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Expérimentation territoriale pour la lutte contre le chômage de longue durée
Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée (texte de la commission n° 355, rapport n° 354).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la rapporteur.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage, mes chers collègues, la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée arrive aujourd’hui au terme de son parcours législatif, qui, je le crois, fut exemplaire à bien des égards.
Alors que le texte a été élaboré sur l’initiative du monde associatif, à l’issue d’une vaste concertation qui a permis d’en étudier la faisabilité et d’en consolider l’assise juridique, son examen parlementaire a été l’occasion pour chacune des deux chambres d’en enrichir le dispositif, afin d’en préciser le ciblage et de tenir compte des besoins des territoires et de leur capacité d’innovation.
Déposée à l’Assemblée nationale le 22 juillet 2015 par les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, et plus particulièrement par notre collègue député Laurent Grandguillaume, dont je tiens à saluer l’implication, le sens de l’écoute et du dialogue, cette proposition de loi a été adoptée par les députés le 9 décembre 2015.
Confrontée à un calendrier quelque peu contraint en fin d’année dernière, notre commission des affaires sociales a travaillé avec diligence, adoptant son texte dès la semaine suivante, avant que la suspension des travaux parlementaires n’entraîne le report de l’examen en séance publique au 13 janvier dernier. C’est à l’issue de cet examen et après avoir adopté vingt-cinq amendements que le Sénat s’est prononcé à la quasi-unanimité en sa faveur.
Je tiens à rendre hommage à la qualité et à la richesse de nos débats en commission des affaires sociales, puis en séance publique. Ceux-ci montrent que nous partageons le souci de faire une loi utile et de faire en sorte que l’expérimentation se déroule dans les meilleures conditions.
La commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 2 février dernier, a été préparée en plein accord avec le rapporteur de l’Assemblée nationale sur ce texte. Elle s’est déroulée sous les meilleurs auspices, si bien que le texte final a été adopté à l’unanimité de ses membres, puis a été adopté par l’Assemblée nationale le 10 février.
Comme vous le savez, mes chers collègues, la proposition de loi autorise des entreprises relevant de l’économie sociale et solidaire, conventionnées par un fonds national spécifique, à embaucher des demandeurs d’emploi de longue durée en contrat à durée indéterminée. Ces demandeurs d’emploi seront rémunérés au moins au SMIC pour réaliser des activités pérennes répondant à des besoins sociaux locaux non satisfaits, et ce dans l’objectif de les rendre solvables grâce à une réallocation totale ou partielle des dépenses publiques d’indemnisation ou de solidarité dont les personnes ainsi recrutées auraient bénéficié. Cette activation des dépenses dites « passives », qui a été souvent évoquée mais qui n’avait jamais pu se concrétiser jusqu’à présent, résume à elle seule le caractère innovant de la proposition de loi.
Je constate avec satisfaction que la commission mixte paritaire a confirmé l’ensemble des modifications apportées par le Sénat. Pour mémoire, notre assemblée avait jugé dans un souci d’égalité et de justice entre les demandeurs d’emploi que le motif pour lequel ils avaient mis fin à leur dernière activité salariée ne devait pas constituer un obstacle à leur entrée dans le dispositif. En conséquence, nous l’avions ouvert aux personnes démissionnaires et à celles ayant conclu une rupture conventionnelle, dont on sait aujourd’hui qu’elle remplace souvent un licenciement économique.
Nous avions également tenu à renforcer le volet relatif à l’évaluation de l’expérimentation, afin qu’elle soit confiée à un comité scientifique indépendant et non au fonds chargé du pilotage de l’expérimentation, cette évaluation conditionnant l’éventuelle généralisation du dispositif.
Enfin, nous avions apporté plusieurs modifications de cohérence pour améliorer la lisibilité du texte.
Outre divers ajustements techniques, la commission mixte paritaire a également apporté quelques avancées.
Elle a tout d’abord été l’occasion de faire entrer dans le champ de l’expérimentation les personnes au chômage depuis plus de douze mois à la suite d’une formation ou à la fin d’une activité non salariée.
Elle a ensuite confirmé que l’aide versée par le fonds aux entreprises conventionnées dans le cadre de l’expérimentation pourrait être dégressive si l’évolution favorable de la situation économique de ces entreprises le justifiait.
Enfin, la commission mixte paritaire a prévu que le bilan de l’expérimentation réalisé par le fonds aurait lieu au plus tard dix-huit mois avant son terme, afin d’éclairer le comité scientifique chargé de l’évaluation.
Surtout, elle a confirmé le caractère volontaire de la participation financière des collectivités territoriales, qui avait fait l’objet d’un long débat dans cet hémicycle. Cette expérimentation se déroulera dans dix territoires, et je n’ai aucun doute sur le fait qu’il y aura bien plus de candidats que d’élus.
Chaque collectivité territoriale concernée contribuera au financement de l’expérimentation à hauteur de l’engagement initial auquel elle aura librement consenti par la voie contractuelle avec le fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée. Par ailleurs, il appartiendra à l’État, comme la ministre du travail s’y est d’ailleurs engagée, d’assurer l’amorçage de ce dispositif.
Mes chers collègues, la proposition de loi porte en son sein une initiative en rupture avec les politiques de l’emploi menées depuis maintenant quarante ans par les gouvernements successifs, qui ont cherché à enrayer l’inexorable hausse du chômage. Je vous invite donc à approuver définitivement ce texte, afin que les mesures d’application qu’il prévoit soient publiées dans les meilleurs délais et que puisse débuter dès le 1er juillet prochain cette nouvelle étape de la lutte contre le chômage de longue durée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste, du RDSE et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous abordons ce soir la dernière étape de l’examen de la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.
La ministre du travail et moi-même, nous nous réjouissons du travail qui a été mené collectivement ces dernières semaines entre les parlementaires des deux assemblées. Ces efforts ont contribué à rassembler l’ensemble des forces politiques au service de la première préoccupation des Français, à savoir l’emploi.
Le travail est un facteur important d’insertion dans notre société. Le politique doit donc faire preuve d’innovation dans ce domaine : ce texte en est l’illustration. La proposition de loi cherche en effet à trouver des solutions, à s’appuyer sur le terrain, ce qui est très important. Elle conforte en outre l’action engagée par le Gouvernement dans la lutte contre le chômage et renforce les mesures annoncées par le Président de la République en ce début d’année, comme la création de 500 000 formations supplémentaires pour les demandeurs d’emploi ou la mise en place de nouvelles aides à l’embauche pour les PME. D’ores et déjà, 16 000 dossiers ont été déposés.
Vos débats l’ont montré, coller au terrain pour permettre aux chômeurs de longue durée de s’insérer dans la société est une bonne chose. Les promoteurs du texte ont donc eu raison de s’appuyer sur les acteurs de terrain, sur le travail des associations, de tenir compte de leur expérience pour proposer des solutions.
Madame la rapporteur, je tiens à saluer votre engagement en faveur de ce texte ambitieux et les efforts que vous avez réalisés pour lui donner davantage de lisibilité et pour améliorer son contenu. Vous avez également su relayer ce que les bénévoles, les associations et les élus réalisent sur le terrain.
Vous l’avez souligné, les échanges entre les deux assemblées ont permis à la commission mixte paritaire d’aboutir et d’intégrer des apports significatifs dans le texte. Je pense à l’accompagnement des demandeurs d’emploi, mesure qui renforce l’efficacité de la proposition de loi, à la décision de prendre en compte la situation de l’entreprise pour le calcul de la subvention accordée par le fonds ou encore au choix de confier l’évaluation de l’expérimentation à un comité scientifique, garantissant ainsi que la procédure se poursuivra dans des conditions indépendantes et distinctes du bilan réalisé par le fonds.
Cette belle idée va entrer dans les faits grâce au travail qui a été accompli et auquel vous avez tous contribué, mesdames, messieurs les sénateurs. C’est la démonstration que l’on trouve sur le terrain auprès des bénévoles la capacité de réinventer sans cesse de nouveaux modes d’action. L’État et les collectivités territoriales pourront ainsi accompagner ces initiatives. Selon moi, c’est ce qui constitue vraiment le principal apport de ce texte.
Nous devons reconnaître ensemble que tout individu possède des compétences, que des besoins existent et qu’il faut faire en sorte que ces compétences et ces besoins se rencontrent. Il nous appartient, c’est même de notre responsabilité, de favoriser l’émergence de toutes les opportunités en faveur de l’emploi. Il faudra donc continuer à promouvoir des initiatives de cette nature.
Ce qui est également en jeu, c’est le renforcement de la cohésion sociale. Pour cela, il faut parvenir à insérer ces personnes, qui souhaitent retrouver leur dignité et leur place dans la société.
Le travail n’est pas terminé : cette proposition de loi n’est qu’une étape. Comme vous l’avez dit, madame la rapporteur, le nombre de collectivités territoriales qui demandent à participer à l’expérimentation excède le nombre de celles qui pourront être retenues. Pour ma part, je souhaite que les secteurs et les quartiers choisis soient non seulement des quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais aussi des zones de revitalisation rurale, car ces territoires pourront là encore partager leur expérience et faire progresser la démarche qui est engagée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai essayé, dans cette intervention, de m’en tenir à l’essentiel. Je souhaite une fois encore vous remercier de votre travail. Avec les députés, vous êtes le dernier maillon d’une chaîne qui va permettre à cette belle idée, à ce rêve, à cette initiative issue du terrain – d’abord portée par des bénévoles, elle a été relayée par des associations et par des élus, avant votre intervention finale – de se concrétiser. Je vous remercie d’avoir contribué à la réalisation de ce projet, d’y avoir apporté votre touche.
Permettez-moi aussi, madame la rapporteur, de vous remercier une fois de plus de votre engagement, qui a accompagné celui de l’ensemble des parlementaires ayant participé à l’élaboration de ce texte. Merci pour ce beau travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, que nous examinons pour la deuxième fois au Sénat, porte une réflexion nouvelle, une conception innovante des politiques publiques sur la question du chômage. Cette approche est salutaire, car elle permet de s’extraire de la seule question de la compétitivité des entreprises ou de la prétendue rigidité du code du travail, en partant du concret, c’est-à-dire des territoires et des habitants.
Ce texte est directement issu de la réflexion d’acteurs mobilisés sur le terrain, comme ATD Quart Monde. Ces acteurs ont depuis longtemps compris que la précarité n’est pas un choix, que les chômeurs ne sont pas des assistés et qu’ils ne demandent qu’à mettre leurs compétences au service de la société.
ATD Quart Monde constate également que beaucoup de travail utile à la société n’est pas réalisé. Que ce soit dans le domaine culturel, le secteur des services à la personne ou le champ de l’amélioration du cadre de vie, les territoires et leurs habitants ont des besoins qui, faute de rentabilité suffisante des activités concernées, ne sont pas satisfaits. Le marché privé concurrentiel délaisse effectivement des pans entiers d’activités, dont la valeur lucrative est jugée insuffisante, alors même qu’elles sont créatrices de valeur d’usage.
Enfin, ATD Quart Monde souligne que l’inactivité d’une partie de plus en plus importante de la population coûte très cher à la société, pas simplement en termes d’allocations versées. Ainsi, un chômeur de longue durée coûterait de 15 000 à 17 000 euros par an à la collectivité du fait du manque à gagner en termes d’impôts ou de cotisations sociales, de l’échec scolaire des enfants ou encore de la détérioration de l’état de santé.
Pour remédier à cette situation, le député Laurent Grandguillaume, avec le soutien d’ATD Quart Monde, propose une expérimentation apportant des réponses concrètes au plus près des besoins des territoires. Le dispositif – nous le connaissons – est le suivant : réunir toutes les allocations et dépenses de l’État, des collectivités et de Pôle emploi à destination des chômeurs de longue durée involontairement privés d’emploi dans un fonds unique. Ce fonds utilisera ensuite cette somme pour créer des emplois en CDI, au sein de structures de l’économie sociale et solidaire conventionnées, afin de répondre à des besoins locaux bien identifiés.
La proposition de loi présente un triple intérêt.
Pour les chômeurs de longue durée, elle leur permet de retrouver un emploi stable en CDI – le fait que ce type de contrats ait été retenu est extrêmement positif pour des travailleurs habitués jusque-là à cumuler des jobs précaires.
Pour les territoires, elle permet de satisfaire les besoins non pourvus de leur population et contribue à leur développement.
Enfin, pour la société tout entière, elle permet de transformer des dépenses purement passives en investissements utiles, tout en diminuant les dépenses indirectes liées à la précarité.
S’agissant de la mise en œuvre, le texte propose une bonne méthode : l’expérimentation. Les dix territoires qui se porteront volontaires permettront d’accumuler suffisamment d’expérience pour, ensuite, songer à une généralisation du dispositif, après évaluation à dix-huit mois de la fin de l’expérimentation.
Preuve du caractère transpartisan de cette proposition de loi, la commission mixte paritaire est rapidement parvenue à un accord. Les écologistes se réjouissent tout particulièrement que l’amendement de notre rapporteur Anne Emery-Dumas ait été conservé dans la version finale. Les personnes ayant signé une rupture conventionnelle pourront ainsi être intégrées dans la liste des bénéficiaires potentiels. C’est une mesure extrêmement positive, car les ruptures conventionnelles sont parfois des licenciements déguisés.
En conclusion, j’indique que le groupe écologiste votera cette proposition de loi, qui redonne une chance de travailler aux exclus, dynamise les territoires en créant de nouveaux services et réduit le coût de la précarité pour toute la collectivité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, adoptée en première lecture le 9 décembre 2015 par l’Assemblée nationale, arrive, après réunion d’une commission mixte paritaire, au terme de sa navette parlementaire.
Si nous confirmons le vote de l’Assemblée nationale, mes chers collègues, nous donnerons force de loi à ce qui était à l’origine une expérience de terrain, une expérience initiée par les acteurs locaux au plus près des besoins des chômeurs de longue durée. Soyons fiers de ce que nous sommes en train de porter collectivement à travers cette initiative ! Nous constituons ainsi un rempart contre tous ceux qui font de la désespérance leur seul projet politique. Nous adressons également des signes positifs aux responsables associatifs de l’économie sociale et solidaire, qui ont besoin du soutien et de l’engagement à leurs côtés de l’État, des collectivités et de tous les acteurs publics.
L’expérimentation initiée voilà plus de trois ans par ATD Quart Monde repose sur un postulat simple : si les emplois manquent, le travail, en revanche, ne manque pas. Aussi, il s’agit de proposer à des chômeurs de longue durée volontaires un contrat à durée indéterminée pour exercer une activité pérenne répondant à des besoins sociaux locaux non satisfaits. L’objectif est également de rendre ces emplois solvables.
En 1995, une expérience menée dans le Maine-et-Loire a montré qu’il y avait une adéquation possible entre les compétences de tous les chômeurs de longue durée et les besoins des différents acteurs locaux. Si cette première expérimentation s’est heurtée à l’impossibilité légale de réallouer les dépenses de chômage à un autre usage, elle a toutefois montré qu’il était possible de proposer à tous les chômeurs de la commune un emploi utile, à temps choisi et à durée indéterminée correspondant à leurs capacités.
Avec ce texte, nous montrons également notre solidarité face à un objectif commun ; au-delà de nos appartenances politiques, nous sommes en mesure de donner du sens à nos actions.
Il faut enfin, et c’est tout l’enjeu de ce dispositif, offrir des perspectives d’avenir aux personnes, encore trop nombreuses, qui subissent durement avec leurs proches le drame du chômage de longue durée.
Au-delà de ce constat élogieux, je voudrais tout de même vous faire part de quelques regrets.
Tout d’abord, nous aurions souhaité, et je sais ce souhait partagé par de nombreux collègues, que l’expérimentation donne sa chance à plus de dix territoires. Je l’ai dit en première lecture, nous aurions pu, à peu de frais, autoriser l’expérimentation dans vingt ou trente territoires et, ainsi, nous offrir un brin d’ambition supplémentaire.
Ensuite, nous aurions aimé que la durée de l’expérimentation soit plus courte, inférieure à cinq ans, ce qui aurait permis de gagner des mois précieux pour une mise en œuvre généralisée, au plus grand bénéfice des chômeurs de longue durée. Ce n’est pas l’orientation qui a été retenue par le Parlement.
Pour autant, nous nous félicitons des améliorations que la Haute Assemblée a apportées au dispositif, démontrant une fois de plus tout l’intérêt du bicamérisme. Je pense bien sûr à l’élargissement des publics bénéficiaires : l’expérimentation concernera, non seulement les personnes licenciées, mais aussi celles qui ont démissionné de leur emploi et celles qui ont conclu une rupture conventionnelle. C’est, à notre sens, une très bonne chose.
Nous avons par ailleurs accordé un siège à l’association Alliance Villes Emploi au sein du conseil d’administration du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Comme l’a rappelé son président, cette association est « un creuset d’expériences à partager, une vitrine de cette volonté d’initiatives des collectivités territoriales et une force d’entraînement de tous les élus locaux pour le développement de l’insertion et de l’emploi ». Sa présence au sein du conseil d’administration est donc tout à fait légitime.
Nous avons également clarifié les règles de prise en charge de l’indemnité de licenciement en cas d’arrêt prématuré de l’expérimentation décidé par le fonds.
Pour toutes ces raisons, les membres du RDSE voteront à l’unanimité le texte issu de la commission mixte paritaire. À titre personnel, je forme le vœu que tous les partenaires se mobilisent pour assurer la pleine réussite de ce projet et faire durablement reculer le chômage de longue durée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de l’examen de cette proposition de loi, qui rencontre un large consensus… même si nous sommes peu nombreux ce soir !
Entendons-nous bien : le vote du groupe Les Républicains ne vaudra pas approbation de la politique menée par le Gouvernement contre le chômage de longue durée, bien au contraire. Nous estimons que peu a été fait et que tout reste à faire ! Les chiffres du chômage de longue durée le confirment, avec une augmentation de 9,7 % en un an et près de 2,5 millions de demandeurs d’emploi inscrits en novembre dernier. Faute de réforme de fond, faute de projet global pour soutenir notre économie et l’emploi, le Gouvernement piétine depuis quatre ans.
Le dispositif mis en place par la présente proposition de loi constitue une solution, mais ne peut être considéré comme le seul outil de résorption du chômage de longue durée. Or nous avons beaucoup entendu le Gouvernement, ici ou là, faire référence à ce texte en le présentant comme la principale réponse apportée au problème.
Cela étant, nous sommes favorables à la proposition de loi, car, durant la période d’expérimentation, un certain nombre de demandeurs d’emploi de longue durée pourront être mobilisés. On peut cependant regretter que la mesure ne soit utile qu’à quelques personnes, dès lors qu’elle est limitée à dix territoires. Toutefois, le dispositif mérite d’être soutenu, et nous devons encourager les initiateurs de ce projet.
Actuellement, parmi les cinq collectivités en attente de l’adoption définitive de la proposition de loi figure la commune de Mauléon, située dans le département des Deux-Sèvres, où je suis élu. Les acteurs de ce territoire sont très impliqués et attendent avec impatience notre vote et l’entrée en vigueur du texte le 1er juillet. Avec les élus de tous bords politiques, ils se sont déclarés prêts à soutenir cette expérimentation.
Localement, la maison de l’emploi s’est vue confier la coordination de l’expérimentation. À Mauléon, un tiers des 200 chômeurs de longue durée qu’elle a contactés se sont portés volontaires. Certains sont au chômage depuis de nombreuses années ; leur motivation première est très claire : sortir de l’assistanat et vivre du fruit de leur travail. En retrouvant une activité professionnelle, ils reprendront confiance en eux et pourront, ensuite, valoriser cette nouvelle expérience dans leur parcours professionnel.
En parallèle, les partenaires sont en cours de repérage des besoins non satisfaits sur le territoire, afin de proposer des emplois dans ces domaines d’activité que sont l’environnement, le lien social, les services aux collectivités, voire aux entreprises. Rappelons que le principe consiste à créer des activités utiles qui ne fassent pas concurrence aux emplois déjà existants dans le privé. Cette démarche n’est pas simple dans les territoires, parce qu’il faut trouver les filons qui permettront de créer ces nouveaux emplois.
Le point fort de la proposition de loi réside dans le fait qu’il s’agit avant tout d’une expérimentation. Si les résultats sont probants en termes de création d’emplois, ce que nous souhaitons tous, celle-ci pourra être généralisée à tout le territoire. Autre élément important : cette expérimentation sera portée par des territoires de manière volontaire. Tous les acteurs impliqués seront volontaires.
L’autre caractère innovant du dispositif est bien entendu le financement des emplois, qui s’effectuera par la réaffectation de dépenses liées à la privation d’emploi. Il s’agit de réactiver des dépenses passives. Les demandeurs d’emploi au chômage depuis plus d’un an se verront embauchés sous contrat de travail à durée indéterminée et seront payés au SMIC.
Comme je l’ai déjà dit, ce texte ne va pas régler à lui seul le chômage de longue durée. Mais, compte tenu du nombre de chômeurs de longue durée, aucune piste ne peut être négligée.
Durant l’examen de ce texte, nous avons été très vigilants sur le financement du dispositif, en faisant en sorte qu’il ne pèse pas simplement sur les collectivités territoriales, notamment les départements, dont la plupart sont en difficulté financière compte tenu de l’augmentation des dépenses sociales et de la baisse des dotations de l’État. Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement nous a assuré que l’État serait le principal financeur du dispositif, les collectivités territoriales ne s’engageant que de manière volontaire.
Je tiens à saluer le travail accompli par notre rapporteur et les compromis qui ont été trouvés en commission mixte paritaire : les avancées sont réelles.
Ainsi, il est précisé, à l’article 1er, que le rapport d’évaluation économique, sociale et financière prévu par le Sénat et le rapport du conseil d’administration du fonds seront rendus publics.
L’article 2 permettra aux entreprises de l’économie sociale et solidaire qui participeront au dispositif de recruter des personnes autres que les bénéficiaires prévus. Le dispositif sera ouvert aux demandeurs d’emploi au chômage depuis plus d’un an du fait d’un licenciement, à ceux dont le contrat en CDD ou le contrat temporaire a pris fin et à ceux qui sont sortis d’un autre dispositif. Nous avions souhaité tous ensemble – vous avez repris cette idée, madame la rapporteur – pouvoir ouvrir cette possibilité à l’ensemble des chômeurs de longue durée. En effet, ce n’est pas la cause du chômage qui doit être prise en compte ; c’est le fait d’être éloigné d’un emploi depuis plus d’un an.
Le mode de désignation du représentant des missions locales au sein du conseil d’administration de l’association, à qui la gestion du fonds d’expérimentation territoriale a été confiée, a été précisé : il sera désigné par arrêté du ministre chargé de l’emploi.
À l’article 4, a été introduite une disposition nouvelle prévoyant que l’aide accordée par le fonds sera dégressive en fonction des résultats économiques de l’entreprise afin de ne pas alourdir la charge des collectivités territoriales, ce à quoi nous tenons tout particulièrement.
L’article 5 dispose que la convention conclue entre le fonds et chaque collectivité participant à l’expérimentation définira l’affectation de la participation financière apportée par chacune d’entre elles, afin qu’elles puissent être certaines d’avoir financé l’expérimentation se déroulant sur leur territoire. Ce point aussi est essentiel.
La loi reconnaît un licenciement pour motif économique en cas d’interruption prématurée du versement de l’aide et prévoit le financement d’une partie de l’indemnité de licenciement par le fonds d’expérimentation.
Enfin, l’intitulé de la proposition de loi proposé par le Sénat, à savoir « visant à résorber le chômage de longue durée », a été retenu. Ce point est extrêmement important en matière de communication et d’information.
D’une façon générale, nous pensons qu’il est important de laisser aux acteurs locaux la possibilité d’expérimenter ce nouveau dispositif. Retrouvons-nous dans quatre ans pour en dresser le bilan ! Nous espérons que nous serons à même de proposer à un plus grand nombre de territoires l’application de ce dispositif. Nous pourrons en tirer les conclusions et apporter des améliorations, qui seront, je l’espère, très rapidement généralisées.
Pour toutes ces raisons, malgré mon introduction assez précise, le groupe Les Républicains votera la proposition de loi. À ce propos, je réitère mes remerciements à Mme la rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)