M. Jean-Pierre Godefroy. Tout à fait !
M. Didier Guillaume. Rappelez-vous cette période, cette migration immense qui a coloré notre pays.
De la même façon, nous sommes fiers d’avoir accueilli les Arméniens qui fuyaient le génocide de 1915, et que leurs enfants et petits-enfants vivent aujourd’hui en France. Je veux tous les saluer. J’ai également une pensée pour Charles Aznavour, qui, hier soir, à 91 ans, a débuté son concert par sa chanson Les Émigrants, en l’expliquant et en argumentant en faveur de l’accueil des réfugiés.
Quand on est Arménien, réfugié espagnol, petit-fils de boat people, ou un simple républicain ayant la république chevillée au corps, quand on aime la France, on ne se demande pas où nous en sommes, on se dit que, oui, on a le devoir d’accueillir les immigrés, même si cela est compliqué !
Ce sentiment de fierté, nous pouvons tous le partager.
Cela étant dit, et je le dis très tranquillement, très sereinement, nous éprouvons aussi un sentiment de honte. Cette honte, nous l’assumons aussi.
J’ai honte de ce que certains responsables politiques français ont dit. Pour des raisons peut-être objectives, ou tout simplement par posture politicienne pré-électorale, ils s’engagent sur des voies qui ne sont pas dignes de notre nation et de notre république. S’appuyant sur les instincts et les peurs les plus vils, ils veulent choisir les réfugiés en fonction de leur engagement communautaire, de leur religion... Or le droit d’asile ne se découpe pas entre religions ! Il est un et indivisible, comme vous l’avez bien dit, monsieur le ministre.
J’ai honte pour ceux qui comparent l’afflux de réfugiés aux invasions barbares ! Mais enfin, quelle est cette comparaison, et de qui se moque-t-on ?
Je suis abasourdi par la position de certains maires, mais c’est leur choix le plus complet, ils sont responsables dans leur mairie.
Je suis effaré qu’un ancien ministre, un élu de haut rang, ayant lui-même des origines étrangères, ait pu, même si c’était sur le ton de la boutade, et même s’il s’est ensuite excusé, dire ce qu’il a dit sur l’Allemagne, les juifs et les Arabes. Le seul fait qu’il l’ait pensé montre bien que la bête immonde surgit de nouveau dans certains cerveaux. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Il a raison !
Mme Isabelle Debré. Ne commentons pas !
M. Didier Guillaume. Je suis tout aussi effaré lorsque j’entends un autre responsable politique comparer l’arrivée des immigrés à une fuite d’eau dans une cuisine.
Si je respecte les positions et les convictions des uns et des autres, je pense que de tels propos entretiennent le doute, la fracture, les divisions et sont source de problèmes.
Mme Éliane Assassi. Bien sûr !
M. Didier Guillaume. J’en viens maintenant aux propositions que nous souhaitons faire. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) Oui, nous en ferons quelques-unes, alors que je n’en ai pas toujours entendu de votre part !
Les propos que je viens de rapporter ne sont pas notre France et ne correspondent pas à notre modèle républicain. Il faut le dire, l’Europe – et la France dans l’Europe – est face à son destin, elle se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire. Cette Europe qui s’est construite au fil des années, qui s’est regroupée, élargie – parfois avec difficultés –, cette Europe dont doutent nombre de nos concitoyens – le référendum de 2005 l’a montré, les dernières élections européennes l’ont confirmé –, cette Europe doit agir, et agir vite, sinon elle sera débordée.
Je tiens à remercier le Gouvernement d’avoir octroyé des moyens supplémentaires à l’OFPRA.
Nous accueillons tous les réfugiés, c'est-à-dire tous ceux qui peuvent bénéficier du droit d’asile. En revanche, comme vous l’avez très bien souligné, monsieur le ministre, il faut reconduire à la frontière ceux qui n’ont pas à être dans ce pays. Nous devons le dire très clairement. Nous parviendrons d’autant mieux à le faire, mes chers collègues, que ce Gouvernement s’est donné les moyens de procéder à ces reconduites à la frontière, après les baisses d’effectifs et de budget, après la casse dans le service public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. Oui !
M. Didier Guillaume. Est-ce assez ? Peut-être pas, mais il faut avancer.
Sur ce sujet, rassemblons-nous, refusons l’opposition stérile, car c’est de femmes et d’hommes qu’il s’agit. Tout le monde a été ému par la photo de ce petit garçon sur la plage. Pourquoi son père, son oncle et son grand-père n’auraient-ils pas le droit de venir en France, s’ils peuvent bénéficier du droit d’asile ?
La France doit agir avec humanisme et fermeté, mais sans naïveté. C’est ce que fait le Gouvernement. Comme l’a confirmé le ministre de l’intérieur, le droit d’asile est un droit fondamental. En outre, depuis que le Sénat a voté très largement la loi relative à la réforme du droit d’asile, nous avons les moyens d’aller un petit peu plus loin.
Je le répète, pour l’Europe, cette situation constitue un tournant. Elle la met face à elle-même.
Mes chers collègues, même si c’est difficile, il faut que la France, par les voix de son Président de la République, de son Premier ministre et de son ministre de l’intérieur, affirme, dans les Conseils « Justice et affaires intérieures » et dans les Conseils européens, que l’Europe entière doit s’organiser, que Schengen n’est pas mort, que l’Europe est forte de son histoire. Si à chaque fois qu’une difficulté surgit, on casse le thermomètre, comment avancer ?
Mettre en place des hot spots, comme cela a été évoqué, permettra de contrôler l’arrivée de migrants à l’extérieur des frontières de Schengen. En revanche, tout migrant en situation régulière et bénéficiant du droit d’asile à l’intérieur de l’espace Schengen peut rester en Europe et repartir dans son pays dès qu’il le décide. Il s’agit là de principes fondamentaux, et c’est pour cela que l’Europe doit s’organiser.
Le Président de la République a annoncé la tenue d’un sommet mondial sur ces sujets. La France seule, l’Europe seule ne pourront pas y arriver : il faut discuter avec les Russes, avec l’Iran, avec les États-Unis. Il faut se réunir pour affronter ensemble la question de la guerre en Syrie, des camps de réfugiés au Liban et en Turquie.
Il ne faut pas faire preuve d’aveuglement ; il faut au contraire ouvrir les yeux.
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Didier Guillaume. Imaginons ce qui serait arrivé si nous avions suivi ceux qui étaient favorables au Grexit, c’est-à-dire à la sortie de la Grèce de l’Europe : qu’en serait-il des réfugiés aujourd’hui ? Il faut donc toujours raison garder et chercher à relever les défis, même quand c’est difficile. C’est ce que fait le Gouvernement.
Federica Mogherini, la Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a eu raison de poser la question en ces termes : « Si nous refoulons les réfugiés, quel message envoyons-nous au monde ? » Oui, quel message, mes chers collègues ?
La France et l’Europe sont attendues à l’échelon international et doivent avancer. Il faut que les chefs d’État et de gouvernement prennent des décisions.
Les murs et les barbelés n’empêcheront pas les migrants de passer. Cet afflux est terrible et nous savons que nous devons lutter contre les filières clandestines : un tel travail est indispensable. Il faut lutter contre les passeurs, les punir, renvoyer chez eux ceux qui n’ont rien à faire ici, mais accorder le droit d’asile à ceux qui fuient leur pays en guerre et les accueillir.
Je conclurai en rappelant quelques idées simples.
L’arrivée des réfugiés ne changera pas la nature de notre pays, pas plus qu’elle ne remettra en cause notre système social ou ne mettra à mal notre équilibre social. Il faut cesser de faire peur.
Les Français ont compris qu’ils pouvaient accueillir ces réfugiés. Il faut maintenant que tout le monde s’y mette : l’État – il prend ses responsabilités –, les associations, les communes, les élus locaux. Il faut également remercier celles et ceux qui tissent cette toile pour réussir à accueillir les réfugiés.
Monsieur le ministre, je tiens à vous saluer très chaleureusement. Aujourd’hui, grâce à votre hauteur de vue, vous montrez votre capacité à vous saisir de l’ensemble de ces dossiers. Vous représentez la France au plus haut niveau et nous pouvons être fiers de votre présence à ce poste. Je vous le dis avec beaucoup de simplicité, et beaucoup de nos collègues le pensent : vous êtes notre fierté, car vous êtes un véritable républicain, vous défendez la France et avez une vision d’ensemble des actions à mener. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Murmures ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Notre pays a besoin de confiance, pas de suspicion. Il convient de rappeler des principes simples, notamment qu’il faut faire preuve de fermeté face à l’immigration irrégulière. Pour obtenir des résultats, il faut des moyens. Pour être accepté, l’accueil des réfugiés doit être maîtrisé, nous pouvons tous nous accorder sur ce point ; telle est la volonté de ce Gouvernement et de sa majorité. Mes chers collègues de l’opposition, vous ne cessez de répéter que ce n’est pas le cas ; j’espère que le ministre de l’intérieur vous communiquera des chiffres dans quelques instants.
Il faut aussi de la cohérence dans les discours. On ne peut pas céder à tous les populismes, à toutes les démagogies. Ce n’est pas parce que la situation est difficile qu’il faut dire aux Français ce qu’ils veulent entendre. Il nous faut réaffirmer nos valeurs fondamentales tout en répétant que, dans la difficulté, nous ferons en sorte d’assurer l’égalité de tous les ressortissants et de tous les Français sur notre sol.
M. Karoutchi a raison, maîtriser la situation n’est pas simple. C’est la raison pour laquelle plus nous serons rassemblés, mieux nous y parviendrons. Cela suppose un engagement inlassable du Président de la République, du Premier ministre et du Gouvernement tout entier à l’échelle européenne. La réponse passera par là.
Nous devons rester fidèles à la France, à son histoire et à ses valeurs. Nous avons évoqué tout à l’heure tous ceux qui sont venus en France. L’Europe a été une terre d’accueil, un exemple pour l’ensemble des populations du monde.
Oui, nous voulons continuer à être ce que nous sommes et ne pas changer. Oui, nous voulons réaffirmer des principes simples, notamment que la liberté, l’égalité et la fraternité sont les valeurs fondamentales et cardinales de notre pays. Oui, nous voulons affirmer clairement que la France a un rôle à jouer dans l’Europe. C’est pourquoi, monsieur le ministre, le groupe socialiste et républicain soutient l’action du Gouvernement, en particulier la vôtre, dans ce moment très difficile.
Certains déplorent que le Gouvernement évolue.
Mme Sophie Primas et M. Alain Joyandet. Il a changé d’avis !
M. Didier Guillaume. Il évolue parce que la situation elle-même évolue. Certains discours qui ont été tenus ici même l’année dernière ne le seraient plus aujourd'hui. C’est parce que la situation devient terrible, dramatique, que le Gouvernement a raison d’évoluer.
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Didier Guillaume. Il le fait en conservant ses valeurs, ses orientations. Il a également raison d’affirmer que, grâce à l’action des politiques européennes et nationales, nous parviendrons, à l’intérieur de l’espace Schengen - cette zone ne doit pas être balayée, elle doit être un lieu de prospérité –, à la fois à accueillir les réfugiés dignement, à défendre et à promouvoir nos valeurs et à faire en sorte, demain, de régler le problème de la Syrie et celui de l’Irak, avec la communauté internationale.
Si l’intervention en Irak n’avait pas eu lieu il y a quelques années – la France avait à l’époque adopté une position très claire –, nous n’en serions peut-être pas là aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie tout d’abord l’ensemble des orateurs de la contribution très utile qu’ils viennent d’apporter à ce débat et du caractère respectueux de leurs propos face à ce problème humain. Je partage d’ailleurs la remarque de M. Karoutchi : non, il n’y a pas ceux qui ont du cœur et ceux qui n’en ont pas. Je ne l’ai jamais pensé et j’ai même toujours nourri une certaine prévention à l’encontre de ceux qui, lorsque les situations sont extrêmes et les difficultés humaines très grandes, considèrent que l’exercice parfois narcissisant de la démonstration des sentiments suffit à faire une bonne politique.
La situation est plus complexe et il ne faut effectivement pas dire qu’il faut accueillir des réfugiés si on n’est pas en mesure de le faire. Le devoir moral et politique doit même nous conduire, plutôt que d’exhiber des sentiments ou d’administrer des ordonnances en forme de leçons, à essayer de créer les conditions de la « soutenabilité » de ce que nous proposons et à organiser l’accueil. Tel est bien l’objectif du Gouvernement aujourd’hui. Il ne s’agit pas pour lui de donner des leçons d’humanité, ni de douter des capacités de l’opposition à démontrer son humanité.
Ce n’est pas la capacité des uns ou des autres à faire un geste humanitaire lorsque des situations tragiques surviennent que je conteste. Je conteste les solutions qui sont mises sur la table pour régler le problème.
Je souhaite revenir au fond de l’affaire. Le drame humanitaire est tellement grand, la crise européenne tellement vaste, les problèmes mondiaux à l’origine de cette crise sont tellement complexes que des solutions politiques sont nécessaires.
À l’échelon international, européen, national, la France est dans l’action. On peut contester telle ou telle orientation de sa politique, mais on ne peut pas contester qu’elle cherche des solutions.
Tout à l’heure, monsieur Karoutchi, vous avez affirmé que nous accueillerons 20 000 réfugiés après avoir pris la décision d’en accueillir 6 752. Vous avez souligné l’inquiétude des Français et vous vous êtes interrogé sur la volonté du Gouvernement de répondre à cette question : jusqu’où cela ira-t-il ?
Vous avez raison, la situation sera inquiétante aussi longtemps que l’on ne traitera pas le problème dans sa globalité. Si aucune solution politique ne se dégage en Libye, si la mission de Bernardino León n’aboutit pas à un dispositif qui permette à l’État libyen de jouer son rôle, les mêmes organisations internationales du crime continueront d’agir en Libye et poursuivront leur œuvre funeste en incitant des migrants de plus en plus nombreux à emprunter le chemin de la mort, c’est-à-dire à se diriger vers l’Union européenne.
Il faut donc une solution politique en Libye, comme il en faut une en Syrie. Pendant que nous procédons à ces vols de surveillance, pendant que, comme l’a indiqué le Président de la République, nous frappons les terroristes de Daech, nous devons continuer à travailler pour qu’une solution politique se dégage en Syrie, qui associe les dirigeants actuels les plus modérés et l’opposition modérée pour sortir de cette crise, mais pas Bachar al-Assad.
Des dispositifs européens sont nécessaires pour y parvenir. Il faut un dialogue avec les pays de provenance et la mise en place de centres de maintien et de retour. Cela suppose une approche globale. C’est en agissant sur tous les aspects du problème, en intervenant sur chaque front que nous parviendrons à des solutions permettant de maîtriser le flux. Telle est bien la politique de la France.
Par ailleurs, il nous faut être en mesure de fournir une solution d’accueil à ceux que nous prétendons recevoir. C’est un problème de fond. Valérie Létard, Roger Karoutchi, Éliane Assassi et même Didier Guillaume – alors qu’il soutient le Gouvernement – ont formulé un certain nombre d’interrogations sur notre capacité à faire face.
Je serai extrêmement précis sur ce point : nous n’avons aucune chance d’y parvenir si nous n’organisons pas l’administration de l’État à cette fin. C’était l’objet de la loi relative à la réforme de l’asile. Avant même que ce texte ne soit voté, c’est-à-dire avant le mois de juillet dernier, nous avons mis en place, dans cette optique, un certain nombre de dispositifs au sein de l’administration.
Nous avons ainsi significativement augmenté les moyens de l’OFPRA. Près de soixante emplois ont été créés en deux ans, contre à peine quarante en cinq ans, alors que la demande d’asile – je ne le dis pas pour faire polémique, ce sont des éléments objectifs – a doublé entre 2007 et 2012, comme cela a été à maintes reprises souligné lors de l’examen de la loi relative à la réforme de l’asile.
Monsieur Karoutchi, l’an dernier, la demande d’asile en France a diminué de 34 % ; les chiffres sont incontestables. Elle est étale depuis le début de l’année, mais elle augmentera significativement en 2015 si nous mettons en place des dispositifs de relocalisation. Il nous faut nous y préparer.
Les décisions annoncées par le Premier ministre cet après-midi permettront de créer à l’OFII, à l’OFPRA et dans les préfectures près de 250 emplois, en incluant ceux qui ont déjà été créés. Nous serons ainsi en mesure de mettre en place le guichet unique ou, tout simplement, comme le suggérait tout à l’heure Valérie Létard, d’appliquer la loi, en réduisant substantiellement la durée de traitement des dossiers de demande d’asile.
Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, ces actions ne suffiraient pas sans création de nouvelles places d’hébergement. À cet égard, nous avons décidé de remettre à niveau les centres d’accueil pour demandeurs d’asile.
C’est ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous avons créé et budgété, depuis le début du quinquennat, 13 500 places en CADA, quand on n’en avait créé que 2 000 au cours de la précédente législature.
M. Bruno Retailleau. Les Français regardent devant, pas derrière !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Premier ministre a indiqué cet après-midi que, compte tenu du processus de relocalisation dans lequel nous étions engagés, 5 000 places supplémentaires seraient créées, ramenant le nombre total de places créées en CADA pendant la durée du quinquennat à 18 500, là où le rapport de Mme Létard et de M. Touraine préconisait la création de 20 000 places. Il n’en manque donc que 1 500 par rapport à l’objectif que les auteurs de ce rapport avaient fixé. Cela montre que nous sommes engagés dans une véritable remise à niveau du dispositif de l’asile en France.
Mme Sophie Primas. Bref, tout va bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Enfin, nous avons décidé, au mois de juin dernier, de créer 11 000 places d’accueil supplémentaires : 1 500 places d’accueil d’urgence, 5 000 places dans les logements de droit commun – nous pourrons ainsi permettre à ceux qui ont déjà le statut de réfugié de sortir de l’hébergement d’urgence en CADA et aux Français en situation de précarité d’avoir accès au logement – et 4 000 places supplémentaires en CADA. Mme la ministre du logement, dont je voudrais saluer l’engagement sur ce sujet, a joué, avec son cabinet et ses services, un rôle déterminant pour que ces places soient rapidement créées. La semaine prochaine, nous réunirons le comité de pilotage et nous rendrons compte du travail qui a été fait pour ouvrir ces 11 000 places.
Je précise par ailleurs que le système de relocalisation au niveau de l’Union européenne, nous ne l’avons pas subi, nous l’avons proposé ! Et si nous avons décidé d’accueillir 30 000 réfugiés dans ce cadre, nous ne l’avons pas fait à la dernière minute, parce qu’on nous l’aurait imposé, mais parce que nous avons nous-mêmes conçu ce dispositif de relocalisation. Nous avons inspiré la politique de la Commission et nous nous sommes organisés sur le plan national pour être à la hauteur de l’enjeu.
Je m’adresse là tout particulièrement à Mme Benbassa, qui a raconté ce soir à la tribune de cet hémicycle des choses qui sont totalement contraires à la réalité de ce que nous faisons.
Qu’il s’agisse du nombre de places créées, de l’engagement de la France au sein de l’Union européenne ou de la mobilisation du Gouvernement, notre action est l’exact contraire de ce que vous avez décrit, madame la sénatrice. Mais je comprends que, lorsqu’on théorise à longueur de pages de journaux le « Waterloo moral », à un moment donné, il faut bien trouver des arguments pour alimenter la démonstration. Et comme vous ne trouvez pas d’arguments dans la réalité, il vous faut les chercher ailleurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)
Permettez-moi de regretter vivement une telle attitude, car, sur des sujets aussi sérieux, on aurait pu espérer que vous regardiez le travail accompli par ceux qui ne parlent jamais et qui se préoccupent vraiment de la situation des personnes en détresse, plutôt que de prendre des postures pour vous donner le beau rôle ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Toutefois, vous conviendrez avec moi, madame la sénatrice, que ce n’est sans doute pas la meilleure manière d’avoir les trois minutes qui comptent sur les chaînes d’information !
Du reste, je pense même que, le soir, certains qui ne passent pas à la télévision après avoir fait de telles déclarations parlent aux caméras de surveillance de leur parking pour être sûrs de figurer sur un écran ! (Rires et applaudissements sur les mêmes travées. - M. Gérard Longuet applaudit également.)
M. Alain Joyandet. Ce n’est pas à la hauteur de ce débat !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Oh, monsieur Joyandet, la vérité est toujours à la hauteur d’un débat, à plus forte raison lorsqu’il porte sur des problèmes humanitaires ! Les faits, cela compte ! On ne peut pas, sur des sujets de ce type, raconter systématiquement des choses contraires à la réalité, aux actes et aux politiques conduites, simplement pour être certain d’être remarqué. La vérité, cela compte en politique !
Mme Sophie Primas. Dites cela au Président de la République !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Lorsque Pierre Mendès France exigeait « la vérité la plus grande sur les sujets les plus sensibles », il ne dérogeait pas à son rôle, mais se plaçait au contraire au niveau de sa fonction.
Il y a eu, sur ce sujet, trop d’approximations, trop de manipulations, trop de contrevérités. À un moment donné, il faut être capable de convoquer les faits et de remettre les choses à leur place. Ce qui n’est pas la hauteur, c’est d’abaisser la politique en se livrant à des approximations, des amalgames, des mensonges et des postures sur des sujets aussi sérieux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.) À certains moments, il faut être capable de remettre la réalité au cœur du débat, et c’est ce que je voulais faire aujourd’hui en répondant à Mme Benbassa. (Mme Sophie Primas s’exclame.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, il reste beaucoup à faire sur ces sujets. Nous devons agir dans l’esprit de votre intervention, monsieur Vall, à laquelle j’ai été très sensible, c’est-à-dire avec de la sincérité, de la générosité et de l’engagement.
Au-delà de ce qui nous différencie, je suis convaincu que, avec la volonté de nous conformer à notre tradition et à nos valeurs, nous y parviendrons. Je suis confiant dans la capacité de notre pays et de l’Union européenne à faire face au défi auquel nous sommes confrontés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur l’accueil des réfugiés en France et en Europe.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)