Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. C’est autre chose !
M. David Assouline. Et c’est pour cela que la droite votera la proposition de loi !
M. Pierre Laurent. Pour l’audiovisuel privé, on s’en remet à la seule autorégulation et à un rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Le discours convenu sur l’exemplarité du service public ne saurait masquer cette grave lacune.
Pis, les amendements déposés par la rapporteur et par le sénateur Leleux reportent l’application de ce dispositif à 2018. Ils suppriment enfin toute compensation financière pour l’audiovisuel public et s’opposent à une augmentation de la taxe sur les chaînes privées qui aurait pourtant été utile.
Selon la rapporteur, il est très urgent d’attendre une refonte globale de l’audiovisuel et de ses financements, s’appuyant sur les préconisations du rapport d’André Gattolin et de Jean-Pierre Leleux. Or, que dit ce rapport ? Il propose certes l’interdiction de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse, mais ses auteurs considèrent que la baisse des ressources liée à cette dernière doit être compensée uniquement par l’augmentation de la contribution à l’audiovisuel public. Il préconise, parallèlement à cette montée en puissance de la contribution à l’audiovisuel public, une suppression pure et simple des dotations budgétaires et exclut toute participation renforcée du privé par une évolution de la taxe sur les recettes de la publicité.
Nous considérons, à l’inverse, qu’il faut augmenter la masse globale des financements, afin de permettre à l’audiovisuel public d’affronter les nouveaux défis liés notamment à la multiplication des supports. Nous avons d’ailleurs régulièrement présenté des propositions en ce sens.
Nous avons également sollicité le Gouvernement à propos d’une taxation des revenus de la publicité par voie électronique, en justifiant cette taxation par la multiplication des supports et des modes d’émission. Or les propositions auxquelles on nous renvoie aujourd’hui sont très loin du compte.
À nos yeux, le texte de la proposition de loi qui nous est soumis est en tout point insuffisant au regard des objectifs affichés. La protection de l’enfance mérite mieux qu’un dispositif à géométrie variable qui exonère les chaînes privées de leurs responsabilités et creuse, de fait, le sillon d’un paysage audiovisuel déséquilibré, avec un audiovisuel public réglementé, mais sous-financé, et un audiovisuel privé libre et lucratif.
Pour toutes ces raisons, bien que souscrivant à l’objectif initial de protection de l’enfance, puisque nous avions formulé des propositions plus ambitieuses en la matière, nous voterons contre l’adoption du présent texte, eu égard à la faiblesse de son dispositif et aux renoncements successifs qui ont marqué son élaboration. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. –M. David Assouline applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, fédérer, créer, cultiver, épanouir, distraire, garantir le pluralisme et la diversité : tels sont les objectifs que nous assignons au service public de l’audiovisuel, qui se doit d’avoir une très haute ambition sur tous ces points.
Aujourd’hui, la proposition de loi de notre collègue André Gattolin est salutaire. Elle répond à un objectif précis : protéger nos enfants de l’agression et de l’aliénation publicitaires, la publicité ne les envisageant que comme de petits prescripteurs et de futurs grands consommateurs.
Il s’agit de protéger la santé des enfants, car la publicité est placée par les petits au même rang qu’une injonction fiable : elle fabrique les diabétiques et les personnes en surpoids de demain. Certes, madame la ministre, elle n’est pas la seule responsable de l’obésité, mais c’est une raison de plus pour ne pas en rajouter ! La publicité produit des écoliers et des écolières incapables de se concentrer.
J’entends les réserves de certains de mes collègues, selon lesquels ce texte n’irait pas assez loin. Il constitue un premier pas, que le groupe écologiste tient à franchir.
Le manque à gagner de plus de 10 millions d’euros pour France Télévisions pourra être compensé. En effet, l’Assemblée nationale a adopté récemment un amendement accordant 25 millions d’euros supplémentaires au budget de la télévision publique. Enfin, notre proposition de loi ne s’appliquera qu’en 2018. Si des économies devaient être réalisées en urgence, je vous conseille de vous pencher sur le statut privilégié des animateurs-producteurs ou sur les privilèges de certains producteurs-réalisateurs qui se nourrissent du budget de France Télévisions…
Enfin, j’entends et je partage le regret que cette règle ne s’impose pas – encore – aux chaînes privées. Cela étant, j’observe qu’aucun amendement n’a été déposé pour y remédier et qu’il n’y aurait de toute façon pas eu de majorité pour le voter.
Oui, nous pensons que service public et service privé ne sont pas une même chose : par exemple, le service public oblige à livrer le courrier à tous, en haut de la montagne, dans le dernier village, dans le dernier quartier ; le service privé, c’est la desserte internet pour les seuls territoires où elle est rentable. Les exigences ne sont pas les mêmes dans le public et dans le privé !
Notre collègue Corinne Bouchoux, à qui nous pouvons rendre hommage pour la qualité de son travail, a proposé, après avoir entendu tous les acteurs, une nouvelle rédaction du texte, tenant compte de la réalité et de la complexité de la situation : il y a ce dont on rêve et ce qui est possible. Le groupe écologiste est satisfait de ce qu’elle nous propose et il soutiendra l’adoption de ce texte.
Depuis quelques jours, les médias, dont beaucoup sont vraiment dépendants des annonceurs, saluent néanmoins l’initiative du Sénat en faveur des enfants et ils nous encouragent à être précurseurs.
Dans mon école primaire, à Roubaix, dans les années soixante, la boisson servie au réfectoire, c’était la bière ! (Sourires.) Dans les internats des lycées d’Angers, à la même époque, du vin était proposé aux lycéens, et, dans les salles d’étude, les surveillants fumaient ! Tout cela fait sourire et paraît aujourd’hui inconcevable. Eh bien il en ira de même dans quelques années pour la publicité destinée aux enfants, et vous pourrez être fiers de dire : « C’est nous qui l’avons éradiquée ! » (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, contrairement à certains, je pense qu’un certain consensus devrait se dégager sur ce texte.
En effet, nul ne conteste plus les effets néfastes de la publicité sur les jeunes enfants : leur réalité est malheureusement bien établie. Chacun est donc convaincu de la nécessité d’encadrer cette publicité, sinon de la supprimer. Cette prise de conscience se manifeste depuis 2009, depuis que l’on a supprimé la publicité sur les chaînes publiques après 20 heures. D’ailleurs, des amendements sont régulièrement défendus en ce sens par des membres de la Haute Assemblée, tous bords politiques confondus. Nous l’avons encore vu récemment, lors de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé.
C’est pourquoi je remercie notre collègue André Gattolin d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi. Je félicite notre collègue Corinne Bouchoux pour la qualité de son rapport, qui a permis à notre commission d’affiner et de mieux cibler le texte.
En effet, s’il convient d’agir, c’est de manière pragmatique et raisonnée. Je crois que l’on doit actionner deux leviers distincts, selon que l’on s’adresse aux chaînes privées commerciales ou aux chaînes publiques.
Pour les premières, il faut compter sur l’autorégulation, une autorégulation qui est déjà à l’œuvre.
M. David Assouline. Pourtant, ce sont les moins vertueuses !
M. Claude Kern. Cela signifie qu’il faut recourir non plus à un mécanisme de réglementation centralisée, tel que le décret en Conseil d’État initialement prévu, mais à un rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel remis au Parlement, ce qui, au passage, aura le mérite de replacer ce dernier au centre du dispositif…
En revanche, la publicité doit être supprimée dans les programmes du service public destinés à la jeunesse. Toutefois, la commission a encore amélioré le ciblage de cette interdiction, en la concentrant sur les programmes destinés aux enfants de moins de douze ans, donc sur les publics les plus vulnérables.
Enfin, nous avons soutenu la fixation de l’entrée en vigueur du présent texte au 1er janvier 2018. Ce dernier point peut paraître anecdotique, mais il ne l’est en réalité pas du tout, car la présente proposition de loi repose, en filigrane, tout le problème du financement de la télévision publique.
Ce n’est pas que les montants en jeu soient exorbitants. D’ailleurs, quels sont-ils exactement ? France Télévisions parle de 15 millions d’euros, notre rapporteur chiffre plutôt le manque à gagner entre 5 millions et 7 millions d’euros. La situation est à peu près la même que lorsque l’on veut évaluer le nombre de participants à une manifestation : les chiffres varient selon qu’ils émanent des organisateurs ou de la police… (Sourires.)
M. Loïc Hervé. Bon exemple !
M. Claude Kern. Quoi qu’il en soit, c’est une goutte d’eau en comparaison des 2,37 milliards d’euros perçus par France Télévisions au titre de la redevance et des 330 millions d’euros de recettes publicitaires ! L’argument financier ne fait donc pas le poids, surtout au regard de l’enjeu de santé publique, qui me semble plus important.
Ce texte s’inscrit dans la lignée des travaux de MM. Jean-Pierre Leleux et André Gattolin. Leur rapport d’information, dont nous avons approuvé les conclusions, appelle à une réforme structurelle du financement de l’audiovisuel public qui, justement, devrait être mise en œuvre en 2018.
Le choix de cette échéance, encore une fois, n’est pas innocent. Certes, il permettra à France Télévisions d’adapter son offre et de réorganiser ses contrats avec ses annonceurs, mais surtout il autorisera une articulation avec la réforme structurelle que nous appelons de nos vœux. En effet, la suppression de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse n’est que l’un des aspects de cette réforme. Plus précisément, il s’agit de l’une de ses conséquences positives.
Cette réforme est rendue inévitable par la dégradation de la situation économique et financière de France Télévisions, mais aussi, et surtout, en raison du choc à venir ! En effet, chacun le sait, à partir de 2017, l’audiovisuel public devrait être confronté à une chute sévère de ses recettes publicitaires et du rendement de la contribution à l’audiovisuel public. Cette tenaille budgétaire est imputable à une seule et même cause : les conséquences de la révolution numérique, qui change radicalement le mode de consommation des programmes télévisuels.
Devant cette situation, nous soutenons fermement les principales propositions du rapport d’information de la Haute Assemblée, à savoir la mise en œuvre d’une refondation de la contribution à l’audiovisuel public et le reversement de la totalité du produit de la taxe sur les opérateurs de télécommunications.
Il s’agit surtout, à court terme, de stabiliser les ressources de l’audiovisuel public. Mais, pour le long terme, nous soutenons aussi l’instauration d’une contribution forfaitaire universelle, sur le modèle allemand, à partir de 2018.
Pour ce qui concerne spécifiquement la publicité, nous adhérons au concept de « publicité raisonnée », autre nom de l’autorégulation dont je faisais état à l’instant, au sujet de l’article 1er du présent texte.
C’est dans ce cadre que la publicité insérée dans les programmes pour la jeunesse devrait être interdite sur l’ensemble des chaînes publiques, et très « raisonnée » sur les chaînes privées.
Pour toutes ces raisons, et en espérant que nous ne reculerons pas davantage devant cette réforme inévitable, le groupe UDI-UC votera la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « il est aussi noble de tendre à l’équilibre qu’à la perfection ; car c’est une perfection que de garder l’équilibre ». Cette citation de Jean Grenier, philosophe et écrivain du siècle dernier – au demeurant breton, plus précisément briochin –, pourrait illustrer la préoccupation qui nous anime en tant que parlementaires au début de ce débat.
D’une part, il y a le dessein légitime de protéger les enfants de contenus publicitaires inadaptés, qui les heurteraient ou les inciteraient à la surconsommation de produits néfastes à la santé ; d’autre part, il y a la nécessité, tout aussi légitime et indispensable aujourd’hui, de penser à la pérennité du service public audiovisuel.
Pour aborder cette proposition de loi de la manière la plus pertinente, je crois donc qu’il convient d’éviter tout manichéisme. Nos échanges ne peuvent se résumer à un supposé combat entre ceux qui défendraient la suppression de la publicité commerciale dans les programmes pour la jeunesse de la télévision publique au titre de la santé publique et, plus largement, de la morale publique, et ceux qui s’y opposeraient au nom du réalisme économique.
En réalité, ces deux impératifs sont à concilier. Il s’agit, comme je l’ai précédemment évoqué, d’essayer de trouver un savant équilibre.
L’examen de la présente proposition de loi ne peut pas non plus servir de point d’ancrage, me semble-t-il, au seul réquisitoire contre la publicité ou la société de consommation. La discussion perdrait en intelligence et en intérêt si elle revenait à répondre à une question sans aucun doute idéologique : pour ou contre la publicité ?
L’objet de cette proposition de loi doit bel et bien être d’atteindre un juste équilibre entre la protection de l’enfant et la soutenabilité financière du service public de la télévision.
Cet équilibre est-il atteint ? Je réponds malheureusement par la négative.
Il est indéniable que les enfants constituent une cible privilégiée par les publicitaires. En France, ils représenteraient un marché de près de 40 milliards d’euros, soit 2 % de la richesse nationale. Par conséquent, nous ne pouvons évidemment que souscrire à l’objectif louable de la proposition de loi.
Pour autant, au regard de l’impact substantiel qu’aurait l’adoption du texte sur le budget de France Télévisions, il est impossible de faire fi de la situation financière actuelle du groupe. Celle-ci est connue et, Mme la ministre l’ayant rappelée, je n’insisterai pas sur le sujet.
Je me contenterai de souligner que, depuis 2011, les chaînes de télévision font face à une baisse du marché publicitaire de 8 % et qu’une suppression de la publicité alimentaire aggraverait cette tendance.
La baisse de recettes qui en résulterait, notamment au niveau du service public, aurait une incidence pernicieuse sur la création audiovisuelle et cinématographique. Je pense en particulier à l’ensemble de la filière de la production à destination de la jeunesse, qui, comme vous le savez, mes chers collègues, est reconnue à travers le monde pour sa grande qualité et participe au rayonnement de la France.
Pour le service public de la télévision, dont les ressources propres dépendent à plus de 99 % de la publicité et du parrainage, l’interdiction de la publicité commerciale dans les programmes pour la jeunesse constitue un véritable mauvais signe.
Bien sûr, une telle hypothèse ne peut s’inscrire que dans la perspective d’une réflexion plus globale sur le modèle économique de France Télévisions, j’en conviens. Mais toute décision qui se traduirait par une diminution de ses recettes déstabiliserait l’ensemble du groupe.
Pourquoi le périmètre de cette proposition de loi s’arrête-t-il au service public ? Pourquoi fragiliser une nouvelle fois ledit service public, auquel nous sommes attachés ?
Mais surtout, le marché publicitaire – c’est un constat avéré – se déplace de plus en plus vers internet, qui représente un quart du marché publicitaire global en France. Les investissements sont croissants, les techniques de marketing très sophistiquées et la réglementation asymétrique fausse la concurrence entre télévision et web, ce dernier échappant au corpus législatif.
Par-delà les dispositions législatives et réglementaires codifiant la publicité télévisée, nombreuses et étoffées pour les jeunes publics, je souhaiterais insister sur le dispositif de l’autorégulation professionnelle de la publicité qui, de l’avis de beaucoup, fonctionne tout à fait correctement.
Créée en 1935 sous le nom d’Office de contrôle des annonces, l’ARPP est chargée depuis 1992 de donner un avis définitif, avant diffusion, sur tout film publicitaire. À titre indicatif, plus de 20 000 spots publicitaires télévisuels ont été traités en 2014.
Constituée de l’ensemble des acteurs de la publicité, l’ARPP a parallèlement élaboré plusieurs règles déontologiques, en concertation avec la société civile, singulièrement le Conseil paritaire de la publicité. Six recommandations concernent plus spécifiquement les enfants. Elles portent notamment sur la sécurité, les jouets, l’image de la personne humaine ou encore les comportements alimentaires.
Sur ce dernier point, l’exemple est probant. Le volontarisme du Conseil supérieur de l’audiovisuel, combiné au système d’autorégulation, a porté ses fruits. La charte alimentaire de 2013, encore plus ambitieuse que celle de 2009, a eu des effets concrets à la fois sur la démarche qualité de la publicité et sur les engagements des chaînes de télévision en matière d’éducation nutritionnelle auprès des jeunes publics. Pour preuve, en 2013, les programmes visant à promouvoir une bonne hygiène de vie représentaient 1 223 heures de diffusion, contre 443 en 2009.
En d’autres termes, l’amélioration de la pédagogie autour de l’alimentation et de la pratique d’une activité physique est passée, non par une quelconque interdiction, mais par un dialogue nourri entre les pouvoirs publics – pas moins de six ministères ont été associés à la rédaction de cette charte – et les professionnels du secteur de l’audiovisuel.
En définitive, l’esprit de responsabilité semble nettement plus efficace que l’interdiction pure et simple !
Afin de ne pas se limiter au service public et, surtout, de prendre en considération l’évolution des usages – on sait que les enfants se tournent vers les chaînes privées, mais aussi vers internet –, on pourrait imaginer une mission d’information sur la régulation de la publicité sur internet, qui permettrait au moins de rééquilibrer le marché publicitaire en France. Nous savons qu’il y a là un véritable enjeu, non seulement national, mais aussi européen.
Ma conclusion sera brève, mes chers collègues : parce que nous sommes très attachés à la qualité de l’audiovisuel public, veillons à ne pas le fragiliser une fois encore ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.
M. Jean-Pierre Leleux. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, l’objectif de la proposition de loi de notre collègue André Gattolin est à la fois louable – tous les orateurs qui m’ont précédé l’ont reconnu – et presque consensuel.
Ce texte est louable, car il tend à protéger les enfants et les adolescents, public particulièrement sensible et vulnérable, de messages publicitaires susceptibles d’abuser de leur crédulité, de leur jeunesse, pour forcer un acte d’achat vers des produits dont les effets pourraient être néfastes à leur santé ou, tout simplement, à leur équilibre.
Il est, aussi, consensuel – au vu des débats de ce soir, je le qualifierai plutôt de « quasi-consensuel » –, si j’en crois le sondage évoqué par André Gattolin. Selon ce sondage, publié par l’IFOP voilà quinze jours, 71 % de la population française est favorable « à la suppression de la publicité commerciale dans les émissions destinées à la jeunesse et aux enfants sur les chaînes de la télévision publique ».
J’ajoute – mais cela a également été souligné – qu’un grand nombre de pays ont déjà soit légiféré, soit réglementé sur la publicité diffusée dans le cadre des émissions destinées à la jeunesse. Ces pays ayant été cités, je n’entends pas revenir sur la corrélation, assez complexe, entre messages publicitaires et obésité. Je précise néanmoins que l’obésité n’est pas seule concernée et qu’il faut aussi songer à certaines influences pouvant être néfastes aux enfants.
Pour louable et consensuel que soit l’objectif visé par la proposition de loi, celle-ci a été substantiellement modifiée par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, sur proposition de son rapporteur, Mme Corinne Bouchoux, que je félicite pour son travail, ainsi que pour son esprit d’ouverture et son souci d’équilibre.
Ainsi, l’article 1er du texte, qui tendait à prévoir une réglementation par décret en Conseil d’État des messages publicitaires diffusés à la jeunesse par l’ensemble des chaînes de télévision, a été réécrit par la commission, afin que soit inscrit dans la loi le principe d’autorégulation du secteur de la publicité s’agissant précisément de cette publicité à destination de la jeunesse.
L’autorégulation sera mise en œuvre sous la supervision du CSA, à qui l’on demandera de produire un rapport annuel au Parlement, faisant état des efforts effectués par les chaînes dans le cadre de la charte alimentaire. Cette charte, qui existe depuis 2009, est effectivement peu connue. Le travail est réalisé, on le sait, mais la communication et les rapports sur ce point précis sont par trop discrets.
L’article 2, quant à lui, a subi deux modifications importantes.
La première modification porte sur la définition de ce que l’on appelle la « jeunesse ».
En effet, le concept de jeunesse est sans doute un peu flou pour que l’on puisse légiférer sur cette base. Pour ceux qui, comme nous, se croient toujours jeunes malgré leur âge ou ceux qui, toujours comme nous, pensent que la jeunesse est un état d’esprit, il faut être un peu plus précis.
C’est pourquoi le texte cible désormais un public âgé de moins de douze ans. Les programmes destinés à ce public se verront donc interdits de publicité sur les chaînes de l’audiovisuel public et sur les sites dédiés à ces émissions, avec un élargissement d’un quart d’heure prévu avant et après la plage horaire concernée.
La deuxième modification concerne le principe d’une compensation financière à la perte de ressources envisagée, que certains évaluent à 5 ou 7 millions d’euros, et d’autres à 15 millions.
Ce concept de compensation financière a été supprimé et l’application de la loi reportée au 1er janvier 2018, à l’occasion de la mise en œuvre d’une réforme globale du financement de France Télévisions. Celle-ci s’appuiera sur les propositions qui ont été avancées dans le rapport élaboré, durant huit mois, par André Gattolin et moi-même et que, mes chers collègues, vous n’êtes pas sans connaître.
Je tiens à profiter des quelques minutes dont je dispose encore pour revenir sur un argument développé par David Assouline et repris par Sylvie Robert. Il eût fallu, selon nos deux collègues, étendre la mesure à l’ensemble des chaînes publiques et privées.
Évidemment, considéré sous un certain angle, cet argument ne nous laisse pas insensibles. Mais j’y vois tout de même un paradoxe, monsieur Assouline. Dans votre discours, qui, en définitive, rejoint le nôtre, vous indiquez qu’il s’agira aussi de différencier le service public dans le paysage audiovisuel. Comment ne pas utiliser, pour ce faire, des mesures tendant à améliorer le discours public, en le concentrant sur l’environnement, la santé et la protection des enfants ?
J’ai entendu sur d’autres travées, particulièrement les nôtres, qu’il revenait aux parents de transmettre le message à leurs enfants. J’en conviens, mais nous avons justement là une opportunité d’expliquer aux parents que, s’ils veulent protéger leurs enfants, ils doivent leur faire regarder les émissions matinales du service public, diffusant des messages publicitaires propres.
M. David Assouline. Cela fait longtemps que vous n’êtes plus parent !
M. Jean-Pierre Leleux. Ainsi, nous pourrons augmenter l’audience de l’audiovisuel public dans les tranches d’âge des enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe écologiste.)
Je conclurai mon propos en saluant, d’abord, le travail et l’initiative d’André Gattolin. Je tiens à lui redire tout le plaisir que j’ai eu à travailler pendant plusieurs mois sur le rapport précité et, notamment, à mener toutes les auditions.
M. David Assouline. C’est l’amour !
M. Jean-Pierre Leleux. En définitive, nous avons trouvé un dispositif cohérent. La réforme de l’audiovisuel public, que nous préconisons et appelons de nos vœux, doit pouvoir – combien de fois l’ai-je répété ! – aboutir à ce que l’audiovisuel public traverse les échéances électorales paisiblement, sans revirement complet de situation à intervalles réguliers.
La recherche d’un consensus est nécessaire pour rendre l’audiovisuel enfin indépendant et l’asseoir sur un financement solide.
Je salue, ensuite, le travail de coordination de nos travaux effectué par la présidente de la commission de la culture et, en particulier, le soin qu’elle a pris pour mener la concertation.
Enfin, je remercie Mme le rapporteur pour son sens de l’écoute et le travail en profondeur qu’elle a réalisé.
Ce texte, s’il n’est pas la panacée, est cependant tout à fait bon. C’est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre. Les différentes interventions l’attestent, nous avons tous comme objectif de protéger les enfants et leur santé. À cet égard, l’objet de cette proposition de loi est tout à fait louable. Néanmoins, nous devons être attentifs à ne pas fragiliser les actions menées actuellement, qui portent leurs fruits – je pense à l’autorégulation – et qui pourraient même être amplifiées.
Nous devons également veiller à ne pas fragiliser l’audiovisuel public par rapport à ses concurrents privés, qu’il s’agisse des chaînes privées ou des acteurs de l’internet. C’est pourquoi, comme le disait Sylvie Robert, il convient d’adopter une approche équilibrée.
Je veux dire quelques mots sur le financement de France Télévisions, qui a été évoqué à de nombreuses reprises.
Il faut regarder les choses en face et voir ce qui a été fait. Le Gouvernement a renforcé le financement de France Télévisions, l’a rendu plus indépendant, plus stable, plus pérenne, et a fait en sorte que celui-ci ne soit plus soumis à la régulation des fins de gestion. C’est d’ailleurs ce qu’organise le projet de loi de finances pour 2016, qui sera prochainement discuté au Sénat.
Le Gouvernement peut être fier de ces mesures.
Veillons à ne pas fragiliser cet audiovisuel public dont nous sommes tous fiers, et qui doit faire face à une concurrence de plus en plus rude.