PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Conventions internationales
Adoption en procédure d’examen simplifié de quatre projets de loi dans les textes de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de quatre projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces quatre projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif au site technique de l’agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice entre le gouvernement de la république française et l’agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord relatif au site technique de l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice entre le Gouvernement de la République française et l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (ensemble deux annexes), fait à Bruxelles le 5 décembre 2013, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif au site technique de l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice entre le Gouvernement de la République française et l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (projet n° 106 [2014-2015], texte de la commission n° 456, rapport n° 455).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
projet de loi autorisant l’approbation de l’amendement à la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l’atlantique du nord-ouest du 24 octobre 1978
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’amendement à la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l’Atlantique du Nord-Ouest du 24 octobre 1978 (ensemble deux annexes), adopté à Lisbonne le 28 septembre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’amendement à la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l’Atlantique du Nord-Ouest du 24 octobre 1978 (projet n° 212 [2014-2015], texte de la commission n° 450, rapport n° 449).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du royaume-uni de grande-bretagne et d’irlande du nord (ensemble un règlement transférant la compétence de régulation économique ferroviaire de la commission intergouvernementale aux organismes de contrôle nationaux, établissant les principes de la coopération entre ceux-ci et portant établissement d’un cadre de tarification pour la liaison fixe transmanche, et une annexe)
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif au règlement concernant la liaison fixe transmanche (ensemble un règlement transférant la compétence de régulation économique ferroviaire de la Commission intergouvernementale aux organismes de contrôle nationaux, établissant les principes de la coopération entre ceux-ci et portant établissement d’un cadre de tarification pour la liaison fixe transmanche, et une annexe), signées à Paris le 18 et le 23 mars 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (ensemble un règlement transférant la compétence de régulation économique ferroviaire de la commission intergouvernementale aux organismes de contrôle nationaux, établissant les principes de la coopération entre ceux-ci et portant établissement d’un cadre de tarification pour la liaison fixe transmanche, et une annexe) (projet n° 173 [2014-2015], texte de la commission n° 454, rapport n° 453).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du pérou
Article unique
Est autorisée l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou, signée à Paris le 15 novembre 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou (projet n° 352, texte de la commission n° 452, rapport n° 451).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
8
OTAN : protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant l’accession de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du traité de l’Atlantique Nord (projet n° 286, texte de la commission n° 458, rapport n° 457).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Vallini, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du développement et de la francophonie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense nationale et des forces armées, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je viens aujourd’hui vous présenter, au nom du Gouvernement, le projet de loi autorisant l’accession de notre pays au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du traité de l’Atlantique Nord, communément appelé « protocole de Paris ».
Laissant de côté les polémiques, je souhaite évoquer devant vous les faits et la réalité de ce texte, qui est avant tout technique puisqu’il définit le cadre juridique applicable aux quartiers généraux de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, l’OTAN, ou reconnus par cette organisation, ainsi qu’aux officiers et soldats issus de pays alliés qui y servent.
Je le dis donc d’emblée : le protocole de Paris n’affecte en rien le positionnement de la France au sein de l’OTAN, pas plus qu’il ne porte atteinte à l’autonomie et à l’indépendance de notre politique de défense ou à la souveraineté de notre pays.
Revenons un instant sur l’histoire de ce texte, qui nous éclaire sur sa réelle portée.
La France fut, vous le savez, l’un des signataires originels de ce protocole, le 28 août 1952, texte auquel notre capitale a d’ailleurs donné son nom. Le protocole de Paris fut ensuite dénoncé par la France, le 30 mars 1966, lorsque notre pays décida, sur l’initiative du général de Gaulle, de quitter la structure de commandement intégré de l’OTAN.
Le protocole de Paris est indissociablement lié à la participation à la structure de commandement intégré de l’OTAN. Il en constitue en effet la traduction juridique et administrative ; j’y reviendrai ultérieurement.
Un précédent gouvernement ayant pris en 2009, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la décision de réintégrer la structure de commandement intégré, une nouvelle accession de la France au protocole de Paris est très vite devenue un développement logique et nécessaire.
Tous les membres de l’OTAN sont parties à ce protocole. La France, elle, a recommencé à accueillir du personnel de l’OTAN dans ses quartiers généraux militaires sans que ces structures et les personnes qui y servent ne bénéficient d’un statut international. À l’inverse, tous les quartiers généraux de l’OTAN ou reconnus par elle et implantés dans les pays alliés bénéficient d’un même statut unifié et homogène.
Quel est le résultat de ce décalage ? Aujourd’hui, les officiers alliés que nous accueillons dans nos structures sont parfois confrontés à de nombreuses difficultés administratives, juridiques et financières, du fait de l’absence de statut harmonisé, difficultés auxquelles ils ne sont pas confrontés dans les autres pays de l’Alliance et auxquelles nos propres officiers en poste dans les structures de nos alliés ne sont pas non plus confrontés, puisqu’ils bénéficient du statut défini par le protocole de Paris.
Cette situation se traduit par des tracasseries bureaucratiques, par un défaut d’attractivité et par une moindre visibilité de nos structures militaires, qui constituent pourtant des relais d’influence précieux auprès de nos alliés et de l’OTAN.
Par conséquent, des travaux interministériels ont été engagés en 2014 en vue de préparer une nouvelle accession de la France au protocole de Paris. La France a ensuite saisi le Conseil de l’Atlantique Nord, qui, le 21 janvier 2015, a approuvé à l’unanimité la demande d’accession française.
Quel est l’objet du protocole de Paris ?
En dépit de la relative technicité de ses dispositions, il est en réalité très simple : il étend l’application de la convention entre les États parties au traité de l’Atlantique Nord sur le statut des forces, dite « SOFA OTAN », signée à Londres le 19 juin 1951, aux quartiers généraux interalliés créés en vertu du traité de l’Atlantique Nord ou aux « organismes militaires internationaux », ainsi qu’à leurs personnels civils et militaires.
La France est partie au SOFA OTAN depuis l’origine et sans discontinuer puisque, je le rappelle, elle n’a jamais quitté l’OTAN. Ce texte détermine le statut des forces armées des parties lorsque celles-ci se trouvent en service sur le territoire métropolitain d’une autre partie.
Le protocole de Paris s’applique, quant à lui, aux « quartiers généraux suprêmes » de l’OTAN, ainsi qu’à « tout quartier général militaire international créé en vertu du traité de l’Atlantique Nord et directement subordonné à un quartier général suprême ». Il n’existe en fait que deux quartiers généraux suprêmes, et aucun n’est en France : le commandement allié opérations, situé à Mons, en Belgique, et le commandement allié transformation, commandé par notre compatriote le général Denis Mercier et sis à Norfolk, aux États-Unis. Il n’y a pas non plus de quartier général militaire international subordonné à un quartier général suprême sur le territoire français ni de projet d’en installer un.
Toutefois, l’article 14 du protocole de Paris prévoit également – c’est cette disposition qui nous intéresse aujourd'hui principalement – que le Conseil de l’Atlantique Nord peut décider d’appliquer tout ou partie des stipulations du protocole à tout « quartier général militaire international » ou à toute « organisation militaire internationale » n’entrant pas dans les définitions de l’article 1er du protocole de Paris. Concrètement, cela signifie qu’un État membre de l’OTAN peut demander au Conseil de l’Atlantique Nord, qui statue à l’unanimité, l’activation d’une de ses structures militaires, afin de lui voir appliquer les dispositions du protocole.
Pour ce qui concerne la France, comme le détaille l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi, un certain nombre de structures ont été identifiées comme pouvant bénéficier, si la France le décide, des dispositions du protocole de Paris.
Par leur nature, les stipulations du protocole correspondent largement à celles qu’a établies le SOFA OTAN.
Ainsi, le protocole prévoit, premièrement, des dispositions relatives au privilège de juridiction : les pouvoirs de juridiction en matière pénale et disciplinaire dévolus à l’État d’origine par le SOFA OTAN sont conférés, s’agissant des personnels affectés dans les quartiers généraux, aux autorités de l’État dont la loi militaire peut s’appliquer à la personne intéressée.
Deuxièmement, le protocole contient des dispositions ayant trait au règlement des dommages : les stipulations du SOFA OTAN relatives aux dommages causés ou subis par des membres des forces sont rendues applicables aux employés des quartiers généraux.
Troisièmement, en matière d’exonérations fiscales et douanières, les personnels seront exonérés d’impôt dans l’État d’accueil au titre des traitements et émoluments payés par la force armée à laquelle ils appartiennent ou par laquelle ils sont employés, mais restent imposables par le pays dont ils ont la nationalité. En outre, les quartiers généraux sont exonérés sur le territoire des États parties des droits et taxes afférents aux dépenses qu’ils supportent pour leur avantage officiel et exclusif.
Quatrièmement, le protocole de Paris confère aux quartiers généraux suprêmes la capacité juridique – c’est l’objet de l’article 10. Celle-ci leur permet notamment de contracter, d’acquérir ou d’ester en justice, soit pour eux-mêmes, soit pour tout quartier général subordonné autorisé par eux.
Cinquièmement, le protocole prévoit que les archives et autres documents officiels d’un quartier général interallié conservés dans les locaux de ce QG ou détenus par tout membre de ce QG sont inviolables, sauf dans le cas où ce dernier renonce à cette immunité.
Quel est l’intérêt, pour notre pays, d’accéder de nouveau au protocole de Paris ? Il s’agit non pas d’accueillir de nouveaux quartiers généraux de l’OTAN sur notre sol, mais bien de valoriser les structures, nationales ou multinationales, qui y sont déjà présentes. L’accession de la France au protocole de Paris nous permettrait ainsi de corriger une anomalie, administrative et juridique, qui, aujourd’hui, nous pénalise et n’est pas comprise par nos partenaires. En effet, l’application de ses dispositions aux QG situés sur le territoire français entraînera une simplification et une harmonisation des règles et procédures administratives liées à l’accueil du personnel de l’OTAN, à laquelle nos alliés se montrent particulièrement sensibles.
En favorisant l’accès à ces entités à davantage de personnels, notamment étrangers, l’accession de la France au protocole de Paris contribuera à promouvoir des activités économiques sur le territoire national et à valoriser nos propres structures militaires parmi nos alliés.
Voilà la réalité du protocole de Paris, bien loin des analyses trop rapides qui ont tendu à conférer à ce texte une portée qu’il n’a pas.
Les faits sont là : en aucun cas le protocole de Paris n’affecte ni ne remet en cause les conditions que notre pays avait fixées lors de sa réintégration de la structure de commandement intégré de l’OTAN, en 2009 ; en aucun cas il ne traduit un infléchissement de notre position au sein de l’OTAN, où la France continuera, bien sûr, de faire entendre la voix d’un allié loyal, solidaire, mais indépendant ; en aucun cas il n’amoindrit nos ambitions pour l’Europe de la défense, que la France souhaite toujours plus forte et plus substantielle ; en aucun cas il ne porte atteinte à l’autonomie et à l’indépendance de notre politique de défense et à la souveraineté de notre pays.
C’est pour toutes ces raisons que je vous invite, au nom du Gouvernement, à juger ce protocole pour ce qu’il est, et seulement pour cela : un développement pratique et logique de la décision de réintégrer la structure de commandement de l’OTAN, qui permettra à la France de renforcer son influence au sein de l’Alliance, en proposant un cadre attractif et cohérent à nos partenaires pour l’accueil de leurs personnels au sein de certaines structures militaires françaises.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle le protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du traité de l’Atlantique Nord, qui fait l’objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du RDSE et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Gautier, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, veuillez m’excuser si mes propos sont souvent redondants avec ceux que vient de tenir M. le secrétaire d'État, dont je partage les analyses.
L’accession de la France au protocole de Paris n’est que la suite logique du retour de la France dans la structure du commandement intégré de l’OTAN, en 2009.
En 1966, sous la présidence du général de Gaulle, la France, pays cofondateur de l’OTAN, se retire du commandement militaire intégré et dénonce le protocole de Paris, ce qui entraîne le départ de 57 000 soldats et employés américains de notre pays et le déménagement en Belgique du grand quartier général des puissances alliées en Europe, qui était jusqu’alors basé à Rocquencourt. La France garde une position particulière : elle est membre de l’Alliance, mais ne met plus de forces à disposition de l’OTAN.
Après un rapprochement entamé au début des années quatre-vingt-dix, la France reprend place au sein du commandement intégré de l’OTAN en avril 2009, à des conditions sur lesquelles je reviendrai.
Symbole de sa place pleine et entière dans le commandement intégré, la France a obtenu l’un des deux commandements stratégiques, avec le poste de commandant suprême allié pour la transformation : après le général Stéphane Abrial et le général Jean-Paul Paloméros, c’est aujourd'hui le général Denis Mercier qui assure cette fonction.
Chacun se souvient des questionnements qui ont accompagné cette réintégration. Pour y répondre, le Président de la République avait demandé à Hubert Védrine, après la dernière élection présidentielle, de réaliser un rapport. Ce rapport, réservé sur la réalité de l’avenir de la défense européenne, approuvait le retour de notre pays au sein du commandement intégré. Depuis, la politique française s’est inscrite dans cette orientation, que l’on retrouve au travers du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013.
Venons-en maintenant au protocole de Paris.
Composé de seize articles, le projet de loi qui nous est soumis est un accord avant tout administratif et technique, qui définit le cadre juridique du stationnement des quartiers généraux militaires interalliés de l’OTAN et accorde une couverture juridique à leurs personnels. L’adopter, ce n’est pas faire un pas de plus vers l’OTAN : ce n’est que la conséquence logique de notre réintégration. En effet, ce protocole ne modifie en rien les conditions posées par la France à son retour dans les structures de commandement intégré, qui sont essentiellement les suivantes : la préservation d’une liberté d’appréciation totale pour la contribution de la France aux opérations de l’OTAN, le maintien de notre indépendance nucléaire et la garantie qu’aucune force française ne serait placée en permanence sous un commandement de l’OTAN en temps de paix. J’ajoute que nous ne voulons pas payer pour ce qui a été décidé avant notre retour au sein du commandement intégré.
Les quartiers généraux et leurs personnels se voient conférer une grande partie des droits et obligations que la convention dite « SOFA – status of forces agreement – OTAN » ratifiée par la France en 1952 confère aux États d’origine et à leurs forces lorsque celles-ci séjournent en France.
L’application du protocole facilitera la vie quotidienne des personnels militaires et civils envoyés par les autres pays de l’Alliance dans les quartiers généraux situés en France, ainsi que celle des personnes à leur charge, en leur octroyant notamment les traditionnels privilèges diplomatiques en matière de juridictions, d’exonérations fiscales ou douanières et le bénéfice des règles protectrices concernant les dommages commis ou subis, c’est-à-dire, en fait, en leur donnant les mêmes droits que ceux dont disposent les militaires français travaillant dans les quartiers généraux de l’OTAN. Aujourd’hui, l’accueil de ces personnels étrangers se fait sur la base d’arrangements techniques qui offrent moins de sécurité juridique et d’harmonisation.
Signalons que seuls 240 militaires issus des pays membres de l’OTAN sont actuellement affectés en France et seraient donc susceptibles de bénéficier de l’application du protocole de Paris.
La ratification du protocole facilitera aussi la résolution des difficultés que rencontrent aujourd’hui les conjoints des militaires français affectés dans les QG de l’OTAN. Par exemple, les Américains sont moins enclins à autoriser le travail du conjoint d’un militaire français basé à Norfolk que celui du conjoint de n’importe quel autre militaire dont le pays a ratifié le protocole. Le protocole marque donc une avancée sur ce plan.
L’accession à ce protocole simplifiera également le travail des personnels de l’OTAN appelés à venir ponctuellement sur le territoire français en dehors des exercices déjà couverts par le SOFA OTAN. Les difficultés rencontrées pour l’organisation à Paris, en 2014, d’un séminaire de l’OTAN, à propos de simples questions de droits de douane et de TVA dont le ministère de la défense et Bercy avaient une vision différente, n’ont pas donné une image positive de notre pays. La ratification du protocole apportera une solution.
Elle améliorera aussi le fonctionnement des quartiers généraux, en les dotant de la capacité juridique, en leur octroyant des exonérations fiscales et douanières ainsi que la possibilité de détenir des devises et d’avoir des comptes dans n’importe quelle monnaie, en simplifiant les règles applicables au foncier et en garantissant – c’est la moindre des choses – l’inviolabilité des archives. De fait, le champ d’application du protocole restera limité, puisqu’il n'y a actuellement, en France, aucun des quartiers généraux répondant à la définition figurant à l’article 1er du protocole, à savoir le SHAPE de Mons, le quartier général du commandement allié transformation de Norfolk, les commandements des forces interarmées de Brunssum et de Naples, ainsi que les commandements alliés aérien de Ramstein, maritime de Northwood et terrestre d’Izmir.
L’article 14 permet au Conseil de l’Atlantique Nord d’étendre le champ d’application du protocole, à la demande du pays hôte et sous réserve de l’unanimité du Conseil, à tout quartier général ou organisation militaire internationale. À ce titre, dans le futur, la France pourrait demander à bénéficier d’une décision dite « d’activation » pour les quartiers généraux du corps de réaction rapide-France de Lille, du corps de réaction rapide européen de Strasbourg, de l’état-major de la force aéromaritime française de réaction rapide de Toulon et pour le centre d’analyse et de simulation pour la préparation aux opérations aériennes de Lyon-Mont Verdun. Cette liste est limitative, et il n’est pas certain que nous solliciterons ces agréments.
Peut-être pourra-t-on enfin créer un centre d’excellence certifié OTAN pour valoriser l’expertise, par exemple, du service des essences des armées, car, sur vingt-quatre centres d’excellence OTAN, il n’y en a pour l’instant qu’un seul en France. En effet, il est plus simple pour les alliés de s’installer dans des pays ayant signé le protocole.
En conclusion, je recommande l’adoption de ce texte.
L’accession au protocole de Paris simplifiera la vie des personnels étrangers dans les quartiers généraux situés sur le territoire national et permettra d’harmoniser les statuts, ce à quoi nos alliés sont très attentifs. Comme M. le secrétaire d'État l’a rappelé, l’attractivité de la France devrait s’en trouver renforcée et, au-delà, son influence au sein de l’OTAN. La réadhésion à ce protocole ne porte aucunement atteinte à la règle du contrôle politique permanent de l’emploi des forces françaises, puisque le placement des quartiers généraux sous commandement de l’OTAN ne pourra résulter que d’une décision politique française.
Enfin, il est normal que la France, qui est le troisième contributeur au budget de l’OTAN, puisse avoir les moyens d’exercer pleinement son influence. En 2014, la participation française s’est élevée à 211 millions d’euros. Même lorsque nous n’étions plus présents au sein du commandement militaire intégré, nous versions cette contribution. Désormais, nous avons les moyens d’agir et de peser, nous faisons partie des organes décisionnels de l’OTAN, nous participons aux structures intégrées de commandement, nous détenons le poste de commandant suprême allié transformation. Nous avons pesé sur la réduction du nombre des agences de l’OTAN, qui était trop élevé. Cela a permis de diminuer les coûts.
Cette influence de la France est mesurable et quantifiable. Dans le cadre du projet Smart Defence de l’OTAN, 12 % des commandes ont échu à des groupes industriels français : ce pourcentage est plus élevé que notre part au budget de l’OTAN.
En réalité, ce texte est un texte d’adaptation d’un SOFA, comme nous en signons régulièrement avec de nombreux pays. N’empêchons pas nos partenaires allemands, italiens, britanniques, belges et, plus rarement, américains de venir travailler dans les commandements français en ayant une couverture juridique, administrative et fiscale identique à celle dont bénéficient les Français en poste dans les quartiers généraux de l’OTAN situés à l’étranger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’accession de la France au protocole de Paris qui nous occupe aujourd’hui s’inscrit dans la continuité du retour de notre pays dans le commandement militaire intégré de l’OTAN en 2009.
Ce protocole a pour objet de clarifier le statut juridique des quartiers généraux militaires interalliés situés sur le territoire français, d’assurer une couverture juridique aux personnels militaires et civils et de préciser les garanties et privilèges dont ils bénéficient.
Depuis 2009, la France accueille de nouveau du personnel de l’OTAN dans ses quartiers généraux militaires : il s’agit de combler le vide juridique né de cette situation, au travers de dispositions similaires à celles qui régissent le fonctionnement des organisations internationales. Nous admettons la nécessité d’un tel processus, afin de clarifier et d’encadrer le statut de ces quartiers généraux.
Toutefois, si un tel accord technique ne pose pas de difficulté particulière, c’est la stratégie de fond qui le sous-tend qui nous interpelle. En effet, ce protocole vient valider un peu plus le choix politique et stratégique opéré par la France lors de sa réintégration en 2009.
Alors que le lancement et la promotion d’une politique européenne de sécurité et de défense étaient une condition informelle de notre retour au sein du commandement militaire intégré de l’OTAN, force est de constater que la défense européenne fait encore aujourd’hui cruellement défaut. Nous en avons encore eu récemment la preuve en Syrie, où la France s’est particulièrement exposée, en intervenant seule en première ligne.
Plus encore, à propos de la Syrie, s’est posée la question de l’absence de convergence des intérêts des membres de l’organisation, qui a mené – nous ne pouvons le nier – à une réelle paralysie.
La défense de l’Union européenne est aujourd’hui clairement déléguée à l’OTAN, au travers de l’adhésion et de la participation de la plupart de ses membres à ce système d’alliance. Or l’Union européenne se doit d’assumer les responsabilités incombant à un acteur politique et économique de son rang. Il ne peut revenir aux États-Unis de protéger les Européens contre l’éventualité tragique d’une guerre, ni de présider aux choix européens en matière de défense.
Mes chers collègues, je n’ai de cesse de rappeler devant vous l’importance que l’Europe se comporte en acteur stratégique autonome mettant le poids de son influence au service du système onusien de sécurité collective pour la prévention et la résolution des conflits. La défense européenne est une chance réelle à saisir, en particulier dans le contexte difficile que nous traversons.
Pour ce faire, nous devons impérativement réactualiser la stratégie européenne de sécurité, encourager l’élaboration d’un consensus politique en matière de défense, fixer des objectifs en matière de politiques de coopération sectorielles et poursuivre la création d’une base industrielle technologique et de défense européenne.
Si nous reconnaissons que l’OTAN est une des seules coalitions internationales au sein desquelles des armées ont réussi à travailler ensemble et à coopérer, nous pensons qu’elle est un frein réel et durable au projet européen.
Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d'État, le groupe écologiste s’abstiendra sur ce texte. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)