PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Modernisation de notre système de santé
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 6 bis.
Articles additionnels après l'article 6 bis
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1103 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 6 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles L. 4623–4 à L. 4623–8 du code du travail sont applicables aux infirmières exerçant dans les services de santé au travail.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Les infirmières exerçant dans les services de santé au travail sont amenées à exercer de plus en plus de responsabilités. Cependant, leur statut est beaucoup moins protecteur que celui des médecins du travail, ce qui les expose particulièrement aux pressions de leurs employeurs.
Cet amendement vise donc à étendre aux infirmières exerçant dans les services de santé au travail les dispositions de la sous-section « Protection » de la section du code de la santé publique consacrée aux médecins du travail.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 499 rectifié est présenté par MM. Marseille, Maurey et Bockel.
L'amendement n° 1139 rectifié est présenté par MM. Barbier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mme Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
L'amendement n° 1161 est présenté par M. Bonnecarrère.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 4623-8 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les mêmes garanties d’indépendance professionnelle sont apportées aux infirmiers exerçant au sein d’une équipe pluridisciplinaire de santé au travail. »
L’amendement n° 499 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 1139 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. L’infirmier de santé au travail, IST, contribue à la protection de la santé physique et mentale des salariés sur le lieu de travail, en collaboration étroite avec le médecin du travail. Il participe ainsi à la surveillance de la santé des salariés, prend en charge les soins d’urgence et met en place des actions de prévention. Son rôle est essentiel, notamment en raison de la pénurie des médecins du travail.
Si la réforme de la médecine du travail et des services de santé au travail a été l’occasion de réaffirmer le principe de l’indépendance des médecins du travail, ce principe ne s’applique pas aux infirmiers de santé au travail. Pourtant, l’indépendance professionnelle est un fondement de la relation entre un infirmier et un patient. C’est ce manque que cet amendement tend à combler.
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur de la commission des affaires sociales. Nous comprenons l’objet de ces amendements, mais il ne semble pas possible de répondre à la demande de leurs auteurs, qui proposent de modifier le code du travail alors que nous travaillons sur le code de la santé publique.
La commission sollicite donc le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Il est proposé, dans ces deux amendements, que soit prévu un statut particulier pour les infirmiers et les infirmières qui exercent leur métier dans les services de santé au travail. Or ces professionnels de santé bénéficient déjà d’une indépendance technique. En revanche, ils n’ont pas, c’est vrai, le même statut que les médecins du travail, qui disposent d’un statut de salarié protégé.
En effet, les infirmiers qui exercent dans ces services ne sont pas habilités, contrairement aux médecins du travail, à prendre des décisions individuelles. Par exemple, ils ne peuvent pas prononcer une décision d’inaptitude, décision qui relève du seul médecin.
Ces infirmiers sont, d’une certaine façon, protégés par l’indépendance technique, mais il n’y a pas de raison de les soumettre à un statut de salarié protégé comme les médecins du travail.
C’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de m’avoir donné une explication détaillée et compréhensible.
En revanche, madame la corapporteur, votre explication ne me satisfait pas. Dès lors qu’il est question de santé au travail, il y a discussion, car nous sommes à la frontière entre le code du travail et le code de la santé publique. Notre assemblée aura de toute façon à examiner prochainement le code du travail. Pourquoi ne pas commencer aujourd'hui ? J’ai trouvé, madame la rapporteur, sans vouloir vous offenser, que la réponse de Mme la secrétaire d’État, était plus complète et plus explicite.
Quoi qu'il en soit, je maintiens l’amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, corapporteur.
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Vous admettrez, monsieur le sénateur, que votre amendement, même s’il traite des professionnels de santé, n’est pas relatif à la santé et qu’il ne porte que sur des modifications du code du travail.
M. Jean Desessard. C’est logique, s’agissant de « professionnels de santé au travail » !
Mme la présidente. L'amendement n° 846 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article L. 162-4-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils sont tenus de noter, le cas échéant, la cause environnementale de la pathologie. Les services des ressources humaines effectuent annuellement un relevé de ces causes. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Dans son très bon rapport publié le 15 juillet 2015, la commission d’enquête sénatoriale sur le coût économique et financier de la pollution de l’air a mis en exergue, de manière consensuelle, la faiblesse du dispositif de santé environnementale dans notre pays, notamment en matière de données exhaustives disponibles.
Ainsi dans sa proposition n° 20, la commission d’enquête préconise-t-elle une évaluation du coût financier de l’absentéisme lié à la pollution de l’air et aux pics de pollution.
Par cet amendement, nous entendons, de manière générale, permettre un meilleur recueil des données.
Dans le cadre des auditions menées par la commission d’enquête, la Direction générale du travail du ministère du travail a indiqué qu’elle ne connaissait pas le nombre de journées d’incapacité temporaire dues à une pathologie liée à la pollution de l’air.
Or la simple mention, sur l’arrêt de travail rempli par le médecin, du fait que la pathologie est liée à une cause environnementale permettra aux organismes d’assurance maladie obligatoire, notamment, d’être mieux à même d’identifier les dépenses liées à des épisodes environnementaux, de ne plus être des payeurs aveugles et de pouvoir mieux anticiper.
Ainsi, dans la mesure où ce projet de loi consacre son chapitre IV aux risques sanitaires liés à l’environnement, il paraît essentiel que ces organismes soient en mesure d’identifier les causes environnementales qui sont à l’origine de certaines pathologies.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cher collègue, je comprends très bien la préoccupation qui sous-tend cet amendement. Toutefois, je me pose une question pratique : comment les médecins pourront-ils établir par écrit les causes des pathologies qu’ils observeront quand on sait, par exemple, que certaines maladies sont multifactorielles ? Nous savons tous qu’il est particulièrement difficile de déterminer avec certitude les causes exactes et précises d’une pathologie. Une telle disposition nous semble donc vraiment difficile à mettre en œuvre.
Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, votre objectif est tout à fait louable : l’idée de chercher à évaluer, à partir des arrêts de travail, la part des causes environnementales dans les pathologies, de manière à faire progresser l’épidémiologie de façon globale, procède d’une bonne intention. Mais ce n’est pas ainsi qu’on fait de l’épidémiologie.
Il s’agit d’une discipline scientifique, qui s’appuie sur une méthodologie stricte, laquelle ne peut se réduire au collationnement de simples certificats médicaux sur lesquels aura été cochée une case indiquant l’existence d’une cause environnementale. Il faut mener des études de cohortes et on ne saurait s’en remettre à la subjectivité du médecin qui remplit l’arrêt de travail si l’on veut aboutir à des conclusions fiables sur le plan scientifique.
De surcroît, peut également se poser la question de la confidentialité d’un certain nombre d’éléments figurant sur le certificat d’arrêt de travail.
Mais l’objection principale reste clairement celle qui concerne la validité scientifique de ce type de données. En épidémiologie, on compare la fréquence d’une maladie au sein d’un groupe de personnes exposées à un facteur de risque à celle d’un groupe de personnes non exposées. Il ne s’agit pas de prendre des populations au hasard et de se fonder sur la seule déclaration de médecins qui remplissent des arrêts de travail pour déterminer si des personnes ont été ou non exposées à une pollution.
La finalité d’un arrêt de travail n’est pas de s’inscrire dans une étude épidémiologique, c’est d’ouvrir droit à des indemnités journalières. Ou alors, il faut revoir complètement la façon dont sont conçus les arrêts de travail.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. J’adhère totalement à l’argumentation de Mme la secrétaire d'État, tant sur la validité scientifique que sur la confidentialité.
Ce n’est effectivement pas ainsi que l’on conduit des études épidémiologiques, sauf éventuellement à identifier un lieu de travail qui pourrait poser des problèmes en matière de santé environnementale, ce qui suppose alors que soit mise en place une méthodologie d’analyse épidémiologique.
Par ailleurs, sur le sujet de la confidentialité, je souligne que l’arrêt de travail est un document administratif. Dès lors qu’on y introduirait des renseignements personnels sur le travailleur, il y a le risque de violer le secret médical, ce qui pourrait être extrêmement délétère pour le travailleur concerné.
Pour ces deux raisons, que Mme la secrétaire d'État a parfaitement explicitées, cet amendement ne doit pas être adopté.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la secrétaire d'État, je ne comprends pas : si, comme vous l’avez dit au début de votre intervention, mon objectif est louable, il faut se donner les moyens de l’atteindre !
La formidable enquête – à laquelle ont participé l’ensemble des groupes politiques du Sénat – qui a été réalisée a montré l’importance extraordinaire du coût sanitaire de la pollution. Il est estimé à 1 000 milliards d'euros…
M. Jean-François Husson. Non, 101,3 milliards d'euros.
M. Jean Desessard. Je me suis laissé emporter ! (Sourires.) Mais chacun conviendra que ce coût est, de toute façon, très important.
M. Jean-François Husson. C’est quand même dix fois moins !
M. Jean Desessard. Madame la secrétaire d'État, je pourrais admettre que vous me disiez, puisque mon objectif est louable, que ce que je propose est insuffisant, et j’accepterais alors volontiers de rectifier mon amendement. Mais vous ne proposez rien d’autre ! Dès lors, il ne fallait pas me dire que mon objectif était louable, il fallait d’emblée me dire : « Il y a une pollution, les gens s’absentent, on n’y peut rien ! »
Je propose qu’une mention soit portée sur le certificat : « Non, on n’y peut rien ! ». Je propose que le médecin puisse constater que telle personne a été exposée aux pollutions, et vous m’opposez aussitôt le secret médical. Qu’est-ce que cela veut dire ? Il faut bien, à un moment, qu’on puisse juger si, effectivement, il y a eu pollution ou non, si c’est un phénomène qui se développe.
On peut imaginer un document complémentaire, une petite fiche annexe qui concernerait les atteintes subies à cause de la pollution. Vous pourriez me proposer autre chose ! Or, tout en admettant que ma proposition est louable, que le coût de la pollution est élevé, que le problème est important, vous vous contentez de dire : « On ne peut rien faire ». C’est cela qui est grave !
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, corapporteur.
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cher collègue, ce qui est « louable », c’est votre intention, mais non sa réalisation.
Vous admettrez qu’il n’est pas forcément possible de tout faire. Dans le cas présent, vous voulez demander aux médecins d’apporter des éléments probants sur telle ou telle pathologie qu’ils auraient à observer. Or nous avons tous entendu, ces derniers jours, que les médecins sont déjà complètement débordés. Ils sont peu nombreux, notamment dans certaines parties de notre territoire. Ils disent eux-mêmes qu’ils font plus de travail administratif que de médecine. On ne peut pas augmenter encore la charge qui pèse sur leurs épaules en leur demandant de remplir une case supplémentaire sur un questionnaire concernant la cause environnementale, ou non, de telle ou telle pathologie.
Pour autant, je suis sûre que la conscience des médecins et leurs bonnes pratiques les portent déjà, lorsqu’ils observent un problème récurrent, à en faire état auprès des instances compétentes.
Mme la présidente. La parole est à M. le Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, corapporteur. Monsieur Desessard, je ne vais pas revenir sur ce qu’ont dit Mme Doineau et Mme la secrétaire d'État et que je partage entièrement.
J’ajouterai simplement ceci : d’après l’objet de votre amendement, vous envisagez « la simple mention, de la part du médecin, sur l’arrêt de travail que la pathologie est liée à une cause environnementale »... C’est à croire que vous n’avez jamais vu d’arrêt de travail de votre vie ! Un médecin qui remplit un arrêt de travail met le nom du patient, il appose son cachet, il coche le nombre de jours d’arrêt, il précise si les sorties sont ou non autorisées, et c’est tout ! Il n’indique pas la pathologie et ne saurait pas faire de commentaires sur les causes supposées de celles-ci, qu’elles soient environnementales ou non ! Ce que vous proposez n’a rien à voir avec un arrêt de travail !
M. Jean Desessard. Nous proposons d’améliorer les arrêts de travail !
M. Alain Milon, corapporteur. C’est un certificat médical, à la rigueur, mais ce n’est pas un arrêt de travail !
Par conséquent, outre les motifs qu’ont exposés Mme le rapporteur et Mme la secrétaire d'État pour justifier l’avis défavorable de la commission et du Gouvernement, l’objet de votre amendement est mauvais.
M. Jean Desessard. Il n’est pourtant pas impossible d’ajouter un complément !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Avec cet amendement, on n’est pas du tout dans la vie réelle !
Premièrement, lorsqu’un médecin établit un arrêt de travail, dans le cas où il s’agit d’un accident de travail, il inscrit un diagnostic. Ce diagnostic est totalement confidentiel ; c’est la moindre des choses !
Deuxièmement, je pense qu’il y a très peu de cas où un médecin, en toute bonne foi, pourra dire que la maladie qu’il diagnostique lorsqu’il établit l’arrêt de travail est causée par l’environnement. Il est exceptionnel qu’une maladie soit exclusivement causée par l’environnement, sauf lorsque survient un accident dans l’entreprise qui engendre une pollution massive, par exemple. Le reste du temps, quand existe une pollution que l’on pourrait qualifier de « normale », telle que la pollution à l’ozone ou celle qui survient en cas de forte chaleur, il est, selon moi, impossible de dire si cette pollution a entraîné la maladie.
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Pour conclure sur cette question, je voudrais rassurer M. Desessard.
M. Jean Desessard. C’est louable, madame la secrétaire d'État ! (Sourires.)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. En France, l’Institut de veille sanitaire est chargé de conduire des études épidémiologiques. De leur côté, les médecins épidémiologistes de la France entière travaillent en permanence. C’est ainsi que quantité d’études cliniques et de cohortes ont été et sont publiées concernant l’impact de l’environnement sur toute une série de pathologies.
Aborder cette question par le biais des arrêts de travail n’est pas de bonne méthode, et cela notamment pour une raison toute simple : on peut très bien être malade du fait de son environnement sans pour autant être en arrêt de travail ! On peut également être malade à cause de l’environnement, tout en n’ayant pas d’emploi, par exemple parce que l’on est femme au foyer. Vous ne prendrez pas en compte toutes ces personnes lorsque vous mènerez des études quantitatives à partir des arrêts de travail !
Que ferez-vous donc avec les chiffres que vous récolterez, dès lors qu’ils ne refléteront pas l’impact de tel ou tel environnement sur telle ou telle pathologie, car vous ne prendrez pas en compte toutes les personnes qui, pour une raison ou pour une autre, n’étaient pas en arrêt de travail à ce moment-là.
Ainsi, vous, sénateur, imaginez que vous soyez malade à cause de votre environnement…
M. Jean Desessard. C’est bien ce qui m’arrive ! (Rires.)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Vous n’aurez pas d’arrêt de travail ! (Mêmes mouvements.)
Comment fera-t-on alors pour vous prendre en compte dans les statistiques ?
M. Jean Desessard. Il est vrai que les sénateurs absents en ce moment ne sont pas en arrêt de travail ! (Sourires.)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. En tout cas, tous ne sont pas absents à cause de l’environnement ! (Nouveaux sourires.)
Je le répète, votre intention est louable, mais la méthode que vous proposez de retenir n’est pas la bonne si l’on veut réaliser une étude pertinente sur les pathologies induites par l’environnement.
Du reste, les parlementaires ne sont pas là pour établir les protocoles scientifiques d’épidémiologie : c’est le métier des épidémiologistes !
Mme la présidente. L'amendement n° 328 rectifié, présenté par MM. Antiste, Cornano, J. Gillot, Mohamed Soilihi et Patient, est ainsi libellé :
Après l’article 6 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2016, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité d’une augmentation du coefficient géographique applicable en Martinique prévu au 3° de l’article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale ainsi que sur son extension aux actes de consultation externe. Les conséquences financières pour les établissements et professionnels de santé ainsi que pour la sécurité sociale d’une telle augmentation sont notamment examinées.
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Il s’agit de faire en sorte que soient examinées les conséquences d’une augmentation du coefficient géographique en Martinique, à la fois pour les professionnels de la santé et pour la sécurité sociale.
En effet, la situation financière des hôpitaux de Martinique se dégrade. Or une étude conduite en Martinique montre que le surcoût de l’insularité est de l’ordre de 30,4 %, alors que le coefficient géographique n’est que de 26 %.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cher collègue, on ne doute pas de l’intérêt du rapport que vous demandez, mais vous connaissez la jurisprudence que nous avons adoptée : nous avons émis un avis défavorable sur tous les amendements qui visent à obtenir un rapport supplémentaire. Nous avons été tout aussi rigoureux avec vous qu’avec d’autres.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, il est en effet extrêmement important de savoir comment adapter le système de tarification à des territoires particuliers comme les outre-mer. C’est déjà ce qui est pratiqué avec la tarification à l’activité qui doit être adaptée à la réalité des coûts, lesquels peuvent être différents selon que l’établissement hospitalier se situe en Île-de-France, dans un département extrêmement rural de la métropole ou dans les outre-mer.
En réalité, il existe déjà un rapport annuel remis au Parlement sur le financement des établissements de santé. Il est tout à fait possible d’y inclure un chapitre consacré au système de tarification dans les outre-mer.
Par conséquent, nous ne voyons pas bien l’intérêt de créer un nouveau rapport spécifique aux outre-mer. Le rapport annuel qui existe déjà permet de vous donner satisfaction. C’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Antiste, l'amendement n° 328 rectifié est-il maintenu ?
M. Maurice Antiste. Mme la secrétaire d'État m’ayant donné l’assurance que les rapports annuels tiendront compte du déséquilibre entre le surcoût de l’insularité et du coefficient géographique dans les outre-mer, je retire cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 462 est présenté par Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mmes Yonnet, Monier, D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 587 rectifié est présenté par Mmes Jouanno, Billon et Laborde, M. Guerriau et Mme Bouchoux.
L'amendement n° 710 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 4624-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le rapport annuel d’activité, établi par le médecin du travail, pour les entreprises dont il a la charge, comporte des données selon le sexe. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe les modèles de rapport annuel d’activité du médecin du travail et de synthèse annuelle de l’activité du service de santé du travail. »
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Il s’agit de développer le recueil et la publication régulière de données sexuées en matière de santé au travail, en s’appuyant sur les rapports annuels des médecins du travail.
Une étude de l’ANACT, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, publiée en 2014, démontre que, si le nombre d’accidents du travail a globalement baissé entre 2001 et 2012, il progresse nettement pour les femmes – de 20,3% – et cela de façon encore plus marquée pour les maladies professionnelles, dont le nombre progresse près de deux fois plus rapidement – de 170 % – pour les femmes que pour les hommes sur la même période.
Or les dispositions actuelles du code du travail ne prévoient pas d’obligation concernant la production de données selon le sexe dans les rapports annuels des médecins du travail. Ainsi, par exemple, les logiciels informatiques des médecins ne prévoient pas de croiser les données recueillies avec le sexe pour synthétiser leurs résultats.
Pour remédier à cette lacune, il convient de modifier l’article L.4624-1 du code du travail, relatif aux missions du médecin du travail.
Mme la présidente. L'amendement n° 587 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 710.
Mme Annie David. Cet amendement vise à rétablir l’article 6 ter tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale.
Aux arguments que vient d’exposer Mme Meunier, et que je fais miens, j’ajouterai quelques considérations.
Il nous semble important de rendre obligatoire la présence de données sexuées dans le rapport annuel du médecin du travail sur les entreprises de son ressort.
Cette disposition présenterait au moins deux avantages : d’une part, elle permettrait d’établir des données statistiques fiables et, d’autre part, elle offrirait aux praticiens sur le terrain un retour d’expérience.
Michèle Meunier vient d’en parler : on sait que les femmes sont plus présentes dans certains métiers, notamment les plus précaires. Ainsi, les services à la personne comptent près de 98 % de femmes. On sait aussi que l’exposition aux accidents du travail et maladies professionnelles n’est pas la même pour les hommes et les femmes. Toutefois, nous ne disposons pas de base statistique pour mesurer les corrélations et faire apparaître des facteurs précis.
M. Jean Desessard. C’est ce que je disais tout à l'heure !
Mme Annie David. Pourtant, la prévention de ces risques pourrait être grandement facilitée si une telle base existait. Il s’agit donc non d’un gadget, mais bien d’une réponse au besoin d’affiner le retour d’expérience des médecins du travail pour assurer la prise de décision la plus adéquate possible.
De par son rôle et sa position à l’intérieur des entreprises, le médecin du travail, dont la prévention est une des missions centrales, est le mieux à même de collecter ces données, et de s’en servir en retour.
La souffrance au travail est différenciée selon le genre ; il doit donc en aller de même de sa prévention.