec des jeunes plus diplômés et qui obtiennent un CDD plus tardivement, les étudiants sont de réels travailleurs en formation.
Nous demandons donc de compléter en ce sens l’alinéa 20.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir la rémunération du salarié en fonction de son niveau de qualification.
Or la rémunération du salarié dépend du poste qu’il occupe. Un salarié parvenu à un poste d’encadrement d’une entreprise, après y être entré en bas de l’échelle, sans diplôme, à l’inverse de ce que vous évoquez, devrait-il être rémunéré en fonction de sa formation initiale ? Qui plus est, ce principe n’a rien à voir avec le compte personnel de formation.
Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable. Selon moi votre amendement, mon cher collègue, n’est pas conforme à ce que vous souhaitez.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Même si j’entends l’intention de lutter contre le déclassement des diplômés, je ne comprends pas à la lecture de votre amendement, monsieur le sénateur, comment vous comptez y parvenir. C’est le rôle des accords de branche, par les classifications conventionnelles, que de faire le lien entre le niveau de qualification et la rémunération.
D’ailleurs, lorsque nous avons examiné la question de la restructuration des branches professionnelles, nous avons bien indiqué que le fait de passer de 700 branches à 200 branches permettrait d’instaurer des passerelles entre les salariés et d’améliorer le sens des classifications.
Inscrire dans la loi que la rémunération doit être à la hauteur de la qualification ne suffira pas à traduire un tel principe dans les faits. J’ai indiqué que quarante-deux branches disposaient encore d’un coefficient inférieur au SMIC, ce qui tasse le déroulement de carrière et les classifications.
Vous avez affirmé ne pas comprendre tout à l’heure que ce projet de loi traitait du compte personnel d’activité, le CPA. C’est tout simplement parce que le Gouvernement s’est engagé, dès la loi de modernisation du dialogue social, à ce qu’un compte personnel d’activité soit créé au 1er janvier 2017.
Ce projet de loi vise justement à améliorer, grâce au dialogue social, la question de la restructuration des branches professionnelles, ce qui permettrait à la fois de rendre la négociation plus dynamique et de réduire cet écart entre les qualifications et les rémunérations. En quoi l’inscription de la qualification dans le CPA agira-t-elle sur la rémunération ?
Par ailleurs vous avez évoqué la comptabilisation des années d’études pour le calcul des annuités de retraite. Il me semble qu’il s’agit là d’un autre de vos amendements…
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable sur l'amendement n° 698.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, il y a eu en effet une petite confusion dans la présentation de nos amendements, et nous avons présenté l’amendement n° 688 au lieu de l’amendement n° 698.
À l’heure où le taux de chômage est important, de nombreux jeunes diplômés doivent accepter de postuler à des emplois qui ne correspondent pas forcément à leur niveau de qualification.
Pour faire face à ce déclassement de plus en plus palpable chez les jeunes, nous proposons d’inscrire dans la loi le fait que la rémunération doit être à la hauteur de la qualification. Cette disposition serait instituée dans le compte personnel de formation pour une déclinaison rapide et concrète, couplée avec la fiche de paie. Il est important de prendre en compte une telle problématique.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 688, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Compléter cet alinéa par les mots :
comprenant le calcul des années d’études dans les annuités retraite
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Sur le plan juridique, cet amendement est absolument inopérant. Le compte personnel de formation n’a aucun lien ni aucune influence sur les droits à la retraite des salariés. Il semblerait que ce soit plutôt un débat qui devrait avoir lieu dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il faudrait donc indiquer au syndicat étudiant mentionné dans l’objet de l’amendement de proposer ce dernier de nouveau à cette date.
La commission émet par conséquent un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 81 rectifié, présenté par MM. Husson, Houel, Bonhomme, César et Karoutchi, Mme Canayer, M. Vaspart, Mme Imbert, MM. B. Fournier et Commeinhes, Mmes Lamure et Deromedi et MM. Vasselle, Revet, Longuet, P. Leroy, Doligé et Laménie, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. La création du compte personnel d'activité répond à un objectif louable, dont nous avons largement débattu dans le cadre de cette discussion.
C'est un dispositif ambitieux, qui mérite d'être construit de façon réfléchie et progressive. Par conséquent, l'intégration du compte personnel de prévention de la pénibilité, le C3P, dans le CPA paraît prématurée. Un tel compte reste difficilement praticable dans les entreprises, notamment à l'échelle d'une TPE. Construire le CPA avec pour socle le C3P semble aujourd'hui inadapté et très précoce.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Aujourd'hui, le compte pénibilité se limite à quatre critères opérants. Le dispositif se met d’ailleurs en place avec difficulté. La commission propose de s’en tenir aux quatre facteurs actuellement en vigueur et de ne pas y rattacher pour l’instant les six autres critères.
Je vous rappelle que le dispositif a été voté il y a deux ans. Aujourd'hui, la principale difficulté de mise en place concerne les six critères qui auraient dû entrer en application au 1er janvier 2016. On parle dorénavant du 1er janvier 2017. Je doute fort que l’on y arrive !
Vous connaissez tous mon métier de tailleur de pierres. Je sais ce qu’est la pénibilité et je n’ignore pas toute la difficulté de l’appréhender. Il faudrait notamment disposer d’une médecine du travail plus opérante, qui puisse établir des expertises et réaliser une évaluation physique pour savoir si les personnes sont aptes ou non au poste avant de les embaucher. Dans l’apprentissage, il est possible de tester les individus et de les mettre en condition réelle, pour éventuellement les réorienter vers d’autres formations. Dans d’autres secteurs, c’est plus difficile.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Comme l’a souligné M. le rapporteur, le compte prévention pénibilité a été mis en place au moment de la loi de 2014. Nul ne peut en effet nier que certaines conditions de travail pénibles, subies durablement, ont un impact sur la santé des travailleurs. À titre d’exemple, un cadre vit en moyenne aujourd'hui sept ans de plus qu’un ouvrier. Une telle inégalité doit être combattue.
Nous avons retenu quatre facteurs de pénibilité, qui sont entrés en vigueur dès le 1er janvier 2015 : le travail de nuit, le travail en milieu hyperbare, le travail répétitif et le travail en équipes successives alternantes. Six autres facteurs entreront en application : le port de charges lourdes, les postures pénibles – un rapport, dont je reparlerai, nous a d'ailleurs aidés dans l’élaboration des référentiels –, les vibrations mécaniques, les agents chimiques dangereux, les températures extrêmes et le bruit.
Au titre des quatre premiers facteurs, quelque 500 000 salariés ont été crédités de points pénibilité pour l’année 2015 dans 26 000 entreprises. Celles-ci ont donc joué le jeu et tout a plutôt bien fonctionné, même s’il existe parfois un décalage entre la position des organisations patronales et les entreprises.
La commission des affaires sociales du Sénat a supprimé les six derniers facteurs de pénibilité. Nous ne pouvons absolument pas en rester là : cela créerait une inégalité insupportable entre les salariés, certains d’entre eux exerçant des métiers pénibles.
Depuis le début, le Gouvernement a consenti, notamment en lien avec les organisations patronales, énormément d’efforts de simplification. Nous avons rencontré un problème avec la fiche individuelle : nous l’avons supprimée et nous avons offert la possibilité aux branches professionnelles d’établir des référentiels de branche, pour ne pas faire peser sur les chefs d’entreprise une contrainte administrative trop lourde, voire une contrainte administrative tout court. Avec des référentiels de branche, la procédure devient beaucoup plus facile pour eux. Voilà où nous en sommes aujourd'hui.
Le Gouvernement, au-delà des simplifications adoptées dans le cadre de la loi du 17 août 2015 – suppression de la fiche individuelle et création des référentiels de branche –, soutient actuellement les branches professionnelles en difficulté pour mettre en œuvre ces référentiels. Ces derniers sont essentiels : s’ils sont correctement réalisés, la tâche des chefs d’entreprise s’en trouvera facilitée d’autant.
Pour ne pas creuser l’inégalité entre ceux qui bénéficient des quatre premiers facteurs et ceux qui auraient droit aux six derniers, le Gouvernement émet un avis défavorable, d’autant que nous avons pris un engagement sur la santé des salariés de notre pays.
M. le président. Madame Canayer, l'amendement n° 81 rectifié est-il maintenu ?
Mme Agnès Canayer. La commission des affaires sociales souhaite rendre le compte pénibilité opérationnel et le recentrer sur les quatre critères aujourd'hui effectifs.
Je m’en remets donc à la sagesse du rapporteur et je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 81 rectifié est retiré.
L'amendement n° 313, présenté par M. Botrel, Mme Bricq, M. Jeansannetas, Mme Féret, MM. Tourenne, Durain et Godefroy, Mmes Yonnet et S. Robert, MM. Vincent et Vaugrenard, Mmes Blondin et Herviaux, MM. F. Marc, Courteau et M. Bourquin, Mme Jourda, M. Rome, Mmes Bataille et Bonnefoy, MM. Lalande, Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Daudigny, Mmes Emery-Dumas et Génisson, M. Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, M. Vergoz et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Du compte épargne-temps dans une limite fixée par décret.
La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Le présent amendement a pour objet d’ajouter la possibilité d’inclure dans le compte personnel d’activité le compte épargne-temps, afin de mobiliser des périodes de congés non utilisées issues de la réduction du temps de travail et de les consommer si nécessaire dans un cadre différent.
Déjà déposé lors de l’examen en commission du projet de loi, cet amendement a fait l’objet d’un avis défavorable des rapporteurs, sans que les raisons invoquées ne soient pleinement satisfaisantes selon nous. En effet, si la logique des rapporteurs était la mise en place d’un compte personnel d’activité au périmètre limité, cela afin d’en assurer le caractère opérationnel, cela pourrait être envisageable. Toutefois, dans le même temps sont intervenues au Sénat des modifications substantielles et nettement excessives du texte transmis par l’Assemblée nationale.
Au surplus, en ce qui concerne le compte épargne-temps, un décret d’application est indispensable, afin d’éviter toute dérive potentielle. En ce sens, l’intégration dès ce stade du compte épargne-temps au CPA n’apparaît donc pas problématique, d’une part, et permettrait d’acter une avancée intéressante pour les publics concernés, d’autre part.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. L’idée est certes séduisante. Sur le principe, je n’y vois aucune opposition, mais il y a un « mais » !
La ministre elle-même l’a déclaré lors de son audition par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale : l’intégration du CET dans le CPA soulève « de très nombreuses questions en termes d’opérationnalité ». Il s’agit pour nous non d’un abandon, mais d’un phasage, car la mesure nous paraît prématurée.
Surtout, elle rompt avec l’universalité du CPA : moins de 15 % des salariés disposent aujourd’hui d’un compte épargne-temps. C’est non pas un dispositif mutualisé, mais un mécanisme propre à chaque entreprise qui le met en œuvre. Comment assurer le financement de sa transférabilité, son portage ? Comment éviter qu’un salarié fraîchement embauché par une entreprise ne fasse valoir ses droits à congé qui ont été accumulés chez de précédents employeurs ?
La mise en œuvre du CPA dans son périmètre actuel devrait déjà susciter suffisamment de difficultés pour que nous n’en rajoutions pas davantage aujourd’hui. Une fois que son fonctionnement régulier sera bien établi, une réflexion avec les partenaires sociaux – pour moi, tout part de là – pourra être engagée pour en étendre le périmètre. Il est à ce stade prématuré de l’inscrire dans le marbre de la loi.
Prévoir le portage de l’ensemble des droits des actifs dans un seul dispositif est selon moi une idée séduisante, je tiens à le redire. Cependant, cela nécessite une montée en puissance progressive. Mes chers collègues, ne brûlons pas les étapes ! Mieux vaut déjà faire fonctionner l’existant.
Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. J’ai effectivement tenu les propos cités par M. le rapporteur devant la commission de l’Assemblée nationale.
J’en suis convaincue, l’inclusion du compte épargne-temps fera partie de l’évolution du compte personnel d’activité. L’enjeu est de donner la capacité aux individus de mieux organiser leur temps entre le travail et la vie personnelle. C’est une aspiration forte parmi les jeunes générations, ce qui explique l’émergence de statuts choisis visant à davantage d’indépendance et d’autonomie. Derrière tous ces statuts, s’exprime une forte attente.
La généralisation du compte épargne-temps soulève de multiples questions, sur des sujets très concrets. J’ai interrogé durant la concertation toutes les organisations syndicales et patronales. Sur la nature des congés pouvant être épargnés, une organisation syndicale a évoqué la cinquième semaine de congés payés ; une autre qui s’y est complètement opposée !
Que dire par ailleurs à une PME sur les conséquences en termes de gestion au moment d’un recrutement ? Quels jours de congé épargne-t-on ? Bref, de multiples questions se posent. Aller à marche forcée vers la mise en œuvre du dispositif pour le 1er janvier 2017 serait une erreur.
Le Gouvernement entend privilégier la voie de la concertation. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons rétablir l’article 21 bis, qui prévoit, avant le 1er octobre 2016, une concertation avec les partenaires sociaux sur les dispositifs pouvant être intégrés dans le compte personnel d’activité, y compris le compte épargne-temps. C’est selon moi la bonne méthode : il serait erroné de procéder autrement au moment de la mise en place du CPA.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Botrel, l'amendement n° 313 est-il maintenu ?
M. Yannick Botrel. Notre collègue Agnès Canayer, du groupe Les Républicains, a retiré précédemment son amendement à la demande de M. le rapporteur.
Pour ce qui me concerne, je retire le mien à la demande de Mme la ministre, monsieur le président. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Il s’agissait d’une forme d’appel.
M. le président. L'amendement n° 313 est retiré.
L'amendement n° 314, présenté par M. Rome, Mme Bataille, MM. Cabanel, Courteau, Daunis, Duran, Montaugé et Vaugrenard, Mmes Bricq et Yonnet, MM. Vergoz et Tourenne, Mmes Schillinger, Riocreux et Meunier, MM. Labazée, Jeansannetas et Godefroy, Mmes Génisson, Féret et Emery-Dumas, MM. Durain et Daudigny, Mmes Claireaux et Campion, MM. Caffet, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi que d’autres informations et simulations relatives à la mobilité géographique et professionnelle.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. L’objectif de cet amendement est de proposer des services en ligne supplémentaires aux titulaires du compte personnel d’activité.
Ces services, qui peuvent être, par exemple, des outils d’information sur le loyer moyen dans une zone donnée ou le salaire moyen dans une profession, offrent des données utiles aux salariés en période de reconversion.
Une plateforme de gestion du CPA a été mise en place par la Caisse des dépôts et consignations, la CDC. Il serait possible d’y adjoindre un site d’information fiable à partir de données collectées auprès d’organismes officiels ou professionnels : organismes consulaires, chambres de notaires, etc. Il favoriserait, par une information plus riche, la mobilité géographique et professionnelle, qui est un élément de lutte contre le chômage et pour la compétitivité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Il s’agit ici des informations relatives à la mobilité géographique et professionnelle dans le CPA.
Si les auteurs de l’amendement soulignent que 300 000 postes ne seraient pas pourvus aujourd’hui en France, ils savent sans doute également que le taux de mobilité géographique dans notre pays, c'est-à-dire la proportion de ménages ayant changé de résidence en un an, est l’un des plus faibles d’Europe : à peine 1,5 % à l’échelle supérieure à la région. J’ai bien peur que ce qu’ils proposent ne soit un vœu pieux. Néanmoins, si une meilleure information dans le CPA peut permettre d’améliorer la situation, je dis : chiche !
La commission émet donc un avis de sagesse sur cet amendement.
Mme Catherine Génisson. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je souscris totalement à cette intention : les informations sur la mobilité doivent être accessibles. Les services de Pôle emploi sont d’ailleurs en train de prendre un virage numérique avec l’emploi-store. Nous travaillons également à la mise en place d’une nouvelle plateforme afin d’améliorer la visibilité. Il s’agit de faire figurer la bonne formation et la bonne boîte. Bref, nous étudions de nouvelles applications en ce qui concerne les aides à la mobilité.
De nombreux projets issus de l’« hackathon » organisé par l’école 42 portaient d’ailleurs sur la mobilité géographique et sur la possibilité de rechercher dans un autre département ou dans une autre région, selon son profil, un organisme de formation.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 353 est présenté par Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 953 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 31 à 33
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour présenter l’amendement n° 353.
Mme Evelyne Yonnet. Cet amendement vise à rétablir le compte personnel de prévention de la pénibilité, ou C3P, dans sa totalité. Nous sommes sur ce point en plein accord avec le Gouvernement.
Quatre facteurs de risque sont aujourd’hui en application, et les six autres doivent entrer en vigueur dans les prochains jours.
Trois missions ont eu lieu, à la demande de la partie patronale sur ce dispositif. Elles ont permis d’aboutir à un système déclaratif simplifié, via le logiciel de paie au lieu de la déclaration personnelle.
Des référentiels types ont été établis selon les postes de travail afin de faciliter la tâche des employeurs de PME et de TPE. On nous tient aujourd’hui le même discours que lorsque les quatre premiers critères ont été mis en œuvre, alors que 88 % des entreprises concernées ont mis en place le dispositif sans que l’on en entende parler davantage !
S’adapter est toujours un moment un peu difficile et inquiétant. Les travailleurs s’adaptent énormément depuis plusieurs décennies déjà à de nouvelles conditions de travail et à de nouvelles technologies.
Il est très exagéré de prétendre que la mise en œuvre complète du C3P serait un obstacle insurmontable alors que tout a été fait pour la faciliter. Il faut rappeler que, en amont des possibilités de formation et de départ anticipé prévues par le texte, le C3P a une fonction de prévention, d’alerte et de dissuasion.
Le nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles est reparti à la hausse en 2014, rompant avec la tendance baissière des dernières années. Les troubles musculo-squelettiques, ou TMS, constituent 87 % des maladies professionnelles. On peut raisonnablement penser qu’il y a un lien entre le port de charges lourdes ou l’exposition à des vibrations et l’apparition de ces TMS. Il est inutile de préciser que, outre les souffrances et les dégâts parfois irréversibles sur les articulations, le coût pour la branche AT-MP et la branche maladie, qui paie indûment, est élevé.
Réduire le déficit est l’affaire de la prévention, plutôt que du rationnement des soins. Il est donc indispensable de prévenir ce retour de la sinistralité.
Le C3P est un élément majeur de la prise de conscience, au niveau tant des employeurs que des salariés, de l’utilité de mettre en place des processus de production ergonomiques, qui épargnent autant qu’il est possible la fatigue et la souffrance.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 953.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Après l’exposé de Mme Evelyne Yonnet, le Gouvernement retire son amendement au profit de celui, identique, qui vient d’être présenté.
M. le président. L'amendement n° 953 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 353 ?
M. Michel Forissier, rapporteur. J’ai écouté avec attention la présentation de cet amendement. Or les entreprises ne rencontrent pas un problème de logiciel. Elles rencontrent plutôt un problème d’évaluation !
La prévention dans le monde du travail nous renvoie à la médecine du travail. Ce n’est pas le C3P qui résoudra les problèmes de prévention, qui sont liés à l’absence cruelle de médecins du travail, notamment pour les évaluations de postes et autres sujets très pragmatiques. Aujourd'hui, si Mme la ministre avait eu une solution, elle n’aurait pas manqué de nous le faire savoir.
Cet amendement tend à envoyer un mauvais message aux petites et moyennes entreprises. Dans la taille de pierre, j’ai bien connu le problème : ce n’est pas dans les métiers où il y a le plus de risques que l’on est le plus mauvais. En effet, comme dans les industries classées « Seveso », on y prend les précautions nécessaires.
C’est plutôt les métiers anodins qui présentent des risques. Le monde dans lequel nous vivons est dangereux, l’entreprise est dangereuse, la maison est dangereuse. Il y a d'ailleurs beaucoup plus d’accidents domestiques que d’accidents dans les entreprises. Loin de moi l’idée qu’il ne faudrait rien faire, mais je le répète : laissons du temps aux entreprises, surtout à la multitude des petites entreprises, qui n’arrivent pas à s’adapter.
Je doute de la fiabilité des dossiers remplis quelquefois par certaines d’entre elles : l’absence de médecins du travail se fait de plus en plus sentir dans ces métiers pénibles et dangereux.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Le compte pénibilité a été introduit en 2010 par la loi Woerth. Toutefois, c’est une autre logique qui prévalait à cette époque : il s’agissait de prévoir une réparation supplémentaire pour les accidents du travail et de reconnaître les maladies professionnelles.
Monsieur le rapporteur, je ne suis pas complètement d’accord avec vous. Certes, des accidents ou des maladies peuvent survenir dans le cadre de métiers peu pénibles. Il n’en reste pas moins que des postes à risques sont clairement identifiés. Nous en reparlerons lors de l’examen de l’article 44, qui concerne la médecine du travail.
Les troubles musculo-squelettiques sont une réalité objective. Ils sont dus à des conditions de travail ou à des postes à risques. Quelles que soient les dispositions prises en termes de prévention, nous savons tous pertinemment que ces travailleurs présenteront des troubles liés à la pénibilité de leur activité. Il existe, par exemple, des postes inévitablement pénibles dans le bâtiment.
Je suis d’accord avec vous, ce n’est pas l’existence du logiciel qui pose problème, c’est son alimentation, à savoir l’évaluation des conséquences médicales de la pénibilité. À l’article 44, le Gouvernement avance des propositions très précises en matière de postes à risques et de pénibilité.
Monsieur le rapporteur, cet amendement mérite tout à fait d’être adopté.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 353.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 366 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 188 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger nos travaux jusqu’à une heure du matin, afin que nous avancions l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
L’amendement n° 316, présenté par Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 52
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Je prends un risque, car je ne suis pas certaine que le Gouvernement soit d’accord avec cet amendement visant à supprimer l’alinéa 52, mais je voulais poser le problème.
Cet alinéa prévoit que les actions d’accompagnement, d’information et de conseil pour les créateurs ou repreneurs d’entreprises soient financées sur les fonds du compte personnel de formation, le CPF. Cela nous ennuie, car il existe d’ores et déjà une aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise : l’aide à la création ou à la reprise d’entreprise, l’ACCRE, qui consiste en une exonération partielle de cotisations sociales pendant une année et un accompagnement pendant les premières années d’activité. Elle permet aussi à certains bénéficiaires de prétendre à d’autres formes d’aides.
Le CPF, quant à lui, concerne les formations qualifiantes, la validation des acquis de l’expérience, le socle de compétences, ainsi que le bilan de compétences, qui a été ajouté par voie d’amendement à l’Assemblée nationale.
Il s’agit donc bien, avec le CPF, de formations qualifiantes et de reconnaissance des compétences. Intégrer à ce compte et financer sur ses fonds des actions qui ne correspondent pas à ces objectifs, c’est confondre le financement d’actions de formation et les exonérations de cotisations sociales.
C’est la difficulté : nous ne sommes pas d’accord pour que l’on prenne dans la poche du CPF, afin de financer les actions que je viens de mentionner.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. J’espère que les explications que je vais apporter permettront à Mme Bricq de retirer son amendement. Celui-ci vise à supprimer la possibilité de financer des actions d’accompagnement, d’information et de conseil pour les créateurs ou repreneurs d’entreprises sur les fonds du compte personnel de formation. De votre part, ma chère collègue, un tel amendement m’étonne.
J’avais proposé voilà quinze jours à la commission de rétablir la possibilité de cette prise en charge d’actions de formation à la création d’entreprise, en plein accord avec le Gouvernement. Mme la ministre présentera sûrement mieux que moi l’intérêt de cette mesure, qui suscite, il est vrai, des craintes dans le monde consulaire.
Prétendre que l’ACCRE rend inutile la disposition prévue à l’alinéa 52, c’est passer sous silence le fait que cette aide est réservée aux demandeurs d’emploi. Or, avec le CPF, nous parlons de salariés en activité.
Un salarié en activité peut décider de mobiliser son CPF en dehors de ses heures de travail pour suivre une formation à la création d’entreprise. Après tout, il s’agit d’un droit personnel ; on peut donc le laisser à la discrétion de l’intéressé.
Selon moi, et je sais que vous partagez mon point de vue, madame Bricq, créer une entreprise, c’est créer aussi de l’emploi. Dans la mesure où il s’agit de droits acquis portés par un actif, il est normal que celui-ci puisse en disposer à sa guise. Encore une fois une fois, le créateur d’entreprise est selon moi créateur d’emploi et de richesses.
Pour ces raisons, et parce que je ne veux pas émettre un avis défavorable, je vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Ces propos de M. le rapporteur sont importants.
Au titre du code du travail, l’accompagnement à la création d’entreprise fait partie de la formation continue. Nous le savons, lorsqu’un créateur d’entreprise est accompagné dans cette démarche, le taux de survie de l’entreprise est supérieur de 10 % par rapport aux autres cas.
Vous avez fait le point, madame Bricq, sur les dispositifs existants, notamment l’ACCRE. Il faut aussi citer le nouvel accompagnement à la création ou la reprise d’entreprise, le programme NACRE. Toutefois, ces dispositifs ne visent que les demandeurs d’emploi, et leurs bénéficiaires ne sont qu’au nombre de 20 000.
J’entends l’argument relatif au monde consulaire : je m’engage à ce que le décret qui mettra en œuvre le CPF encadre les choses, de façon à éviter tout empiétement sur les missions des chambres consulaires.
Pourquoi avons-nous prévu cette évolution dans la loi ? En milieu rural ou dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, de nombreux réseaux d’accompagnement sont financés via les copartenariats mis en place avec les agences de Pôle emploi. Le Président de la République a également décidé de créer l’Agence France Entrepreneur afin de rendre ces réseaux d’accompagnement plus lisibles et plus visibles.
Il faut le dire, il existe aujourd’hui des zones rurales et des quartiers prioritaires de la politique de la ville où il n’y a aucun réseau d’accompagnement. C’est la réalité ! Il est donc important de permettre le financement de l’accompagnement à la création d’entreprise sur les fonds du compte personnel d’activité, compte tenu de l’importance de cet accompagnement pour le taux de survie de l’entreprise.
Je demande donc, moi aussi, le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Bricq, l’amendement n° 316 est-il maintenu ?
Mme Nicole Bricq. Mme la ministre et M. le rapporteur s’y sont mis à deux pour me convaincre, avec des arguments complémentaires.
Vous m’avez prise par les sentiments, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Vous savez y faire, monsieur Forissier !
Mme Nicole Bricq. En effet, je suis très favorable à la création d’entreprise et, surtout, à l’individualisation de ce droit qui, après tout, appartient à celui qui le porte dans son sac à dos !
Je comprends très bien les arguments qui ont été défendus. Vous avez davantage insisté, madame la ministre, sur l’aspect social, en évoquant les personnes qui ont besoin de cet accompagnement. Je le dis au passage, car on ne le sait pas assez, là où l’on crée le plus d’entreprises, c’est dans le beau département de ma collègue Evelyne Yonnet, la Seine-Saint-Denis. C’est statistiquement prouvé !
Mme Evelyne Yonnet. Très juste !
Mme Nicole Bricq. J’accepte donc de retirer mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 316 est retiré.
L’amendement n° 315, présenté par MM. Botrel et Jeansannetas, Mme Féret, MM. Tourenne, Durain et Godefroy, Mmes Yonnet et S. Robert, MM. Vincent et Vaugrenard, Mmes Blondin et Herviaux, MM. F. Marc et Courteau, Mme Campion, M. M. Bourquin, Mme Jourda, M. Rome, Mmes Bataille et Bonnefoy, M. Lalande, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mme Claireaux, M. Daudigny, Mmes Emery-Dumas et Génisson, M. Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, M. Vergoz et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 52
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les périodes de formations spécifiquement destinées aux personnes en situation d’illettrisme sont systématiquement prises en compte dans le cadre du compte personnel de formation. »
La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Le présent amendement tend à assurer une prise en compte systématique des formations destinées aux personnes en situation d’illettrisme dans le cadre du compte personnel d’activité. Déjà déposé en commission, dans une rédaction légèrement différente, il a fait l’objet d’un avis défavorable des rapporteurs, au motif d’une imprécision rédactionnelle.
Il est ainsi indiqué dans le compte rendu de la réunion : « L’intention est louable mais le dispositif n’est juridiquement pas satisfaisant : il confond le compte personnel d’activité et le compte personnel de formation. L’objectif est-il de rendre éligible au CPF les formations destinées aux personnes illettrées ou de rendre automatique leur financement ? Dans ce dernier cas, l’amendement se heurte à l’article 40. »
Tenant malgré tout compte de cette position de la commission, nous avons fait le choix d’intégrer la disposition proposée au compte personnel de formation et non plus directement au compte personnel d’activité, afin de contourner la difficulté soulevée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Le compte personnel formation fait partie du compte personnel d’activité, le CPA : c’est la même enveloppe.
Nous avons déjà rejeté cet amendement en commission, et je confirme cet avis défavorable. J’avais cherché à expliquer à ses auteurs qu’il n’était juridiquement pas opérant et qu’il était en partie satisfait, avant que l’on ne m’accuse de vouloir empêcher les personnes en situation d’illettrisme de se former.
Il faut néanmoins voir au-delà des déclarations de principe, sur lesquelles nous sommes tous d’accord : nous souhaitons tous voir reculer l’illettrisme, tout autant que nous voulons trouver un vaccin contre le sida ou mettre un terme aux inégalités entre les femmes et les hommes. Toutefois, de ces paroles à leur traduction juridique, il y a beaucoup d’obstacles à franchir, et les dispositions de cet amendement, selon moi, ne permettent pas d’y procéder de manière satisfaisante.
Tout d’abord, il est difficile de comprendre clairement l’objectif : s’agit-il de rendre éligibles au CPF les formations destinées aux personnes illettrées ou de rendre automatique leur financement ?
Par ailleurs, le socle de connaissances et de compétences s’adresse directement aux personnes en situation d’illettrisme, afin de favoriser leur accès et leur maintien en emploi. Il est en effet constitué de l’ensemble des connaissances et des compétences qu’il est utile de maîtriser pour accéder à la formation professionnelle et à l’insertion professionnelle.
Enfin, il existe d’ores et déjà beaucoup de dispositifs financés, notamment, dans le cadre de la politique de la ville. La commission n’est pas opposée à cet amendement sur le principe, mais elle considère qu’il est inopérant.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Cet amendement est satisfait. La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle a rendu éligibles au CPF les formations permettant d’acquérir un socle de connaissances et de compétences fondamentales. Dès lors, les partenaires sociaux se sont entendus sur un outil : la certification interbranche visant l’acquisition d’un socle de connaissances et de compétences professionnelles, dite « CLéA ».
Cette certification, définie par les partenaires sociaux en lien avec les régions, nous l’avons entérinée dans le décret du 13 février 2015. On compte aujourd’hui 35 273 bénéficiaires de ce dispositif.
Concrètement, le socle comprend, à la fois, la communication en français, les règles de calcul et de raisonnement mathématique, ainsi que l’ensemble des compétences et de connaissances qu’un individu doit maîtriser dans n’importe quel environnement professionnel, quel que soit son métier.
Les partenaires sociaux se sont emparés de cet outil qui permet de lutter contre l’illettrisme et représente une véritable avancée, et il fonctionne désormais très bien.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Botrel, l’amendement n° 315 est-il maintenu ?
M. Yannick Botrel. Le cas des travailleurs en situation d’illettrisme a été mis en évidence, en particulier, lors de la cessation d’activité, en Bretagne nord, d’un certain nombre d’entreprises agroalimentaires. Des salariés qui étaient parfaitement intégrés dans leur entreprise, depuis de nombreuses années, qui y avaient leur place et s’assumaient, se sont retrouvés, du jour au lendemain, sans possibilité de reclassement.
Au désarroi des personnes mises au chômage s’ajoutent ce déclassement, qu’elles-mêmes constatent, et cette impossibilité de se réinsérer. C’est donc un véritable sujet.
J’ai obtenu deux réponses, qui sont assez différentes. Celle de Mme la ministre me satisfait davantage que la réponse de M. le rapporteur. Je m’y rallie donc et retire mon amendement, monsieur le président.
M. Jean-Louis Tourenne. C’est très élégant !
M. le président. L’amendement n° 315 est retiré.
L’amendement n° 162 rectifié quater, présenté par MM. A. Marc, Laménie, Dallier et Laufoaulu, Mme Micouleau, MM. B. Fournier et Rapin, Mmes Primas, Lopez et Deromedi et M. Mandelli, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 64
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Le compte personnel de formation d’une personne peut être abondé par un autre dispositif de formation, pour compléter les heures ou le financement manquant.
« Lorsqu’un dispositif de formation abonde un compte personnel de formation, le cadre juridique du compte personnel de formation s’applique aux heures abondées par un autre dispositif, à l’exception des conditions de prise en charge. » ;
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Cet amendement de simplification vise à faciliter le recours au CPF, en particulier dans les TPE et PME, en sécurisant les modalités de sa mise en œuvre au-delà des heures acquises par la personne.
Nous entendons, ainsi, clarifier les règles de fonctionnement de l’abondement du CPF et lever une insécurité juridique, qui freine son développement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir un abondement complémentaire du CPF par un autre dispositif de formation.
Je ne comprends pas très bien l’objet de cet amendement, qui me semble satisfait. En effet, le CPF peut d’ores et déjà être abondé par les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, qui assurent aussi le financement d’autres dispositifs de formation, et les organismes paritaires collecteurs agréés au titre du congé individuel de formation, les OPACIF.
D’autres financeurs peuvent également intervenir : les régions, Pôle emploi, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées, l’AGEFIPH.
C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’amendement est en effet satisfait, dans la mesure où le CPF peut être abondé par de multiples dispositifs. Surtout, sa rédaction semble par trop imprécise, ce qui peut poser des difficultés.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. Alain Marc. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 162 rectifié quater est retiré.
L’amendement n° 161 rectifié quater, présenté par MM. A. Marc, Laménie, Dallier et Laufoaulu, Mme Micouleau, M. B. Fournier, Mmes Primas, Lopez et Deromedi et M. Mandelli, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 66
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le III de l’article L. 6323-20 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, afin de favoriser la mise en œuvre du compte personnel de formation, le conseil d’administration des organismes collecteurs paritaires agréés peut décider de financer l’abondement du compte de personnel de formation des salariés, avec la contribution compte personnel de formation, dans des conditions définies par celui-ci. » ;
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. L’alimentation du compte personnel de formation est plafonnée à 150 heures. Ce nombre d’heures peut se révéler insuffisant et nécessiter un abondement pour financer des formations qualifiantes et certifiantes.
La loi du 5 mars 2014 autorise les entreprises qui gèrent en interne la contribution CPF à financer, avec cette contribution, les heures CPF, ainsi que les heures supplémentaires manquantes. La même possibilité n’est pas ouverte aux OPCA. Il existe donc une inégalité de traitement entre les salariés, ce qui représente un frein au développement du CPF, plus particulièrement dans les TPE et PME.
Afin de faciliter la mise en œuvre du dispositif, une dérogation ministérielle a autorisé, en 2015 et 2016, les conseils d’administration des OPCA à financer, avec la contribution CPF, les heures CPF et les heures supplémentaires manquantes.
Cet amendement vise à inscrire dans la loi cette possibilité, en facilitant la prise en charge du CPF, dans un souci d’équité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir un financement supplémentaire du CPF par un OPCA. Il me semble en partie satisfait par les dispositions de l’article L. 6323-14 du code du travail, aux termes desquelles les partenaires sociaux d’une branche ou d’une interprofession, c’est-à-dire ceux qui siègent au conseil d’administration d’un OPCA de branche ou interprofessionnel, peuvent décider d’un abondement supplémentaire du CPF des salariés.
Sur cet amendement, je souhaite connaître l’avis de Mme la ministre, car j’ai un doute.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Mon prédécesseur François Rebsamen et moi-même avons successivement autorisé les OPCA à procéder à des abondements pour financer, au-delà des droits acquis par la personne, les besoins de formation des salariés. S’agissant du nouveau droit mis en place au 1er janvier 2015, c’était indispensable, afin d’accélérer la montée en charge du compte personnel de formation. Cela a permis d’engager des formations pour 110 000 salariés.
À dix-huit mois de la mise en place du CPF, votre proposition de pérenniser cette modalité de financement, sans en mesurer au préalable toutes les conséquences peut s’avérer un exercice délicat.
Comme M. le rapporteur, je fais confiance, aux partenaires sociaux pour gérer, dans le sens de l’intérêt des salariés, l’enveloppe financière qui correspond à ces droits.
Il me paraît compliqué d’inscrire ce dispositif tel quel dans la loi. Néanmoins, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Je m’en remets, moi aussi, à la sagesse de la Haute Assemblée, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 163 rectifié ter, présenté par MM. A. Marc, Laménie, Dallier et Laufoaulu, Mme Micouleau, M. B. Fournier, Mmes Primas, Lopez et Deromedi et M. Mandelli, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 104
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 6331-10 du même code est abrogé.
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Cet amendement vise à sanctuariser la mutualisation des fonds dédiés au financement du CPF, en supprimant la possibilité pour les grandes entreprises de gérer les fonds en interne. Cela permettra d’améliorer l’accès des salariés des TPE et PME au CPF.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Je pense au contraire qu’il faut maintenir cette disposition. En effet, elle offre la possibilité aux entreprises qui le souhaitent d’inclure le CPF dans la politique cohérente de formation qu’elles mènent.
Si l’on veut que ce dispositif monte en puissance, il faut bien l’utiliser, et tout ce qui pourra l’abonder est positif.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je respecte, quant à moi, l’accord du 14 décembre 2013 passé par les partenaires sociaux.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. Alain Marc. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 163 rectifié ter est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 172 rectifié bis est présenté par Mmes Meunier, Blondin, Lepage et Génisson, M. Courteau, Mmes Monier, Conway-Mouret, D. Michel, Féret et Yonnet, M. Vaugrenard, Mme Bataille, M. Kaltenbach, Mmes Emery-Dumas et Schillinger, M. Daudigny, Mme S. Robert, MM. Assouline et Durain, Mme Ghali, MM. Tourenne, Néri et Godefroy, Mmes Tocqueville et Jourda, M. Carrère et Mmes Campion, Riocreux et Guillemot.
L’amendement n° 432 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à la mise en œuvre des dispositions prévues par accord d’entreprise, de groupe ou de branche en application du dernier alinéa de l’article L. 6323-11 du code du travail.
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 172 rectifié bis.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement vise à prévoir la remise par le Gouvernement aux parlementaires d’un bilan détaillé, quantitatif et qualitatif de la mise en œuvre des dispositions de l’article 21, que nous examinons.
Cela permettrait d’identifier les bonnes pratiques dans le cadre de la négociation collective – par exemple, le nombre de branches ou d’entreprises ayant adopté des mesures allant au-delà de l’alimentation du CPF pour les temps partiels –, en vue d’améliorer l’accès des salariés à temps partiel à la formation continue. L’objectif principal de l’article 21 est en effet, comme l’a rappelé Mme la ministre, de faire accéder à la formation ceux qui sont le moins formés.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 432.
Mme Aline Archimbaud. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Conformément à une jurisprudence constante de la commission, et compte tenu du très faible taux de remise des rapports demandés au Gouvernement, il n’est pas souhaitable d’inscrire cette demande dans la loi.
En revanche, rien n’empêche Mme la ministre, de sa propre initiative, de demander à ses services un travail sur ce sujet, qu’elle pourra ensuite communiquer aux auteurs de l’amendement. Son engagement à le faire dans cet hémicycle, publié au Journal officiel, fera foi.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, mon avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Vous me donnez l’occasion, monsieur le rapporteur, de me féliciter des échanges que j’ai eus avec M. le rapporteur Lemoyne, ainsi que de la qualité du travail que nous avons mené dans cet hémicycle.
Nous avons évoqué, précédemment, le temps partiel. Cette question se pose, notamment, à propos du bilan qui peut être établi dans le cadre des accords de branche.
Il est important de disposer d’un état des lieux de ces accords collectifs. Je sais que le président Alain Milon compte le nombre de rapports que ce projet de loi va susciter.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Il y en a déjà 49,3 ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Myriam El Khomri, ministre. La loi du 5 mars 2014 a prévu la possibilité d’abonder, à la suite d’accords de branche, le compte personnel de formation. Cela concerne en particulier les salariés à temps partiel. Nous nous y sommes engagés. Nous devons donc disposer d’un état des lieux concret, qui indique le sens de la négociation de branche en la matière.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 172 rectifié bis et 432.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 21, modifié.
(L'article 21 est adopté.)
Article 21 bis A
Le titre II du livre III de la sixième partie du code du travail est ainsi modifié :
I. – L’article L. 6321-1 est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, après les mots : « contre l’illettrisme » sont insérés les mots : «, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret » ;
2° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences. »
II. – L’article L. 6324-1 est ainsi modifié :
1° Le 1° est complété par les mots : « et des formations permettant d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences » ;
2° Au 2°, après le mot : « action », sont insérés les mots : « d’évaluation et de formation ». – (Adopté.)
Article 21 bis B
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 6331-48 est ainsi rédigé :
« Art. L. 6331-48. – Les travailleurs indépendants, y compris ceux n’employant aucun salarié, consacrent chaque année au financement des actions définies à l’article L. 6331-1 une contribution qui ne peut être inférieure à :
« 1° 0,25 % du montant annuel du plafond de la sécurité sociale pour les personnes relevant des groupes des professions industrielles et commerciales et des professions libérales mentionnés aux b et c du 1° de l’article L. 613-1 du code de la sécurité sociale ; ce taux est porté à 0,34 % lorsque ces personnes bénéficient du concours de leur conjoint collaborateur dans les conditions prévues au premier alinéa du I de l’article L. 121-4 du code de commerce ;
« 2° 0,29 % du montant annuel du plafond de la sécurité sociale pour les personnes inscrites au répertoire des métiers, dont :
« a) Une fraction correspondant à 0,12 point est affectée, sous les réserves prévues à l’article L. 6331-50 du présent code, aux chambres mentionnées au a de l’article 1601 du code général des impôts pour le financement d’actions de formation au sens des articles L. 6313-1 à L. 6313-11 et L. 6353-1 du présent code. Ces actions de formation font l’objet d’une comptabilité analytique et sont gérées sur un compte annexe. Cette fraction n’est pas due dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ;
« b) Une fraction correspondant à 0,17 point est affectée, sous les réserves prévues par l’article L. 6331-50, au fonds d’assurance-formation des chefs d’entreprise mentionné au III de l’article 8 de l’ordonnance n° 2003-1213 du 18 décembre 2003 relative aux mesures de simplification des formalités concernant les entreprises, les travailleurs indépendants, les associations et les particuliers employeurs ;
« Les travailleurs indépendants bénéficiant du régime prévu à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale consacrent chaque année au financement des actions définies à l’article L. 6313-1 du présent code, en sus des cotisations et contributions acquittées au titre de ce régime, une contribution égale à 0,1 % du montant annuel de leur chiffre d’affaires pour ceux mentionnés au 1° du présent article qui relèvent de la première catégorie définie au dernier alinéa du 1 de l’article 50-0 du code général des impôts, à 0,2 % du montant annuel de leur chiffre d’affaires pour les autres travailleurs indépendants mentionnés au même 1° et à 0,3 % du montant annuel de leur chiffre d’affaires pour les travailleurs indépendants mentionnés au 2° du présent article. Pour cette dernière catégorie, la contribution est répartie dans les conditions mentionnées au même 2°, au prorata des valeurs qui y sont indiquées.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de mise en œuvre du présent article. » ;
2° À l’article L. 6331-48-1, les mots : « au troisième » sont remplacés par les mots : « à l’avant-dernier » ;
3° L’article L. 6331-50 est ainsi rédigé :
« Art. L. 6331-50. – Les contributions prévues à l’article L. 6331-48, à l’exclusion de celle mentionnée au a du 2° du même article, sont versées à un fonds d’assurance-formation de non-salariés.
« La contribution mentionnée au même a est affectée aux chambres mentionnées au a de l’article 1601 du code général des impôts dans la limite de plafonds individuels obtenus, pour chaque bénéficiaire, en répartissant la valeur du second sous-plafond mentionné au même article 1601, dans sa rédaction antérieure à la loi n° … du … visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, applicable pour l’année 2017 au prorata des sommes recouvrées par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 du code de la sécurité sociale pour ce bénéficiaire.
« La contribution mentionnée au b du 2° de l’article L. 6331-48 du présent code est affectée au fonds d’assurance-formation des chefs d’entreprise mentionné au III de l’article 8 de l’ordonnance n° 2003-1213 du 18 décembre 2003 relative aux mesures de simplification des formalités concernant les entreprises, les travailleurs indépendants, les associations et les particuliers employeurs, dans la limite du plafond prévu pour l’article 1601 B du code général des impôts au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.
« Les sommes excédant les plafonds mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du présent article sont reversées au budget général de l’État. » ;
4° L’article L. 6331-51 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « premier et deuxième » sont remplacés par les mots : « cinq premiers » et les mots : « conformément aux dispositions prévues à l’article L. 133-6 du code de la sécurité sociale » sont supprimés ;
– à la seconde phrase, les mots : « février de l’année qui suit celle » sont remplacés par les mots : « décembre de l’année » ;
b) Au deuxième alinéa, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « sixième » ;
c) Au troisième alinéa, après les mots : « l’État, », sont insérés les mots : « et aux organismes mentionnés au a de l’article 1601 du code général des impôts, » ;
5° Les articles L. 6331-54 et L. 6331-54-1 sont abrogés ;
6° (nouveau) À l’article L. 6361-2, les références : « aux articles L. 6331-48 et L. 6331-54 » sont remplacés par la référence : « à l’article L. 6331-48 ».
II. – Les deuxième et troisième alinéas du 1° du II de l’article 8 de l’ordonnance n° 2003-1213 du 18 décembre 2003 relative aux mesures de simplification des formalités concernant les entreprises, les travailleurs indépendants, les associations et les particuliers employeurs sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« À cette fin, ils consacrent chaque année au financement des actions définies à l’article L. 6313-1 du code du travail une contribution prévue à l’article L. 6331-48 du même code. »
III. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 1601 est ainsi modifié :
a) Les deuxième à quatrième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le produit de cette taxe est affecté à chacun des bénéficiaires mentionnés au premier alinéa, dans la limite du plafond prévu au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, minoré de la valeur du second sous-plafond mentionné au présent article, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° … du … visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, applicable pour l’année 2017. » ;
b) (Supprimé)
c) Le c est abrogé ;
d) À la fin de la seconde phrase du dernier alinéa, les mots : « et le droit additionnel figurant au c » sont supprimés ;
2° Les articles 1601 B et 1609 quatervicies B sont abrogés.
III bis (nouveau).– À l’avant-dernier alinéa de l’article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans, les mots : « le droit additionnel prévu au c de l’article 1601 du code général des impôts » sont remplacés par les mots : « la fraction mentionnée au a du 2° de l’article L. 6331-48 du code du travail ».
IV. – Le présent article s’applique à la contribution à la formation professionnelle due par les travailleurs indépendants pour les périodes courant à compter du 1er janvier 2018.
M. le président. L’amendement n° 1031, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 33
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L'article L. 135 J du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « l'administration fiscale » sont insérés les mots : « ou tout autre organisme chargé de son recouvrement et de son contrôle » ;
2° Au deuxième alinéa, après les mots : « et l'administration » sont insérés les mots : « ou tout autre organisme chargé de son recouvrement et de son contrôle ».
La parole est à M. Michel Forissier, rapporteur.
M. Michel Forissier, rapporteur. Cet amendement vise à faciliter l’échange d’informations entre les chambres de métiers et de l’artisanat, l’administration fiscale et les URSSAF concernant les personnes assujetties à la taxe pour frais de chambre, c’est-à-dire inscrites au répertoire des métiers, afin de garantir que le transfert de la collecte de la contribution à la formation professionnelle des artisans aux URSSAF ne se traduira pas par une diminution du nombre de personnes redevables en raison d’une mauvaise transmission d’informations.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 21 bis B, modifié.
(L'article 21 bis B est adopté.)
Article 21 bis
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 976, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Une concertation sur les dispositifs pouvant être intégrés dans le compte personnel d’activité est engagée, avant le 1er octobre 2016, avec les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, qui, si elles le souhaitent, ouvrent une négociation à ce sujet.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous l’avons dit, nous savons bien que le compte personnel d’activité est une réforme qui s’échelonnera sur plusieurs années. Le projet de loi qui vous est présenté, mesdames, messieurs les sénateurs, prévoit une première étape, celle du 1er janvier 2017. Bien sûr, il devra y en avoir d’autres !
Les deux mois de débat public animés par France Stratégie, qui nous a d’ailleurs remis un rapport sur le compte personnel d’activité à l’automne dernier, ont visé justement à éclairer sur les étapes futures du CPA, notamment celles qui auront vocation à intégrer des droits sociaux. Cela passe impérativement par la concertation avec les partenaires sociaux.
C’est pourquoi il important de rétablir l’article 21 bis, qui prévoit cette concertation sur les prochaines étapes du CPA.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Cet amendement est contraire à la position de la commission, qui l’avait supprimé, puisqu’il portait, de manière peu normative, sur une « concertation sur les dispositifs pouvant être intégrés dans le CPA ».
Je regrette que le Gouvernement dépose un amendement de rétablissement de cet article. En effet, celui-ci était symptomatique du rythme trop rapide des réformes sociales menées récemment, avec les résultats que l’on connaît pour le compte pénibilité. L’article 21 bis prévoyait, en effet, l’ouverture d’une concertation avant le 1er octobre 2016, pour réfléchir à élargir un dispositif, le CPA, qui n’entrera en vigueur que le 1er janvier 2017 ! Cela nous interroge.
J’ai l’impression, pardonnez-moi l’expression, que l’on met la charrue avant les bœufs. Ne faut-il pas d’abord s’assurer du bon fonctionnement du CPA dans son périmètre actuel, et corriger les éventuels dysfonctionnements qui apparaîtraient, avant de songer à le complexifier ? Le temps de son évolution viendra assez tôt, et les partenaires sociaux pourront se saisir eux-mêmes de cette question.
C’est pourquoi je vous invite, madame la ministre, à vous rallier à la raison et à retirer votre amendement. Dans le cas contraire, mon avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je maintiendrai mon amendement. Vous l’avez dit précédemment, monsieur le rapporteur, il y a plusieurs étapes. L’objectif est non pas de conclure la concertation au 1er octobre 2016, mais de la commencer à cette date.
Un document d’orientation a été communiqué aux partenaires sociaux, qui ont adopté ensuite une position commune – j’ai appliqué les dispositions relatives au dialogue social s'agissant du compte personnel d’activité et, d’ailleurs, de l’intégralité du projet de loi –, même si elle n’a pas encore été signée par l’ensemble des représentants syndicaux et patronaux.
La question du compte épargne-temps, que nous avons évoquée précédemment, était sur la table, avec d’autres sujets. Demander une ouverture de la concertation avant le 1er octobre 2016 ne signifie donc pas que celle-ci aboutira au 1er janvier 2017. C’est le début de la négociation, pas la fin !
Ainsi, sur la question du statut de l’apprenti, que nous évoquerons plus loin, cela fait pratiquement un an et demi que nous sommes en négociation avec les partenaires sociaux.
Une dynamique de négociation avait été enclenchée ; pour la relancer avant le 1er octobre 2016, nous souhaitons maintenir cette disposition.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur, votre explication n’est pas satisfaisante ! Vous nous dites que la commission n’est pas d’accord. Dont acte.
Vous nous avez aussi indiqué précédemment que le compte épargne-temps n’était pas une mauvaise idée. Pourtant, vous ne voulez pas engager la concertation. Je vous pose la question : de quoi avez-vous peur ? Est-ce la date choisie pour l’ouverture de la concertation, en 2016, qui vous gêne, sachant qu’il y aura des échéances électorales en 2017 ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Non !
Mme Nicole Bricq. Dans ce cas, vous ne devez pas craindre que l’on ouvre la concertation en 2016 !
Mme la ministre ne l’a pas dit, mais, si j’ai bien compris, ne pas faire figurer le compte épargne-temps dans le texte est une décision qui résulte d’un compromis. Des syndicats qui étaient très favorables au compte épargne-temps y ont renoncé. Faire un compromis, c'est avancer l’un vers l’autre. Si on ne le fait pas maintenant, c'est pour les raisons que Mme la ministre a avancées : car l’on ne veut pas trop charger la barque, et car qui embrasse trop mal étreint. Nous voulons que le CPA puisse prendre son envol, mais sans fermer la porte au compte épargne-temps.
Nous avons eu de longues discussions sur l’article 2 : on le sait, le temps de travail, c’est la clef de l’organisation du travail dans l’entreprise et c’est ce qui motive vraiment le salarié.
Je peux vous rassurer, la concertation sur un dispositif aussi délicat ne se terminera pas en six mois. Je doute que les partenaires sociaux réussissent à tomber d’accord sur les bons compromis au bout de ce délai, ni peut-être même en un an.
Nous tenons à cet article : c'est la raison pour laquelle nous voterons en faveur de l’amendement du Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 976.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 367 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, l'article 21 bis demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 21 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 977, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre III du titre II du livre III de la sixième partie du code du travail, est complété par une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« Mise en œuvre du compte personnel de formation pour les personnes handicapées accueillies dans un établissement et service d’aide par le travail
« Sous-section 1
« Alimentation et abondement du compte
« Art. L. 6323-32. – Le compte personnel de formation du bénéficiaire d’un contrat de soutien et d’aide par le travail mentionné à l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles est alimenté en heures de formation à la fin de chaque année et mobilisé par le titulaire ou son représentant légal afin qu’il puisse suivre, à son initiative, une formation. Le compte ne peut être mobilisé qu’avec l’accord exprès de son titulaire ou de son représentant légal.
« Art. L. 6323-33. – L’alimentation du compte se fait à hauteur de vingt-quatre heures par année d’admission à temps plein ou à temps partiel dans un établissement ou un service d’aide par le travail jusqu’à l’acquisition d’un crédit de cent vingt heures, puis de douze heures par année d’admission à temps plein ou à temps partiel, dans la limite d’un plafond total de cent cinquante heures. Les heures inscrites sur le compte permettent à son titulaire de financer une formation éligible au compte, au sens de l’article L. 6323-6.
« Art. L. 6323-34. – La période d’absence de la personne handicapée pour un congé de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant, d’adoption, de présence parentale, de soutien familial ou un congé parental d’éducation ou pour une maladie professionnelle ou un accident du travail est intégralement prise en compte pour le calcul de ces heures.
« Art. L. 6323-35. – L’établissement ou le service d’aide par le travail verse à l’organisme collecteur paritaire agréé dont il relève une contribution égale à 0,2 % d’une partie forfaitaire de la rémunération garantie versée aux travailleurs handicapés concernés dont le montant est défini par décret.
« Art L. 6323-36. – Lorsque la durée de la formation est supérieure au nombre d’heures inscrites sur le compte, celui-ci peut faire l’objet, à la demande de son titulaire ou de son représentant légal, d’abondements en heures complémentaires pour assurer le financement de cette formation. Ces heures complémentaires peuvent être financées par :
1° Un organisme collecteur paritaire agréé ;
2° Les régions, lorsque la formation suivie par la personne handicapée est organisée avec leur concours financier ;
3° Les entreprises dans le cadre d’une mise à disposition par l’établissement ou le service d’aide par le travail mentionnée à l’article L. 344-2-4 du code de l’action sociale et des familles ;
4° L’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du présent code ;
5° L’institution mentionnée à l’article L. 5214-1 ;
Sous-section 2
Mobilisation du compte et prise en charge des frais de formation
« Art. L. 6323-37. – Les heures complémentaires mobilisées à l’appui d’un projet de formation sont mentionnées dans le compte sans y être inscrites. Elles ne sont pas prises en compte pour le calcul du plafond mentionné à l’article L. 6323-33.
« Art. L. 6323-38. – Lorsque la formation financée dans le cadre du compte personnel de formation est suivie pendant le temps d’exercice d’une activité à caractère professionnel au sein de l’établissement ou du service d’aide par le travail, le travailleur handicapé doit demander l’accord préalable dudit établissement ou service sur le contenu et le calendrier de la formation.
« Art. L. 6323-39. – En cas d’acceptation par l’établissement ou le service d’aide par le travail, le travailleur handicapé bénéficie pendant la durée de la formation du maintien de sa rémunération garantie et du régime de sécurité sociale relatif à la protection en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles.
« Art. L. 6323-40. – Les frais de formation sont pris en charge par l’organisme collecteur paritaire agréé mentionné à l’article L. 6323-35 ».
II. – L’article L. 243-6 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la compensation de la contribution mentionnée à l’article L. 6323-35 du code du travail, l’État assure la compensation de la contribution calculée sur la base de l’assiette forfaitaire prévue à l’alinéa précédent, pour la partie de cette assiette égale à l’aide au poste mentionnée à l’article L. 243-4. »
III. – Le III de l’article L. 6323-4 du code du travail est abrogé.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le législateur avait prévu, dès 2014, d’ouvrir le droit au CPF pour les travailleurs handicapés en établissements et services d’aide par le travail, ou ESAT, au même titre que pour les salariés et les demandeurs d’emploi.
Toutefois, ce compte ne pouvait être alimenté que par des abondements, selon des modalités à définir par décret. En accord avec les associations œuvrant en faveur de l’insertion des personnes handicapées, nous avons voulu sécuriser l’alimentation du CPF des travailleurs en ESAT.
C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous soumets cet amendement, qui vise à permettre aux personnes handicapées accueillies en ESAT d’acquérir des droits personnels capitalisables pendant la durée du contrat de soutien et d’aide par le travail. L’amendement tend donc à décrire les règles d’acquisition, de financement et d’abondement spécifique du compte et à créer une contribution obligatoire des ESAT.
Il s'agit d’une avancée importante. C'est la raison pour laquelle je vous invite à voter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 94 rectifié ter, présenté par MM. Mouiller, Mandelli, Vial et Morisset, Mme Billon, MM. J.P. Fournier et B. Fournier, Mmes Morhet-Richaud et Cayeux, MM. de Legge, Houel, Bonhomme et Guerriau, Mme Lopez, MM. Dallier et Cambon, Mme Canayer, MM. Bouchet et Trillard, Mme Imbert, MM. Longeot, Masclet, D. Robert, Commeinhes, Lefèvre et Rapin, Mmes Deroche et Micouleau, MM. Laménie, Perrin, Raison, Pellevat, Huré, Charon et César, Mme Keller, MM. Grand et L. Hervé et Mmes Deromedi et Gruny, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 344-2-1 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le titulaire d’un contrat de soutien et d’aide par le travail conclu en application de l’article L. 311-4 acquiert des heures de formation dans son compte personnel de formation et mobilise ce dispositif dans les mêmes conditions que le salarié en application des articles L. 6323-2 à L. 6323-5 du code du travail. »
La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Cet amendement a exactement le même objet que celui qui vient d’être présenté par le Gouvernement. Il est donc défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. J’émets un avis très favorable sur l’amendement n° 977 du Gouvernement : il s’agit d’une mesure attendue par tous les acteurs du secteur et qui fait consensus parmi eux, d’autant que le dispositif prévu est très complet.
C'est la raison pour laquelle j’invite les auteurs de l'amendement n° 94 rectifié ter à bien vouloir le retirer, puisqu’il sera satisfait par l’adoption de l’amendement du Gouvernement.
M. le président. Madame Canayer, l'amendement n° 94 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Agnès Canayer. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 94 rectifié ter est retiré.
La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote sur l'amendement n° 977.
Mme Dominique Gillot. Malgré l’heure tardive, je veux me réjouir du dépôt de cet amendement, qui a fait l’objet d’un travail intense entre le ministère du travail et le ministère des affaires sociales et des personnes handicapées, pour apporter une réponse très attendue par les partenaires du secteur.
Des tentatives avaient été faites, mais les amendements parlementaires sont tombés sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Toutefois, madame la ministre, vous avez trouvé la bonne formule pour sécuriser financièrement ce nouveau dispositif. C'est vraiment un progrès notable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21 bis.
L'amendement n° 692, présenté par M. Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, l’élaboration du compte personnel de formation prendra en compte, en termes financiers comme en termes pédagogiques, des résultats du rapport sur la formation professionnelle outre-mer, notamment par la mobilité dans le cadre de la continuité territoriale.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Après le compte personnel de formation et l’ébauche d’un compte personnel d’activité, il semble opportun de travailler pour les habitants de l’outre-mer, à partir de toutes les données référencées. Tous les éléments ne sont pas disponibles ; ce sont, par exemple, ceux qui sont issus de l’article 12 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.
Cet article prévoyait que le Gouvernement présente au Parlement, dans les dix-huit mois suivant la promulgation de la présente loi, un rapport sur la formation professionnelle outre-mer, notamment sur la mobilité dans le cadre de la continuité territoriale.
L’échéance fixée était le 5 septembre 2015. Or nous sommes en juin 2016 et ce rapport n’a toujours pas été publié. Il aurait été judicieux de prendre en compte les résultats de ce rapport avant le lancement du plan « 500 000 formations outre-mer », annoncé par le ministère des outre-mer à la fin du mois de mai dernier. Ce serait un indicateur précieux, afin de pouvoir suivre le parcours de l’ADOM, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, qui a changé de statut il y a moins d’un an.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. La commission maintient sa position sur les rapports : nous n’en demandons plus, car ils n’arrivent jamais !
Il s’agit ici d’un amendement d’appel, qui vise à déplorer une fois de plus qu’un rapport demandé dans le cadre de la loi du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle outre-mer n’ait jamais été réalisé. Une fois que Mme la ministre aura expliqué pour quelles raisons ce rapport promis au Parlement n’a jamais été produit, l’auteur de l’amendement pourra retirer ce dernier ; sinon, mon avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je ne savais pas que cet engagement de rendre un rapport sur la situation en outre-mer avait été pris, je vous le dis toute sincérité. J’ai été nommée le 2 septembre dernier et je n’étais pas au courant. Je vais voir auprès de mes services si ce rapport est déjà en cours d’élaboration.
Nous avons eu de nombreux débats avec la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. La députée Monique Orphé souhaitait notamment que nous puissions expérimenter en matière de formation en outre-mer. Il est vrai qu’il existe des caractéristiques et des contraintes spécifiques dans ces territoires.
Le compte personnel d’activité, tel qu’il résulte du code du travail, est, en l’état actuel, applicable de plein droit aux départements d’outre-mer. Ce principe, nous y tenons toutes et tous.
Cependant, il est vrai que certaines règles régissant le CPF peuvent faire l’objet d’adaptations aux contraintes et caractéristiques spécifiques que je viens de mentionner. La question des listes éligibles doit poser parfois des difficultés, ainsi que les questions de l’offre de formation et du financement.
Madame la sénatrice, je reviendrai vers vous rapidement pour vous dire où en est ce rapport. En attendant, s'agissant de cet amendement, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je constate que, finalement, trop de rapports tue le rapport ! Dans ce cas précis, Mme la ministre a eu la franchise de nous dire qu’elle n’était pas au courant de cette demande, pour des raisons qui sont les siennes et qui sont valables : elle a été nommée au Gouvernement récemment.
Je relève aussi que le changement de ministre n’entraîne pas obligatoirement le changement de l’administration du ministère. Il serait peut-être nécessaire d’examiner, puisque cette demande a été votée, pourquoi ce rapport n’a pas été fait, alors que l’administration, elle, continue de vivre. D’où l’avantage de ne pas adopter ce genre de disposition !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le président de la commission, vous avez raison : trop de rapports tue le rapport.
Vous ne cessez de nous dire, texte après texte, qu’il faut cesser de demander des rapports, mais, vous le savez bien, certaines dispositions ne peuvent pas être proposées par des parlementaires : les demandes de rapport sont souvent des amendements d’appel.
En l’occurrence, cette demande avait été adoptée lors d’un précédent débat parlementaire. Il est dommage que Mme la ministre n’en ait pas été informée. C'est un peu comme en matière d’égalité professionnelle : dans certains domaines ou secteurs – ici, les outre-mer –, on remet souvent les choses à plus tard. Si nous formulons de telles demandes, c'est parce qu’il est difficile de faire autrement.
Ce n’est pas la première fois que nous essayons de faire entendre cette voix quelque peu lointaine de la Réunion, qui est celle de notre collègue Paul Vergès. Madame la ministre, il serait fort intéressant que nous puissions obtenir ce rapport, afin d’en mettre en œuvre les conclusions, notamment sur la mobilité dans le cadre de la continuité territoriale.
Vous nous avez assuré que vous reviendriez auprès de notre collègue Christine Prunaud. Les parlementaires de notre groupe y seront attentifs, tout comme, me semble-t-il, l’ensemble des parlementaires des outre-mer.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Qu’il n’y ait aucune méprise : je ne me défaussais pas sur mon administration ! Je disais que je n’étais pas informée de l’engagement de rendre ce rapport. Je vais me rapprocher de mes services, pour que ce rapport puisse être rendu. De ce point de vue, les choses sont claires.
Néanmoins, je ne voudrais pas laisser dire ici que, dans le projet de loi que nous examinons depuis une semaine, il n’y a rien sur l’outre-mer. Je connais les difficultés extrêmement importantes auxquelles les jeunes sont confrontés dans certains départements d’outre-mer et je m’efforce de les traiter depuis ma nomination en tant que ministre.
Je rappelle que nous avons décidé que les conventions collectives s’appliqueraient aux salariés de l’outre-mer. En termes de couverture conventionnelle, cela va à l’inverse de la loi Perben : c'est un point extrêmement important.
Je voudrais également rappeler que, en matière de formation professionnelle, nous allons mettre en place une expérimentation à la Réunion, pour favoriser l’accès des personnes non qualifiées à un premier niveau de qualification.
Nous avons aussi déposé un amendement ayant pour objet une expérimentation à la Réunion, pour aider les personnes sans qualification à exercer leurs droits. Nous sommes bien là dans l’application du compte personnel de formation. Cette mesure figurait dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
D’autres engagements ont également été pris, notamment en faveur de Mayotte. Je veux aussi citer l’expérimentation que nous allons lancer à la Réunion, une fois encore en matière de contrats aidés.
J’entends bien évidemment les difficultés qui existent, notamment en termes d’organismes de formation et de nécessité de former beaucoup plus rapidement. Néanmoins, ce projet de loi contient – fort heureusement ! – des dispositions en direction des Français d’outre-mer.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 692.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 22
(Non modifié)
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin de :
1° Mettre en œuvre, pour chaque agent public, un compte personnel d’activité ayant pour objet d’informer son titulaire de ses droits à formation et ses droits sociaux liés à sa carrière professionnelle, ainsi que de permettre l’utilisation des droits qui y sont inscrits ;
2° Définir les conditions d’utilisation et les modalités de gestion de ce compte ;
3° Définir les règles de portabilité des droits mentionnés au 1° du présent I lorsqu’un agent public change d’employeur, y compris lorsqu’il change de statut, et des droits inscrits sur le compte personnel d’activité régi par le titre V du livre Ier de la cinquième partie du code du travail lorsque le titulaire du compte acquiert la qualité d’agent public ;
4° Renforcer les garanties en matière de formation des agents publics, notamment les droits et congés y afférents ;
5° Renforcer les garanties applicables aux agents publics en matière de prévention et d’accompagnement de l’inaptitude physique, améliorer les droits et congés pour raisons de santé ainsi que le régime des accidents de service et des maladies professionnelles applicables aux agents publics ;
6° Adapter aux agents publics la plateforme de services en ligne mentionnée au II de l’article L. 5151-6 du code du travail.
II. – L’ordonnance prévue au I du présent article est prise dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance. – (Adopté.)
Article 22 bis
(Non modifié)
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin de :
1° Mettre en œuvre un compte personnel d’activité pour chaque agent des chambres consulaires régi par un statut relevant de la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l’établissement obligatoire d’un statut du personnel administratif des chambres d’agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers, ayant pour objet d’informer son titulaire sur ses droits à formation et ses droits sociaux liés à sa carrière professionnelle, ainsi que de permettre l’utilisation des droits qui y sont inscrits ;
2° Définir les conditions d’utilisation et les modalités de gestion de ce compte ;
3° Définir les règles de portabilité des droits mentionnés au 1° lorsqu’un agent des chambres consulaires change d’employeur, y compris lorsqu’il change de statut, et des droits inscrits sur le compte personnel d’activité régi par le titre V du livre Ier de la cinquième partie du code du travail lorsque le titulaire du compte acquiert la qualité d’agent des chambres consulaires ;
4° Adapter aux agents des chambres consulaires la plateforme de services en ligne mentionnée au II de l’article L. 5151-6 du code du travail et à laquelle a accès chaque titulaire d’un compte personnel d’activité.
II. – L’ordonnance prévue au I est prise dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance.
M. le président. L'amendement n° 360 rectifié, présenté par MM. Reichardt, B. Fournier, Lefèvre, Cambon, Grand, Commeinhes et Panunzi, Mme Deromedi, MM. Pellevat, G. Bailly et Laménie, Mme Cayeux et MM. Charon, Mandelli, P. Leroy et Kennel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Bailly.
M. Gérard Bailly. Il s’agit d’un amendement de simplification.
L’article 22 bis est surabondant, car les agents des chambres consulaires sont déjà couverts par l’article 22 du projet de loi pour la mise en œuvre du compte personnel d’activité aux agents publics. En effet, les agents du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat sont des agents publics employés par des établissements publics administratifs de l’État, selon un avis du Conseil d’État du 16 juin 1992. Il en va de même pour les agents administratifs des autres réseaux consulaires.
Cet amendement vise donc à supprimer l’article 22 bis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Je tiens à souligner que les agents des chambres consulaires ne relèvent d’aucune des trois fonctions publiques, mais ont un statut particulier, défini pour chacun des réseaux par une commission paritaire nationale.
La commission a néanmoins émis un avis de sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous n’avons pas la même lecture juridique : pour que le CPA soit mis en œuvre dans les chambres consulaires, il convient de le prévoir explicitement dans la loi. Chaque statut est élaboré par une commission nationale paritaire et n’est rattaché ni au code du travail ni au statut de la fonction publique, selon la jurisprudence du Conseil d’État. C'est la raison pour laquelle il fallait le prévoir explicitement.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Après avoir entendu la position de sagesse de la commission et les explications de Mme la ministre, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 360 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 22 bis.
(L'article 22 bis est adopté.)
Article 23
I. – Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’intitulé de la section 3 est ainsi rédigé : « Accompagnement des jeunes vers l’autonomie par l’emploi » ;
2° La division et l’intitulé des sous-sections 1 et 2 de la même section 3 sont supprimés ;
3° (Supprimé)
4° L’article L. 5131-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5131-4. – L’accompagnement mentionné à l’article L. 5131-3 peut prendre la forme d’un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi conclu avec l’État et mis en œuvre par les organismes mentionnés aux articles L. 5314-1 à L. 5314-4 du code du travail, élaboré avec le jeune et adapté à ses besoins identifiés lors d’un diagnostic. Le contrat d’engagements est signé préalablement à l’entrée dans le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi. » ;
5° L’article L. 5131-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5131-5. – Afin de favoriser son insertion professionnelle, le jeune qui s’engage dans un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi peut bénéficier d’une allocation versée par l’État et modulable en fonction de la situation de l’intéressé.
« Cette allocation est incessible et insaisissable.
« Elle peut être suspendue ou supprimée en cas de non-respect par son bénéficiaire des engagements du contrat. » ;
6° (Supprimé)
7° L’article L. 5131-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5131-7. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent chapitre, en particulier :
« 1° Les modalités du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi, ainsi que la nature des engagements de chaque partie au contrat ;
« 2° Les modalités de fixation de la durée et de renouvellement du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie ;
« 3° Les modalités d’orientation vers les différentes modalités du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi, ainsi que leurs caractéristiques respectives ;
« 4° Les modalités d’attribution, de modulation, de suppression et de versement de l’allocation prévue à l’article L. 5131-5. » ;
8° L’article L. 5131-8 est abrogé.
I bis. – Au deuxième alinéa de l’article L. 5134-54 du même code, les mots : « titulaires du contrat d’insertion dans la vie sociale » sont remplacés par les mots : « ayant conclu un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi ».
I ter. – Au 2° du I de l’article 244 quater G du code général des impôts, après le mot : « décret », sont insérés les mots : « en Conseil d’État ».
II. – Le présent article est applicable à compter du 1er janvier 2017. Les contrats d’insertion dans la vie sociale conclus antérieurement continuent à produire leurs effets dans les conditions applicables avant cette date, jusqu’à leur terme.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Accompagner les jeunes vers l’autonomie par l’emploi est une intention louable et surtout nécessaire. En effet, les chiffres sont assez dramatiques : quelque 25,7 % de chômage, soit 721 000 personnes à la recherche d’un emploi, et un jeune sur cinq qui vit sous le seuil de pauvreté. Ce constat fait de la France un mauvais élève européen ; il est plus que jamais nécessaire de modifier cette situation.
Faire de la jeunesse une priorité, comme l’a déclaré le Président de la République, passe par des mesures ambitieuses et en rupture avec la politique menée jusqu’à présent. D’ici à la fin de 2016, le Gouvernement évalue à 100 000 le nombre de jeunes en formation et veut engager 418 millions d’euros pour financer un droit universel à la Garantie jeunes bénéficiant à 200 000 personnes d’ici à 2017.
Quand on sait qu’il y a 900 000 jeunes sans emploi ni formation, on voit que l’on est encore loin du compte ! En outre, pour entrer dans ce dispositif, la sélection sera très rigoureuse, voire impitoyable, compte tenu du nombre insuffisant de places.
Ce dispositif d’insertion est piloté par des missions locales qui, comme chacun le sait ici, accompagne les jeunes à la recherche d’un emploi ou ceux qui sont demandeurs de formation sur une période d’une année. En échange, le jeune reçoit une allocation de 461,72 euros.
Le problème est que cette Garantie jeunes pèse de manière très importante sur les dépenses des missions locales. Ainsi, notre collègue député Jean-Patrick Gille, président de l’Union nationale des missions locales, a rappelé que le réseau des missions locales, dont vous renforcez les missions par cet article, a perdu 60 millions d’euros de moyens en deux ans, au moment même où les besoins sont de plus en plus pressants pour le 1,4 million de jeunes qui sont suivis.
De plus, si ce dispositif peut sortir des jeunes d’une grande détresse – c’est tout à fait positif –, il ne parvient pas à régler la question de l’insertion durable. Le CESE soulignait, dans un rapport rendu il y a un an, que 48 % des jeunes suivis sont en emploi ou en formation après une année, contre 38 % pour ceux qui ne bénéficient pas de la Garantie jeunes. Ce dispositif peine à toucher les jeunes en difficulté qui sont isolés.
Ainsi, cet article n’a malheureusement pas les moyens de ses ambitions et, surtout, il ne règle pas la précarité des jeunes. S’il est positif, il est aussi largement insuffisant.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, sur l'article.
Mme Agnès Canayer. Traduction des engagements de l’Union européenne en faveur de l’emploi des jeunes, la Garantie jeunes a été instituée en France à titre expérimental sur certains territoires depuis janvier 2014. Elle a été progressivement étendue depuis lors.
Ce dispositif, on vient de le rappeler, concerne des jeunes entre 18 et 25 ans qui sont dits « NEET », d’après un acronyme anglo-saxon, c'est-à-dire qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni à l’école. Il repose sur un accompagnement personnalisé et renforcé, pour favoriser l’insertion professionnelle de ces jeunes.
La qualité de l’accompagnement est l’ADN de la Garantie jeunes. L’article 23 du projet de loi étend ce dispositif expérimental à l’ensemble du territoire, tout en en faisant un droit pour tous les jeunes NEET de 18 à 25 ans.
Cette réponse à court terme aux manifestations des jeunes de mars dernier est inappropriée. Retravaillé en commission des affaires sociales du Sénat, ce dispositif est maintenu à l’état d’expérimentation jusqu’à la fin de la période prévue, notamment pour favoriser l’évaluation réelle des premières expérimentations de la Garantie jeunes.
L’expérience qui est menée dans de nombreuses missions locales montre des résultats très satisfaisants, en raison effectivement de cet accompagnement renforcé, des partenariats locaux tissés avec les entreprises et de nombreux moyens humains mobilisés pour l’accompagnement de ces jeunes. Les premiers résultats prouvent que cela permet véritablement, dans de nombreux cas, à ces jeunes décrocheurs d’accéder à des situations d’emploi.
Néanmoins, on peut formuler plusieurs remarques.
Tout d’abord, faire de la Garantie jeunes un droit ou l’universaliser va entraîner un risque de dérive vers l’assistanat, au lieu d’assurer une responsabilisation réelle des jeunes accompagnés.
Ensuite, coupler emploi et autonomie risque de faire de l’emploi un objectif secondaire, alors que l’objectif est d’accompagner les jeunes vers l’autonomie par l’emploi.
Enfin, il convient de maintenir le rôle essentiel des missions locales dans ce dispositif de la Garantie jeunes.
Ce n’est pas en généralisant et en universalisant ce dispositif que les jeunes trouveront véritablement un emploi et acquerront leur autonomie.
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est une heure du matin.
Nous avons examiné 78 amendements au cours de la journée ; il en reste 337.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 22 juin 2016, à quatorze heures trente et le soir :
Désignation des vingt-sept membres de la mission d’information sur l’inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles.
Désignation des trente-sept membres du groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi Égalité et citoyenneté.
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (n° 610, 2015-2016) ;
Rapport de MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Marc Gabouty et Michel Forissier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 661, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 662, 2015-2016) ;
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 22 juin 2016, à une heure.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD