Sommaire
Présidence de Mme Jacqueline Gourault
Secrétaires :
MM. Serge Larcher, Philippe Nachbar.
2. Organisme extraparlementaire
4. Candidature à une délégation sénatoriale
5. Communication du Conseil constitutionnel
6. Décisions du Conseil constitutionnel sur deux questions prioritaires de constitutionnalité
7. Protection des sportifs de haut niveau et professionnels – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Michel Savin, rapporteur de la commission de la culture
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
8. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
9. Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
10. Protection des sportifs de haut niveau et professionnels – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Amendement n° 11 rectifié bis de M. Dominique Bailly. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 2
Amendement n° 23 de M. Cyril Pellevat. – Retrait.
Amendement n° 13 rectifié bis de M. Jean-Jacques Lozach. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 25 de M. Cyril Pellevat. – Retrait.
Amendement n° 4 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1 rectifié de Mme Claudine Lepage. – Rejet.
Amendement n° 35 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 37 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 14 rectifié bis de M. Dominique Bailly. – Adoption.
Amendement n° 26 de M. Cyril Pellevat. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 5
Amendement n° 15 rectifié bis de M. Jean-Jacques Lozach. – Retrait.
Amendement n° 22 de M. Yvon Collin. – Non soutenu.
Amendement n° 28 de M. Cyril Pellevat. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 6
Amendement n° 38 de la commission. – Retrait.
Articles 6 bis et 6 ter – Adoption.
Amendement n° 2 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 5 de Mme Christine Prunaud. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 8 bis
Amendement n° 19 rectifié bis de Mme Sylvie Robert. – Retrait.
Amendement n° 18 rectifié bis de M. Jean-Jacques Lozach. – Retrait.
Amendement n° 29 de M. Cyril Pellevat. – Retrait.
Amendement n° 30 de M. Cyril Pellevat. – Retrait.
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
Amendement n° 34 de M. Cyril Pellevat. – Retrait.
Amendement n° 33 de M. Cyril Pellevat. – Retrait.
Amendement n° 7 de Mme Christine Prunaud. – Retrait.
Amendement n° 39 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 40 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 31 de M. Cyril Pellevat. – Retrait.
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
Amendement n° 8 de Mme Christine Prunaud. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 9 de Mme Christine Prunaud. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 10 de Mme Christine Prunaud. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 41 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 12
Amendement n° 32 de M. Cyril Pellevat. – Rejet.
Articles 13, 14 et 15 A – Adoption.
Article additionnel après l'article 15 A
Amendement n° 42 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 15 B
Amendement n° 16 rectifié bis de M. Jean-Jacques Lozach. – Adoption.
Amendement n° 43 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 44 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 3 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État
11. Candidature à un organisme extraparlementaire
12. Devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre – Discussion d’une proposition de loi
Discussion générale :
Renvoi de la suite de la discussion
Suspension et reprise de la séance
13. Déplacés environnementaux – Adoption d’une proposition de résolution
Mme Esther Benbassa, auteur de la proposition de résolution
Texte de la proposition de résolution
Adoption de la proposition de résolution.
14. Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
15. Suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. André Gattolin, auteur de la proposition de loi
Mme Corinne Bouchoux, rapporteur de la commission de la culture
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication
Clôture de la discussion générale.
Adoption de la proposition de loi.
16. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Secrétaires :
M. Serge Larcher,
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Organisme extraparlementaire
Mme la présidente. M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom d’un sénateur appelé à siéger comme membre titulaire au sein de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer.
La commission des lois a été invitée à présenter un candidat.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
3
Dépôt de documents
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
– le rapport relatif à l’évaluation de la mise en œuvre de la franchise sur les médicaments, les actes des auxiliaires médicaux et les transports sanitaires ;
– le rapport sur l’essor des drones aériens civils en France : enjeux et réponses possibles de l’État ;
– enfin, la convention financière entre l’État et l’ADEME relative au programme d’investissements d’avenir.
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Ils ont été transmis à la commission des affaires sociales pour le premier, aux commissions des lois, des affaires économiques et des affaires étrangères pour le deuxième, et aux commissions des finances et des affaires économiques pour le troisième.
4
Candidature à une délégation sénatoriale
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le groupe Union des démocrates et indépendants - UC a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation à la prospective, en remplacement de M. Aymeri de Montesquiou, démissionnaire d’office de son mandat de sénateur.
Cette candidature va être publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
5
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat une décision en date du 21 octobre 2015 sur les dispositions de l’article 40-II de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, en tant qu’elles ont étendu en Polynésie française les articles 515-3 à 515-7 du code civil relatifs au pacte civil de solidarité, dont il avait été saisi en application de l’article 12 de la loi organique modifiée n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française (n° 2015-9 LOM).
Acte est donné de cette communication.
6
Décisions du Conseil constitutionnel sur deux questions prioritaires de constitutionnalité
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat :
– par courrier en date du 20 octobre 2015, une décision du Conseil relative à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la compensation entre les régimes obligatoires de base d’assurance vieillesse (n° 2015-495 QPC) ;
– par courrier en date du 21 octobre 2015, une décision du Conseil relative à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les établissements d’enseignement éligibles à la perception des versements effectués au titre de la fraction dite du « hors quota » de la taxe d’apprentissage (n° 2015-496 QPC).
Acte est donné de ces communications.
7
Protection des sportifs de haut niveau et professionnels
Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale (proposition n° 489 [2014-2015], texte de la commission n° 71, rapport n° 70).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement ravi de me trouver cet après-midi au sein de votre hémicycle pour examiner ce texte de loi portant sur le statut des sportifs. Ce n’est pas uniquement parce que ce sujet, vous le savez, me tient particulièrement à cœur, c’est aussi parce que j’ai pu apprécier les excellentes conditions d’échange et de dialogue dans lesquelles, au Sénat, comme à l’Assemblée nationale, nous avons pu collectivement débattre de ce texte et l’améliorer. Nous allons d’ailleurs pouvoir continuer à le faire. Je tiens à en remercier plus précisément Mme Morin-Desailly, présidente de la commission.
Je veux saluer le remarquable travail déjà accompli par M. le rapporteur Savin, avec qui je prends plaisir à travailler depuis un rapport mémorable qu’il a rédigé avec le sénateur Stéphane Mazars. Monsieur le rapporteur, ce travail que nous allons poursuivre cet après-midi vise non seulement à corriger, mais aussi à améliorer une proposition de loi qui avait certainement besoin d’être enrichie.
Je me réjouis donc de voir se poursuivre, ici et avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le parcours de ce texte déposé par Brigitte Bourguignon et le groupe socialiste à l’Assemblée nationale.
Je remercie également très chaleureusement Didier Guillaume, président du groupe socialiste et républicain, d’avoir proposé que nous examinions cette proposition de loi sur le temps réservé à son groupe. Je ne doute pas que les sénateurs Bailly et Lozach, dont nul n’ignore l’investissement sur les questions du sport et des sportifs, aient contribué à ce choix.
Comme vous le savez, cette proposition de loi fait suite à la mission que j’ai confiée, voilà un an, au professeur de droit Jean-Pierre Karaquillo. Après avoir procédé à de très nombreuses auditions, celui-ci m’a remis, en février dernier, un rapport avec 41 préconisations. Ce texte, qui reprend une bonne partie de ces propositions, est très attendu par les sportifs et par le monde du sport en général, sport de haut niveau et sport professionnel confondus.
Dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de 2016 à Rio, il est essentiel d’aider nos sportifs et de les accompagner pour qu’ils puissent se préparer en toute sérénité à cette grande échéance internationale. Il importe aussi de connaître leur véritable situation, que l’on a trop tendance à confondre avec la caricature du sportif professionnel, avec sa belle voiture et ses revenus souvent à la limite de l’indécence. Or tel n’est pas le cas de ceux qui iront défendre les couleurs de la France aux jeux Olympiques et Paralympiques de Rio.
En outre, à l’heure de la candidature pour les jeux Olympiques de 2024, ce signal fort envoyé par la France à ses sportifs me paraît plus que légitime, puisque ce sont eux, qui, par leur mobilisation, permettront la réussite de cette belle entreprise.
Si ce texte est tellement attendu, c’est parce qu’il permet indiscutablement de répondre à de vrais besoins.
D’une part, nombreux sont les acteurs du sport, et en premier les athlètes de haut niveau, qui m’ont alerté sur leur situation de précarité, laquelle perdure non seulement pendant leur carrière, mais également à l’issue de celle-ci. Sachez que la plupart de nos sportifs n’ont pas de revenus suffisants leur permettant de se consacrer sereinement à leur carrière sportive. Focalisés sur leurs performances et pas toujours aidés par leurs entraîneurs pour préparer leur après-carrière, ils ne bénéficient que rarement d’un véritable suivi socioprofessionnel. L’État se devait donc de se préoccuper de ces sportifs en leur offrant de nouvelles possibilités d’intégrer le monde de l’entreprise et une protection sociale digne de ce nom, tout en s’intéressant à leur reconversion.
D’autre part, dans le secteur dit du sport professionnel, une insécurité juridique forte existe à la suite de plusieurs décisions de la chambre sociale de la Cour de cassation concernant les contrats de travail à durée déterminée des sportifs ou des entraîneurs.
Les acteurs et partenaires sociaux du sport m’ont également sensibilisé sur ce sujet ; la proposition de loi tend à apporter des réponses opportunes et adaptées aux spécificités du secteur. Si elle est votée, elle constituera, à n’en pas douter, une avancée majeure pour les sportifs, car elle permettra de mieux les accompagner, de plus les protéger et de sécuriser leur situation juridique.
Le texte contient deux volets : l’un consacré au haut niveau et l’autre aux sportifs professionnels.
Il est essentiel, primordial même, que la France reconnaisse enfin le rôle de ses sportifs de haut niveau en le gravant dans le marbre de la loi. Affirmer, comme tend à le faire l’article 1er, qu’ils concourent au rayonnement de la nation et à la promotion des valeurs du sport est tout sauf anecdotique : une telle mention pose utilement les fondements de la politique publique de soutien au haut niveau.
Ce texte a également pour objet d’instaurer un suivi socioprofessionnel obligatoire pour chaque fédération, avec la désignation d’un référent, qui devra être formé et se consacrer pleinement à cette tâche.
L’une des grandes avancées de la proposition de loi, qui, je le rappelle, a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale – ce qui prouve que cela ne doit pas être un mauvais texte (Sourires.) –, est de faire bénéficier les sportifs de haut niveau de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Aujourd’hui, lorsqu’un sportif de haut niveau se blesse grièvement, au point de devoir arrêter sa carrière, il n’est pas protégé. S’il n’a pas contracté une assurance complémentaire à titre personnel, imaginez dans quelle situation il peut se trouver ! Grâce à ce texte, que j’espère voir voté par vos soins, les sportifs seront dignement protégés en cas de blessures, notamment les plus graves. Nous leur devions bien cela.
Par ailleurs, je suis très heureux de voir que ce texte élargit aux contrats d’image et de parrainage les contrats relevant des conventions d’insertion professionnelle, les CIP, alors que seuls les contrats de travail étaient concernés jusqu’ici. Je ne veux pas faire de la peine à Edwige Avice, pour qui j’ai énormément d’affection, mais le seul dispositif de soutien des entreprises aux sportifs qui existe à ce jour date de 1984. Il me semble que le moment est venu de moderniser ce domaine.
La proposition de loi s’inscrit aussi dans l’action que je mène avec l’opération « pacte de performance », lancée le 2 décembre 2014 avec le Président de la République. L’idée est qu’un maximum de sportifs de haut niveau puissent signer des contrats pour avoir un revenu et bénéficier d’une formation et d’une expérience permettant d’intégrer l’entreprise à la fin de leur carrière.
Depuis le lancement de l’opération, 70 entreprises, non seulement des grands groupes, mais aussi des PME et des start-up, ont adhéré au pacte de performance, offrant ainsi à 150 sportifs olympiques et paralympiques la possibilité de signer de tels contrats. Ceux d’entre vous qui ont des responsabilités dans une collectivité locale en connaissent sans doute certains. Dans le même esprit, nous avons également ouvert ce dispositif aux arbitres de haut niveau.
J’en viens aux sportifs professionnels.
La proposition de loi distingue ceux qui sont salariés, c’est-à-dire qui ont un contrat de travail, et ceux qui sont travailleurs indépendants. En effet, il faut bien voir que les sportifs ne représentent pas une catégorie homogène : le footballeur ou la handballeuse, qui sont payés par leur club professionnel pour s’entraîner et participer aux compétitions, n’ont pas le même cadre d’activité que le golfeur ou la joueuse de tennis, qui voyagent à travers le monde au gré de nombreux tournois.
S’agissant d’abord des sportifs salariés, les spécialistes ont relevé que la chambre sociale de la Cour de cassation avait, par plusieurs arrêts, remis en cause le recours aux contrats de travail à durée déterminée dits « d’usage » pour les sportifs, en les requalifiant en contrats de travail à durée indéterminée. Face à cette insécurité juridique, la proposition de loi a pour objet d’instituer un contrat à durée déterminée spécifique, car, aussi étonnant que cela puisse paraître, le contrat à durée indéterminée crée plus de précarité pour le sportif professionnel que le contrat à durée déterminée. Par exemple, un contrat à durée indéterminée pourrait permettre un licenciement d’un joueur pour insuffisance de résultats, ce qu’un contrat à durée déterminée n’autorise pas.
Des modalités de forme, de durée et d’exécution du contrat sont opportunément prévues avec, autant que possible, un renvoi au dialogue social, c’est-à-dire à la responsabilité des partenaires sociaux de la branche du sport. Cependant, vous avez opportunément précisé les modalités de ce contrat de douze mois lors de vos travaux en commission, qui ont été, je dois le reconnaître, assez riches.
Comme pour les sportifs de haut niveau, il est également prévu la mise en place d’un suivi socioprofessionnel obligatoire pour les clubs.
S’agissant ensuite des sportifs travailleurs indépendants, principalement les joueurs de tennis et les golfeurs, le texte vient sécuriser leur statut juridique, un statut d’ailleurs revendiqué tant par les sportifs que par les organisateurs de tournois.
En conclusion, il est important de souligner que l’article 14 de la proposition de loi prévoit – avec, je le sais, l’accord de toutes les travées – l’inscription dans le code du sport du Comité paralympique et sportif français, qui, jusqu’à présent, n’y figurait pas.
Nous aurons l’occasion, au cours des débats, d’évoquer d’autres avancées de cette proposition de loi. L’essentiel pour nos sportifs est que l’ensemble de la représentation nationale, soutenue par le Gouvernement, se retrouve autour des principes et objectifs poursuivis par ce texte. Nous devons nous féliciter des importantes mesures qu’il contient, tant pour le sport de haut niveau que pour le sport professionnel.
Je dois dire que, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, les sportifs ont collectivement – ils étaient plus de soixante-dix – rédigé une tribune pour dire : « Ne nous oubliez pas ! » J’ai la certitude, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous n’allez pas les oublier ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui entend mieux protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et sécuriser leur situation juridique et sociale. Elle apporte des solutions concrètes à trois enjeux.
Le premier enjeu consiste à réaffirmer l’importance de la poursuite d’un double projet par les sportifs de haut niveau : allier la recherche de l’excellence sportive et la réussite scolaire, universitaire et professionnelle. C’est la raison pour laquelle il est indispensable que chaque sportif de haut niveau, tout en se consacrant à sa discipline sportive, soit conscient, le plus en amont possible, de la nécessité d’élaborer, en parallèle à sa carrière sportive, un projet en mesure d’assurer son insertion dans le monde professionnel.
La proposition de loi introduit des mesures qui renforcent l’efficacité des dispositifs d’orientation et de suivi professionnels en direction des sportifs de haut niveau et qui responsabilisent les acteurs associés au double projet des sportifs, qu’il s’agisse des ministères concernés, des services déconcentrés de l’État, mais également des fédérations sportives.
Le deuxième enjeu auquel la proposition de loi souhaite répondre est la mauvaise couverture sociale des sportifs de haut niveau en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles liés à leur pratique sportive. Face à cette situation, la proposition de loi fait bénéficier les sportifs de haut niveau d’une couverture sociale minimale en cas d’accident et de maladie professionnelle qui est prise en charge par l’État. Elle est complétée par une assurance obligatoire financée par les fédérations.
Enfin, la proposition de loi répond à un troisième enjeu en renforçant la sécurité juridique des contrats à durée déterminée signés par les joueurs professionnels, des mutations temporaires des sportifs et entraîneurs salariés et la reconnaissance du statut de travailleurs indépendants pour certaines catégories de sportifs.
Après avoir complété le dispositif proposé, l’Assemblée nationale l’a adopté à l’unanimité le 8 juin dernier, comme l’a rappelé M. le secrétaire d'État. De même, et au-delà des contingences politiques, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a examiné cette proposition de loi dans un esprit constructif et avec le seul souci d’offrir aux sportifs de haut niveau les meilleures conditions pour mener leur carrière sportive et assurer leur insertion citoyenne et professionnelle.
Plusieurs améliorations notables ont été apportées au texte, prouvant une fois de plus l’intérêt du bicamérisme. Je pense à l’ajout du droit à l’image parmi les droits et obligations qui figurent dans la convention signée entre le sportif de haut niveau et sa fédération, à l’extension du bénéfice des conventions d’insertion professionnelle aux arbitres et juges de haut niveau, à la possibilité pour les sportifs de haut niveau de demander la validation des acquis de leur expérience pour l’obtention d’un diplôme ou d’un titre à finalité professionnelle. Je pense également à l’aménagement des contrats d’apprentissage afin que les périodes pendant lesquelles les sportifs de haut niveau pratiquent leur activité sportive soient prises en compte. Je pense enfin à l’amélioration des règles liées à la durée du temps de travail dans le cadre de la création du contrat de travail à durée déterminée spécifique pour les sportifs et entraîneurs professionnels salariés.
Telle qu’elle a déjà été complétée, et sous réserve des dernières modifications qui pourront être adoptées aujourd’hui, la proposition de loi, en réaffirmant solennellement l’importance du double projet, répond à un réel besoin et mérite notre soutien. En effet, nous ne pouvons pas accepter que des jeunes fassent l’impasse sur l’éducation et la formation à un métier pour se retrouver sans avenir professionnel. Ils ne doivent pas être victimes de leur sport, et ce sous le regard parfois bienveillant de leur entraîneur ou de leur fédération.
Toutefois, une fois cette loi adoptée, elle ne pourra être efficace que si toutes les parties prenantes collaborent dans l’intérêt des sportifs.
La proposition de loi confie le suivi socioprofessionnel des sportifs aux fédérations pour les sportifs de haut niveau et aux associations sportives et sociétés pour les sportifs et entraîneurs professionnels. Ce choix s’explique par la proximité qui existe entre les sportifs et leur fédération ou, le cas échéant, leur club employeur. Pour autant, les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale doivent également jouer un rôle prépondérant en mettant à la disposition des sportifs leurs contacts avec les rectorats, la région ou Pôle emploi. C’est la raison pour laquelle il est indispensable que la convention signée entre le sportif de haut niveau et sa fédération mentionne les coordonnées du référent chargé des sportifs de haut niveau à la direction régionale.
De même, il serait important que, dans le domaine du sport professionnel, toutes les conventions signées entre les centres de formation des clubs professionnels agréés, d’une part, et les bénéficiaires de la formation ou leur représentant, d’autre part, soient envoyées aux directions régionales afin que ces dernières puissent identifier ces jeunes et entrer en contact direct avec eux.
Les différents ministères concernés par le suivi socioprofessionnel des sportifs doivent également concerter leurs actions afin de ne pas entraver, même inconsciemment, la réussite du double projet. À cet égard, il serait souhaitable que le ministère de l’éducation nationale et le ministère de l’enseignement supérieur reconnaissent le rôle fondamental de l’enseignement à distance et du recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle pour la formation des sportifs de haut niveau. En effet, les contraintes liées à leur pratique sportive comme les entraînements ou encore les déplacements – 200 jours par an pour un skieur, par exemple – empêchent un grand nombre de sportifs d’assister physiquement à une formation dans un établissement. Or, en l’état actuel du droit, les établissements de l’enseignement supérieur qui ont investi dans le e-learning ne peuvent ni signer de convention de stage avec des entreprises ni bénéficier de la taxe d’apprentissage, parce que le code de l’éducation exige un volume pédagogique minimal de formation en établissement.
La réglementation doit évoluer pour tenir compte de cet outil particulièrement adapté aux contraintes des sportifs de haut niveau. Je proposerai donc un amendement visant à donner une reconnaissance législative au e-learning, en espérant que M. le secrétaire d'État pourra dissiper toutes mes inquiétudes. Je défendrai également un amendement visant à inciter les établissements supérieurs à adapter l’organisation et le déroulement des examens aux contraintes des sportifs de haut niveau.
Par ailleurs, je souhaite insister sur le rôle fondamental que les entreprises ont à jouer dans la réussite de l’insertion professionnelle des sportifs de haut niveau et des sportifs professionnels. Il conviendrait de les associer étroitement et de les impliquer tout au long du double projet, notamment pour connaître leurs attentes. En effet, trop souvent, les entreprises ne sont sollicitées qu’à la fin du processus de reconversion, lorsque le sportif abandonne sa carrière sportive et souhaite entrer sur le marché du travail. Or c’est en amont, durant tout le processus d’élaboration du double projet et en lien avec le sportif, les services de l’État et les fédérations, que les entreprises doivent intervenir.
Puisque j’évoque le monde de l’entreprise, je m’attarderai quelques instants sur les conventions d’insertion professionnelle.
Signées entre l’État et les entreprises, ces conventions doivent permettre aux sportifs de haut niveau de mettre un pied dans l’entreprise tout en continuant à mener leur carrière sportive. Pour que ce dispositif soit efficace, il est indispensable qu’elles soient associées à un réel projet de formation ou d’insertion professionnelle. C’est la raison pour laquelle je souhaite que la relation contractuelle qui lie le sportif de haut niveau à l’entreprise soit, dans la plupart des cas, un contrat de travail, et non un contrat de prestation de services ou de cession de droit à l’image afin de proposer un projet de formation cohérent.
Lorsqu’on se penche sur l’insertion professionnelle des joueurs, on se pose, à un moment donné, la question du financement de leur formation ou réinsertion. Il s’agit d’une question complexe, mais qui mérite d’être posée. Peut-être M. le secrétaire d'État nous suggérera-t-il des pistes de réflexion sur ce point.
En ce qui concerne le financement de la formation des sportifs de haut niveau, je proposerai un amendement visant à créer un compte personnel de formation au bénéfice des sportifs de haut niveau, qui serait alimenté par les fédérations. Cette mesure poursuit un double objectif : permettre aux sportifs de haut niveau non actifs d’accumuler des crédits d’heures de formation qu’ils pourront utiliser ultérieurement dans le cadre de leur double projet et créer des ressources supplémentaires pour financer la formation des sportifs de haut niveau. Il me semble que ce n’est qu’en permettant à un plus grand nombre de sportifs de haut niveau d’accéder au salariat que le statut juridique, économique et social de ces derniers sera réellement sécurisé.
Autre sujet qui a été plusieurs fois évoqué lors des auditions : la trop faible représentation des sportifs au sein des instances dirigeantes, des fédérations et des ligues. C’est une question sur laquelle il serait également intéressant d’entendre votre avis, monsieur le secrétaire d'État.
La problématique des agents a elle aussi été abordée. Nous en avons encore parlé ce matin en commission, cette profession n’est pas suffisamment encadrée. Il serait intéressant de revoir ce statut dans le cadre d’un projet de loi ou d’une réflexion plus globale. Si ce métier venait à être mieux réglementé, il faudrait en profiter pour imposer aux agents un rôle de conseiller auprès de leurs clients sportifs professionnels sur les questions de reconversion professionnelle.
Mme Maryvonne Blondin. Très bien !
M. Michel Savin, rapporteur. Enfin, mes chers collègues, je souhaiterais revenir sur les centres de formation pour évoquer une situation qui me paraît particulièrement préoccupante.
Au cours de mes auditions, j’ai entendu parler de véritables trafics de jeunes mineurs de quatorze ou quinze ans, souvent d’origine africaine, que les clubs font venir dans les centres de formation sans qu’ils soient inscrits officiellement. Cela permet ainsi aux clubs de les tester. Or très peu sont sélectionnés à l’issue de la formation. Ils se retrouvent donc sans débouché, sans papiers, parlant mal la langue française. Cela crée des situations humaines dramatiques. Je souhaiterais ardemment que la commission de la culture puisse se pencher sur ce sujet, par exemple, à travers une mission d’information.
Voilà, madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les réflexions que m’inspire cette proposition de loi.
Pour terminer, je voudrais adresser mes remerciements à l’ensemble des services du Sénat, au cabinet de M. le secrétaire d'État et à l’administration centrale pour la qualité de nos échanges. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais, en propos liminaire, remercier et féliciter le rapporteur Michel Savin, pour la qualité du travail mené et son excellente connaissance des dossiers relatifs au sport.
M. Jackie Pierre. Très bien !
M. Claude Kern. Mesdames, messieurs, nous avons rarement eu à examiner dans cet hémicycle un texte aussi consensuel.
Pourquoi ce consensus ? Le sport – ou, tout du moins, sa pratique – dépasse les clivages partisans. Les sportifs de haut niveau contribuent au rayonnement de la France, ils sont nos ambassadeurs et, sur toutes les travées, nous sommes fiers d’observer et de vivre la progression de nos équipes ou de nos sportifs nationaux dans le cadre de championnats et de compétitions de haut niveau. Je pense, par exemple, à la victoire des Bleus au volley-ball, dimanche dernier.
M. Yvon Collin. Ah !
Mme Sylvie Robert. Très bien !
M. Claude Kern. Je pense également, bien entendu, à la bataille menée – même si elle a été perdue – par notre équipe nationale dans le cadre de la Coupe du monde de rugby.
M. Claude Kern. En effet, ne l’oublions pas, la devise de Pierre de Coubertin « Plus vite, plus haut, plus fort » trouve son pendant dans le credo de tout sportif : « L’important est de participer ».
Que ce soit pour promouvoir le rayonnement de la France, pour diffuser le sentiment de fierté nationale ou pour propager les émotions collectives, les sportifs de haut niveau nous donnent beaucoup. Et, très souvent, ils servent de modèle aux jeunes, qui s’identifient parfois carrément à eux.
Mais derrière ces moments de passion commune se cachent souvent des situations professionnelles, juridiques et sociales précaires. Les revenus issus des aides fédérales, qui ne dépassent parfois pas 700 ou 800 euros, sont insuffisants pour permettre aux athlètes de vivre dans des conditions décentes sans exercer un emploi en dehors de leur activité sportive. N’oublions pas que ce problème concerne tous les sports, des plus médiatiques – dont les difficultés sont certes moindres – à ceux qui demeurent presque inconnus du grand public. Aussi le rapport de Jean-Pierre Karaquillo relatif au statut des sportifs a-t-il utilement nourri les travaux parlementaires. Cette proposition de loi reprend l’essentiel des recommandations qui y sont formulées.
Les dispositions contenues dans le texte sont diverses, mais toutes visent à mieux protéger ces sportifs de haut niveau, qu’il s’agisse de leur couverture sociale, de la sécurité juridique de leur statut, de leur formation ou encore de leur reconversion et de leur insertion professionnelles. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble de ces mesures : elles ont déjà été évoquées par les précédents orateurs, et elles le seront encore. Je concentrerai plutôt mon propos sur deux points.
Le premier concerne l’une des évolutions importantes que notre commission propose d’apporter au texte, à savoir l’ouverture du bénéfice des conventions d’insertion professionnelle, dites CIP, aux arbitres et juges de haut niveau. En effet, ceux-ci sont soumis à des contraintes similaires à celles des sportifs de haut niveau en matière de déplacements et de participation aux compétitions. Pour eux comme pour les sportifs, ces contraintes sont difficilement conciliables avec l’exercice d’un emploi aux horaires réguliers. Il semble dès lors logique de leur offrir la possibilité de s’engager dans un CIP afin qu’ils puissent bénéficier de vraies perspectives de carrière. Je tiens d’ailleurs à remercier notre rapporteur Michel Savin de cette initiative, exemple parmi d’autres des compléments qu’il a proposés et qui ont pu enrichir le texte issu de l’Assemblée nationale. Je tiens à l’en féliciter à nouveau.
Il reste cependant quelques sujets importants, qui ont été évoqués en commission et sur lesquels, monsieur le secrétaire d’État, il est impératif de travailler rapidement. Parmi ces sujets, je pense notamment au rôle et au statut des agents, ce qui constituera le second point de mon propos.
Je déplore, comme bon nombre d’entre nous, l’attitude et les pratiques des agents, souvent peu scrupuleux, qui se concentrent sur la carrière des sportifs et se désintéressent complètement de leur reconversion et de leur avenir. Ces agents sont en majorité ressortissants d’États non membres de l’Union européenne ; de surcroît, certains d’entre eux ne connaissent presque rien au milieu sportif ! Je citerai un exemple dans le domaine du football : certains agents font venir en France des mineurs africains de moins de seize ans en leur promettant monts et merveilles, avant d’abandonner ces jeunes, qui se retrouvent livrés à eux-mêmes, quand ils ne rapportent pas ou plus d’argent.
Il me semble donc important d’encadrer la mission des agents et de mettre en place pour cette profession un véritable statut. Ce cadre nous permettrait notamment de les inciter à conseiller leurs protégés, en leur proposant un suivi socioprofessionnel, afin d’offrir aux sportifs les meilleures chances d’insertion professionnelle. Je sais, monsieur le rapporteur, que vous êtes sensible à cette question. Cependant, le texte restera muet sur ce point ; je regrette ce rendez-vous manqué. Comme vous l’avez d’ailleurs déclaré, une proposition de loi spécifique s’impose sur le sujet.
Je voudrais terminer mon propos en émettant une réserve. Certes, nous sommes persuadés que ce texte constitue une grande avancée ; il était véritablement urgent de faire évoluer le dispositif de protection de nos sportifs de haut niveau. Veillons néanmoins à ne pas imposer des contraintes qui handicaperaient nos clubs au niveau international. Il est indispensable de trouver le bon équilibre entre protection de nos sportifs de haut niveau et réglementation européenne et internationale, l’idéal étant, bien évidemment, d’étendre les dispositions contenues dans cette proposition de loi aux autres pays européens. À cet égard, je vous saurais gré, monsieur le secrétaire d’État, de nous indiquer la nature de vos échanges avec vos homologues européens en la matière.
Cette réserve une fois exprimée, vous comprendrez, mes chers collègues, que le groupe UDI-UC votera en faveur de ce texte attendu par l’ensemble des sportifs de haut niveau, des arbitres et des juges, des entraîneurs et des fédérations. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Monsieur le secrétaire d’État, voilà près d’un an, vous annonciez à la commission de la culture vouloir élaborer un texte de loi relatif au statut et aux droits des sportifs de haut niveau et professionnels. C’est chose faite, et je vous en remercie vivement.
Cette proposition de loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale constitue une grande avancée pour la protection des sportifs. Tous en faisaient la demande.
On peut actuellement constater qu’une large majorité de ces sportifs souffrent d’une grande précarité. Il n’est pas rare que les sportifs de haut niveau voient arriver la fin du mois avec une certaine angoisse. Peu d’entre eux bénéficient d’un contrat de travail ou d’un salaire fixe. Ils doivent vivre avec des revenus parfois proches du SMIC, sinon inférieurs, et ne peuvent le plus souvent disposer d’un emploi stable et normalement rémunéré en raison de leurs nombreux entraînements et compétitions. D’après le rapport Karaquillo, quatre sportifs de haut niveau sur dix gagnent moins de 500 euros par mois. Ce constat est sans doute ce qui nous a le plus étonnés lors des réunions de la commission.
En outre, les disparités sont importantes en fonction des disciplines et de leur médiatisation. Tous ces athlètes ont fait et font encore beaucoup de sacrifices sans pouvoir épargner temps ni argent afin de préparer activement leur reconversion. En effet, de nombreux clubs ou fédérations dissuadent le jeune sportif de consacrer du temps à sa formation, par crainte que cela ne se fasse au détriment de l’entraînement sportif.
Cette proposition de loi entend prendre en compte les besoins de formation professionnelle des sportifs de haut niveau et des sportifs professionnels qui entendent mener un double projet en vue de leur reconversion professionnelle. Pour que cela soit possible, il est indispensable de se donner les moyens humains et financiers nécessaires. Nous regrettons toutefois une absence : la formation des entraîneurs, qui devrait être obligatoire, n’a pas été prise en compte dans ce texte.
Mme Christine Prunaud. L’un de nos amendements vise à remédier à cette absence.
Concernant le financement de la formation professionnelle, le rétablissement de la cotisation de 1 % destinée à financer le congé individuel de formation pour les contrats à durée déterminée peut à nos yeux représenter une solution, certes insuffisante à elle seule. Aussi faudrait-il, dans le prolongement de cette proposition de loi, mener une réflexion sur la reconversion : celle-ci ne peut être prise en charge financièrement au titre du congé individuel de formation qu’à la fin du contrat d’un sportif. Le projet de formation professionnelle doit être pour nous tous un élément incontournable du contrat de travail.
La présente proposition de loi rend également obligatoire la création d’un dispositif de couverture des accidents du travail et des maladies professionnelles pour les sportifs de haut niveau. Cette mesure est une avancée remarquable à elle seule. Comme vous l’avez très bien précisé, monsieur le secrétaire d’État, son objectif est d’éviter la précarité des sportifs.
Une mesure particulière a par ailleurs été adoptée qui protège les sportives de haut niveau en cas de maternité. Nous avons déposé un amendement visant à améliorer encore un peu plus ce dispositif, dont nous saluons d’ores et déjà la création. Il est en effet essentiel de sécuriser la situation de nos sportives ; d’autres mesures encore pourraient être prises dans ce domaine, concernant la place des sportives dans les différentes instances dirigeantes sportives ou dans les conseils d’administration.
La création d’un contrat de travail propre au sport professionnel visant à préserver la stabilité de l’emploi sportif et l’équité des compétitions est un autre élément important de la présente proposition de loi. Néanmoins, il est nécessaire de rétablir une équité de traitement entre les clubs et les sportifs professionnels. Un meilleur équilibre permettrait de limiter certaines enchères et les dérives mercantiles souvent constatées à l’occasion des transferts de joueurs.
Les amendements déposés par le groupe CRC visent à conforter la proposition de loi dans ce qu’elle apporte d’équité entre les sportives et les sportifs, mais aussi de concertation entre les fédérations et les organisations qui représentent les sportifs et les entraîneurs.
Pour terminer, je tiens à remercier mes collègues de la commission de la culture pour le bon climat de nos échanges, ainsi que M. le rapporteur. Je remercie aussi vivement la Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs et la Fédération des entraîneurs professionnels : nous en avons rencontré les représentants en commission, bien entendu, mais j’ai aussi pu m’entretenir avec eux en dehors de ce cadre, et il me faut dire que leurs réflexions concrètes ont permis de développer quelques-uns de nos amendements. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi répond à une attente majeure du monde du sport de haut niveau.
À l’Assemblée nationale, les avancées concrètes de ce texte d’inspiration socialiste ont été unanimement soutenues par l’ensemble des groupes politiques. Cela constitue une preuve que nous pouvons, nonobstant nos divergences et nos désaccords, nous rassembler autour de sujets primordiaux pour le monde du sport. Élément essentiel du rayonnement de notre pays à travers le monde, le sport est en effet aussi un facteur d’éducation et d’insertion sociale.
Trop souvent, dans l’opinion publique, le sport de haut niveau se cantonne à quelques disciplines fortement médiatisées, dont les principaux champions perçoivent des revenus mirobolants, voire indécents. Cette vision est très partielle. En effet, la très grande majorité du monde du sport de haut niveau se tient éloignée des feux de la rampe et de retombées pécuniaires élevées. Nous comptons en France près de 6 500 sportifs de haut niveau, auxquels s’ajoute l’ensemble des personnels techniques, tels que les entraîneurs, les juges, les arbitres. Parmi ces sportifs, 5 600 sont sans contrat, et leur situation peut être d’une très grande précarité. Nous devons garder ces chiffres bien présents à l’esprit : 40 % d’entre eux vivent avec moins de 500 euros par mois !
Je souhaite ici rappeler l’excellent travail préparatoire mené par le professeur Jean-Pierre Karaquillo, cofondateur, avec François Alaphilippe, du Centre de droit et d’économie du sport de Limoges, et référence incontournable du monde du sport. Rédigé à la demande de M. le secrétaire d’État et remis en février dernier, son rapport sur le statut des sportifs a permis de documenter finement les besoins et les attentes du monde du sport de haut niveau.
Les deux axes de réflexion de la mission Karaquillo étaient, d’une part, l’avant et l’après de la carrière du sportif et, d’autre part, la protection de ce dernier durant sa période d’activité. Ils constituent aussi les deux nervures centrales de cette proposition de loi. Celle-ci, soutenue par les sportifs eux-mêmes, rejoint également les aspirations du mouvement sportif dans sa globalité. En effet, dans son « projet pour le sport français », le Comité national olympique et sportif français, le CNOSF, a formulé des propositions visant à renforcer la capacité de performance du sport de haut niveau. Deux d’entre elles en particulier nous concernent directement aujourd’hui : « Permettre aux sportifs de haut niveau de bénéficier des conditions optimales requises, notamment administratives, financières et matérielles, pour qu’ils puissent atteindre leur meilleur niveau sportif » et « Garantir un véritable statut de sportif de haut niveau qui définisse des droits, tant pour le présent que pour l’avenir, au regard notamment de la brièveté de leur carrière ».
Par l’attention qu’il porte à nos sportifs, ce texte consolide à sa manière la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2024. Il se trouvera bientôt complété par la Grande Conférence sur le sport professionnel français, que vous avez lancée récemment, monsieur le secrétaire d'État.
Cette initiative législative est bienvenue à plus d’un titre, car elle répond à une réelle urgence. Je pense en particulier aux contrats de travail et aux conséquences en termes de sécurité juridique de l’arrêt du 2 avril 2014 de la Cour de cassation, qui a écarté la notion de « spécificité sportive ». La proposition de loi permet de combler le risque existant, en créant un contrat de travail spécifique au monde du sport, offrant le cadre le plus adéquat et le plus protecteur pour les sportifs.
L’urgence était également dans le symbole. Alors que les jeux Olympiques de Rio seront l’année prochaine l’occasion de faire briller les couleurs de la France et que nous nous engageons dans la course pour accueillir ceux de 2024 à Paris, le législateur se devait de saluer à sa manière l’engagement de ces femmes et de ces hommes, dont la passion nous fait bien souvent vibrer, mais dont les charges et contraintes d’entraînement sont considérables. Leur environnement gagnera en stabilité.
Ce texte permet de mettre fin à l’ambiguïté du monde semi-professionnel. Les avancées proposées établiront une différence essentielle entre le monde des sportifs professionnels et celui des amateurs.
Un rééquilibrage s’opère également entre les fédérations et les sportifs de haut niveau. Si le pouvoir réglementaire devra préciser le contenu des conventions conclues, le texte énonce les grands points qui devront faire l’objet de conventions et embrasse l’ensemble des droits et obligations, tant des sportifs que des fédérations ou des clubs employeurs.
De même, les fédérations sportives délégataires devront, aux côtés de l’État, assurer aux sportifs de haut niveau les chances les plus grandes de pouvoir se reconvertir à l’issue de leurs carrières. Déjà, un certain nombre de fédérations font de cette préoccupation une priorité. Il s’agit d’étendre cette responsabilité à l’ensemble d’entre elles, avec le souci de traiter les sportifs de haut niveau de façon équitable.
Un autre point essentiel, source d’inégalités injustifiables, réside dans l’absence de couverture contre les accidents corporels liés à la pratique sportive. De nouveau, le traitement était inégal entre les sportifs, car il dépendait du bon vouloir des fédérations.
Avec cette proposition de loi, l’État s’engage de façon significative aux côtés des sportifs, en ouvrant le droit à indemnités en cas d’accident ou de maladie professionnelle. Je tiens à souligner ici la célérité du ministère, qui a provisionné 1,8 million d’euros pour l’an prochain. De même, les fédérations devront souscrire des contrats d’assurance au bénéfice de leurs sportifs.
Se trouvera également comblée l’absence d’assurance pour les sportives qui tomberaient enceintes.
En raison du rôle d’exemple et d’inspiration des sportifs pour la jeunesse et le public, une formation civique et citoyenne est également prévue.
Dans le respect de l’indépendance du monde sportif, ce texte traduit une réelle ambition pour le sport de haut niveau, qui représente l’excellence sportive. Il fait progresser les principes du service public du sport. Le soutien aux athlètes de haut niveau se trouve rasséréné par la création d’un statut qui concerne toutes ses catégories : jeune, senior, élite, reconversion.
Ce texte facilitera le rôle des formateurs et des établissements dédiés, comme l’INSEP, l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, les CREPS, les centres de ressources, d’expertise et de performance sportives, les pôles Espoir. Il facilitera la relation de l’athlète avec l’entraîneur ou avec la fédération sportive par un cadre plus favorable au double projet : l’accès au meilleur niveau de performance, d’une part, et la préparation à la sortie de la carrière sportive, d’autre part.
Le statut de l’athlète de haut niveau porte une double valeur : il permet de reconnaître non seulement la place de celui-ci dans la société, mais aussi son rôle moteur dans le développement des activités physiques et sportives. À cette valeur sociale s’ajoute une valeur matérielle : donner aux sportifs les moyens pratiques de voir se dérouler leur carrière sans être coupés de la réalité sociale, de sorte que la reconversion en fin de carrière ne soit plus un problème, mais l’aboutissement d’une continuité.
L’objectif de cette proposition de loi, votre objectif, monsieur le secrétaire d'État, c’est bien de mettre en œuvre un accompagnement des meilleurs sportifs français qui soit à la hauteur de leur talent. Le sport d’aujourd’hui, trop souvent réduit aux seuls résultats, verra ainsi sa dimension sociale fortement réaffirmée par des dispositions, très opérationnelles, qui protègent les pratiquants. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis toujours, les écologistes voient le sport comme un vecteur d’égalité. La pratique du sport constitue aussi un formidable levier d’intégration sociale.
Si les écologistes aiment à favoriser cette vision du sport partage, ils n’oublient pas le sport de haut niveau ni, bien évidemment, les sportifs professionnels. Un sportif doit envisager tôt l’après-compétition. Trop de témoignages d’anciens sportifs racontent cette descente aux enfers qu’est la fin de la carrière sportive. C’est le cas pour les sportifs, heureux de leur carrière, ayant « fait leur temps », mais aussi, et ce de façon plus brutale encore, pour ceux qui, blessés, ne pourront reprendre le sport à haut niveau, voire se verront privés de toute pratique sportive.
Dès lors, le groupe écologiste du Sénat se réjouit des nombreuses adaptations proposées par ce texte pour permettre que « le double projet » soit effectif. On peut ainsi souligner le suivi socioprofessionnel, mais également la possibilité de bénéficier des contrats d’apprentissage. L’ouverture de cette possibilité constitue une véritable voie parallèle pour la sportive ou le sportif qui ne doit pas avoir à choisir entre le sport et son avenir à long terme.
Le statut des sportifs professionnels fait également l’objet d’une vraie avancée par le biais de la création du contrat à durée déterminée spécifique. Ce nouveau contrat permettra enfin de reconnaître légalement la spécificité de la situation des sportifs professionnels et de répondre aux évolutions jurisprudentielles, qui sont fort nombreuses.
Cette proposition de loi illustre l’intérêt du bicaméralisme, qui permet une amélioration substantielle des textes grâce à un dialogue serein. Nous ne pouvons que nous réjouir qu’un texte puisse rassembler des élus de toutes sensibilités qui, ensemble, œuvrent à l’amélioration du bien commun des sportifs de haut niveau. Il convient en effet de souligner le travail de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication dont les membres ont su, en bonne intelligence, chercher le consensus tout en apportant à ce texte quelques avancées. Ainsi, nous nous sommes félicités de l’extension des conventions d’insertion professionnelle aux arbitres et juges ou encore de la possibilité, pour les sportifs de haut niveau, de bénéficier du dispositif de validation des acquis de l’expérience pour l’obtention de diplômes ou d’un titre à finalité professionnelle.
Cette proposition de loi, votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, marque l’intérêt que nous portons aux sportifs, dont la situation peut être extrêmement précaire, comme le souligne l’excellent rapport de Jean-Pierre Karaquillo. Cette cohésion autour de ce texte n’a été possible, tant à l’Assemblée nationale qu’en commission ce matin, que grâce à une méthode sur laquelle nous tenons à insister d’un important dialogue en amont. Monsieur le secrétaire d'État, je vous l’avoue, lorsque je vous ai entendu la première fois sur ce sujet, je suis restée sceptique, mais vous avez su avec pédagogie nous convaincre. (Exclamations amusées sur de nombreuses travées.)
Mme la présidente. Bravo ! (Sourires.)
Mme Corinne Bouchoux. Je souligne la concertation des divers acteurs sur ce sujet, qui a permis d’aboutir à ce texte consensuel. Je signale également l’intérêt de notre visite à l’INSEP : nous avons pu voir en situation des sportifs de haut niveau et des futurs champions. Ce fut une rencontre très instructive.
Évidemment, cette proposition de loi ne répond pas à toutes les inquiétudes, ne règle pas tous les soucis. D’autres avancées sont attendues : le rôle des entreprises dans l’établissement du projet professionnel du sportif, la question de la longue durée, les aménagements de cours et d’examens qui doivent être encore perfectionnés, par exemple dans les lycées français à l’étranger – Claudine Lepage a posé une question à ce sujet ce matin en commission –, le statut des agents sportifs qui pourrait être redéfini et mieux encadré.
Sur la question de la parité et de l’égalité hommes-femmes, là encore, du chemin reste à parcourir même si des progrès ont déjà été accomplis. Il est temps que les organes de gouvernance du sport comptent plus de femmes, nous sommes tous d’accord sur ce constat. Laissons-les investir les conseils d’administration ! Leur compétence n’est plus à prouver aujourd’hui. Il est important que la mixité dans le sport devienne une réalité.
L’amendement de la rapporteur à l’Assemblée nationale, Brigitte Bourguignon, visant à étendre les droits des sportives de haut niveau en cas de grossesse pendant un an est une avancée majeure qu’il convient de souligner. Cette disposition permettra une ouverture plus grande des femmes au sport de haut niveau et en donnera une autre image : la maternité sera un temps de la carrière sportive et n’en marquera plus la fin.
Ces efforts collectifs, tant soulignés au cours des débats menés dans les deux assemblées, seraient ruinés si le sport offrait à d’autres égards une vision moins vertueuse et moins propre. Tout le beau travail que nous avons accompli pourrait être terni par des faits divers.
Formons ici le vœu que l’on revienne à un sport pour le sport, un sport qui permette à tous de se dépenser et, à certains, ceux qui en ont l’envie et les aptitudes, de réaliser des performances exceptionnelles, sans dopage, bref, un sport qui fasse rêver, mais qui ne fasse pas peur. Le rôle du sportif de haut niveau est bien celui de l’exemplarité, du dépassement de ses propres limites, dans le respect de ses propres capacités.
Compte tenu de toutes les améliorations du texte, du bon climat de dialogue qui a présidé à nos travaux, le groupe écologiste votera cette proposition de loi, qui présente une réelle avancée, ce que nous n’avions peut-être pas perçu au premier abord. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dès son article 1er, la proposition de loi reconnaît le rôle des sportifs, entraîneurs, arbitres et juges sportifs de haut niveau, qui, par leur activité, concourent au rayonnement de la nation. En effet, on ne le répétera jamais assez, le sport est au cœur du pacte républicain. Il est incontestablement un vecteur de cohésion sociale dans les territoires et un facteur d’union nationale lors des grandes compétitions. Il suffit de se remémorer – même si c’est loin ! – la ferveur qu’a engendrée la victoire de la France lors de la Coupe du monde de football de 1998.
Au-delà des centaines de milliers de licenciés et d’amateurs qui animent localement les compétitions, ce sont près de 7 000 personnes qui s’investissent quotidiennement pour faire vivre le sport à l’échelle nationale et internationale. Parmi ceux-ci se trouvent bien sûr les stars, celles et ceux dont le destin semble tout tracé et dont la carrière, même courte, peut les mettre à l’abri des difficultés propres à la reconversion d’un sportif. Encore faudrait-il nuancer cette réalité si l’on songe par exemple aux déboires financiers d’un certain nombre d’entre eux, par exemple l’ancienne championne de ski Carole Merle.
Pour autant, la proposition de loi se soucie principalement du sort matériel, social et juridique de la très grande majorité des sportifs de haut niveau qui ne sont pas médiatisés et qui contribuent pourtant à l’excellence sportive française. Comme l’indique le rapport Karaquillo sur le statut des sportifs, qui a été rendu public au début de l’année et qui inspire cette proposition de loi, « quatre sportifs sur dix gagnent moins de 500 euros par mois ». C’est le revers de la médaille, si je puis dire.
Les athlètes de haut niveau sont rapidement confrontés au défi de leur reconversion professionnelle. Occupés par leur pratique sportive intensive et un calendrier constitué par les échéances à court terme que sont les compétitions, ils n’ont ni le temps ni le recul nécessaire pour penser à l’après.
Le rapport Karaquillo met en lumière cette réalité sur laquelle je m’étais d’ailleurs également penché à travers deux dispositifs adoptés dans la loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, que j’avais défendue au Sénat avec mes collègues du RDSE en 2012. En substance, il s’agissait, d’une part, d’aménager la scolarité des sportifs de haut niveau et, d’autre part, de renforcer les moyens des centres de formation.
Le texte qui nous est soumis aujourd’hui pose les fondements d’une véritable sécurisation des sportifs de haut niveau. Sensible au problème de la précarité d’un grand nombre d’entre eux, j’approuve, ainsi que mes collègues du RDSE, la plupart des dispositifs proposés. Il est en effet temps d’encourager véritablement le double projet des sportifs de haut niveau. Le texte va dans le bon sens par une amélioration du contenu des « projets de performance fédéraux », par un encouragement à une implication effective des entreprises accueillant des sportifs pendant et après leur carrière ou encore par des mesures d’adaptation de leur scolarité.
S’agissant de l’article 6 sur le suivi socioprofessionnel des sportifs par les fédérations délégataires, je souhaite, par un amendement, qui n’a pas été approuvé en commission, ce que je regrette, élargir le dispositif aux anciens sportifs de haut niveau pendant cinq ans après leur sortie de la liste ministérielle. En effet, pour les sportifs de haut niveau, la transition entre la fin de leur carrière et leur reconversion constitue un moment crucial et difficile. Il convient donc de les accompagner au mieux dans leur insertion professionnelle.
Les mesures de sécurisation juridique sont aussi très attendues par les sportifs et leurs employeurs. Je pense en particulier au contrat à durée déterminée spécifique pour les sportifs et entraîneurs professionnels salariés prévu à l’article 9. Cela a été dit, le contrat à durée déterminée reste l’instrument le plus souple pour concilier les impératifs de carrière sportive et les règles en matière de droit du travail. À ce stade, ce nouveau contrat devrait en outre permettre de répondre aux exigences de l’accord-cadre européen sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999, ainsi qu’aux décisions de la Cour de cassation.
Je souscris aussi bien évidemment à l’amélioration de la couverture sociale des sportifs de haut niveau. C’est là une nécessité compte tenu de leur exposition particulière aux accidents. Cependant, ce volet a un coût financier, qu’il faudra répartir entre l’État et les fédérations. Toutes les fédérations auront-elles les moyens de financer cette couverture complémentaire ? La question se pose.
Enfin, je salue le travail de la commission de la culture, qui a amélioré la proposition de loi tout en conservant ses grands équilibres. Je salue en particulier l’initiative de mes collègues Françoise Laborde et Mireille Jouve, qui ont étendu les pouvoirs de contrôle de l’Autorité de régulation des jeux en ligne. Cette modification complète utilement le dispositif que nous avions introduit dans la loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs.
Comme je l’ai dit en introduction, le rôle fondamental du sport dans la société est souvent mis en avant. Nous devons donc en tirer les conséquences pratiques, comme y parvient excellemment cette proposition de loi, qui sécurise le parcours individuel des athlètes. C’est un juste retour au regard des sacrifices que les sportifs consentent pour exercer leur passion. Si cette passion est certes d’abord personnelle, elle apporte aussi beaucoup de joies à la collectivité. Les sportifs offrent en effet à la France de nombreuses victoires, même s’ils suscitent aussi parfois des déceptions, hélas ! Je pense à la sévère défaite du XV de France samedi dernier, victime de la marée noire néo-zélandaise... (Sourires.) En attendant un retour à meilleure fortune pour notre équipe nationale, le RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, grâce à ses valeurs éducatives bien connues et à ses multiples autres bienfaits, le sport apporte énormément à notre société. Pratiqué à haut niveau, il participe au rayonnement de notre pays à l’international. Nous devons donc choyer nos sportifs de haut niveau et professionnels. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui va dans ce sens.
Ces hommes et ces femmes consacrent une part de leur vie à la performance sportive. Être un sportif de haut niveau constitue un métier à temps plein. Pour autant, ce n’est pas toujours un métier qui permet véritablement de vivre. Ni salariés ni travailleurs indépendants, la majorité des sportifs connaissent une précarité sociale. À titre d’exemple, ils ne sont pas couverts si un accident survient à l’occasion de la pratique de leur sport. Un accident peut pourtant mettre un terme prématuré à leur carrière. Pensons également au cas de la maternité.
Cette proposition de loi, qui comble un vide juridique, vise à les protéger et à sécuriser leur situation juridique et sociale. Elle est inspirée des préconisations du rapport que Jean-Pierre Karaquillo vous a remis, monsieur le secrétaire d’État, au mois de février dernier. Ce rapport a mis en évidence non seulement l’incertitude de rattachement juridique de certains sportifs, la précarité de leur statut, mais également leur insuffisante préparation à la reconversion en fin de carrière.
L’article 1er du texte nous permet tout d’abord d’exprimer notre reconnaissance envers les sportifs de haut niveau. C’est assez rare pour être souligné. En effet, il est indéniable que « les sportifs, entraîneurs, arbitres et juges sportifs de haut niveau concourent, par leur activité, au rayonnement de la nation et à la promotion des valeurs du sport ». Ils sont la vitrine de la France à l’international.
Sur le fond, la proposition de loi met en œuvre une protection sociale pour les sportifs de haut niveau, dont la charge serait partagée entre l’État et les fédérations ; elle prévoit ainsi une couverture minimale des accidents du travail et des maladies professionnelles par l’État et, en complément, l’obligation pour les fédérations de contracter des assurances privées pour couvrir les dommages corporels résultant de la pratique sportive.
En outre, les sportives de haut niveau enceintes pourront conserver le bénéfice de leurs droits pendant un an à compter de la constatation médicale de la grossesse.
Le coût de la couverture des sportifs de haut niveau non salariés a été évalué par M. Karaquillo dans son rapport à 4,3 millions d’euros par an, pris sur le budget des sports, et à 3,5 millions d’euros au minimum, selon vous, monsieur le secrétaire d’État.
J’en viens à l’un des points les plus importants de cette proposition de loi : la création d’un contrat de travail pour les sportifs et les entraîneurs professionnels.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, dans le monde sportif, les joueurs sont mieux protégés par le contrat à durée déterminée. Les motifs de rupture anticipée sont limités. À l’inverse, avec un CDI, les joueurs et les entraîneurs pourraient démissionner à tout moment, au risque de désorganiser l’équipe et de compromettre les résultats. Ils empêcheraient également les transferts rémunérés de joueurs et la hausse générale des rémunérations, menaçant la pérennité des petits clubs, alors que la majorité des clubs étrangers recourent classiquement au CDD.
Ce risque de déstabilisation des relations contractuelles a justifié jusqu’à récemment le recours au contrat à durée déterminée dit « d’usage », reconnu par le Conseil constitutionnel comme « usage inhérent à la nature du sport professionnel », mais la Cour de cassation a récemment remis en cause ce type de contrat en refusant son caractère impératif. Aussi l’article 9 de la proposition de loi vient-il sécuriser la situation en créant un contrat à durée déterminée spécifique.
Le texte issu de l’Assemblée nationale prévoyait que la durée de ce contrat ne pouvait être inférieure à douze mois, sauf pour le remplacement de joueurs absents. Une période contractuelle de douze mois est évidemment peu judicieuse, car elle ne correspond pas à une saison sportive. Une durée minimale de neuf mois me paraissait plus adaptée, mais la proposition de M. le rapporteur de lier la durée du CDD des sportifs et des entraîneurs professionnels à la saison sportive, dont les dates varient en fonction des disciplines, est meilleure. Afin de limiter la précarité de l’emploi, tout contrat de travail signé au cours d’une saison sportive doit courir au minimum jusqu’au terme de cette dernière. Je souhaite d’ailleurs remercier particulièrement Michel Savin de la qualité de ses travaux.
La proposition de loi sécurise également le statut des sportifs indépendants en les protégeant de la qualification inadéquate qu’avaient retenue le Conseil d’État et la Cour de cassation en leur appliquant la « présomption de salariat des artistes du spectacle ».
Par ailleurs, le texte prévoit des dispositions visant à accroître l’insertion professionnelle des sportifs, que nous ne pouvons qu’approuver. Des appuis sont ainsi fournis aux sportifs, qu’ils soient de haut niveau ou des professionnels salariés, afin de leur permettre de préparer efficacement la seconde partie de leur carrière.
Je salue également la reconnaissance dans le texte du Comité paralympique et sportif français, afin de lui permettre d’être officiellement reconnu par l’International Paralympic Committee, l’IPC, comme le seul représentant du mouvement paralympique français.
Avant de conclure mon propos, et avant de présenter mes amendements tout à l’heure, je tiens à dire que je trouve dommage que le texte ne prévoie aucune disposition sur la participation à l’équipe de France et qu’il ne fasse nullement référence aux pôles Espoir, aux pôles France et aux centres de formation.
Mes chers collègues, force est de constater que cette proposition de loi socialiste est extrêmement consensuelle puisqu’elle a été adoptée à l’unanimité à la fois par nos collègues députés et par la commission de la culture du Sénat. Face à un tel consensus, nous aurions peut-être pu aller un peu plus loin au moment où notre pays s’apprête à accueillir l’Euro 2016. Les liens entre la jeunesse française et le sport, entre santé publique et sport, la médiatisation du sport, et bien d’autres sujets encore, restent à aborder.
J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que ce texte ne sera pas le seul consacré au sport d’ici à 2017. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de féliciter la commission de la culture pour l’excellent travail qu’elle a effectué, ainsi que notre collègue Michel Savin pour sa connaissance très précise du monde sportif. Le rapport que Jean-Pierre Karaquillo a rendu le 18 février 2015 à la demande de Thierry Braillard, secrétaire d’État chargé des sports, a montré dans quelle précarité professionnelle et juridique se trouvaient les sportifs, notamment les sportifs de haut niveau.
La proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise constitue une grande avancée. Le rapporteur a apporté plusieurs améliorations au texte concernant notamment le droit à l’image afin de le faire figurer dans la convention signée entre le sportif de haut niveau et sa fédération. Il a également lié la durée du contrat de travail à durée déterminée des sportifs et entraîneurs professionnels à la saison sportive, dont les dates varient en fonction des disciplines.
Michel Savin a également fait évoluer le texte dans le bon sens concernant l’après-carrière des sportifs de haut niveau. Je tiens à saluer en particulier la possibilité, pour les sportifs de haut niveau, de demander la validation des acquis de leur expérience pour l’obtention d’un diplôme ou d’un titre à finalité professionnelle, ainsi que l’adoption du dispositif d’aménagement des contrats d’apprentissage afin que les périodes pendant lesquelles les sportifs de haut niveau pratiquent leur activité sportive soient prises en compte.
Je salue ces améliorations, car la reconversion des sportifs de haut niveau est un véritable sujet. Elle doit être pensée le plus tôt possible, même si les choix de formation faits à l’adolescence ne correspondent pas forcément aux envies en fin de carrière. En outre, au moment de mettre un terme à leur carrière, les sportifs de haut niveau doivent très souvent affronter une triple crise.
Cette crise est d’abord physique. Le rapport au corps est bouleversé une fois la compétition terminée. L’utilité du corps, conçu depuis l’adolescence comme un outil au service des performances sportives, est remise en cause du jour au lendemain. Parfois, certains manifestent un rejet brutal de toute activité physique.
La crise est ensuite identitaire. L’arrêt d’une carrière sportive est pour beaucoup source d’anxiété, voire de dépression. L’athlète doit en effet démarrer une nouvelle vie dans un monde où il a peu de repères, après s’être ultraspécialisé dans un seul et unique domaine.
La crise est enfin financière. Hormis pour les stars, une reconversion professionnelle est indispensable pour des raisons financières. Malgré des rémunérations confortables, bien peu de sportifs peuvent se permettre d’arrêter toute activité professionnelle si tôt.
Durant plusieurs années, les athlètes sont dans la lumière. Ils sont parfois les ambassadeurs de la France, dont ils représentent l’excellence sportive. Si les performances sont la vitrine des sportifs de haut niveau, la partie immergée d’une carrière est en revanche moins connue. Une carrière sportive est aussi intense et enrichissante qu’elle est courte et imprévisible. Les sportifs doivent donc anticiper l’après-carrière afin de faciliter la transition et d’éviter la triple crise que je viens d’évoquer. Les améliorations apportées par Michel Savin vont donc dans le bon sens.
Pour aller plus loin dans la réflexion sur l’après-carrière, je tiens à indiquer que, globalement, des lignes de fracture existent selon les sports et influent sur la précocité et la qualité de la préparation d’une après-carrière. La gestion de la retraite sportive varie beaucoup selon que l’on est un homme ou une femme, un sportif international ou non, que l’on pratique un sport collectif ou individuel. Toutefois, la principale différence réside entre les sports très médiatisés et ceux qui sont plus confidentiels. Dans les premiers cas, les gains financiers plus élevés favorisent une prise de conscience de l’athlète de l’importance de se constituer rapidement un capital et de se former. Pour ne donner qu’un exemple, en France, seuls 150 footballeurs sur les quelque 2 000 professionnels en activité n’ont pas à se préoccuper financièrement d’un second projet de vie.
Nous sommes évidemment tous conscients ici qu’il n’est pas facile de gérer une carrière sportive tout en se préparant à l’après. Entre les compétitions et les entraînements, le calendrier des athlètes est chargé. Au-delà du manque de temps – encore que ce ne soit pas forcément un bon argument de défense –, l’implication totale du sportif dans ce qu’il fait est effectivement indispensable à la réussite et permet difficilement de penser à autre chose. Les résultats performants n’arrivent uniquement que si le sportif est concentré à 200 % sur sa réussite.
Au final, la question de l’encadrement et de la formation du sportif selon sa discipline reste déterminante. À mon sens, il y a non pas un sport, mais des sports, et des réalités différentes. Le problème actuel est peut-être que nous avons cloné le même mode d’organisation pour toutes les disciplines. Une gymnaste a par exemple un volume d’entraînement égal, voire supérieur, à celui du footballeur ou du rugbyman, alors qu’elle pratique un sport dont le modèle économique est quasi inexistant.
Ce texte constituant une grande avancée pour la protection des sportifs de haut niveau, je le voterai. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, étant le dernier intervenant dans la discussion générale, je voudrais vous dire à mon tour, en espérant ne pas vous lasser, que la proposition de loi que nous examinons est d’une importance majeure pour les sportifs de haut niveau et professionnels. Elle est d’ailleurs très attendue.
Oui, le sport – beaucoup l’ont déjà dit – est une activité économique qui recèle de multiples particularités ! Le droit du travail doit donc être modernisé pour être en adéquation avec cette activité. Pour autant, il ne faut pas oublier que le sport véhicule des valeurs – nous l’évoquons souvent avec les collègues concernés par cette thématique – qui sont l’essence même du pacte républicain. La transmission des valeurs morales, éthiques, doit faire – on en parle souvent – de l’égalité des chances une réalité. Le sport doit porter ces valeurs.
Reste que nous constatons que la précarité matérielle et sociale concerne de nombreux athlètes : tous n’ont pas des médailles d’or, tous ne pratiquent pas une discipline attirant les sponsors ou les partenaires privés, tous ne bénéficient pas d’une couverture médiatique suffisante pour leur procurer des revenus à partir de leur image. Oui, un grand nombre de disciplines ou de clubs modestes comptent parmi leurs pratiquants des sportifs de haut niveau et professionnels qui vivent avec très peu de moyens ! Je tiens d'ailleurs à souligner que, si ces disciplines qui ne sont pas qualifiées de majeures existent encore aujourd'hui dans notre pays, c’est grâce au soutien apporté par les collectivités territoriales à ces clubs, à ces sportifs de haut niveau. Il convient donc de leur rendre hommage.
Oui, le statut des sportifs est aujourd’hui précaire ! Jean-Jacques Lozach l’a souligné, mais il est important de le redire. Compte tenu de la médiatisation dont bénéficient certains sports – ce soir aura lieu un grand match de football –, on s’imagine que tous les sportifs gagnent des millions. Or 40 % d’entre eux gagnent moins de 500 euros par mois, bien souvent le fruit des maigres aides fédérales. Il leur est donc difficile d’épargner pour l’avenir.
Cette proposition de loi est par conséquent un signe fort envoyé à tous les athlètes de haut niveau, qui contribuent au rayonnement de la France dans le monde, au même titre que les artistes, les écrivains, les chercheurs, et cela au moment même, comme l’a souligné le rapporteur, où nous nous tournons vers les jeux Olympiques.
Parmi les mesures contenues dans cette proposition de loi, je retiendrai, afin de ne pas être trop long, deux mesures qui me semblent particulièrement intéressantes.
La première, c’est la création d’un contrat à durée déterminée spécifique aux sportifs de haut niveau, qui était réclamé par le monde du sport. En effet, les contrats à durée indéterminée sont inadaptés aux réalités du monde sportif. Pis, ils constituent un risque majeur pour les clubs comme pour les joueurs et remettent en question l’équité de la compétition, la stabilité des équipes et donc le fonctionnement des clubs.
Il était donc nécessaire de faire évoluer la loi afin de répondre à l’évolution récente de la réglementation européenne et de la jurisprudence sur les contrats à durée déterminée d’usage. Mais, aussi et surtout, ce texte vise à répondre aux problématiques concrètes, quotidiennes, que rencontrent les professionnels du secteur. Comme cela a été dit, il convient d’adapter la durée des contrats au rythme des compétitions sportives.
La seconde mesure importante est le double projet, qui doit permettre aux sportifs de préparer leur reconversion professionnelle avant la fin de leur carrière sportive.
Grâce à ce texte, les sportifs pourront bénéficier de l’appui d’un référent, désigné au sein même de sa fédération. Partenaire du sportif, ce référent sera chargé d’assurer son suivi socioprofessionnel, de le guider et de le soutenir, lors de moments un peu délicats ou particuliers, dans la construction de ce second projet. L’enjeu est de taille : des sportifs de haut niveau, qualifiés, diplômés et accompagnés qui prennent en compte tout au long de leur carrière la préparation de leur reconversion professionnelle.
Pour conclure, je tiens à affirmer que le groupe socialiste est convaincu de l’utilité des dispositions du présent texte. Elles sont attendues depuis longtemps, monsieur le secrétaire d'État, et nous vous demandons de les mettre en application le plus rapidement possible. Aussi j’espère – mais je crois que c’est bien parti – que tous les parlementaires ici présents voteront ce très bon texte. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je tiens à remercier les différents orateurs de leurs propos. Je crois qu’on peut sans risque dire que le Sénat s’achemine vers un vote unanime... Le sport doit en effet dépasser les clivages partisans ; il n’y a pas un sport de droite ou un sport de gauche,…
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Ou du centre !
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. … il y a le sport français, que tous nous soutenons. En adoptant aujourd'hui ce texte, vous défendrez l’intérêt des sportives et des sportifs français qui défendront les couleurs de la France aux jeux Olympiques et Paralympiques.
Le problème des jeunes Africains, évoqué par M. Kern, déborde du cadre purement sportif et revêt un aspect international. Il renvoie à la question des passeurs et du trafic de migrants. Diverses initiatives sont prises afin de créer des académies sur place. Il est vrai que certains jeunes Africains sont extrêmement doués et méritent d’avoir de belles carrières. Reste qu’il faut lutter contre les vendeurs de rêves, car ces rêves se transforment souvent en cauchemars.
En ce qui concerne la question sur l’Europe, je souligne que, si l’article 165 du traité de Lisbonne évoque la spécificité du sport, pour autant, il ne la définit pas. C’est là un échec de la construction européenne. La question sportive n’a jamais retenu véritablement l’intérêt de l’Europe, et on peut le regretter. Lors de la dernière réunion des ministres des sports européens, la France, par mon entremise, a décidé de demander à la présidence luxembourgeoise de mettre cette question à l’ordre du jour d’une prochaine réunion de la Commission afin qu’un contenu soit apporté à cette définition, dans le cadre de l’article 165.
Une question essentielle qui concerne le sport français professionnel est celle des jeunes formés localement. Elle me permet d’ailleurs de répondre au sénateur Collin, qui a rappelé la dure défaite des Français contre les All Blacks. La France est attaquée sur cette question, qui implique les fédérations de basket et de rugby. Aujourd'hui, il faut défendre la formation à la française et, pour ce faire, il faut que certains des jeunes qui sont formés dans les centres locaux puissent évoluer dans les grands clubs et que ces derniers ne se nourrissent pas uniquement des meilleurs joueurs étrangers.
Je remercie Mme Prunaud du ton très constructif et très positif qu’elle a employé. Je souligne que la carrière d’un joueur est limitée dans le temps, contrairement à celle d’un entraîneur – j’aurai l’occasion de revenir sur cette question lors de l’examen des amendements. C'est la raison pour laquelle, même si les syndicats d’entraîneurs ont une vision différente des choses, nous avons privilégié les sportifs.
Je remercie M. Lozach de son intervention, sur laquelle je reviendrai lors de l’examen des amendements qu’il a présentés.
Permettez-moi de vous dire que la gentillesse de vos propos, madame Bouchoux, m’a particulièrement touché. Sachez que la loi du 4 août 2014 impose, notamment aux fédérations, des quotas de femmes dans les instances représentatives. Je me suis d'ailleurs permis d’écrire aux présidents de fédération pour le leur rappeler – même si nul n’est censé ignorer la loi... En dépit des difficultés que rencontrent certains d’entre eux, il faut qu’ils appliquent ce texte. On ne peut que regretter qu’il n’y ait qu’une seule femme présidente d’une fédération olympique, la Fédération française d’escrime. C’est quand même peu ! J’espère que les choses évolueront.
Je remercie le sénateur Collin de son soutien.
Monsieur Pellevat, je vous remercie également. Vous m’avez quand même fait peur en disant qu’on aurait pu profiter du fait que ce texte fasse l’unanimité pour aller plus loin. Le risque aurait peut-être été qu’il y ait moins d’unanimité… Restons-en là, c’est si bon et si rare que je ne veux pas me priver de ce petit plaisir. (Sourires.)
Madame Duranton, vous avez soulevé une vraie question : la dépression de l’après-carrière. Ce phénomène est réel. Cependant, vous avez évoqué la rémunération confortable de certains sportifs. Cela me permet de faire un lien avec les propos que j’ai beaucoup appréciés du sénateur Bailly : tous les sportifs de haut niveau ne perçoivent pas une rémunération confortable. À cet égard, permettez-moi de vous raconter l’histoire de Cécilia, vice-championne du monde d’escrime.
Cécilia n’a comme seul revenu que l’aide personnalisée que lui verse sa fédération, soit 900 euros par mois. Elle est par ailleurs étudiante dans une école de journalisme. À vingt-six ans, elle n’a plus envie de vivre à l’INSEP – on peut le comprendre. Elle a donc trouvé une colocation qui lui coûte 450 euros, ce qui veut dire que, une fois qu’elle a payé son loyer, il ne lui reste que 450 euros par mois pour vivre. Et elle est vice-championne du monde d’escrime ! J’espère de tout cœur qu’elle gagnera une médaille à Rio.
Je dois dire, et c’est une bonne nouvelle, que, grâce au pacte de performance initié par le Président Hollande, le 2 décembre 2014 à l’INSEP, Cécilia vient de signer un contrat avec Radio France. Je vous encourage, mesdames, messieurs les sénateurs, à écouter le samedi après-midi sa très belle chronique sur France Info, qui montre que les sportifs de haut niveau savent faire autre chose que du sport. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
8
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention du 21 juillet 1959 entre la République française et la République fédérale d’Allemagne en vue d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu’en matière de contribution des patentes et de contributions foncières, modifiée par les avenants des 9 juin 1969, 28 septembre 1989 et 20 décembre 2001, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 21 octobre 2015.
9
Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC a présenté une candidature pour la délégation à la prospective.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée, et je proclame M. Philippe Bonnecarrère membre de la délégation à la prospective, en remplacement de M. Aymeri de Montesquiou, démissionnaire d’office de son mandat de sénateur.
10
Protection des sportifs de haut niveau et professionnels
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale.
Nous en sommes parvenus à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale
TITRE IER
LES SPORTIFS DE HAUT NIVEAU
Chapitre Ier
Préparer et accompagner les sportifs de haut niveau
Article 1er
(Non modifié)
L’article L. 221-1 du code du sport est ainsi rétabli :
« Art. L. 221-1. – Les sportifs, entraîneurs, arbitres et juges sportifs de haut niveau concourent, par leur activité, au rayonnement de la Nation et à la promotion des valeurs du sport. »
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Le code du sport est ainsi modifié :
1° Le 3° de l’article L. 131-15 est remplacé par des 3° et 4° ainsi rédigés :
« 3° Proposent un projet de performance fédéral constitué d’un programme d’excellence sportive et d’un programme d’accession au haut niveau ;
« 4° Proposent l’inscription sur la liste des sportifs, entraîneurs, arbitres et juges sportifs de haut niveau, sur la liste des sportifs Espoirs et sur la liste des partenaires d’entraînement. » ;
2° Après le deuxième alinéa de l’article L. 221-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il arrête dans les mêmes conditions les projets de performance fédéraux définis au 3° de l’article L. 131-15. »
Mme la présidente. L'amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. D. Bailly et Lozach, Mmes Cartron, Ghali, D. Michel et S. Robert, M. Carrère, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
partenaires d’entraînement
par les mots :
sportifs des collectifs nationaux
II. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au deuxième alinéa de l’article L. 221-2, les mots : « partenaires d’entraînement » sont remplacés par les mots : « sportifs des collectifs nationaux » ;
La parole est à M. Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. L’analyse des précédents parcours d’excellence sportive a mis en évidence des différences importantes, d’une discipline à une autre, dans l’élaboration des listes de sportifs de haut niveau.
Chaque sport a sa spécificité. Pourtant, s’agissant des sportifs « listés », une terminologie générale applicable à chaque discipline, pour lui donner le même sens, présente un intérêt évident. La représentation d’un sportif inscrit en catégorie « sportif de haut niveau » devrait être à peu près identique, quelle que soit la discipline dans laquelle ce sportif évolue. Dans un souci de cohérence et de lisibilité, l’État, les collectivités territoriales, les entreprises et l’ensemble des acteurs qui accompagnent le sport de haut niveau sont d’ailleurs demandeurs de telles comparaisons.
En supprimant la liste des partenaires d’entraînement créée par la loi de 1992 et réservée aux sports d’opposition au profit de celle des sportifs des collectifs nationaux, il s’agit d’être beaucoup plus conforme à la réalité du sport de haut niveau et de tirer les conséquences de la réforme des programmes de ce même sport actuellement engagée par le Gouvernement. Cette liste des sportifs des collectifs nationaux comptera entre 1 000 et 2 000 sportifs, alors que la liste actuelle des partenaires d’entraînement ne comporte qu’un peu plus de 250 athlètes, ce qui est aujourd’hui restrictif au regard des besoins des différentes fédérations sportives.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Nous avons eu l’occasion de discuter de ce sujet avec M. le secrétaire d’État. En effet, l’appellation « sportifs des collectifs nationaux » paraît plus conforme à la réalité de ces sportifs. Elle devrait avoir également comme conséquence indirecte de réduire le nombre de sportifs de haut niveau figurant dans la catégorie « senior ». La commission émet donc un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Nous avons tellement mené un travail de concertation M. le rapporteur et moi-même que je vais, cet après-midi, le rejoindre sur de nombreux points. En l’occurrence, je partage complètement les propos qu’il vient de tenir et j’émets donc, au nom du Gouvernement, un avis est favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 12 rectifié bis, présenté par MM. Lozach et D. Bailly, Mmes Cartron, Ghali, D. Michel et S. Robert, M. Carrère, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 131-21 du code du sport, il est inséré un article L. 131-… ainsi rédigé :
« Art. L. 131-... – Toute fédération sportive, membre d’une fédération internationale qui l’a habilitée à organiser la pratique d’une discipline sportive et pour laquelle une autre fédération s’est vue accorder la délégation prévue à l’article L. 131-14, est tenue de procéder, sur proposition de celle-ci, à :
« – l’inscription des compétitions de cette discipline au calendrier international ;
« – l’inscription des sportifs de haut niveau de cette discipline aux compétitions internationales. »
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. À travers cet amendement, nous souhaitons régler des « hiatus » qui peuvent exister entre certaines fédérations sportives internationales et nationales pour l’organisation des compétitions dans un nombre restreint de disciplines. Nous devons, me semble-t-il, essayer de régler ce genre de difficultés dans le présent texte de loi.
En effet, certaines fédérations internationales ne reconnaissent pas nécessairement les fédérations sportives nationales auxquelles le ministère chargé des sports a octroyé une délégation.
À titre d’exemple, la Fédération internationale de voile reconnaît à la fédération française la capacité d’inscrire les compétitions de kitesurf au calendrier international, ainsi que les sportifs de la discipline. Or le ministère chargé des sports a accordé la délégation de la discipline à la Fédération française de vol libre qui a su justifier, lors de la campagne d’attribution des délégations, de sa capacité à assumer cette responsabilité.
Le même constat peut être dressé pour ce qui concerne les disciplines relevant du handisport : la Fédération française handisport s’est vu déléguer toutes les disciplines de ce champ, alors que les fédérations internationales qui traitent de ces disciplines peuvent être les fédérations internationales « homologues ». Citons, par exemple, le cyclisme avec l’UCI, l’Union cycliste internationale.
Cette distorsion dans l’organisation du sport aux plans national et international peut entraîner des difficultés. En effet, le plus souvent, la fédération internationale ne reconnaît qu’un seul interlocuteur à l’échelon national et lui confère alors le monopole de l’inscription des sportifs aux compétitions internationales, ainsi que le monopole de l’inscription des compétitions au calendrier international. La fédération délégataire à l’échelle française sélectionne des sportifs pour les compétitions internationales, mais doit solliciter la fédération française représentant la fédération internationale sur le territoire. La fédération délégataire est dans la même situation de dépendance pour l’inscription au calendrier national des compétitions qu’elle organise. Des difficultés peuvent ainsi apparaître si la fédération française non délégataire, mais représentant la fédération internationale, s’oppose aux inscriptions.
Le ministère chargé des sports s’attache à prendre en compte des règles propres à l’organisation internationale avant de décider du choix des délégations, mais cela n’est pas toujours possible ni judicieux.
Il importe donc de faire obligation à la fédération non délégataire, mais bénéficiant de prérogatives du fait de l’organisation internationale, de procéder à ces inscriptions.
Nous voulons sécuriser l’inscription aux compétitions internationales lorsqu’il existe ce genre de décalages entre les deux types de fédérations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Comme l’a précisé Jean-Jacques Lozach, cette situation ne concerne que très peu de fédérations. Le présent amendement tend à obliger lesdites fédérations non délégataires à inscrire des compétitions de la discipline concernée au calendrier international, et donc à inscrire les sportifs de haut niveau de cette discipline aux compétitions internationales.
Au vu des éléments avancés ce matin, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.
Article 3
Après l’article L. 221-2 du code du sport, il est inséré un article L. 221-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-2-1. – L’inscription sur la liste des sportifs de haut niveau mentionnée au premier alinéa de l’article L. 221-2 est subordonnée à la conclusion d’une convention entre la fédération et le sportif.
« Cette convention détermine les droits et obligations du sportif et de la fédération en matière de formation et d’accompagnement socioprofessionnel, de pratique compétitive, de suivi médical, de respect des règles d’éthique sportive et de droit à l’image.
« Un décret fixe le contenu de la convention mentionnée au présent article. »
Mme la présidente. L'amendement n° 23, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cette convention diffère de la convention de formation, de la convention d’aménagement d’emploi et de la convention d’insertion professionnelle. »
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Par souci de clarté, et compte tenu de la pluralité des conventions, il est nécessaire de préciser que la convention entre la fédération et le sportif de haut niveau relevant du nouvel article L. 221-2-1 du code du sport est différente des conventions existantes destinées à faciliter l’insertion professionnelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. La commission a jugé cette précision inutile, le texte lui paraissant assez clair et sans ambiguïté sur ce point. Je vous demande donc, monsieur Pellevat, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je partage la position de la commission. Cette précision me semble inutile, car il existe, me semble-t-il, une vraie différence entre, d’une part, une convention conclue entre une fédération et un sportif et, d’autre part, un contrat de travail. Il n’y a aucune confusion en l’espèce.
Je demande par conséquent à M. Pellevat de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Pellevat, l'amendement n° 23 est-il maintenu ?
M. Cyril Pellevat. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 23 est retiré.
L'amendement n° 13 rectifié bis, présenté par MM. Lozach et D. Bailly, Mmes Cartron, Ghali, D. Michel et S. Robert, M. Carrère, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, dans le respect des contrats de partenariat de la fédération
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Le présent amendement vise à éviter les conflits entre les contrats de parrainage publicitaire des sportifs avec leurs propres sponsors et ceux de la fédération sportive, entre les obligations promotionnelles collectives de la fédération et celles, qui sont individuelles, du sportif.
Il existe parfois une distorsion entre, d’une part, le contrat de parrainage signé par le sportif avec, par exemple, un équipementier et, d’autre part, le contrat signé par la fédération à laquelle est affilié ce sportif avec un autre équipementier. Un certain nombre de difficultés ont pu voir le jour entre les athlètes concernés et leurs fédérations, d’où l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que le droit à l’image du sportif doit être concilié avec les contrats de partenariat conclus par la fédération.
Cette mesure nous semble défavorable au sportif, alors que la rédaction proposée par la commission sur le droit à l’image était beaucoup plus neutre.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je demande à M. Lozach de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. Ces dispositions n’ont pas, me semble-t-il, leur place dans la loi.
Au-delà, nous devons transmettre un message aux fédérations. Certaines d’entre elles se sont trop longtemps satisfaites de la précarité de leurs sportifs : cette situation ne semblait pas les déranger plus que cela.
Il me paraîtrait quelque peu contraire à l’esprit du texte de vouloir alourdir les obligations pesant sur les sportifs. Notre but est plutôt de les alléger.
Mme la présidente. Monsieur Lozach, l'amendement n° 13 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Lozach. J’aurais bien aimé que cette précision figure dans le texte, mais M. le secrétaire d’État vient de me convaincre. Je retire donc cet amendement, madame la présidente.
M. Michel Delebarre. Quelle intelligence ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 13 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour explication de vote sur l'article.
M. Jean-Claude Luche. Je voterai cet article, mais souhaite au préalable, mes chers collègues, vous livrer une réflexion personnelle d’ordre général sur les conventions que nous établissons avec les fédérations.
Je pense notamment aux nombreux éducateurs qui officient dans des petits clubs ou associations peu fortunés connaissant des difficultés. Comment faire en sorte que ces structures obtiennent un retour sur investissement pour toutes les années de formation qu’elles ont dispensées à des gamins âgés de huit, onze ou treize ans, afin qu’ils deviennent, un jour, de véritables sportifs de haut niveau ?
À mon sens, nous n’avons pas suffisamment travaillé sur ce point. Je suggère donc à notre brillant rapporteur de réfléchir à ce sujet et, éventuellement, de déposer à l’occasion une proposition de loi en ce sens, notamment pour éviter des défaillances du type de celles que nous avons connues le week-end dernier.
Il s’agit, tout simplement, de reconnaître l’engagement du milieu associatif et des nombreux bénévoles qui œuvrent en son sein.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
L’article L. 221-8 du code du sport est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après les mots : « d’un sportif » sont insérés les mots : « , arbitre ou juge » ;
a bis) (nouveau) À la deuxième phrase, après les mots : « de ce sportif » sont insérés les mots : « , arbitre ou juge » ;
b) La dernière phrase est ainsi rédigée :
« Elle précise également les conditions de formation du sportif, arbitre ou juge ainsi que ses conditions de reclassement à l’expiration de la convention. » ;
2° Au deuxième alinéa, après le mot « sportif », sont insérés les mots « , arbitre ou juge » ;
3° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« La relation contractuelle qui lie l’entreprise et le sportif, arbitre ou juge prend la forme :
« 1° Soit d’un contrat de travail ;
« 2° Soit d’un contrat de prestation de services, d’un contrat de cession de droit à l’image ou d’un contrat de parrainage, intégrant un projet de formation ou d’insertion professionnelle du sportif, arbitre ou juge. »
Mme la présidente. L'amendement n° 25, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la première phrase du second alinéa, après les mots : « sont informés », sont insérés les mots : « de la conclusion et » ;
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. La proposition de loi prévoit de supprimer, au premier alinéa de l’article L. 221-8 du code du sport, l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Or, l’alinéa 2 de ce même article prévoit l’information des conditions d’application de la convention et associe les représentants du personnel au suivi de sa mise en œuvre. Aussi, dans le respect du parallélisme des formes, il conviendrait que le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel soient tenus informés de la conclusion de la convention. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable. En effet, l’avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel sur la conclusion d’une convention d’insertion professionnelle n’ayant pas été supprimé, cet amendement n’a pas d’objet.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Pellevat, l’amendement n° 25 est-il maintenu ?
M. Cyril Pellevat. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 25 est retiré.
L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après le mot :
parrainage
insérer les mots :
exclusif de tout lien de subordination
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Contrairement à ce que prétendait un intervenant tout à l’heure, une entreprise qui souhaite soutenir un sportif ne doit pas passer nécessairement par un contrat de travail.
Tel était sans doute l’esprit de la convention d’insertion professionnelle quand elle fut créée en 1984. À l’époque, je vous le rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, l’État devait compenser le manque à gagner pour l’entreprise dû aux absences du sportif, que celles-ci soient justifiées par sa participation à des compétitions ou à des entraînements. Toutefois, peu à peu, cette compensation de l’État s’est amenuisée et, aujourd’hui, un nombre très faible de PME ayant envie de soutenir des sportifs peuvent recourir à la convention d’insertion professionnelle.
Beaucoup d’entre elles ont donc recours au contrat d’image. Le Gouvernement veut sécuriser ce contrat et préciser explicitement que celui-ci est exempt de tout lien de subordination entre la société et le sportif, afin que l’on ne puisse pas le requalifier en contrat de travail. Seul existe un soutien de l’entreprise au sportif pendant sa carrière qui permet à celui-ci de bénéficier d’une situation bien meilleure que celle qui résulte du seul soutien de sa fédération. Tel est l’esprit de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 4 bis
I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le 1° de l’article L. 331-6 est ainsi rédigé :
« 1° La pratique sportive d’excellence et d’accession au haut niveau ; »
2° Aux premier et second alinéas de l’article L. 611-4, les mots : « de haut niveau » sont remplacés par les mots : « ayant une pratique sportive d’excellence et d’accession au haut niveau ».
II. – Le code du sport est ainsi modifié :
1° L’article L. 221-9 est ainsi rédigé :
« Art. L. 221-9. – Les règles relatives à la préparation des élèves dans les établissements d’enseignement du second degré en vue de la pratique sportive d’excellence et d’accession au haut niveau ainsi que de la pratique professionnelle d’une discipline sportive lorsqu’ils ont conclu une convention mentionnée à l’article L. 221-5 du présent code, sont fixées à l’article L. 331-6 du code de l’éducation. »
2° L’article L. 221-10 est ainsi rédigé :
« Art. L. 221-10. – Les règles relatives à la préparation des étudiants, dans les établissements d’enseignement supérieur, en vue de la pratique sportive d’excellence et d’accession au haut niveau et de la pratique professionnelle d’une discipline sportive, lorsqu’ils ont conclu une convention mentionnée à l’article L. 211-5 du présent code, sont fixées à l’article L. 611-4 du code de l’éducation. »
Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par Mmes Lepage et Conway-Mouret et MM. Leconte et Yung, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
1° L’article L. 331-6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après les mots : « établissements scolaires », sont insérés les mots : « , dont les établissements d’enseignement français à l’étranger homologués, » ;
b) Le 1° est ainsi rédigé :
II. – Alinéa 7
après les mots :
second degré
insérer les mots :
, dont les établissements d’enseignement français à l’étranger homologués,
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Cet amendement vise à introduire une précision dans le code de l’éducation, afin de permettre aux élèves scolarisés dans les établissements d’enseignement français à l’étranger du second degré homologués de bénéficier, eux aussi, d’une préparation en vue de la pratique sportive d’excellence et d’accession au haut niveau.
De nombreux élèves scolarisés dans de tels établissements pratiquent une activité sportive. Certains d’entre eux ont le talent nécessaire pour devenir, à terme, des sportifs de haut niveau. Cependant, ces élèves ne bénéficient généralement pas des mêmes conditions que les élèves scolarisés sur le territoire français, dont la scolarité, voire les examens, peuvent être aménagés.
Ces inégalités font naître un risque pour la France de perdre de futurs sportifs de haut niveau. Il serait tout de même dommageable, monsieur le secrétaire d’État, que, faute d’un encadrement suffisant et d’un aménagement de la scolarité établi en toute intelligence avec l’établissement d’enseignement, certains binationaux choisissent d’intégrer l’équipe nationale de leur pays de résidence.
Pour terminer, je souhaite évoquer un cas concret qui révèle les difficultés que peuvent rencontrer les Français de l’étranger dans ce domaine. Un lycéen, scolarisé au lycée français La Condamine de Quito en Équateur et espoir du Deportivo Quito, club de première division de ce pays, ne peut malheureusement pas passer l’option sport de haut niveau au baccalauréat, car ce club professionnel n’a évidemment pas signé de convention avec le ministère français de l’éducation nationale, comme me l’a signalé l’inspecteur pédagogique régional de la Martinique.
Il est important que les élèves scolarisés dans les établissements d’enseignement français à l’étranger disposent du même accompagnement vers la pratique sportive d’excellence que ceux qui le sont en France. Cet amendement vise à les inclure dans le dispositif prévu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Cet amendement, présenté ce matin à la commission, a déclenché une discussion. On peut, il est vrai, comprendre l’inquiétude de Mme Lepage, qui constate, sur le terrain, que l’obligation faite aux établissements scolaires n’est pas toujours respectée.
Toutefois, plutôt que de changer la loi, il s’agit de la faire respecter. En effet, je rappelle que les dispositions d’un grand nombre d’articles du code de l’éducation, dont l’article L. 331-6 et les dispositions réglementaires qui en découlent, s’appliquent aux établissements scolaires français à l’étranger, pour ceux qui figurent sur la liste prévue à l’article R. 451-2 du code précité. Or, l’article L. 331-6 de ce même code dispose : « Les établissements scolaires du second degré permettent, selon des formules adaptées, la préparation des élèves en vue de :
« 1° La pratique sportive de haut niveau ;
« 2° La pratique professionnelle d’une discipline sportive lorsqu’ils ont conclu une convention mentionnée à l’article L. 211-5 du code du sport. »
Vous avez raison, ma chère collègue, de vous inquiéter de la situation sur le terrain, mais les dispositions existent, il faut qu’elles soient appliquées. Je compte donc sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour faire passer un message en ce sens à votre collègue ministre de l’éducation nationale, à laquelle vous pourriez utilement, madame Lepage, poser une question écrite.
En conséquence, je vous propose de retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je ne sais si M. le rapporteur et moi-même nous formerons un duo à la fin de la journée…
Quoi qu’il en soit, votre amendement est satisfait, madame Lepage, par le code de l’éducation. S’il existe un problème, c’est que le club en question n’a pas passé de convention avec le lycée. Lorsque ce club aura conclu une telle convention, l’article du code de l’éducation, que vient d’évoquer M. le rapporteur et qui, selon un article de la partie réglementaire du même code, concerne aussi les établissements français situés à l’étranger, pourra s’appliquer. Alors, il n’y aura plus de difficulté. Je ne souhaiterais pas que, sur le fondement d’une situation particulière, on crée une disposition générale, puisque la loi, en l’espèce le code de l’éducation, répond déjà à votre demande.
Je vous prie en conséquence de retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Lepage, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?
Mme Claudine Lepage. J’entends bien les propos de M le secrétaire d’État et de M. le rapporteur. Cet amendement tend à ce que la précision apparaisse explicitement dans le code de l’éducation. Il est évident qu’aucun club de sport à l’étranger ne signe une convention avec le ministère de l’éducation nationale. Il faudrait donc permettre aux établissements de signer une convention avec des clubs sportifs, ce qui n’est pas le cas actuellement. Les choses ne se passent pas tout à fait de la même façon dans les établissements français à l’étranger et dans les établissements régis directement par l’éducation nationale. Il y a des étapes intermédiaires. C’est pourquoi il faudrait que le chef d’établissement puisse jouer un rôle.
Malgré la belle unanimité entre le rapporteur et le secrétaire d’État, je ne retire pas mon amendement.
M. David Assouline. Je ne compte pas comme vous, madame la présidente !
Mme la présidente. Mon cher collègue, si vous aviez été secrétaire du Sénat, je vous aurais convié à venir compter avec nous !
L'amendement n° 35, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le premier alinéa de l’article L. 611-4 est complété par les mots : « et de leurs examens ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. L’article L. 611-4 du code de l’éducation incite les établissements d’enseignement supérieur à permettre aux sportifs de haut niveau et aux bénéficiaires d’une convention de formation prévue à l’article L. 211-5 du code du sport de poursuivre leur carrière sportive par des aménagements de l’organisation et du déroulement de leurs études.
Toutefois, afin que les sportifs de haut niveau puissent réellement concilier leurs études et leur pratique sportive, il faut également que les dates d’examen et de contrôle continu tiennent compte de leurs contraintes, notamment de leurs multiples déplacements qui peuvent les empêcher d’être présents le jour d’une épreuve. Certes, il revient au ministre de l’éducation nationale et au ministre de l’enseignement supérieur de s’assurer que les sportifs de haut niveau puissent passer leurs examens, le cas échéant en leur proposant des dates alternatives. Écrire ce principe dans la loi contraindra ces deux ministères à une obligation de résultat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 36, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le premier alinéa de l’article L. 611-4 est complété par les mots : « ainsi que par le développement de l’enseignement à distance et le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Cet amendement vise à compléter l’article L. 611-4 du code de l’éducation, en ajoutant le développement de l’enseignement à distance et le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle aux outils pouvant être utilisés pour permettre aux sportifs de haut niveau de concilier leurs études avec leur carrière sportive.
L’adoption de cet amendement permettrait de reconnaître la légalité du recours à l’enseignement à distance et au e-learning pour la formation des sportifs de haut niveau par les établissements d’enseignement supérieur, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je souhaite tout d’abord rassurer les sénateurs qui s’inquiétaient tout à l’heure que l’on touche au code de l’éducation. Lorsque je m’exprime, je le fais au nom du Gouvernement, et non en mon nom propre. Tout cela a, bien sûr, été travaillé avec Mme Vallaud-Belkacem.
Pour ce qui concerne le présent amendement, j’y serai favorable sous réserve de l’adoption d’une disposition renvoyant à un décret les conditions d’utilisation de l’enseignement à distance et du recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle. Je dépose par conséquent, à la demande de Mme la ministre de l’éducation nationale, un sous-amendement visant à ajouter, après l’alinéa 3 de l’amendement n° 36, deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° L’article L. 611-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret fixe les conditions d’utilisation de l’enseignement à distance et du recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle. »
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 45, présenté par le Gouvernement, ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Ajouter deux alinéas ainsi rédigés :
...° L’article L. 611-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret fixe les conditions d’utilisation de l’enseignement à distance et du recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle. »
Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Michel Savin, rapporteur. La commission n’a pu se réunir, mais il me semble que ce sous-amendement va dans le bon sens. Du fait des obligations liées aux entraînements, aux stages ou aux compétitions, les sportifs de haut niveau sont régulièrement éloignés de leur lieu de formation, que ce soit scolaire ou universitaire. Nous souhaitons qu’ils puissent à l’avenir poursuivre leurs études à distance, et tout ce qui va dans ce sens est positif. À titre personnel, j’émets donc un avis favorable sur le sous-amendement présenté par le Gouvernement.
Mme la présidente. L'amendement n° 37, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer la référence :
L. 221-5
par la référence :
L. 211-5
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4 bis, modifié.
(L'article 4 bis est adopté.)
Article 5
Les 1° à 3° de l’article L. 221-11 du code du sport sont remplacés par des 1° à 4° ainsi rédigés :
« 1° Les conditions d’accès aux formations scolaires, universitaires et professionnelles aménagées, en lien avec les services de l’État et les régions ;
« 2° Les modalités de la formation sportive et citoyenne du sportif ;
« 3° Les modalités d’orientation destinées à construire un projet professionnel adapté à chaque sportif ainsi que les dispositifs de formation et d’insertion pouvant être mobilisés ;
« 4° La participation à des manifestations d’intérêt général. »
Mme la présidente. L’amendement n° 14 rectifié bis, présenté par MM. D. Bailly et Lozach, Mmes Cartron, Ghali, D. Michel et S. Robert, M. Carrère, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 221-11 du code du sport, les mots : « partenaires d’entraînement » sont remplacés par les mots : « sportifs des collectifs nationaux ».
La parole est à M. Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 11 rectifié bis adopté à l’article 2.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 26, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les modalités mises en place pour adapter le passage des épreuves orales, écrites, pratiques ou de contrôle continu des examens ou concours.
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Compte tenu de l’adoption de l’amendement n° 35 de la commission, je considère que mon amendement est satisfait et je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 26 est retiré.
Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Article additionnel après l’article 5
Mme la présidente. L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par MM. Lozach et D. Bailly, Mmes Cartron, Ghali, D. Michel et S. Robert, M. Carrère, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente un rapport au Parlement dans le semestre suivant la promulgation de la présente loi présentant les modalités d’application du compte personnel d’activité à toute personne inscrite sur la liste des sportifs, entraîneurs, arbitres et juges sportifs de haut niveau mentionnée au premier alinéa de l’article L. 221-2 du code du sport dès qu’elle est âgée de quinze ans.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Alors que se tient la quatrième conférence sociale pour l’emploi, avec à son ordre du jour la sécurisation des parcours professionnels et la création du compte personnel d’activité, ou CPA, il convient de s’assurer que la situation spécifique des sportifs de haut niveau et sportifs professionnels sera bien prise en compte et que les modalités de mise en œuvre du CPA répondront à leur problématique de double projet sportif et professionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Même si l’on peut comprendre les motivations de Jean-Jacques Lozach, il n’en demeure pas moins que le compte personnel d’activité n’a pas encore été créé. Par conséquent, demander au Gouvernement un rapport sur les modalités d’application de ce dernier aux sportifs de haut niveau paraît très prématuré, puisque nous ne connaissons pas encore les résultats auxquels aboutiront les travaux de la conférence sociale. L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Madame la présidente, l’avis que j’émets vaudra pour cet amendement et pour l’amendement n° 38 de la commission relatif au compte personnel de formation, que nous examinerons après l’article 6.
L’intérêt que portent M. Lozach et M. le rapporteur à cette question est tout à fait légitime. Il est parfaitement conforme à l’esprit de ce texte qui vise à soutenir les sportifs dans leur effort de formation en vue de la préparation de leur seconde vie professionnelle et à leur offrir de meilleures conditions.
Il paraît aujourd’hui difficile de modifier le compte personnel de formation, car certaines précisions obligatoires manquent dans l’amendement de la commission, tout comme il est difficile de demander un rapport sur le compte personnel d’activité qui fera l’objet, selon ce que m’a dit ma collègue Myriam El Khomri à l’issue de la quatrième conférence sociale, d’un projet de loi, que le Gouvernement présentera au début de l’année prochaine.
Je prends donc l’engagement devant la représentation nationale que la question des sportifs de haut niveau sera expressément prise en compte dans le projet de loi susvisé. Si tel n’était pas le cas, je ne doute pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous sauriez me rappeler mon engagement et faire en sorte que les sportifs ne soient pas oubliés.
Monsieur le rapporteur, monsieur Lozach, vos réflexions à tous les deux vont dans le bon sens, mais elles sont légèrement prématurées. Je vous demande donc de retirer vos amendements, tout en prenant l’engagement ferme que les sportifs ne seront pas oubliés dans le projet de loi à venir.
Mme la présidente. Monsieur Lozach, l’amendement n° 15 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Lozach. Il s’agissait d’un amendement d’anticipation, visant à sensibiliser le Gouvernement à la situation des sportifs de haut niveau. Compte tenu de l’engagement pris par M. le secrétaire d’État, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 15 rectifié bis est retiré.
Article 6
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre II du livre II du code du sport est complété par un article L. 221-14 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-14. – Les fédérations sportives délégataires assurent, en lien avec l’État, les entreprises et les collectivités territoriales, le suivi socioprofessionnel de leurs licenciés inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau mentionnée au premier alinéa de l’article L. 221-2.
« À cet effet, chaque fédération sportive délégataire désigne un référent chargé de ce suivi socioprofessionnel. »
Mme la présidente. L’amendement n° 22, présenté par M. Collin, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 28, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« À cet effet, les fédérations sportives délégataires ou, à défaut, le Comité national olympique et sportif français désignent, en leur sein, un référent chargé de ce suivi professionnel. »
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Le suivi professionnel des sportifs de haut niveau ne peut pas être assuré par toutes les fédérations, notamment par les plus petites d’entre elles qui ne disposent pas de moyens humains et financiers suffisants pour employer un référent chargé de cette mission d’accompagnement. Le suivi professionnel des sportifs de ces fédérations pourrait être assuré en lien avec le Comité national olympique et sportif français.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. La rédaction actuelle de l’article 6 n’empêche pas les fédérations ayant peu de moyens de mutualiser leurs référents. Autant les grosses fédérations pourront employer un référent à part entière, autant nous sommes conscients que les fédérations qui regroupent peu de sportifs de haut niveau auront intérêt à se regrouper pour recruter un référent.
Je vous demande donc de retirer votre amendement, mon cher collègue, sinon j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Pour établir un lien avec la discussion budgétaire à venir, je vous informe que le Gouvernement a maintenu son soutien aux différentes fédérations. Compte tenu de l’importance accordée aujourd’hui par la représentation nationale à cette question, je rappelle que les fédérations pourront, s’il le faut, se regrouper pour trouver un référent et je ne vois pas pourquoi le Comité national olympique devrait intervenir dans ce domaine. Je demande donc également le retrait de cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Pellevat, l’amendement n° 28 est-il maintenu ?
M. Cyril Pellevat. Compte tenu des explications qui viennent d’être données, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 28 est retiré.
Je mets aux voix l’article 6.
(L’article 6 est adopté.)
Article additionnel après l’article 6
Mme la présidente. L’amendement n° 38, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre 1er du titre II du livre II du code du sport est complété par un article L. 221-15 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-15. – Un compte personnel de formation est ouvert pour tout sportif inscrit sur la liste des sportifs de haut niveau mentionnée au premier alinéa de l’article L. 221-2 dès qu’il est âgé de quinze ans.
« Chaque fédération délégataire verse à l’organisme collecteur paritaire désigné par l’accord de branche sport, pour tout sportif de haut niveau mentionné au premier alinéa du présent code, licencié auprès d’elle, une contribution correspondant à 0,2 % du montant annuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance afin d’alimenter le compte personnel de formation mentionné à l’article L. 6323-1 du code du travail.
« L’alimentation du compte se fait à hauteur de vingt-quatre heures par année d’inscription sur la liste mentionnée au premier alinéa, dans la limite des plafonds définis à l’article L. 6323-11 du même code.
« Les frais de formation du sportif de haut niveau mentionné au premier alinéa du présent article qui mobilise son compte personnel de formation sont pris en charge, selon des modalités prévues par décret, par l’organisme collecteur paritaire agréé pour collecter la contribution mentionnée au deuxième alinéa du même article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. J’ai bien entendu la demande de retrait exprimée par M. le secrétaire d’État. Je tiens cependant à rappeler que cet amendement vise un double objectif.
Il s’agit tout d’abord de permettre aux sportifs de haut niveau non actifs d’accumuler des crédits d’heures de formation qu’ils pourront utiliser ultérieurement dans le cadre de leur double projet. En effet, lors de nos auditions, nous avons pu rencontrer un certain nombre de sportifs qui nous ont indiqué qu’il leur était difficile d’obtenir des formations ou de les financer. Il nous paraît donc judicieux que les fédérations puissent créer un compte personnel de formation pour permettre à ces sportifs d’obtenir un financement.
Le second objectif est la création de ressources supplémentaires pour financer la formation des sportifs de haut niveau.
On peut considérer cet amendement comme un amendement d’appel et je suis certain que les parlementaires présents aujourd’hui seront très attentifs à l’évolution de cette proposition, car nous ne pouvons pas laisser les sportifs de haut niveau seuls devant des montages, parfois compliqués, destinés à financer certaines formations professionnelles qui s’inscrivent dans un vrai parcours professionnel d’insertion et de reconversion. Ces observations faites, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 38 est retiré.
Article 6 bis
I. – Au premier alinéa de l’article L. 613-3 du code de l’éducation, après le mot : « volontariat », sont insérés les mots : « , inscrite sur la liste des sportifs de haut niveau mentionnée au premier alinéa de l’article L. 221-2 du code du sport ».
II (nouveau). – Au premier alinéa du II de l’article L. 335-5 du même code, après le mot : « volontariat », sont insérés les mots : «, ou inscrite sur la liste des sportifs de haut niveau mentionnée au premier alinéa de l’article L. 221-2 du code du sport ». – (Adopté.)
Article 6 ter
I. – L’article L. 6222-2 du code du travail est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Lorsque le contrat d’apprentissage est souscrit par une personne inscrite en tant que sportif de haut niveau sur la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L. 221-2 du code du sport. »
II (nouveau). – Le chapitre II du titre II du livre II de la sixième partie du code du travail est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Aménagements en faveur des sportifs de haut niveau
« Art. L. 6222-40. – En ce qui concerne les sportifs de haut niveau, des aménagements sont apportés :
« 1° Aux articles L. 6222-7 à L. 6222-10, relatifs à la durée du contrat ;
2° Et au second alinéa de l’article L. 6222-24, relatif à la durée du temps de travail dans l’entreprise.
« Art. L. 6222-41. – Un décret en Conseil d’État détermine les aménagements prévus à l’article L. 6222-40 pour les sportifs de haut niveau. » – (Adopté.)
Chapitre II
Protéger les sportifs de haut niveau
Article 7
(Non modifié)
I. – L’article L. 412-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le 17°, il est inséré un 18° ainsi rédigé :
« 18° Les personnes inscrites en tant que sportif de haut niveau sur la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L. 221-2 du code du sport pour les accidents et maladies professionnelles survenus par le fait ou à l’occasion de leur activité sportive, dans la mesure où elles ne bénéficient pas, pour ces accidents et maladies professionnelles, des dispositions du présent livre, dans des conditions fixées par décret. » ;
2° À la première phrase du dernier alinéa, la référence : « et 17° » est remplacée par les références : « , 17° et 18° ».
II. – L’État prend en charge chaque année, dans des conditions fixées par décret, le coût que représente pour la branche Accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de sécurité sociale l’application du 18° de l’article L. 412-8 du code de la sécurité sociale.
III. – (Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 5 du présent article qui ferait doublon avec les dispositions d’un décret déjà rédigé. On se plaint souvent que les décrets d’application sont publiés trop tardivement après l’adoption de la loi. Or, en l’espèce, M. le rapporteur a reçu le projet de décret concernant la couverture des sportifs de haut niveau contre les accidents du travail et les maladies professionnelles et je peux vous assurer que ce décret sera publié dans la semaine qui suivra la promulgation de la future loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Article 8
(Non modifié)
Après l’article L. 321-4 du code du sport, il est inséré un article L. 321-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 321-4-1. – Les fédérations sportives délégataires souscrivent des contrats d’assurance de personnes au bénéfice de leurs licenciés inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau mentionnée au premier alinéa de l’article L. 221-2, couvrant les dommages corporels auxquels leur pratique sportive de haut niveau peut les exposer.
« Ces contrats ne peuvent être conclus qu’après appel à la concurrence.
« La souscription des contrats d’assurance de personnes dispense les fédérations sportives délégataires, à l’égard de leurs licenciés inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau précitée, de leur obligation d’information prévue à l’article L. 321-4. » – (Adopté.)
Article 8 bis
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre II du livre II du code du sport est complété par un article L. 221-13-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-13-1. – Une sportive de haut niveau inscrite sur la liste des sportifs de haut niveau mentionnée au premier alinéa de l’article L. 221-2 conserve le bénéfice des droits inhérents à cette qualité, définis par le présent code, pendant une durée d’un an à compter de la date de la constatation médicale de son état de grossesse. »
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par Mmes Prunaud et Gonthier-Maurin, MM. Abate, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
à compter de la date de la constatation médicale de son état de grossesse
par les mots :
calculée en fonction de la date présumée d’accouchement : six mois avant la date présumée d’accouchement et six mois après la date présumée d’accouchement
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. La date de constatation de l’état de grossesse est la date prise en compte par les dispositions relatives à la déclaration de l’état de grossesse auprès des organismes d’assurance maladie avant la fin du troisième mois de grossesse. Cette obligation de déclaration qui ouvre les droits pour bénéficier d’une prise en charge complète de la grossesse au titre de l’assurance maladie est censée limiter les situations d’inégalité.
Cependant, et dans un souci d’équité, afin de ne pas pénaliser les sportives qui peuvent déclarer leur grossesse plus tôt que d’autres, nous proposons que l’inscription sur la liste des sportifs de haut niveau qui permet aux sportives de conserver les droits inhérents à cette qualité soit calculée en fonction de la date présumée d’accouchement et non à compter de la date de constatation médicale de leur état de grossesse. En effet, la date présumée d’accouchement est la date commune à toute femme en situation de grossesse. Cette date commune, utilisée dans les déclarations de grossesse afin de calculer la période de congé prénatal et postnatal permet un traitement équitable entre toutes les femmes. Ainsi, toute sportive aura la garantie de conserver son inscription sur la liste des sportifs de haut niveau six mois avant la date de son accouchement et six mois après, soit un total d’un an.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. L’adoption de cet amendement aurait pour effet d’ôter toute flexibilité aux sportives de haut niveau quant à la date du déclenchement de la prorogation d’un an du bénéfice des droits inhérents au statut de sportif de haut niveau. Or, en fonction des disciplines, les sportives peuvent être amenées à arrêter plus rapidement leur activité sportive que d’autres ; de même, elles peuvent parfois reprendre plus vite leur activité.
En outre, l’article R. 221-8 du code du sport prévoit déjà que la durée d’inscription d’une sportive de haut niveau en situation de maladie ou de maternité peut être prorogée d’un an après avis du directeur technique national. Le couplage de cette disposition avec celle de l’article 8 bis permet ainsi une durée d’inscription d’une année de plein droit, à laquelle peut s’ajouter une année supplémentaire en cas de besoin. Au total, c’est une durée d’inscription de deux ans qui est accordée, délai qui nous paraît assez large, car il est rare que ces sportives de haut niveau interrompent aussi longtemps leur carrière sportive.
Je comprends bien, ma chère collègue, que vous avez déposé votre amendement au nom de l’équité, mais son adoption introduirait une rigidité dans un dispositif devenu particulièrement favorable aux sportives de haut niveau ayant des enfants pendant leur carrière sportive.
J’écouterai avec attention l’avis du Gouvernement, mais la commission a émis ce matin un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, votre amendement part d’un sentiment que l’on ne peut qu’approuver. Tout à l’heure, M. le rapporteur parlait des bienfaits du bicamérisme et de l’importance de l’examen des textes par le Sénat. Je dois malgré tout rappeler que l’Assemblée nationale a été particulièrement attentive à cette question, qui a fait l’objet de longs débats, et les députés ont vraiment souhaité protéger les sportives de haut niveau en congé de maternité.
C’est la raison pour laquelle le texte qui vous est soumis aujourd’hui prévoit une protection d’une année, qui peut être prorogée d’un an en cas de pathologie. L’adoption de votre amendement complexifierait le dispositif sans accorder plus de droits aux sportives de haut niveau. Si vous aviez été députée, je pense que vous auriez certainement cosigné l’amendement qui a créé cette protection, c’est pourquoi je vous demande bien vouloir retirer l’amendement n° 5.
Mme la présidente. Madame Prunaud, l'amendement n° 5 est-il maintenu ?
Mme Christine Prunaud. Lors des travaux de la commission, déjà, j’ai modifié le texte de ma proposition pour faire en sorte qu’elle soit adoptée. Mais, étant donné que ce filet de sécurité – la prorogation d’un an, en cas de besoin, au bénéfice de la sportive – va être acquis, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 5 est retiré.
Je mets aux voix l'article 8 bis.
(L'article 8 bis est adopté.)
Articles additionnels après l'article 8 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 19 rectifié bis, présenté par Mme S. Robert, MM. Lozach et D. Bailly, Mmes Cartron, Ghali et D. Michel, M. Carrère, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 222-16 du code du sport est ainsi modifié :
1° Les premier et deuxième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le ressortissant d’un État qui n’est pas membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen doit être titulaire d’une licence d’agent sportif mentionnée à l’article L. 222-7 pour exercer l’activité d’agent sportif sur le territoire national. » ;
2° Le quatrième alinéa est supprimé.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Nous en avons parlé au cours de la discussion générale, nous sommes opposés à la pratique des agents prête-nom par le biais de conventions de présentation pour les agents sportifs extra-communautaires. Nous l’étions déjà en 2010, lors de l’examen de cette disposition au Sénat. Un tel montage juridique, on le sait, n’est pas sain et contribue de toute évidence à maintenir l’opacité des opérations de transfert.
Il n’est pas sain non plus de prévoir, pour les agents ressortissants d’États n’appartenant ni à l’Union européenne ni à l’Espace économique européen, des exigences inférieures à celles qui sont applicables aux ressortissants d’États membres des deux zones précédemment citées. Il faut bien au contraire s’assurer que ces agents présentent le même type de garanties qu’un agent français.
Pourtant, nous avons bien conscience que la régulation se jouera à l’échelon international et que, parfois, le droit national peut se trouver en contradiction avec les pratiques observées. Je pense notamment à la question de la licence pour le football : la Fédération internationale de football association, la FIFA, vient d’abandonner, au mois d’avril dernier, le système d’octroi de licence, ce qui ne manquera pas de soulever un certain nombre de questions quant à notre législation en la matière.
Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France doit continuer à être moteur, à l’échelon européen et au plan international, pour une meilleure régulation juridique et financière du secteur du sport, dont les agents sportifs sont bien l’un des aspects essentiels. Nous attendons d’ailleurs qu’un certain nombre de propositions fortes ressortent, sur cette question, de la Grande Conférence sur le sport professionnel français.
Cet amendement est un appel en ce sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Nous partageons tous les inquiétudes formulées quant à la situation des agents sportifs dans le milieu du sport français et le constat d’un besoin de clarifications dans ce domaine. Claude Kern, notamment, a évoqué la question au cours de la discussion générale.
Mais je crois que la problématique concernant la place de ces agents mérite un véritable débat, ainsi qu’un texte à part entière – proposition de loi ou projet de loi – permettant de traiter le sujet dans sa globalité.
Cette problématique revêt effectivement différents aspects. Au-delà du rôle de l’agent, de son statut, je pense par exemple à sa formation, car certains agents font preuve de peu de scrupules à l’égard d’une certaine éthique et, ce faisant, créent des difficultés. Je citerai également l’intervention dans le parcours professionnel du sportif, l’agent œuvrant, non pas uniquement pour accompagner le sportif durant sa carrière sportive, mais aussi pour préparer sa reconversion. Tout cela, me semble-t-il, nécessite donc une vision globale sur la place de l’agent sportif.
C’est pourquoi, madame Robert, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. Je le considère plutôt comme un amendement d’appel, qui nous permettra peut-être d’ouvrir, sur ce sujet également, un nouveau chantier. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je pense, madame Robert, que nous nous connaissons assez pour que vous commenciez à appréhender ma méthode de travail : concertation, dialogue avec les acteurs et, une fois que les spécialistes ont donné leur point de vue, la décision revient à la représentation nationale. C’est cela la mission du Parlement ! Et je crois vraiment à ce rôle des députés et des sénateurs : ils sont des généralistes, et non des spécialistes, mais sur tous les sujets, ils doivent pouvoir à un moment donné choisir !
Cela dit, c’est le rapport Karaquillo qui a suscité l’initiative parlementaire nous rassemblant aujourd'hui.
Pour ma part, j’ai lancé la Grande Conférence sur le sport professionnel français – vous y avez fait référence –, qui réunit six groupes de travail.
Le premier groupe traite des relations entre les fédérations et les ligues. Vous l’avez bien compris, mesdames, messieurs les sénateurs, étant donné ce qui se passe dans le monde du football ou du rugby, la question est plutôt d’actualité !
Le deuxième groupe travaille sur ce que j’appelle la « régulation juridique » du sport professionnel. Bien évidemment, la question des agents se pose dans ce cadre, et il faudra bien s’en occuper à un moment donné, car elle traîne depuis trop longtemps.
Un troisième groupe s’intéresse à la régulation financière, par exemple à la question des investisseurs étrangers. Je n’ai effectivement pas envie que la situation rencontrée par le club de Grenoble se reproduise ailleurs : un investisseur japonais a un jour mis de l’argent sur la table ; trois ans après, il est reparti et le club de Grenoble est aujourd'hui dévasté. Cela ne se fait pas !
Un quatrième groupe s’est vu confier la question de la compétitivité du sport professionnel français. Je reviendrai sur le sujet à l’occasion de l’examen de l’amendement concernant le congé individuel de formation, ou CIF. De la même manière que précédemment, avant d’adopter une disposition de cette nature – que je n’écarte pas –, il serait bon de poser l’ensemble du problème, donc de s’interroger sur les moyens de rendre le sport professionnel français plus compétitif.
Un cinquième groupe s’occupe de la problématique des infrastructures sportives. Dans son rapport, l’ancien sénateur Stéphane Mazars posait un certain nombre de questions. Appartient-il aujourd'hui aux collectivités de continuer à investir dans des infrastructures sportives servant aux clubs professionnels ? Ne faut-il pas penser à « changer de logiciel » ?
Les propos que tous les maires, de droite comme de gauche, ont tenus pendant des années – « c’est mon équipement ! » – ne sont effectivement plus soutenables pour des équipements de sports professionnels, surtout auprès de nos concitoyens, ces derniers considérant qu’il y a probablement d’autres priorités en matière d’investissements. En revanche, les clubs qui investissent doivent recevoir un soutien, au moins une garantie, et c’est là le travail de ce groupe.
Un sixième groupe, enfin, – il recueillera aussi votre assentiment, madame Robert – aborde la question du devenir du sport professionnel féminin. C’est une question inévitable, car le statut des sportives professionnelles demeure un peu « artisanal », si je puis dire, et n’est pas toujours dans la norme.
Ce que j’ai proposé aux députés et ce que je vous propose aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, si toutefois Mme la présidente de la commission en est d’accord, c’est de demander aux six animateurs de ces groupes de travail de venir vous présenter, au mois de février, l’avancée de leurs travaux. Cette présentation, que ce soit dans cette enceinte ou à l’Assemblée nationale, leur permettra déjà de se mettre à l’écoute des parlementaires, lesquels ne manqueront pas, une fois les préconisations de ces groupes de travail rendues – au mois de mars –, de prendre des initiatives.
Le Gouvernement, en tout cas, prendra ses responsabilités à ce moment-là.
Pour l’heure, je vous prie, madame Robert, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Robert, l'amendement n° 19 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Sylvie Robert. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 19 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 18 rectifié bis, présenté par MM. Lozach et D. Bailly, Mmes Cartron, Ghali, D. Michel et S. Robert, M. Carrère, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente un rapport au Parlement dans l’année suivant la promulgation de la présente loi étudiant la possibilité de créer une caisse de règlement pécuniaire des agents sportifs pour y déposer les fonds relatifs aux commissions versées dans le cadre des opérations liées à des contrats, des transferts et des achats de joueurs.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Avec cet amendement, nous rejoignons la préoccupation tout juste exprimée par Sylvie Robert, préoccupation à laquelle M. le secrétaire d’État vient de répondre en très grande partie en évoquant la méthodologie qu’il entend mettre en place. À cet égard, je voudrais, au nom des sénateurs, le remercier de sa volonté de nous associer, d’engager un véritable échange, avec cette série de va-et-vient entre l’État, les acteurs du milieu sportif et les parlementaires.
Nous l’avons constaté précédemment à travers plusieurs interventions, cette question des agents sportifs dépasse toutes les sensibilités politiques et partisanes. Dans ce domaine, effectivement, des avancées sont attendues au cours des mois et des années à venir et, je le sais, M. le secrétaire d’État partage cette préoccupation.
Le sport est une réalité très ambigüe, équivoque, multidimensionnelle. Parmi ses différentes dimensions, il en est un certain nombre exigeant encore davantage de réformes et de clarifications.
Ainsi, derrière la question des agents sportifs, se pose tout simplement celle des transferts, voire, comme le diraient certains, de la marchandisation du sport. Certes, quelques avancées ont pu être constatées au cours des dernières années, notamment s’agissant du montant des prélèvements – ou plutôt des commissions perçues par ces agents sportifs. Mais, au fond, la situation reste en grande partie inchangée.
Le sujet, je le crois, est véritablement d’intérêt général, du fait des masses financières en jeu. Celles-ci étaient considérables par le passé ; elles le sont encore, et de plus en plus ! Le nombre de sports concernés est également en croissance, avec désormais, au-delà des sports collectifs, une extension aux sports individuels.
Par ailleurs, et c’est parfaitement connu, les transactions de cette nature donnent lieu à des fraudes fiscales. L’information, je le précise, émane de la cellule TRACFIN – traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins.
N’oublions pas ce qui a précédemment été évoqué par Mme Robert, c’est-à-dire cette décision tout à fait regrettable de la FIFA conduisant à une libéralisation totale en matière d’agréments et d’habilitations. Plus aucune qualification particulière n’est demandée à celles et ceux qui veulent s’installer comme agents sportifs !
Enfin, la situation devient encore plus complexe avec cette dernière nouveauté que constitue l’apparition, à côté d’agents sportifs, d’autres intermédiaires, entraînant toutes les dérives possibles et imaginables.
Cet amendement, mes chers collègues, est donc un amendement d’appel et, anticipant sur la requête qui va m’être faite, je le retire.
Mme la présidente. L'amendement n° 18 rectifié bis est retiré.
TITRE II
LES SPORTIFS ET ENTRAÎNEURS PROFESSIONNELS
Chapitre Ier
Les sportifs et entraîneurs professionnels salariés
Article 9
Le chapitre II du titre II du livre II du code du sport est ainsi modifié :
1° Les articles L. 222-2 à L. 222-2-2 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 222-2. – Les articles L. 222-2-1 à L. 222-2-8 sont applicables :
« 1° Au sportif professionnel salarié, défini comme toute personne ayant pour activité rémunérée l’exercice d’une activité sportive dans un lien de subordination juridique avec une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 ;
« 2° À l’entraîneur professionnel salarié, défini comme toute personne ayant pour activité principale rémunérée de préparer et d’encadrer l’activité sportive d’un ou de plusieurs sportifs professionnels salariés dans un lien de subordination juridique avec une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 et titulaire d’un diplôme, d’un titre à finalité professionnelle ou d’un certificat de qualification prévu à l’article L. 212-1.
« Une convention ou un accord collectif national détermine les critères à partir desquels l’activité de l’entraîneur professionnel salarié est considérée comme son activité principale.
« Art. L. 222-2-1. – I. – (Supprimé)
«Le code du travail est applicable au sportif professionnel salarié et à l’entraîneur professionnel salarié, à l’exception des dispositions de ses articles L. 1221-2, L. 1241-1 à L. 1242-9, L. 1242-12, L. 1242-13, L. 1242-17, L. 1243-7 à L. 1243-10, L. 1243-13 à L. 1245-1, L. 1246-1 et L. 1248-1 à L. 1248-11 relatives au contrat de travail à durée déterminée.
« Art. L. 222-2-2. – Les dispositions mentionnées à l’article L. 222-2-1 et les articles L. 222-2-3, L. 222-2-4, L. 222-2-5, L. 222-2-7 et L. 222-2-8 peuvent, avec l’accord des parties, s’appliquer aux sportifs qui sont salariés de leur fédération sportive en qualité de membre d’une équipe de France, ainsi qu’aux entraîneurs qui les encadrent à titre principal. » ;
2° Après l’article L. 222-2-2, sont insérés des articles L. 222-2-3 à L. 222-2-8-1 ainsi rédigés :
« Art. L. 222-2-3. – Afin d’assurer la protection des sportifs et entraîneurs professionnels et de garantir l’équité des compétitions, tout contrat par lequel une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 s’assure, moyennant rémunération, le concours de l’un de ces salariés est un contrat de travail à durée déterminée.
« Art. L. 222-2-4. – La durée d’un contrat de travail mentionné à l’article L. 222-2-3 ne peut être inférieure à la durée d’une saison sportive fixée à douze mois.
« Toutefois, un contrat conclu en cours de saison sportive peut avoir une durée inférieure à douze mois :
« 1° Dès lors qu’il court au minimum jusqu’au terme de la saison sportive ;
« 2° S’il est conclu pour assurer le remplacement d’un sportif ou d’un entraîneur professionnel en cas d’absence du sportif ou de l’entraîneur ou de suspension de son contrat de travail ;
« 3° S’il est conclu pour assurer le remplacement d’un sportif ou d’un entraîneur faisant l’objet de l’opération mentionnée au premier alinéa de l’article L. 222-3.
« Les dates de début et de fin de la saison sportive sont arrêtées par le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle.
« La durée du contrat de travail mentionné à l’article L. 222-2-3 ne peut être supérieure à cinq ans, sous réserve de l’article L. 211-5.
« Afin d’assurer la protection des sportifs et entraîneurs professionnels et de garantir l’équité des compétitions, la durée maximale mentionnée au deuxième alinéa du présent article n’exclut pas le renouvellement du contrat ou la conclusion d’un nouveau contrat avec le même employeur.
« Art. L. 222-2-5. – I. – Le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit en au moins trois exemplaires et comporte la mention des articles L. 222-2 à L. 222-2-8.
« Il comporte :
« 1° L’identité et l’adresse des parties ;
« 2° La date d’embauche et la durée pour laquelle il est conclu ;
« 3° La désignation de l’emploi occupé et les activités auxquelles participe le salarié ;
« 4° Le montant de la rémunération et de ses différentes composantes, y compris les primes et accessoires de salaire s’il en existe ;
« 5° Les noms et adresses des caisses de retraite complémentaire et de prévoyance et de l’organisme assurant la couverture maladie complémentaire ;
« 6° L’intitulé des conventions ou accords collectifs applicables.
« II. – Le contrat de travail à durée déterminée est transmis par l’employeur au sportif ou à l’entraîneur professionnel au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche.
« Art. L. 222-2-6. – Le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle peut prévoir une procédure d’homologation du contrat de travail à durée déterminée du sportif et de l’entraîneur professionnels et déterminer les modalités de l’homologation ainsi que les conséquences sportives en cas d’absence d’homologation du contrat.
« Les conditions dans lesquelles l’absence d’homologation du contrat peut faire obstacle à son entrée en vigueur sont déterminées par une convention ou un accord collectif national.
« Art. L. 222-2-7. – Les clauses de rupture unilatérale pure et simple du contrat de travail à durée déterminée du sportif et de l’entraîneur professionnels salariés sont nulles et de nul effet.
« Art. L. 222-2-8. – I. – Est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des règles de fond et de forme prévues aux articles L. 222-2-1 à L. 222-2-5.
« II. – Le fait de méconnaître les règles de fond et de forme prévues aux mêmes articles L. 222-2-1 à L. 222-2-5 est puni d’une amende de 3 750 €. La récidive est punie d’une amende de 7 500 € et d’un emprisonnement de six mois.
« Art. L. 222-2-8-1. – Tout au long de l’exécution du contrat de travail à durée déterminée d’un sportif professionnel, l’association sportive ou la société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 qui l’emploie offre au sportif des conditions de préparation et d’entraînement équivalentes à celles des autres sportifs professionnels salariés de l’association ou de la société. »
Mme la présidente. L'amendement n° 29, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Une convention ou un accord collectif national peut préciser la définition du sportif professionnel et de l’entraîneur.
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Je retire cet amendement, qui est satisfait, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 29 est retiré.
L'amendement n° 30, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Après la référence :
L. 1242–17,
insérer la référence :
L. 1243–2,
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Tout comme le précédent, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 30 est retiré.
(Mme Françoise Cartron remplace Mme Jacqueline Gourault au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 34, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 222-2-3. – Afin d’éviter la précarisation de l’emploi du sportif et de l’entraîneur professionnel salariés, de prendre en compte l’environnement international fortement concurrentiel, la stabilité des relations contractuelles, d’assurer leur protection sociale et de garantir l’équité et le bon déroulement des compétitions, tout contrat par lequel une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 s’assure moyennant rémunération le concours de l’un de ces salariés sportifs ou entraîneurs professionnels est un contrat de travail à durée déterminée.
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Cet amendement tend à compléter la liste des motifs nécessitant de recourir, pour les sportifs ou entraîneurs professionnels, à ce nouveau contrat à durée déterminée – ou CDD – au regard de la spécificité sportive, en se fondant sur le chapitre XII de la convention collective nationale du sport, chapitre relatif au sport professionnel.
Il vise également à préciser que ce CDD s’applique aux seuls sportifs ou entraîneurs professionnels salariés ayant conclu un contrat avec une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 du code du sport, et non à tous les salariés de ces entités juridiques.
Mme la présidente. L'amendement n° 33, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après les mots :
de l’un de ces salariés
insérer les mots :
sportifs ou entraîneurs professionnels
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Cet amendement a pour objet de préciser que ce contrat à durée déterminée s’applique aux seuls sportifs et entraîneurs professionnels salariés ayant conclu un contrat avec une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 du code du sport, et non à tous les salariés de ces entités juridiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Faire référence à un environnement international fortement concurrentiel ne serait pas opportun, car ni tous les sportifs professionnels ni tous les entraîneurs ne sont concernés. Cela conduirait donc à fragiliser juridiquement le recours au CDD. Par conséquent, la commission émettra un avis défavorable sur l’amendement n° 34, à moins qu’il ne soit auparavant retiré. Sa position est identique à propos de l’amendement n° 33.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je partage totalement l’avis de la commission sur ces deux amendements nos 34 et 33.
Mme la présidente. Monsieur Pellevat, l'amendement n° 34 est-il maintenu ?
M. Cyril Pellevat. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 34 est retiré.
Monsieur Pellevat, l'amendement n° 33 est-il maintenu ?
M. Cyril Pellevat. Non, je le retire également, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 33 est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 7, présenté par Mmes Prunaud et Gonthier-Maurin, MM. Abate, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
, dans des conditions définies par une convention ou un accord collectif national
II. – Alinéa 19
Remplacer les mots :
la durée maximale mentionnée au deuxième alinéa du présent article
par les mots :
cette durée maximale
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Si la rédaction adoptée par la commission le 14 octobre dernier concernant la durée minimale du contrat permet de lier cette durée à la saison sportive, elle est imparfaite en raison des risques de détournement de contrats de très courte durée – d’un mois, d’un jour, notamment.
En effet, elle détermine le terme du contrat, à savoir la fin de saison, mais laisse les parties au contrat, surtout le club employeur, déterminer le premier jour, s’éloignant de l’ambitieuse volonté de sécurisation des relations contractuelles en lien avec l’équité sportive.
Ainsi, cela pourrait permettre des recrutements en fin de saison, par exemple, en vue de renforcer une équipe et, de ce fait, entraîner des disparités et iniquités sportives entre clubs aux moyens différents.
Subordonner les modalités dérogatoires aux conditions définies par une convention collective ou un accord national garantirait l’équité des compétitions.
Mme la présidente. L'amendement n° 39, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
, dans les conditions définies par une convention ou un accord collectif national ou, à défaut, par le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Cet amendement, dont la rédaction est proche de celle de l’amendement précédent, est néanmoins un peu plus complet, car il fait référence aux règlements de la fédération sportive et de la ligue professionnelle. C’est pourquoi je demande par avance à Mme Prunaud de retirer son amendement au profit de celui-ci.
Mme la présidente. L'amendement n° 40, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer le mot :
deuxième
par le mot :
septième
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente. La commission a exprimé son avis sur l’amendement n° 7.
Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je souscris à vos propos, madame Prunaud, mais, dans votre amendement, il manque la référence subsidiaire au règlement des fédérations. Puisque l’amendement n° 39 de la commission comble cette lacune, je vous propose, dans un esprit de consensus, de retirer le vôtre au profit de ce dernier.
Quant à l’amendement n° 40, le Gouvernement y est favorable.
Mme la présidente. Madame Prunaud, l'amendement n° 7 est-il maintenu ?
Mme Christine Prunaud. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 7 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 39.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 31, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Compléter cet alinéa par les mots :
, ou lorsqu’une procédure d’homologation du contrat est prévue, dans les deux jours suivant la décision d’homologation du contrat par les instances compétentes
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Dans l’hypothèse où une procédure d’homologation est prévue par les règlements des fédérations ou des ligues, il semble opportun de faire partir le point de départ du délai de transmission du contrat par l’employeur au sportif à compter de la date à laquelle le contrat a été homologué par les instances compétentes. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. La procédure d’homologation est distincte de la conclusion du contrat de travail. La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Monsieur Pellevat, ne confondez pas en effet une homologation délivrée par une fédération avec un contrat de travail : ce sont deux choses complètement différentes. Il s’agit, dans le premier cas, d’un acte administratif, dans le second cas, d’un contrat ; on ne peut pas mélanger les deux.
Comme la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. Cyril Pellevat. Dans ces conditions, je retire cet amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 31 est retiré.
(Mme Jacqueline Gourault remplace Mme Françoise Cartron au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par Mmes Prunaud et Gonthier-Maurin, MM. Abate, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 29 et 30
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 222-2-6. - Seul un accord ou une convention collective peut prévoir une procédure d’homologation du contrat de travail à durée déterminée spécifique du sportif et de l’entraîneur professionnels et en déterminer les conséquences sportives.
« L’homologation ne peut avoir aucune conséquence sur la validité ou l'entrée en vigueur du contrat de travail.
« Dans tous les cas, la rupture d’un contrat de travail ne saurait empêcher la future homologation du contrat et la qualification du sportif professionnel avec une nouvelle association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 pour participer aux compétitions sportives.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. La problématique majeure du sport professionnel est que les clubs et les joueurs ne sont pas sur un pied d’égalité.
Les règles d’homologation en sont un exemple : les clubs peuvent rompre les contrats de manière unilatérale lorsqu’ils ne veulent plus d’un joueur et continuer à recruter comme ils veulent. Un sportif, même en respectant les périodes de mutation, ne peut pas quitter son employeur sans son accord. Ces périodes de mutation sont déjà en elles-mêmes un frein à l’embauche du sportif, puisque celui-ci ne bénéficie que de deux mois pour trouver un emploi – dans la plupart des sports collectifs, j’entends.
Il appartient au pouvoir législatif d’affirmer que les règles des ligues ou des fédérations en matière d’homologation des contrats ne peuvent empêcher un sportif de prendre l’initiative de la rupture de son contrat et de s’engager avec un autre club.
Aujourd’hui, seul un accord amiable entre les parties est possible, ce qui n’est pas acceptable.
Tout en respectant les réglementations sportives spécifiques à chaque discipline, notamment les périodes de mutation au cours desquelles les contrats peuvent être conclus, le joueur doit dans cette période pouvoir changer d’employeur, dans le respect des conditions prévues par le code du travail, comme un club peut se séparer d’un joueur.
À l’heure actuelle, il est impossible pour un sportif de quitter son club sans l’accord de ce dernier.
Cette proposition de loi, censée assurer la protection du sportif, doit lui permettre de traiter d’égal à égal avec les clubs, et ce en bénéficiant des mêmes droits, comme le prévoit déjà le code du travail. Or tel n’est pas le cas à l’heure actuelle.
La stabilité contractuelle reste un principe fort de ce texte et elle est souhaitée par tous les acteurs. Cet amendement n’a pas vocation à l’affaiblir ; il vise seulement à garantir un traitement équitable à chacune des deux parties au contrat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. La procédure d’homologation étant un acte administratif, cela n’a pas de sens de la renvoyer à un accord collectif. Par ailleurs, il n’est pas question d’autoriser un sportif à rompre son contrat de travail avant son terme, sous peine de fragiliser les clubs employeurs. Cela risquerait de remettre en cause tout l’intérêt du CDD.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Il faut toujours se méfier des professions qui, pensant défendre les intérêts de leurs affiliés, formulent parfois des propositions qui vont à l’encontre de ceux-ci.
La disposition proposée, en dépit des bonnes intentions des auteurs de cet amendement, pourrait être préjudiciable aux sportifs. C’est pourquoi le Gouvernement sollicite le retrait de celui-ci ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Prunaud, l'amendement n° 8 est-il maintenu ?
Mme Christine Prunaud. Dans le doute, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
(Non modifié)
Après l’article L. 222-2-8-1 du code du sport, dans sa rédaction résultant de la présente loi, il est inséré un article L. 222-2-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 222-2-9. – L’association sportive ou la société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 assure, en lien avec les fédérations sportives, les ligues professionnelles et les organisations représentatives de sportifs et d’entraîneurs professionnels, le suivi socioprofessionnel des sportifs professionnels salariés qu’elle emploie. »
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par Mmes Prunaud et Gonthier-Maurin, MM. Abate, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 222-2-9. - L’association sportive ou la société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 assure, en lien avec les fédérations sportives, les ligues professionnelles et les organisations représentatives de sportifs et d’entraîneurs professionnels, le suivi socioprofessionnel de ses sportifs et entraîneurs professionnels salariés.
« Le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle peut prévoir une formation continue des entraîneurs professionnels salariés de l’association sportive ou société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 121-12 qui les emploie.
« Les conditions de la formation continue sont déterminées avec les organisations représentatives d’entraîneurs. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement tend à préciser les modalités de la formation continue fédérale des entraîneurs professionnels salariés prévues par les fédérations sportives ou les ligues professionnelles. Ces modalités doivent être déterminées avec les organisations représentatives d’entraîneurs, afin que les plans de formation prennent en compte l’intérêt des entraîneurs professionnels, dans le souci de l’avenir socioprofessionnel de ceux-ci.
Les fédérations ont des plans de formation qui visent essentiellement leurs intérêts. Les entraîneurs professionnels demandent à être consultés pour pouvoir bénéficier de formations qui aillent au-delà du seul intérêt de leur sport et de leur fédération.
Pour les entraîneurs professionnels salariés, le maintien en exercice professionnel salarié est conditionné par les compétences actualisées en lien avec les évolutions techniques ou managériales, dont la formation continue est l’outil essentiel pour la maîtrise de leur parcours professionnel.
Or, dans leur réglementation, des fédérations sportives imposent aux entraîneurs professionnels salariés une formation fédérale obligatoire, appelée « recyclage », qui ne peut être réalisée qu’à partir de leur propre catalogue de formation. Les entraîneurs professionnels salariés défaillants font alors l’objet d’une suspension automatique de leur qualification sportive leur interdisant d’exercer leurs missions lors des matchs, par exemple d’être sur le banc de touche pour manager l’équipe.
Or ni le principe de cette obligation fédérale contraire aux dispositions du code du travail et du code du sport, ni le contenu du catalogue, ni les modalités des périodes et le montant des actions de « recyclage » ne sont négociés avec les organisations représentatives des entraîneurs professionnels salariés.
Sans accord entre les fédérations sportives et les organisations représentatives de ces entraîneurs et, éventuellement, des organisations représentatives des employeurs, la formation fédérale « recyclage » ne peut avoir aucune conséquence sur l’entraîneur professionnel salarié qui ne la suivrait pas.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Au même titre que l’ensemble des salariés, les entraîneurs professionnels bénéficient des dispositions de droit commun en matière de formation. On ne peut pas mettre sur le même plan les entraîneurs, qui ont des carrières longues – jusqu’à plus de soixante ans –, et les sportifs professionnels, qui, généralement vers trente ans, doivent bénéficier d’un suivi socioprofessionnel. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. À mesure qu’avance l’examen de ce texte, Mme Prunaud semble de moins en moins disposée à répondre favorablement à mes demandes de retrait de ses amendements. (Sourires.) Néanmoins, c’est la requête que je lui adresse s’agissant de celui-ci.
Ce qu’a dit M. le rapporteur est très juste : n’en déplaise à M. Ruiz, que j’apprécie par ailleurs, et à sa fédération, la situation d’un sportif de haut niveau n’est pas comparable à celle d’un entraîneur ; le second a toute la vie devant lui, tandis que le premier, une fois sa carrière achevée, doit souvent faire face à un grand vide, comme chacun l’a bien souligné tout à l’heure, et requiert un suivi socioprofessionnel.
Le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Prunaud, l'amendement n° 9 est-il maintenu ?
Mme Christine Prunaud. Je précise que, si je n’ai pas retiré mon amendement précédent, c’est parce que je ne savais pas si je devais le faire. Dans le doute, j’ai préféré le maintenir.
Dans le cas présent, monsieur le secrétaire d'État, je comprends vos arguments. Pour autant, il faut tenir compte de la demande de ces entraîneurs professionnels, même si, j’en conviens, leur situation n’est pas comparable à celle des sportifs de haut niveau. Cela étant, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 9 est retiré.
Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article L. 6324-1 du code du travail, après la première occurrence du mot : « indéterminée », sont insérés les mots : « , de salariés en contrat de travail à durée déterminée conclu en application de l’article L. 222-2-3 du code du sport, » et, après la référence : « L. 1242-3 », sont insérés les mots : « du présent code ».
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par Mmes Prunaud et Gonthier-Maurin, MM. Abate, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 222-4 du code du sport est ainsi rédigé :
« Art. L. 222-4. - Pour financer le bilan de compétences, prévu par l’article L. 6313-10 du code du travail, des salariés ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée régi par l’article L. 222-2-3 du présent code, les dispositions de l’article L. 6322-37 du code du travail sont pleinement applicables. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Au cours de l’ensemble des travaux préparatoires de la présente proposition de loi, il a été unanimement relevé que le sportif professionnel devait anticiper au mieux sa reconversion pendant sa carrière.
La question de la difficulté de l’accès aux fonds de formation ne doit pas mettre à mal l’exigence de formation en vue de la reconversion du sportif. Il est donc nécessaire de réintroduire des sources de financement spécifiques permettant de réellement mettre en application les actions de formation pour ce qui concerne les sportifs professionnels, actions utiles à leur bonne reconversion.
Le bilan de compétences mentionné à l’article L. 6313-10 du code du travail doit donc pouvoir être financé par les cotisations prévues à l’article L. 6322-37 du même code, c’est-à-dire le 1 % du CIF-CDD.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Comme la grande majorité des membres de la commission, je partage la préoccupation des auteurs de cet amendement. Il est exact qu’il conviendrait d’engager une réflexion sur de nouveaux moyens de financement de la formation des sportifs professionnels, et peut-être M. le secrétaire d’État fera-t-il une annonce à cet égard.
Aujourd’hui, il est difficile d’assurer à ces sportifs professionnels une reconversion professionnelle encadrée et, surtout, le financement des formations. Il faudrait pouvoir apprécier ce que représente le 1 % par rapport à la masse salariale des fédérations et des clubs. En dix ans, cette masse salariale a beaucoup évolué dans les clubs professionnels. En tout cas, à mes yeux, on ne saurait régler ce problème au moyen d’un simple amendement. Je considère qu’il s’agit là d’un amendement d’appel qui doit nous inciter à ouvrir le chantier du financement des formations des sportifs professionnels.
La commission sollicite son retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. En premier lieu, le dispositif du CIF-CDD a été mis en place car le CDD paraissait être un contrat plus précaire que le CDI. À cet égard, je prends toujours le même exemple, celui d’un sportif professionnel défaillant après trois matchs consécutifs. S’il était embauché en contrat à durée indéterminée, son employeur pourrait le licencier pour insuffisance de résultats, motif qui ne peut, puisqu’il ne s’agit pas d’une faute grave, constituer une cause de rupture d’un CDD. Par conséquent, aussi surprenant que cela puisse paraître, un sportif professionnel est plus protégé par un contrat à durée déterminée que par un contrat à durée indéterminée. De ce fait, le dispositif proposé ne me paraît donc pas approprié.
En second lieu, il faudrait demander aux sportifs professionnels les raisons pour lesquelles ils recourent si peu à leur droit à formation. Ce point important pourrait être évoqué dans le cadre de la Grande Conférence sur le sport professionnel que j’ai mise en place et dont je parlais précédemment.
Cet amendement d’appel porte sur un sujet qui mérite une réponse appropriée. Je vous demande néanmoins, madame la sénatrice, de bien vouloir le retirer, si toutefois telle n’était votre intention initiale… (Sourires.)
Mme la présidente. Madame Prunaud, l'amendement n° 10 est-il maintenu ?
Mme Christine Prunaud. Il s’agit effectivement d’un amendement d’appel qui a été déposé pour souligner l’importance d’entamer une réflexion sur cette question. M. le rapporteur en est convenu, ce dont je le remercie. En conséquence, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 10 est retiré.
Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
L’article L. 222-3 du code du sport est ainsi modifié :
1° La référence : « à cet article » est remplacée par la référence : « au présent alinéa » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les articles L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail ne sont pas applicables à l’opération mentionnée au présent alinéa lorsqu’elle concerne le sportif ou l’entraîneur professionnel salarié d’une association sportive ou d’une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 du présent code muté temporairement au sein d’une autre association sportive ou d’une société et dont les modalités sont prévues par convention ou accord collectif ou, à défaut, par le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle. »
Mme la présidente. L'amendement n° 41, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
collectif
insérer le mot :
national
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Article additionnel après l'article 12
Mme la présidente. L'amendement n° 32, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au troisième alinéa de l’article L. 211-5 du code du sport, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Dans le cadre de la valorisation de la formation française et au regard de la possibilité, pour les clubs étrangers, de faire signer des contrats professionnels à des sportifs dès l’âge de dix-huit ans et pour une durée pouvant être portée à cinq saisons, il convient de permettre aux clubs français d’user de cette même faculté.
Cet amendement a donc pour objet de permettre la signature d’un premier contrat professionnel pour une durée pouvant être étendue à cinq ans, et non plus trois ans, comme cela est aujourd’hui prévu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Lier les jeunes sportifs issus des centres de formation aux clubs responsables desdits centres pendant une durée de cinq ans paraît beaucoup trop contraignant. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 32.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre II
Les sportifs professionnels travailleurs indépendants
Article 13
I. – Après l’article L. 222-2-9 du code du sport, dans sa rédaction résultant de la présente loi, il est inséré un article L. 222-2-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 222-2-10. – Le sportif professionnel qui participe librement, pour son propre compte, à une compétition sportive est présumé ne pas être lié à l’organisateur de la compétition par un contrat de travail.
« La présomption de salariat prévue à l’article L. 7121-3 du code du travail ne s’applique pas au sportif dont les conditions d’exercice sont définies à l’alinéa précédent. »
II. – (Supprimé)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
TITRE III
COMITÉ PARALYMPIQUE ET SPORTIF FRANÇAIS
Article 14
(Non modifié)
Après le chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code du sport, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :
« Chapitre Ier bis
« Comité paralympique et sportif français
« Art. L. 141-6. – Le Comité paralympique et sportif français est une association regroupant les fédérations sportives concourant à l’organisation des sports pour les personnes en situation de handicap. Il veille au respect des règles du mouvement paralympique.
« Art. L. 141-7. – Le Comité paralympique et sportif français est propriétaire des emblèmes paralympiques nationaux et dépositaire des emblèmes, du drapeau, de la devise et de l’hymne paralympiques. Il veille à la protection des termes “paralympique”, “paralympiade”, “paralympisme”, “paralympien” et “paralympienne”.
« Le fait de déposer à titre de marque, de reproduire, d’imiter, d’apposer, de supprimer ou de modifier les emblèmes, le drapeau, la devise, l’hymne et les termes mentionnés au premier alinéa, sans l’autorisation du Comité paralympique et sportif français, est puni des peines prévues aux articles L. 716-9 à L. 716-13 du code de la propriété intellectuelle. » – (Adopté.)
TITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 15 A
(Non modifié)
I. – Le livre préliminaire de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un titre V ainsi rédigé :
« TITRE V
« ACCOMPAGNEMENT DE DÉLÉGATIONS SPORTIVES ÉTRANGÈRES SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS
« Chapitre unique
« Art. L. 4051-1. – Les professionnels de santé mentionnés à la présente partie qui ne remplissent pas les conditions d’exercice en France et qui accompagnent des délégations sportives étrangères ne peuvent exécuter les actes de leur profession sur le territoire français qu’à l’égard des membres de ces délégations. Ils ne peuvent exercer ces actes au sein des établissements et services de santé mentionnés à la sixième partie. »
II. – L’article 75 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les professionnels de santé qui ne remplissent pas les conditions prévues au présent article et qui accompagnent des délégations sportives étrangères ne peuvent exécuter d’actes d’ostéopathie et de chiropraxie sur le territoire français qu’à l’égard des membres de ces délégations. Ils ne peuvent exercer ces actes au sein des établissements et services de santé mentionnés à la sixième partie du code de la santé publique. » – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 15 A
Mme la présidente. L'amendement n° 21 rectifié bis, présenté par MM. Lozach et D. Bailly, Mmes Cartron, Ghali, D. Michel et S. Robert, M. Carrère, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 15 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’inspection générale de la jeunesse et des sports assure une mission de contrôle et d’évaluation de la mise en œuvre des politiques publiques de la jeunesse, du sport, de l’éducation populaire et de la vie associative.
Elle assure le contrôle et l’inspection des personnels et des activités des services centraux et déconcentrés des ministères chargés de la jeunesse, des sports, de l’éducation populaire et de la vie associative ainsi que des organismes relevant de leur tutelle.
II. – Sont également soumis aux vérifications de l’inspection générale de la jeunesse et des sports :
1° Les services, établissements, institutions ou organismes qui participent à l’application des lois et règlements dans les domaines mentionnés au premier alinéa du I, quelle que soit leur nature juridique, et qui bénéficient ou ont bénéficié, sous quelque forme que ce soit, de concours de l’État ou de l’un de ses établissements publics ;
2° Les services, établissements, institutions ou organismes qui participent à l’application des lois et règlements dans les domaines mentionnés au premier alinéa, quelle que soit leur nature juridique, et qui bénéficient ou ont bénéficié de concours de l’Union européenne, d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales, à la demande de l’autorité ayant attribué ce concours ;
3° Les organismes placés sous la tutelle des ministres chargés de la jeunesse, des sports, de l’éducation populaire et de la vie associative ;
4° Les organismes qui bénéficient d’une délégation, d’une habilitation, d’une accréditation ou d’un agrément accordé par les ministres chargés de la jeunesse, des sports, de l’éducation populaire et de la vie associative, par un organisme placé sous leur tutelle ou par l’autorité administrative dans les domaines mentionnés au premier alinéa ;
5° Les organismes ayant bénéficié de concours, sous quelque forme que ce soit, des services, établissements, institutions ou organismes mentionnés aux 1° à 4°.
Les vérifications de l’inspection générale de la jeunesse et des sports portent sur le respect des lois et règlements et sur l’utilisation des concours mentionnés aux 1°, 2° et 5° dont la destination doit demeurer conforme au but dans lequel ils ont été consentis.
III. – Pour l’exercice de leurs missions, les membres de l’inspection générale de la jeunesse et des sports ont libre accès à toutes les administrations de l’État et des collectivités publiques, ainsi qu’à tous les services, établissements, institutions ou organismes mentionnés au II.
Les administrations de l’État, les collectivités publiques, les services, établissements, institutions ou organismes mentionnés au II sont tenus de prêter leur concours aux membres de l’inspection générale de la jeunesse et des sports, de leur fournir toutes justifications et tous renseignements utiles et de leur communiquer tous documents nécessaires à l’accomplissement de leurs missions.
Pour les opérations faisant appel à l’informatique, le droit de communication implique l’accès aux logiciels et aux données, ainsi que la faculté d’en demander la transcription par tout traitement approprié dans des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle.
Pour les besoins du contrôle de l’utilisation des concours mentionnés au II, ainsi que dans le cadre des missions de contrôle mentionnées au deuxième alinéa, les commissaires aux comptes des organismes contrôlés sont déliés du secret professionnel à l’égard des membres de l’inspection générale de la jeunesse et des sports.
IV. – Au VII de l’article 43 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, après le mot : « agriculture », sont insérés les mots : « , l’inspection générale de la jeunesse et des sports ».
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement vise à donner un fondement législatif aux interventions de l’Inspection générale de la jeunesse et des sports – il tend par conséquent à combler un vide juridique –, comme c’est déjà le cas pour d’autres inspections générales. En l’absence d’un tel fondement, les actions de celle-ci sont fragilisées et ses capacités d’investigation limitées.
Il convient d’autant plus de remédier à cette situation que, grâce à la présente proposition de loi, nous améliorons la protection des sportifs. L’Inspection générale sera chargée de contrôler la mise en application de ces mesures protectrices. Elle pourra ainsi mieux assurer le suivi des centres de formation, comme l’a appelé de ses vœux M. le rapporteur ce matin en commission.
Il s’agit tout simplement de se donner les moyens, notamment administratifs, d’une bonne application de cette proposition de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Cet amendement est opportun, car il comble un vide juridique ; je remercie donc M. Lozach de l’avoir déposé. Aujourd’hui, les parlementaires souhaitent de plus en plus que des contrôles soient mis en place au sein des organismes ayant un lien avec les politiques que nous menons. Pour ce faire, il faut donner à l’Inspection générale la possibilité de contrôler les centres de ressources, d’expertise et de performance sportives, ou CREPS, les centres de formation, etc.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis très favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 15 A.
Article 15 B (nouveau)
I. – Après l’article L. 333-1-3 du code du sport, il est inséré un article L. 333-1-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 333-1-4. – L’organisateur d’une manifestation ou d’une compétition sportive mentionné à l’article L. 331-5 qui interdit à ses acteurs d’engager, directement ou par personne interposée, des mises sur des paris reposant sur cette manifestation ou cette compétition sportive peut, en vue de sanctionner les manquements à cette interdiction, demander à l’Autorité de régulation des jeux en ligne l’accès à des informations personnelles relatives à des opérations de jeu enregistrées par un opérateur de jeux ou de paris en ligne titulaire de l’agrément prévu à l’article 21 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.
« Les opérations informatiques de rapprochement réalisées par l’Autorité de régulation des jeux en ligne et la communication par cette Autorité de leurs résultats aux agents ou aux représentants de l’organisateur mentionné au premier alinéa spécialement habilités à cette fin sont autorisées par décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
II. Au premier alinéa de l’article L. 131-16-1 du code du sport, le mot : « disciplinaire » est remplacé par les mots : « de sanction ».
Mme la présidente. L'amendement n° 42, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
premier alinéa
insérer les mots :
du présent article
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 15 B, modifié.
(L'article 15 B est adopté.)
Article additionnel après l'article 15 B
Mme la présidente. L'amendement n° 20 rectifié bis, présenté par MM. Lozach et D. Bailly, Mmes Cartron, Ghali, D. Michel et S. Robert, M. Carrère, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 15 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 131-12 du code du sport est ainsi modifié :
1° Il est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les fédérations peuvent, au titre de ces missions, leur verser des indemnités dans des limites et conditions fixées par décret. » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Pendant la durée de leurs missions, les conseillers techniques sportifs restent placés, selon les cas, sous l’autorité hiérarchique exclusive du ministre chargé des sports ou du chef de service déconcentré dont ils relèvent. Ils ne peuvent être regardés, dans l’accomplissement de leurs missions, comme liés à la fédération par un lien de subordination caractéristique du contrat de travail au sens du livre II de la première partie du code du travail.
« Pour l’exercice de leurs missions et par dérogation à l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, lorsqu’ils ont la qualité de fonctionnaires, ces agents lorsqu’ils exercent les missions de directeur technique national, de directeur technique national adjoint ou d’entraîneur national peuvent être détachés sur contrat de droit public, dans les emplois correspondants, dans les conditions et selon les modalités fixées par le décret prévu au premier alinéa. »
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Le modèle sportif français repose sur un partenariat ancien et étroit entre l’État et le mouvement sportif. Dans ce cadre, l’État dispose aujourd’hui d’environ 1 630 cadres techniques sportifs, ou CTS, qu’il place auprès des fédérations sportives.
Ces cadres sont dans une situation originale : ils sont placés sous l’autorité de l’État, mais exercent leur activité de façon permanente auprès d’une structure de droit privé. Ce n’est toutefois ni inédit ni impossible en droit, dès lors que cette structure assure des missions de service public. Ces personnels veillent d’ailleurs à ce que les projets soutenus par les fédérations intègrent bien les missions de service public qui leur sont déléguées et les priorités ministérielles soutenues par l’État.
Ce dispositif a historiquement fait la preuve de son efficacité, mais il est aujourd’hui fragilisé pour deux raisons.
Tout d’abord, les fonctionnaires qui exercent les fonctions de directeur technique national, de directeur technique national adjoint et d’entraîneur sont détachés sur la base de contrats de préparation olympique. Ce mécanisme permet de reconnaître, par un montant de rémunération majoré, le niveau des responsabilités confiées à ces agents. Il permet également de limiter la durée de ces missions, généralement calée sur l’olympiade, et d’y mettre fin en cas de difficultés avérées. La Cour des comptes a toutefois récemment rappelé, dans son rapport du mois de janvier 2013 relatif au sport pour tous et au sport de haut niveau, que ce dispositif contrevenait à une jurisprudence constante du Conseil d’État selon laquelle un fonctionnaire ne peut être détaché sur contrat au sein de son propre ministère.
Se pose également la question de la rémunération des CTS.
Il s’agit, par le biais de cet amendement, de sécuriser la situation de l’employeur, qui verse très souvent à ses CTS, à côté de leur salaire, des compléments de rémunération, l’objectif étant de garder sur le territoire national un certain nombre de ces techniciens, de ces encadrants. En effet, en raison du niveau trop bas de certaines rémunérations, des cadres sportifs du football ou du judo, en particulier, ont quitté la France.
Il s’agit donc de rassurer les structures qui emploient ces conseillers techniques sportifs, conformément à la préconisation de la Cour des comptes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Cet amendement tend effectivement à clarifier le statut des conseillers techniques sportifs mis à la disposition des fédérations. Comme vient de le préciser Jean-Jacques Lozach, le dispositif qu’il vise à instaurer permettrait de mettre un terme aux critiques émises par la Cour des comptes dans son rapport rendu au mois de janvier 2013 relatif au sport pour tous et au sport de haut niveau.
Dans la mesure où cet amendement répond à deux problématiques bien répertoriées par tous, la commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Cet amendement vise à renforcer les fédérations à l’égard de ces 1 600 cadres techniques, dont le Gouvernement a souhaité maintenir les effectifs depuis quelques années.
Les CTS sont affectés à différentes fédérations, mais demeurent des cadres d’État et doivent rendre compte régulièrement de leur activité. Pour conserver ces CTS, des fédérations leur accordent parfois un supplément de rémunération sur lequel il est arrivé que la justice porte une appréciation différente de la leur.
Je remercie M. Lozach d’avoir déposé cet amendement, qui tend à apporter des clarifications à cet égard. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 15 B.
Article 15
I. – Le code du sport est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Au troisième alinéa de l’article L. 211-5, la référence : « au 3° de l’article L. 1242-2 du code du travail » est remplacée par les références : « aux articles L. 222-2 à L. 222-2-8-1 du présent code » ;
3° Après le mot : « conclu », la fin de l’article L. 222-4 est ainsi rédigée : « en application de l’article L. 222-2-3 du présent code. » ;
3° bis Le dernier alinéa de l’article L. 231-6 est ainsi rédigé :
« Cette surveillance médicale ne dispense pas les employeurs de sportifs professionnels titulaires d’un contrat de travail conclu en application de l’article L. 222-2-3 du présent code de satisfaire aux obligations qui leur incombent en application du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail. » ;
4° À l’article L. 421-1, après la référence : « L. 222-2 », est insérée la référence : « à L. 222-2-10 ».
II. – (Supprimé)
III. – (Supprimé)
IV. – Les articles 7 et 8 de la présente loi entrent en vigueur neuf mois après la promulgation de ladite loi.
V. – Les articles L. 222-2 à L. 222-2-8-1 du code du sport, dans leur rédaction résultant de l’article 9 de la présente loi, s’appliquent à tout contrat de travail à durée déterminée conclu à compter de la publication de ladite loi. Pour les contrats à durée déterminée d’usage conclus avant cette même date dans le secteur du sport professionnel, ils s’appliquent à tout renouvellement de contrat ayant lieu après ladite date.
Mme la présidente. L'amendement n° 16 rectifié bis, présenté par MM. Lozach et D. Bailly, Mmes Cartron, Ghali, D. Michel et S. Robert, M. Carrère, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Remplacer ces alinéas par neuf alinéas ainsi rédigés :
3° bis L’article L. 231-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 231-6. – I – Les fédérations sportives délégataires assurent l’organisation de la surveillance médicale à laquelle sont soumis leurs licenciés inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau mentionnée au premier alinéa de l’article L. 221-2.
« Un arrêté du ministre chargé des sports définit la nature et la périodicité des examens médicaux qui sont assurés dans le cadre de cette surveillance.
« Les fédérations sportives délégataires peuvent définir des examens médicaux complémentaires adaptés à leur discipline sportive.
« II. – Les fédérations sportives délégataires assurent l’organisation de la surveillance médicale de leurs licenciés non-inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau mentionnée au premier alinéa de l’article L. 221-2 et reconnus dans le projet de performance fédéral mentionné à l’article L. 131-15.
« Ces fédérations définissent la nature et la périodicité des examens médicaux qui sont assurés dans le cadre de cette surveillance.
« Un arrêté du ministre chargé des sports fixe le cadre relatif au contenu et à la mise en œuvre de cette surveillance.
« III. – Les résultats des examens prévus aux I et II figurent dans le livret mentionné à l’article L. 231-7.
« La surveillance médicale prévue aux I et II ne dispense pas les employeurs des sportifs professionnels titulaires d’un contrat de travail de satisfaire aux obligations qui leur incombent en application du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail. » ;
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement, expression d’un consensus du mouvement sportif et de la médecine du sport, vise à adapter les examens médicaux aux spécificités de chaque discipline sportive, ce qui suppose de ne pas demander les mêmes examens à tous les pratiquants concernés, comme c’est le cas aujourd’hui. Il convient d’individualiser et de personnaliser ces examens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 43, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. – Au second alinéa de l’article L. 2323-85 du code du travail, après le mot : « sportif » sont insérés les mots : « , arbitre ou juge ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Il convient de compléter l’article L. 2323-85 du code du travail qui mentionne l’avis du comité d’entreprise sur la conclusion d’une convention destinée à faciliter l’emploi d’un sportif de haut niveau et d’étendre cet avis aux conventions concernant également les arbitres et les juges de haut niveau. Ce point, déjà évoqué lors de la discussion générale, a fait l’objet d’un consensus.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 44, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article 6 de la loi n° 2004-1366 du 15 décembre 2004 portant diverses dispositions relatives au sport professionnel est abrogé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de conséquence avec la nouvelle rédaction de l’article L. 222-2 du code du sport, l’article 6 de la loi n° 2004-1366 portant diverses dispositions relatives au sport professionnel étant devenu sans objet.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer les mots :
Les articles 7 et 8 de la présente loi entrent
par les mots :
L’article 8 de la présente loi entre
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Cet amendement tend à ne pas différer l’entrée en vigueur de la protection au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles instaurée par l’article 7 de la présente proposition de loi en faveur des sportifs de haut niveau et à permettre, grâce à un décret d’application, sa mise en œuvre pour les échéances olympiques de 2016.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 15, modifié.
(L'article 15 est adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme la présidente de la commission de la culture, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, mes très chers collègues, au terme de ce processus législatif, qui a commencé à l’Assemblée nationale et s’est poursuivi au sein de la Haute Assemblée, je tiens à vous exprimer toute ma satisfaction, quant à la qualité du travail qui nous a rassemblés autour d’un enjeu d’intérêt général.
Monsieur le secrétaire d’État, voilà un an, vous évoquiez la nécessité d’élaborer un statut pour les sportifs de haut niveau et les professionnels du secteur. Aujourd’hui, nous assistons à l’aboutissement de ce travail, auquel les uns et les autres ont concouru utilement.
Je félicite tout particulièrement M. le rapporteur, qui a animé nos débats tout en restant constamment en lien, d’une part, avec les représentants des différents groupes, d’autre part, avec le ministère.
Ce travail prouve une fois de plus, si besoin en était, la nécessité du bicamérisme…
M. René Danesi. En effet !
M. Guillaume Arnell. Tout à fait !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. … pour aboutir à des textes de loi complets, répondant à des enjeux majeurs. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Nous avons pu vérifier la nécessité d’élaborer un tel statut pour les sportifs, sur le terrain et, plus précisément, à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, l’INSEP, où nous nous sommes rendus sur l’initiative de M. le rapporteur. À cette occasion, nous avons pu converser avec une escrimeuse prénommée Cécilia. Nous avons auditionné une autre escrimeuse, Astrid Guyart, laquelle est ingénieur chez Airbus. Tous les témoignages convergeaient : ce statut était absolument nécessaire.
Cela étant, la commission de la culture compte, au nombre de ses attributions, les questions d’éducation. À ce titre, elle consacre actuellement une mission d’information à l’orientation des jeunes. Or accompagner chez les jeunes les futurs talents sportifs en leur garantissant une formation, puis une insertion sportive, c’est aussi l’une des missions du Parlement.
À mon sens, cette proposition de loi, telle que le Sénat vient de la compléter par voie d’amendement, sera une étape utile dans cette réflexion que nous dédions à l’orientation et au devenir des jeunes.
« L’important c’est de participer », disait Pierre de Coubertin. Claude Kern a déjà rappelé cette formule, pour se réjouir que tous aient concouru à l’élaboration de ce texte. Je la reprends à mon tour. Le Gouvernement a pu constater le travail que nous avons accompli ici, au Sénat.
C’est bien sûr avec enthousiasme que je voterai cette proposition de loi, à l’instar de mes collègues ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. Bien entendu, les membres du groupe socialiste et républicain voteront cette proposition de loi. Celle-ci, je le rappelle, procède d’une initiative socialiste. De surcroît, elle a été débattue dans le cadre de la niche réservée audit groupe.
Ce texte a su fédérer à l’Assemblée nationale. Il va, je le pense et l’espère, également fédérer à la Haute Assemblée.
Le Sénat n’a nullement dénaturé, affaibli ou fragilisé cette proposition de loi. Au contraire, il l’a enrichie, et nous nous en félicitons. Sur le fond, ce texte représente une véritable avancée, pour les sportifs de haut niveau en particulier et pour le sport en général, tant les liens sont étroits entre, d’une part, le sport d’élite, et, de l’autre, le sport de masse.
Certes, le nombre de personnes directement concernées peut sembler minime : la France dénombre 6 581 sportifs de haut niveau, 6 500 sportifs professionnels, 1 300 entraîneurs professionnels.
Néanmoins, étant donné le rôle et la fonction que joue aujourd’hui le sport dans notre société, le présent texte est loin d’être sans importance. J’en veux pour preuve, pour citer un événement récent, le nombre de téléspectateurs ayant regardé samedi soir le match de rugby qui a opposé la France à la Nouvelle-Zélande.
M. Jean-Claude Lenoir. Quel mauvais souvenir !
M. Jean-Jacques Lozach. Jamais l’audimat n’a été aussi élevé, notamment pour TF1, au cours de la présente année.
Le sport mérite également d’autres avancées. Aussi avons-nous examiné divers amendements d’appel. L’ensemble des orateurs ont évoqué la question des agents sportifs. D’autres domaines auraient pu être abordés : je songe par exemple à la gouvernance des fédérations sportives qui se révèle parfois défaillante ici ou là. Toutefois, je ne doute pas que la Grande Conférence sur le sport professionnel français fera évoluer un certain nombre de situations.
Monsieur le secrétaire d’État, je le répète, les membres du groupe socialiste et républicain voteront ce texte, et ce avec enthousiasme. Nous sommes déjà impatients d’assister à son application ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Mes chers collègues, les membres du RDSE ont l’habitude d’apporter leur pleine contribution aux débats, ce pour l’ensemble des textes examinés par le Sénat. Quelles que soient les circonstances, notre groupe est fidèle à son esprit d’ouverture, animé du souci de faciliter les améliorations législatives.
Vous l’aurez remarqué, en la matière, nous avons été particulièrement dociles : c’est là la preuve que le présent texte était nécessaire et qu’il est, somme toute, de nature consensuelle.
Aussi, les membres du RDSE, à l’unanimité,…
M. Guillaume Arnell. … sont extrêmement favorables au présent texte, qu’ils voteront, à la fois pour apporter un statut qui manquait jusqu’à présent au monde du sport et pour éviter le retour de certaines dérives, que nous avons connues il n’y a pas si longtemps encore. (M. Didier Guillaume, Mme Colette Mélot et M. Michel Savin, rapporteur, applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Je peux le dire au nom de tous les membres du groupe CRC ici présents : c’est un plaisir de prendre part à de tels débats ! C’est, me semble-t-il, la première fois depuis mon élection au Sénat que j’observe un tel consensus dans cet hémicycle.
M. Jean-Claude Lenoir. Il y a eu d’autres occasions !
Mme Christine Prunaud. Je ne l’ai pas précisé lors de la discussion générale, mais il va sans dire que les membres du groupe CRC voteront le présent texte.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez accompli un énorme travail, mais, vous l’avez souligné avec raison, tout texte de loi peut être amélioré. Je vous remercie d’avoir, d’entrée de jeu, adopté cette position ! (M. Dominique Bailly applaudit.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je constate que cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, au risque de vous choquer, je ne vous adresserai pas de remerciements : en effet, ce sont les sportifs de haut niveau qui vous remercient !
L’été prochain, vous suivrez certainement les jeux Olympiques et Paralympiques. Si nos sportifs se surpassent, vous y serez pour quelque chose. Ils avaient réellement besoin, d’une part, d’être mieux protégés, de l’autre, d’être mieux reconnus.
Tel est l’esprit dans lequel nous avons élaboré le présent texte. À cet égard, je remercie de la qualité de son travail M. le rapporteur, qui, d’emblée, a placé l’intérêt général au-dessus de toute autre considération. Je remercie également Didier Guillaume et les autres membres du groupe socialiste et républicain – c’est en effet au sein d’une « niche » socialiste que le présent texte a pu être examiné –, ainsi que tous les sénateurs qui ont concouru à ce travail. Merci à vous, et merci pour nos sportifs ! (Applaudissements.)
11
Candidature à un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. Mes chers collègues, M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique.
La candidature de Mme Dominique Estrosi-Sassone est proposée par la commission des affaires économiques.
Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
12
Devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre
Discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre (proposition n° 376 [2014-2015], résultat des travaux de la commission n° 75, rapport n° 74).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un drame qui nous a fait prendre conscience de l’ampleur du chemin à parcourir sur le front de la responsabilité sociétale des entreprises, la RSE.
Oui, il aura fallu un drame pour nous rappeler à nos responsabilités ; pour nous rappeler que ce que nous percevons aujourd’hui comme un acte banal, l’achat de nos vêtements par exemple, masque en fait une réalité bien plus sombre, celle d’une filière, le textile-habillement, au sein des chaînes de production et des champs de coton, dans les pays où s’approvisionnent les grands donneurs d’ordre et les importateurs.
D’autres chaînes d’approvisionnement, comme la téléphonie mobile, sont également concernées.
Ce drame qui nous oblige collectivement, c’est celui du Rana Plaza, immeuble dont l’effondrement, survenu au mois d’avril 2013, a causé 1 200 morts et 2 500 blessés ; les travailleurs concernés sont en grande majorité des femmes.
Vous le savez, le Gouvernement français a réagi dès le lendemain de cette tragédie, notamment en saisissant son point de contact national, ou PCN, pour faire la lumière sur les responsabilités, en réalité partagées entre les donneurs d’ordre, les fournisseurs, les autorités locales étrangères, et même le consommateur final.
Le PCN a proposé des solutions inspirées des principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, à l’intention des entreprises multinationales. Il a, en particulier, suggéré des mesures de diligence raisonnable pour éviter que de tels drames ne se reproduisent.
Le rapport remis par le PCN à Nicole Bricq – je la salue –, alors ministre du commerce extérieur, quoique publié en décembre 2013, reste d’actualité.
Au lendemain de cette tragédie, les acteurs de la société civile se sont fortement mobilisés. Nous les en remercions vivement, car ils jouent un rôle essentiel d’aiguillon des pouvoirs publics. Ils nous permettent de progresser ensemble vers une mondialisation mieux régulée, vers des comportements d’entreprises responsables, soucieuses de l’incidence de leur activité sur les droits humains et sur l’environnement.
Aujourd’hui, la France est à la pointe en matière de responsabilité sociétale des entreprises. À ce titre, la plateforme RSE joue un rôle essentiel de dialogue et de concertation en associant l’ensemble des acteurs concernés à l’échelon national. En outre, dans le secteur privé, les entreprises françaises réalisent de très bonnes performances en matière de RSE, comme le prouvent des études récentes.
Forte de ce rôle d’avant-garde, la France s’emploie à promouvoir la responsabilité sociétale des entreprises. Le rôle précurseur qu’elle a pu jouer aux plans européen et international pour la transparence en matière de RSE, grâce à la loi de 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, puis à la loi dite « Grenelle II » de 2010, l’a montré sans ambiguïté.
La France a également apporté une contribution décisive à l’adoption par l’Union européenne, le 22 octobre 2014, de la directive relative au reporting non financier. Ce document fixe pour la première fois un cadre de transparence RSE à l’échelon européen. Il prévoit en particulier une transparence pour les procédures de vigilance instaurées par les grandes entreprises européennes au sein de leur chaîne de production.
De surcroît, notre pays a œuvré très activement pour l’adoption, le 26 juin 2014, de la première déclaration ministérielle sur la conduite responsable des entreprises multinationales, à l’occasion du forum mondial consacré à la RSE.
Enfin, le G7 a fait des enjeux sociaux et environnementaux dans les chaînes d’approvisionnement mondiales l’une de ses priorités. La France a joué un rôle on ne peut plus actif dans la promotion de cet agenda, qui permet de poursuivre nos efforts.
C’est dans cette démarche d’exemplarité française en matière de RSE qu’il convient d’inscrire l’examen de la proposition de loi soumise aujourd’hui au Sénat.
Le Gouvernement est favorable à l’instauration d’un devoir de vigilance permettant d’améliorer la détection et la prévention des risques liés à l’activité des grandes entreprises multinationales, en amont de tout dommage.
La proposition de loi initiale relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, déposée à la fin de l’année 2013 par Dominique Potier et Danielle Auroi, avait permis, au lendemain du drame du Rana Plaza, de faire écho à la mobilisation de la société civile et de démontrer la détermination du Parlement à renforcer la responsabilité sociale des entreprises multinationales.
Le Gouvernement partage pleinement l’objectif d’une vigilance renforcée dans les chaînes d’approvisionnement, en particulier auprès des sous-traitants, afin d’identifier les risques et de prévenir les accidents.
Toutefois, la proposition de loi initiale soulevait de très sérieuses difficultés juridiques, notamment en matière de compatibilité avec les principes du droit de la responsabilité et les règles du droit international privé.
À cet égard, et même si certains aspects de sa rédaction pourraient sans doute être améliorés dans l’esprit du texte, la nouvelle proposition de loi, déposée par Bruno Le Roux, Dominique Potier et d’autres députés, qui vise précisément à résoudre les difficultés juridiques soulevées par le texte initial, offre une réelle occasion de progresser en la matière.
Le Gouvernement a donc soutenu cette proposition de loi ambitieuse et équilibrée lors de son examen en première lecture à l’Assemblée nationale.
Le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 30 mars dernier et qui vous est aujourd’hui présenté, mesdames, messieurs les sénateurs, impose aux grandes entreprises, celles dont les effectifs sont supérieurs à 5 000 salariés en France ou à 10 000 à l’échelle mondiale, d’établir et de mettre en œuvre de manière effective un plan de vigilance.
Ces seuils permettent de cibler l’obligation sur les grandes entreprises, qui, en raison de leur taille, sont susceptibles de disposer d’une chaîne d’approvisionnement particulièrement vaste et de mener des activités nombreuses et variées dans plusieurs pays du monde. Ces sociétés sont également capables de se doter d’outils de suivi et de contrôle plus perfectionnés que de plus petites entreprises, lesquelles ne sont donc pas concernées par cette proposition de loi.
Le plan de vigilance devra comporter des mesures de vigilance dite « raisonnable », permettant d’identifier et de prévenir un certain nombre de risques : les atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, les dommages corporels ou environnementaux graves, les risques sanitaires, ou encore les comportements de corruption.
Les activités de la société, mais également des sociétés qu’elle contrôle, de ses sous-traitants et de ses fournisseurs seront concernées.
En cas de non-respect de cette obligation de vigilance, la justice, saisie par une personne ayant un intérêt à agir, pourra enjoindre à l’entreprise de se conformer aux exigences de la loi.
Ce texte permettra d’exiger des grandes entreprises, en tout cas de celles qui n’en auraient pas déjà engagé volontairement, des actions concrètes de vigilance. D’autre part, grâce à cette proposition de loi, les comportements les plus vertueux en matière de RSE pourront être mis en valeur.
Je tiens à le souligner, ce texte contient déjà un certain nombre d’éléments susceptibles d’assurer un bon niveau de sécurité juridique et de prévisibilité aux entreprises.
Tout d’abord, les modalités du plan de vigilance mentionné à l’article 1er seront précisées par décret en Conseil d’État, ce qui permettra de définir précisément les obligations auxquelles seront soumises les entreprises entrant dans le champ de la loi. Par ailleurs, le contenu du plan de vigilance fera référence aux nombreux travaux internationaux réalisés et reconnus.
Ensuite, le régime de responsabilité prévu à l’article 2 est clair et déjà connu des entreprises. En particulier, il exclut toute présomption de faute ; l’objectif poursuivi par les auteurs de cette proposition de loi est en effet avant tout l’amélioration de la prévention.
L’examen de ce texte s’inscrit, en outre, dans le contexte de la transposition, qui doit intervenir avant le mois de décembre 2016, de la directive du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations non financières et d’informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes.
Cette directive, dite « RSE », prévoit notamment que les entreprises concernées présentent une déclaration non financière, comprenant en particulier les procédures de diligence raisonnable mises en œuvre. Le Gouvernement va procéder aux travaux préalables et à des consultations pour la bonne prise en compte des nouvelles obligations résultant de cette directive.
Le présent texte constitue ainsi une avancée, à la fois ambitieuse et raisonnée, pour maintenir la France au premier plan en matière de responsabilité sociétale des entreprises, sans nuire à la compétitivité de celles-ci.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a l’intention non pas d’isoler notre pays par rapport à l’action commune de l’Union européenne, mais, tout simplement, d’adresser un signal de mobilisation en interpellant la Commission, mais aussi tous les acteurs économiques et sociaux concernés par les propositions contenues dans ce texte.
Une prise de conscience est nécessaire. Pour partie déjà réalisée, elle doit se poursuivre. Ainsi, dans le cadre de la directive telle qu’elle devra être mise en œuvre et transposée dans notre droit national avant le mois de décembre 2016, nous disposerons de structures positives et dynamiques, afin que la qualité, le respect et l’éthique des entreprises françaises et européennes soient considérés aux meilleurs standards.
Cela ne pourra que profiter à nos entreprises et non leur nuire (Protestations dubitatives sur les travées du groupe Les Républicains.),…
M. Jean-Claude Lenoir. C’est à voir !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. … comme certains ne cessent de l’affirmer, sur différentes travées, refusant de croire à la capacité de la communauté internationale d’avancer. Les mêmes pensaient qu’il était impossible de lutter contre les paradis fiscaux dans le cadre de l’OCDE. C’est pourtant bien ce qui s’est passé, parce que nous avons été capables de porter non des paroles de repli ou de timidité, mais une ambition raisonnable.
Nous cherchons non pas à adopter une posture qui nous amènerait à nous isoler de la communauté internationale, mais, tout au contraire, à nous placer au cœur de la mobilisation de la communauté internationale, en premier lieu de l’Union européenne, afin de réaliser les avancées qu’exigent la dignité, la responsabilité des entreprises et l’humanisme qui, je l’espère, nous rassemblent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Lenoir. Le discours sera sans doute différent ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chacun se souvient des images terribles de l’effondrement du Rana Plaza intervenu dans la banlieue de Dacca, au Bangladesh, au mois d’avril 2013. Je vous rappelle le nombre effrayant de victimes : 1 134 décédés, sans compter les blessés et les familles des victimes.
Il est vrai qu’une bonne part des ateliers de confection installés dans cet immeuble étaient des sous-traitants indirects de grandes marques internationales, dont des marques françaises.
Le fonds d’indemnisation des victimes, le Rana Plaza Donors Trust Fund, créé en janvier 2014 sous l’égide de l’Organisation internationale du travail et alimenté de façon volontaire par des donateurs publics ou privés, dont l’État du Bangladesh et de grandes entreprises du textile, a atteint en juin dernier le nécessaire montant de 30 millions de dollars.
Cela étant, est-il normal de devoir mettre en place un tel système pour indemniser les victimes ? Évidemment non !
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui aurait-elle permis de contribuer à cette indemnisation, s’agissant des entreprises françaises ? Sans doute pas.
Aurait-elle permis d’éviter ce drame ? Je ne le crois pas non plus.
Ce sont les défaillances de la législation civile et pénale et de l’administration du Bangladesh qui ont empêché de prévenir cette tragédie et d’indemniser les victimes. Les règles de sécurité au travail, les conditions de travail et, tout simplement, les règles de construction et leur contrôle ne sont pas les mêmes que chez nous. Est-ce la faute des entreprises françaises ? Non, bien sûr !
L’enjeu, c’est le développement : il faut aider ces pays, qui sont les ateliers du monde, à améliorer le sort de leurs travailleurs et à se doter d’un système juridique efficace pour sanctionner et indemniser de tels dommages sur leur territoire.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je suis convaincu de la justesse du combat des ONG qui s’impliquent sur cette question ; je les ai reçues en audition. Mais quel est l’outil le plus adapté pour atteindre leurs objectifs ? Je doute que ce soit cette proposition de loi.
Certes, l’objectif de faire contribuer les entreprises françaises au respect des droits de l’homme, des normes sanitaires et environnementales et à la lutte contre la corruption dans le monde entier est vertueux. Beaucoup a toutefois été fait depuis une quinzaine d’années, sur l’initiative des gouvernements successifs et dans une grande continuité, pour renforcer les obligations des grandes sociétés en matière de publication d’informations sociales et environnementales, pour rendre compte de l’incidence sociale et environnementale de leurs activités, et ainsi les inciter à limiter les éventuelles conséquences négatives.
Les grandes entreprises y ont d’ailleurs intérêt, car la réputation est un atout commercial à préserver.
Citons d’abord la loi relative aux nouvelles régulations économiques de 2001, puis la loi Grenelle de 2010. Nous aurons bientôt l’occasion d’aller plus loin dans ce domaine, avec la directive du 22 octobre 2014 relative à la publication d’informations non financières par les grandes entreprises, premier texte européen dans ce domaine, qui devra être transposée d’ici au mois de décembre 2016.
Les entreprises devront publier des informations sur leur politique de prévention des risques en matière sociale et environnementale, de droits de l’homme et de corruption, et rendre compte des procédures de diligence raisonnable qu’elles mettent en œuvre à cette fin.
Alors que ces entreprises partagent des objectifs, la présente proposition de loi va pourtant compliquer le travail de transposition de ladite directive. Que penser, dès lors, du texte soumis aujourd’hui à l’examen du Sénat ?
Monsieur le secrétaire d'État, devant l’Assemblée nationale, le 30 mars dernier, vous avez affirmé que ce texte était « robuste juridiquement ». Certes, nous venons de loin ! Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les propositions de loi antérieures de nos collègues députés sur le même sujet. Mais s’il y a bien quelque chose que l’on ne peut pas dire de ce texte, c’est qu’il est robuste juridiquement, tant ses lacunes, ses imprécisions et ses ambiguïtés sont nombreuses, ce que je vais vous démontrer.
On peut s’interroger sur la portée extraterritoriale implicite de cette proposition de loi, dès lors que le plan de vigilance devrait s’étendre aux sous-traitants et aux fournisseurs étrangers, ce que ce texte ne mentionne pas explicitement. Et n’oublions pas le risque d’ingérence dans la gestion des sous-traitants.
Relevons aussi la généralité et l’imprécision des normes de référence du plan de vigilance : sont-ce les principes directeurs des Nations unies ou de l’OCDE, les exigences du droit français, le droit local étranger ? Le renvoi au décret ne règle pas cette question.
La procédure permettant d’enjoindre à une société de remplir ses obligations de vigilance ou de lui infliger une amende civile de 10 millions d’euros est, elle aussi, pleine d’incertitudes ou d’omissions rédactionnelles. Quel juge faut-il saisir ? Qui prononce l’amende et dans quels cas précis ? Le texte ne le précise pas.
Le plus intéressant reste le régime de responsabilité prévu à l’article 2. Certes, il renvoie aux règles de droit commun du code civil, mais la portée réelle de la responsabilité de la société qui doit établir le plan de vigilance est incertaine, dès lors que ce plan s’étend jusqu’aux sous-traitants étrangers. On est proche ici de la responsabilité pour faute d’autrui.
De plus, en permettant aux associations, par un mécanisme de renvoi vers l’article 1er, d’engager cette action en responsabilité, le texte instaure une forme inédite d’action de groupe, sans garanties procédurales et sans mandat des victimes, par procureur privé.
Avec ce mécanisme, une association, qu’elle soit française ou étrangère, pourrait saisir le juge français, au nom de victimes étrangères, pour un dommage réalisé à l’étranger du fait d’un sous-traitant étranger de troisième ou quatrième rang, sous prétexte qu’il devrait entrer dans le périmètre du plan de vigilance ! Est-ce raisonnable ? Est-ce bien ce que l’on recherche ?
Ces imprécisions soulèvent des interrogations d’ordre constitutionnel quant à de possibles atteintes au principe de clarté de la loi, à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, au principe de responsabilité et au principe selon lequel nul ne plaide par procureur.
Je pourrais également développer l’idée que ce texte – dépourvu de toute évaluation préalable ! – risque de porter une atteinte disproportionnée à la compétitivité des entreprises françaises et à l’attractivité de la France, alors même que les législations étrangères comparables sont de portée ou d’ampleur plus limitées.
Les entreprises étrangères intervenant sur le marché français ne seraient pas soumises aux mêmes obligations, qui créeraient, en outre, des distorsions de concurrence sur le marché européen.
Ces obligations auraient une incidence sur les PME françaises sous-traitantes, du fait de l’extension du plan, et imposeraient des coûts de mise en œuvre et de contrôle du plan de vigilance, non évalués, à l’ensemble des chaînes d’approvisionnement des grands groupes industriels en France et à l’étranger.
En dernier lieu – je le sais, cette observation est contestée par certains, mais elle est importante d’un point de vue économique –, l’Union européenne est le niveau le plus pertinent pour traiter des préoccupations qui ont conduit à l’élaboration de cette proposition de loi, sur le fondement de la directive de 2014, afin d’assurer une équité de traitement des entreprises européennes. Les entreprises françaises ne peuvent pas être les seules concernées ; c’est le sens d’une résolution adoptée par le Parlement européen au mois d’avril dernier.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des lois a rejeté ce texte et propose au Sénat de le faire à son tour en adoptant les trois amendements de suppression que je présenterai. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, chacun de nous a été bouleversé par le drame des victimes du Rana Plaza.
Chacun de nous s’est senti écœuré devant des pratiques qui bafouent les droits de l’homme.
Chacun de nous est d’autant plus mal à l’aise que les entreprises à l’origine de ces pratiques sont les nôtres, et non des moindres, puisqu’il s’agit de grandes entreprises occidentales du prêt-à-porter, qui construisent leur croissance sur l’exploitation de la misère humaine.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Anne-Catherine Loisier. C’est pourquoi l’examen de ce texte est aujourd’hui scruté par de nombreuses ONG et associations et par beaucoup de citoyens, révoltés par ces pratiques, qui, sous couvert d’une chaîne de production globalisée et mondialisée, portent atteinte aux droits de l’homme ou aux écosystèmes.
Il est légitime que le Sénat, Haute Assemblée historiquement attachée au respect et à la défense des droits de l’homme, s’exprime sur ce débat.
Je m’étonne toutefois que les commissions des affaires économiques et du développement durable n’aient pas demandé à être saisies pour avis sur ce texte.
Il s’agit pourtant aussi d’une question économique, et c’est d’ailleurs à ce titre que beaucoup parmi nous le rejettent.
Nous n’ignorons pas que, derrière ceux qui ne savent pas, où ne veulent pas connaître les conditions réelles de production de leurs usines ou de leurs sous-traitants du bout du monde, il y a ceux qui abusent et profitent du système.
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Anne-Catherine Loisier. Nous savons bien que les engagements éthiques affichés ne sont pas toujours respectés…
Dans le monde de l’exploitation forestière, que je connais un peu, certains grands investisseurs ne s’embarrassent pas des pratiques respectueuses de l’environnement qu’ils affichent pourtant dans leur rapport annuel de développement durable.
En réaction, depuis quelques années, la prise de conscience grandit.
En France, une succession de textes ont étendu les obligations en matière de responsabilité sociétale des entreprises, ou RSE, notamment la loi Grenelle II en 2010 concernant la publication des sociétés mères et de leurs filiales en termes de responsabilité sociale et environnementale, ou encore l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme en 2013.
Dernièrement, la directive européenne du 22 octobre 2014 portant sur les informations non financières, et la résolution du Parlement européen du 29 avril 2015 présentée par le groupe centriste, ont engagé l’Europe sur ce sujet majeur.
Nombre de dispositifs incitatifs et de recommandations existent, portés par les organisations internationales, mais ces démarches volontaires et non contraignantes sont notoirement insuffisantes.
Alors, faut-il envisager en France, comme nous y invitent les signataires de la proposition de loi, un cadre juridique renforcé consacrant le principe d’une responsabilité du fait d’autrui dans des conditions beaucoup plus larges que ne le préconise le droit français, à savoir en l’étendant à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et de sous-traitance ?
M. Roland Courteau. Oui !
Mme Anne-Catherine Loisier. Faut-il prescrire aux seules entreprises françaises un « plan de vigilance » qui revient à instaurer une présomption de responsabilité pour des faits commis par des entités juridiques, tiers ou sous-traitants, soumises à une influence dite « déterminante » ?
M. Roland Courteau. Oui !
Mme Anne-Catherine Loisier. Concrètement, comment les entreprises françaises vont-elles gérer, en dehors de tout cadre juridique international établi, la dimension extraterritoriale de ces plans avec des sous-traitants étrangers ?
Mes chers collègues, derrière l’inévitable renforcement du cadre juridique, on voit bien poindre de nouvelles contraintes réglementaires qui, en cas d’adoption de cette proposition de loi, ne s’appliqueraient qu’aux seules entreprises françaises.
M. Joël Labbé. Les autres pays suivront !
Mme Anne-Catherine Loisier. C’est là le problème majeur de ce texte, qui fait porter exclusivement sur les entreprises françaises, outre la culpabilité, la charge de moraliser les pratiques mondialisées des grandes multinationales, toutes condamnables soient-elles.
Non seulement ce texte créera une distorsion de concurrence au détriment des entreprises françaises et fragilisera encore l’attractivité de notre pays, mais, plus grave, il n’aura qu’une portée limitée aux seules multinationales françaises et ne changera pas la réalité et les conditions matérielles des millions de travailleurs concernés.
M. Roland Courteau. Que faire, alors ?
Mme Anne-Catherine Loisier. Si l’on se fonde sur une analyse comparative, on constate qu’aucun autre État ne dispose d’une législation d’un champ aussi étendu que celui qui est envisagé par les auteurs de la présente proposition de loi.
M. Didier Marie. Ils ont tort !
Mme Anne-Catherine Loisier. En outre, l’arsenal législatif français présente déjà certaines dispositions relatives à la responsabilité pénale des personnes morales, et impose de nombreuses obligations de contrôle des activités des filiales, y compris celles qui sont implantées à l’étranger.
Sur le fond, c’est surtout la question de l’imputation à des organes ou des représentants identifiés qui est soulevée par cette proposition de loi, avec notamment la responsabilité pénale et l’indemnisation des victimes en cas de catastrophe. Nous partageons cet objectif louable, mais, pour être efficace, la réponse ne doit pas reposer exclusivement sur les entreprises françaises.
Dans un contexte de mondialisation, le devoir de vigilance est un principe de responsabilité qui doit s’imposer à toutes les entreprises, à l’échelle européenne et internationale, faute de quoi tout cela ne sera qu’un coup d’épée dans l’eau !
Pourquoi la France n’impulse-t-elle pas des décisions européennes ?
Pourquoi la France ne prend-elle pas l’initiative, en transposant au plus vite certaines dispositions de la directive européenne d’octobre 2014 qui ne figurent pas encore dans le droit français ? M. le secrétaire d’État nous a laissés entrevoir une évolution en ce sens. Cela constituerait déjà une étape importante dans l’élaboration d’un cadre européen commun en matière de RSE !
Pourquoi la France n’utilise-t-elle pas la fenêtre offerte par la COP 21, pour diffuser ce message, créer les conditions d’une négociation internationale et faire porter en ce sens une proposition auprès de l’Organisation mondiale du commerce ?
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, seule une réponse internationale permettra d’apporter des solutions à la hauteur des enjeux globaux dont il est question.
Seule une réponse internationale permettra tout à la fois de lever les incertitudes juridiques, de dissiper les inquiétudes suscitées chez les entreprises françaises en évitant toute distorsion des règles, et, surtout, de faire évoluer réellement les législations dans les pays concernés.
Quelles sont les normes de référence qui permettront de juger des atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, ainsi que des risques sanitaires et environnementaux ? S’agira-t-il de normes nationales ou bien étrangères ?
Quelles seront les conséquences juridiques de cette nouvelle forme d’injonction, qui pourrait désormais être sollicitée par « toute personne justifiant d’un intérêt à agir » ?
Quelles seront les modalités d’application du plan de vigilance et des « conditions du suivi de sa mise en œuvre effective » dans les pays étrangers ?
Le groupe UDI-UC soutient la mise en place d’un dispositif international contraignant à même de prévenir les risques d’atteintes aux droits de l’homme, de dommages corporels, environnementaux et sanitaires, ainsi que les comportements de corruption.
Mais, aujourd’hui, dans sa majorité, il rejettera ce texte, considérant, outre les incertitudes juridiques et économiques soulevées, que le problème tient davantage à l’absence de dispositifs contraignants à l’échelle européenne et internationale qu’à une législation française qu’il s’agirait ici de durcir de manière unilatérale, alors qu’elle est déjà parmi les plus exigeantes en la matière. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les accidents révoltants qui ont conduit nos collègues de l’Assemblée nationale à prendre l’initiative d’un texte de loi. Leur démarche était évidente, nécessaire, légitime.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui est un texte important, puisqu’il a pour objectif une gestion préventive des risques d’atteinte aux droits de l’homme, des risques environnementaux et sanitaires ainsi que des risques de corruption, active ou passive, par les entreprises transnationales ayant leur siège social en France.
La proposition de loi vise à une meilleure responsabilisation des sociétés mères pour les actions de leurs filiales et de leurs sous-traitants. Il s’agit d’éviter la survenance de drames en France, et d’obtenir des réparations pour les victimes en cas de dommages portant atteinte aux droits humains et à l’environnement.
Ce texte institue un devoir de vigilance contraignant tout en s’inscrivant dans la problématique, plus large, de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
Il existe déjà des outils en matière de vigilance : la diligence raisonnable, la vigilance telle que définie par la norme ISO 26 000, les principes directeurs de l’OCDE, le reporting extra-financier européen ou encore la procédure de gestion des risques telle qu’envisagée dans la loi de juillet 2014, pour ne citer que ces quelques exemples.
Dans cette proposition de loi, et c’est là tout l’intérêt de ce texte, le devoir de vigilance devient obligatoire. En effet, le plan de vigilance permettra une cartographie des risques pays par pays, une contractualisation des obligations de RSE, une procédure d’alerte, des audits sociaux et environnementaux à tous les niveaux de la chaîne de valeur, des mesures de prévention de la sous-traitance en cascade, des mesures d’information et de consultation des organisations syndicales, la formation des salariés. Ce n’est pas rien !
Ce plan de vigilance pourrait même, à terme, fournir le socle d’une généralisation de la notation extra-financière, qui, pour l’instant, découle d’une action volontaire. Rappelons que la démarche RSE s’appuie sur l’intérêt à agir des entreprises, qui considèrent que la vertu peut être un atout de compétitivité.
En effet, dans un jeu concurrentiel non faussé, les entreprises ont intérêt à faire preuve de la plus grande transparence et à mettre leurs valeurs en avant comme autant d’atouts dans la compétition.
Le libéralisme sans règle est une jungle et, contrairement à ceux qui méconnaissent le sujet – j’en ai déjà entendu ici –, il ne s’agit pas de gêner les entreprises, mais, au contraire, de leur donner un levier compétitif supplémentaire.
De nombreuses entreprises ont fait le choix du mieux-disant social et environnemental, et ce texte est là pour les encourager en ce sens. Cette démarche ne fera pas fuir les investisseurs ; au contraire, elle sera de nature à les rassurer.
Sous la pression de la société civile, certaines entreprises ont en effet intégré depuis quelques années le « devoir moral » qui leur incombe.
C’est l’insécurité juridique que veulent à tout prix éviter les acteurs du marché : cette proposition de loi répond en partie à ces préoccupations.
C’est d’ailleurs pour cette raison que quelques grands groupes, ayant compris que ce texte permettra aussi de sécuriser l’environnement juridique dans lequel ils évoluent, soutiennent cette proposition de loi. Je rappelle également que, si nous ne légiférons pas, c’est in fine la jurisprudence qui s’appliquera, et je ne suis pas certaine que c’est ce que demandent les entreprises !
M. Roland Courteau. Très juste !
Mme Évelyne Didier. Enfin, cette proposition de loi constitue pour nous, parlementaires du groupe CRC, qui avons cette sensibilité, un pas supplémentaire dans la lutte contre les paradis fiscaux, la fraude fiscale et le dumping social, bref pour un véritable développement durable dans un monde globalisé.
C’est pourquoi nous pensons que ce texte s’inscrit dans la modernité, dans une vision à long terme, à rebours du « court-termisme » qui caractérise trop souvent certaines prises de position.
Certes, nous pensons qu’il faut aller plus loin et, en écho à la proposition de loi que nos collègues du groupe GDR ont déposée sur le même sujet à l’Assemblée nationale, nous aurions souhaité présenter des amendements visant notamment à clarifier les éléments du plan de vigilance et le champ d’application de cette obligation.
Nous souhaitions également que soit renforcé le caractère effectif des mesures de vigilance exigées de l’entreprise et que la charge de la preuve soit inversée afin de faciliter l’action des victimes.
Enfin, nous voulions préciser la nature de la responsabilité des sociétés mères, ou encore revenir sur l’amende civile prévue par ce texte afin de renforcer sa conventionnalité.
Toutefois, la démarche choisie par le rapporteur en commission nous privera certainement de la possibilité de défendre ces amendements.
Nous, membres du groupe CRC, sommes contre le système capitaliste et nous rêvons d’un monde où la cupidité ne serait pas le moteur de l’économie. Pour autant, lorsque la société s’avance vers plus de contrôle, de transparence et de régulation, nous devons accompagner ce mouvement et nous emparer des outils susceptibles de faire bouger les choses dans le bon sens.
La RSE, c’est maintenant !
M. Roland Courteau. Bien dit !
Mme Évelyne Didier. C’est pourquoi nous apportons notre soutien à cette démarche de responsabilisation volontaire.
Notre devoir de vigilance à nous, parlementaires, est en tout état de cause de défendre l’intérêt général, et pas exclusivement celui de l’entreprise, comme nous l’entendons trop souvent sur certains bancs, et, bien entendu, de veiller à l’application effective des lois que nous votons.
Enfin, je tenais à ajouter que, par respect pour l’initiative parlementaire, si nous avons déposé différents amendements, leur défense aurait été commune, limitée, afin que la discussion de cette proposition de loi puisse tenir dans les délais impartis. Manifestement, nous n’aurons pas le temps de terminer ce soir, et je le regrette.
Quoi qu’il en soit, comme vous l’aurez compris, le groupe CRC votera ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi arrive tout de même en séance publique, ce dont nous nous réjouissons, je l’avoue. Elle pourra ainsi poursuivre sa route législative.
Sincèrement, quels puissants intérêts ont-ils bien pu agir pour que ce texte connaisse cette course d’obstacles, et suscite cette volonté d’obstruction, qui vous a conduit, monsieur le rapporteur, à exhumer, dans un premier temps, une motion préjudicielle, utilisée une fois depuis la Seconde Guerre mondiale et tombée en désuétude depuis, et ce contre tous les usages de la Haute Assemblée, respectueuse des droits de l’opposition et fidèle à l’esprit de la Constitution ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. On en reparlera !
M. Didier Marie. Quels puissants intérêts vous ont-ils amené à proposer trois amendements de suppression des trois articles de cette proposition de loi, plutôt que de discuter du fond,…
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’intérêt général !
M. Didier Marie. … comme l’ont fait vos collègues de l'Assemblée nationale, qui, au final, ne s’y sont pas opposés ?
M. Roland Courteau. Très bien ! Il faut le rappeler !
M. Didier Marie. Ce texte a été proposé en janvier 2015 par les quatre groupes de gauche de l'Assemblée nationale,…
Mme Évelyne Didier. Très juste !
M. Didier Marie. … puis repris en mars dernier par le groupe socialiste après discussion avec le Gouvernement, et adopté à l’unanimité. Il est le fruit d’intenses échanges avec l’ensemble des syndicats et de très nombreuses organisations non gouvernementales, dont je veux saluer ici l’engagement.
Si nous portons aujourd'hui cette proposition de loi, c’est parce que la politique prime le laisser-faire, que la régulation prime la loi du profit, que l’humanisme prime la loi de la jungle économique.
C’est parce que nous ne voulons plus connaître de drames comme celui du Rana Plaza, où 1 135 personnes ont trouvé la mort il y a deux ans.
C’est parce que nous n’acceptons pas qu’au dumping social s’ajoute un dumping sur les droits humains et sur l’environnement.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Didier Marie. C’est parce que nous ne tolérons pas que, dans le but de maximiser les profits, certes à des milliers de kilomètres d’ici – cela garantit peut-être une forme de confidentialité à ceux qui usent de cette pratique –, des femmes, des hommes, des enfants travaillent dans des conditions inhumaines, sans hygiène, sans sécurité, douze heures par jour, six jours sur sept, pour des salaires de misère, sans protection sociale et souvent avec force brimades.
M. Roland Courteau. C’est scandaleux !
M. Didier Marie. À l’heure de la globalisation, du village planétaire, le droit des affaires n’a pas évolué aussi vite que la mondialisation et n’a pas pris en compte la complexité croissante de la chaîne qui relie les donneurs d’ordre à leurs filiales et à leurs sous-traitants, laissant un vide de nature à favoriser l’émergence d’un monde sans foi ni loi où le seul goût du profit justifie cette forme d’esclavagisme moderne.
Tous ici, je l’espère, nous considérons que cette situation est inacceptable. Mais certains pensent qu’il faut laisser le marché s’autoréguler, que les bonnes pratiques l’emporteront sur les pratiques détestables et estiment que, s’il convenait d’agir, ce ne pourrait être qu’à l’échelle internationale, repoussant ainsi les échéances dans l’attente d’un éventuel consensus.
Cette posture, chers collègues, est tout d’abord contraire à l’histoire de notre pays, à celle des droits de l’homme. Elle est aussi contraire à l’exercice de notre souveraineté nationale.
La question qui nous est posée ici est celle du prix de la valeur humaine dans la chaîne de production. C’est cette même question qui était au cœur des débats relatifs à l’esclavage que notre pays s’honore d’avoir aboli avant les autres.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Didier Marie. D’un côté, se trouvaient déjà ceux qui considéraient que cette forme d’exploitation contribuait au dynamisme économique, à la compétitivité de nos entreprises.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. C’est grotesque !
M. Didier Marie. Ils ont résisté à l’abolition de l’esclavage au nom de l’efficacité économique, au motif que la France s’affaiblirait si elle prenait cette décision avant les autres. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roland Courteau. Il fallait le rappeler !
M. Bruno Retailleau. Alors que vous vendez des armes à Riyad !
M. Didier Marie. De l’autre côté, dans la droite ligne de Montesquieu, Voltaire ou encore Rousseau, se rangeaient ceux, tels l’abbé Grégoire, puis Victor Schœlcher, qui plaçaient le droit humain au-dessus du droit du commerce et considéraient que l’économie était au service de l’homme, et non l’inverse, et qu’elle devait contribuer au progrès social et à un monde meilleur.
M. Roland Courteau. Excellent !
Mme Évelyne Didier. C’est évident, tellement évident !
M. Didier Marie. À chaque fois qu’il fut question de d’avancées en faveur des droits humains, il y eut des résistances ; on pourrait citer d’autres exemples, comme la protection des ouvriers face aux accidents du travail.
À chaque fois qu’il fut question de transparence, comme il y a un siècle, avec l’imposition d’une comptabilité certifiée, il y eut résistance. Pour autant, la France n’a pas hésité à montrer la voie, à agir, alors que l’Europe et le monde tardaient à le faire.
Plus récemment, ce fut encore le cas lorsque Jacques Chirac décida d’imposer une taxe sur les transports aériens pour venir en aide à des organismes internationaux de lutte contre le sous-développement et les financer.
M. Roland Courteau. Très juste !
M. Didier Marie. Ce fut aussi le cas lorsque notre pays, avec la loi de 2001 relative aux nouvelles régulations économiques et la loi de 2010 portant engagement national pour l’environnement, ou Grenelle 2, imposa aux entreprises de communiquer sur les conséquences sociales et environnementales de leur activité, ouvrant ainsi la voie à l’adoption de la directive européenne sur le reporting extra-financier.
En posant le principe de prévention et en le rendant obligatoire, et donc sa violation passible de sanction, cette proposition de loi rappelle qu’il existe une autre voie, celle de la responsabilité et de la régulation, celle qui civilise, humanise et érige en modèle une économie saine qui concilie progrès économique, progrès social et développement durable.
Mme Évelyne Didier. Très bien !
M. Didier Marie. Ce texte s’articule autour de deux axes : d’une part, l’instauration d’un devoir de vigilance, couvrant l’ensemble des domaines de la responsabilité sociétale des entreprises, qu’elle soit sociale ou environnementale, qu’elle concerne la lutte contre la corruption ou le respect des droits de l’homme ; d’autre part, l’habilitation du juge à vérifier que ces obligations sont respectées et, le cas échéant, à sanctionner les violations par une amende civile d’un montant maximum de 10 millions d’euros.
Ainsi que cela a été souligné par les orateurs qui m’ont précédé à cette tribune, beaucoup d’entreprises se sont déjà engagées dans cette voie. Cette nouvelle obligation ne pèsera donc que sur celles qui n’auront pas encore mis en œuvre ces bonnes pratiques et permettra, en cas de carence ou de non-respect, d’engager leur responsabilité si jamais une catastrophe survenait ou si des dommages étaient subis.
Ce texte est au service des entreprises, et beaucoup le soutiennent.
Mme Évelyne Didier. C’est vrai !
M. Didier Marie. Il permettra de soutenir la marque « France », de valoriser les entreprises vertueuses, de rétablir des conditions de concurrence équitables et plus justes entre les entreprises qui produisent sur le sol français et celles qui délocalisent pour pratiquer le dumping social et environnemental.
Il constitue aussi un facteur de sécurité pour les entreprises qui, en choisissant des chaînes de production de plus en plus complexes et de moins en moins lisibles pour le consommateur et les pouvoirs publics, ont l’illusion de contourner à leur avantage des contraintes qu’elles jugent trop rigides, alors qu’elles s’exposent en fait à de nouveaux risques financiers et extra-financiers : indemnisation de victimes en cas d’accidents, sous-traitance sauvage, réputation entachée.
Ces entreprises gagneront en compétitivité en raisonnant en termes de coût total de possession, en fiabilisant leur chaîne de valeurs et en se préservant d’éventuels accidents, de pollutions, de conflits sociaux qui, au final, impacteraient le coût produit.
La prévention coûte toujours moins cher que la réparation.
M. Roland Courteau. C’est certain !
M. Didier Marie. Avec ce devoir de vigilance, les entreprises gagneront la confiance des consommateurs, à l’heure où l’opinion publique est de plus en plus sensible au comportement des entreprises dans ses dimensions éthique et environnementale.
Monsieur le rapporteur, la France n’est pas seule. Elle est en pointe.
Ce texte s’inscrit dans le cadre des principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme adoptés à l’unanimité en 2011 par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, et s’inspire des préconisations formulées par l’OCDE, ainsi que des directives de l’Organisation internationale du travail. Il répond par ailleurs aux attentes de la Commission européenne, qui encourage vivement les États membres à transposer dans leur droit interne les principes des Nations unies.
Plusieurs pays avancent en ce sens : le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne, la Suisse, mais aussi le Canada et les États-Unis.
Avec ce texte, la France ira plus loin, car il couvre la totalité du champ de la responsabilité, ouvrant ainsi la voie à l’élaboration d’une directive européenne, pour répondre aux souhaits exprimés par le Parlement européen en mai 2015.
Ces principes juridiques internationaux sont le socle de cette proposition de loi, et la notion de « mesure de vigilance raisonnable » transcrite dans ce texte figure à la dix-septième place des principes directeurs retenus par les Nations unies. Il s’agit d’une obligation de moyens et non de résultat.
Cette proposition de loi est efficace parce qu’elle concerne plus de 20 % des cinquante grandes entreprises européennes, 80 % du commerce international réalisé par la France et les deux tiers des échanges avec les pays hors de l’OCDE.
Cette proposition de loi est solide juridiquement,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Didier Marie. … car elle s’appuie sur le droit commun, que ce soit pour la définition de ce que doit être une relation commerciale établie, l’engagement de la responsabilité civile ou l’intérêt à agir.
Ce texte prône un commerce des valeurs et non pas celui du moins-disant et de la dérégulation mondiale.
Trente ans après la catastrophe de Bhopal, vingt-cinq ans après le désastre pétrolier de Chevron, en Équateur (MM. les sénateurs du groupe Les Républicains s’impatientent.), seize ans après la marée noire provoquée par le naufrage de l’Erika et deux ans après l’accident survenu au Rana Plaza, il est temps de combler le retard du droit en matière d’encadrement des activités des multinationales.
M. Rémy Pointereau. Il a dépassé son temps de parole d’une minute !
M. Didier Marie. Je sais que nous pouvons compter sur le soutien des sénatrices et des sénateurs de gauche.
Mme la présidente. Vous avez épuisé votre temps de parole, monsieur Marie !
M. Didier Marie. J’en suis convaincu, il y a aujourd'hui, à droite et au centre, des élus,…
Mme la présidente. Monsieur Marie, il faut conclure maintenant !
M. Didier Marie. … par ailleurs investis dans des actions humanistes, qui considèrent que la valeur humaine est supérieure à celle de l’argent. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je rappelle que la présente proposition de loi a été inscrite par la conférence des présidents dans le cadre de l’ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain, pour une durée de quatre heures.
Il est presque dix-huit heures trente, les quatre heures seront bientôt écoulées et M. le secrétaire d’État doit nous quitter. Aussi, avec l’accord du président Didier Guillaume, je me vois dans l’obligation d’interrompre l’examen de ce texte, dont la discussion reprendra le mercredi 18 novembre prochain.
Avant donc de passer à la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Déplacés environnementaux
Adoption d’une proposition de résolution
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe écologiste, de la proposition de résolution visant à la promotion de mesures de prévention et de protection des déplacés environnementaux, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution par Mme Esther Benbassa et plusieurs de ses collègues (proposition n° 632 [2014-2015]).
Dans le débat, la parole est à Mme Esther Benbassa, auteur de la proposition de résolution.
Mme Esther Benbassa, auteur de la proposition de résolution. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’actualité ne cesse de nous rappeler notre vulnérabilité face aux forces de la nature. Sécheresses, inondations, cyclones, tremblements de terre, glissements de terrain, crues glaciaires et fonte du pergélisol, fonte glaciaire et érosion du littoral sont autant de bouleversements environnementaux qui entraînent la dégradation des conditions de vie des populations humaines, jusqu’à menacer parfois leur survie.
L’Agenda pour la protection des personnes déplacées au-delà des frontières dans un contexte de catastrophes naturelles et de changement climatique, établi dans le cadre de l’initiative Nansen, projet lancé en 2012 par la Norvège et la Suisse et dont les parties prenantes se sont réunies à Genève pas plus tard que les 12 et 13 octobre dernier, fait apparaître que 184,4 millions de personnes au total ont été déplacées entre 2008 et 2014 en contexte de catastrophe, ce qui correspond à 26,4 millions de personnes nouvellement déplacées chaque année au cours de cette période ; le nombre des déplacés pourrait atteindre les 200 millions en 2050.
Sur les 26,4 millions de personnes déplacées en moyenne chaque année, 22,5 millions migrent en raison d’aléas liés à la météorologie ou au climat, tandis que les autres le font à la suite de l’élévation du niveau des mers, de la désertification et de la dégradation environnementale.
Les travaux scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, sont venus conforter ce constat.
Dès 1990, le GIEC avait averti la communauté internationale des mouvements de population qui pourraient découler du changement climatique. En 2012, puis en 2014, il a réitéré l’expression de ses inquiétudes, en assurant que l’augmentation de la fréquence et/ou de l’intensité des catastrophes compromettrait la survie ou les moyens de subsistance des populations, entraînant des déplacements susceptibles d’exercer de nouvelles pressions dans les régions d’accueil ; il a souligné la nécessité d’agir en faveur d’une protection de ces populations.
L’appréhension de ces flux migratoires n’est pas simple. C’est ainsi qu’une multitude de dénominations ont été adoptées, en particulier celles de « réfugiés environnementaux », de « réfugiés climatiques », de « migrants environnementaux » et de « déplacés environnementaux ». Au vrai, les expressions varient selon les chercheurs, les organisations non gouvernementales ou internationales et les responsables politiques, ce qui conduit à une confusion générale.
La qualification de « réfugiés environnementaux » a été vivement condamnée par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, qui a fait valoir qu’elle ne reposait sur aucun fondement en droit international des réfugiés, contrairement au cas des « réfugiés politiques ». Pour leur part, les experts conviennent d’adopter l’expression « déplacés environnementaux », que préfèrent également les populations concernées.
En pratique, ces déplacements spécifiques ont lieu majoritairement à l’intérieur des États. Quant aux déplacements interétatiques, c’est-à-dire ceux qui conduisent au franchissement d’une frontière internationale, ils se déroulent essentiellement entre États du Sud. Ces deux faits s’expliquent notamment par la vulnérabilité particulière des populations du Sud et par leur manque de moyens, qui les forcent à gagner uniquement des régions proches de leur lieu de vie de départ.
De l’ensemble de ces considérations découle un constat inquiétant : les pays du Sud, victimes directes de la dégradation de l’environnement et de catastrophes naturelles toujours plus intenses, supportent et supporteront le fardeau des migrations environnementales, alors même que les pays développés ont été historiquement et demeurent les principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre et, par conséquent, du réchauffement climatique et de ses retombées, au nombre desquelles il faut compter les déplacements de populations.
Qui n’a pas entendu parler de ces petits États insulaires du Pacifique et des Caraïbes qui, menacés de voir leurs îles disparaître sous la montée des eaux, s’inquiètent pour l’avenir de leurs populations ?
Pourtant, il n’existe à l’heure actuelle aucun instrument juridique assurant aux déplacés environnementaux une protection globale et effective.
Lors de la seizième conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui s’est tenue à Cancún en 2010, la thématique des déplacés environnementaux a été envisagée selon une approche particulière, celle de l’adaptation au changement climatique. En d’autres termes, la migration serait un moyen d’anticiper et d’éviter, dans la mesure du possible, les effets néfastes de l’évolution du climat.
À ce titre, les accords de Cancún invitent les parties à adopter des « mesures propres à favoriser la compréhension, la coordination et la coopération concernant les déplacements, les migrations et la réinstallation planifiée par suite des changements climatiques, selon les besoins, aux niveaux national, régional et international ».
Là-dessus, l’initiative Nansen a été lancée pour atteindre un consensus entre les États intéressés en ce qui concerne la meilleure manière de traiter les déplacements transfrontaliers dans le contexte des catastrophes naturelles, liées au climat ou à la géophysique. Lors de la consultation intergouvernementale globale qu’elle a organisée dans ce cadre voilà quelques jours, les États ont adopté un instrument non contraignant : l’Agenda pour la protection des personnes déplacées au-delà des frontières dans un contexte de catastrophes naturelles et de changement climatique, qui regroupe et analyse les principes fondamentaux et les pratiques effectives des États en la matière.
Reste que le droit international n’indique toujours pas explicitement si les personnes déplacées en cas de catastrophe doivent être admises dans un autre pays, ni, dans l’affirmative, dans quelles circonstances elles doivent l’être, de quels droits elles doivent disposer pendant leur séjour dans le pays concerné et dans quelles conditions elles peuvent être rapatriées ou trouver une autre solution durable.
L’ensemble de ces considérations démontre la nécessité pour tous les États de coopérer afin de penser des mesures de prévention et de protection. Tel est précisément l’objet de la proposition de résolution que je vous invite, mes chers collègues, à adopter.
Si, comme je l’ai expliqué il y a quelques instants, les migrations environnementales ont lieu principalement entre États du Sud, il revient aux pays « développés », historiquement grands émetteurs de gaz à effet de serre, d’aider ces pays à protéger les personnes déplacées, compte tenu du principe des responsabilités communes mais différenciées, et de leur fournir un soutien financier et technique.
La vingt et unième conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, dite « COP 21 », qui se tiendra au Bourget à partir du 30 novembre prochain, sera un cadre propice à la discussion de cette problématique.
En adoptant la présente proposition de résolution, notre assemblée inciterait la France, en lui donnant la primauté, à « promouvoir, dans le cadre de la COP 21 ainsi qu’au sein des institutions européennes et internationales, la mise en œuvre de mesures de prévention et de protection des déplacés environnementaux présents ou à venir, qui ne bénéficient aujourd’hui d’aucune reconnaissance ». (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans quelques semaines, la communauté internationale aura la responsabilité historique de trouver un accord universel permettant de lutter efficacement contre le dérèglement climatique et d’accélérer la transition vers des sociétés et des économies résilientes et sobres en carbone. La protection des victimes du dérèglement climatique est l’un des problèmes auxquels la COP 21 devra apporter une réponse.
Les travaux menés dans le cadre de l’initiative Nansen, auxquels les auteurs de la proposition de loi font référence, en particulier le programme de protection, constituent sans aucun doute une base précieuse pour identifier des pratiques efficaces dans ce domaine.
Il est désormais reconnu que le dérèglement climatique et ses conséquences - sécheresse, accès à l’eau potable et réduction de la superficie des terres agricoles - aggravent la vulnérabilité des populations et la multiplication des conflits armés.
S’il est difficile de prévoir l’ampleur du phénomène à venir – on parle de 200 à 250 millions de personnes concernées en 2050 –, on constate d’ores et déjà les conséquences du dérèglement climatique dans nombre de territoires. Nous pensons bien sûr aux inondations au Bangladesh et dans le delta du Nil, à la submersion d’archipels comme les îles Tuvalu et Kiribati, à la fonte du permafrost des terres des Inuits d’Amérique du Nord, du Canada et du Groenland, et à la sécheresse de la bande sahélienne en Afrique de l’Ouest. Tous ces phénomènes climatiques ont et auront des répercussions sur les populations, les cultures, les modes de vie et, en définitive, la survie des peuples.
C’est pourquoi nous partageons la volonté des auteurs de la proposition de résolution de promouvoir « la mise en œuvre de mesures de prévention et de protection des déplacés environnementaux présents ou à venir, qui ne bénéficient aujourd’hui d’aucune reconnaissance ».
Il est urgent non seulement de prendre des dispositions pour atténuer le dérèglement climatique, mais également de mettre en place des outils d’adaptation pour répondre aux besoins de ces populations.
Dès la quinzième conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui s’est tenue à Copenhague, l’alliance des petits pays insulaires avait souligné que l’objectif de limiter à deux degrés Celsius l’augmentation moyenne de la température sur le globe ne permettrait pas de protéger leurs territoires, en sorte que leurs populations seraient de toute façon obligées de quitter leur pays.
Parce que les conséquences du dérèglement climatique sont déjà là, la COP 21 doit absolument déboucher sur des engagements de nature à répondre aux défis qui s’imposent à l’humanité tout entière !
En ce qui concerne plus particulièrement les déplacés climatiques, les résultats de la conférence mondiale sur la réduction des risques de catastrophe, qui s’est tenue en mars dernier au Japon, donnent un premier aperçu de la difficulté. Lors de ces travaux, en effet, aucune demande de renforcement du droit international public n’a été faite en faveur de ces populations au niveau des Nations unies. Or, ne bénéficiant pas de la protection de la convention de Genève sur les réfugiés, ce que l’on peut comprendre, ces migrants n’ont ni statut ni protection juridiques.
Dans le même temps, plusieurs juristes s’interrogent sur la pertinence d’un élargissement de la protection garantie par cette convention de 1951 aux déplacés environnementaux : ceux-ci restant à l’intérieur de leur pays, un statut international serait finalement assez inopérant.
Le problème n’est décidément pas simple !
Au-delà du statut juridique, on se demande quelle protection humanitaire et quelles mesures d’accompagnement peuvent être mises en place.
La migration a-t-elle vocation à être considérée comme une stratégie d’adaptation climatique qui viserait à sécuriser les revenus des déplacés en leur permettant de ne plus vivre dans les régions à risque, d’aller voir ailleurs ? Cette stratégie d’adaptation a été reconnue notamment lors de la conférence sur le climat de Cancún, en 2010, qui a prévu la possibilité de recourir au Fonds vert pour le climat afin de soutenir, au titre du financement d’adaptation, des politiques de migration et de déplacements de populations.
En tout état de cause, il est nécessaire d’aboutir à un accord global multilatéral afin de répondre aux besoins des déplacés climatiques, un besoin déjà pressant et qui va s’amplifier. Cet accord aurait une portée plus large que les statuts régionaux spécifiques existants, comme l’accord trouvé entre l’État des Tuvalu et la Nouvelle-Zélande.
Cependant, la question de la protection des déplacés environnementaux ne saurait trouver de réponse satisfaisante si on l’isole au sein des causes de migrations. En réalité, les migrants sont contraints de quitter leur vie et leur pays en raison de facteurs multiples : la guerre, la faim, le climat, les persécutions, et tout cela s’additionne !
C’est pourquoi nous considérons que la COP 21 doit prendre en compte non seulement l’urgence écologique, mais aussi l’urgence sociale. En définitive, c’est un seul et même combat ! Les inégalités entre les riches et les pauvres, entre le Nord et le Sud, en sont les symptômes criants. Nous rejoignons d’ailleurs ceux qui dénoncent la dette écologique du Nord vis-à-vis du Sud.
Lors du sommet des Nations unies qui s’est déroulé à New York du 25 au 27 septembre dernier ont été adoptés de nouveaux objectifs mondiaux pour le développement durable. La lutte contre l’extrême pauvreté est au centre des préoccupations. Or tous les objectifs pour le Millénaire – on le sait bien – n’ont pas été atteints. Dès lors, parviendrons-nous à atteindre ces nouveaux objectifs ?
Les contradictions entre réalités économiques et impératifs climatiques n’ont pas été dépassées. Lutter contre le dérèglement climatique implique de lutter contre la pauvreté, l’exploitation humaine, et de changer de paradigme économique. On ne peut pas se contenter de dégager des solutions contraintes par une économie de marché mondialisée telle que celle qui est vécue aujourd’hui. Comme le disait Albert Einstein, nous ne pouvons pas résoudre les problèmes avec la même façon de penser que celle qui les a engendrés.
Il s’agit bien de changer de modèle.
Ces dernières années, on a pu mesurer les conséquences de la sécheresse sur la diminution des récoltes : elle entraîne des famines, des conflits et une exploitation de la misère par des mouvements extrémistes et terroristes.
La spéculation sur les matières premières agricoles aggrave la situation de manière indécente. Aujourd’hui, qui peut affirmer en conscience que cette spéculation fait partie du « business » normal et que l’on doit laisser faire le marché ?
Alors que des murs s’élèvent dans le monde pour repousser les peuples qui fuient la guerre, la pauvreté et la misère ou pour se protéger de ceux qui pourraient bientôt demander refuge, la question des déplacés environnementaux retentit avec plus de force que jamais !
Nous voyons combien il est difficile de régler la question de ces personnes qui se mettent en mouvement et qui cherchent un refuge ailleurs. Il va nous falloir prendre ce problème à bras-le-corps, et dès maintenant.
Si l’on devait résumer, il faut que tous ensemble nous réaffirmions ici la nécessaire solidarité entre les hommes et la fraternité qui doit prévaloir, solidarité et fraternité sans lesquelles nous perdrons notre humanité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question qui nous occupe est aussi vieille que la Bible. Pourtant, compte tenu de l’évolution de nos connaissances sur les conséquences des gaz à effet de serre, nous savons que la situation va s’aggraver.
En effet, malgré tous les efforts entrepris – cent cinquante pays responsables de 90 % des émissions de gaz à effet de serre ont déposé leur contribution à la COP 21 –, nous ne sommes pas en situation de garantir la baisse des émissions de CO2 à l’horizon de 2030 ou même de 2050.
C’est là tout l’enjeu de la COP 21 !
Pire, le niveau de la mer s’élèvera et la fréquence des catastrophes naturelles augmentera de plus en plus, ce qui est d’ailleurs notable depuis le début des années soixante-dix, ainsi que le montrent un certain nombre d’études. Outre le fait qu’elles sont plus fréquentes, ces catastrophes naturelles ont des conséquences de plus en plus graves puisque, aujourd’hui, elles font se déplacer deux à trois fois plus de personnes en moyenne qu’il y a quarante ans !
C’est dans ce contexte que nous sommes amenés à réfléchir à la situation des déplacés environnementaux.
Bien entendu, les catastrophes sont de plusieurs types. Certaines sont brutales et entraînent la fuite des individus, comme, par exemple, les inondations ou les tremblements de terre – ces derniers ne découlant pas directement du réchauffement climatique.
D’autres sont des phénomènes plus insidieux et conduisent à la désertification des terres, à des changements d’équilibre dans les secteurs de l’agriculture ou de l’élevage. Ce type de catastrophes ne permet pas de déterminer facilement les motivations des individus qui quittent un territoire. Il est parfois difficile de savoir s’il s’agit de motivations climatiques ou économiques. Dans ce dernier cas, la motivation naît simplement de l’impossibilité d’atteindre un niveau de vie suffisant. Certaines manifestations sont donc prévisibles et continues, quand d’autres se révèlent, au contraire, brutales.
Ces événements rendent également le monde plus imprévisible, pour les compagnies d’assurances notamment, mais aussi pour l’ensemble des acteurs économiques. En réalité, ces catastrophes peuvent tous nous toucher et peuvent se déclencher partout ! Ainsi, l’augmentation du niveau des mers concerne un certain nombre de mégapoles. Je pense, en particulier, à Tokyo, Hong-Kong ou New York. C’est dans un tel contexte qu’il faut examiner la question des déplacés climatiques et s’interroger sur la manière de l’aborder.
Un certain nombre d’études réalisées en 2013 sur des phénomènes climatiques ayant entraîné des déplacements de population montrent qu’il y a 27 millions de déplacés climatiques ou environnementaux en moyenne par an. En 2010, le phénomène a même connu un pic, avec 43 millions de déplacés en raison de catastrophes naturelles. En 2013, on dénombrait 5 millions de déplacés pour le seul archipel des Philippines !
Certaines zones sont particulièrement visées, comme la bande sahélienne, l’Amérique latine, les Caraïbes ou encore l’ensemble de l’Asie du Sud-Est.
Les dernières catastrophes naturelles nous obligent à tirer quelques enseignements.
Premièrement, les migrations liées à des catastrophes naturelles ne sont pas exclusivement provoquées par les catastrophes naturelles en tant que telles. Bien entendu, lorsqu’il s’agit de fuir devant une inondation, le déplacement est immédiat, rapide et s’effectue dans un lieu proche. Mais, sur un plus long terme, ces migrations dépendent aussi de phénomènes migratoires plus classiques qui précédaient l’événement.
Deuxièmement, la migration n’est pas toujours la conséquence de l’impossibilité de s’adapter à une nouvelle situation climatique.
Troisièmement, les migrations qui interviennent à la suite d’un phénomène climatique ponctuel ou d’une catastrophe naturelle peuvent s’inscrire dans la durée. Cela est vrai, en particulier, pour les jeunes, ce qui est source de difficultés pour les territoires concernés lorsqu’ils cherchent à se reconstruire.
Je formulerai une dernière remarque : les personnes qui fuient devant les catastrophes naturelles le font uniquement lorsqu’elles ont les moyens de fuir ! Les individus plus vulnérables restent sur place et rendent la reconstruction de leur pays encore plus difficile.
Il ne faut donc pas seulement s’intéresser à ceux qui fuient et qui s’installent ailleurs. Il faut également développer l’aide en faveur de ceux qui n’ont pas les moyens de migrer, de ceux qui restent sur place parce qu’ils sont les plus démunis. La question qui nous est posée n’est donc pas tout à fait la même que celle du droit d’asile.
Pour toutes ces raisons, il faut se poser la question de la nécessité d’un statut spécifique pour ceux qui sont contraints de quitter leur pays à la suite d’une catastrophe naturelle ou d’une évolution des conditions environnementales là où ils vivent. Ce problème mérite d’être pris en considération, tout en sachant que, vivre dans un État signifie avoir des droits. En effet, on ne parle pas de déclaration des droits de l’homme, mais bien de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen !
Sans État, sans patrie, vous ne pouvez pas exercer vos droits de la même manière ! Il est essentiel de réfléchir à tout cela, notamment dans le cadre de la COP 21. Je salue donc l’excellente initiative du groupe écologiste, qui a fait inscrire cette proposition de résolution à l’ordre du jour.
Il me semble difficile d’envisager une simple insertion des déplacés environnementaux dans la convention de Genève relative au statut des réfugiés. En effet, on a déjà bien du mal à faire respecter cette convention, comme on le voit quotidiennement, la nuit dernière encore, à la frontière entre la Slovénie et la Croatie. Il est donc préférable de ne pas mélanger les thématiques.
Ensuite, on ne peut pas non plus ajouter un simple protocole sur ce sujet dans le cadre de la COP 21, car la situation est plus compliquée. Il existe différents types de déplacés environnementaux, selon qu’il s’agit notamment de personnes fuyant des catastrophes ponctuelles ou des phénomènes qui, s’inscrivant dans la durée, rendent un territoire progressivement inhabitable.
Par conséquent, il me semble que la solution consiste probablement à élaborer une nouvelle convention, même si son adoption obéirait à des contraintes à peu près identiques à celles que l’on rencontre dans les négociations de la COP 21 : les États ont des responsabilités différenciées en matière d’évolution climatique – notre collègue Esther Benbassa l’a souligné – et ne peuvent donc pas être à égalité sur cette problématique du changement climatique. Il est important de prendre en compte l’exigence de protection des personnes déplacées dans le cadre de la COP 21.
Compte tenu de la priorité qui doit être donnée à la résolution de la cause,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. … ma première priorité est que la COP 21 réussisse ! Dans la foulée, il faut s’en inspirer pour élaborer une nouvelle convention prenant en compte les droits de personnes qui, aujourd’hui – je pense en particulier à Kiribati –, perdent leur État, leur citoyenneté et le droit d’avoir des droits !
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ajouterai quelques mots à l’intervention de notre collègue Esther Benbassa, auteur de la proposition de résolution.
À ce titre, je formulerai deux remarques.
En premier lieu, lorsque l’on parle des déplacés environnementaux et climatiques – le chiffre de 25 millions de déplacés circule –, on a tendance à se concentrer sur les causes, la montée des eaux et les catastrophes naturelles.
Pourtant, je voudrais rappeler que la principale cause de ces déplacements est avant tout, aujourd’hui, l’exode rural. Il y a quelques jours, nous avons accueilli au Sénat des journalistes du Soudan et du Niger. Nos interlocuteurs ont insisté sur le fait qu’à chaque sécheresse on observait une accélération de cet exode. (Mme Évelyne Didier opine.) Lorsque l’on regarde les événements récents – comme la sécheresse catastrophique en Syrie au début des années deux mille –, on s’aperçoit que la déstabilisation des sociétés, qui est largement imputable à l’exode rural, est probablement, aujourd’hui, l’une des principales conséquences du réchauffement climatique !
En second lieu, nous parlons d’un monde dont la température globale a augmenté d’à peu près un degré. Or les scientifiques du GIEC nous annoncent que le réchauffement climatique atteindra quatre à cinq degrés Celsius à la fin du XXIe siècle si le scénario du laisser-faire l’emporte.
Je n’affirmerai pas comme notre collègue Jean-Yves Leconte que la situation va s’aggraver. J’aurai plutôt tendance à dire qu’il ne faudrait surtout pas qu’elle s’aggrave par trop, car, si les températures augmentent de quatre à cinq degrés, il est clair que nous ne pourrons pas répondre à la question des déplacés du climat ! En effet, si ce sont des centaines de millions de personnes qui se mettent en mouvement, aucune société ne sera en capacité de les accueillir.
Il faut le dire avec force, il ne s’agira plus de s’interroger sur un statut juridique complexe, comme aujourd’hui. Quand on voit notre difficulté à accueillir aujourd’hui quelques millions de Syriens qui, eux, ont un véritable statut de réfugié, on peut imaginer ce que seront les problèmes d’un monde dans lequel les températures se seront élevées de quatre ou cinq degrés !
Cela veut bien dire que notre première priorité pour la COP 21 – y compris lorsque nous évoquons les déplacés climatiques – est celle de la stabilisation du climat.
Aujourd’hui, nous visons l’objectif d’une hausse des températures limitée à environ deux degrés. Nous n’y sommes pas encore, mais j’espère que la dynamique qui fera suite à la COP 21 permettra de crédibiliser ce scénario.
Cela signifie également que le scénario d’une hausse des températures limitée à un degré et demi correspond davantage à la problématique des réfugiés, puisque c’est à un tel niveau de réchauffement que l’on peut espérer limiter la montée du niveau de la mer et conserver les îles du Pacifique. Ce scénario a certes quelque peu disparu du débat public – l’attention se concentre trop sur le scénario à deux degrés Celsius de hausse –, mais il constitue un enjeu important face au risque d’une augmentation du nombre des réfugiés, même si celui-ci court sur un temps un peu plus long, car nous aurons réduit la rapidité du processus.
Donc, lorsque l’on évoque un statut pour les déplacés climatiques, on le fait bien dans le cadre d’une hausse maîtrisée des températures.
Tout l’intérêt de cette proposition de résolution est non seulement d’interpeller les États à quelques semaines de la COP 21, mais aussi de flécher un nouveau chapitre du texte en négociation. Ce chapitre, qui est sur la table depuis la COP 19 de Varsovie, est celui des pertes et dommages – en anglais, loss and damage. C’est certainement dans ce chapitre que nous devons insérer la question des déplacés environnementaux et climatiques.
Je voudrais aussi revenir sur l’initiative Nansen, dont Esther Benbassa a parlé. Dans ce cadre, cent dix États ont adopté un agenda pour la protection des personnes déplacées au-delà des frontières en contexte de catastrophes naturelles et de changement climatique. Certes, cent dix États, cela ne fait pas la totalité de la communauté internationale, mais je crois que cette impulsion donnée par la Norvège et la Suisse révèle aussi l’apparition d’un nouveau monde pour la résolution du climat.
Face à la difficulté de se mettre d’accord et de dépasser ses intérêts nationaux à cent quatre-vingt-seize États – c’est d’ailleurs l’image qui est souvent donnée par cette négociation climatique, qui n’avance pas et qui est victime des mêmes blocages d’année en année –, force est de constater qu’un monde s’est mis en mouvement en parallèle.
L’initiative Nansen, qui est assez forte, comme nous avons pu le constater à la mi-octobre, participe pleinement de ce monde en mouvement, composé de pays qui cherchent un consensus à partir d’une proposition de quelques États, au même titre, d’ailleurs, que l’agenda des solutions, porté avec détermination par la France à la COP de Paris ou que les contributions volontaires décidées à Durban, plutôt sur l’initiative des pays africains, pour dépasser les blocages théoriques autour de la question de la responsabilité commune et différenciée.
Finalement, ce monde de la résolution du climat est probablement moins un monde top-down, avec un accord entre États, qu’un monde bottom-up, dans lequel les uns et les autres, que ce soit les États, les collectivités locales ou les acteurs économiques, sont capables de créer des dynamiques, dont fait partie, je le répète, l’initiative Nansen en faveur des déplacés environnementaux.
À mon sens, adopter aujourd’hui cette résolution que nous vous proposons s’inscrit parfaitement dans ce monde en mouvement, coopératif et solidaire, seul capable de relever les nombreux défis environnementaux et sociaux liés aux dérèglements climatiques. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Esther Benbassa expose un vrai problème, et elle a raison de le faire.
L’Homme est-il face à la nature, ou avec la nature ? Le rapport à la nature n’est pas le même pour tous ; il diffère dans le temps et dans l’espace, selon les cultures et les croyances. En contemplant la Grande vague de Kanagawa, célèbre estampe du XIXe siècle de l’artiste japonais Hokusai, d’aucuns voient un tsunami, d’autres la haute mer, sous les traits en bleu de Prusse.
Le réchauffement climatique, la montée du niveau des mers et la multiplication des événements climatiques extrêmes, comme les inondations, les tsunamis ou la grande sécheresse, ainsi que leurs conséquences géopolitiques feront certainement émerger des vagues de migrations de populations qui en sont les victimes. Ces dernières seront d’abord et principalement originaires des pays les plus vulnérables et les moins développés.
Cependant, le lien entre ces déplacements et l’évolution du climat n’est pas toujours si évident. Ainsi faut-il tenir compte de l’ensemble des personnes qui fuient de manière générale des « ruptures environnementales » mettant en péril leur existence ou affectant sérieusement leurs conditions de vie, selon la notion retenue en 1985 par le Programme des Nations Unies pour l’environnement, le PNUE, ce qui permet d’englober également les catastrophes d’origine humaine.
Par ailleurs, nous devons garder à l’esprit que ces déplacements peuvent avoir lieu dans les pays industrialisés, même s’ils sont mieux préparés pour répondre à ce type de crise, et même si nous, de notre côté, croyons à la capacité humaine de réparer ses propres erreurs.
L’Organisation des Nations unies estime que le nombre de déplacés environnementaux s’élèvera à 250 millions en 2050, à l’intérieur ou à l’extérieur de leur État d’origine. La communauté internationale devra s’enquérir de leur sort pour ne pas agir dans la précipitation. Pour éviter les crises, l’anticipation est absolument indispensable.
Or, aujourd’hui, force est de constater que la communauté internationale peine déjà à apporter une réponse aux flux de migrants économiques et de réfugiés relevant du droit d’asile et protégés par la convention de 1951. À cet égard, il faut dire que la distinction entre les différentes raisons d’émigration ne va pas de soi.
Les déplacements environnementaux sont très majoritairement, et pour l’instant, internes aux États, et leur gestion relève à l’évidence de la responsabilité de ces derniers. Pour autant, ce constat ne doit pas avoir pour effet d’exclure la responsabilité de la communauté internationale, en particulier celle des États les plus pollueurs, en matière de dérèglement climatique.
Les initiatives régionales, comme celle de l’Union africaine, avec la convention de Kampala, n’offrent pas, en raison de leur caractère temporaire, des solutions pleinement satisfaisantes, comparées à celles que permet le cadre international, plus propice à la situation.
Les migrations temporaires peuvent être gérées ponctuellement, ce qui ne veut d’ailleurs pas dire facilement, mais qu’en est-il des situations où l’intégrité territoriale d’un État est menacée, ce qui arrive ? Comme s’interrogent les auteurs du récent rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères du Sénat sur les conséquences géostratégiques du dérèglement climatique, que deviennent ceux qui sont contraints de rester sur place ?
Sur la forme, la présente proposition de résolution présentée par Mme Benbassa ne peut normalement que nous rassembler.
Sur le fond, elle ne prétend pas apporter de solutions concrètes, cela serait présomptueux en l’état. Elle n’évoque d’ailleurs aucune mesure de prévention ou de protection effective.
Néanmoins, elle est bien le reflet, d’une part, d’une volonté commune et partagée d’agir et, de l’autre, des divergences sur les moyens à mettre en œuvre, qui mettent à mal toute tentative de gouvernance internationale dans l’ensemble de ces domaines.
Les auteurs de la proposition de résolution ont joué la prudence en s’abstenant d’évoquer un quelconque statut, qui impliquerait par définition des droits et des obligations. Ils nous invitent cependant à ne pas nous cacher indéfiniment derrière les joutes doctrinales pour justifier l’inaction.
Faut-il imposer un cadre contraignant que les États ne respectent pas forcément ou, au contraire, favoriser le droit souple basé sur la bonne volonté des États ? Pour défendre une position au niveau de la COP 21, ainsi qu’au sein des institutions européennes et internationales, encore faudrait-il se mettre d’accord au niveau national…
Si l’on peut agir en amont par une politique volontariste en matière de lutte contre le réchauffement climatique, nous nous devons aussi de mettre en place des mesures visant à protéger ceux qui ont déjà tout perdu et ceux qui subiront les conséquences d’un écosystème devenu hostile à l’avenir.
Le rapport d’information sénatorial de nos collègues Fabienne Keller et Yvon Collin, publié en septembre dernier, rappelle l’épineux problème des « financements climat », alors que la prise en charge en matière d’adaptation pour les pays les moins avancés d’ici à 2025-2030 représenterait un coût de 50 milliards de dollars par an, d’après le PNUE.
Les pays industrialisés, frappés par la crise budgétaire, peinent à alimenter le Fonds Vert pour le climat, acté en 2009 lors de la conférence de Copenhague, et qui doit atteindre les 100 milliards d’euros par an à compter de 2020, en vue de contribuer à la lutte contre les changements climatiques dans les pays en développement.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jacques Mézard. L’affectation de la moitié de ces financements aux États les plus vulnérables va dans le bon sens.
En dépit de ces nuances, et comme vous l’aurez compris, nous soutenons une approche active en la matière pour répondre de façon organisée et prospective à la problématique croissante des déplacés environnementaux. C’est la raison pour laquelle aucun membre du RDSE ne s’opposera à l’adoption de la présente proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le sujet de cette proposition de résolution est très important. En cela, l’initiative de notre collègue Esther Benbassa est positive.
Cependant, si le sujet est d’actualité et mérite une attention rigoureuse de notre part, il importe aussi de nous interroger sur la méthode. Est-ce que la proposition de résolution est le bon « vecteur » pour traiter une question si importante ?
Nous en doutons, tout d’abord au regard du calendrier.
Nous ne pouvons pas nous contenter d’une proposition de résolution soumise à l’approche d’une réunion internationale, si importante soit-elle, ce qui reviendrait à diminuer l’importance de ce sujet à part entière, dont les responsables politiques doivent se saisir. D’ailleurs, j’observe qu’ils ont commencé à le faire.
Nous avons également des doutes sur le fond, car il nous semble que cette proposition de résolution pose un problème juridique.
Premièrement, lorsque l’on travaille sur ce sujet, on constate que la notion de « déplacés environnementaux » fait débat chez les spécialistes et les démographes. De même, il serait inapproprié d’utiliser l’expression « réfugiés climatiques », dépourvue de définition légale et renvoyant au statut de « réfugié politique », clairement établi par la convention de Genève de 1951 et par le protocole de 1967.
Deuxièmement, arrêtons-nous sur les causes à l’origine des déplacements de populations.
L’étude de l’Institut national d’études démographiques, l’INED, publiée en mai dernier et intitulée Les migrations environnementales sont-elles mesurables ?, établit clairement que ces phénomènes procèdent de plusieurs facteurs. Les travaux de Jason Bremner et Lori Hunter, professeurs de sociologie à l’université du Colorado vont dans le même sens. Ils démontrent que ces migrations proviennent d’un « continuum de pressions environnementales » s’inscrivant dans un temps long. Ces pressions peuvent être la dégradation des sols, la raréfaction de terres arables, la désertification ou le stress hydrique.
Or notre pays participe à la lutte contre ces phénomènes, notamment au travers de notre politique d’aide au développement.
Par ailleurs, je souhaite vous rappeler les travaux de nos collègues Leila Aïchi, Cédric Perrin et Éliane Giraud. Dans leur rapport, Climat : vers un dérèglement géopolitique ?, adopté à l’unanimité par la commission des affaires étrangères du Sénat, ils ont reconnu et déploré que « l’absence d’une définition consensuelle de la notion de déplacés climatiques [ait] pour conséquence des estimations très variables selon les études et la méthodologie retenue ».
Dès lors, mes chers collègues, pour les législateurs que nous sommes, il serait inapproprié d’adopter une résolution utilisant une notion infondée juridiquement.
J’en reviens à nos doutes sur la forme. L’alinéa 9 indique que la France doit promouvoir, lors de la COP 21, la mise en œuvre de mesures en faveur des déplacés environnementaux, mais est-ce vraiment aux parlementaires de définir les ordres du jour des sommets internationaux ?
Le chef de la diplomatie est le Président de la République, et je rappelle que, si la France accueille et préside la COP 21, l’organisation de l’événement est également gérée par le secrétariat des Nations unies dédié à la COP.
Mes chers collègues, je pense qu’il n’est pas bon que nous nous dispersions. Au nom du groupe Les Républicains, je tiens à souligner que la priorité de la COP 21 est de parvenir à un nouvel accord, universel et contraignant, limitant le réchauffement climatique en deçà de deux degrés. La tâche diplomatique de la France étant déjà ardue, veillons à ne pas brouiller notre message diplomatique un mois avant la conférence.
Je voudrais enfin attirer votre attention sur un autre point. Cette proposition de résolution mentionne les mesures de prévention et de protection. La question des migrations environnementales et leur caractère irréversible renferment des enjeux territoriaux très larges, qui méritent d’être traités par une approche dépassant les seuls concepts de prévention et de protection des populations.
En effet, face à la gravité des risques, il serait plus pertinent que les États mettent en place des politiques d’anticipation de ces migrations. Reconnaissons qu’une politique de prévention est insuffisante dans les cas de submersion de territoires insulaires ou de violentes inondations ravageant les littoraux. Il s’agit donc non pas d’être pessimiste, mais d’être réactif.
L’ampleur des risques appelle la mise en place « d’analyses stratégiques des déplacés climatiques » intégrant tant les politiques d’anticipation et la culture du risque que les facteurs de dérèglement sécuritaire que peuvent engendrer les déplacements de populations.
La France a mentionné ce type de risque dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, mais il n’y a pas de programme dédié dans la loi de programmation militaire, malgré sa révision.
À cet égard, les travaux menés par le département de la défense américain sur les effets sécuritaires et économiques des déplacés climatiques peuvent être instructifs, tout comme les conséquences de l’ouragan Katrina.
En réalité, je regrette que l’alinéa 9 n’invite pas le Gouvernement à se doter d’une réflexion stratégique globale sur les risques et les migrations pouvant en découler. Celle-ci pourrait être menée par les ministères de l’intérieur et de la défense, ainsi que par les services de l’aménagement du territoire.
Plusieurs rapports du Sénat vont en ce sens et contiennent des propositions détaillées : le rapport de nos collègues Cédric Perrin et Leila Aïchi, déjà cité, mais aussi celui de nos collègues Bruno Retailleau et Alain Anziani sur les leçons du drame de la tempête Xynthia et la nécessaire culture du risque à développer.
Pour conclure, je souhaite être pragmatique et positif. Mes chers collègues, cette proposition de résolution, déposée voilà six mois sur le bureau du Sénat, me semble dépassée par l’actualité, au sens où elle est satisfaite. Je pense que nous pouvons nous en réjouir.
Le 15 octobre dernier, lors du débat sur les politiques étrangères de la France qui s’est tenu au Sénat, le ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, a indiqué que ce sujet serait abordé par les délégations des États insulaires et des États exposés aux modifications climatiques présentes à Paris pour la COP 21.
Enfin, que prévoit l’alinéa 9 de la proposition de résolution ? Il précise que la France doit promouvoir dans les enceintes internationales des mesures de prévention et de protection des personnes déplacées pour des raisons climatiques. Or, c’est déjà le cas. À titre d’exemple, mardi 13 octobre, à Genève, 110 États, dont la France, ont adopté un Agenda pour la protection des personnes déplacées au-delà des frontières dans un contexte de catastrophes naturelles et de changement climatique.
C’est l’aboutissement du processus de Nansen, dont l’ambition est de combler le vide juridique relatif aux migrants victimes de dérèglement climatique.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous estimons que cette proposition de résolution est déjà satisfaite et nous regrettons que le sujet qu’elle ambitionnait de traiter ne soit pas abordé de façon plus audacieuse, notamment au regard des enjeux.
Pour ces raisons, le groupe Les Républicains s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la résolution qui nous est proposée aujourd'hui s’inscrit pleinement dans l’actualité des travaux engagés par la Haute Assemblée en vue de la réunion à Paris de la Conférence des parties, en décembre prochain.
Sous l’impulsion du président Gérard Larcher, dont je veux ici saluer la détermination, les différentes instances du Sénat ont en effet engagé depuis plusieurs mois des travaux importants sur le climat. Les commissions permanentes, les délégations, les groupes d’amitié ont tous apporté leur part à la contribution du Sénat en vue de cette conférence.
La résolution proposée vient donc utilement nourrir les travaux de synthèse menés par notre collègue Jérôme Bignon qui nous proposera dans quelques jours – le 16 novembre prochain, à la veille du Congrès des maires de France – un texte riche et ambitieux, reflétant l’engagement de notre assemblée dans ce débat.
Pour ma part, j’ai présenté lundi dernier, à Genève, devant l’assemblée générale de l’Union interparlementaire, un projet de déclaration en vue de son adoption par les parlementaires venus du monde entier le 6 décembre prochain, ici même dans cet hémicycle.
Les auteurs de la présente proposition de résolution appellent de leurs vœux une prise de conscience sur le phénomène des déplacés environnementaux. C’est effectivement une question capitale.
Nous sommes aujourd'hui tous émus et préoccupés par la situation des centaines de milliers de réfugiés qui sont à nos portes. Les dérèglements climatiques peuvent demain être la cause de plusieurs centaines de millions de réfugiés.
Ce phénomène, par son ampleur, serait source d’instabilité considérable et de graves conflits.
Le dérèglement climatique a et aura – disons-le clairement ! – un impact indéniable sur la paix dans le monde. Comme aime à le dire assez régulièrement Nicolas Hulot, « à Paris, nous devrons décider de la paix ou de la multiplication des conflits ».
Conscient de ce défi, le groupe UDI-UC a consacré, lors des journées parlementaires du 21 septembre dernier, une table ronde sur le thème : « Les défis majeurs de la lutte contre le réchauffement climatique : guerres et migrations ».
Si le phénomène de migrations environnementales est reconnu depuis trente ans par les Nations unies, il reste difficilement appréhendé et peu connu de nos concitoyens. Il est en effet rare que la décision de migrer ait une causalité unique.
Par ailleurs, ces migrations, actuellement limitées dans l’espace, se font le plus souvent sur des distances réduites, à l’intérieur d’un même pays ou d’une même région, ce qui rend ce phénomène moins perceptible par nos concitoyens. La quantification et les estimations du développement de ce dernier sont nombreuses, mais souvent disparates. Ce phénomène aurait touché 27,5 millions de personnes chaque année entre 2008 et 2013 et pourrait concerner 200 millions de personnes à l’horizon 2050.
Les effets du dérèglement climatique sont désormais connus : montée des océans, désertification, dégradation des sols, sécheresse, multiplication des événements climatiques majeurs.
Parmi les zones les plus concernées par ces migrations, on peut citer l’Amérique centrale, le Pakistan, le Bangladesh, l’Afrique de l’Ouest et de l’Est et l’Asie du Sud-Est.
Comment ne pas citer également les îles du Pacifique, au cœur des travaux du Sénat lors d’un colloque en juin dernier ? L’existence même de certaines îles y est menacée, avec la perspective devenue bien réelle et traumatisante d’une dispararition de la surface du globe.
Ainsi, les îles Carteret, au large de la Papouasie–Nouvelle-Guinée, sont aujourd’hui condamnées par les scientifiques. Leurs habitants, soumis à des inondations de plus en plus dramatiques, se voient contraints de partir.
Il y a, dans ce cas extrême, un terrible paradoxe entre le fait que ces habitants ont l’une des plus basses empreintes écologiques du monde et qu’elles sont les premières victimes des dérèglements climatiques.
La réponse à ce phénomène doit être multiforme.
Tout d’abord, il importe de contenir et de limiter les dérèglements climatiques ; c’est la première des urgences, et c’est tout l’enjeu de la COP 21 qui aboutira, je l’espère, à un accord universel et contraignant, permettant de limiter les émissions de gaz à effet de serre pour contenir la hausse de la température moyenne mondiale à deux degrés Celsius d’ici à la fin du siècle.
En l’état actuel des contributions nationales transmises par les États, force est de constater que nous sommes plus vraisemblablement sur une trajectoire à trois degrés Celsius. Tous les efforts doivent donc être mobilisés d’ici à la Conférence pour rapprocher les engagements d’une trajectoire à deux degrés Celsius, et surtout pour nous permettre, au-delà, d’appliquer et de respecter ces engagements.
Cette limitation est en effet indispensable pour prévenir une amplification des migrations.
Deuxièmement, il faut mettre en place des mesures d’adaptation et d’atténuation assorties des moyens nécessaires à leur mise en œuvre. Il s’agit de déployer les moyens financiers, notamment à travers le Fonds vert pour le climat, de veiller au transfert de technologies et de connaissances et au renforcement des capacités.
À cet égard, je veux rappeler, mes chers collègues, que notre rôle sera déterminant. En effet, s’il revient au Gouvernement et aux diplomates de conclure des accords à l’échelon international, c’est à nous, parlementaires, de les ratifier ; c’est à nous, parlementaires, de voter les budgets nécessaires à leur mise en œuvre ; c’est à nous, parlementaires, de voter un certain nombre de mesures législatives qui en découlent ; et c’est à nous, parlementaires, de veiller au respect des engagements au travers du contrôle du Gouvernement.
Enfin, j’entends ici et là des voix proposer la création d’un statut de réfugié climatique, pendant de celui de réfugié politique. Je ne suis pas convaincu de l’opportunité et de l’efficacité de cette solution.
Nous l’avons dit, le changement climatique, sans être la cause unique, constitue l’un des motifs qui précipitent la décision – temporaire ou définitive – de migration.
De nombreux observateurs ont, à cet égard, mis en évidence l’importance du facteur environnemental dans les prémices de la crise syrienne. Le déplacement massif de populations privées de ressources naturelles a eu indéniablement un effet catalyseur dans l’émergence du conflit.
Il serait toutefois illusoire que, pour entrer dans une catégorisation juridique, on demande au cas par cas aux réfugiés de prouver le caractère politique, climatique ou économique de leur migration.
J’ajoute que, dans le contexte actuel des tensions causées dans nos sociétés par les questions migratoires – nous devons le reconnaître –, la création d’un statut de réfugié climatique ne viendrait que nourrir encore plus les peurs. Un tel statut juridique n’apporterait d’ailleurs qu’une réponse extrêmement limitée au problème puisque, nous l’avons dit, la plupart des migrants restent à l’intérieur de leur pays. Un statut international serait donc, dans de nombreux cas, inopérant.
Pour autant, une prise de conscience est nécessaire. C’est tout l’objet de cette résolution.
Le dérèglement climatique dépasse les frontières des États, c’est une évidence. Les efforts de chacun n’enlèvent rien à la nécessité de négociations internationales pour la définition d’un cadre universel.
De même, le règlement de la question des déplacés environnementaux, dont le nombre déjà important ne devrait que croître, ne trouvera de solution que dans le cadre de négociations internationales.
La France doit donc appuyer la mise à l’ordre du jour international de cette question. Elle doit résolument s’engager dans la définition et le financement des mesures d’adaptation. Elle doit, enfin, promouvoir les coopérations régionales afin que les flux de réfugiés ne viennent pas déstabiliser des régions déjà très fragilisées.
Parce que cette proposition de résolution invite la France à porter cette question sur la scène européenne et la scène internationale dans un souci de sensibilisation et d’information, je la voterai, tout comme un certain nombre de mes collègues du groupe UDI-UC. Les autres membres de mon groupe s’abstiendront. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Bataille.
Mme Delphine Bataille. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier le groupe écologiste et notre collègue Esther Benbassa d’avoir présenté cette proposition de résolution invitant la France à agir pour la prévention et la protection des déplacés environnementaux, question importante sur laquelle, malgré une prise de conscience, les engagements des États et les réponses juridiques restent globalement insuffisants.
Pourtant, le nombre de migrants est en augmentation constante et l’incidence des changements climatiques sur les mouvements de populations risque de s’amplifier à l’avenir.
Ainsi, les déplacés pourraient atteindre d’ici à 2050 jusqu’à un milliard d’individus selon l’Organisation internationale pour les migrations, l’OIM.
Les victimes doivent quitter leur foyer sous l’effet de violentes catastrophes naturelles ou en raison d’une dégradation de leur environnement parfois liée aux activités humaines – la déforestation ou la pollution – ou résultant d’une interaction de causes naturelles et humaines, telles les inondations ou la sécheresse.
Des populations doivent s’exiler en raison de l’érosion des sols, de la désertification, de la montée des océans, du recul des glaces, de la raréfaction des ressources naturelles, ou encore de la toxicité de leur environnement.
Les déplacés sont aussi victimes d’événements climatiques intenses comme les tremblements de terre, les tsunamis, les éruptions volcaniques, les canicules ou les inondations.
L’évolution du climat a bien sûr une incidence sur la fréquence, l’intensité, la durée et le moment d’apparition de ces phénomènes naturels extrêmes.
La plupart de ces flux migratoires, qu’ils soient massifs ou étalés, temporaires ou prolongés, sont souvent circonscrits au pays concerné par l’événement climatique, dont les plaies restent à panser parfois pendant des mois, voire des années, à l’instar des séismes au Népal ou en Haïti, mais ils peuvent aussi traverser les frontières.
Si les pays développés ne sont pas épargnés, la majorité de ces catastrophes naturelles et bouleversements environnementaux se produisent néanmoins dans les pays les moins développés. Ainsi, 85 % des déplacements s’effectuent dans des pays qui ne sont pas en capacité de prendre en charge leurs migrants.
L’Asie est le continent le plus touché avec dix-neuf millions de déplacés, mais c’est en Afrique que les risques de déplacements tendent de plus en plus à s’accroître.
Ces populations sont vulnérables et parfois en proie à des conflits armés. Des pays comme le Niger, le Tchad, le Soudan, victimes d’inondations saisonnières ou de sécheresse, sont touchés par des situations de violence et de guerre.
Ces personnes déplacées, qui sont particulièrement démunies et vivent dans des régions instables, ne peuvent pas compter sur l’aide de leur pays et sont souvent, hélas ! négligées par la communauté internationale.
Qui plus est, la croissance démographique, l’urbanisation galopante et la concentration d’individus dans les zones à risques où l’habitat est précaire ne font qu’accroître la gravité de ces catastrophes et le nombre de personnes déplacées.
Les phénomènes climatiques et les déplacements de populations qui en découlent ont également des conséquences politiques, provoquant des troubles sociaux ou déstabilisant des régions entières.
De nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour réclamer une protection internationale de ces migrants, mais l’action globale reste en deçà des enjeux, en dépit du rapport de la Croix-Rouge établi en 2001, ciblant la dégradation de l’environnement comme la première cause de migration dans le monde.
Aucune solution n’existe en droit international, et l’absence de définition consensuelle de la notion de « déplacé climatique » engendre une absence de reconnaissance du statut de ces migrants.
Cette question, traitée partiellement et de manière incomplète, n’a abouti à aucune solution efficace.
Cependant, il existe depuis plusieurs années une véritable prise de conscience des enjeux, car les changements climatiques et leurs conséquences reçoivent un écho médiatique, comme ce fut le cas pour les Tuvalu, archipel du Pacifique Sud, menacé par la montée des eaux, ou le village de Shishmaref, en Alaska, qui repose sur un « pergélisol » dont la fonte s’accélère continuellement.
Les prévisions des experts des Nations unies envisagent une élévation du niveau de la mer qui pourrait toucher 900 millions d’individus.
La question de la définition et de la protection des déplacés environnementaux n’est pas nouvelle. Traitée pour la première fois lors du dernier sommet Union européenne – Afrique qui s’est tenu l’an dernier, elle apparaît de plus en plus dans les rapports des organisations et les travaux des chercheurs.
Plus récemment et à deux mois de la COP 21, un pas essentiel a été franchi par une vingtaine de pays parmi les plus pauvres et les plus vulnérables de la planète. Ces derniers se sont rassemblés, créant le club V20, à l’instar du G20, pour tenter de peser et de mobiliser en leur faveur des ressources permettant de faire face aux changements climatiques.
De même, comme cela a déjà été rappelé, les travaux de l’initiative Nansen ont très récemment abouti à la présentation d’un Agenda pour la protection des personnes déplacées au-delà des frontières dans un contexte de catastrophes naturelles et de changement climatique. Adopté par cent dix États, cet agenda s’appuie sur les résultats de consultations régionales et établit trois priorités : l’amélioration de la connaissance du phénomène et de la collecte des données, la promotion de mesures de protection et le renforcement de la prévention des risques dans les pays d’origine.
Il s’agit de la première initiative intergouvernementale en la matière. Toutefois, cet agenda est une simple déclaration de principe et n’a aucune valeur contraignante. Il rassemble des expériences pratiques dont l’application dépendra de la bonne volonté des États.
Ces réponses doivent donc être mieux utilisées et généralisées.
Cette proposition de résolution vient à point nommé à la veille de la COP 21, qui confère à la France un rôle de premier ordre sur le plan international. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, notre pays doit non seulement promouvoir une politique ambitieuse pour prévenir les catastrophes environnementales, renforcer la protection des personnes déplacées et répondre à la complexité de leur situation, mais aussi s’engager dans la mise en œuvre de cette politique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller.
Mme Fabienne Keller. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après Cyril Pellevat, voici venu mon tour d’intervenir au nom du groupe Les Républicains au sujet de cette proposition de résolution de Mme Benbassa.
Les orateurs précédents, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, ont largement décrit la catastrophe des personnes déplacées climatiques. Il est désormais établi qu’il s’agit d’une conséquence incontournable du réchauffement climatique. Plusieurs évaluations ont été citées ; retenons que, chaque année, 25 millions de personnes sont amenées à s’éloigner de leur lieu d’habitation habituel par une conséquence mécanique du réchauffement climatique, lequel n’est pas du tout de leur fait.
Ces personnes subissent en réalité ce que l’on peut appeler « une double peine ». En effet, elles ne bénéficient pas du développement économique et, par conséquent, n’émettent que peu de gaz à effet de serre, mais elles subissent les conséquences du réchauffement climatique : élévation du niveau des mers, désertification, difficultés d’accès à l’eau, diffusion modifiée et facilitée des maladies.
Cela dit, mes chers collègues, je ne m’étendrai pas sur la description du problème, car vous y avez procédé mieux que je ne saurais le faire.
Je voudrais plutôt vous proposer de nous concentrer sur l’action concrète à entreprendre. Deux niveaux naturels d’action sont possibles : le niveau national et le niveau mondial.
S’agissant tout d’abord du niveau national, j’évoquerai, après Jacques Mézard, le rapport qu’Yvon Collin et moi-même avons rédigé « sur les financements en matière de lutte contre le changement climatique en faveur des pays les moins avancés ».
Où en est l’aide publique au développement française ?
Moins de 10 % de l’aide publique au développement française est consacrée à l’adaptation au changement climatique, c'est-à-dire à aider les pays du Sud, les pays les plus en difficulté, à se préparer aux conséquences du changement climatique.
Un second chiffre est tout aussi inquiétant : moins de 10 % de l’aide publique au développement française classée « climat » est consacrée aux pays les moins avancés, les PMA.
Des déclarations, il faut passer à l’action. Or en France, aujourd’hui, l’action n’est pas du tout à la hauteur du défi.
Je rappelle par ailleurs que le budget de l’aide publique au développement, dont je suis le rapporteur spécial, est celui qui, dans le projet de loi de finances pour 2016 présenté par le Gouvernement, a subi la plus forte baisse. Certes, des amendements déposés à l’Assemblée nationale visent à rétablir les crédits au niveau de 2014 ; néanmoins, nous voici au terme de quatre années de baisse régulière de l’aide publique au développement.
Cela met la France à la traîne des pays européens : notre pays consacre 0,36 % de son revenu national brut à l’aide au développement, alors que l’objectif affiché, comme nous le savons tous, est de 0,7 %. Nos collègues du Royaume-Uni ont déjà atteint cette proportion ; de surcroît, outre-Manche, cette aide est largement formée de dons quand nous préférons offrir notre aide sous forme de crédits et calculer des encours.
En somme, pour ce qui est de l’action nationale, le compte n’y est pas du tout. Or mes chers collègues, si l’on se rappelle les descriptions que vous avez faites de la catastrophe des déplacés climatiques, ainsi que les enjeux à long terme dont il s’agit, enjeux qui nécessitent, si l’on espère changer l’avenir, que l’on travaille de manière anticipée, on ne peut être qu’extrêmement inquiet de l’écart existant entre le discours et l’action.
J’en viens maintenant au niveau mondial. Les orateurs qui m’ont précédée à cette tribune ont bien sûr mentionné la COP 21. En son sein, l’outil principal pour l’adaptation est le Fonds vert pour le climat. Il y a six ans déjà, à Copenhague, 100 milliards d’euros lui avaient été promis ; or, à l’heure actuelle, on ne parvient pas à boucler ces engagements de financement.
Je ferai donc une proposition qu’Yvon Collin et moi-même avons formulée dans le cadre de la commission des finances, et qui figure d’ailleurs dans le rapport Canfin-Grandjean : la taxation des carburants gazole employés par les bateaux et les avions. Ces deux secteurs, très fortement émetteurs de gaz à effet de serre, ne sont soumis aujourd’hui qu’à de toutes petites taxes.
Mme Évelyne Didier. Tout à fait !
Mme Fabienne Keller. Le principe d’une telle taxation pourrait être décidé dans le cadre de la COP 21 ; ainsi, cette taxation s’imposerait au niveau mondial, avec pour point d’application, pour le secteur aérien, les compagnies aériennes et, pour le secteur maritime, les armateurs et non les distributeurs de fuel.
Telle est l’action, mes chers collègues, que je vous propose de porter.
La résolution qui nous est soumise est généreuse. Je suis d’ailleurs persuadée que le texte auquel aboutira la COP 21 mentionnera en des termes très proches les grandes difficultés que subiront au quotidien les pays principalement concernés par les réfugiés climatiques.
Pour autant, mes chers collègues, cette résolution ne me semble pas opérante.
Je vous invite donc plutôt à nous battre, au niveau national, dans le cadre du projet de loi de finances afin que l’aide publique au développement française réponde de manière claire et opérationnelle à ce défi des réfugiés climatiques et permette d’accompagner un peu plus l’adaptation des pays du Sud.
Yvon Collin et moi-même avons proposé dans notre rapport de consacrer non pas moins de 10 %, mais au minimum 20 % des « financements climat », d’une part, à des actions d’adaptation au changement climatique et, d’autre part, aux pays les moins avancés, les PMA.
Par ailleurs, il est une seconde possibilité d’action, déjà évoquée dans ce débat, à savoir la proposition de résolution à laquelle nous travaillons à l’heure actuelle tous ensemble et qui sera discutée le 16 novembre prochain : elle s’appuiera sur des travaux de fond conduits dans plusieurs commissions.
Je vous suggère que cette proposition de résolution à venir intègre des actions réalistes, mesurables et financées ; c’est ainsi que nous pourrons peser sur des négociations dont les acteurs, comme vous le savez, sont très nombreux.
En effet, s’il est bon de se mettre d’accord sur l’analyse du problème et de faire des déclarations, il est mieux encore d’essayer d’engager et de porter des actions concrètes au niveau national comme au niveau mondial. Je vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter cette résolution le mois prochain dans un esprit consensuel : c’est ainsi que nous pourrons changer les perspectives des pays du Sud victimes de la double peine ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom de M. Laurent Fabius, retenu à Bonn pour une réunion préparatoire à la conférence climatique et dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence, je remercie ceux qui sont à l’origine de ce projet de résolution. Ce texte vise à promouvoir des mesures de prévention et de protection des déplacés environnementaux.
Les causes des déplacements liés au dérèglement climatique sont connues : événements climatiques extrêmes, élévation du niveau des mers, fonte des glaciers, détérioration des écosystèmes, baisse de la production agricole, sécheresse, inondations...
Comme vous l’indiquez dans ce projet de résolution, madame Benbassa, l’accélération du dérèglement climatique risque d’accroître les déplacements de populations, en particulier celles qui sont les plus vulnérables et exposées aux événements météorologiques.
Selon le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, une augmentation du niveau des mers de cinquante centimètres, qui pourrait se produire avant la fin du siècle, forcerait 72 millions de personnes à se déplacer. Avec une montée des eaux de deux mètres, le nombre serait de 187 millions.
L’Observatoire sur l’étude des déplacements de population estime en moyenne à 27,5 millions le nombre de personnes ayant quitté leur foyer chaque année entre 2008 et 2013. L’Asie mais également le Sahel et les États insulaires d’Océanie et des Caraïbes sont les zones les plus touchées. Les États de l’OCDE ne sont pas non plus épargnés, notamment le Japon et les États-Unis. Le haut-commissaire adjoint des Nations unies pour les réfugiés a indiqué que, d’ici à 2050, 250 millions de personnes pourraient être contraintes de quitter leur foyer en raison des catastrophes naturelles et des effets du dérèglement climatique.
Face à ce défi immense, la communauté internationale se doit d’agir et de faire preuve de solidarité pour trouver des solutions en faveur des personnes obligées de quitter leur environnement en raison des événements liés au climat.
Les accords de Cancún de 2010 préconisaient l’adoption de mesures propres à favoriser la compréhension, la coordination et la coopération concernant les déplacements du fait des changements climatiques. Des progrès importants ont été obtenus, notamment grâce à des initiatives comme l’initiative Nansen, mise en place en 2012 à la suite des accords de Cancún et de la Conférence d’Oslo sur le changement climatique et les migrations de 2011. Il convient donc de continuer dans cette voie.
Une meilleure coopération entre les différents mécanismes doit également permettre de mettre en cohérence les stratégies en matière de réduction des risques, de réponse humanitaire et d’adaptation au changement climatique.
Notre ambition pour la COP 21 est d’obtenir un accord historique permettant de maintenir le réchauffement climatique mondial en deçà de deux degrés Celsius. La lutte contre les changements climatiques permettra d’éviter que des millions de personnes ne soient obligées de quitter leur lieu de vie. C’est un enjeu important de la Conférence de Paris, auquel le ministre des affaires étrangères et du développement international est particulièrement sensibilisé.
À ce titre, la France vient de participer à la Conférence Nansen, organisée par les gouvernements de la Suisse et de la Norvège, les 12 et 13 octobre dernier à Genève. La France appartient au Groupe des amis de l’initiative Nansen et a suivi ses travaux depuis sa création, au mois d’octobre 2012. L’initiative Nansen a notamment conduit des consultations dans les régions du monde les plus touchées, ce qui a permis de faire avancer la connaissance de ce phénomène.
Ces travaux ont abouti à la présentation d’un Agenda pour la protection des personnes déplacées au-delà des frontières dans un contexte de catastrophes naturelles et de changement climatique. Cet agenda, qui s’appuie sur les résultats des consultations régionales, établit trois priorités pour le futur : premièrement, l’amélioration de la connaissance du phénomène et de la collecte des données ; deuxièmement, la promotion de mesures de protection, qui incluent des mécanismes permettant de trouver des solutions durables, par exemple en harmonisant les approches régionales ; troisièmement, le renforcement de la prévention des risques dans les pays d’origine.
Ces trois priorités doivent permettre à la communauté internationale de mieux anticiper ces déplacements et de définir des actions opérationnelles, afin d’y faire face et de trouver des solutions durables. Pour les mettre en œuvre, il sera nécessaire de coordonner les acteurs concernés par ces problématiques, en premier lieu les États, mais aussi les organisations internationales, comme l’Organisation internationale pour les migrations et le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
La France a accepté cet agenda et s’est engagée à promouvoir les mesures concrètes qu’il prévoit, notamment au sein des institutions européennes et internationales. Cet engagement va dans le sens des actions proposées dans ce projet de résolution et le Gouvernement s’en félicite.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, en vue de la COP 21 dont la date approche, nous avons sensibilisé nos partenaires. M. Laurent Fabius a rencontré les membres des gouvernements les plus touchés : il s’est rendu au Bangladesh et nous avons organisé le 9 septembre dernier une réunion avec les ONG et les agences des Nations unies sur le lien entre crise humanitaire et dérèglement climatique. Sur ce sujet crucial, nous resterons évidemment mobilisés pendant la COP 21, et au-delà. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
proposition de résolution
Le Sénat,
Vu l'article 34-1 de la Constitution,
Considérant que les effets des dérèglements climatiques en particulier la montée du niveau des mers, le phénomène de désertification, les inondations ou les canicules affectent les conditions de vie des populations en ce qu’ils peuvent générer dégradations, disparitions de territoire, pression accrue sur les ressources naturelles, atteintes aux droits fondamentaux et de ce fait parfois, accentuer certaines tensions ou provoquer des conflits ;
Considérant que les impacts du changement climatique sur les sociétés humaines se font déjà sentir dans de nombreux endroits comme le Sahel, fortement touché par le phénomène de désertification, le Bangladesh, sujet à des inondations répétées, certaines régions européennes mais aussi dans plusieurs îles du Pacifique, de l’océan Indien, etc., vouées à disparaître sous les eaux, entraînant la disparition future d’États-Nations ;
Considérant que les populations les plus vulnérables sont les plus affectées par les effets des bouleversements climatiques et qu’elles sont moins armées pour y faire face ;
Considérant les enjeux humains des dérèglements climatiques, la responsabilité de la communauté internationale, et la nécessité de mettre en œuvre rapidement des mesures de prévention et de protection des personnes affectées par les conséquences des dérèglements climatiques ;
Considérant les accords de Cancun de 2010 qui invitent notamment à l’« adoption de mesures propres à favoriser la compréhension, la coordination et la coopération concernant les déplacements, les migrations et la réinstallation planifiée par suite des changements climatiques, selon les besoins, aux niveaux national, régional et international » ;
Considérant que la France va, à la fin de l’année 2015, accueillir et présider la vingt et unième Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21/CMP11) et jouer ainsi un rôle de premier ordre sur le plan international pour rapprocher les points de vue et faciliter la recherche d’un consensus des Nations Unies, ainsi qu’au sein de l’Union européenne, qui occupe une place importante dans les négociations sur le climat.
Invite la France à promouvoir, dans le cadre de la COP21 ainsi qu’au sein des institutions européennes et internationales, la mise en œuvre de mesures de prévention et de protection des déplacés environnementaux présents ou à venir, qui ne bénéficient aujourd’hui d’aucune reconnaissance.
Mme la présidente. La conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
(La proposition de résolution est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du RDSE et de l'UDI-UC.)
14
Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. La commission des affaires économiques a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame Mme Dominique Estrosi Sassone membre du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe écologiste, de la proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique (proposition n° 656 [2014-2015], texte de la commission n° 69, rapport n° 68).
Dans la discussion générale, la parole est à M. André Gattolin, auteur de la proposition de loi.
M. André Gattolin, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les amateurs de fromage de notre assemblée le savent : le tout premier écran publicitaire fut diffusé à la télévision française, alors monopole d’État, le 1er octobre 1968. Son impact sur l’imaginaire collectif fut phénoménal. Ainsi, il me suffit de dire : « Du pain, du vin, du… » pour que chacun soit en mesure d’énoncer spontanément la suite. (Sourires.)
Depuis, la télévision, et avec elle la publicité, sont entrées dans l’intimité de la quasi-totalité des foyers français. À ce jour, près de 97 % des ménages possèdent au moins un téléviseur. En dépit de l’apparition d’internet et des nouveaux médias, nos enfants regardent encore la télévision plus de deux heures par jour. Ce chiffre a peu évolué depuis les années quatre-vingt et nos enfants sont de plus en plus souvent seuls devant le petit écran : c’est le cas de 40 % d’entre eux, selon la dernière enquête budget-temps de l’INSEE, l’Institut national de la statistique et des études économiques.
Certes, la publicité a permis à notre système médiatique de se diversifier, mais elle a aussi créé de toutes pièces de nouvelles cibles marketing, comme les marchés « enfants » et « préadolescents », dont le chiffre d’affaires est évalué à 40 milliards d’euros en France.
À ce titre, les enfants sont appréhendés par les publicitaires comme prescripteurs d’achats au sein de la famille. Cela se voit plus particulièrement durant la période qui précède Noël : 60 % des investissements publicitaires dans les programmes destinés à la jeunesse s’effectuent du mois d’octobre au mois de décembre.
Les effets néfastes de cette surexposition publicitaire sont aujourd’hui confirmés par les études conduites en matière de santé publique, de désagrégation du lien social et de surconsommation.
En effet, pour les plus jeunes téléspectateurs, il est impossible de distinguer les contenus publicitaires des autres contenus diffusés par les chaînes.
Les procédés utilisés, comme la stratégie marketing dite « de la rareté », frustrent les enfants afin de créer un désir de consommation compulsive, nuisent à l’autorité parentale et créent de fortes tensions familiales.
La publicité pour les enfants contribue également à la création de stéréotypes dangereux. Comme l’a constaté notre collègue Chantal Jouanno dans un rapport publié en 2012, certaines annonces hyper-sexualisent de très jeunes filles à des fins mercantiles, contrevenant ainsi au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Or le cadre législatif et réglementaire actuel est insuffisant – pour ne pas dire quasiment inexistant – pour garantir une véritable protection de la jeunesse contre les effets néfastes de la surexposition publicitaire.
La proposition de loi que nous examinons ce soir a déjà une longue histoire. Elle s’inspire d’un texte déposé en 2010 par notre ancien collègue Jacques Muller, que je m’étais permis de simplifier avant de le déposer de nouveau devant notre assemblée au mois de mai 2013. Alors qu’il était initialement prévu qu’il soit discuté en séance publique au printemps dernier, j’ai finalement jugé préférable d’attendre la fin des travaux de la mission d’information sur le financement de l’audiovisuel public pour l’inscrire à l’ordre du jour, afin que son examen n’interfère pas avec la présentation, le mois dernier, des conclusions de la mission.
Avant d’entrer dans le détail du contenu de cette proposition de loi, je voudrais remercier la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, notamment sa présidente, Catherine Morin-Desailly, et la rapporteur du texte, Corinne Bouchoux. Tout en conservant l’esprit du dispositif initial, la commission l’a clarifié en adoptant plusieurs amendements.
Elle a tout d’abord privilégié l’inscription dans la loi du principe d’une régulation souple par le CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, en lieu et place d’un dispositif réglementaire. La commission n’a pas jugé réaliste de trop contraindre les règles publicitaires applicables aux programmes destinés à la jeunesse sur les chaînes privées, contrairement à ce que prévoyait le texte initial. En effet, une telle disposition aurait été financièrement préjudiciable à la vingtaine de chaînes dédiées à la jeunesse actives en France, qui tirent principalement, voire pour certaines exclusivement, leurs ressources de la publicité.
Ces choix limitent évidemment la portée de notre proposition de loi, mais ils témoignent aussi d’un souci réel de ne pas déstabiliser l’ensemble d’un secteur économique assez dynamique. Nous acceptons ainsi de laisser une chance à l’autorégulation et à la prise de conscience des acteurs.
Chaque année, le CSA devra donc rendre compte devant le Parlement de ses travaux sur la publicité télévisuelle dans les programmes pour enfants des chaînes publiques et privées. Sur le fondement de ses observations, il sera toujours possible, dans un second temps, d’envisager l’élaboration d’un cadre normatif plus contraignant si nécessaire.
Le cœur de la proposition de loi est l’article 2, qui prévoit la suppression de la publicité commerciale dans les programmes de la télévision publique destinés aux enfants de moins de douze ans, durant les quinze minutes qui les précèdent et les quinze minutes qui les suivent. Cette disposition s’applique également aux sites internet de la télévision publique.
Les publicités génériques, par exemple pour le lait ou pour des fruits, ainsi que les campagnes d’intérêt général, ne sont pas visées par cette interdiction.
Je veux aussi saluer la proposition de notre collègue Jean-Pierre Leleux, retenue par la commission, de faire entrer en vigueur cette disposition au 1er janvier 2018, afin de faire coïncider sa mise en œuvre avec la réforme du modèle de financement de l’audiovisuel public que nous avons ensemble préconisée au nom de notre assemblée.
La perpétuation d’un modèle de financement instable, fondé sur une surévaluation presque systématique des objectifs publicitaires de France Télévisions, qui servent de variable d’ajustement au budget des chaînes, n’est pas acceptable.
Nous ne mettons évidemment pas en cause, dans le contexte budgétaire tendu que connaissent l’audiovisuel public et l’État, l’intérêt de la ressource propre que constituent les recettes publicitaires. Pour autant, il serait à mon sens assez irresponsable d’assujettir l’exercice des missions fondamentales du service public à la collecte de cette seule ressource, qui ne représente, avec 13,5 millions d’euros pour les programmes destinés à la jeunesse, que 0,5 % des 2,8 milliards d’euros de budget global de France Télévisions.
En tant qu’ancien professionnel des médias, des études et de la publicité, j’ai consulté de nombreux acteurs de ces secteurs pour évaluer l’impact financier réel de cette proposition de loi. De ces analyses, il ressort notamment que la part de marché publicitaire de France Télévisions pour le principal secteur d’activité concerné, celui des jeux et des jouets, est très marginale : environ 6,5 %, contre 12 % pour TF1 et plus de 75 % pour les chaînes privées spécialisées dans la jeunesse. Cette part de marché est d’ailleurs inexorablement amenée à décliner à moyen terme, en raison de la concurrence croissante de la télévision numérique terrestre, la TNT, et d’internet.
Autre précision d’importance : la plupart des annonceurs actuels des émissions pour la jeunesse de France Télévisions annoncent également pour les mêmes produits à d’autres horaires, notamment en fin d’après-midi et en access prime time.
Si les écrans publicitaires attachés aux programmes pour la jeunesse devaient être interdits, nous estimons que le report des budgets correspondants à des horaires plus tardifs et non soumis à interdiction sur les mêmes chaînes s’élèverait à au moins 30 %.
Notre proposition de loi ne prévoit donc pas la suppression de la publicité ciblant les jeunes, elle vise simplement, et c’est déjà beaucoup, à en finir avec la « télé-garderie » commerciale à travers l’audiovisuel public : j’entends par là ces moments matinaux où 40 % des enfants sont seuls face à la publicité télévisuelle, hors la présence d’un adulte.
Par ailleurs, compte tenu de ces éléments et du fait que, si elle était adoptée, cette proposition de loi n’entrerait en vigueur qu’en 2018, nous estimons le manque à gagner final pour France Télévisions à seulement 7 millions d’euros. C’est là le prix à payer pour que la télévision publique se distingue davantage du reste de l’offre télévisuelle. Je tiens les estimations détaillées à votre disposition, mes chers collègues.
Enfin, j’aimerais répondre à l’argument fallacieux, souvent entendu, selon lequel cette mesure ruinerait notre belle filière de l’image animée française. Les chaînes publiques ne bénéficiant plus de recettes publicitaires attachées à leur diffusion, elles renonceraient à acheter ce type de programmes : c’est là une contre-vérité qui vise à faire croire en l’existence de ressources publicitaires affectées dans une société nationale comme France Télévisions ; c’est totalement faux !
Je rappelle que la production de programmes de qualité pour la jeunesse fait partie des principales missions de service public assignées à notre télévision publique.
La plus belle illustration du caractère dissocié des recettes publicitaires et des investissements dans les programmes de France Télévisions est la décision prise en 2009 de supprimer la publicité sur les chaînes publiques après 20 heures. France Télévisions a-t-elle pour autant cessé d’investir dans les productions patrimoniales et l’information de qualité diffusées en soirée en raison de l’absence de publicité ? Évidemment non !
Avant-hier soir, nos collègues députés ont adopté un amendement n° I-822 visant à accroître dès l’année prochaine de 25 millions d’euros les ressources de France Télévisions. C’est une bonne chose, et mes collègues écologistes ont voté cet amendement.
Pour conclure, il ne faut pas oublier que la télévision publique n’appartient pas qu’à l’État et à ceux qui la font : elle appartient d’abord et collectivement au public et à tous ceux qui la financent très majoritairement à travers la redevance. Nos concitoyens sont en droit d’avoir des exigences à son égard.
Ainsi, une enquête réalisée le mois passé par l’IFOP, l’Institut français d’opinion publique, révèle que 71 % des Français sont favorables à la suppression de la publicité commerciale dans les émissions destinées à la jeunesse diffusées sur les chaînes publiques. Cet avis est très nettement majoritaire dans tous les segments de la population et parmi les sympathisants de toutes les formations politiques.
Il serait, je pense, très opportun de répondre favorablement à cette attente en adoptant la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, de l'UDI-UC et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Corinne Bouchoux, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui répond à un impératif de santé publique : protéger nos enfants contre les mauvaises habitudes alimentaires et la pression des marques.
Elle affirme par ailleurs la nécessité de renforcer l’identité du service public de la télévision, qui ne peut proposer les mêmes programmes, accompagnés des mêmes messages publicitaires, que les chaînes privées.
Pourquoi est-il si important de limiter la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse ?
Les très nombreuses auditions que j’ai menées ces derniers jours sont sans aucune ambiguïté quant aux effets néfastes de la publicité sur les jeunes enfants. Il y a une corrélation entre le temps passé devant les écrans et l’obésité, et les effets sont plus forts sur les enfants en retard scolaire et sur ceux qui n’ont pas, hélas ! des parents à même de les accompagner de près dans leur scolarité.
Les enfants sont fréquemment laissés seuls devant les programmes pour la jeunesse, d’autant que les familles fragiles vouent souvent une grande confiance au service public.
Avant l’âge de sept ou huit ans, les enfants ne sont pas sensibles au second degré et ne font pas la différence entre le personnage du dessin animé et ce même personnage utilisé juste après un programme destiné à la jeunesse pour vendre une barre chocolatée ou des céréales saturées en sucre et en gras.
La proposition de loi de notre collègue André Gattolin, contrairement à des initiatives précédentes, circonscrit son champ au service public de la télévision et préconise plutôt un encadrement pour les chaînes privées.
Votre rapporteur estime que, en distinguant les chaînes privées, qui vivent de la publicité et, pour certaines, des abonnements, des chaînes publiques, qui ont bénéficié en 2015 de la contribution à l’audiovisuel public, notre collègue André Gattolin a trouvé le bon équilibre.
Il me semble en effet justifié de tenir compte des efforts réels qui ont été accomplis depuis 2009 par les chaînes de télévision et par les annonceurs, en lien avec le CSA et les différents ministères, pour mettre en place une véritable autorégulation de la publicité à destination de la jeunesse.
Les principes de cette autorégulation sont aujourd’hui rassemblés dans une charte, renouvelée en 2014, qui fait l’objet d’une évaluation par le CSA et s’accompagne de la diffusion de messages de prévention.
Ce dispositif assez unique d’autorégulation mérite d’être salué, puisqu’il témoigne d’une prise de conscience des annonceurs et des chaînes de télévision, mais il doit encore être substantiellement amélioré.
C’est pourquoi la commission propose une nouvelle rédaction de l’article 1er du texte, visant à inscrire dans la loi le principe de l’autorégulation du secteur de la publicité et à confier le soin au CSA de remettre au Parlement un rapport annuel évaluant les actions menées par les chaînes pour que les émissions publicitaires respectent les objectifs de santé publique. Je me permets d’indiquer que le principe de l’inscription de cette autorégulation dans la loi a reçu un accueil favorable de la part tant des chaînes privées que du CSA.
Concernant le service public, il me semble légitime d’en exiger plus encore. Comme l’ont montré nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin dans leur excellent rapport sur le financement de l’audiovisuel public, la publicité n’est considérée aujourd’hui par France Télévisions que sous l’aspect financier, sans aucune vision globale en lien avec l’identité du service public.
M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !
Mme Corinne Bouchoux, rapporteur. Le résultat de cette politique peut être surprenant, comme on peut le constater sur le site internet destiné aux enfants de six à douze ans, www.ludo.fr, littéralement envahi de publicités pour un jeu vidéo et des figurines produits par un grand studio américain, également fournisseur de programmes destinés à la jeunesse de France Télévisions. On peut dès lors se demander si certains de ces programmes n’ont pas pour objectif principal de favoriser la vente de produits dérivés.
Comme nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin l’ont rappelé dans leur rapport, il est temps de réaffirmer la spécificité des valeurs du service public de la télévision. Cela signifie, en particulier, que les programmes diffusés ne doivent pas avoir d’abord pour objectif de vendre, par exemple, des produits alimentaires manufacturés saturés en sucre et en gras ou des jeux vidéo extrêmement coûteux à des familles n’ayant pas nécessairement les moyens de les acheter, avec les conséquences que l’on imagine sur les relations entre parents et enfants, qui peuvent, de ce fait, devenir conflictuelles.
Au travers de la rédaction initiale de sa proposition de loi, notre collègue André Gattolin suggérait d’interdire tous les messages publicitaires dans les programmes destinés à la jeunesse. Le terme « jeunesse » employé sans autre précision renvoie aux jeunes de zéro à dix-huit ans, ce qui correspondrait à une interdiction très large.
La rédaction que propose la commission, en restreignant l’interdiction des messages publicitaires et des parrainages aux seuls programmes destinés aux jeunes de moins de douze ans diffusés sur les chaînes et les sites internet de France Télévisions, limite la perte de recettes pour le groupe public et permet par ailleurs une bonne identification des programmes concernés.
France Télévisions estime entre 15 millions et 20 millions d’euros les recettes attachées à la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse. Nous pensons que, avec cette rédaction, la perte de recettes serait inférieure à 10 millions d’euros. Votre rapporteur considère en outre que France Télévisions pourrait limiter celle-ci en réorganisant son offre de façon que ses cibles publicitaires correspondent à ses cibles éditoriales. Cette perte de recettes doit, par ailleurs, être rapportée aux autres ressources de France Télévisons : rien qu’en 2015, le groupe a reçu 2,37 milliards d’euros de redevance, 160 millions d’euros de dotations et 330 millions d’euros de recettes publicitaires.
En définitive, on comprend bien que le nœud du problème ne tient ni à la pertinence de l’idée de réduire l’exposition des jeunes à la publicité ni à son acceptation par les industriels, mais uniquement à l’état des finances de France Télévisions. La proposition de loi de notre collègue André Gattolin prévoyait à cet égard un principe de compensation de la baisse de ressources au moyen d’une hausse de 50 % de la taxe sur la publicité créée en 2009, soit un produit supplémentaire de 7,5 millions d’euros.
La commission n’a pas retenu le principe de la hausse de cette taxe, car elle estime que le financement de cette disposition doit pouvoir trouver sa place dans le cadre de la redéfinition du modèle économique de France Télévisions que le Sénat appelle de ses vœux pour 2018, au travers d’une réforme de la contribution à l’audiovisuel public.
Par cohérence, la commission propose donc que la mise en œuvre de cette proposition de loi intervienne au 1er janvier 2018.
Je remercie le groupe écologiste d’avoir demandé l’inscription de cet excellent texte à l’ordre du jour, l’auteur initial de ce dernier, Jacques Muller, et Marie-Christine Blandin, qui, bien que coauteur, m’a permis d’en être rapporteur, ainsi que l’auteur de la présente proposition de loi, André Gattolin, qui a effectué un très important travail.
Je remercie également la présidente de la commission de la culture, qui veille à ce que nos travaux se déroulent toujours dans une atmosphère cordiale et constructive.
M. Loïc Hervé. C’est vrai !
M. Jean-Vincent Placé. Très juste !
Mme Corinne Bouchoux, rapporteur. Enfin, je remercie de son importante contribution notre collègue Jean-Pierre Leleux, ainsi que tous ceux qui, très nombreux, nous ont écrit pour nous signifier qu’il s’agissait là d’un vrai texte de salubrité publique. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat de ce soir est très important, car il a trait à la conception même que nous nous faisons du service public de l’audiovisuel. Considérons-nous que France Télévisions a une vocation particulière à proposer des programmes de qualité, en particulier pour la jeunesse, en lesquels les parents pourront avoir confiance – ce qui, bien sûr, ne les exonère en rien de leur rôle éducatif –, ou bien doit-on estimer qu’il n’y a pas de raison d’en demander plus à France Télévisions qu’aux chaînes privées, s’agissant notamment de la protection de nos enfants ?
La proposition de loi présentée par André Gattolin, telle qu’elle a été très finement rapportée par Corinne Bouchoux et adoptée avec modifications par la commission de la culture, pose des principes. Elle inscrit dans la loi la nécessité d’une autorégulation du marché de la publicité destinée à la jeunesse sous une supervision renforcée du CSA pour les chaînes privées et pour France Télévisions, concernant ses programmes destinés aux enfants de plus de douze ans. On peut se réjouir qu’elle préserve le modèle économique de l’audiovisuel privé.
Pour le groupe public, elle fixe un principe plus exigeant en interdisant la publicité dans les programmes destinés aux enfants de moins de douze ans, sachant qu’il n’y a déjà pas de publicité dans les programmes destinés aux jeunes enfants de trois à six ans.
Pourquoi s’agit-il d’une avancée indispensable ?
Les auditions conduites par la rapporteur ont démontré que les enfants de moins de douze ans étaient soumis à une pression considérable des marques. Dans les familles les plus fragiles socialement et culturellement, la publicité pour les produits alimentaires industrialisés rythme la journée et détermine les achats et le contenu du réfrigérateur. Qui peut nier aujourd’hui cette réalité ?
J’ai reçu, lundi dernier, le témoignage d’une enseignante de français d’un collège de Rouen, ma ville. Cette enseignante, qui vit chaque jour cette réalité, me confirme que ces publicités dégradent le climat familial et incitent à la consommation d’aliments gras et sucrés qui favorisent le surpoids et une alimentation déséquilibrée. Je la cite : « J’ai vu des enfants qui n’ont pas faim à la cantine, leur cartable étant garni de canettes, bonbons et chips de marque qu’ils consomment toute la journée. » Elle insiste également sur les valeurs propagées par ces publicités, qui reposent le plus souvent sur des clichés sexistes, des rapports de domination et une culture de l’individualisme.
Pour ma part, j’ai été surprise de découvrir que certains programmes diffusés sur France Télévisions à destination des enfants de six à douze ans avaient avant tout pour objectif de permettre à un grand studio américain de vendre des produits dérivés extrêmement coûteux, fabriqués très loin de l’Europe. Ce n’est pas notre conception du service public, ce n’est pas la vocation de France Télévisions ; nous le redirons à la nouvelle présidente de ce groupe.
Lorsqu’on les interroge, les Français se déclarent très favorables à l’interdiction de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse. Alors, pourquoi hésiter ? Cette mesure aurait une incidence très limitée sur le budget de France Télévisions, qui s’élève, je le rappelle, à plus de 2,7 milliards d'euros. Comme le disait notre collègue Maurice Antiste en commission, « que valent 10 millions d'euros face aux dégâts de la publicité sur la santé des enfants ? »
J’ajoute que le vrai problème, madame la ministre, est que l’intégralité du produit de la taxe sur les opérateurs de télécommunications qui a été créée en 2009 pour compenser la suppression de la publicité après 20 heures sur les chaînes publiques n’est pas réaffectée à l’audiovisuel public, comme elle devrait l’être.
Nous ne pouvons finalement que nous étonner que cette mission de préservation des enfants ne soit pas au cœur des préoccupations de France Télévisions. C’est pourquoi le législateur est dans son rôle en voulant préciser dans la loi les lignes à ne plus franchir.
Après plusieurs mois de travaux, nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin ont rendu, à notre demande, un important rapport sur l’avenir du financement de l’audiovisuel public, qui a permis de mettre en lumière l’urgent besoin de réformes structurelles et l’indispensable réaffirmation de la spécificité du service public de l’audiovisuel. Cette réaffirmation des valeurs passe par une réduction de la place de la publicité dans le financement de France Télévisions. Il nous apparaît tout à fait opportun que cet acte fort de politique culturelle et sanitaire concerne d’abord les plus jeunes.
Contrairement à ce que nous allons sans doute entendre affirmer aujourd’hui sur certaines travées, la baisse très limitée des recettes publicitaires ne poserait pas de problème financier à France Télévisions, pour au moins deux raisons.
Tout d’abord, un sous-amendement de notre collègue Jean-Pierre Leleux a prévu une mise en œuvre du dispositif au 1er janvier 2018, en même temps que devrait s’appliquer la réforme de la contribution à l’audiovisuel public, qui est indispensable et que le Gouvernement a repoussée du seul fait du calendrier électoral.
Ensuite – je sais que c’est un sujet tabou chez France Télévisions –, il existe d’importantes marges d’économies, qui ont été identifiées par nos collègues. Je pense notamment au recours excessif à des sociétés de production pour les magazines, alors que la rédaction de France Télévisions est abondante, à ces sociétés de production créées par d’anciens dirigeants du groupe public, qui bénéficient de commandes en l’absence de véritable concurrence.
Nous examinons ce soir un texte de portée très limitée, qui ne constitue pas, il faut en avoir conscience, une réforme globale de l’audiovisuel public. Mais, parce qu’elles posent une exigence particulière à l’égard du service public, les mesures présentées nous donnent l’occasion de choisir le chemin de l’ambition pour France Télévisions, si l’on pense que la notion de service public a encore un sens.
Je citerai de nouveau, en conclusion, cette professeure de collège de Rouen que j’évoquais à l’instant : « C’est l’une des missions du service public, et donc de la télévision publique, d’être exemplaire en matière de protection morale des personnes les plus vulnérables – nos enfants – et de respect des valeurs qui fondent le vivre-ensemble. La télévision publique doit considérer le jeune spectateur comme un citoyen en devenir, digne de respect, et non comme un consommateur facilement manipulable. » (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis évidemment tout à fait sensible à la démarche que traduit cette proposition de loi et je partage votre préoccupation de limiter les effets de la pression publicitaire sur les enfants.
Cependant, je ne suis pas convaincue que cette proposition de loi soit le bon moyen pour y parvenir, cela pour trois raisons principales.
D’abord, je m’interroge sur la cohérence de cette proposition de loi au regard de l’objectif visé : la santé publique des plus jeunes.
Le lien entre la réduction ou la suppression de la diffusion de messages publicitaires destinés aux plus jeunes et l’obésité est en réalité assez ténu. (Protestations sur les travées du groupe écologiste.) C’est la raison pour laquelle très peu de pays ont fait le choix d’une prohibition de cette publicité et ceux qui ont introduit ce type d’interdiction n’ont pas constaté de baisse de l’obésité infantile.
En outre – c’est l’un des constats qui ressort de vos débats en commission –, on ne peut réduire cette problématique à la seule diffusion des messages publicitaires sur les chaînes publiques. Les enfants et les jeunes adolescents sont exposés aux messages publicitaires non seulement sur les antennes de France Télévisions, mais également et surtout sur celles des chaînes privées, dont certaines leur sont entièrement dédiées, ainsi que, de plus en plus, sur internet.
Mme Marie-Christine Blandin. Justement, ce n’est pas la peine d’en rajouter !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Il me paraît donc délicat d’envisager d’adopter des mesures aussi radicalement différentes pour les seules antennes de France Télévisions, si l’objectif visé est celui de la santé publique.
Par ailleurs, votre proposition de loi cible les programmes destinés à la jeunesse, alors que les pratiques des jeunes sont très diverses, puisque, comme l’indique le CSA, dans le palmarès des programmes les plus regardés par les enfants de quatre à dix ans figurent un grand nombre d’émissions de téléréalité.
C’est la raison pour laquelle – c’est mon deuxième point de désaccord – les démarches entreprises ces dernières années ont reposé sur une corégulation associant l’ensemble des professionnels concernés et dans laquelle France Télévisions a, bien sûr, toute sa place.
Outre les nombreuses actions menées par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, l’ARPP, en matière de lutte contre l’obésité infantile, les pouvoirs publics ont privilégié une démarche pédagogique, qui consiste à promouvoir une alimentation saine et équilibrée. En effet, ce sont moins les aliments consommés qui sont la cause de l’obésité que les comportements alimentaires et, plus globalement, l’hygiène de vie.
Cette démarche a pris corps avec la signature, en 2009, d’une charte visant à promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et les publicités diffusés à la télévision. Cette charte a été reconduite et renforcée en 2014. Elle réunit le mouvement associatif, les industriels de l’agroalimentaire, les professionnels du secteur audiovisuel et ceux de la publicité, sous l’égide des pouvoirs publics dans leur ensemble.
Une étude indépendante sur l’efficacité de ces émissions, réalisée sur l’initiative du CSA, avait conclu au bien-fondé de cette démarche. Les émissions diffusées au titre de la charte sont en effet appréciées par le public pour leur caractère pédagogique, pratique et motivant.
Les efforts déployés depuis plus de six ans par les professionnels ont démontré que des pratiques constructives pouvaient être mises en œuvre par tous les acteurs concourant à la diffusion de messages publicitaires.
Le mérite de cette charte, dont six ministères sont désormais signataires, est d’envisager la problématique dans toutes ses composantes, qu’il s’agisse de la régulation du contenu des spots publicitaires par l’ARPP, des campagnes de prévention de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, et des messages sanitaires apposés sur les spots publicitaires alimentaires, mais également, et surtout, de la création et de la diffusion d’émissions faisant la promotion d’une bonne hygiène de vie.
Les nouveaux engagements pris en 2014 témoignent de la réussite du dispositif de régulation mis en place et de sa capacité d’évolution. Cela doit permettre, en prenant en compte l’expérience déjà acquise, de le rendre encore plus efficace en lui donnant une nouvelle dynamique.
Parmi les engagements renforcés pris par les diffuseurs, on peut citer, par exemple : l’augmentation du volume horaire annuel de diffusion de programmes faisant la promotion d’une bonne hygiène de vie ; la valorisation de ces programmes sur les services de télévision de rattrapage et sur les sites internet édités par les chaînes, qui sont des plateformes de plus en plus utilisées par les enfants et les adolescents ; l’engagement de relayer à l’antenne, chaque année, des événements tels que les « journées européennes de l’obésité », « la semaine du goût » ou encore « la semaine du sport » ; l’ajout d’un engagement spécifique à l’outre-mer.
Par l’insertion de ces nouvelles dispositions, qui permettent d’aller plus loin encore dans ce travail collectif, les professionnels ont montré leur volonté réelle d’engagement. Les pouvoirs publics soutiennent cette démarche, qui reste un bon exemple en matière de corégulation.
Je parle d’« exemple », car le recours à ce type d’encadrement souple, en matière de publicité, s’est avéré être une solution très constructive, qui permet de mettre en cohérence les intérêts de chacun autour d’actions concertées, dans un but d’intérêt général.
L’autorégulation a donc porté ses fruits. Je rappelle d’ailleurs qu’elle a été négociée dans un contexte de stabilité de l’environnement législatif et réglementaire.
Certains pourraient tirer prétexte de cette proposition de loi pour dénoncer l’application de la charte.
Je ne dis pas que nous ne devons rien faire ; je dis que si nous devons faire quelque chose d’un point de vue normatif, il nous faut au moins atteindre le niveau de protection déjà permis par l’autorégulation.
Il me paraît donc préférable de poursuivre cette démarche pédagogique et d’en évaluer l’impact dans la durée, plutôt que d’envisager des mesures de prohibition.
Enfin – c’est mon troisième point de désaccord –, je suis convaincue que le service public de l’audiovisuel a besoin de stabilité, dans sa structure comme dans son financement.
Ce financement, le Gouvernement s’est engagé à le rendre plus solide, plus indépendant, y compris des annonceurs ; c’est ce que traduit le projet de loi de finances en cours de discussion. C’est également le sens de l’affectation d’une partie de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, la TOCE, à France Télévisions. Je précise d’ailleurs qu’il ne s’agit nullement d’une réaffectation, madame la présidente de la commission, cette affectation n’ayant jamais été opérée par la majorité précédente, qui avait décidé de supprimer la publicité sur France Télévisions après 20 heures.
Comme vous le savez, le groupe France Télévisions est confronté à une situation économique difficile. Entre 2010 et 2014, les recettes publicitaires du groupe ont diminué de 123 millions d’euros, tandis que ses ressources publiques demeuraient stables, du fait de sa participation, légitime, à l’effort national de redressement des comptes publics.
En dépit de mesures d’économies importantes, notamment la mise en œuvre d’un plan de départs volontaires, l’exploitation de la société demeure déséquilibrée du fait de la progression automatique de certaines charges. L’exercice 2016 pourrait ainsi être déficitaire de plusieurs dizaines de millions d’euros.
Pour permettre à la nouvelle présidente de France Télévisions de réduire ce déficit après trois années de pertes, l’Assemblée nationale a adopté avant-hier un amendement du Gouvernement, reprenant des amendements parlementaires, qui augmente de 25 millions d’euros le montant de la ressource publique allouée à l’entreprise.
Pour autant, ce « coup de pouce » n’exonérera pas France Télévisions d’un effort d’économie important, et le contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2016-2020 devra définir les conditions d’un retour durable à l’équilibre. Or, il ne sera pas possible d’atteindre cet objectif en réduisant de nouveau les recettes publicitaires de l’entreprise.
À ce titre, il ne serait pas responsable de « gager » le financement de ce dispositif sur une réforme à venir de la redevance, dont vous savez qu’elle est complexe. La réforme de la redevance doit avoir pour seul objectif d’adapter l’assiette de cette contribution à la réalité des usages des Français.
En outre, ce gouvernement n’est pas favorable à la réintroduction, fût-elle partielle, de la publicité en soirée sur France Télévisions. Ce n’est pas cohérent avec l’ambition qui est la nôtre pour le service public, un service public capable de proposer une information indépendante et une création audacieuse. Mais nous ne sommes pas non plus favorables à une réduction des recettes publicitaires, qui fragiliserait le financement de France Télévisions.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cette proposition de loi.
M. Loïc Hervé. Quel dommage !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour sept minutes.
M. Jean Desessard. Sept minutes de publicité ! (Sourires.)
M. David Assouline. Cette proposition de loi de nos collègues écologistes témoigne d’une ambition qui ne peut qu’être partagée.
Les socialistes ont toujours été aux avant-postes d’une régulation encourageant le secteur audiovisuel en général à prendre sa part dans l’éducation et la protection des enfants et des jeunes. J’ai moi-même réalisé, en 2008, un rapport intitulé « Les nouveaux médias : des jeunes libérés ou abandonnés ? », qui abordait la question de la révolution numérique et de l’impact de la télévision et des radios sur les jeunes.
Toutefois, à mon grand regret et à mon étonnement, le champ de cette proposition de loi se limite au périmètre du service public, alors que les études montrent qu’au plus un tiers des enfants qui regardent des programmes de télévision destinés à la jeunesse le font sur le service public de l’audiovisuel. De surcroît, les enfants regardent aujourd’hui de plus en plus ces programmes sur internet, où n’existe aucune régulation.
Je suis donc étonné que le dispositif d’une proposition de loi affichant la grande ambition de protéger les enfants ne touche qu’une infime partie de ceux-ci, en visant le seul service public de l’audiovisuel, sans que ses auteurs aient envisagé de renforcer la régulation pour l’ensemble du secteur audiovisuel, les chaînes privées concurrençant de plus en plus fortement le service public, ou pris en compte les conséquences de la révolution numérique, avec par exemple 500 millions de vidéos vues sur YouTube ! Il ne suffit plus d’éduquer les enfants à la manière de regarder la télévision, comme je l’ai fait avec les miens : dorénavant, il faudrait aussi leur apprendre comment regarder les images diffusées sur internet.
Ces lacunes du texte sont d’autant plus dommageables que le nouveau paysage audiovisuel, marqué par une tendance à la concentration dans le secteur privé et le développement des plateformes de diffusion sur le net, impose d’engager une nouvelle réflexion sur les règles, les moyens de régulation et le contrôle en général, notamment s’agissant de la protection des jeunes.
Non seulement cette proposition de loi ne traite pas de tous les supports audiovisuels et ne concerne qu’un enfant sur trois qui regarde des programmes télévisés destinés à la jeunesse, mais elle n’aborde le sujet de la protection des enfants que sous l’angle de la publicité.
En effet, on nous invite ici à légiférer non pour assurer la nécessaire protection des enfants contre les effets néfastes des programmes destinés à la jeunesse, mais seulement pour exclure de ceux-ci la publicité. C’est envisager les choses par le petit bout de la lorgnette, en n’abordant qu’une infime partie des problèmes que peuvent poser ces programmes.
Ainsi, la protection de la santé des enfants et des jeunes est placée au cœur de la proposition de loi, mais nous devons aussi porter une attention particulière à la prévention des comportements violents : il convient de prendre en compte la santé psychologique, à côté de l’obésité.
Par un tour de passe-passe, en omettant d’évoquer le contenu des programmes pour se focaliser sur la seule publicité, on donne à penser que celle-ci serait la cause de l’obésité !
M. Loïc Hervé. Ben oui !
Mme Colette Mélot. En partie !
M. David Assouline. Non, justement !
C’est le fait de rester immobile, des heures durant, assis devant la télévision, en grignotant des aliments sucrés ou gras, qui peut favoriser l’apparition de l’obésité.
M. Loïc Hervé. Il faut regarder Public Sénat ! (Rires.)
M. David Assouline. Ce n’est pas la publicité en elle-même qui est responsable de l’obésité ! La preuve en est que, en Suède et au Canada, l’obésité a progressé de façon exponentielle durant la décennie qui a suivi la suppression, dans ces deux pays, de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse ! (M. André Gattolin marque son désaccord.)
En effet, c’est le manque d’activité physique et la mauvaise alimentation qui favorisent la prise de poids. Le développement de l’obésité relève d’un problème de société global. Un effort d’éducation sanitaire approfondi doit être engagé : la télévision n’est pas seule en cause.
Au regard de l’équité, la mesure proposée ne toucherait pas tous les enfants.
Aux termes de la loi du 30 septembre 1986, « aucun programme susceptible de nuire gravement à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne [doit être] mis à disposition du public par un service de radiodiffusion sonore et de télévision ».
En outre, tout spot publicitaire doit recevoir, avant diffusion, l’aval de l’ARPP, sur la base d’une charte comportant de nombreux points relatifs à la protection des enfants.
Ces dispositions valent pour l’ensemble du secteur audiovisuel, mais, malheureusement, elles ne concernent pas le net, où la publicité n’est donc pas régulée par la loi et n’est soumise à aucun contrôle de l’ARPP. Il me semble que nous devrions surtout légiférer pour combler ce vide.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. David Assouline. En conclusion, il est inique de cibler le seul secteur public de l’audiovisuel, qui est confronté à des difficultés extrêmes de financement et dont la mission de service public comporte une dimension d’éducation de la jeunesse.
Un sénateur du groupe Les Républicains. C’est fini !
M. David Assouline. Croyez-vous que si l’on prive France Télévisions de 10 millions d’euros de recettes, à un moment où le groupe connaît un déficit structurel, cela n’induira pas une diminution des investissements en faveur de la création ? Je rappelle que le secteur public assure 80 % de la création audiovisuelle en France.
M. le président. C’est terminé, mon cher collègue !
M. David Assouline. Parce que nous pensons que la régulation de l’audiovisuel dans son ensemble passe par un service public fort, nous ne voulons pas affaiblir ce dernier en lui retirant 10 millions d’euros. C’est pourquoi nous voterons contre cette proposition de loi.
M. Jean Desessard. Il a dépassé son temps de parole d’une minute et demie !
M. David Assouline. Mon groupe a un temps de parole de quatorze minutes !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la présente proposition de loi, cela a été dit, a pour objet de supprimer la publicité à caractère commercial dans les programmes destinés à la jeunesse sur les chaînes de télévision publiques.
L’objectif affiché est de lutter contre l’obésité et le surpoids, fléaux qui touchent, il est vrai, de plus en plus de personnes dans notre pays, en particulier les enfants. Chacun d’entre nous ici peut souscrire à cet objectif de santé publique.
L’incidence de la télévision, mais aussi, de plus en plus, des autres médias sur l’obésité est démontrée par de nombreux travaux. C’est surtout le temps passé devant les écrans qui est en cause, du fait de la passivité qu’il implique et de la propension naturelle à grignoter pendant le visionnage.
Cependant, le contenu même des programmes publicitaires peut aussi avoir une influence néfaste. La promotion de produits alimentaires représente la plus grande part de la publicité à la télévision. De plus, les produits présentés sont essentiellement des aliments riches en sucre et en matières grasses, donc ceux qui entraînent le plus de surpoids.
Les enfants sont vulnérables à ce type de publicité, car ils sont généralement trop jeunes pour être conscients des conséquences de la consommation de ces aliments sur leur santé. En outre, les professionnels de la publicité mettent en œuvre des techniques nombreuses et élaborées pour rendre ces produits attractifs et désirables.
Compte tenu de ces éléments, l’idée d’interdire purement et simplement la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse de la télévision publique paraît justifiée. La sanctuarisation de ces programmes comporte un autre avantage, sachant que les annonceurs ont l’obligation d’intégrer dans certaines de leurs publicités des messages de prévention, alors qu’ils font, dans le même temps, la promotion de ce que certains appellent la « malbouffe » : la suppression de la publicité aura le mérite de lever cette contradiction et, peut-être, une certaine hypocrisie.
On peut toutefois regretter que le champ de la proposition de loi soit restreint aux chaînes du service public. Cela limite nécessairement la portée d’une telle législation, sans parler de l’évolution profonde des usages, internet tendant de plus en plus à se substituer à la télévision.
Par ailleurs, si l’on comprend l’attention spécifique portée aux moins de douze ans – c’est la tranche d’âge visée par la proposition de loi –, je tiens à souligner que les adolescents sont tout aussi concernés par les problèmes de surpoids. Même s’ils peuvent avoir plus de recul à l’égard de la publicité du fait de leur âge, ils ne sont probablement pas à l’abri. La pression des pairs est particulièrement forte à l’adolescence, et elle peut inciter à consommer certains produits promus par la publicité.
Enfin, je souhaite souligner que les enfants ne se limitent pas, loin de là, à regarder les programmes qui leur sont spécifiquement destinés. Aujourd’hui, les programmes le plus regardés par les jeunes sont des émissions de téléréalité, même s’ils ne les regardent pas forcément seuls.
La mesure est présentée comme neutre du point de vue budgétaire. Il est vrai que les 10 millions d’euros de perte de recettes annoncés ne représentent que 0,3 % du budget global de France Télévisions, qui s’élève à 3 milliards d’euros : une goutte d’eau ! Néanmoins, cela justifie-t-il de considérer la mesure comme financièrement neutre ? Le risque existe-t-il vraiment de fragiliser le modèle de financement de l’audiovisuel public ?
Pour ce qui concerne les chaînes privées, la proposition de loi maintient le régime en vigueur, qui repose sur l’autorégulation du secteur par les chaînes elles-mêmes. Il est vrai que des progrès notables ont été accomplis et que l’adoption de la charte alimentaire a été suivie d’une autodiscipline réelle.
Toutefois, l’information du Parlement en la matière est insuffisante. Au-delà de l’élaboration des lois, les parlementaires doivent exercer pleinement leur fonction de contrôle. Nous devons sans doute renforcer notre suivi des activités du Conseil supérieur de l’audiovisuel et veiller à ce qu’il remplisse correctement ses missions. La transmission annuelle d’un rapport du CSA, que prévoit la proposition de loi, va dans ce sens.
M. David Assouline. Cela existe déjà !
Mme Françoise Laborde. À l’heure où le développement du numérique modifie profondément le paysage des médias et les habitudes de consommation, le modèle économique de l’audiovisuel doit être repensé en profondeur. Les publicités intégrées dans les contenus vidéo diffusés sur internet tendent à se substituer aux publicités à la télévision. À terme, nous ne pourrons faire l’économie d’une réforme en profondeur, afin de préserver l’esprit de la loi de 1986 relative à la liberté de communication.
La proposition de loi visant à supprimer la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse de la télévision publique est un texte consensuel. Si elle n’apporte pas de réponse à la question plus large du financement de l’audiovisuel public, le gain potentiel qu’elle permet en matière de santé publique nous semble à lui seul de nature à justifier son adoption.
C’est pourquoi aucun des membres du groupe du RDSE ne s’opposera à l’adoption de cette proposition de loi. J’ajouterai, madame la ministre, que si ce texte vous semble insuffisant, rien ne vous empêche de nous en proposer un autre… (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, je pense que nous partageons, sur toutes les travées de la Haute Assemblée, le même souci de protéger les enfants de la pression exercée par certains messages publicitaires.
L’enfant est un futur consommateur. Il est également le conseiller du parent consommateur. Il n’est donc pas étonnant que les publicitaires ciblent ce jeune public, particulièrement dans les programmes destinés à la jeunesse, qu’il s’agisse de publicité pour des jouets ou pour des produits alimentaires.
Comme l’a relevé notre rapporteur, dont je tiens à saluer le travail et l’engagement, il existe un problème de vulnérabilité de l’enfant, dont la capacité à décrypter les messages est limitée par son jeune âge.
La publicité ouvre à l’enfant le monde de la consommation. On peut le déplorer, mais cela est lié à notre mode de vie occidental. Un contrôle existe : il est exercé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui veille au respect de la réglementation, s’appuyant sur la loi de 1986 et un décret de 1992 relatif aux communications commerciales.
La question est aujourd’hui de savoir si cet encadrement est suffisant sur le plan de la santé publique, car on peut se demander, le taux d’obésité augmentant, quelle est l’influence de la publicité télévisuelle sur les comportements alimentaires des jeunes.
Si l’on observe la situation dans des pays ayant diminué ou supprimé la publicité télévisée, la corrélation n’apparaît pas clairement.
Ainsi, au Québec, la publicité à destination des enfants diffusée lors d’émissions de télévision a été supprimée en 1980, mais l’obésité infantile a quasiment doublé depuis cette date. Aux États-Unis, où la publicité en direction des moins de douze ans a diminué de 34 % entre 1977 et 2004, l’incidence de l’obésité infantile a quadruplé.
Cependant, les spécialistes auditionnés par notre rapporteur sont formels : même si l’impact de la publicité sur les habitudes alimentaires des enfants est difficile à évaluer, il est bien réel.
Pour clore ce débat, il faut comprendre que l’obésité a des causes multifactorielles, qui persistent dans les pays réglementant la publicité : sédentarité, manque d’activité physique, absence de conscience des parents des risques alimentaires encourus… Les causes de l’obésité et de son augmentation dans les pays occidentaux sont multiples. Je pense que la publicité vient jouer un rôle incitatif supplémentaire.
L’idée de réduire ou de supprimer la publicité dans le cadre des programmes destinés à la jeunesse recueille d’ailleurs un large assentiment des familles.
L’objet de la proposition de loi paraissant légitime, il nous faut alors être particulièrement attentifs aux conséquences, notamment économiques, de sa mise en œuvre.
En effet, il s’agit d’une proposition de loi : il n’y a donc pas eu d’étude d’impact et il nous appartient, en tant que parlementaires, d’estimer les effets potentiels de cette mesure sur le secteur de la publicité, d’une part, et sur les chaînes de télévision, d’autre part.
Concernant les annonceurs, le texte initial de la proposition de loi prévoyait, à son article 3, une hausse de la taxe sur la publicité, mais cet alourdissement des charges a été heureusement supprimé en commission. L’article 1er imposant un encadrement de la publicité a également été supprimé et remplacé par une amélioration de l’autorégulation du secteur, ce que nous approuvons entièrement.
En revanche, les chaînes publiques vont voir les investissements des publicitaires partir vers d’autres médias soumis à une moindre régulation, internet prenant une place de plus en plus importante.
Sans pouvoir disposer de données exactes, la commission a estimé à 5 millions ou 6 millions d’euros la perte de recettes résultant d’une suppression de la publicité qui ne viserait que les programmes destinés aux moins de douze ans.
M. David Assouline. C’est 10 millions !
Mme Nicole Duranton. Comment le groupe France Télévisions pourra-t-il compenser cette perte, alors que son budget est déjà serré ? Cette mesure ne risque-t-elle pas de mettre en péril la réalisation de ses missions ?
C’est là un débat qui dépasse l’objet de cette proposition de loi, pour toucher aux sources du financement de l’audiovisuel public.
Notre groupe, lors de l’examen des précédents textes sur l’audiovisuel public, s’est déclaré favorable à la suppression générale de la publicité sur la totalité de la journée, principalement pour des raisons d’indépendance.
Le récent et excellent rapport de MM. Jean-Pierre Leleux et André Gattolin expose précisément cette nécessité : supprimer la publicité doit permettre de différencier fortement l’audiovisuel public des diffuseurs privés et, surtout, de le soustraire aux contraintes de l’audimat, ce qui garantirait définitivement son indépendance.
La disparition de la publicité ne pouvant être totale pour des raisons économiques, les auteurs du rapport recommandent une suppression partielle, afin de privilégier les messages des pouvoirs publics et de protection de la santé ou de l’environnement.
Le financement rendu nécessaire par la proposition de loi pourrait alors trouver sa place dans le cadre de la redéfinition du modèle économique de France Télévisions, que le Sénat appelle de ses vœux. Notre collègue Jean-Pierre Leleux a donc fait adopter un amendement en ce sens, tendant à reporter l’entrée en vigueur du texte, et donc le règlement de la question financière, à 2018. Cette solution de bon sens permettra de traiter la question de la publicité dans l’audiovisuel public dans son ensemble.
Toutefois, y aura-t-il alors une réforme de la contribution à l’audiovisuel public, souvent annoncée, jamais réalisée ? La redéfinition du financement des chaînes publiques passera-t-elle par davantage d’économies ? Je souhaiterais savoir, madame la ministre, comment vous appréhendez ces questions. Notre groupe reste réservé eu égard à cette inconnue financière.
Je vous rassure, mes chers collègues : nous voterons néanmoins ce texte dans sa nouvelle version, ne souhaitant pas condamner une initiative louable. Nous devrons être particulièrement attentifs aux développements futurs en matière de financement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du RDSE et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis, ce soir, pour examiner une proposition de loi à l’intitulé séduisant mais qui, au cours de son examen, a malheureusement perdu de sa substance et de son intérêt.
Vous le savez, nous sommes particulièrement sensibilisés à la problématique de la publicité à destination des enfants, puisque nous étions, avec notre ancien collègue écologiste Jacques Muller, à l’origine du travail engagé sur cette question en 2009 et que nous avons nous-mêmes déposé une proposition de loi.
M. Jean Desessard. Ah !
M. Pierre Laurent. Nous considérions – et considérons toujours – que la publicité est particulièrement nocive pour les enfants et les adolescents, au regard notamment des enjeux de santé publique qui ont été évoqués, sans parler, de manière plus large, du fait que la publicité appréhende les enfants comme des prescripteurs d’achat, les enrôlant ainsi, très tôt, au service d’une société d’hyperconsommation.
Prenant appui sur les législations en vigueur dans d’autres pays, ce travail avait abouti, comme je viens de l’indiquer, au dépôt d’une proposition de loi en 2010. Le texte qui nous est présenté aujourd’hui relève à mon sens davantage d’une dénaturation que d’une simplification de cette proposition de loi, contrairement à ce qui a pu être dit précédemment.
Bien plus complète et ambitieuse, celle-ci s’articulait selon quatre axes.
Premièrement, elle prévoyait la sanctuarisation des programmes pour enfants et adolescents, en les exonérant de publicité. Cette interdiction s’appliquait – c’est l’une des questions cruciales – tant aux chaînes publiques qu’aux chaînes privées. À nos yeux, une telle interdiction globale était seule légitime, puisqu’il s’agissait de répondre à des impératifs d’intérêt général et de santé publique qui concernent tous les enfants.
Par ailleurs, notre proposition de loi traitait également des autres plages horaires, puisque, malheureusement, la plupart des enfants regardent la télévision bien au-delà des seuls programmes destinés à la jeunesse. Nous limitions plus clairement l’influence des contenus publicitaires, en interdisant par exemple le recours à des personnages de programmes dédiés à la jeunesse dans des publicités ou en renforçant les dispositions du code de la santé publique relatives à la publicité pour les boissons sucrées.
Deuxièmement, la proposition de loi de 2010 prévoyait un renforcement du contrôle et des sanctions.
Troisièmement, elle comportait un volet relatif à l’éducation et à la sensibilisation des enfants et des adolescents par la mise en œuvre d’un programme pédagogique de lecture de l’image et des médias à destination des élèves.
Enfin, quatrièmement, des dispositions visaient à défendre la production de l’animation audiovisuelle en France, dont la qualité est reconnue, y compris à l’international, au travers de mesures propres à engendrer des ressources nouvelles pour le Centre national du cinéma et de l’image animée.
Or, dans le texte qui nous est soumis aujourd’hui, l’ambition éducative de ces propositions a disparu, au profit d’objectifs très limités. C’est la raison pour laquelle j’ai parlé d’une « dénaturation », et non pas d’une « simplification », comme l’a fait notre collègue André Gattolin.
Ainsi, seul l’audiovisuel public est concerné, alors que la version initiale de la proposition de loi renvoyait à un décret en Conseil d’État les mesures à prendre concernant l’audiovisuel privé.
Avant même l’examen du texte en commission, nous avions regretté cette limitation, estimant que réduire le champ du dispositif à l’audiovisuel public le rendait bancal. Les enfants qui regardent les chaînes privées seraient-ils moins vulnérables ? Nous pensons plutôt le contraire !
Pour autant, nous étions prêts à soutenir cette proposition de loi, considérant qu’il s’agissait d’un premier pas en vue de la protection de l’enfance et de la jeunesse. Malheureusement, la commission a fini de vider le dispositif de son contenu, le privant ainsi de toute effectivité.
L’interdiction de la publicité commerciale ne concerne désormais que l’audiovisuel public, toute perspective de renforcement de la réglementation applicable aux chaînes privées ayant disparu.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. C’est autre chose !
M. David Assouline. Et c’est pour cela que la droite votera la proposition de loi !
M. Pierre Laurent. Pour l’audiovisuel privé, on s’en remet à la seule autorégulation et à un rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Le discours convenu sur l’exemplarité du service public ne saurait masquer cette grave lacune.
Pis, les amendements déposés par la rapporteur et par le sénateur Leleux reportent l’application de ce dispositif à 2018. Ils suppriment enfin toute compensation financière pour l’audiovisuel public et s’opposent à une augmentation de la taxe sur les chaînes privées qui aurait pourtant été utile.
Selon la rapporteur, il est très urgent d’attendre une refonte globale de l’audiovisuel et de ses financements, s’appuyant sur les préconisations du rapport d’André Gattolin et de Jean-Pierre Leleux. Or, que dit ce rapport ? Il propose certes l’interdiction de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse, mais ses auteurs considèrent que la baisse des ressources liée à cette dernière doit être compensée uniquement par l’augmentation de la contribution à l’audiovisuel public. Il préconise, parallèlement à cette montée en puissance de la contribution à l’audiovisuel public, une suppression pure et simple des dotations budgétaires et exclut toute participation renforcée du privé par une évolution de la taxe sur les recettes de la publicité.
Nous considérons, à l’inverse, qu’il faut augmenter la masse globale des financements, afin de permettre à l’audiovisuel public d’affronter les nouveaux défis liés notamment à la multiplication des supports. Nous avons d’ailleurs régulièrement présenté des propositions en ce sens.
Nous avons également sollicité le Gouvernement à propos d’une taxation des revenus de la publicité par voie électronique, en justifiant cette taxation par la multiplication des supports et des modes d’émission. Or les propositions auxquelles on nous renvoie aujourd’hui sont très loin du compte.
À nos yeux, le texte de la proposition de loi qui nous est soumis est en tout point insuffisant au regard des objectifs affichés. La protection de l’enfance mérite mieux qu’un dispositif à géométrie variable qui exonère les chaînes privées de leurs responsabilités et creuse, de fait, le sillon d’un paysage audiovisuel déséquilibré, avec un audiovisuel public réglementé, mais sous-financé, et un audiovisuel privé libre et lucratif.
Pour toutes ces raisons, bien que souscrivant à l’objectif initial de protection de l’enfance, puisque nous avions formulé des propositions plus ambitieuses en la matière, nous voterons contre l’adoption du présent texte, eu égard à la faiblesse de son dispositif et aux renoncements successifs qui ont marqué son élaboration. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. –M. David Assouline applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, fédérer, créer, cultiver, épanouir, distraire, garantir le pluralisme et la diversité : tels sont les objectifs que nous assignons au service public de l’audiovisuel, qui se doit d’avoir une très haute ambition sur tous ces points.
Aujourd’hui, la proposition de loi de notre collègue André Gattolin est salutaire. Elle répond à un objectif précis : protéger nos enfants de l’agression et de l’aliénation publicitaires, la publicité ne les envisageant que comme de petits prescripteurs et de futurs grands consommateurs.
Il s’agit de protéger la santé des enfants, car la publicité est placée par les petits au même rang qu’une injonction fiable : elle fabrique les diabétiques et les personnes en surpoids de demain. Certes, madame la ministre, elle n’est pas la seule responsable de l’obésité, mais c’est une raison de plus pour ne pas en rajouter ! La publicité produit des écoliers et des écolières incapables de se concentrer.
J’entends les réserves de certains de mes collègues, selon lesquels ce texte n’irait pas assez loin. Il constitue un premier pas, que le groupe écologiste tient à franchir.
Le manque à gagner de plus de 10 millions d’euros pour France Télévisions pourra être compensé. En effet, l’Assemblée nationale a adopté récemment un amendement accordant 25 millions d’euros supplémentaires au budget de la télévision publique. Enfin, notre proposition de loi ne s’appliquera qu’en 2018. Si des économies devaient être réalisées en urgence, je vous conseille de vous pencher sur le statut privilégié des animateurs-producteurs ou sur les privilèges de certains producteurs-réalisateurs qui se nourrissent du budget de France Télévisions…
Enfin, j’entends et je partage le regret que cette règle ne s’impose pas – encore – aux chaînes privées. Cela étant, j’observe qu’aucun amendement n’a été déposé pour y remédier et qu’il n’y aurait de toute façon pas eu de majorité pour le voter.
Oui, nous pensons que service public et service privé ne sont pas une même chose : par exemple, le service public oblige à livrer le courrier à tous, en haut de la montagne, dans le dernier village, dans le dernier quartier ; le service privé, c’est la desserte internet pour les seuls territoires où elle est rentable. Les exigences ne sont pas les mêmes dans le public et dans le privé !
Notre collègue Corinne Bouchoux, à qui nous pouvons rendre hommage pour la qualité de son travail, a proposé, après avoir entendu tous les acteurs, une nouvelle rédaction du texte, tenant compte de la réalité et de la complexité de la situation : il y a ce dont on rêve et ce qui est possible. Le groupe écologiste est satisfait de ce qu’elle nous propose et il soutiendra l’adoption de ce texte.
Depuis quelques jours, les médias, dont beaucoup sont vraiment dépendants des annonceurs, saluent néanmoins l’initiative du Sénat en faveur des enfants et ils nous encouragent à être précurseurs.
Dans mon école primaire, à Roubaix, dans les années soixante, la boisson servie au réfectoire, c’était la bière ! (Sourires.) Dans les internats des lycées d’Angers, à la même époque, du vin était proposé aux lycéens, et, dans les salles d’étude, les surveillants fumaient ! Tout cela fait sourire et paraît aujourd’hui inconcevable. Eh bien il en ira de même dans quelques années pour la publicité destinée aux enfants, et vous pourrez être fiers de dire : « C’est nous qui l’avons éradiquée ! » (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, contrairement à certains, je pense qu’un certain consensus devrait se dégager sur ce texte.
En effet, nul ne conteste plus les effets néfastes de la publicité sur les jeunes enfants : leur réalité est malheureusement bien établie. Chacun est donc convaincu de la nécessité d’encadrer cette publicité, sinon de la supprimer. Cette prise de conscience se manifeste depuis 2009, depuis que l’on a supprimé la publicité sur les chaînes publiques après 20 heures. D’ailleurs, des amendements sont régulièrement défendus en ce sens par des membres de la Haute Assemblée, tous bords politiques confondus. Nous l’avons encore vu récemment, lors de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé.
C’est pourquoi je remercie notre collègue André Gattolin d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi. Je félicite notre collègue Corinne Bouchoux pour la qualité de son rapport, qui a permis à notre commission d’affiner et de mieux cibler le texte.
En effet, s’il convient d’agir, c’est de manière pragmatique et raisonnée. Je crois que l’on doit actionner deux leviers distincts, selon que l’on s’adresse aux chaînes privées commerciales ou aux chaînes publiques.
Pour les premières, il faut compter sur l’autorégulation, une autorégulation qui est déjà à l’œuvre.
M. David Assouline. Pourtant, ce sont les moins vertueuses !
M. Claude Kern. Cela signifie qu’il faut recourir non plus à un mécanisme de réglementation centralisée, tel que le décret en Conseil d’État initialement prévu, mais à un rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel remis au Parlement, ce qui, au passage, aura le mérite de replacer ce dernier au centre du dispositif…
En revanche, la publicité doit être supprimée dans les programmes du service public destinés à la jeunesse. Toutefois, la commission a encore amélioré le ciblage de cette interdiction, en la concentrant sur les programmes destinés aux enfants de moins de douze ans, donc sur les publics les plus vulnérables.
Enfin, nous avons soutenu la fixation de l’entrée en vigueur du présent texte au 1er janvier 2018. Ce dernier point peut paraître anecdotique, mais il ne l’est en réalité pas du tout, car la présente proposition de loi repose, en filigrane, tout le problème du financement de la télévision publique.
Ce n’est pas que les montants en jeu soient exorbitants. D’ailleurs, quels sont-ils exactement ? France Télévisions parle de 15 millions d’euros, notre rapporteur chiffre plutôt le manque à gagner entre 5 millions et 7 millions d’euros. La situation est à peu près la même que lorsque l’on veut évaluer le nombre de participants à une manifestation : les chiffres varient selon qu’ils émanent des organisateurs ou de la police… (Sourires.)
M. Loïc Hervé. Bon exemple !
M. Claude Kern. Quoi qu’il en soit, c’est une goutte d’eau en comparaison des 2,37 milliards d’euros perçus par France Télévisions au titre de la redevance et des 330 millions d’euros de recettes publicitaires ! L’argument financier ne fait donc pas le poids, surtout au regard de l’enjeu de santé publique, qui me semble plus important.
Ce texte s’inscrit dans la lignée des travaux de MM. Jean-Pierre Leleux et André Gattolin. Leur rapport d’information, dont nous avons approuvé les conclusions, appelle à une réforme structurelle du financement de l’audiovisuel public qui, justement, devrait être mise en œuvre en 2018.
Le choix de cette échéance, encore une fois, n’est pas innocent. Certes, il permettra à France Télévisions d’adapter son offre et de réorganiser ses contrats avec ses annonceurs, mais surtout il autorisera une articulation avec la réforme structurelle que nous appelons de nos vœux. En effet, la suppression de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse n’est que l’un des aspects de cette réforme. Plus précisément, il s’agit de l’une de ses conséquences positives.
Cette réforme est rendue inévitable par la dégradation de la situation économique et financière de France Télévisions, mais aussi, et surtout, en raison du choc à venir ! En effet, chacun le sait, à partir de 2017, l’audiovisuel public devrait être confronté à une chute sévère de ses recettes publicitaires et du rendement de la contribution à l’audiovisuel public. Cette tenaille budgétaire est imputable à une seule et même cause : les conséquences de la révolution numérique, qui change radicalement le mode de consommation des programmes télévisuels.
Devant cette situation, nous soutenons fermement les principales propositions du rapport d’information de la Haute Assemblée, à savoir la mise en œuvre d’une refondation de la contribution à l’audiovisuel public et le reversement de la totalité du produit de la taxe sur les opérateurs de télécommunications.
Il s’agit surtout, à court terme, de stabiliser les ressources de l’audiovisuel public. Mais, pour le long terme, nous soutenons aussi l’instauration d’une contribution forfaitaire universelle, sur le modèle allemand, à partir de 2018.
Pour ce qui concerne spécifiquement la publicité, nous adhérons au concept de « publicité raisonnée », autre nom de l’autorégulation dont je faisais état à l’instant, au sujet de l’article 1er du présent texte.
C’est dans ce cadre que la publicité insérée dans les programmes pour la jeunesse devrait être interdite sur l’ensemble des chaînes publiques, et très « raisonnée » sur les chaînes privées.
Pour toutes ces raisons, et en espérant que nous ne reculerons pas davantage devant cette réforme inévitable, le groupe UDI-UC votera la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « il est aussi noble de tendre à l’équilibre qu’à la perfection ; car c’est une perfection que de garder l’équilibre ». Cette citation de Jean Grenier, philosophe et écrivain du siècle dernier – au demeurant breton, plus précisément briochin –, pourrait illustrer la préoccupation qui nous anime en tant que parlementaires au début de ce débat.
D’une part, il y a le dessein légitime de protéger les enfants de contenus publicitaires inadaptés, qui les heurteraient ou les inciteraient à la surconsommation de produits néfastes à la santé ; d’autre part, il y a la nécessité, tout aussi légitime et indispensable aujourd’hui, de penser à la pérennité du service public audiovisuel.
Pour aborder cette proposition de loi de la manière la plus pertinente, je crois donc qu’il convient d’éviter tout manichéisme. Nos échanges ne peuvent se résumer à un supposé combat entre ceux qui défendraient la suppression de la publicité commerciale dans les programmes pour la jeunesse de la télévision publique au titre de la santé publique et, plus largement, de la morale publique, et ceux qui s’y opposeraient au nom du réalisme économique.
En réalité, ces deux impératifs sont à concilier. Il s’agit, comme je l’ai précédemment évoqué, d’essayer de trouver un savant équilibre.
L’examen de la présente proposition de loi ne peut pas non plus servir de point d’ancrage, me semble-t-il, au seul réquisitoire contre la publicité ou la société de consommation. La discussion perdrait en intelligence et en intérêt si elle revenait à répondre à une question sans aucun doute idéologique : pour ou contre la publicité ?
L’objet de cette proposition de loi doit bel et bien être d’atteindre un juste équilibre entre la protection de l’enfant et la soutenabilité financière du service public de la télévision.
Cet équilibre est-il atteint ? Je réponds malheureusement par la négative.
Il est indéniable que les enfants constituent une cible privilégiée par les publicitaires. En France, ils représenteraient un marché de près de 40 milliards d’euros, soit 2 % de la richesse nationale. Par conséquent, nous ne pouvons évidemment que souscrire à l’objectif louable de la proposition de loi.
Pour autant, au regard de l’impact substantiel qu’aurait l’adoption du texte sur le budget de France Télévisions, il est impossible de faire fi de la situation financière actuelle du groupe. Celle-ci est connue et, Mme la ministre l’ayant rappelée, je n’insisterai pas sur le sujet.
Je me contenterai de souligner que, depuis 2011, les chaînes de télévision font face à une baisse du marché publicitaire de 8 % et qu’une suppression de la publicité alimentaire aggraverait cette tendance.
La baisse de recettes qui en résulterait, notamment au niveau du service public, aurait une incidence pernicieuse sur la création audiovisuelle et cinématographique. Je pense en particulier à l’ensemble de la filière de la production à destination de la jeunesse, qui, comme vous le savez, mes chers collègues, est reconnue à travers le monde pour sa grande qualité et participe au rayonnement de la France.
Pour le service public de la télévision, dont les ressources propres dépendent à plus de 99 % de la publicité et du parrainage, l’interdiction de la publicité commerciale dans les programmes pour la jeunesse constitue un véritable mauvais signe.
Bien sûr, une telle hypothèse ne peut s’inscrire que dans la perspective d’une réflexion plus globale sur le modèle économique de France Télévisions, j’en conviens. Mais toute décision qui se traduirait par une diminution de ses recettes déstabiliserait l’ensemble du groupe.
Pourquoi le périmètre de cette proposition de loi s’arrête-t-il au service public ? Pourquoi fragiliser une nouvelle fois ledit service public, auquel nous sommes attachés ?
Mais surtout, le marché publicitaire – c’est un constat avéré – se déplace de plus en plus vers internet, qui représente un quart du marché publicitaire global en France. Les investissements sont croissants, les techniques de marketing très sophistiquées et la réglementation asymétrique fausse la concurrence entre télévision et web, ce dernier échappant au corpus législatif.
Par-delà les dispositions législatives et réglementaires codifiant la publicité télévisée, nombreuses et étoffées pour les jeunes publics, je souhaiterais insister sur le dispositif de l’autorégulation professionnelle de la publicité qui, de l’avis de beaucoup, fonctionne tout à fait correctement.
Créée en 1935 sous le nom d’Office de contrôle des annonces, l’ARPP est chargée depuis 1992 de donner un avis définitif, avant diffusion, sur tout film publicitaire. À titre indicatif, plus de 20 000 spots publicitaires télévisuels ont été traités en 2014.
Constituée de l’ensemble des acteurs de la publicité, l’ARPP a parallèlement élaboré plusieurs règles déontologiques, en concertation avec la société civile, singulièrement le Conseil paritaire de la publicité. Six recommandations concernent plus spécifiquement les enfants. Elles portent notamment sur la sécurité, les jouets, l’image de la personne humaine ou encore les comportements alimentaires.
Sur ce dernier point, l’exemple est probant. Le volontarisme du Conseil supérieur de l’audiovisuel, combiné au système d’autorégulation, a porté ses fruits. La charte alimentaire de 2013, encore plus ambitieuse que celle de 2009, a eu des effets concrets à la fois sur la démarche qualité de la publicité et sur les engagements des chaînes de télévision en matière d’éducation nutritionnelle auprès des jeunes publics. Pour preuve, en 2013, les programmes visant à promouvoir une bonne hygiène de vie représentaient 1 223 heures de diffusion, contre 443 en 2009.
En d’autres termes, l’amélioration de la pédagogie autour de l’alimentation et de la pratique d’une activité physique est passée, non par une quelconque interdiction, mais par un dialogue nourri entre les pouvoirs publics – pas moins de six ministères ont été associés à la rédaction de cette charte – et les professionnels du secteur de l’audiovisuel.
En définitive, l’esprit de responsabilité semble nettement plus efficace que l’interdiction pure et simple !
Afin de ne pas se limiter au service public et, surtout, de prendre en considération l’évolution des usages – on sait que les enfants se tournent vers les chaînes privées, mais aussi vers internet –, on pourrait imaginer une mission d’information sur la régulation de la publicité sur internet, qui permettrait au moins de rééquilibrer le marché publicitaire en France. Nous savons qu’il y a là un véritable enjeu, non seulement national, mais aussi européen.
Ma conclusion sera brève, mes chers collègues : parce que nous sommes très attachés à la qualité de l’audiovisuel public, veillons à ne pas le fragiliser une fois encore ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.
M. Jean-Pierre Leleux. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, l’objectif de la proposition de loi de notre collègue André Gattolin est à la fois louable – tous les orateurs qui m’ont précédé l’ont reconnu – et presque consensuel.
Ce texte est louable, car il tend à protéger les enfants et les adolescents, public particulièrement sensible et vulnérable, de messages publicitaires susceptibles d’abuser de leur crédulité, de leur jeunesse, pour forcer un acte d’achat vers des produits dont les effets pourraient être néfastes à leur santé ou, tout simplement, à leur équilibre.
Il est, aussi, consensuel – au vu des débats de ce soir, je le qualifierai plutôt de « quasi-consensuel » –, si j’en crois le sondage évoqué par André Gattolin. Selon ce sondage, publié par l’IFOP voilà quinze jours, 71 % de la population française est favorable « à la suppression de la publicité commerciale dans les émissions destinées à la jeunesse et aux enfants sur les chaînes de la télévision publique ».
J’ajoute – mais cela a également été souligné – qu’un grand nombre de pays ont déjà soit légiféré, soit réglementé sur la publicité diffusée dans le cadre des émissions destinées à la jeunesse. Ces pays ayant été cités, je n’entends pas revenir sur la corrélation, assez complexe, entre messages publicitaires et obésité. Je précise néanmoins que l’obésité n’est pas seule concernée et qu’il faut aussi songer à certaines influences pouvant être néfastes aux enfants.
Pour louable et consensuel que soit l’objectif visé par la proposition de loi, celle-ci a été substantiellement modifiée par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, sur proposition de son rapporteur, Mme Corinne Bouchoux, que je félicite pour son travail, ainsi que pour son esprit d’ouverture et son souci d’équilibre.
Ainsi, l’article 1er du texte, qui tendait à prévoir une réglementation par décret en Conseil d’État des messages publicitaires diffusés à la jeunesse par l’ensemble des chaînes de télévision, a été réécrit par la commission, afin que soit inscrit dans la loi le principe d’autorégulation du secteur de la publicité s’agissant précisément de cette publicité à destination de la jeunesse.
L’autorégulation sera mise en œuvre sous la supervision du CSA, à qui l’on demandera de produire un rapport annuel au Parlement, faisant état des efforts effectués par les chaînes dans le cadre de la charte alimentaire. Cette charte, qui existe depuis 2009, est effectivement peu connue. Le travail est réalisé, on le sait, mais la communication et les rapports sur ce point précis sont par trop discrets.
L’article 2, quant à lui, a subi deux modifications importantes.
La première modification porte sur la définition de ce que l’on appelle la « jeunesse ».
En effet, le concept de jeunesse est sans doute un peu flou pour que l’on puisse légiférer sur cette base. Pour ceux qui, comme nous, se croient toujours jeunes malgré leur âge ou ceux qui, toujours comme nous, pensent que la jeunesse est un état d’esprit, il faut être un peu plus précis.
C’est pourquoi le texte cible désormais un public âgé de moins de douze ans. Les programmes destinés à ce public se verront donc interdits de publicité sur les chaînes de l’audiovisuel public et sur les sites dédiés à ces émissions, avec un élargissement d’un quart d’heure prévu avant et après la plage horaire concernée.
La deuxième modification concerne le principe d’une compensation financière à la perte de ressources envisagée, que certains évaluent à 5 ou 7 millions d’euros, et d’autres à 15 millions.
Ce concept de compensation financière a été supprimé et l’application de la loi reportée au 1er janvier 2018, à l’occasion de la mise en œuvre d’une réforme globale du financement de France Télévisions. Celle-ci s’appuiera sur les propositions qui ont été avancées dans le rapport élaboré, durant huit mois, par André Gattolin et moi-même et que, mes chers collègues, vous n’êtes pas sans connaître.
Je tiens à profiter des quelques minutes dont je dispose encore pour revenir sur un argument développé par David Assouline et repris par Sylvie Robert. Il eût fallu, selon nos deux collègues, étendre la mesure à l’ensemble des chaînes publiques et privées.
Évidemment, considéré sous un certain angle, cet argument ne nous laisse pas insensibles. Mais j’y vois tout de même un paradoxe, monsieur Assouline. Dans votre discours, qui, en définitive, rejoint le nôtre, vous indiquez qu’il s’agira aussi de différencier le service public dans le paysage audiovisuel. Comment ne pas utiliser, pour ce faire, des mesures tendant à améliorer le discours public, en le concentrant sur l’environnement, la santé et la protection des enfants ?
J’ai entendu sur d’autres travées, particulièrement les nôtres, qu’il revenait aux parents de transmettre le message à leurs enfants. J’en conviens, mais nous avons justement là une opportunité d’expliquer aux parents que, s’ils veulent protéger leurs enfants, ils doivent leur faire regarder les émissions matinales du service public, diffusant des messages publicitaires propres.
M. David Assouline. Cela fait longtemps que vous n’êtes plus parent !
M. Jean-Pierre Leleux. Ainsi, nous pourrons augmenter l’audience de l’audiovisuel public dans les tranches d’âge des enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe écologiste.)
Je conclurai mon propos en saluant, d’abord, le travail et l’initiative d’André Gattolin. Je tiens à lui redire tout le plaisir que j’ai eu à travailler pendant plusieurs mois sur le rapport précité et, notamment, à mener toutes les auditions.
M. David Assouline. C’est l’amour !
M. Jean-Pierre Leleux. En définitive, nous avons trouvé un dispositif cohérent. La réforme de l’audiovisuel public, que nous préconisons et appelons de nos vœux, doit pouvoir – combien de fois l’ai-je répété ! – aboutir à ce que l’audiovisuel public traverse les échéances électorales paisiblement, sans revirement complet de situation à intervalles réguliers.
La recherche d’un consensus est nécessaire pour rendre l’audiovisuel enfin indépendant et l’asseoir sur un financement solide.
Je salue, ensuite, le travail de coordination de nos travaux effectué par la présidente de la commission de la culture et, en particulier, le soin qu’elle a pris pour mener la concertation.
Enfin, je remercie Mme le rapporteur pour son sens de l’écoute et le travail en profondeur qu’elle a réalisé.
Ce texte, s’il n’est pas la panacée, est cependant tout à fait bon. C’est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre. Les différentes interventions l’attestent, nous avons tous comme objectif de protéger les enfants et leur santé. À cet égard, l’objet de cette proposition de loi est tout à fait louable. Néanmoins, nous devons être attentifs à ne pas fragiliser les actions menées actuellement, qui portent leurs fruits – je pense à l’autorégulation – et qui pourraient même être amplifiées.
Nous devons également veiller à ne pas fragiliser l’audiovisuel public par rapport à ses concurrents privés, qu’il s’agisse des chaînes privées ou des acteurs de l’internet. C’est pourquoi, comme le disait Sylvie Robert, il convient d’adopter une approche équilibrée.
Je veux dire quelques mots sur le financement de France Télévisions, qui a été évoqué à de nombreuses reprises.
Il faut regarder les choses en face et voir ce qui a été fait. Le Gouvernement a renforcé le financement de France Télévisions, l’a rendu plus indépendant, plus stable, plus pérenne, et a fait en sorte que celui-ci ne soit plus soumis à la régulation des fins de gestion. C’est d’ailleurs ce qu’organise le projet de loi de finances pour 2016, qui sera prochainement discuté au Sénat.
Le Gouvernement peut être fier de ces mesures.
Veillons à ne pas fragiliser cet audiovisuel public dont nous sommes tous fiers, et qui doit faire face à une concurrence de plus en plus rude.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique
Titre Ier
(division et intitulé supprimés)
Chapitre Ier
Protection des enfants et des adolescents
Article 1er
Le premier alinéa de l’article 14 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il adresse chaque année au Parlement un rapport évaluant les actions menées par les services de communication audiovisuelle en vue du respect, par les émissions publicitaires qui accompagnent les programmes destinés à la jeunesse, des objectifs de santé publique et de lutte contre les comportements à risque, et formulant des recommandations pour améliorer l’autorégulation du secteur de la publicité. »
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Chapitre II
Dispositions applicables au service public audiovisuel
Article 2
I. – L’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifié :
1° Après le VI, il est inséré un VI bis ainsi rédigé :
« VI bis – Les programmes des services nationaux de télévision mentionnés au I de l’article 44 destinés prioritairement aux enfants de moins de douze ans ne comportent pas de messages publicitaires autres que des messages génériques pour des biens ou services relatifs à la santé et au développement des enfants ou des campagnes d’intérêt général. Cette restriction s’applique durant la diffusion de ces programmes ainsi que pendant un délai de quinze minutes avant et après cette diffusion. Elle s’applique également à tous les messages diffusés sur les sites internet de ces mêmes services nationaux de télévision qui proposent des programmes prioritairement destinés aux enfants de moins de douze ans.
2° Au VII, la référence : « au VI » est remplacée par les références : « aux VI et VI bis ».
II. – Le présent article s’applique à compter du 1er janvier 2018. – (Adopté.)
Titre II
(division et intitulé supprimés)
Article 3
(Supprimé)
Article 4
(Supprimé)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Faute d’établir un diagnostic commun sur le service public, compte tenu du contexte dans lequel nous examinons cette proposition de loi, il paraît difficile de parvenir à un consensus.
La question qui est posée, c’est celle de la vérité des prix, celle des moyens dont on se dote pour mener une politique.
La dernière fois que nous avons eu un grand et long débat sur l’audiovisuel public dans cet hémicycle, c’était à l’occasion de l’examen de la loi voulue par Nicolas Sarkozy pour supprimer la publicité après vingt heures, loi qui a cassé l’équilibre financier qu’avait retrouvé France Télévisions bien des années auparavant.
Cet équilibre reposait sur deux piliers bien distincts : les ressources propres – les recettes commerciales – et les ressources issues de la contribution à l’audiovisuel public. De cette façon, le groupe public était indépendant de l’État sans dépendre de ses recettes publicitaires.
Depuis lors, il n’est jamais parvenu à retrouver cet équilibre.
Le financement public de France Télévisions reste soumis chaque année – on l’a vu – aux aléas de la conjoncture financière et au vote du budget ; pour autant, le groupe ne peut compter sur la seule redevance, personne n’ayant fait le choix d’imiter le modèle anglais, celui de la BBC, ou allemand d’un financement entièrement public de l’audiovisuel.
Par conséquent, France Télévisions doit trouver de nouvelles ressources propres.
À droite, j’ai toujours entendu la même chose : « Il y en a marre des assistés, du service public, qu’on doit alimenter ! Qu’ils aillent donc chercher des ressources propres ! » Et quand le service public s’efforce de trouver ces ressources, on lui retire 10 millions d’euros !
On pourrait tenter l’expérience pendant quelques années et étudier ainsi le réel impact de cette suppression. Je suis prêt à dire banco, si l’on m’explique comment compenser. Or, tant en Suède qu’au Canada, on n’a observé aucun impact…
Selon nous, le débat doit porter pour l’essentiel sur la manière de protéger l’enfance et la jeunesse à l’heure de la révolution numérique et des mass media. C’était d’ailleurs l’objet de mon rapport de 2009, dans lequel je formulais douze propositions, dont certaines ont été mises en œuvre. Je soulevais dans ce travail d’autres problématiques qui continuent de se poser, comme la violence et la santé.
Surtout, c’est le contenu pédagogique des émissions elles-mêmes qui doit retenir notre attention. À cet égard, seul le service public permet d’exercer une influence sur les programmes produits. Dans le privé, c’est d’abord l’Audimat et la rentabilité commerciale qui fixent les règles.
Pourquoi fragiliser le service public, alors même qu’il accorde la plus grande attention à la protection et à l’éducation des jeunes, et qu’il a adopté une charte propre dont les prescriptions s’imposent à lui en sus des dispositions de la loi de 1986 et des règles auxquelles est soumis le privé ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe écologiste.)
16
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 22 octobre 2015 :
À dix heures trente :
Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé (n° 517, 2014-2015) ;
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 76, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 77, 2015-2016).
Explications de vote et vote, en deuxième lecture, sur la proposition de loi organique, modifiée par l’Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy (n° 518, 2014-2015) ;
Rapport de M. Mathieu Darnaud, fait au nom de la commission des lois (n° 72, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 73, 2015-2016).
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
Proposition de résolution pour le soutien au plan d’électrification du continent africain : « plan Électricité-Objectif 2025 », présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution (n° 540, 2014-2015).
Proposition de loi visant à instaurer des contrats territoriaux de développement rural (n° 470, 2014-2015) ;
Rapport de Mme Annick Billon, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 61, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 62, 2015-2016).
Éventuellement, à dix-huit heures trente, et le soir : suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART