Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié est retiré.
Article 5 (nouveau)
I. – Au premier alinéa des articles L. 388 et L. 428 et au second alinéa de l’article L. 438 du code électoral, les mots : « loi n° 2014-172 du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections » sont remplacés par les mots : « loi n° … du … de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle ».
II. – La présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
Mme la présidente. L'amendement n° 17, présenté par M. Béchu, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les références :
des articles L. 388 et L. 428 et au second alinéa de l'article L. 438
par la référence :
de l'article L. 388
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe Béchu, rapporteur. Il s’agit de corriger une erreur d’imputation.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle.
(La proposition de loi est adoptée.)
10
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 18 février 2016, qu’en application de l’article 61–1 de la Constitution la Cour de cassation avait adressé au Conseil constitutionnel deux arrêts de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur :
- les articles 62 et 63 du code des douanes (Pouvoir des agents des douanes) (2016–541 QPC),
- et l’article L. 442–6, III du code de commerce (Pratiques restrictives de concurrence) (2016–542 QPC).
Le texte de ces arrêts de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
11
Dépôt d’un rapport
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales.
12
Protection de l'enfant
Adoption en nouvelle lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative à la protection de l’enfant (proposition n° 345, texte de la commission n° 379, rapport n° 378).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Laurence Rossignol, ministre de la famille, de l'enfance et des droits des femmes. Madame la présidente, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà plus d’un an que le travail engagé par les sénatrices Michelle Meunier et Muguette Dini a mobilisé le Parlement sur un sujet dont on ne parlait jusqu’alors que trop peu : la protection des enfants, et la politique publique qui la garantit.
Nous touchons aujourd’hui au terme, au Sénat, du chemin législatif de cette proposition de loi émanant de la chambre haute.
Ce chemin est caractérisé par de réelles avancées pour les enfants accompagnés et pour leurs familles, par des désaccords, par des inquiétudes que l’échange et la concertation ont souvent permis d’apaiser, enfin et surtout par l’investissement et le travail de nombreux parlementaires sur un sujet sur lequel, on le sait bien, le gain politique est très faible, mais qui fait appel aux valeurs universelles pour lesquelles nous savons nous retrouver, en dehors des clivages partisans, et qui déterminent le sens de notre action.
Cette dernière lecture au Sénat ne marque pas pour autant la fin de la réforme de la protection de l’enfance, dont cette proposition de loi constitue le volet législatif.
En effet, celle-ci se poursuit dans le cadre de la mise en œuvre des mesures de la feuille de route pour la protection de l’enfance : 101 actions construites avec les acteurs de terrain pour les soutenir dans l’évolution de leurs pratiques professionnelles, leur donner des repères et des outils sur lesquels s’appuyer.
Des groupes de travail thématiques ont été installés, qui permettent de poursuivre la dynamique de concertation engagée depuis plus d’un an maintenant et d’alimenter la réforme en cours.
J’attache une grande importance, vous le savez, à ce que les départements soient directement associés à ces chantiers.
J’ai maintenu le groupe de concertation avec les représentants des départements, l’Observatoire de l’action sociale décentralisée, l’ODAS, et l’Observatoire de l’enfance en danger, l’ONED, qui se réunit maintenant tous les deux mois et suit de près la mise en œuvre de la feuille de route.
Je continue de rassembler régulièrement les élus des départements, qui apprécient l’espace d’échange et de réflexion ouvert par nos soins à l’occasion de cette réforme.
Ce suivi est nécessaire car les lois ont besoin, dans leur application, de se confronter aux réalités de terrain, aux réalités des territoires, à leurs évolutions.
Nous l’avons constaté avec la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, dont le rapport des sénatrices Michelle Meunier et Muguette Dini a pu mesurer les difficultés de mise en œuvre.
Je le redis sans ambiguïté, la loi de 2007 est une bonne loi, mais il faut aujourd’hui aller plus loin, profiter des neuf années de recul qui nous séparent du texte pour apporter de nouvelles améliorations au dispositif de protection de l’enfance, en se centrant sur l’enfant et la prise en compte de ses besoins.
C’est pourquoi j’ai porté dans ce texte une nouvelle définition de la protection de l’enfance, clairement inspirée des valeurs et des principes de la Convention internationale des droits de l’enfant.
Très naturellement, le meilleur intérêt de l’enfant et la perspective de bientraitance – notamment institutionnelle – se sont imposés comme le socle à partir duquel construire chacune des actions de la feuille de route. Très naturellement, la philosophie d’une politique publique centrée sur l’enfant a rythmé l’élaboration de ce texte.
Cette philosophie se retrouve bien évidemment au sein des trois objectifs portés par la proposition de loi : mieux prendre en compte les besoins de l’enfant dans leur pluralité ; améliorer le repérage et le suivi des situations de maltraitance, de danger ou de risque de danger ; développer la prévention à tous les âges de l’enfance.
Lorsque l’on appréhende la mise en œuvre d’une politique publique par le prisme de son premier bénéficiaire, a fortiori pour nos politiques sociales, certaines réponses apparaissent spontanément, certains verrous conceptuels sautent immédiatement.
Centrer son approche de la protection de l’enfance sur l’enfant, c’est envisager l’enfant dans la pluralité de ses besoins ; c’est envisager l’enfant dans son parcours et dans son environnement.
Cela signifie, par exemple, que la cohérence et la continuité du parcours de l’enfant sont clairement posées comme des priorités dans la loi.
Cela signifie également s’appuyer sur les ressources de l’environnement de l’enfant pour construire, avec lui et toutes les personnes qui comptent pour lui, des solutions adaptées, que ce soit dans le cadre de l’élaboration du projet pour l’enfant, ou dans une démarche de prévention, en favorisant les réseaux de solidarité.
Cette philosophie partagée de la protection de l’enfance, irriguant l’ensemble des actions de la feuille de route, constitue, à mon sens, une des évolutions majeures rendues possibles par la réforme de la protection de l’enfance.
Le texte que nous examinons aujourd’hui traduit, de ce point de vue, une avancée dans le respect des engagements de la France en faveur des droits de l’enfant.
Je me trouvais, voilà un peu plus d’un mois, à Genève, pour défendre la position de la France devant le Comité des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations unies.
Devant un comité attentif et exigeant, j’ai pu témoigner de ce changement de regard sur l’enfant, sur sa place dans notre société, sur le respect que nous lui devons en tant que personne, sur l’effectivité de ses droits. J’ai affirmé l’attachement de la collectivité aux valeurs qui en découlent, et souligné l’apparition du terme « enfance » dans la titulature, aujourd’hui, d’un ministère de plein exercice, et qui trouvera à s’épanouir dans une stratégie nationale pour l’enfance et l’adolescence.
Mme Claire-Lise Campion. Très bien !
Mme Laurence Rossignol, ministre. Les dispositions législatives que nous examinons sont les traductions de ces valeurs.
Je pense à toutes les mesures visant à limiter les ruptures dans les parcours des enfants, en évitant qu’ils ne soient trop souvent déplacés ou séparés de leurs frères et sœurs.
Je pense aussi, bien évidemment, aux mesures relatives aux jeunes majeurs, qui font encore l’objet de débats entre nous.
Je rappelle que l’allocation de rentrée scolaire n’a pas été construite pour rendre la tâche plus ardue aux départements. C’est une mesure concrète, permettant de constituer pour le jeune un petit pécule dont il aura très matériellement besoin à la sortie du dispositif, un pécule pour l’autonomie, pour démarrer dans la vie, pour ne pas se sentir complètement démuni à dix-huit ans. Il s’agit également d’un geste symboliquement fort, d’une reconnaissance du jeune majeur par la société, d’un geste de confiance.
Vous ne serez donc pas surpris de voir le Gouvernement défendre jusqu’au bout cette mesure, à laquelle je suis personnellement très attachée.
L’attention portée à l’enfant, la prise en compte de ses besoins, qu’il s’agisse d’un bébé ou d’un grand adolescent, est le premier axe de la réforme de la protection de l’enfance inscrit dans la loi.
Le deuxième enjeu majeur de la réforme, c’est l’amélioration de la gouvernance de la politique publique de protection de l’enfance. Cette question de gouvernance a pu susciter des craintes ou des incompréhensions dans le débat parlementaire car elle a posé la question de la place de l’État dans le pilotage d’une politique décentralisée.
Je crois qu’aujourd’hui ces craintes sont levées, car la place prise par l’État en matière de protection de l’enfance, dans le cadre de cette réforme, n’empiète pas sur celle des départements.
C’est simplement sa juste place !
Celle d’un État partenaire des départements, respectueux de la décentralisation. Je rappelle que je continue d’échanger régulièrement avec les représentants des départements sur la mise en œuvre de la feuille de route, et que les départements ont eux-mêmes appelé l’État à jouer un rôle dans l’évolution de cette politique publique.
Celle d’un État garant de l’égalité de traitement sur son territoire – en ce sens qu’il ne peut s’accommoder de voir des réponses différentes apportées aux mêmes situations en fonction du département dans lequel l’enfant est accompagné – et de l’épanouissement des singularités locales dans le meilleur intérêt de l’enfant.
Celle d’un État garant d’une gouvernance renouvelée, facilitateur d’un décloisonnement appelé de l’ensemble des acteurs, et exemplaire dans son travail interministériel.
La protection de l’enfance est une politique publique décentralisée. Pour l’accompagner, elle a besoin d’un cadre national de pilotage. C’est le sens de la création du Conseil national de la protection de l’enfance, pour lequel s’est dégagé, à l’Assemblée nationale, un large consensus au-delà des clivages partisans. J’espère sincèrement voir ce même consensus s’exprimer ici.
Les observatoires auront aussi un rôle important à jouer dans le cadre de cette nouvelle gouvernance, et participeront de l’amélioration de cette politique publique sous plusieurs angles.
D’une part, ils permettront la construction d’une véritable capacité d’observation à l’échelle nationale. C’est aujourd’hui un point faible de notre dispositif. C’est pourquoi le texte vient renforcer les missions des observatoires départementaux, qui devront travailler en parfaite articulation avec l’Observatoire national de la petite enfance, l’ONPE.
D’autre part, un bon fonctionnement de nos observatoires permettra une meilleure cohérence des politiques de protection de l’enfance, sans atteindre au principe de libre administration des collectivités territoriales.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, à quelques semaines de la vraisemblable promulgation d’une loi qui concernera le quotidien de milliers d’enfants, j’espère que nous mettrons de côté les querelles partisanes en mobilisant, à chacune de nos réflexions, la perspective du meilleur intérêt de l’enfant.
Même si nous avons pleinement conscience du chemin qu’il reste à parcourir pour rendre tangibles les droits de l’enfant au travers de l’ensemble de nos politiques publiques, je veux néanmoins revenir sur les conclusions du Comité des droits de l’enfant à l’occasion de l’examen de la France en janvier dernier, que j’évoquais voilà un instant. Le Comité a reconnu les évolutions, salué la mise en œuvre d’une stratégie en faveur de la protection de l’enfance et accueilli très positivement le contenu de la feuille de route.
La proposition de loi que nous examinons en dernière lecture participe de la bonne direction prise collectivement en faveur des droits de l’enfant. Plus le consensus sera large à l’entériner, plus nous accordons de poids à la place des enfants dans notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Michelle Meunier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la longue procédure parlementaire d’examen de la proposition de loi relative à la protection de l’enfance approche de son terme.
Ce texte fait suite au rapport d’information que j’avais rédigé, au nom de la commission des affaires sociales, avec notre ancienne collègue Muguette Dini. Ce rapport constatait, comme Mme la ministre vient de le faire, que la loi du 5 mars 2007 était une bonne loi, mais soulignait le caractère inégal et trop disparate sur le territoire de la mise en œuvre de certaines de ses dispositions et de certains des principes posés par elle.
S’il est normal qu’une politique décentralisée ne soit pas menée de manière uniforme, nous ne pouvons nous satisfaire d’une situation dans laquelle trop de jeunes voient leur enfance, parfois leur vie, détruite du fait des défaillances des institutions et des dispositifs censés assurer leur protection.
Dans ce contexte, l’ambition de cette proposition de loi est d’apporter des réponses concrètes. L’objectif est de renforcer la gouvernance et d’aider les départements qui connaissent des difficultés en diffusant des méthodes et des pratiques qui ont fait leurs preuves dans les départements les plus en pointe.
La plupart des dispositions du texte initial ont fait consensus parmi nous, et le Sénat avait adopté, en mars 2015, un texte comportant seize articles.
Sur certaines des dispositions qui faisaient débat dans cet hémicycle, la position du Sénat a évolué au cours de la navette parlementaire. Je pense notamment à l’inscription de l’inceste dans le code pénal, ou à la réforme de la procédure judiciaire d’abandon. La rédaction des dispositions en question semble maintenant équilibrée, notamment grâce à l’apport de la commission des lois et de son rapporteur pour avis, François Pillet, dont je salue le travail.
Par ailleurs, si c’est bien le Sénat qui est à l’origine de ce texte, au travers de la mission d’information lancée par notre commission des affaires sociales au début de l’année 2014, l’Assemblée nationale et le Gouvernement s’en sont saisis, notamment à la suite de la concertation nationale que vous avez menée dès 2014, madame la ministre.
Je profite de cette intervention pour vous féliciter, madame la ministre, pour votre nomination à la tête de ce nouveau ministère. (Mmes Nicole Bricq, Anne Emery-Dumas et Claire-Lise Campion ainsi que M. Éric Jeansannetas applaudissent.) Je ne doute pas de votre volonté d’agir avec fermeté, conviction, détermination et en faveur de combats et de valeurs que nous partageons.
Revenons à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Le texte a été substantiellement enrichi, et un certain nombre des dispositions proposées par le Gouvernement ont reçu sans grande difficulté l’accord du Sénat. Je pense notamment à la possibilité de confier un mineur protégé à un tiers bénévole digne de confiance ou encore à l’inscription dans la loi du dispositif de répartition sur le territoire des mineurs isolés étrangers qui a fait l’objet d’un accord entre l’État et les départements en 2013.
Malgré ce consensus de nos deux assemblées sur la grande majorité des dispositions du texte, plusieurs points de désaccord subsistent. Ainsi, le Sénat s’est opposé à la création d’un Conseil national de la protection de l’enfance, chargé de conseiller le Gouvernement sur les orientations nationales de cette politique, dans le respect du principe de décentralisation. Cette mesure faisait pourtant partie des recommandations du rapport d’information rédigé avec Muguette Dini et voté à l’unanimité.
Par ailleurs, le Gouvernement propose que l’allocation de rentrée scolaire due au titre d’un enfant placé auprès d’un service de l’aide sociale à l’enfance, l’ASE, ne soit plus versée à ses parents, mais sur un compte auquel l’enfant aura accès à sa majorité. Si, à titre personnel, je salue cette disposition originale et utile, le Sénat préfère quant à lui que cette allocation soit versée au service qui a la charge de l’enfant.
Ces deux points d’achoppement majeurs, ainsi que plusieurs sujets de désaccord plus ponctuels, expliquent l’échec de la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 12 janvier dernier.
En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a adopté un texte quasiment identique à celui qui était issu de ses travaux en deuxième lecture.
Le Sénat a donc été saisi d’un texte de cinquante et un articles, dont seulement vingt et un sont encore en discussion. La commission des affaires sociales, lors de sa réunion du 10 février dernier, a adopté dix-huit amendements, supprimant deux articles et modifiant sept autres. La commission est notamment revenue sur la création d’un Conseil national de la protection de l’enfance et a rétabli le versement de l’allocation de rentrée scolaire au service départemental.
Par ailleurs, sur mon initiative, la commission a supprimé certaines des dispositions ajoutées au texte par l’Assemblée nationale et qui apparaissaient surabondantes par rapport au droit existant.
Si j’ai eu l’occasion d’émettre un avis défavorable sur un certain nombre de ces modifications, je voudrais souligner que les désaccords qui subsistent portent sur un nombre limité de dispositions du texte.
Nos avis divergent parfois sur les moyens d’y parvenir, mais nous partageons toutes et tous ici l’objectif d’offrir rapidement aux enfants de notre pays le meilleur niveau de protection possible, et ce sur l’ensemble du territoire. Quelques jours après l’annonce des recommandations faites à la France par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, ces enjeux prennent tout leur sens. Et c’est peu dire !
Je suis sûre que nous pourrons, au cours de nos débats, retrouver l’état d’esprit constructif si caractéristique de notre assemblée, et avancer enfin vers la version finale d’un texte utile, efficace et qui rassemble. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Madame la présidente, madame la ministre, madame la vice-présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons, enfin, à la fin du processus législatif sur ce texte relatif à la protection de l’enfant. Cela a été très long, même si nous étions tous d’accord dès le départ pour saluer la nécessité de repenser et compléter la loi de 2007. Je tiens à remercier encore Michelle Meunier et Muguette Dini pour la qualité de leur travail sur un sujet si sensible, si fondamental, mais également si complexe, car il fait intervenir une multitude d’acteurs.
Les récents drames rendus publics dans les médias sont là pour nous le rappeler : notre dispositif actuel de protection de l’enfant est encore insuffisant et n’arrive pas à prévenir efficacement certaines situations problématiques. La coordination entre tous les professionnels de la protection de l’enfant est indispensable. Il faut communiquer, décloisonner, partager, coopérer, homogénéiser les dispositifs entre les territoires.
Malheureusement, plusieurs dispositions allant dans ce sens ont été supprimées en commission. La création d’un Conseil national de la protection de l’enfant en fait partie, alors qu’il aurait été une entité centralisatrice des bonnes pratiques bienvenue, car, tout le monde s’accorde pour le dire, les disparités entre les territoires sont encore trop grandes.
Déjà vingt-trois articles ont fait consensus entre les deux assemblées. Ils contiennent des avancées notables, dont la mise en place d’un projet pour l’enfant, la collaboration possible entre les services de l’aide sociale à l’enfance de différents départements, ou encore l’aide à la parentalité.
Le texte renforce également l’accompagnement des enfants suivis par l’aide sociale à l’enfance, et notamment dans la transition vers la majorité. C’est indispensable pour que les jeunes puissent passer de l’ASE à la vie autonome en toute sérénité.
Il inscrit par ailleurs dans le code pénal la notion d’inceste, mesure très attendue, et nous le saluons.
Cependant, un point nous pose particulièrement problème, et nous avons déposé deux amendements à ce sujet : il s’agit des tests osseux. La circulaire de 2013 explicitait le cadre de l’action des départements et de l’État et prônait bienveillance et bénéfice du doute. En effet, le test osseux n’est pas fiable scientifiquement – ce n’est pas moi qui le dis –, puisque les marges d’erreurs vont jusqu’à vingt-quatre mois ! C’est un dispositif, de fait, arbitraire, très lourd pour des enfants par ailleurs en grande fragilité psychologique, mais il est toujours largement utilisé, et ce malgré les demandes des associations, des médecins, du Haut Conseil de la santé publique, du Conseil national de l’ordre des médecins que ces tests « soient bannis » dans le cadre des politiques d’immigration. Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a préconisé par ailleurs en février dernier la suppression de « cette pratique indigne ».
Nos collègues de l’Assemblée ont cherché à l’encadrer, mais cela pose problème, parce que, du coup, ils ont donné au dispositif une base légale, et en l’accompagnant de mesures qui se voulaient restrictives, mais qui paraissent en réalité peu efficaces. L’enfant peut refuser les tests. Mais comment s’assurer qu’il comprenne bien les enjeux du test qu’on lui propose ? Et s’il refuse, qu’adviendra-t-il de lui ? Que répondre aux médecins qui s’opposent, pour des raisons d’éthique professionnelle, à ces tests qui les obligent à poser un diagnostic prétendument scientifique en se fondant sur des analyses qui sont scientifiquement contestées ? Il ne nous paraît pas raisonnable de faire figurer ces tests dans un texte de loi.
Je tiens également à revenir à mon tour sur l’article 22 quater, qui traite de la répartition de l’accueil des mineurs isolés étrangers entre les départements. Les budgets des départements alloués à l’accueil de ces enfants sont toujours aussi serrés, et la volonté de répartir les enfants, et donc les efforts, dans tous les départements se heurte parfois à l’obstruction de certains qui refusent de les accueillir.
Selon nous, il faut prévoir dans la loi les modalités d’une prise en charge conforme aux valeurs énoncées dans la Convention internationale des droits de l’enfant, dont la France est, rappelons-le, signataire. Sur ce point, le rapport rendu récemment par l’UNICEF nous rappelle que la France a des progrès à faire.
Sont particulièrement concernés les enfants roms, ceux de Mayotte et d’autres départements et collectivités d’outre-mer, sans compter les camps de migrants où, nous le savons tous, les conditions de vie sont particulièrement difficiles.
Il n’est pas possible de laisser quelques départements surchargés – je citerai aujourd’hui quelques exemples tels le Pas-de-Calais, les Bouches-du-Rhône ou la Seine-Saint-Denis ; cela a été évoqué en commission – organiser seuls l’accueil de ces enfants migrants en grande vulnérabilité. La proposition de répartir l’accueil entre tous les départements est une mesure de solidarité nationale indispensable, qui doit figurer dans la loi et qui permettrait à tous les territoires de France d’œuvrer pour que ces enfants ne soient pas livrés à eux-mêmes et à la merci des réseaux. Ce dispositif, issu d’un accord entre l’État et l’Assemblée des départements de France, doit être inscrit dans un texte législatif pour être valide et permettre enfin que nous avancions sur ces questions.
Mes chers collègues, si les écologistes soutiennent, sur le fond, la plupart des mesures présentées dans le texte issu des débats à l’Assemblée nationale, nous ne nous inscrivons pas dans la logique portée par la majorité sénatoriale et qui a prévalu lors des débats en commission. Si ce texte reste en l’état, nous ne pourrons le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mmes Anne Emery-Dumas et Evelyne Yonnet applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, pour l’examen de ce texte sur la protection de l’enfant, je supplée ma collègue Hermeline Malherbe, qui ne peut être présente ce soir. Je le fais avec d’autant plus d’aisance que ce sujet essentiel ne laisse personne indifférent, y compris dans les outre-mer.
Nous voici donc réunis pour étudier une troisième fois cette proposition de loi relative à la protection de l’enfant. Quel dommage d’en venir à une troisième lecture pour un texte qui devrait dépasser les clivages politiciens et nous conduire à un large consensus, d’autant qu’il est le fruit d’un travail réalisé conjointement par deux sénatrices de sensibilité différente, Mme Michelle Meunier et notre ancienne collègue Mme Muguette Dini ; j’en profite pour les féliciter de nouveau toutes deux pour leur investissement sur cette proposition de loi.
Nous avions donc l’opportunité de démontrer que nous sommes capables de dépasser les clivages politiques pour travailler ensemble sur des sujets qui nous rassemblent, et il me semble que la longueur de la navette parlementaire écorne quelque peu ce message positif.
N’oublions pas que sont pris en charge chaque année par les services de l’aide à l’enfance près de 300 000 jeunes, dont l’avenir dépend en partie de ce texte, le principal enjeu de celui-ci étant de procéder à un ajustement législatif qui doit à la fois uniformiser une partie des moyens d’action de la protection de l’enfance, tout en laissant une marge de manœuvre importante aux départements, qui sont les chefs de file en la matière.
À l’issue de la navette parlementaire, vingt et un articles n’ont pu faire l’objet d’un consensus ; j’espère que nous y parviendrons aujourd’hui.
Aussi, je salue la sagesse de la commission des affaires sociales qui a choisi de ne pas en modifier douze, qui pourraient donc être votés conformément à leur rédaction adoptée à l’Assemblée nationale.
En ce qui concerne les neuf articles restant, nous retrouvons sans surprise les mêmes points de désaccord.
La majorité sénatoriale a de nouveau décidé de supprimer l’article 1er portant création du Conseil national de la protection de l’enfance, notamment au motif qu’il existe déjà l’Observatoire national de la protection de l’enfance. Je regrette ce choix, car l’ONPE a une tout autre mission, notamment d’observation, de recherche et de gestion statistique, et non de coordination des politiques départementales.
Par ailleurs, plusieurs de ces dispositions restant en débat concernent l’articulation des financements entre les conseils départementaux et les autres collectivités territoriales. Je pense en particulier aux articles 2 et 5. Sur ces points, j’adhère entièrement à la position majoritaire de notre Haute Assemblée.
Donner de nouvelles prérogatives aux collectivités locales est une bonne chose, mais encore faut-il que cela s’accompagne de financement pour mener à bien ces nouvelles missions. On ne peut pas faire toujours plus en gardant la même enveloppe budgétaire.
L’allocation de rentrée scolaire constitue un autre point de cristallisation.
L’idée de donner au jeune émancipé le montant accumulé pendant plusieurs années de son allocation de rentrée scolaire ne me semble pas mauvaise en elle-même, à condition que cette somme soit utilisée pour financer une formation professionnelle ou qualifiante, des études supérieures ou, éventuellement, la préparation du permis de conduire.
Une telle solution aurait certainement pu être mise en œuvre par le biais de chèques fléchés. Or cette piste n’a pas été abordée. Faute de garanties quant à l’utilisation de ce pécule, mieux vaut que l’allocation de rentrée scolaire soit reversée au service du conseil départemental qui a la charge du jeune. Ainsi, nous aurons la certitude que cette somme sera dépensée au profit de celui-ci.
J’en viens maintenant à l’article 4, qui institue un référent « protection de l’enfance » par département.
Pour le Gouvernement et pour l’Assemblée nationale, ce référent doit obligatoirement être un médecin. À l’inverse, le Sénat souhaite, en majorité, qu’il puisse s’agir plus largement d’un professionnel de santé.
Nous avons évoqué ce problème lors de nos débats, et je le répète : nous manquons de médecins.