Sommaire
Présidence de Mme Françoise Cartron
Secrétaires :
MM. Jean Desessard, Jackie Pierre.
2. Mises au point au sujet de votes
3. Candidatures à une commission mixte paritaire
4. Candidature à une commission
6. Modernisation de notre système de santé – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission des affaires sociales
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
Amendement n° 36 rectifié de Mme Patricia Morhet-Richaud. – Retrait.
Amendement n° 638 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 1045 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 223 rectifié de M. Bruno Gilles. – Rejet.
Amendement n° 583 de M. Philippe Dominati. – Retrait.
Amendement n° 389 rectifié de M. Jean-Baptiste Lemoyne. – Retrait.
Amendement n° 388 rectifié de M. Jean-Baptiste Lemoyne. – Rejet.
Amendement n° 564 de M. Gérard Roche. – Adoption.
Amendement n° 1184 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
7. Élection d'un membre représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe
8. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
9. Nomination d'un membre d'une commission
10. Modernisation de notre système de santé – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Article additionnel après l’article 5 sexies
Amendement n° 683 rectifié de Mme Dominique Estrosi Sassone. – Adoption.
Amendement n° 390 rectifié de M. Jean-Baptiste Lemoyne. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 637 du Gouvernement. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 636 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 288 rectifié bis de M. François Calvet. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 152 rectifié de M. Bruno Gilles. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Article 5 duodecies – Adoption.
Article 5 terdecies (supprimé)
Article 5 quaterdecies (supprimé)
Article 5 quindecies (supprimé)
Amendement n° 391 rectifié de M. Jean-Baptiste Lemoyne. – Adoption.
Amendement n° 1189 de la commission. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 5 sexdecies
Amendement n° 392 rectifié de M. Jean-Baptiste Lemoyne. – Retrait.
Article 5 septdecies (supprimé)
Amendement n° 523 de Mme Catherine Génisson. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.
Article 5 octodecies (supprimé)
Amendement n° 521 de Mme Catherine Génisson. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.
Article additionnel après l’article 5 octodecies
Amendement n° 1047 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Article 5 novodecies – Adoption.
Articles additionnels après l’article 5 novodecies
Amendement n° 1048 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 1049 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 524 de Mme Catherine Génisson. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article 5 duovicies (supprimé)
Amendement n° 522 de Mme Catherine Génisson. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l'article 5 duovicies
Amendement n° 1052 rectifié de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 1054 rectifié de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 1051 rectifié de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 393 rectifié bis de M. Jean-Baptiste Lemoyne. – Retrait.
Amendements n° 558 rectifié bis de M. Daniel Chasseing. – Rejet.
Amendement n° 1050 rectifié de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 449 rectifié bis de M. François Commeinhes. – Non soutenu.
Amendement n° 319 de Mme Patricia Schillinger. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 6
Amendement n° 679 rectifié de M. Georges Labazée. – Rejet.
Adoption de l’article.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
11. Demande d’avis sur un projet de nomination
12. Accueil des réfugiés en France et en Europe – Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
M. Bernard Cazeneuve, ministre
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
13. Modernisation de notre système de santé – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l'article 6 bis
Amendement n° 1103 rectifié de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 846 rectifié de Mme Leila Aïchi. – Rejet.
Amendement n° 328 rectifié de M. Maurice Antiste. – Retrait.
14. Mises au point au sujet de votes
15. Modernisation de notre système de santé – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Article additionnel après l'article 6 ter
Amendement n° 1055 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 1056 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 1198 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 1119 rectifié de M. Jacques Cornano. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 7
Amendement n° 238 rectifié sexies de Mme Jacky Deromedi. – Retrait.
Amendement n° 1120 rectifié de M. Jacques Cornano. – Retrait.
Amendement n° 1178 rectifié de M. Michel Raison. – Devenu sans objet.
Renvoi de la suite de la discussion.
16. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
M. Jackie Pierre.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mises au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, lors de l’examen du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé, j’ai été comptabilisé comme votant pour l’amendement n° 31 rectifié quinquies présenté par M. Roland Courteau, alors que je souhaitais résolument voter contre, ainsi que je l’avais dit en séance.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Madame la présidente, ma mise au point concerne également le scrutin n° 246. Chantal Jouanno a été comptabilisée comme ne prenant pas part au vote, alors qu’elle souhaitait voter contre les amendements nos 31 rectifié quinquies, 32 rectifié, 410 rectifié et 859 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Madame la présidente, toujours sur le scrutin n° 246, Robert Navarro a été comptabilisé comme ne prenant pas part au vote, alors qu’il souhaitait voter pour les amendements nos 31 rectifié quinquies, 32 rectifié, 410 rectifié et 859 rectifié.
Mme la présidente. Mes chers collègues, acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
3
Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’actualisation du droit des outre-mer.
Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
4
Candidature à une commission
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Aymeri de Montesquiou, démissionnaire d’office de son mandat de sénateur.
Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
5
Scrutin pour l'élection d'un membre représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le scrutin pour l’élection d’un membre titulaire représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, en remplacement de M. Jean-Marie Bockel.
En application des articles 2 et 3 de la loi n° 49-984 du 23 juillet 1949, la majorité absolue des votants est requise.
Il va être procédé à ce scrutin dans la salle des conférences, en application de l’article 61 du règlement.
Les bulletins de vote ne doivent pas comporter plus d’un nom, sous peine de nullité.
J’ai été saisie de la candidature de Mme Sylvie Goy-Chavent pour siéger comme membre titulaire, en remplacement de M. Jean-Marie Bockel.
Je prie MM. Jean Desessard et Jackie Pierre, secrétaires du Sénat, de bien vouloir superviser les opérations de vote et de dépouillement.
Je déclare ouvert le scrutin pour l’élection d’un membre titulaire représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Il sera clos dans une demi-heure.
6
Modernisation de notre système de santé
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé (projet n° 406, texte de la commission n° 654, rapport n° 653 [tomes I et II], avis nos 627 et 628).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, au chapitre Ier bis.
titre ier (suite)
Renforcer la prévention et la promotion de la santé
Chapitre Ier bis
Lutter contre le tabagisme
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous allons aborder l’un des volets importants du titre Ier du projet de loi, le chapitre Ier bis, relatif à la lutte contre le tabagisme, je souhaite rappeler les principes, que j’ai déjà indiqués lors de la discussion générale, qui ont guidé le travail de la commission des affaires sociales.
En vue de la transposition de la nouvelle directive européenne sur les produits du tabac, nous avons recherché la plus grande harmonisation européenne possible, dans un contexte où les droits sur les tabacs sont, quant à eux, loin d’être harmonisés, ce qui alimente un commerce transfrontalier massif.
S’agissant des produits contenant des arômes et des avertissements sanitaires, nous nous en sommes tenus au texte de la directive, considérant que notre pays devait avancer au même rythme que ses voisins, sans prétendre les rallier à notre panache et prendre ainsi le risque d’un isolement contreproductif.
Pour ce qui concerne la publicité, la commission des affaires sociales a très largement adopté les dispositions issues des travaux de l’Assemblée nationale qui suppriment les dérogations résiduelles et le mécénat, et qui étendent ces interdictions à la cigarette électronique.
Bien sûr, nous nous sommes interrogés sur la cigarette électronique, dont la nocivité, en l’état actuel des données de la science, est bien moindre que celle du tabac, et qui constitue selon les dires des cancérologues un bon mode de sevrage. Nous avons cependant considéré que, pour autant, ce produit ne devait être ni banalisé ni affranchi de certaines règles.
Quant au respect de l’interdiction de la vente aux mineurs, la commission des affaires sociales a considéré que ce point n’était pas négociable, rejoignant ainsi l’Assemblée nationale.
S’agissant du mécanisme de transparence, nous l’avons jugé peu convaincant dans sa rédaction actuelle. Nous aurions souhaité que le Gouvernement fasse un pas dans notre direction, mais nous verrons lors de la présentation des amendements y afférents que tel n’est pas le cas.
Sur le fond, les désaccords ne sont pas donc pas si nombreux. En revanche, la commission a souhaité que prévalent le réalisme et le pragmatisme. Le mécanisme de traçabilité ne résoudra pas les problèmes de trafics et nous ne devons pas lui demander plus que ce qu’il peut offrir, alors que la définition des règles européennes est en cours.
Alourdir les quantums de peine nous semble d’une utilité douteuse. Fixer à l’échelon national une distance entre les bureaux de tabac et les écoles ne paraît pas raisonnable, pas plus qu’il ne l’est de penser que, dans les wagons bondés de RER, on puisse dédier un espace aux vapoteurs.
Voilà, mes chers collègues, quelle a été la démarche de la commission des affaires sociales : un engagement résolu dans la lutte contre le tabagisme, mais un refus de dispositifs qui n’étaient qu’incantatoires.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque Mme la rapporteur vient d’exposer l’esprit dans lequel la commission des affaires sociales a travaillé, ce dont je la remercie, je vous présenterai en quelques minutes la manière dont le Gouvernement et moi-même avons travaillé sur le présent projet de loi, afin de répondre au défi que représente la lutte contre le tabac. Cela me permettra ensuite, lors de l’examen des amendements, d’expliquer plus rapidement ma position.
Au fond, il y a là un enjeu de santé publique majeur.
Hier, j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur la façon dont j’avais conçu l’architecture de ce projet de loi et sur les priorités de santé publique que j’avais voulu définir. En effet, à trop multiplier les priorités, on finit par n’en avoir plus aucune.
J’ai fait de la lutte contre le tabagisme ma priorité absolue, qui ne résulte pas d’une décision aléatoire, mais qui s’appuie sur des données épidémiologiques et sur une réalité qui vient d’être confirmée par une série d’études : chaque année, 78 000 personnes meurent à cause du tabac. Plus préoccupant encore, ce nombre est en augmentation.
Le chiffre de 78 000 morts par an correspond à la dernière estimation dont nous disposons. Celle qui précédait faisait état de « seulement » 73 000 morts. Cela signifie que, à rebours de ce que l’on peut constater dans d’autres pays européens, en particulier en Grande-Bretagne, mais aussi aux États-Unis et en Australie, où le tabagisme recule, en France, la consommation de tabac et le nombre de fumeurs augmentent.
Dans notre pays, depuis la fin des années 2000 et le début de la décennie 2010, on assiste à un mouvement très préoccupant d’augmentation systématique et régulière du tabagisme. De ce fait, on compte plus de 30 % de fumeurs dans la population française adulte. Or, en Grande-Bretagne, cette proportion est inférieure à 20 % de la population totale, et en Australie, grâce à un effort particulier fourni au cours des dernières années – je pense notamment à l’instauration du paquet neutre –, le nombre de fumeurs représente moins de 13 % de la population.
Il faut donc affronter cette situation de façon résolue.
Les mesures prises jusqu’à présent ne suffisent pas. Depuis le début de cette année, nous constatons, outre une augmentation du nombre de fumeurs, une hausse significative – entre 2 % et 6 % à 7 %, selon les catégories de produits du tabac – des achats réalisés chez les buralistes, alors qu’ils étaient en diminution lors des années précédentes. C’est un véritable sujet de préoccupation, auquel nous devons nous atteler.
Le Gouvernement a fait le choix de présenter un plan national de réduction du tabagisme comportant des mesures d’information, via des campagnes de communication, et des mesures d’accompagnement au sevrage à destination de fumeurs de longue date qui ont besoin d’être soutenus dans cet effort que représente l’arrêt du tabac. Je citerai aussi la multiplication par trois de la prise en charge par la sécurité sociale du sevrage tabagique à l’égard de certaines catégories de fumeurs qui présentent un risque particulier.
Enfin, et c’est ma priorité, il est nécessaire d’éviter que des jeunes, voire des très jeunes, ne commencent à fumer. C’est à eux que s’adressent les dispositions relatives aux arômes, au packaging et au paquet neutre. Cette dernière mesure, que la commission des affaires sociales du Sénat a supprimée, est évidemment une composante importante du dispositif.
Nous savons en effet que les jeunes en particulier – mais aussi les moins jeunes – sont très sensibles aux communications diffusées par les marques. Or les paquets de tabac délivrent en quelque sorte des messages attractifs, en donnant l’impression que telle cigarette, par exemple, est plus agréable, ou féminine, ou jeune, et conférant même à celui qui la consomme un sentiment d’appartenance.
Le Gouvernement a donc fait le choix de jouer un rôle moteur dans la lutte contre le tabac, de transposer et d’appliquer la directive européenne, mais aussi d’aller au-delà, dans le respect des dispositions de ladite directive. Celle-ci autorise ainsi le paquet neutre et d’autres mesures que nous appliquons, et permet de ne pas en rester strictement à la démarche initiale. C’est cet équilibre d’ensemble que je souhaite présenter.
Je veux également insister, comme j’ai pu le faire en d’autres occasions, sur le fait que nous ne pouvons pas rester inertes face aux dégâts causés par le tabac. Car c’est une véritable hécatombe à laquelle nous assistons ! Nous nous inquiétons et nous nous effrayons eu égard au chiffre des morts sur les routes. Or, en quinze jours, le tabac tue autant de personnes que les accidents de la route en une année !
Alors que nous nous mobilisons pour lutter contre les accidents de la circulation, nous donnons parfois le sentiment qu’il ne serait pas nécessaire de prendre des mesures contre le tabagisme. Pour ma part, je veux appeler, au nom du Gouvernement, au lancement d’une politique volontariste, parce qu’il n’y a pas de fatalité à ce que des dizaines de milliers de personnes meurent chaque année dans notre pays à cause du tabac.
Article 5 quinquies
I (Non modifié). – Le chapitre Ier du titre Ier du livre V de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 3511-2 est supprimé ;
2° Après l’article L. 3511-2-2, il est inséré un article L. 3511-2-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 3511-2-3. – Sont interdites la vente, la distribution ou l’offre à titre gratuit de cigarettes et de tabac à rouler :
« 1° Aromatisés ayant une odeur ou un goût clairement identifiable avant ou pendant la consommation, autre que ceux du tabac ;
« 2° Dont les filtres, le papier, les capsules, le conditionnement ou tout autre composant contiennent du tabac, de la nicotine ou des arômes ;
« 3° Contenant tout dispositif technique permettant de modifier l’odeur ou le goût des produits du tabac ou leur intensité de combustion ;
« 4° Contenant des vitamines ou d’autres additifs laissant entendre qu’un produit du tabac a des effets bénéfiques sur la santé ou que les risques qu’il présente pour la santé ont été réduits ;
« 5° Contenant de la caféine, de la taurine ou d’autres additifs et stimulants associés à l’énergie et à la vitalité ;
« 6° Contenant des additifs qui confèrent des propriétés colorantes aux émissions de fumée ;
« 7° Contenant des additifs qui facilitent l’inhalation ou l’absorption de nicotine ;
« 8° Contenant des additifs qui, sans combustion, ont des propriétés cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction humaine.
« Les 2° et 3° s’appliquent également aux papiers et aux filtres vendus, distribués ou offerts séparément.
« Un décret précise les conditions d’application du présent article. »
II. – Le I entre en vigueur le 20 mai 2016, à l’exception des 1° à 3° de l’article L. 3511-2-3 du code de la santé publique qui entrent en vigueur le 20 mai 2020 pour les produits du tabac contenant un arôme clairement identifiable dont le volume des ventes représente, au sein de l’Union européenne, à la date du 20 mai 2016, 3 % ou plus d’une catégorie de produits du tabac déterminée.
Mme la présidente. L’amendement n° 36 rectifié, présenté par Mme Morhet-Richaud, MM. Commeinhes et Cambon, Mme Deromedi, M. de Nicolaÿ, Mme Duranton, MM. Gremillet et Houel, Mme Lamure, MM. Malhuret, Mandelli, Masclet, Morisset, Raison, D. Robert, Vasselle et Danesi et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Contenant tous additifs addictogènes au tabac, utilisés seuls ou en synergie.
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Cet amendement tend à élargir l’interdiction prévue au présent article à tous les additifs addictogènes, véritables responsables de l’addiction au tabac.
Le tabac majore fortement les pathologies parodontales chez les patients fumeurs. Ces addictifs, quels qu’ils soient, visent à rendre les fumeurs dépendants au tabac. En limiter l’interdiction à ceux qui sont connus aujourd’hui ne permettra pas d’enrayer les recherches pour en trouver d'autres. Poser une interdiction de principe de tous les addictifs addictogènes utilisés, seuls ou cumulativement, permet de ne pas restreindre l’interdiction aux seuls addictifs nommés dans le texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’objectif poursuivi par les auteurs de cet amendement est parfaitement clair ; on ne peut que le partager. Cet amendement soulève cependant deux types de difficultés.
La première difficulté porte sur la question de fond de la définition de l’additif addictogène et sur la nécessité que les connaissances scientifiques progressent sur ce sujet. Sont actuellement connues comme addictogènes des substances qui renforcent les effets de la nicotine et qui sont déjà visées par la rédaction actuelle de la directive transposée par le projet de loi. Cette directive prévoit d’ores et déjà que les États interdisent la mise sur le marché de produits qui augmentent « l’effet de dépendance ».
Dans son article 5, elle fait obligation aux fabricants de déclarer les ingrédients utilisés, ouvrant ainsi la voie à une amélioration des connaissances et, potentiellement, à de nouvelles interdictions.
La seconde difficulté est d’ordre procédural. Aller plus loin que la directive suppose une notification à la Commission européenne, ce qui retarderait l’adoption du texte puisqu’il faudrait attendre que le délai de la procédure de notification soit écoulé.
Pour ces deux raisons, la commission demande le retrait de l'amendement n° 36 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Morhet-Richaud, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, même si j’en comprends parfaitement les finalités et partage vos objectifs. S’il m’avait été possible aujourd'hui de lui donner un avis favorable, je l’aurais fait de manière résolue et avec plaisir.
Le projet de loi que je vous présente, mesdames, messieurs les sénateurs, va aussi loin en matière d’interdiction d’additifs que ce qui est juridiquement possible au regard de la réglementation européenne : nous interdisons les stimulants, les colorants et les additifs qui facilitent l’inhalation ou l’absorption de nicotine. Je le répète, dans l’état actuel des textes européens, il est impossible d’interdire tous les additifs. La législation communautaire ne donne aux États aucune marge de manœuvre pour aller plus loin s’ils le souhaitent.
Quoi qu’il en soit, madame la sénatrice, je porterai votre combat à l’échelle européenne.
Mme la présidente. Madame Morhet-Richaud, l'amendement n° 36 rectifié est-il maintenu ?
Mme Patricia Morhet-Richaud. Non, je le retire, madame la présidente.
Madame la ministre, je suivrai attentivement ce dossier.
Mme la présidente. L'amendement n° 36 rectifié est retiré.
L'amendement n° 638, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer les mots :
des 1° à 3° de l’article L. 3511-2-3 du code de la santé publique qui entrent
par les mots :
du 1° de l’article L. 3511-2-3 du code de la santé publique qui entre
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement a pour objet de rétablir le paragraphe II de l’article 5 quinquies tel qu’issu des travaux de l’Assemblée nationale, afin de transposer strictement, c'est-à-dire complètement, l’alinéa 14 de l’article 7 de la directive précitée.
Puisque les rapporteurs se sont montrés attentifs à la directive, qu’ils le soient jusqu’au bout !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, la commission ne souhaite pas aller au-delà de ce qu’impose la directive européenne. En l’espèce, celle-ci n’oblige pas à respecter la date du 20 mai 2016. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. Je veux aller dans le sens de l’argumentaire de la commission. La directive, que j’ai sous les yeux, est très claire : à l’article 7, elle prévoit une série d’ingrédients qu’il faut interdire dans les tabacs dès 2016 : vitamines, caféine… Le premier alinéa de cet article dispose : « Les États membres interdisent la mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant. » L’alinéa 14 précise que les mesures dudit article s’appliquent aux produits du tabac contenant un arôme caractérisant, dont le volume des ventes à l’échelle de l’Union européenne représente 3 % ou plus dans une catégorie de produits déterminée, en 2020.
Je voterai contre l'amendement n° 638, qui avance cette date à 2016. La mesure est bonne, mais il faut respecter la directive et ne pas la rendre plus sévère en la transposant dans le droit français. Sinon, cela créera sur le territoire européen des distorsions de concurrence extrêmement dangereuses pour certains acteurs économiques du secteur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. La question des dégâts liés au tabagisme est très importante. Je crois que nous partageons tous la volonté de lutter sans merci contre ce fléau, notamment auprès des publics cibles, en particulier les jeunes.
Madame la ministre, vous avez rappelé toute une série de mesures, en particulier le programme national de réduction du tabagisme, qui, au-delà du paquet neutre, sont tout à fait fondamentales. Le Sénat peut s’enorgueillir d’avoir adopté, je crois à l’unanimité, à l’article 1er du présent projet de loi une disposition sur la prévention partagée qui doit permettre de rendre ce public jeune acteur de la prévention. C'est, à mes yeux, une disposition très importante.
Pour lutter contre le tabagisme, il faut aussi chercher à obtenir une harmonisation la plus large possible des prix de vente du tabac à l’échelon européen, car c’est là que se situe la véritable concurrence entre la France et l’ensemble des pays européens signataires de l’accord de Schengen, lequel prévoit la libre circulation des marchandises. Dans les pays qui nous entourent, qu’il s’agisse de la Belgique, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne et, hors Union européenne, de la Suisse, les prix de vente sont très inférieurs à ceux qui sont pratiqués chez nous, même si la Belgique a récemment pris la décision d’augmenter le prix du tabac.
Madame la ministre, la recherche de l’harmonisation la plus large possible des prix du tabac est vraiment une mesure européenne fondamentale, pour laquelle vous vous battez – nous le savons – avec conviction et détermination.
Par ailleurs, le paquet neutre ne doit pas introduire de concurrence entre la France et les autres États, notamment pour ceux qui ont la délégation de vente du tabac dans notre pays : les buralistes.
Vous avez souligné que la vente de tabac avait connu une augmentation en France, mais, proportionnellement, la consommation a augmenté davantage encore, parce qu’il existe des marchés parallèles très importants,…
MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Gérard Cornu. Voilà !
Mme Catherine Génisson. … dont on ne peut nier l’existence. Cela nous ramène à l’harmonisation du prix du tabac, qui est vraiment la mesure fondamentale.
Je le répète, l’instauration du paquet neutre ne doit pas pénaliser les buralistes. Nous sommes nombreux dans cette enceinte à en avoir rencontré : la très grande majorité d’entre eux sont des acteurs de la prévention du tabagisme et de la lutte contre le tabagisme. Habitant une région frontalière, je peux arguer de leur détermination et de leur bonne volonté. (Signes d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains, pour signaler à l’oratrice qu’elle a dépassé son temps de parole.)
Madame la ministre, je souhaite que, simultanément à la mise en place du paquet neutre, soient adoptées des mesures pour éviter que les buralistes ne soient pénalisés.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Catherine Génisson. À l’Assemblée nationale, l’un de nos collègues, Frédéric Barbier, travaille d’ailleurs sur la question des mesures d’accompagnement pour les buralistes. Je pense ici non pas tant aux buralistes des villes qu’à ceux des campagnes, de nos territoires, qu’il faut absolument aider, en les accompagnant dans la concrétisation des dispositions que nous prenons pour lutter contre le tabagisme.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
Mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir respecter le temps de parole qui vous est imparti.
M. Yves Daudigny. Personne ne peut rester insensible à la nécessité de lutter contre ce fléau de santé publique qu’est le tabagisme. Nous savons que, dans ce domaine, la France est malheureusement la mauvaise élève de l’Europe.
Madame la ministre, nous sommes admiratifs de votre engagement, de votre détermination et de la force de conviction dont vous faites preuve, ainsi que de la solidité des arguments développés.
Comme vous l’avez indiqué, la lutte contre le tabagisme comporte plusieurs aspects. Il faut encourager, assister, aider celles et ceux qui sont fumeurs et qui souhaitent arrêter de fumer. Dans le même temps, il faut aussi viser la jeunesse, éviter la première cigarette et détruire cette image de modernité que le tabac peut aujourd’hui avoir pour les jeunes.
Cette lutte contre le tabagisme comporte différents volets qui doivent, à notre sens, prendre en compte le lieu – cela a déjà été dit, la France est un pays ouvert –, le moment – la directive européenne sur les produits du tabac a été adoptée en 2014 –, l’acceptation sociétale – les Français sont favorables à la lutte contre le tabagisme –, mais également l’incidence sur une profession, celle des buralistes, dont les bureaux constituent des réseaux d’animation d’activités économiques dans les zones rurales, pour parler de territoires que je connais bien.
Au vu de ces éléments, plusieurs priorités s’imposent, dont en premier lieu l’harmonisation européenne. Bonne nouvelle, les Belges vont augmenter de 70 centimes d’euro leurs taxes, ce qui rapprochera le prix du tabac en Belgique de celui qui est en vigueur en France. En revanche, si les Luxembourgeois ont modifié leur taux de TVA, ils ont dans le même temps diminué leurs taxes pour que le différentiel reste identique. Ainsi, les coffres pourront continuer à se remplir du côté luxembourgeois de la frontière.
La deuxième priorité est la lutte contre les ventes illégales. Il est légal d’acheter du tabac en Belgique, mais pas n’importe quelle quantité et pas pour le revendre.
Il faut aussi lutter contre la contrebande et la distribution, qui touche davantage les zones urbaines, de tabacs de très mauvaise qualité dont les effets nocifs sur la santé sont encore plus importants.
Prenant en compte ces différents aspects dans le contexte politique de l’élaboration de ce projet de loi de modernisation de notre système de santé, une part importante des sénateurs du groupe socialiste et républicain s’abstiendra sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Catherine Génisson et Yves Daudigny ont déjà quelque peu anticipé le débat en conduisant une « mini-discussion » générale sur la commercialisation du tabac.
Je souhaite, pour ma part, revenir à l’objet de l’amendement n° 638, qui illustre un des maux bien connus dont souffre la France : l’instabilité réglementaire, qui conduit à une certaine illisibilité. L’actualité du jour, avec l’annonce par Michel Sapin du report des allégements de charges, en est une illustration concrète.
Un autre de ces maux, relevé par Mme la rapporteur, est la tendance de notre pays à « sur-transposer » la législation européenne. Il est vrai que nous sommes toujours très fiers de notre vocation universaliste. Néanmoins, nous devrions faire preuve de davantage de prudence. Comme nous l’avons vu dans d’autres secteurs, avec les crises agricoles que nous avons vécues ces derniers mois, notre volonté d’être les pionniers peut conduire certaines filières ou professions à se retrouver dans des situations difficiles.
Sur le cas particulier soulevé par l’amendement n° 638 – nous reviendrons plus tard sur les sujets liés à l’environnement de la commercialisation du tabac –, j’estime qu’il faut conserver le tempo fixé par la directive, dont l’article 7 prévoit bien la date de 2020. Je voterai donc contre cet amendement. N’essayons pas d’aller plus vite que la musique, car, encore une fois, certains secteurs économiques doivent s’adapter. La disposition relative aux cabines de bronzage adoptée la nuit dernière en est un exemple : nous savons tout l’émoi qu’elle a pu d’ores et déjà susciter. Avant de légiférer, il faut réfléchir posément. Dans ce contexte, la date de 2020 a du sens.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5 quinquies.
(L'article 5 quinquies est adopté.)
Article 5 sexies A
(Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 1045, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. 3511-2-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3511-2-... ainsi rédigé :
« Art. L. 3511-2-... – Sont interdites la vente, la distribution ou l’offre à titre gratuit de cigarettes contenant des capsules ou tout autre dispositif technique permettant de transformer la cigarette. Un décret précise les conditions d’application du présent article. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise à rétablir l'article 5 sexies A tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, et qui visait à interdire les cigarettes à capsule.
En effet, le tabac est la première cause de cancer et de mortalité évitable en France avec 78 000 morts par an, soit plus de 200 décès par jour. La part des fumeuses quotidiennes a augmenté de quatre points entre 2005 et 2010 pour atteindre 27 %, tandis que chez les jeunes âgés de dix-sept ans, on a constaté une augmentation de dix points entre 2008 et 2011, portant la prévalence de consommateurs à 31,5 %.
La lutte contre le tabac nécessite de renforcer la « dénormalisation » sociale du tabac et la réduction de l’attractivité de ces produits, ce qui passe par la réglementation.
Actuellement, il existe de nombreuses stratégies de contournement du principe général d’interdiction de la publicité directe ou indirecte, et ce pour maintenir l’attractivité de ces produits au travers non seulement d’arômes, mais aussi de dispositifs techniques susceptibles de transformer la cigarette en un objet mixte et ludique. Tel est notamment le concept des cigarettes à capsule.
Ce produit a été lancé en France, au mois d’avril 2010, pour la première fois en Europe, par un grand fabricant, juste après l’adoption de la précédente loi relative à la santé, la loi HPST. Ces cigarettes ont rencontré un succès fulgurant, à tel point que toutes les autres marques se sont mises à proposer des produits similaires, voire des produits à double capsule. Ce produit est particulièrement prisé des adolescents ; il n’est que d’étudier les mégots qui s’amoncellent devant les collèges pour constater que la cible a bien été atteinte…
La part de marché des cigarettes à capsule est ainsi passée de 0 % à 5 % en quelques années, ce qui est l’une des plus belles réussites récentes de l’industrie du tabac en France. Ces cigarettes sont pour l’essentiel fumées par des mineurs et – c’est plus étonnant, mais c’est un fait – par des femmes.
Si nous avions eu connaissance de ce projet au moment où était discutée la loi HPST réglementant les cigarettes dites « bonbons » aromatisées, nous aurions certainement voté dans le même temps l’interdiction des cigarettes à capsule. Cela aurait ainsi évité depuis 2010 à bon nombre de nos adolescents d’entrer dans le tabagisme.
Le fait d’interdire aujourd’hui ce type de cigarettes en France permettrait certainement à de nombreux jeunes fumeurs d’arrêter de fumer, faute de trouver leur produit habituel. La transposition de la nouvelle directive interdit uniquement l’introduction d’arômes, de nicotine ou de tabac, mais elle ne prohibe pas le principe.
Cet amendement a donc pour objet d’empêcher les fabricants d’utiliser la cigarette comme support de toute innovation technique ou sensorielle destinée à renforcer l’attractivité des produits du tabac.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement est en contradiction avec l’article 5 quinquies. En effet, celui-ci précise bien que « sont interdites la vente, la distribution ou l’offre à titre gratuit de cigarettes et de tabac à rouler […] dont les filtres, le papier, les capsules, le conditionnement ou tout autre composant contiennent du tabac, de la nicotine ou des arômes ».
Vous souhaitez pour votre part, ma chère collègue, cette interdiction dès la promulgation de la loi qui résultera de nos travaux ; l’article 5 quinquies dispose que cette interdiction interviendra à compter du 20 mai 2016, sauf pour certains arômes, pour lesquels elle aura lieu en 2020. Ainsi, l’adoption de cet amendement ne reviendrait finalement qu’à avancer l’interdiction de quelques mois.
Souhaitant en rester aux dispositions de l’article 5 quinquies, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends parfaitement votre objectif, madame Archimbaud, et d’ailleurs je le partage ; on constate effectivement que des personnes, des jeunes notamment, commencent à fumer en utilisant ces nouveaux produits à capsule qui contiennent des additifs, en particulier des arômes.
Toutefois, à partir du moment où le projet de loi interdit les arômes, votre objectif est atteint : puisque nous interdisons le contenu, le contenant n’a plus d’intérêt ni de raison d’être. Aussi, il me semble que vous pourriez retirer votre amendement, qui me paraît satisfait.
Je profite par ailleurs de cette prise de parole pour répondre à Mme Génisson, qui est intervenue tout à l’heure. Je suis aussi sensible qu’elle aux démarches qui doivent être engagées à l’échelon européen, qu’il s’agisse de mesures fiscales ou de lutte contre la contrebande et les trafics, par définition illicites. Mes collègues Michel Sapin, Christian Eckert et moi-même avons écrit à la Commission européenne pour lui demander une harmonisation par le haut de la fiscalité sur le tabac, afin de maintenir des prix aussi dissuasifs que possible.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale examinera demain – et le Sénat le fera dans quelques semaines – la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé dite « de lutte anti-tabac », qui contient des éléments facilitant la traçabilité des produits, en particulier illicites. Son adoption nous fournira donc un instrument complémentaire dans l’arsenal de lutte contre les trafics.
Vous le constatez, madame la sénatrice, nous sommes aussi attentifs à ces démarches-là.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je veux remercier d’une part, Mme Archimbaud de cet amendement et, d’autre part, Mme la ministre de ses explications.
Je trouve ce sujet d’autant plus important que des enfants se trouvent dans les tribunes aujourd'hui – certes, ils viennent de mon département, mais ce n’est pas la raison pour laquelle je prends la parole en cet instant (Exclamations amusées !) – et qu’ils peuvent ainsi écouter notre débat sur la dangerosité du tabac. J’espère que nos échanges les éclaireront sur le travail que nous pouvons réaliser dans cette enceinte pour assurer leur sécurité et une meilleure santé, et qu’ils auront pris conscience de tous les dangers du tabac.
J’ai compris que le présent amendement est superfétatoire au regard des dispositions qui ont déjà été adoptées. Toutefois, madame la ministre, deux précautions valent peut-être mieux qu’une. Il s’agit d’un amendement de prudence.
Mme la présidente. Madame Archimbaud, l'amendement n° 1045 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Vous m’avez convaincue, madame la ministre, et je vous fais confiance ; je connais votre engagement, que je salue et dont je vous remercie. Par conséquent, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 1045 est retiré.
En conséquence, l’article 5 sexies A demeure supprimé.
Mes chers collègues, il est quinze heures dix ; je déclare clos le scrutin pour l’élection d’un membre titulaire représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
Article 5 sexies
I. – L’article L. 3511-3 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « ou des ingrédients définis au deuxième alinéa de l’article L. 3511-1 » sont remplacés par les mots : « , des ingrédients définis au deuxième alinéa de l’article L. 3511-1, des dispositifs électroniques de vapotage et des flacons de recharge qui leur sont associés, » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « ni aux affichettes disposées à l’intérieur de ces établissements, non visibles de l’extérieur » et les mots : « ou ces affichettes » sont supprimés ;
2° bis (nouveau) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « parrainage », sont insérés les mots : « ou de mécénat » ;
b) Après le mot : « interdite », sont insérés les mots : « lorsqu’elle est effectuée par les fabricants, les importateurs ou les distributeurs de produits du tabac ou » ;
c) Après la seconde occurrence du mot : « tabac », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « , des ingrédients définis au deuxième alinéa de l’article L. 3511-1, des dispositifs électroniques de vapotage et des flacons de recharge qui leur sont associés. » ;
3° Le 1° est ainsi modifié :
a) Au 1°, après les deux occurrences du mot : « tabac », sont insérés les mots : « et des dispositifs électroniques de vapotage ou des flacons de recharge qui leur sont associés » ;
b) Supprimé
II. – L’article 573 du code général des impôts est abrogé.
III. – Le 1° et le a du 3° du I entrent en vigueur le 20 mai 2016.
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 223 rectifié, présenté par MM. Gilles, de Nicolaÿ, B. Fournier, Commeinhes, Charon et Grand, Mme Hummel, M. Trillard et Mme Gruny, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Après les mots : « débits de tabac », la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « , ni aux affichettes relatives aux dispositifs électroniques de vapotage et aux flacons de recharge qui leur sont associés, disposées à l'intérieur de ces établissements, à condition que ces enseignes ou ces affichettes ne soient pas visibles de l’extérieur et soient conformes à des caractéristiques définies par arrêté interministériel. » ;
La parole est à M. Bruno Gilles.
M. Bruno Gilles. Cet amendement vise à autoriser la publicité pour la cigarette électronique dans les débits de tabac par affichettes non visibles de l’extérieur. En effet, de nombreux témoignages – dont ceux de médecins généralistes, de pneumologues ou d’addictologues – font état de l'efficacité de la cigarette électronique, notamment à l’égard des gros fumeurs ou des fumeurs de longue date, pour les amener à diminuer, voire à arrêter, leur consommation de tabac.
Par ailleurs, il a beaucoup été fait allusion à un rapport publié au mois d’août dernier par l’organisme britannique de santé publique, le Public Health England, qui est une agence du ministère de la santé du Royaume-Uni ; vous citiez d’ailleurs précédemment, madame la ministre, ce pays comme plutôt l’un des bons élèves en la matière, puisque seulement 25 % de sa population fume. Cette agence tout à fait officielle estime dans ce rapport que les cigarettes électroniques sont moins dangereuses de 95 % que les cigarettes classiques et constitueraient sans doute un outil efficace dans la lutte contre le tabagisme.
En effet, selon ces experts, la cigarette électronique offre l’avantage de ne contenir aucun des éléments du tabac ni du papier de la cigarette – tels que carbone ou encore goudron ; elle contient seulement de la nicotine à des doses très réduites, de même que les patchs, dont la vente est légale. Par ailleurs, elle provoque non pas de la fumée, mais une vapeur libérant de la nicotine à des doses infinitésimales sans danger pour les personnes dans le voisinage immédiat du vapoteur ; cette évaporation de la nicotine a été jugée négligeable par les auteurs de l’étude.
Ces cigarettes électroniques ne constitueraient donc pas une menace pour les personnes entourant les utilisateurs. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elles ont été autorisées dans les lieux publics de nombreux pays, notamment européens.
Aussi, afin d'offrir une information aux fumeurs qui souhaitent diminuer leur consommation ou tout simplement arrêter de fumer, cet amendement tend à autoriser la publicité de la cigarette électronique dans les débits de tabac, par des affichettes non visibles de l’extérieur. On pourrait ainsi espérer que certains fumeurs entrant dans ces commerces soient attirés par ces affichettes et, pourquoi pas ?, décident un jour, pour leur plus grand bien, de passer au vapotage, voire d’arrêter de fumer.
Mme la présidente. L'amendement n° 583, présenté par MM. P. Dominati et Lemoyne, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 7 à 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps les amendements nos 389 rectifié et 388 rectifié.
Mme la présidente. Je vous en prie, mon cher collègue.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Les deux premiers amendements nos 583 et 389 rectifié sont défendus, car ils ont un objet très similaire à celui que vient de présenter Bruno Gilles, qui a parfaitement résumé notre démarche. Ils visent à autoriser la publicité pour ces « vaporettes » à l’intérieur des lieux de vente ; en outre, un amendement de M. Roche va dans le même sens et il est peut-être mieux rédigé.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 388 rectifié, il vise la situation de l’affichage à l’intérieur des débits de tabac ; il s’agit ici de l’équilibre ancien issu de la loi Évin et de la décision du Conseil constitutionnel y afférente. Cette décision était claire et validait l’interdiction de la publicité « considérant que ces dispositions [de limitation] trouvent leur fondement dans le principe constitutionnel de protection de la santé publique [et,] qu’au demeurant, la loi réserve la possibilité de faire de la publicité à l’intérieur des débits de tabac ». En voulant revenir sur cette possibilité, le Gouvernement remet donc en cause un équilibre subtil retenu par le Conseil constitutionnel.
Dans cet hémicycle, nous sommes tous amenés à fréquenter des bars-tabacs dans les zones rurales ou urbaines de nos circonscriptions, et je ne crois pas que nous ayons jamais été agressés, si j’ose dire, par ces affichettes de publicité, qui restent relativement discrètes. Supprimer ce moyen de communication n’apporterait pas grand-chose selon moi et reviendrait sur un principe consacré par le Conseil constitutionnel.
Tel est l’objet de cet amendement, par ailleurs assez largement cosigné.
Mme la présidente. L'amendement n° 389 rectifié, présenté par M. Lemoyne, Mme Duchêne, MM. Commeinhes et Pellevat, Mme Imbert, MM. Grand, J.P. Fournier, Houel, Charon et Grosperrin, Mme Des Esgaulx, MM. Falco, Longuet, de Raincourt et Revet, Mme Mélot, M. Chaize, Mme Duranton, MM. de Nicolaÿ, Bouchet, Saugey, Laménie, Vasselle et Lefèvre, Mmes Lamure, Lopez et Micouleau, M. Allizard et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions ne s'appliquent pas aux affichettes relatives aux dispositifs électroniques de vapotage et des flacons de recharge qui leur sont associés, disposées à l'intérieur des débits de tabac, non visibles de l'extérieur, à condition que ces affichettes soient conformes à des caractéristiques définies par arrêté interministériel. » ;
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 388 rectifié, présenté par M. Lemoyne, Mme Duchêne, MM. Commeinhes et Pellevat, Mme Imbert, MM. Grand, J.P. Fournier, Houel, Charon et Grosperrin, Mme Des Esgaulx, MM. Falco, Longuet, de Raincourt et Revet, Mme Mélot, M. Chaize, Mme Duranton, MM. de Nicolaÿ, Bouchet, Saugey, Laménie, Vasselle et Lefèvre, Mmes Lamure et Lopez, M. Allizard et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement a également été défendu.
L'amendement n° 564, présenté par MM. Roche, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le 2°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Aux affichettes relatives aux dispositifs électroniques de vapotage et aux flacons de recharges qui leur sont associés, disposées à l’intérieur des établissements les commercialisant et non visibles de l’extérieur. » ;
La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Cet amendement a pour objet de permettre aux détaillants de dispositifs électroniques de vapotage – buralistes et commerçants spécialisés – de disposer d’affichettes publicitaires pour ces produits sur les lieux de vente.
En effet, l’article 5 sexies interdit la publicité des produits du tabac dans les débits, notamment au motif légitime de la vulnérabilité de certains publics aux effets promotionnels de la présentation des produits et de leur contribution à l’image de marque de ces produits.
Ce faisant, dans sa rédaction actuelle, cet article supprime également la possibilité pour les détaillants de dispositifs électroniques de vapotage de faire usage de ce type d’affichettes sur les lieux de vente. C’est un peu paradoxal dans la mesure où la cigarette électronique est beaucoup moins nocive que la cigarette ordinaire et surtout peut constituer un moyen d’arrêter de fumer.
La cigarette électronique peut être un moyen de substitution, mais elle peut être aussi un moyen de parvenir au sevrage tabagique, point, pour nous, le plus important.
De plus, dans un marché des dispositifs électroniques de vapotage très largement dominé par les produits d’importation, pour les usagers, la marque demeure, en plus du marquage CE, un moyen de contrôle supplémentaire des normes auxquelles répondent ces dispositifs.
Dans l’attente de la conclusion de travaux plus poussés de labellisation aux échelons nationaux et au plan européen, il convient donc de préserver ce moyen d’identification et de traçabilité pour les usagers de ces dispositifs.
Par ailleurs, l’affichette publicitaire peut être très incitative dans la lutte contre le tabagisme : elle peut conduire celui qui entre dans un bureau de tabac pour y acheter un paquet de cigarettes traditionnelles à essayer la cigarette électronique.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Très juste !
Mme la présidente. L'amendement n° 1184, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 5 et 6
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 9
Supprimer la référence :
Au 1°,
IV. – Alinéa 10
Rétablir le b) dans la rédaction suivante :
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Le présent 1° ne s’applique pas aux publications diffusées ou accessibles en dehors du réseau professionnel ou ne comportant pas les avertissements sanitaires prévus par décret ; »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 5 sexies antérieure aux travaux menés en commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 223 rectifié tend à supprimer l’alinéa 2 de l’article 5 sexies, et donc l’extension aux cigarettes électroniques et aux flacons de recharge de l’interdiction de publicité faite aux produits du tabac. Il tend de facto à autoriser la publicité pour les cigarettes électroniques.
La commission s’est beaucoup interrogée sur la cigarette électronique, dont les cancérologues assurent qu’elle peut constituer une aide au sevrage, mais qui reste tout même un produit nicotinique, à l’aspect proche de celui de la cigarette. Elle a finalement souhaité maintenir le principe de l’interdiction de la publicité et donc émet un avis défavorable sur cet amendement.
Elle est également défavorable à l’amendement n° 583, qui vise à supprimer l’interdiction de la publicité pour les cigarettes.
L’amendement n° 389 rectifié tend à prévoir une exception à l’interdiction de la publicité pour les cigarettes électroniques et à autoriser les affichettes à l’intérieur des bureaux de tabac. La commission émet un avis défavorable.
L’amendement n° 388 rectifié a suscité un débat en commission. Il est vrai que, dans sa décision sur la loi Évin, le Conseil constitutionnel avait considéré qu’une publicité était possible à l’intérieur des débits de tabac, à condition qu’elle ne soit pas visible de l’extérieur.
La commission a jugé que les débits de tabac étaient largement ouverts et que nombre de clients venaient y acheter autre chose que du tabac. D'ailleurs, l’objectif est d’ouvrir et de diversifier l’activité des buralistes, puisque, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, soutenir la consommation du tabac pour soutenir les buralistes – au reste, personne n’est d’accord pour le faire – est contraire aux objectifs de santé publique. Nous voulons que les buralistes puissent continuer une activité de service comparable à celle qu’ils ont actuellement avec le monopole du tabac, mais qu’ils puissent surtout diversifier leur activité pour faire face à la diminution à terme de la consommation de tabac que nous appelons de nos vœux.
Aussi, nous n’avons pas souhaité que la dérogation autorisant la disposition d’affichettes à l’intérieur des établissements soit cantonnée aux débits de tabac. Nous considérons qu’une évolution doit avoir lieu. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 388 rectifié.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 564, nous nous sommes beaucoup interrogés sur les affichettes publicitaires en faveur de la cigarette électronique.
Or, autant il ne nous semble pas souhaitable qu’il y ait des affichettes pour les produits du tabac – les consommateurs de tabac viennent acheter un paquet de cigarettes de telle marque et ne sont guère sensibles à la publicité qui peut être faite pour une marque concurrente –, autant nous considérons que la cigarette électronique est moins connue et peut servir de produit de substitution, voire d’aide au sevrage. La commission, après de nombreuses discussions, a donc émis un avis favorable sur l’amendement de M. Roche, estimant avec lui que les distributeurs des produits de la cigarette électronique, quels qu’ils soient, pourraient avoir la possibilité de disposer des affichettes, comme cela avait été possible par le passé pour les produits du tabac.
La commission n’a pas de désaccord de fond avec la rédaction de l’article que l’amendement du Gouvernement tend à rétablir. Néanmoins, au mois de juillet dernier, elle a rassemblé dans un même article l’ensemble des dispositions relatives à la publicité sur le tabac, alors que le texte initial du Gouvernement comportait plusieurs articles sur ce sujet. Elle souhaite en rester à cette clarification. Au reste, elle a considéré que les revues professionnelles dont la diffusion était très encadrée pouvaient comporter de la publicité. C’est la seule différence qu’il soit possible de noter.
Aussi, la commission est défavorable à l’amendement n° 1184.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. La cigarette électronique a donné lieu – c’est un peu moins vrai aujourd'hui – à de grands débats et à de grandes interrogations sur son utilité, son intérêt et l’opportunité d’encourager son utilisation.
La position que j’ai défendue depuis le début n’a pas varié ; elle est d’ailleurs confortée par toutes les études existantes.
Oui, la cigarette électronique peut aider au sevrage ; oui, la cigarette électronique est préférable à la cigarette traditionnelle en matière de santé publique. Mais, pour ceux qui ne fument pas encore – je pense en particulier aux jeunes –, il vaut mieux éviter la tentation de la cigarette électronique, que l’on présente comme ne comportant pas de caractère nocif et qui a toute l’allure et tous les attraits que peut avoir une cigarette classique – la façon de la tenir est la même. Ils pourraient effectivement estimer que la cigarette électronique leur permettra d’avoir les avantages de la cigarette ordinaire sans les inconvénients sur le plan de la santé publique.
En réalité, il faut encourager les fumeurs de tabac à utiliser la cigarette électronique – et, surtout, à arrêter de fumer –, tout en décourageant ceux qui ne fument pas encore de s’intéresser de trop près à cette cigarette électronique.
Tenir ce difficile équilibre, c’est tout l’enjeu de la démarche qui est la mienne et c’est pourquoi je ne suis pas favorable à la publicité pour la cigarette électronique. D'ailleurs, la directive européenne dite « anti-tabac » prévoit qu’il faut interdire la publicité sur ce que certains appellent la « vaporette », parce que celle-ci a des aspects attractifs.
J’émets donc un avis défavorable sur tous les amendements qui, sous une forme ou sous une autre, visent à permettre la publicité pour la cigarette électronique.
L’un des amendements en discussion a pour objet de revenir sur l’interdiction de la publicité pour le tabac dans les bureaux de tabac – à ce sujet, je remercie Mme la rapporteur de la position qu’elle a exprimée et sur laquelle je reviendrai dans un instant.
Cette interdiction est prévue non par la directive, mais par la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé que j’évoquais à l’instant en réponse à Mme Génisson et qui comporte également des dispositions pour lutter contre le commerce illicite des produits du tabac. On ne peut pas retenir que les aspects de la convention-cadre qui nous arrangent !
La situation a pu évoluer. L’environnement publicitaire n’est pas satisfaisant, y compris dans les bureaux de tabac. Comme l’expliquait Mme la rapporteur, pour quelqu'un qui, depuis vingt ans, achète le même paquet de la même marque, l’absence ou l’existence d’une publicité dans le bureau de tabac ne changera absolument rien à son acte d’achat. Mais, pour une personne qui entre dans un bureau de tabac pour acheter autre chose que du tabac, la publicité joue un rôle attractif. C’est un facteur négatif et je ne suis donc pas favorable à ce que l’on permette la publicité dans les bureaux de tabac.
Je termine en vous remerciant, madame la rapporteur, des propos que vous avez tenus sur l’avenir des buralistes. Vous avez dit que, si nous pensons tous que les enjeux de santé publique doivent nous amener à faire baisser la consommation de tabac, il est mensonger de prétendre que nous pouvons y parvenir en maintenant le niveau des ventes de tabac dans les bureaux de tabac. C’est une évidence, même si cela ne sonne pas ainsi aux oreilles de tout le monde. Par conséquent, la question est de savoir non pas si l’on maintient la vente de tabac dans les bureaux de tabac, mais comment nous faisons évoluer l’activité des buralistes pour faire subsister ces commerces de proximité dans nos territoires, urbains comme ruraux.
Dans ma démarche, je ne me positionne pas vis-à-vis des buralistes. Toutefois, je suis obligée de le constater, tout en recherchant un objectif de santé publique, je dois, dans le même temps, et même si cela ne relève pas de ma responsabilité ministérielle, m’interroger sur les produits autres que les buralistes pourront vendre. C’est tout le sens de la mission qui a été confiée au député Frédéric Barbier, qui travaille sur la rémunération des buralistes, sur la diversification de leur activité, sur la sécurité des commerces, sur la lutte contre la contrebande.
Je voulais insister sur ce point, car je constate que certains imaginent que l’on pourrait trouver la pierre philosophale qui permettrait de faire reculer la consommation de tabac dans notre pays tout en maintenant le niveau des ventes des bureaux de tabac. Il est évident que, si l’on souhaite que nos concitoyens fument moins, nous devons nous interroger sur l’avenir des activités des buralistes.
Aussi, madame la rapporteur, au-delà des positionnements que la commission a pris sur tel ou tel amendement relatif au tabac, je vous remercie d’avoir exprimé de façon très simple qu’il n’y a pas lieu, sur ce sujet, de faire preuve ni d’agressivité, ni de passion excessive, ni de violence. Nous sommes confrontés là à une contradiction, mais nous devons savoir si nous voulons effectivement diminuer la consommation de tabac pour réduire les méfaits de celui-ci en matière de santé publique dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Aline Archimbaud et Annie David applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour explication de vote.
Mme Jacky Deromedi. En réalité, deux sujets sont en cause : la survie des buralistes et la santé publique. Nous traiterons peut-être à un autre moment des buralistes.
Pour ce qui concerne la santé publique, je pense que la cigarette électronique est un bon moyen d’éviter les conséquences irréparables du tabac sur les gros fumeurs. Jusqu’à présent, elle se révèle un bon palliatif et il importe de ne pas décourager les personnes qui décident de passer du tabac à la cigarette électronique.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Comme vous l’avez dit, madame la ministre, les débits de tabac sont vraiment des commerces de proximité essentiels. Ils sont souvent associés à un bar et jouent un rôle très important dans nos communes rurales. Je souscris donc à ces amendements.
De fait, il est absolument indéniable que la cigarette électronique est efficace et beaucoup moins nocive que le tabac et je pense qu’une affichette, qui relèverait non pas de la publicité, mais de l’information, pourrait inciter certains candidats tentés par l’abstinence tabagique à franchir le pas, comme Gérard Roche l’a dit tout à l'heure.
Cela pourrait aussi permettre aux buralistes de percevoir des recettes complémentaires, car le manque à gagner qui résultera de la diminution des ventes de tabac mettra parfois leur commerce en difficulté. Or j’estime qu’il est absolument indispensable de conserver les bureaux de tabac, quitte à confier à leurs exploitants, comme vous l’avez évoqué, madame la ministre, de nouvelles missions de service public – je pense, par exemple, à la vente de timbres.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Gilles, pour explication de vote.
M. Bruno Gilles. Madame la présidente, permettez-moi une petite remarque et un éclaircissement.
Au-delà de l’amendement du Gouvernement, nous examinons en discussion commune cinq amendements qui vont tous dans le même sens, puisqu’ils tendent à continuer à autoriser la publicité de la cigarette électronique et des flacons associés dans les débits de tabac par affichette non visible de l’extérieur.
Permettez-moi de faire part de mon étonnement : pourquoi la commission a-t-elle émis un avis favorable sur l’amendement de M. Roche – que je voterai avec grand plaisir – et défavorable sur le mien, alors que l’exposé des motifs est identique ? Je dis tout cela sans jalousie aucune… (Sourires.)
Nous poursuivons tous deux le même objectif, à savoir le maintien de cette publicité dans les débits de tabac – invisible depuis l’extérieur – de manière à réussir, de temps en temps, à faire d’un fumeur un vapoteur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission n’a pas pris cette décision en raison du charme de M. Roche… (Sourires.)
Comme je vous l’ai dit, monsieur Gilles, la rédaction de l’amendement n° 223 rectifié ne se contente pas d’autoriser les affichettes dans les bureaux de tabac, mais revient surtout à supprimer l’interdiction de la publicité tous azimuts pour la cigarette électronique. Or, même si les effets d’aide au sevrage de la cigarette électronique sont connus, la commission reste sur sa position et ne souhaite pas en autoriser la publicité partout.
Elle a retenu l’amendement de M. Roche, car il correspond le mieux à la situation actuelle. L’autorisation d’apposer des affichettes pour l’information des consommateurs, non visibles depuis l’extérieur – comme ce fut un temps le cas pour les produits du tabac –, dans les débits de tabac, comme dans les magasins spécialisés d’ailleurs, doit être maintenue.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Je voudrais relever quelques contradictions, voire même quelques naïvetés dans la manière dont nous avons abordé ces questions.
Tout d’abord, de deux choses l’une : soit la cigarette électronique est un produit à même de sevrer les fumeurs et, comme cela a été dit, 95 % moins dangereux que la cigarette classique, auquel cas la publicité doit en être autorisée non seulement dans les bureaux de tabac, mais aussi à l’extérieur ; soit la cigarette électronique, qui contient des produits nicotiniques, est dangereuse. Dans ce dernier cas, pourquoi ne pas avoir proposé d’en réserver la vente aux buralistes ? Cela aurait pu constituer un début de réponse à la question de la diversification de l’activité de ces derniers.
Il me semble ensuite plutôt naïf de présenter la cigarette électronique comme la première étape vers la cigarette classique ; ce n’est, à ma connaissance, pas prouvé et aucune étude ne le démontre, me semble-t-il. Aucune personne ni autour de moi ni dont j’ai pu entendre parler n’est passée de la cigarette électronique à la cigarette classique. C’est faux ! Les personnes qui utilisent la cigarette électronique sont en général d’anciens fumeurs qui souhaitent diminuer leur consommation de tabac, voire ne plus fumer du tout.
Il en va de même de la fameuse cigarette à capsule : il est complètement faux de dire qu’il s’agit d’un produit d’appel vers la cigarette ordinaire, pour la simple raison qu’elle est beaucoup plus chère que cette dernière !
De surcroît, je n’ai jamais vu de gamin, dans une première tentative pour braver l’autorité, débarquer dans une cour d’école une cigarette électronique ou à capsule à la main. Il vient avec une cigarette classique !
Cela étant dit, l’interdiction de la publicité, y compris dans les lieux où l’on vend ces produits, est cohérente avec votre politique, madame la ministre. Il serait malvenu, avec l’arrivée du paquet neutre, de voir des linéaires de paquets présentant des images de pieds gangrénés et de foies complètement ratatinés côtoyer une belle affiche sur la cigarette électronique.
Je tiens encore une fois à attirer votre attention sur le fait – je viens d’une région frontalière – que notre législation est très en avance sur celle de nos voisins luxembourgeois, belges et allemands. Ainsi, les paquets de cigarettes commercialisés au Luxembourg ne comportent même pas une photographie démontrant les conséquences du tabac sur 65 % de leur surface extérieure.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Patrick Abate. Notre réglementation provoque une augmentation de la consommation de produits illicites et du trafic sans faire pour autant bonne œuvre en termes de prévention.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir respecter les nouveaux temps de parole.
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Après les explications de Mme la rapporteur, je retire les amendements nos 583 et 389 rectifié au profit de l’amendement soit n° 223 rectifié de M. Gilles, soit n° 564 de M. Roche.
Madame la ministre, vous évoquiez à l’instant la diversification de l’activité des buralistes. Il s’agit en effet d’un enjeu majeur. J’ai entendu des paroles doucereuses, très gentilles à leur égard, expliquant tout ce qu’il faudrait faire. Cependant, les buralistes attendent non pas des paroles, mais des actes ! Or force est de constater que le Gouvernement n’a pour l’instant pas répondu aux attentes !
J’en veux pour preuve, par exemple, le dispositif des nouvelles maisons de services publics, annoncé par le Premier ministre dans l’Aisne, au mois de mars dernier, avant des échéances électorales départementales – on voit bien quelle était la manœuvre… Or les buralistes n’ont pas du tout été associés au déploiement de ces nouvelles maisons. Il s’agit pourtant de missions concrètes, complémentaires de leur activité, qu’ils auraient pu mener. Il ne s’agissait évidemment pas de leur donner les mille points de contact – on sait que La Poste était également intéressée –, mais de là à les écarter purement et simplement… Ces missions s’inscrivaient pourtant parfaitement dans le sens d’une diversification.
Je prendrai un autre exemple : le développement des nouvelles technologies induit la montée en puissance de dématérialisations, notamment celle des timbres-amendes. Un certain nombre de personnes ne vont plus acheter ces timbres chez les buralistes, lesquels ne disposent plus des revenus complémentaires qu’apportaient ces clients.
Nous devons avoir en tête cette nécessaire diversification. On ne peut se contenter de généralités, de paroles gentilles, parce qu’on est à trois mois des élections régionales : il faut du concret. Les buralistes, agents assermentés par l’État et chargés par lui de récolter un certain nombre de taxes, sont en grande détresse. Ils se sentent abandonnés par les pouvoirs publics.
Je fais un pas en retirant deux des amendements en discussion. En revanche, je maintiens l’amendement n° 388 rectifié, lequel vise au maintien de cette publicité à l’intérieur des débits de tabac tant que la diversification n’est pas effective. Le jour où le flux de clients aura été multiplié par deux grâce aux nouvelles activités, nous pourrons interdire cette publicité. En attendant, dans la mesure où le compte n’y est pas, je souhaite que nous en restions à la situation existante. C'est la raison pour laquelle j’appelle mes collègues à voter l’amendement n° 388 rectifié. (M. Jean-François Husson applaudit.)
Mme la présidente. Les amendements nos 583 et 389 rectifié sont retirés.
La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je soutiendrai l’amendement de M. Roche. Nous abordons là un problème de société. Les arguments de santé publique avancés par Mme la ministre sont très frappants : le tabac est responsable de plus de 70 000 morts chaque année !
Je voudrais toutefois rappeler que la prise de conscience sur la dangerosité du tabac ne date pas d’aujourd’hui. Il est, par exemple, interdit de fumer dans tous les lieux publics, jusque sur les quais des gares. On ne peut donc pas dire que rien n’a été fait auparavant.
J’ai encore en mémoire – certains d’entre vous, mes chers collègues, peuvent en témoigner – la façon dont les ravages du tabac ont été maintes fois dénoncés lorsque nous abordions chaque année le budget de la sécurité sociale ou lors de l’examen de la loi HPST.
Par ailleurs, nous sommes un certain nombre dans cet hémicycle à représenter des départements frontaliers où la situation des buralistes n’est pas simple. L’enjeu économique est réel. Dès lors, essayons de faire la part des choses, de nous montrer raisonnables. N’oublions pas qu’il s’agit également d’une question d’aménagement du territoire et de maintien de nos services et petits commerces qui ont tendance à disparaître dans les bourgs-centres et les petits villages.
L’amendement de M. Roche va dans le bon sens en tendant à trouver la moins mauvaise solution.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, corapporteur. Je souhaite donner mon sentiment sur les cigarettes électroniques et la publicité.
Si, voilà plusieurs dizaines d’années, la question nous avait été posée, il est probable – faute d’information et d’études sur la nocivité du tabac – que nous aurions voté pour l’autorisation du tabac et de sa publicité.
Nous connaissons très bien aujourd’hui les conséquences plus que néfastes du tabac dans tous les domaines, en particulier celui de la santé. En revanche, nous ne savons pas encore, faute d’étude sérieuse – nous ne disposons pas du recul nécessaire – si la cigarette électronique est dangereuse ou non.
Je ne connais pas très bien le sujet, n’étant pas fumeur, mais on me dit que certaines de ces cigarettes contiennent de la nicotine. Certes, les médecins spécialisés expliquent que la cigarette électronique est préférable à la cigarette classique en ce qu’elle permet un sevrage. Cependant, si le risque de cancer a disparu avec l’absence de goudrons, il n’en reste pas moins que la présence de nicotine pousse les fumeurs vers une addiction et non un sevrage.
Nous connaissons les produits que contiennent les cigarettes électroniques mais ignorons tout des conséquences de leur utilisation. Dès lors, mes chers collègues, soyez prudents au moment d’organiser la commercialisation de ces produits.
M. Bruno Sido. Principe de précaution !
M. Alain Milon, corapporteur. Si, dans cent ans, nous avons l’occasion de revenir sur ces questions – ce dont je doute fort (Sourires.) –, nous risquons d’être déçus des autorisations que nous pourrions donner aujourd’hui en découvrant quels dangers et maladies recelait cette cigarette électronique.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je voudrais simplement répondre à certains propos définitifs que j’ai pu entendre.
Il irait de soi que personne n’a envie d’utiliser la cigarette électronique sans avoir déjà fumé auparavant et que tous les fumeurs, ou tous les consommateurs de cigarettes électroniques, sont des fumeurs qui souhaitent arrêter.
Vous avez des certitudes, monsieur Abate, que je n’ai pas. Je ne fais pas état de vérités absolues : le recours à la cigarette électronique a explosé au cours des dernières années. On entend beaucoup de choses et diverses études ont été publiées, allant dans un sens ou un autre. La dernière étude en date, publiée au mois d’août dans le Journal of the American Medical Association, ou JAMA, a été menée auprès d’élèves du secondaire, en Californie. Elle montre que ceux qui ont déjà utilisé des cigarettes électroniques sont plus susceptibles de s’engager dans l’usage de la cigarette classique que les autres. Je ne dis pas qu’il s’agit d’une vérité absolue. C’est simplement le résultat d’une étude menée par l’un des grands journaux médicaux internationaux. Par conséquent, pour autant que le doute soit encore permis dans ce cadre, affirmer de manière aussi définitive, comme j’ai pu l’entendre, que l’usage de la cigarette électronique ne mène pas à la consommation de tabac me semble osé et risqué.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. Madame la ministre, je souhaite prendre la parole en cet instant, car ma réaction est la même que la vôtre. Les certitudes exprimées tout à l’heure m’ont également fortement choquée. À partir du moment où la cigarette électronique contient de la nicotine, produit addictif, comment peut-on affirmer qu’elle n’incitera pas les jeunes générations à fumer ?
Il s’agit sans doute d’un facilitateur du sevrage plus efficace que le patch ou le bonbon, car il ne supprime pas la gestuelle du fumeur. Bien que je ne fume pas moi-même, je connais un certain nombre de fumeurs. Pour certains d’entre eux, la cigarette électronique n’a pas constitué une aide et ils continuent malheureusement de fumer.
Très sincèrement, les personnes qui fument depuis longtemps n’ont pas besoin de publicité pour continuer à acheter leur marque de cigarettes habituelle ou pour acquérir des cigarettes électroniques. En effet, à partir du moment où elles sont volontaires pour arrêter de fumer, différentes formes d’aide sont à leur disposition, qu’il s’agisse d’un soutien médical ou de la cigarette électronique. Ces gens-là n’ont pas besoin de la publicité, à laquelle les jeunes sont la population la plus réceptive. Il faut donc d’abord penser aux jeunes et les protéger de la publicité pour la cigarette électronique.
Ne nous voilons pas la face ! La publicité pour des substances contenant de la nicotine doit être interdite purement et simplement ! Tout à l’heure, nous examinerons un amendement concernant le papier à cigarettes, lequel ne contient aucune nicotine ni aucun addictif. Pourtant, on veut faire peser sur ce produit les mêmes interdictions !
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Ma réaction sera celle d’un béotien, qui ne fume pas et n’a jamais fumé. (Exclamations amusées.) Simplement, je crois peu à l’intérêt de la publicité pour la cigarette électronique. C’est comme si on me disait que les bières sans alcool connaissent un grand succès auprès des consommateurs de bière. On le sait très bien, ce sont des palliatifs sans grand intérêt. Toutefois, si on estime qu’ils peuvent avoir un effet positif, on ne s’y opposera pas !
Mais ne nous faisons pas trop d’illusions, et soyons très mesurés en la matière, car les publicités en faveur de produits dérivés n’ont pas beaucoup d’intérêt pour les vrais fumeurs.
De mon point de vue, fumer une cigarette est un plaisir. Or la réglementation du plaisir n’est jamais très efficace ! (Sourires et applaudissements sur certaines travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Le sujet du tabac et de la cigarette électronique pose un double problème.
Premièrement, Alain Milon et Mme la ministre en ont fait état, personne n’est aujourd'hui capable de dire quel est le taux de nuisance lié à l’utilisation de la cigarette électronique. Nous n’avons donc que des incertitudes à ce sujet. En revanche, ce qui est certain, selon les professionnels, c’est que la cigarette électronique offre la possibilité, à ceux qui veulent se sevrer, d’aboutir au résultat recherché.
La question qui se pose est la suivante : si les jeunes se mettent à la cigarette électronique, vont-ils en devenir dépendants ? Cela nuira-t-il à leur santé ? La dose de nicotine présente dans la cigarette électronique étant infinitésimale, beaucoup disent que le danger est quasi nul. Dans ce cas, pourquoi vouloir aujourd'hui interdire la publicité en la matière qui peut justement permettre d’augmenter le pourcentage des hommes et des femmes susceptibles de réussir leur sevrage ?
Deuxièmement, on le constate bien, il s’agit d’un problème économique lié à la situation des buralistes, auquel vient s’ajouter un problème de santé publique. Quand nous mettrons-nous autour d’une table, pour trouver la réponse économique qui s’impose ? Si nous arrivions à trouver une solution économique pour les buralistes, peut-être n’en serions-nous pas à examiner des amendements de ce type !
Au demeurant, je ne vois pas en quoi on prendrait un risque en acceptant l’amendement de notre collègue Bruno Gilles.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Comme François Fortassin, je suis moi aussi un béotien en matière de cigarettes. Je ne fume pas, n’ai jamais fumé, et suis pour la lutte contre le tabac.
Mme la ministre a cité une étude, à propos de laquelle je me suis laissé dire qu’elle avait été financée par l’industrie du tabac. (Mme la ministre proteste.)
À l’heure actuelle, il n’y a pas d’industrie de la cigarette électronique. C’est un produit nouveau, qui, pour ce que j’en connais, n’est utilisé que par d’anciens fumeurs. Je n’ai pas encore rencontré, dans mon entourage ou à l’occasion de contacts occasionnels, de personnes ayant commencé à fumer avec des cigarettes électroniques.
Aujourd'hui, un certain nombre d’études montrent que la cigarette électronique est 95 % moins nocive que la cigarette classique. La question est donc la suivante : veut-on favoriser le passage à la cigarette électronique ou laisser les gens continuer à fumer des cigarettes classiques ?
J’ai le sentiment que l’amendement présenté par Gérard Roche, que j’ai cosigné, va dans la bonne direction. Je me félicite que la commission y soit favorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne peux pas laisser planer une ambiguïté en laissant dire que l’étude que j’ai citée a été financée par l’industrie du tabac. Au contraire, elle remet en cause les conclusions d’une autre étude, qui, elle, avait été financée par l’industrie du tabac et des fabricants de cigarettes électroniques. Publiée par le Public Health England, à savoir l’institut anglais de santé publique, elle avait provoqué des controverses.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces amendements ayant fait l’objet de plusieurs interventions, je souhaite clarifier leurs dispositions.
L’amendement n° 223 rectifié, défendu par M. Gilles, vise à lever l’interdiction prévue de la publicité pour la cigarette électronique.
L’amendement n° 388 rectifié tend à autoriser, à l’intérieur des bureaux de tabac, les affichettes pour les produits du tabac.
Quant à l’amendement n° 564, il a pour objet d’autoriser les affichettes, mais uniquement pour la cigarette électronique.
Pour être tout à fait claire, la commission ne souhaite pas une généralisation de la publicité pour le tabac ou pour la cigarette électronique. Elle ne souhaite ni affichettes ni publicité pour le tabac à l’intérieur des débits de tabac. En revanche, elle est favorable à une dérogation pour ce qui concerne les affichettes vantant la cigarette électronique, disposées à l’intérieur des lieux qui en vendent.
M. Jean Desessard. À gauche, on ne fume pas ! (Sourires.)
7
Élection d'un membre représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe
Mme la présidente. Mes chers collègues, voici le résultat du scrutin pour l’élection d’un membre titulaire représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe :
Nombre de votants | 222 |
Majorité absolue des votants | 112 |
Mme Sylvie Goy-Chavent a obtenu 164 voix. (Applaudissements.)
Mme Sylvie Goy-Chavent ayant obtenu la majorité absolue des suffrages des votants, je la proclame membre titulaire du Sénat représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
8
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
Mme la présidente. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’actualisation du droit des outre-mer.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Philippe Bas, Jean-Jacques Hyest, Mathieu Darnaud, Mme Lana Tetuanui, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Catherine Tasca et Éliane Assassi ;
Suppléants : MM. Pierre-Yves Collombat, Félix Desplan, Mme Catherine di Folco, MM. Alain Marc, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendlé et M. François Zocchetto.
9
Nomination d'un membre d'une commission
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a présenté une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Raymond Vall membre de la commission des finances, en remplacement de M. Aymeri de Montesquiou, démissionnaire d’office de son mandat de sénateur.
10
Modernisation de notre système de santé
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier bis du titre Ier, à un amendement portant article additionnel après l’article 5 sexies.
Article additionnel après l’article 5 sexies
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 448 rectifié est présenté par MM. Commeinhes, Charon, Chatillon, Houel et A. Marc et Mme Mélot.
L'amendement n° 616 est présenté par M. Daudigny, Mme Bataille, M. Cazeau, Mmes Emery-Dumas, Génisson et D. Gillot, MM. Manable, Masseret et Montaugé, Mme Schillinger, M. Vaugrenard et Mme Yonnet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 568 du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - La commercialisation de dispositifs électroniques de vapotage et des flacons de recharge qui leur sont associés s'exerce dans le cadre des dispositions prévues à l'article 568 relatives au tabac manufacturé. »
La parole est à M. François Commeinhes, pour présenter l'amendement n° 448 rectifié.
M. François Commeinhes. Cette discussion va peut-être apporter une réponse aux questions soulevées lors du débat précédent.
Le marché de la cigarette électronique, après un développement fulgurant et désorganisé, se stabilise et arrive à maturité. Ses contours sont définis et la nécessité d’une commercialisation dans des conditions réglementées s’impose.
Par ailleurs, l’État est en quête d’activités de diversification pour les buralistes, préposés de l’administration.
L’article 564 decies du code général des impôts dispose que « sont assimilés aux tabacs manufacturés les cigarettes et produits à fumer, même s’ils ne contiennent pas de tabac, à la seule exclusion des produits qui sont destinés à un usage médicamenteux. »
L’article 568 du code général des impôts prévoit, quant à lui, que « le monopole de vente au détail est confié à l’administration qui l’exerce, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret, par l’intermédiaire de débitants désignés comme ses préposés et tenus à droit de licence. »
L’article L. 3511-1 du code de la santé publique dispose pour sa part que « sont considérés comme produits du tabac les produits destinés à être fumés, prisés, mâchés ou sucés, dès lors qu’ils sont, même partiellement, constitués de tabac, ainsi que les produits destinés à être fumés, même s’ils ne contiennent pas de tabac, à la seule exclusion des produits qui sont destinés à un usage médicamenteux. »
La combinaison de ces articles permet de soutenir que la cigarette électronique entre bien dans la catégorie des produits assimilés au tabac, au sens de ces définitions légales actuelles. Il est, dès lors, logique de considérer qu’elle relève ipso facto du monopole de vente au détail défini à l’article 568 du code général des impôts et que sa commercialisation doit être confiée au réseau des buralistes.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l'amendement n° 616.
M. Yves Daudigny. Cet amendement a suscité – c’est un peu une surprise – des réactions excessives, pour ne pas dire caricaturales. Ses auteurs seraient inféodés aux industriels du tabac, face auxquels les professionnels et les usagers de la cigarette électronique, qui constitueraient une nouvelle communauté rebelle et solidaire, s’organisent pour une « vape libre »…
Je rappelle qu’en février 2014 nous avons présenté, avec Catherine Deroche, un rapport sur la fiscalité dite « comportementale », proposant d’augmenter le prix des produits du tabac de 10% par an pendant cinq ans : ce procès ne peut donc pas m’être intenté.
Second rappel : notre préoccupation pour la santé publique. Le Parlement européen a, certes, exclu la qualification de « produit dérivé du tabac » pour la cigarette électronique, mais le même Parlement n’en a pas moins voté, le 8 octobre 2013, l’interdiction de vente aux mineurs, l’interdiction des contenants de plus de 30 milligrammes par millilitre de nicotine, l’interdiction de la publicité, des règles d’étiquetage et une obligation de déclaration aux autorités des substances utilisées.
Le Conseil d’État, dans l’avis rendu le 17 octobre 2013, souligne les incertitudes scientifiques. La directive 2014/40/UE rappelle que la nicotine contenue dans l’e-cigarette est une substance toxique, qu’elle peut « devenir le point d’entrée d’une dépendance […] et favoriser au bout du compte la consommation de tabac traditionnel, dans la mesure où elle imite et banalise l’action de fumer. »
Cette extrême similarité avec la cigarette et la haute exigence de protection de la santé publique qui s’impose aux règles d’encadrement de ces produits justifient, sans disproportion, que la distribution de l’e-cigarette et des flacons de recharge relève du même circuit que le tabac, ce à quoi la directive précitée, qui « n’harmonise pas […] ses modalités de vente sur les marchés nationaux », ne fait néanmoins pas obstacle.
Ce que nous vous proposons est non seulement logique – intégrer l’e-cigarette dans le système de distribution du tabac, même si elle n’y est pas assimilée, dès lors que la plupart des règles prudentielles imposées au tabac lui sont appliquées – mais aussi réaliste, car le commerce de l’e-cigarette se révélera, selon toute probabilité, être une « bulle ».
Un délai de mise en œuvre peut bien sûr être prévu, et notre amendement est modifié en ce sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous comprenons bien l’analogie faite ici entre la cigarette électronique et la cigarette, car ces deux produits contiennent de la nicotine.
Mais la cigarette électronique est actuellement considérée comme un produit de consommation courante ; à ce titre, elle ne peut faire l’objet d’un monopole. Elle n’est pas non plus considérée – je laisse de côté la question de savoir si un tel usage serait souhaitable – comme un produit de sevrage ; elle ne relève donc pas de la catégorie des médicaments.
Certes, accorder un monopole de vente des cigarettes électroniques aux buralistes pourrait constituer un moyen de les aider dans les difficultés qu’ils traversent. La commission a cependant considéré que, en l’absence de période de transition, une telle mesure serait délicate à mettre en œuvre. De nombreux commerces vendent ce produit – celui-ci étant autorisé, ils ont tout à fait le droit de le faire. Il nous semble donc difficile de leur interdire cette vente avec effet immédiat.
À titre personnel, je suis toujours réservée quant à l’opportunité de créer de nouveaux monopoles. On en connaît les résultats : les monopoles actuels nous donnent parfois beaucoup de mal...
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Je comprends parfaitement l’intention qui préside à ces deux amendements : ils visent à diversifier les activités des buralistes – diversification que j’évoquais moi-même il y a un instant.
Si l’option que vous proposez était apparue possible d’un point de vue juridique, le Gouvernement l’aurait examinée avec une grande attention ; mais les textes juridiques en vigueur ne semblent pas ouvrir cette possibilité. Pour que l’on puisse donner le monopole de la vente de cigarettes électroniques aux débitants de tabac, la cigarette électronique devrait être considérée comme un produit du tabac. Or la directive européenne 2014/40/UE sur les produits du tabac considère les produits du vapotage non pas comme des produits du tabac, mais comme des produits « connexes » du tabac, ce qui aboutit à créer une réglementation spécifique pour ces produits.
Ceux-ci, en dessous d’un certain seuil de nicotine, restent des produits de consommation courante. Au-delà de ce seuil, ils pourraient devenir des médicaments si une autorisation de mise sur le marché était demandée, puisqu’ils seraient alors assimilés à des produits de sevrage.
Dans l’état actuel de la législation européenne, votre proposition nous paraît donc impossible à accepter : si nous adoptions ces amendements, les magasins spécialisés dans les produits du vapotage pourraient être conduits à engager la responsabilité de l’État, en arguant de la jurisprudence.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Mes chers collègues, je voudrais rappeler une dimension décisive dans cette affaire : la dimension psychologique.
La première chose à faire lorsqu’on envisage d’arrêter de fumer, c’est tout de même d’éviter de fréquenter les bureaux de tabac ! Si l’on a, pendant des années, franchi le seuil du bureau de tabac pour acheter ses paquets de cigarettes, j’ai bien peur que, si le bureau de tabac est le passage obligé pour se procurer les cigarettes électroniques, l’on n’en revienne vite, le moment venu, au tabac…
Je pense donc, monsieur Daudigny, monsieur Commeinhes, qu’il s’agit d’une fausse bonne idée. Évitons de tenter ceux qui essaient d’arrêter de fumer en les obligeant à entrer dans un bureau de tabac, même pour y faire d’autres achats… (Madame Catherine Deroche, corapporteur, approuve.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Les paroles qui viennent d’être prononcées par mon ami Gilbert Barbier vont quelque peu perturber mon intervention, dans la mesure où je considère qu’il n’a peut-être pas complètement tort… (Sourires.)
Les arguments de Mme la ministre sur le contenu des directives européennes sont irréfutables. Je voudrais simplement inciter le ministère à approfondir la question de la protection du consommateur de cigarette électronique. Nous savons en effet – la cigarette électronique est une équation pleine d’inconnues – qu’un certain nombre de produits nocifs sont en vente. La sécurisation des produits via leur agrément obligatoire par les organismes de santé serait peut-être le moyen, sans aller jusqu’à la constitution d’un monopole – un bureau de tabac n’est pas une pharmacie –, de réserver la vente des cigarettes électroniques aux bureaux de tabac.
Nous pourrions ainsi protéger le consommateur des risques associés à un certain nombre de produits, qui sont aujourd’hui vendus un peu n’importe comment sous le vocable « cigarette électronique ».
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Manable, pour explication de vote.
M. Christian Manable. Les élus de cet hémicycle sont bien placés pour savoir que les buralistes souffrent, en particulier en milieu rural et dans les zones frontalières. Face à cette situation économique difficile, l’avenir des buralistes passe par la diversification de leurs activités – cela a été dit et redit ici même.
J’ai bien entendu les arguments juridiques de Mme la ministre ; je persiste cependant à penser qu’accorder aux buralistes l’exclusivité de la vente de cigarettes électroniques constituerait pour eux une ressource financière supplémentaire, et même, oserai-je dire, une compensation de leurs pertes de revenus.
C’est pourquoi j’ai cosigné l’amendement n° 616 qui a été présenté par notre collègue Yves Daudigny.
Mme la présidente. Monsieur Daudigny, l'amendement n° 616 est-il maintenu ?
M. Yves Daudigny. Non, je vais le retirer, madame la présidente. Je n’entretenais d’ailleurs aucun espoir excessif quant à sa durée de vie. (Sourires.)
À propos de la diversification de l’activité des buralistes, qui est souvent évoquée, personne n’a encore parlé de ce que l’on appelle le Compte-Nickel. Vous le savez certainement, les buralistes peuvent ouvrir une sorte de petite agence bancaire, qui permet à toute personne qui le souhaite de disposer d’une carte bancaire présentant les mêmes avantages et les mêmes ressources que les cartes bancaires classiques.
Cette possibilité de reconversion est sans doute insuffisante, mais elle méritait au moins d’être mentionnée.
Cela dit, au regard de l’argumentation proposée par Mme la ministre, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 616 est retiré.
Monsieur Commeinhes, l'amendement n° 448 rectifié est-il maintenu ?
M. François Commeinhes. Non, je vais le retirer également, madame la présidente. Je trouve cependant la situation quelque peu ubuesque : nous admettons ignorer les effets de la cigarette électronique, qui se manifesteront dans quelques années, dans cinquante ou dans cent ans – nous ignorons même si en définitive elle ne conduira pas à augmenter la consommation de tabac – et, dans le même temps, nous la laissons en vente libre, sans aucun contrôle, sans aucune régulation. C’est pour le moins surprenant.
Mais je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 448 rectifié est retiré.
Article 5 septies A
(Non modifié)
L’article L. 3511-2-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La personne qui délivre l’un de ces produits exige du client qu’il établisse la preuve de sa majorité. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 683 rectifié, présenté par Mmes Estrosi Sassone et Morhet-Richaud, MM. Gremillet et Vasselle, Mme Deromedi, MM. Laufoaulu, Mandelli, del Picchia et Charon, Mme Hummel et MM. Gournac, Saugey, Laménie, Kennel et Houpert, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lors de la vente de l'un de ces produits, il est exigé du client qu'il établisse la preuve de sa majorité. »
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. L’article 5 septies A a pour objet de retarder l’entrée des jeunes dans le tabagisme. Cependant, il ne tient pas compte des modes de distribution alternatifs autorisés pour les produits de la cigarette électronique.
L’amendement vise à combler un vide juridique qui existe dans l’encadrement de la vente du tabac : le contrôle de la majorité du client par le vendeur n’est actuellement envisagé qu’à l’occasion de la vente par une personne physique dans un débit de tabac. Or les produits d’e-liquide destinés aux cigarettes électroniques sont souvent vendus par l’intermédiaire d’automates.
Cette problématique a d’ailleurs fait l’objet de contacts entre une entreprise de mon département – les Alpes-Maritimes – et le service chargé des addictions à la Direction générale de la santé du ministère des affaires sociales. Dans sa rédaction actuelle, c’est-à-dire sans l’amendement, l’article 5 septies A n’englobe pas la vente par automates.
Cet amendement vise donc à instituer le même contrôle obligatoire pour la vente d’e-liquides que pour la vente de tabac par des personnes physiques.
Cela permet de prendre en compte la spécificité des e-cigarettes et des e-liquides, dont la commercialisation s’effectue pour une très large part en dehors du réseau des buralistes et n’est pas toujours, tant s’en faut, effectuée par une personne physique ; voyez les nombreux points de vente ou distributeurs automatiques.
Mme la présidente. L'amendement n° 390 rectifié, présenté par M. Lemoyne, Mme Duchêne, MM. Commeinhes et Pellevat, Mme Imbert, MM. Grand et J.P. Fournier, Mme Deseyne, MM. Houel, Charon et Grosperrin, Mme Des Esgaulx, MM. Falco, Longuet, de Raincourt, de Legge et Revet, Mme Mélot, M. Chaize, Mme Duranton, MM. Mouiller, P. Leroy, César, Vaspart, de Nicolaÿ, G. Bailly, Saugey, Laménie et Lefèvre, Mmes Lamure, Lopez et Deromedi, M. Allizard, Mme Gruny et M. Pointereau, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
exige
par les mots :
peut exiger
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. L’article 5 septies A prévoit que le buraliste « exige » du client la preuve de sa majorité.
Je propose de remplacer le mot : « exige » par les mots : « peut exiger ». Faisons confiance à la faculté de discernement des professionnels : si je me présente devant un buraliste, il verra bien que j’ai manifestement plus de dix-huit ans ! (Dénégations amusées sur un grand nombre de travées.) En revanche, en cas de doute sur l’âge d’un client, il pourra toujours réclamer une pièce d’identité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 683 rectifié.
Nous devons effectivement résoudre le problème de la vente de produits liés à la cigarette électronique par des distributeurs automatiques. La rédaction proposée par notre collègue Dominique Estrosi Sassone permet une clarification heureuse.
En revanche, l’avis est défavorable sur l’amendement n° 390 rectifié.
Remplacer le mot : « exige » par les mots : « peut exiger » reviendrait à supprimer l’obligation de vérification de la majorité du client. Or, même si nous pouvons avoir des divergences quant aux moyens utilisés, nous devons, me semble-t-il, nous montrer extrêmement rigoureux sur l’objectif dès lors qu’il s’agit de vente de tabac aux mineurs. Il me paraît souhaitable d’inscrire clairement une telle obligation dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 390 rectifié.
En effet, si les personnes mineures ne doivent théoriquement pas acheter de tabac, il en va tout autrement, nous le savons bien, en pratique.
Nous devons donc nous donner les moyens de faire respecter la loi, en précisant explicitement qu’il appartient au buraliste de demander une pièce d’identité. Bien entendu, s’il ne vérifie pas l’âge d’un client qui est de toute évidence majeur, personne ne lui en fera grief. Mais il est nécessaire que les responsabilités soient clairement établies.
Ce souci de définition claire des responsabilités m’amène à émettre également un avis défavorable sur l’amendement n° 683 rectifié.
Le problème soulevé par Mme Estrosi Sassone est réel, mais la solution envisagée n’est pas satisfaisante, car elle reviendrait à diluer toute responsabilité.
Reprenons les termes qui figurent dans l’amendement : « il est exigé ». Par qui est-ce exigé ? Dans quelles conditions ? Ce n’est pas précisé.
Dans la version proposée par le Gouvernement, il appartient à la « personne qui délivre l’un de ces produits » d’exiger du client la preuve de sa majorité. En d’autres termes, les propriétaires des distributeurs automatiques – au demeurant, ces machines ont quelque chose d’extrêmement préoccupant – doivent non seulement procéder à la vérification, mais également en préciser les modalités, afin de démontrer qu’elle est effective, faute de quoi ils pourraient se trouver en infraction.
Je comprends bien les intentions de Mme Estrosi Sassone, qui sont tout à fait louables, mais je crains qu’un tel dispositif n’aboutisse à des résultats contraires à l’objectif.
Mme la présidente. Monsieur Lemoyne, l'amendement n° 390 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Non, je vais le retirer, madame la présidente.
Je suis rassuré quant à l’interprétation qu’il convient de donner au dispositif dont nous sommes saisis. L’article 5 septies A semblait instituer un contrôle systématique. Mais Mme la ministre a bien précisé qu’il ne serait pas nécessaire de demander une pièce d’identité à une personne manifestement majeure. Et comme ses propos figureront au Journal officiel, je peux retirer mon amendement, ce que je fais, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 390 rectifié est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 683 rectifié, madame Estrosi Sassone ?
Mme Dominique Estrosi Sassone. Je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l'amendement n° 683 rectifié.
M. Alain Vasselle. Je ne comprends pas bien pourquoi Mme la ministre s’oppose à cet amendement.
Elle semble avoir des inquiétudes quant à l’identification des personnes qui auront accès aux automates. Mais reportons-nous à l’exposé des motifs de l’amendement : « Les automates fonctionnent sur reconnaissance des clients, préalablement enregistrés, par lecture d’une carte à puce électronique ou à code-barres puis saisie d’un code secret, à la façon d’un distributeur automatique de billets. » Autrement dit, seules des personnes qui auront été identifiées en amont, parce qu’elles auront indiqué leur identité et leur âge, pourront accéder à ces machines.
Par conséquent, l’adoption de cet amendement ne créera, me semble-t-il, aucun problème de sécurité.
Mme la présidente. Je mets aux voix, modifié, l'article 5 septies A.
(L'article 5 septies A est adopté.)
Article 5 septies
(Supprimé)
Article 5 octies
(Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 637, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le titre Ier du livre V de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 3511-3 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Sont interdites :
« a) Les opérations de parrainage ou de mécénat lorsqu’elles ont pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac, des produits du tabac, des ingrédients mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 3511-1 ou des dispositifs électroniques de vapotage et des flacons de recharge qui leurs sont associés ;
« b) Les opérations de parrainage ou de mécénat effectuées par les fabricants, les importateurs ou les distributeurs de produits du tabac. » ;
2° Au début de la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 3512-2, les mots : « En cas de propagande ou de publicité interdite, » sont supprimés. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Le rejet de l’amendement n° 1184 à l’article 5 sexies prive de tout objet cet amendement. Je vais donc le retirer, même si c’est à regret, afin de tenir compte du vote intervenu.
Mme la présidente. L'amendement n° 637 est retiré.
En conséquence, l’article 5 octies demeure supprimé.
Article 5 nonies
I. – Après l’article L. 3511-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3511-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3511-3-1. – I. – Les fabricants, importateurs et distributeurs de produits du tabac ainsi que leurs organisations professionnelles ou associations sont tenus de rendre publics les avantages en nature ou en espèces procurés directement ou indirectement à des associations ainsi qu’aux personnes mentionnées à l’article LO. 135-1 du code électoral et aux articles 4 et 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013.
« II. – Un décret fixe les conditions d’application du présent article. »
II (nouveau). – Après l’article L. 3512-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3512-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3512-2-1. – Est puni de 45 000 € d’amende le fait d’omettre sciemment de rendre publics les avantages en nature ou en espèces mentionnés à l’article L. 3511-3-1. »
III (nouveau). – À la fin du premier alinéa de l’article L. 3512-3 du code de la santé publique, la référence : « à l’article L. 3512-2 » est remplacée par les références : « des articles L. 3512-2 et L. 3512-2-1 ».
Mme la présidente. L'amendement n° 636, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article L. 3511-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3511-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3511-3-1. – I. – Les fabricants, les importateurs et les distributeurs de produits du tabac, ainsi que les entreprises, les organisations professionnelles ou les associations les représentant publient et adressent chaque année au ministre chargé de la santé un rapport détaillant l’ensemble de leurs dépenses de publicité, de propagande et de promotion en faveur de leurs produits, réalisées en France, à l’égard de personnes physiques résidant en France ou à l’égard de personnes morales dont le siège social est situé en France.
« Ce rapport inclut, outre les dépenses de propagande ou de publicité, directe ou indirecte, définies aux articles L. 3511-3 et L. 3511-4, l’ensemble des dépenses liées à des activités d’influence ou de représentation d’intérêts.
« II. – Sont considérées comme des dépenses liées à des activités d’influence ou de représentation d’intérêts :
« 1° Les rémunérations de personnels employés en totalité ou en partie pour exercer des activités d’influence ou de représentation d’intérêts ;
« 2° Les achats de prestations auprès de sociétés de conseil en activités d’influence ou de représentation d’intérêts ;
« 3° Les avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, dont la valeur dépasse 10 euros, procurés à :
« a) Des membres du Gouvernement ;
« b) Des membres de cabinet ministériel ;
« c) Des parlementaires ;
« d) Des personnes chargées d’une mission de service public que leur mission ou la nature de leur fonction appelle à prendre ou à préparer les décisions et les avis des autorités publiques relatifs aux produits du tabac ;
« e) Des experts, personnes physiques ou morales, chargés, par convention avec une personne publique, d’une mission de conseil pour le compte d’une personne publique qui a pour mission de prendre ou de préparer les décisions et les avis des autorités publiques relatifs aux produits du tabac ;
« 4° Les contributions ou dons bénéficiant à des partis ou à des groupements politiques, à des candidats à des mandats électifs ou au financement de campagnes politiques.
« III. – Le rapport mentionné au I indique, pour chaque entreprise tenue de l’établir :
« 1° Le montant total des rémunérations mentionnées au 1° du II et le nombre des personnes concernées ;
« 2° Le montant total et l’identité des bénéficiaires des dépenses mentionnées au 2° du même II ;
« 3° La nature et l’identité du bénéficiaire de chaque dépense mentionnée aux 3° et 4° dudit II.
« IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment le modèle du rapport, ses modalités de transmission, la nature des informations qui sont rendues publiques et les modalités selon lesquelles elles le sont. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement vise à rétablir les dispositions initiales relatives à la transparence.
En effet, si la commission des affaires sociales a maintenu un article sur la transparence, elle a considérablement amoindri la portée des dispositifs envisagés.
Le Gouvernement souhaite que la transparence sur les activités de l’industrie du tabac soit totale. Cela implique de connaître les dépenses liées aux activités d’influence et de représentation d’intérêts des entreprises concernées. Les avantages en nature ou en espèces procurés à un certain nombre de personnes doivent donc être rendus publics.
En fait, ce que nous proposons, c’est un alignement sur les règles de transparence que nous avons introduites en ce qui concerne les médicaments. Il faut que les relations entre des personnes susceptibles de porter une parole dans l’espace public et les industriels du tabac puissent être connues de tous.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a simplifié la rédaction de l’article, en définissant un principe de publicité des avantages consentis aux personnes soumises à déclaration d’intérêts et d’activités et en renvoyant à un décret le soin de fixer précisément la forme que prendra cette publicité.
Le texte initial comportait en effet des imprécisions, par exemple sur la définition des dépenses et des acteurs susceptibles de les engager, sans parler du caractère illégal de certaines dépenses censées figurer dans le rapport.
Le Gouvernement souhaite revenir à son texte initial sans tenir compte de nos observations. Nous espérions avant tout ouvrir un dialogue : nous avions bien indiqué que nous ne prétendions pas avoir trouvé une rédaction définitive et qu’il serait possible de retravailler l’article au cours de la navette. Mais c’est bien un « retour à la case départ » qui nous est proposé.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je me permets d’apporter une précision.
Le Gouvernement souhaite la remise d’un rapport annuel sur les activités d’influence de l’industrie du tabac et sur les liens qu’elle entretient éventuellement avec certaines catégories de personnes, dont les élus. Or la commission des affaires sociales a retiré les élus de la liste…
Nous souhaitons donc le rétablissement de la rédaction initiale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Soyons clairs : la commission n’a pas « retiré les élus » ; elle a supprimé toute mention des catégories initialement mentionnées dans l’article, en renvoyant à un décret le soin d’en fixer la liste. Il ne s’agit pas de protéger spécifiquement les élus !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous soutenons totalement l’amendement du Gouvernement, et nous souscrivons aux propos de Mme la ministre.
Au vu des scandales qui peuvent éclater, et pas seulement à propos du tabac, en matière de conflits d’intérêts, il nous semble extrêmement important que le Parlement puisse exercer ses fonctions de contrôle. Il faut donc que les données soient rendues publiques. On parle beaucoup de « transparence » en ce moment ; une telle mesure nous semble aller dans le bon sens, notamment pour faire cesser ce lobbying que l’on constate un peu partout.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. À titre personnel, je voterai cet amendement de transparence.
En tant qu’ancienne vice-présidente de la mission commune d’information sur le Mediator, j’ai pu constater l’ampleur des difficultés liées à des conflits d’intérêts. D’ailleurs, les victimes du Mediator continuent d’en pâtir… Cet amendement me paraît donc tout à fait bienvenu.
Mes chers collègues, ne prenons pas le risque de donner une image déformée de nos travaux. J’ai bien entendu les propos de Mme la corapporteur sur le fait qu’il ne s’agissait pas de protéger les élus. Mais je préfère les actes positifs aux preuves par omission !
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Le groupe écologiste votera également cet amendement, et pour les mêmes raisons.
Une telle mesure ne peut que contribuer à améliorer l’image de la politique dans notre pays, et elle en a bien besoin !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je ne suis pas intervenu dans le débat précédent, car il y aurait trop à dire. Étant fumeur, il me semble que les excès actuels en matière de réglementation et d’interdiction sont un handicap pour notre société, et suscitent plus de malheurs que d’apaisement.
Quoi qu’il en soit, j’approuve la démarche du Gouvernement, car la transparence est toujours une excellente chose. Effectivement, l’activité des lobbies doit être rendue publique. Cependant, quand je lis que le rapport doit inclure « les avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, dont la valeur dépasse 10 euros », je ne peux m’empêcher de penser que l’on sombre dans le ridicule. Un de mes amis buralistes peut-il encore m’offrir l’apéritif ? (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.) S’agit-il de 10 euros par jour, par semaine, par an ou pour l’éternité ?
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, corapporteur. Que les choses soient claires : la commission des affaires sociales n’a jamais eu pour volonté de protéger qui que ce soit recevant quoi que ce soit. Certains propos sont scandaleux !
La rédaction proposée par la commission est la suivante : « Les fabricants, importateurs et distributeurs de produits du tabac ainsi que leurs organisations professionnelles ou associations sont tenus de rendre publics les avantages en nature ou en espèces procurés directement ou indirectement à des associations ainsi qu’aux personnes mentionnées à l’article LO. 135-1 du code électoral » – c'est-à-dire les élus et membres des ministères, notamment – « et aux articles 4 et 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 » – c'est-à-dire l’ensemble des autres personnes soumises à déclaration obligatoire de leurs revenus. Personne n’a été retiré du dispositif. Nous avons simplement cité les articles concernés sans établir de liste, car chacun sait que faire des listes est source d’oubli.
Par ailleurs, je le dis après avoir visité lundi matin un grand institut de cancérologie avec le président du Sénat, il nous faudra revenir sur les notions de lien d’intérêts et de conflit d’intérêts. En la matière, c’est la confusion la plus totale, et la presse ne manque pas une occasion de l’exploiter !
L’absence de différenciation entre ces deux notions conduit à un véritable désastre, en particulier pour la recherche française – il en a beaucoup été question lundi matin. Nous constatons notamment une diminution considérable des crédits privés dans la recherche française, et ce au profit de la recherche étrangère, ainsi qu’un départ important des doctorants et post-doctorants qui, ne trouvant plus les financements nécessaires à leurs travaux, vont s’installer en Belgique, en Suisse ou au Canada.
Il faut faire attention à ce que l’on dit. La France est un pays dans lequel on respecte l’ensemble des lois. Les élus n’y sont pas plus pourris qu’ailleurs, ni les chercheurs ou les financeurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. C’est précisément parce que nous avons besoin d’instaurer la confiance et de prouver qu’il n’y a pas plus de « pourris » en France qu’ailleurs – pour reprendre l’expression du président de la commission des affaires sociales – que la plus grande transparence est nécessaire.
À ceux qui ont pointé le ridicule de la rédaction proposée par le Gouvernement, je réponds que nous avons simplement copié celle qui a été élaborée pour l’industrie du médicament.
M. Alain Milon, corapporteur. Exact !
Mme Marisol Touraine, ministre. Le seuil de 10 euros a été fixé après débat au Conseil d’État pour l’industrie du médicament, un décret venant préciser les conditions d’application de la mesure.
Je vous invite à consulter le site internet www.transparence.sante.gouv.fr, qui fait l’objet d’une fréquentation massive, preuve que nos concitoyens sont intéressés par la question. Y sont recensés les liens qui existent entre l’industrie pharmaceutique et les professionnels de santé ou des hôpitaux. Il s’agissait de répondre aux interrogations et aux inquiétudes qui existaient en matière de santé. Cette démarche a été effectivement engagée après le scandale du Mediator. Aujourd'hui, il ne vient à l’esprit de pratiquement plus personne de la contester.
Pour le cas qui nous occupe ici, ce ne sont pas les buralistes qui sont concernés, c’est l’industrie du tabac. Nous savons tous parfaitement que ce lobby cherche à approcher des personnes dont la parole est audible dans l’espace public, qu’il s’agisse des élus, mais aussi des membres de cabinets ministériels ou de différentes administrations. Toute une série de cas ont été bien repérés et identifiés. Des invitations sont envoyées, des propositions sont faites, des cadeaux sont adressés…
Il ne s’agit pas d’interdire tout lien. Il s’agit simplement de préciser que, si des liens existent, ils doivent être connus.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Marisol Touraine, ministre. Tel est l’enjeu de la transparence.
Notre intention n’est pas d’empêcher qu’il y ait des relations entre les secteurs industriels et les individus qui prennent les décisions ou peuvent les influencer. Nous souhaitons simplement instaurer de la transparence, car aucun cadeau n’est mineur.
Je maintiens donc cet amendement, tout en précisant à M. Milon que le Gouvernement n’éprouve aucune suspicion quant aux buts de la commission. S’il n’y a pas de différence de fond, pourquoi ne pas maintenir la rédaction du Gouvernement, qui présente notamment l’avantage de préserver le parallélisme des formes par rapport à l’industrie du médicament ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Dans la rédaction proposée par le Gouvernement, il est prévu que « le rapport inclut, outre les dépenses de propagande ou de publicité, directe ou indirecte, […], l’ensemble des dépenses liées à des activités d’influence ». Cette formulation n’est-elle pas curieuse alors que nous venons d’interdire toutes actions de publicité et de propagande en faveur du tabac et de la cigarette électronique ?
Il en est de même pour « les contributions ou dons bénéficiant à des partis ou à des groupements politiques, à des candidats à des mandats électifs ou au financement de campagnes politiques » qui doivent figurer dans le rapport. Ne s’agit-il pas de dépenses illégales ?
Voilà pourquoi la commission a préféré proposer une rédaction différente pour cet article. Nous sommes donc défavorables à l’amendement du Gouvernement, même si l’Assemblée nationale aura le dernier mot.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Le groupe socialiste et républicain votera l’amendement du Gouvernement pour préserver le parallélisme des formes.
Par ailleurs, il me semble également important que le Sénat puisse avoir un débat de fond approfondi sur la différence entre conflits d’intérêts et liens d’intérêts. En l’état, la réflexion n’est pas complètement aboutie.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. La commission des affaires sociales, comme l’a souligné à l’instant son président, s’est penchée avec sérieux sur la rédaction de cet article pour proposer un texte conforme à l’esprit de ce que souhaitait mettre en œuvre le Gouvernement. Un simple souci de parallélisme des formes ne me paraît donc pas un argument suffisant.
Alain Milon a été parfaitement clair : il ne s’agit en aucun cas ici de protéger qui que ce soit, et certainement pas des élus subissant l’influence de l’industrie du tabac !
La commission a réalisé un excellent travail. Pourquoi le remettre en cause ? Je ne voterai pas l’amendement du Gouvernement, considérant que la rédaction proposée pour l’article par la commission est satisfaisante.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Je suis d’accord avec mon collègue Alain Vasselle.
Madame la ministre, vous n’avez pas répondu à l’intervention brillante de notre collègue de l’UDI-UC. Quid des 10 euros ? S’agit-il de 10 euros par an, par mois ou par semaine ? Cet amendement ne me paraît pas très clair.
En outre, madame la ministre, vous affirmez que seuls les fabricants sont concernés. Or votre amendement vise explicitement « les fabricants, les importateurs et les distributeurs de produits du tabac ». Je n’y comprends plus rien !
La rédaction proposée par la commission me semble préférable. Voilà pourquoi je ne voterai pas cet amendement et approuverai le texte de la commission.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 636.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5 nonies.
(L'article 5 nonies est adopté.)
Article 5 decies
I. – Le sixième alinéa de l’article L. 3511-6 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Les unités de conditionnement et les emballages extérieurs des cigarettes, du tabac à rouler, du papier à cigarette et du papier à rouler les cigarettes portent, dans des conditions fixées par un arrêté du ministre chargé de la santé, des avertissements sanitaires associant un message d’avertissement et une photo ou une illustration correspondante qui recouvrent 65 % de leur surface extérieure avant et arrière. »
II (Non modifié). – Le I entre en vigueur le 20 mai 2016.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements nos 639 et 1046 sont identiques.
L'amendement n° 639 est présenté par le Gouvernement.
L'amendement n° 1046 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 1 et 2
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
I. - Après l’article L. 3511-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3511–6–1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3511–6–1 - Les unités de conditionnement, les emballages extérieurs et les suremballages des cigarettes et du tabac à rouler, le papier à cigarette et le papier à rouler les cigarettes sont neutres et uniformisés.
« Un décret en Conseil d’État fixe leurs conditions de neutralité et d’uniformisation, notamment de forme, de taille, de texture et de couleur, et les modalités d’inscription des marques et dénominations commerciales sur ces supports. »
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 639.
Mme Marisol Touraine, ministre. J’ai annoncé, lors de la discussion générale, que je présenterais, au nom du Gouvernement, des amendements de rétablissement des dispositions les plus importantes pour l’équilibre de ce texte.
J’ai déjà eu l’occasion au cours des dernières heures, puisque cela fait maintenant quelques heures que nous débattons des enjeux liés au tabac, de rappeler que le Gouvernement fait de la lutte contre le tabagisme l’une de ses priorités de santé publique.
J’ai évoqué les chiffres, j’ai évoqué les drames, j’ai évoqué le caractère préoccupant de la situation de la France au regard de ce que nous constatons dans d’autres pays.
Cela exige de nous que nous soyons capables de prendre des mesures fortes et audacieuses. À l’évidence, nous ne pouvons pas laisser aller la législation telle qu’elle est, puisqu'elle ne suffit plus à enrayer la progression du tabagisme dans notre pays.
En leur temps, des hommes – en l’occurrence, il s’agissait d’hommes – eurent le courage de prendre des décisions fortes en matière de santé ou d’accidents. Ce fut le cas pour le tabac en particulier, avec la loi Evin. Son auteur, le premier, a dit qu’il fallait marquer un coup d’arrêt face à la situation que l’on connaissait.
Ce fut ensuite, bien des années plus tard, le cas du président Jacques Chirac. À son tour, il a décidé de faire de la lutte contre le cancer l’un des axes forts de ses deux mandats ; il a lancé des plans cancer et a constaté, comme tout un chacun, que, pour faire reculer le cancer, il fallait se donner les moyens de faire aussi reculer des maladies évitables, et donc des comportements à risque.
Voilà pourquoi il a fait prendre par ses gouvernements successifs un certain nombre de mesures fiscales importantes, puis pris l’initiative de l’interdiction de fumer dans des espaces publics où, en France, on fumait naturellement. À cette époque aussi, on s’est dit que c’était là heurter des habitudes françaises, alors même que, dans les pays anglo-saxons, on ne fumait plus depuis bien longtemps dans ces espaces publics, qu’il s’agisse des bureaux, des restaurants ou des gares.
Eh bien, aujourd’hui, il est temps de prendre d’autres mesures qui nous permettent d’aller de l’avant. Non, mesdames et messieurs les sénateurs, il n’y a absolument aucune raison de baisser les bras face aux risques que fait courir le tabac, en particulier aux plus jeunes.
Il n’y a par ailleurs aucune raison de se dire que ce qui a été tenté par le passé ne doit pas être reproduit avec de nouvelles mesures. En effet, nous arrivons au bout de ce que la législation existante a rendu possible.
Cependant, permettez-moi de vous dire qu’il n’y a pas une seule mesure qui, à elle seule, permettrait de faire reculer le tabagisme. Ce qui compte, c’est d’affirmer fortement une stratégie volontariste et de prendre toute une série de mesures.
Le paquet neutre, puisque c’est de cela qu’il est question à cet article, est un élément d’une stratégie d’ensemble. Celle-ci comprend des mesures d’interdiction de fumer dans un certain nombre de lieux, tels que les voitures transportant des enfants ou les aires de jeux réservées aux enfants dans les parcs de nos communes, qui se multiplient, sans oublier d’autres interdictions prises par certaines municipalités, concernant par exemple les plages.
Cette stratégie inclut aussi la volonté de lutter résolument contre les trafics : je ne rappellerai pas les mesures prises par le Gouvernement que j’ai déjà annoncées.
Pour revenir précisément au paquet neutre, nous savons que, chez les plus jeunes notamment, l’attirance pour la marque et la capacité des marques à susciter des phénomènes d’adhésion collective sont autant de dangers pour la santé publique.
Alors, on me dit parfois que tout cela ne servira à rien, que rien de cela ne sera efficace. Mais si cette initiative n’est pas efficace, mesdames, messieurs les sénateurs, pourquoi certains d’entre vous déploient-ils des trésors d’imagination à essayer de la contrer ?
M. Alain Joyandet. Ce n’est pas un argument !
Mme Marisol Touraine, ministre. À ceux qui tirent argument de l’inefficacité du paquet neutre pour nous dissuader de le décider, je répondrai qu’un pays l’a imposé, il y a maintenant trois ans : l’Australie. Et les études montrent une forte baisse de la prévalence du tabac dans ce pays dès l’année qui a suivi l’adoption de cette mesure.
Il est vrai que l’Australie partait d’un taux de tabagisme beaucoup plus bas que celui qui est constaté en France. L’Australie, lorsqu’elle a mis en place le paquet neutre, comptait 16 % de fumeurs ; il y en a désormais moins de 13 %. Nous constatons que l’âge de la première cigarette y a reculé et que le nombre d’appels à l’équivalent australien de Tabac Info Service a augmenté. Cette mesure a donc eu un impact ; elle est structurante dans un plan de réduction du tabagisme.
Évidemment, nous devons convaincre le plus de pays possible de s’engager dans cette démarche : l’Australie l’a fait, l’Irlande et la Grande-Bretagne ont engagé le processus, d’autres pays le font, et j’ai réuni à Paris une dizaine d’États qui choisissent cette voie-là.
Mais il y a un moment où il faut savoir prendre ses responsabilités. Vous allez donc maintenant vous exprimer ; je vous écouterai avec intérêt et avec attention. J’ai suivi les débats de la commission ; j’ai lu ses travaux, je sais que cette mesure a été supprimée et je n’ignore pas qu’il y a peu de chances qu’elle soit rétablie à l’occasion de ce débat.
Cela étant dit, mesdames, messieurs les sénateurs, je porterai à nouveau cette mesure devant l’Assemblée nationale. Il me semble en effet qu’il y a là un enjeu important, et j’assume ma responsabilité de ministre chargée de la santé : je n’ai pas encore entendu de stratégie alternative forte pour faire baisser le tabac dans notre pays.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 1046.
Mme Aline Archimbaud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’amendement déposé par notre groupe vise lui aussi à rétablir l’article 5 decies tel qu’il a été adopté à l’Assemblée nationale, donc le paquet neutre.
J’ajouterai aux arguments de Mme la ministre, tout d’abord, que je suis assez perplexe de voir certains brandir comme argument contre le paquet neutre des chiffres émanant d’études payées – cela a été établi – par de grands groupes cigarettiers.
Une étude indépendante, elle, est consacrée à la mise en œuvre de cette mesure en Australie depuis 2012. Cela a déjà été évoqué, mais je voudrais donner des précisions sur les conclusions de cette étude indépendante.
Depuis l’introduction des paquets neutres, en comparaison avec la période de commercialisation des paquets marquetés, les fumeurs adultes interrogés ont davantage arrêté de fumer, sont plus motivés à arrêter de fumer et ont plus fréquemment écrasé une cigarette qu’ils avaient entamée.
En comparaison avec des paquets marquetés, les paquets neutres ont significativement réduit l’attractivité du paquet de cigarettes et des marques de tabac et donnent moins envie de fumer. Les chiffres de l’étude sont clairs.
Les fumeurs ont l’impression de fumer des cigarettes de moindre qualité et au goût moins agréable depuis qu’elles sont emballées dans des paquets neutres. Ils réagissent davantage aux avertissements sanitaires insérés sur des paquets neutres : plus remarqués, ces messages leur rappellent les méfaits du tabac. Ils ont plus appelé la ligne australienne d’aide à l’arrêt du tabac : les appels ont augmenté de 78 % depuis la mise en place des paquets neutres et les appels ont duré plus longtemps que par le passé.
Par ailleurs, concernant les jeunes fumeurs, une étude réalisée auprès d’adolescents fumeurs et non fumeurs âgés de douze à dix-sept ans démontre qu’en comparaison avec des paquets marquetés, les paquets neutres ont significativement réduit l’attractivité tant des marques de tabac que du paquet de cigarettes, désormais perçu, passez-moi l’expression, comme moins « cool », moins intéressant, et moins excitant.
Le paquet neutre permet donc d’annihiler les messages qui font croire à une moindre dangerosité et à une dépendance minorée de certaines marques de tabac.
Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste soutient pleinement Mme la ministre sur cette mesure courageuse et demande le rétablissement de cette disposition dans la loi de santé.
Pour éviter tout malentendu, je voudrais également indiquer que je suis membre, avec certains autres sénateurs, du groupe de travail mis en place par notre collègue député Frédéric Barbier pour se pencher sur les préoccupations des buralistes. Son objet est de trouver par quels moyens l’action publique pourrait les aider à poursuivre et diversifier leur activité : vente d’autres produits, fourniture de services de proximité, etc. Dans cette perspective, j’ai déposé, au nom du groupe écologiste, l’amendement n° 1054 rectifié, qui va dans ce sens et que je vous invite fortement à soutenir, mes chers collègues.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 430 rectifié est présenté par MM. Bizet, Allizard, Chaize et Cornu, Mmes Des Esgaulx et Duranton, MM. Gournac et Grand, Mme Gruny, MM. Husson, Joyandet, Laménie, Lenoir et Longuet, Mme Morhet-Richaud, MM. Pellevat et Pointereau, Mme Primas et MM. Reichardt, Vaspart et Adnot.
L'amendement n° 903 rectifié est présenté par Mme Malherbe et MM. Bertrand et Guérini.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
, du tabac à rouler, du papier à cigarette et du papier à rouler les cigarettes
par les mots
et du tabac à rouler
La parole est à M. Gérard Cornu, pour présenter l’amendement n° 430 rectifié.
M. Gérard Cornu. Cet amendement, que j’ai cosigné, a été porté par notre collègue Jean Bizet, qui ne peut malheureusement pas être présent cet après-midi.
Jean Bizet voulait ainsi poser le problème de la surtransposition des directives européennes. Ce n’est pas uniquement le cas dans le domaine du tabac, comme l’a d’ailleurs dit très justement notre collègue Jean-Baptiste Lemoyne, et ce zèle que nous mettons à toujours vouloir laver plus blanc que blanc agace profondément nos compatriotes.
Je voudrais vous rappeler ce que dit la directive sur les produits du tabac. Elle impose, dans tous les États membres, la mise en place d’avertissements sanitaires recouvrant 65 % de la surface extérieure avant et arrière de l’unité de conditionnement et de tout emballage extérieur des cigarettes et du tabac à rouler.
Elle ne prévoit en revanche pas la standardisation des papiers à cigarette ou de leurs emballages.
On a en France la manie de surtransposer toutes les directives européennes. Madame la ministre, vous avez tout à l’heure cité l’Australie. Mais ce pays n’est pas, à ma connaissance, membre de l’Union européenne. Comment voulez-vous que la France s’en sorte si, à chaque fois, on surtranspose ces directives, alors que nos voisins dans l’UE se contentent de transposer ? Je suis pour que l’on transpose, mais pas au-delà ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour présenter l'amendement n° 903 rectifié.
Mme Hermeline Malherbe. On a aujourd’hui dit à plusieurs reprises la nécessité d’aller convaincre l’Europe de prendre certaines mesures de lutte contre le tabagisme. Or ici, pour une fois, il existe une directive européenne qui nous permet d’être tous logés à la même enseigne et au même moment. En même temps, même si la question est importante, à mon avis, on n’est pas à un an près pour appliquer cette directive.
Cet amendement a pour objet spécifique le papier à cigarette : ce n’est pas du tabac, ce n’est qu’un simple outil. On aurait très bien pu aussi mentionner les pipes.
On peut faire deux remarques. Tout d’abord, le fait important est que, cette fois, tous les pays européens peuvent bénéficier en même temps d’une même législation, mise en place de manière opérationnelle. Ensuite, il faut surtout s’attaquer aux vrais problèmes, l’addiction et la dépendance, et non pas forcément à tout ce qui est à côté, comme le papier à rouler !
Mme la présidente. L'amendement n° 288 rectifié bis, présenté par MM. Calvet, Gilles, Pellevat et Charon, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
et du papier à rouler les cigarettes
La parole est à M. François Calvet.
M. François Calvet. La commission des affaires sociales a modifié l'article 5 decies afin de transposer strictement dans la loi française l'article 10 de la directive 2014/40/UE sur les produits du tabac.
L'amendement ainsi adopté en commission, qui prévoit l'instauration du « paquet directive européenne », comprend une imprécision rédactionnelle. Il vise en effet à étendre le dispositif du « paquet directive européenne » au papier à rouler les cigarettes, alors que celui-ci n'est pas un produit du tabac et n'est pas visé par la directive, notamment par son article 10. Il s'agit donc d'une scorie juridique qu'il convient de supprimer. (Sourires au banc des commissions.)
Je souhaite m’inscrire dans le prolongement des propos qui viennent d’être tenus par mes collègues Gérard Cornu et Hermeline Malherbe et dire à mon tour au Gouvernement qu’il faut arrêter avec ce manière de transposer les directives ! (Eh oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Après, on s’étonne que les Français détestent l’Europe ! La France en fait toujours plus que les autres !
Pensez donc à Perpignan, ville frontalière, où l’industrie du papier à cigarettes occupe une place très importante et emploie 400 salariés… Alors que la France est le premier producteur de papier à rouler, elle serait la seule à proposer une telle mesure ? N’exagérons pas ! À force, ce sont des pans entiers de nos industries qui disparaissent. (Marques d’approbation sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission ne compte évidemment pas revenir sur la position qu’elle a adoptée au mois de juillet dernier, qui prévoit de transposer directement dans ce projet de loi la directive européenne relative aux messages sanitaires figurant sur les emballages des paquets de cigarettes.
Soyons clairs : actuellement, en France, les paquets de cigarettes comportent des messages sanitaires, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays. La directive européenne précise que tous les pays seront désormais logés à la même enseigne et que les emballages seront recouverts à 65 % de messages sanitaires et de photos. Je ne veux pas laisser croire que, en souhaitant supprimer le paquet neutre, l’on fait fi des messages sanitaires et que l’on ne souhaite pas protéger le consommateur ! (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je n’en ai pas ici, mais je pourrais vous montrer des paquets neutres et des paquets recouverts à 65 % de messages sanitaires. Ce sont véritablement des messages et des photos-chocs. Quant à savoir si cette mesure sera plus efficace que le paquet neutre, il est difficile de le dire. Il n’en reste pas moins que, sur ces paquets, le message sanitaire est clairement visible.
Ces paquets « directive européenne » auront en outre l’avantage de supprimer certains types de conditionnements imaginés par les industriels du tabac, comme les paquets un peu glamour, rose fuchsia, ressemblant à des étuis de rouges à lèvres et qui peuvent exercer une forte attractivité, notamment sur les jeunes femmes.
Donc, si 65 % de l’emballage est réservé aux messages sanitaires et à des photos-chocs, le reste sera consacré à la marque.
À cet égard, le paquet neutre n’est pas sans soulever des problèmes de droit des marques. Des contentieux sont d’ailleurs en cours dont j’ignore quelle sera l’issue.
Je le répète, avec la transposition stricte de la directive européenne, des messages sanitaires figureront sur les paquets.
La commission a adopté cette position pour favoriser une harmonisation des pays européens en la matière et milite beaucoup en faveur d’une harmonisation fiscale – Mme la ministre a indiqué travailler également en ce sens. Tout le monde sait que, plus que l’emballage, c’est le prix qui constitue un facteur déterminant et qui incite à des achats illégaux ou de contrebande comme à des achats légaux mais transfrontaliers.
La commission souhaite que la France adopte un paquet « directive européenne ». C'est la raison pour laquelle elle émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 639 et 1046.
En revanche, la commission émet un avis favorable sur les amendements identiques nos 430 rectifié et 903 rectifié. En effet, il ne paraît pas pertinent de faire figurer des messages sanitaires sur les emballages de papier à rouler les cigarettes ; ceux-ci doivent figurer sur les paquets de cigarettes et les paquets de tabac à rouler.
C’est parce que ces amendements identiques sont plus complets que la commission demande le retrait de l’amendement n° 288 rectifié bis, monsieur Calvet.
Mme la présidente. Monsieur Calvet, l'amendement n° 288 rectifié bis est-il maintenu ?
M. François Calvet. Non, je le retire, madame la présidente, dans la mesure où il est satisfait par les amendements identiques nos 430 rectifié et 903 rectifié, que je voterai.
Mme Marisol Touraine, ministre. Par cohérence, le Gouvernement émet bien évidemment un avis défavorable sur les amendements « alternatifs » au paquet neutre.
Je tiens à apporter deux précisions complémentaires.
D’une part, s’il est vrai que la directive européenne n’impose pas le paquet neutre, elle ne l’exclut pas pour autant.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est vrai !
M. Gérard Cornu. C’est de la surtransposition !
Mme Marisol Touraine, ministre. Bien sûr que non !
L’article 24 de la directive prévoit que « la présente directive n’affecte pas le droit d’un État membre de maintenir » - maintenir, monsieur Cornu – « ou d’instaurer de nouvelles exigences [...], lorsque cela est justifié pour des motifs de santé publique ». Ne faisons donc pas comme si le Gouvernement inventait une mesure totalement étrangère au débat européen.
MM. François Calvet et Gérard Cornu. Si !
Mme Marisol Touraine, ministre. En outre, je tiens à rappeler à Mme la rapporteur l’intérêt du paquet neutre. L’objectif n’est pas le seul agrandissement du message sanitaire. Certes, il est important qu’un message sanitaire figure sur le paquet et que, grâce à la directive européenne, les pays qui autorisent aujourd’hui des paquets dépourvus de tout message de cette nature aient désormais l’obligation de l’imposer. Comme on le devine à son intitulé, le paquet neutre vise à empêcher la marque d’exercer son pouvoir d’attraction.
La publicité a en effet bien pour principe de donner envie, et personne n’y échappe : nous y sommes tous plus ou moins sensibles quand cela touche des produits qui nous intéressent. Et cela marche !
La publicité consiste en l’occurrence à associer des marques de cigarettes à des couleurs, voire à des formes de paquets pour viser certains publics, leur donnant le sentiment d’appartenir à un groupe. Je pense aux paquets en forme d’étui de rouge à lèvres, à ceux qui renvoient à l’idée de la minceur, par leur côté « slim », à celle de liberté ou à d’autres notions encore. C’est cette dynamique qu’il convient de casser.
L’agrandissement du message sanitaire est en soi une bonne chose, mais ne permet pas d’atteindre cet objectif, à savoir éviter l’impact publicitaire de la marque.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je ne reviendrai pas longuement sur les arguments que Mme la ministre vient de développer.
Le paquet neutre s’inscrit bien évidemment dans une stratégie globale de lutte contre le tabagisme, qui cible principalement le public jeune. Il agit de faire en sorte que les jeunes ne commencent pas à fumer et que l’on parvienne enfin à une génération d’hommes et de femmes qui ne fument pas ou ne fument plus.
Madame la ministre, vous avez prouvé votre engagement et votre détermination à faire en sorte que, avec le Gouvernement, nous parvenions le plus rapidement possible à une harmonisation fiscale à l’échelon européen ; vous l’avez répété à plusieurs reprises, mais nous en sommes tous convaincus. C’est tout l’enjeu si nous voulons que les mesures que nous décidons dans le cadre de la lutte contre le tabagisme soient efficaces.
Le Gouvernement comme la commission l’ont souligné, même si cela ne relève pas strictement de votre ministère, madame la ministre, cela relève totalement de la responsabilité du Gouvernement : il est très important de trouver de façon concomitante des solutions alternatives afin que les mesures adoptées n’aient pas de conséquences financières pour les buralistes, que nous souhaitons maintenir dans nos territoires, tant urbains que ruraux, car ils participent à la cohésion sociale.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je veux défendre la rédaction de l’article 5 decies retenue par la commission des affaires sociales. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je rappelle que la version que vise à rétablir l’amendement n° 639 du Gouvernement et qui a été adoptée par l'Assemblée nationale ne figurait pas dans le texte initial. Il y a donc eu en quelque sorte une deuxième réflexion lors de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale.
Pour ma part, à ce stade, je ne suis pas capable de dire si le fait d’aller au-delà de ce que prévoit la directive est un élément important dans la lutte contre le tabac. On évoque le cas de l’Australie. Il est vrai que c’est le seul pays à avoir instauré le paquet neutre, mais c’est surtout le seul à avoir fixé le prix du paquet de cigarettes à 14 euros ! Si nous le suivons dans cette voie, peut-être serons-nous efficaces dans la lutte contre le tabac.
Cela vous surprendra peut-être, mais je suis surtout préoccupé par l’atteinte au droit des marques et au développement de la contrefaçon que ce paquet neutre peut entraîner.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Richard Yung. Ce paquet neutre, comme son nom l’indique, est un paquet de cigarettes anonymisé dont la forme, la couleur et la typographie sont rendues uniformes et aussi peu attractives que possible, puisque tel est l’objectif. Il réduit les marques à de simples dénominations en les amputant de leurs signes distinctifs.
Ce faisant, à mon sens, il porte atteinte aux éléments constitutifs de la marque, qui forment un chapitre important du droit de la propriété industrielle. Une marque, ce n’est pas seulement un nom ; c’est aussi une couleur, un dessin, un mouvement, des figures. Je comprends bien que l’idée consiste à les rendre anonymes, mais je pense qu’il s’agit d’une atteinte directe au droit des marques.
Supprimer l’un de ces éléments, c’est remettre en cause le droit du titulaire sur ses marques. Or une marque, c’est un élément important du bilan d’une entreprise. Sa valeur peut être considérable. C’est aussi un élément constitutif de l’identité de l’entreprise et de ses produits. Je crains que, si nous nous engageons dans cette voie, nous ouvrions une brèche dans les droits de propriété industrielle.
Enfin, cette dénaturation du droit de propriété devrait être compensée par « une juste et préalable indemnité », conformément à l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Or le projet de loi ne prévoit pas de mécanisme indemnitaire. En adoptant le paquet neutre, nous irons au-devant de nombreuses difficultés et nous heurterons à toutes les juridictions comme le Conseil constitutionnel ou l’Organisation mondiale du commerce. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour explication de vote.
Mme Jacky Deromedi. Madame la ministre, j’ai été quelque peu surprise par les propos que vous avez tenus en présentant l'amendement du Gouvernement. Pourquoi donc dépensons-nous tant d’énergie à nous battre contre le paquet neutre ? Une telle question sous-entend que nous défendrions des intérêts particuliers, ceux des buralistes ou des fabricants, dont nous accepterions les invitations et autres cadeaux. De telles insinuations sont choquantes.
Nous sommes, nous aussi, préoccupés par la santé des Français. Laisser entendre que vous seriez les seuls à vous en soucier est purement démagogique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je tiens à saluer le travail tout à fait remarquable, magnifique et responsable, accompli par la commission des affaires sociales. (Mme Laurence Cohen rit.) Le souci de la santé en a en effet constitué l’élément moteur de notre démarche.
Madame la ministre, comment puis-je expliquer, moi, élu de la plus vaste région transfrontalière, la région Est, aux buralistes de mon territoire cette distorsion absolument invivable entre États membres, sans même parler de la fiscalité ?
Je partage l’avis de notre collègue Richard Yung : avec le paquet neutre, le risque de contrefaçon est grand, et on ne l’a pas assez mesuré.
Nous venons de débattre du vapotage : c’est peut-être aussi, pour certaines personnes, un moyen de sortir du tabagisme et d’en finir avec ce fléau que représente le tabac.
Nous revenons au même débat que celui que nous avions hier soir sur l’alcool. Les mêmes questions se posent pour le paquet neutre : c’est comme si l’on retirait les étiquettes sur les bouteilles d’alcool. Madame la ministre, vous aviez pris à juste titre l’exemple des bières fortes. De la même manière, tous les tabacs n’ont pas le même degré de nocivité, et le paquet neutre risque de semer la confusion.
Cet argument est sans doute difficile à soutenir, mais il semble évident que le paquet neutre, du fait du manque d’informations sur l’emballage, pourra nuire aux fumeurs qui, mieux informés, pourraient entreprendre de se désintoxiquer.
J’approuve donc le travail très responsable de la commission. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Nous appartenons au marché commun européen et souhaitons en rester membre. Mais, en France, nous avons toujours la manie de vouloir des normes différentes !
Nous le voyons à l’occasion de la crise agricole : nos charges sont beaucoup plus élevées qu’en Espagne ou en Allemagne, mais, surtout, nos normes spécifiques aggravent fortement les problèmes des agriculteurs.
Pour le tabac, c’est la même chose : le paquet neutre ne fera pas diminuer le nombre de fumeurs ; en revanche, il contribuera à faire augmenter le marché parallèle, non seulement dans les départements frontaliers, mais aussi sur tout le territoire national.
Les autres pays européens souhaitent, comme nous, combattre les nuisances du tabac. Comme l’a suggéré la commission, nous devons donc nous mettre en conformité avec la directive européenne et nous engager dans la voie d’une harmonisation européenne.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet en début d’après-midi, après Mme la rapporteur et Mme la ministre, dans une sorte de mini débat sur le tabac. Les éléments exposés voilà quelques heures valant évidemment pour l’amendement n° 639, je ne les reprendrai pas.
Une très large majorité des membres du groupe socialiste et républicain s’abstiendront sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Notre débat est parfois un peu complexe. Nous examinons une loi de santé publique et nous étudions les incidences de produits licites comme l’alcool ou le tabac, qui causent des milliers de morts et ont d’importantes conséquences en termes de santé publique.
Je ressens une difficulté pour faire la part des choses entre ce qui relève des intérêts économiques – je ne les balaye absolument pas d’un revers de main, et les propos tenus à cet égard par notre collègue de Perpignan m’ont paru très intéressants – et ce qui relève de la santé publique. En l’occurrence, nous avons encore des progrès à faire.
Pour le groupe CRC, le paquet neutre doit s’inscrire dans une politique de prévention et d’accompagnement. Il ne peut s’agir d’une mesure isolée.
Cette mesure sera-t-elle efficace, voire la plus efficace ? Personnellement, je n’en sais rien, et je ne crois pas que quelqu’un le sache à ce stade. Il nous semble en tout cas positif de prendre des initiatives pour tenter de faire reculer l’addiction au tabac.
Devant cette difficulté, l’ensemble des membres de notre groupe, à l’instar de la plupart des membres du groupe socialiste et républicain, s’abstiendront, comme je l’ai annoncé lors de mon intervention dans la discussion générale.
Il ne nous semble pas que la démarche ait complètement abouti, et nous préférons donc rester sur cette position, en insistant sur la prévention, avec des moyens humains et financiers garantissant l’efficacité de cette politique.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Le débat oscille entre, d’un côté, l’idée qu’il ne faut pas surtransposer et, de l’autre, l’enjeu essentiel qu’est la santé publique.
Pour essayer de trancher ce débat, je ne suis pas forcément très sensible à la comparaison avec l’Australie, l’expérience nous ayant depuis longtemps appris, au plan national ou local, à nous méfier de ce type d’argumentation comparative qui n’a d’autre objet que d’infléchir les positions des uns et des autres, alors qu’il s’agirait plutôt de prendre les exemples sur le terrain même où le débat doit être tranché.
À la fin de votre intervention, madame la ministre, vous nous avez expliqué en substance que vous vous attendiez à un vote négatif du Sénat sur cet amendement, mais que vous chercheriez à obtenir satisfaction à l’Assemblée nationale, faute, avez-vous dit, d’alternative politique. Avec tout le respect que je vous dois, vous me permettrez de ne pas partager cette appréciation.
Il me semble que la stratégie politique alternative, qui relève du mandat que vous exercez au nom de notre pays, consiste à convaincre l’ensemble des pays de la Communauté des enjeux de santé publique. Votre responsabilité ne consiste pas à demander, demain, à l’Assemblée nationale de prendre le contre-pied du Sénat. Elle consiste, au nom de notre pays, et pour les motifs que vous avez largement évoqués vous-même, à convaincre l’ensemble des autres pays de la pertinence d’une directive différente, plus contraignante.
Il me semble, de surcroît, que vous disposez d’un outil juridique pour fonder votre action. En effet, aux termes de l’article 168 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, « un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union. » Cet article précise aussi que l’action de l’Union « porte sur l’amélioration de la santé publique et la prévention des maladies et des affections humaines » et que « l’Union complète l’action menée par les États membres en vue de réduire les effets nocifs de la drogue sur la santé ».
C’est bien là, me semble-t-il, que se situe votre responsabilité politique, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Mme Dominique Gillot. Cet amendement du Gouvernement développe une mesure forte et emblématique du programme national de réduction du tabagisme 2014-2015, partie intégrante du plan national cancer visant à combattre toutes les formes de cancers évitables.
La lutte contre le tabagisme prend plusieurs formes qui s’additionnent et se complètent dans une stratégie globale comportant, notamment, la résistance aux stratégies commerciales des industriels, la dénormalisation sociale du tabac, la réduction de l’attractivité de ces produits et leur stigmatisation comme produits dangereux.
Cette stratégie, de nature à contribuer à atteindre l’objectif, passe par l’instauration du paquet générique de cigarettes et de tabac.
Devant cette démarche radicale, absolue de santé publique, qui rencontre l’hostilité d’un nombre important de commerçants – ces commerçants assurent par ailleurs, dans bien des endroits, une permanence de lieu de vie, de lien social et d’économie locale –, de nombreux sénateurs sont sensibilisés à la détresse exprimée par les buralistes, lesquels sont légitimement inquiets des conséquences, efficaces je le souhaite, de la mise en œuvre de cette mesure emblématique.
Mais combien parmi nous ont été confrontés ou ont vécu les conséquences douloureuses, dramatiques, létales du tabagisme ? Quel poids ont-elles dans la balance ? Où se situent-elles sur l’échelle de nos responsabilités ?
Face à cette levée de boucliers observée en direct par l’ensemble des exploitants qui se sentent menacés, vous avez le courage, madame la ministre, de tenir fermement cette mesure emblématique, soutenue par la communauté scientifique, la communauté médicale, les spécialistes et les associations de malades qui ont à connaître et à lutter contre les ravages du tabagisme, cause identifiée, incontestée et pourtant évitable de mortalité.
Cette action, tout à l’honneur de ministre de la santé que vous êtes, mérite le soutien de ceux qui croient aux politiques publiques protectrices de l’ensemble de nos concitoyens, particulièrement les plus fragiles que sont les plus jeunes, y compris contre leurs propres inclinaisons ou désir de prendre des risques « consentis », tout du moins tant qu’ils ne sont pas rattrapés par la maladie.
Autrefois, un jeune conscrit recevait dans son paquetage sa ration de tabac. Aujourd’hui, la connaissance a évolué. Nous savons que le tabagisme est hautement cancérigène et que sa réduction diminue d’autant la prévalence des cancers du fumeur. Le dernier plan cancer intègre la réduction du tabagisme comme un objectif majeur, ce qui justifie un engagement politique fort. C’est votre dignité et votre responsabilité de ministre de la santé et, pour toutes ces raisons, je voterai l’amendement que vous présentez et j’encourage mes collègues à faire de même.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Quand on engage des réformes d’envergure, la méthode est importante. Pour ma part, je retiens du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin la méthodologie des « 3D » : diagnostic, dialogue, décision. Le respect de ces trois phases permet de prendre de bonnes mesures.
Sur le diagnostic, malheureusement, la disposition n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact, car elle a été introduite par voie d’amendement à l’Assemblée nationale. J’ai vu que vous aviez commandé, via la Direction générale de la santé, une étude à M. Kopp, laquelle a été assez largement remise en question par un journaliste d’Alternatives économiques, soit une personne qui ne se situe pas forcément dans mon voisinage politique.
Quant au dialogue, il est vrai que beaucoup d’acteurs du dossier, notamment les buralistes, regrettent de ne pas avoir pu parler avec vous, madame la ministre.
Ces dispositions ont été décidées sans véritable échange, y compris sur les mesures d’accompagnement. Notre collègue Yves Daudigny évoquait le Compte-Nickel comme exemple de diversification d’activité possible pour les buralistes, mais ces derniers l’ont mis en place eux-mêmes, en partenariat avec une jeune entreprise innovante, sans rien devoir à l’État.
Encore une fois, les buralistes sont des agents assermentés par l’État. Comme tous les élus locaux, ils sont les petites mains de la République, souvent implantés dans des territoires ruraux, périurbains ou dans des zones difficiles. Ils sont importants pour le lien social et je pense que l’État s’honorerait à rouvrir le dialogue avec ces professionnels, que l’on peut d’une certaine manière considérer comme ses agents.
De surcroît, ainsi que certains de nos collègues l’ont rappelé, les risques de fraudes sont importants. Aujourd'hui, compte tenu de la rapidité des transports et de la facilité avec laquelle on franchit les frontières, nous sommes tous un peu frontaliers, que l’on réside dans la Meuse, chez Gérard Longuet, ou bien en plein centre de la France, chez Rémy Pointereau ! Et il est impossible d’ignorer que 25 % de la consommation, à l’heure actuelle, est le fruit de marchés parallèles contre lesquels il faut absolument lutter.
Sur ce sujet qui transcende largement les clivages, je suivrai naturellement la position de la commission. Madame la ministre, je vous invite simplement à entendre la voix de personnes qui demandent seulement à dialoguer avec vous et à préparer un nouveau contrat d’avenir. En effet, celui qui avait été initié voilà une dizaine d’années arrive bientôt à terme.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Nous débattons d’un sujet très grave : le tabac cause près de 80 000 morts par an, sans compter les souffrances qui accompagnent ces décès.
C’est pour cela qu’il faut prendre des mesures efficaces. Les deux principales mesures dont l’efficacité est avérée en matière de lutte contre le tabagisme sont le prix du paquet et la prévention.
Le relèvement du prix du paquet se heurte au problème des zones frontalières. C’est pourquoi nous devons continuer à dialoguer avec nos voisins sur le sujet de l’harmonisation européenne.
Pour ce qui est de la prévention, nous avons encore des progrès à faire. J’ai la chance de n’avoir jamais fumé. Je ne suis pas plus malin que les autres, et ni mon frère ni ma sœur ne fument. Nous avons eu la chance d’avoir une grand-mère médecin qui nous expliquait positivement, sans nous l’interdire, pourquoi il était préférable que nous ne fumions pas, et nous ne l’avons pas fait.
Lorsque j’ai un caillou dans la chaussure, je ne prends pas un cachet d’aspirine, je commence par vider ma chaussure. Donc, il vaut mieux commencer par le début, c’est plus efficace. Le sujet a beau être grave, je finirai sur cette note d’humour, en vous recommandant, madame la ministre, plutôt que d’enlever les images sur les paquets de cigarettes, de retirer les cigarettes qui sont à l’intérieur ! (Sourires.)
M. Gérard Dériot. Eh oui !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Le débat a été long, riche, et tous les arguments ont été développés par les uns et les autres sur l’opportunité de voter ou non ces amendements. Il semble toutefois qu’une majorité d’entre nous ne suivra pas la proposition de Mme le ministre.
Je ferai deux observations.
D’abord, je rejoins notre collègue du groupe socialiste qui a fait référence au droit des marques. J’ai le souvenir, lorsque je rapportais le budget de la sécurité sociale, que nous avions été confrontés à la question, qui n’est pas si simple, du droit des marques en ce qui concerne le médicament. Je vous invite donc, madame la ministre, à y regarder d’un peu plus près. En la matière, il y a lieu d’être prudent, sinon on risque, à commencer par vous-même, d’être rattrapé par des directives européennes sur le sujet.
Ensuite, comme cela a été dit par la plupart d’entre nous, la solution n’est pas ici. Vous vous trompez de lieu, madame la ministre. Ce n’est pas ici qu’il faut se battre sur ce dossier, c’est au niveau européen. (Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Vous prêchez pratiquement des convaincus sur la pertinence qu’il y aurait à légiférer dans ce domaine. Mais si la France est seule à le faire, alors que les autres pays européens ne légiféreraient pas en ce sens, c’est peine perdue ! C’est encourager le développement de la contrebande, et vous voyez bien ce qui se passe dans les pays frontaliers.
D'ailleurs, on en a fait l’expérience, même avant que vous proposiez une mesure de cette nature, lorsqu’on a augmenté le prix du tabac. À l’occasion de chaque loi de financement de la sécurité sociale – je me rappelle le combat de notre collègue Yves Bur à l’Assemblée nationale –, on relevait le prix du paquet de cigarettes. Si l’on a effectivement constaté une baisse en volume de la quantité de cigarettes vendues sur le territoire national, la consommation n’a cependant pas baissé en proportion, compte tenu de l’importation des cigarettes à partir des pays voisins.
En conclusion, je souligne une fois de plus que la commission des affaires sociales, avec l’aide de ses rapporteurs et de son président, a fait un excellent travail. Il faut lui faire confiance. Madame la ministre, vous avez déployé, comme nous tous, une belle énergie : je vous invite à manifester la même énergie non plus ici, chez nous, mais devant l’Europe, c'est-à-dire à Bruxelles ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Je serai brève, m’exprimant au nom de mon groupe.
Après avoir écouté l’ensemble des orateurs, nous allons voter contre ces amendements. Nous attendrons la mesure européenne – cela ne doit pas étonner, de la part du Rassemblement démocratique et social européen -, car nous estimons qu’une couverture de 65 % d’avertissements sanitaires sur le paquet, pour toutes les raisons évoquées, est suffisante.
Au nom de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, nous déplorons que les femmes enceintes soient nombreuses à fumer, même au dernier trimestre de leur grossesse. Je ne sais pas si, à cet égard, cette mesure sera utile. Nous devons mener un large débat sur le problème du tabac en général. Il faut bien sûr inclure les jeunes, ceux qui sont bien élevés et qui ont écouté leur papa, leur grand-mère ou je ne sais qui, ceux qui ont fait ce qu’ils ont pu, ceux qui ne font plus le service militaire et qui ne reçoivent plus en dotation des paquets de cigarettes…
Le débat est loin d’être clos et il faut avancer à petits pas.
Donc, les membres du RDSE adopteront, quand il nous sera proposé, le paquet aux 65 %.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Sans vouloir prolonger le débat, je voudrais simplement apporter un témoignage de terrain.
J’ai entendu notre collègue Dominique Gillot faire l’éloge de Mme la ministre et souligner son courage. Je pense, pour ma part, que le courage consiste à se battre contre le tabagisme d’une façon générale et non pas seulement pour ce paquet neutre.
Je suis très sceptique sur l’efficacité de ce paquet neutre, pour une raison extrêmement simple. Mon département connaît dans certains endroits une prolifération de la contrebande, et bien au-delà de 25 % de la consommation. Or il s’agit non pas de paquets de cigarettes, mais de cigarettes vendues à l’unité ! S’il n’y a pas de paquet, qui constitue l’essence même du dispositif proposé, qu’ajoute le paquet neutre, madame la ministre ?
Je voudrais que tous les efforts que nous développons ici, nous les déployions également, comme vient de le dire mon collègue, certes en Europe, mais aussi dans nos rues, pour combattre ce trafic de cigarettes – il s’agit bien de cigarettes, ce n’est pas autre chose – qui sont vendues à l’unité dans les quartiers socialement les plus difficiles, où des enfants de plus en plus jeunes ont accès au tabac pour quelques centimes d’euros. C’est là que le combat doit d’abord être mené, là où l’aspect du paquet, neutre ou pas, n’influe pas sur l’âge auquel on va commencer à fumer, puisqu’il n’y a pas de paquet.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Il semble se dégager de ce débat un certain consensus autour du paquet neutre, ou, pour beaucoup d’entre nous, du paquet neutre européen.
Ce paquet portera des signaux sanitaires sur 65 % de sa surface, à l’avant et à l’arrière. Je souhaite, madame la ministre, que ce message sanitaire soit suffisamment fort, mais qu’il soit également digne. Les images montrées ne doivent pas être excessives ou trop choquantes, d’abord pour les jeunes, mais aussi pour les personnes malades elles-mêmes. Il ne faudrait pas que des personnes atteintes de cancers de la gorge, du poumon, de la langue, en se promenant dans la rue, entendent des remarques comme : « Regarde ce monsieur, il ressemble à celui qui est sur le paquet de cigarettes ! ».
Mais je fais confiance à Mme la ministre et au ministère de la santé pour que les images soient claires tout en étant respectueuses de la dignité des personnes.
Notre groupe, bien sûr, votera pour le paquet neutre européen.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 639 et 1046.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 247 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 244 |
Pour l’adoption | 16 |
Contre | 228 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos 430 rectifié et 903 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix, modifié, l'article 5 decies.
(L'article 5 decies est adopté.)
Article 5 undecies
Après l’article L. 3511-7 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3511-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3511-7-1. – Il est interdit de vapoter dans :
« 1° Les établissements scolaires et les établissements destinés à l’accueil, à la formation et à l’hébergement des mineurs ;
« 2° Les moyens de transport collectif fermés ;
« 3° Les lieux de travail fermés et couverts à usage collectif.
« Des emplacements réservés à l’usage des dispositifs électroniques de vapotage sont mis à la disposition des vapoteurs dans les lieux mentionnés aux 1° et 3°.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »
Mme la présidente. L'amendement n° 152 rectifié, présenté par MM. Gilles, de Nicolaÿ, Commeinhes, Charon et Grand, Mme Hummel et M. Trillard, n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 5 undecies.
(L'article 5 undecies est adopté.)
Article 5 duodecies
(Non modifié)
Après le même article L. 3511-7, il est inséré un article L. 3511-7-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 3511-7-2. – Il est interdit à tous les occupants d’un véhicule de fumer en présence d’un enfant de moins de dix-huit ans. » – (Adopté.)
Article 5 terdecies
(Supprimé)
Article 5 quaterdecies
(Supprimé)
Article 5 quindecies
(Supprimé)
Article 5 sexdecies
L’article L. 3512-4 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 3512-4. – Les agents mentionnés à l’article L. 1312-1 veillent, dans les conditions prévues audit article, au respect des articles L. 3511-2-1, L. 3511-7 et L. 3511-7-7 et des règlements pris pour leur application.
« Les agents mentionnés aux articles L. 8112-1, L. 8112-3 et L. 8112-5 du code du travail veillent au respect des articles L. 3511-7 et L. 3511-7-1 du présent code dans les conditions prévues aux articles L. 8113-1 à L. 8113-5 et L. 8113-7 du code du travail. »
Mme la présidente. L'amendement n° 391 rectifié, présenté par M. Lemoyne, Mme Duchêne, MM. Commeinhes et Pellevat, Mme Imbert, MM. Grand et J.P. Fournier, Mme Deseyne, MM. Houel, Charon et Grosperrin, Mme Des Esgaulx, MM. Karoutchi, Falco, Longuet, de Raincourt, de Legge et Revet, Mme Mélot, M. Chaize, Mme Duranton, MM. Mouiller, Vaspart, de Nicolaÿ, Bouchet, G. Bailly, Saugey, Laménie, Vasselle et Lefèvre, Mmes Lamure, Lopez, Deromedi et Micouleau, M. Allizard, Mme Gruny et M. Pointereau, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi qu’au respect du 2. de l’article 565 et du premier alinéa de l’article 568 du code général des impôts
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je présenterai plusieurs amendements visant à étoffer notre arsenal contre la fraude. Il me semble que cet objectif est assez largement partagé.
L’article 5 sexdecies habilite les polices municipales à constater des infractions relatives au tabac. Cet amendement vise à leur permettre d’intervenir lorsque sont repérées des ventes à la sauvette devant les établissements qui vendent du tabac légalement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement donne compétence aux policiers municipaux pour les infractions aux articles 565 et 568 du code général des impôts relatifs au monopole de l’État sur la vente de tabac.
La commission des affaires sociales partage les objectifs des auteurs de cet amendement. Toutefois, contrairement à ce qui est indiqué dans l’objet, cet amendement ne concerne pas la vente à la sauvette, qui est définie à l’article 446-1 du code pénal et pour laquelle les policiers municipaux sont d’ores et déjà compétents, sous l’autorité du maire.
L'article que cet amendement vise à rétablir a un domaine beaucoup plus large et touche au respect du monopole de l’État sur la vente de tabac.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Lemoyne, l'amendement n° 391 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Manifestement, qui peut le plus peut le moins. La commission affirme que cet amendement va au-delà de la vente à la sauvette, mais Mme la ministre a la gentillesse d’émettre un avis favorable.
Dans ces conditions, je maintiens cet amendement et je propose au Sénat de l’adopter.
Mme la présidente. L'amendement n° 1189, présenté par Mmes Deroche et Doineau et M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - À l’article L. 3819-23 du même code, les références : « et au III de l’article L. 231-2 du code rural et de la pêche maritime » et « et L. 231-2-1 du code rural et de la pêche maritime » sont supprimées.
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le problème pointé, qui concerne Mayotte, est traité à l’article 56 de ce projet de loi.
C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, sans quoi il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Deroche, l'amendement n° 1189 est-il maintenu ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 1189 est retiré.
Je mets aux voix, modifié, l'article 5 sexdecies.
(L'article 5 sexdecies est adopté.)
Article additionnel après l’article 5 sexdecies
Mme la présidente. L'amendement n° 392 rectifié, présenté par M. Lemoyne, Mme Duchêne, MM. Commeinhes et Pellevat, Mme Imbert, MM. Grand et J.P. Fournier, Mme Deseyne, MM. Houel, Malhuret, Charon et Grosperrin, Mme Des Esgaulx, MM. Karoutchi, Falco, Longuet, de Raincourt et Revet, Mme Mélot, M. Chaize, Mme Duranton, MM. Mouiller, de Nicolaÿ, Bouchet, Saugey, Laménie, Vasselle et Lefèvre, Mmes Lamure, Lopez, Deromedi et Micouleau, M. Allizard, Mme Gruny et M. Pointereau, est ainsi libellé :
Après l’article 5 sexdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le cadre de ses missions, la délégation nationale à la lutte contre la fraude coordonne les actions des services de l'État concernés en matière de lutte contre l'achat et le commerce illicite du tabac.
Elle veille à la réalisation des objectifs de saisie de tabac définis par le ministre chargé du budget et publie chaque année un bilan chiffré.
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Il s’agit, là encore, de lutter contre la fraude.
Naturellement, plusieurs services interviennent en ce domaine : les douanes, au premier chef, mais également, comme on l’imagine aisément, les services de police et la gendarmerie.
Il est proposé, pour que l’action de toutes ces forces soit plus efficiente, que la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, la DNLF, placée par délégation du Premier ministre auprès du ministre du budget et des comptes publics, puisse coordonner l’action de ces différents services.
Vous vous souvenez qu’il y a une dizaine d’années, pour mieux lutter contre un certain nombre de trafics, avaient été mis en place les GIR, les groupes d'intervention régionaux, qui permettaient une coordination de l’ensemble des forces de sécurité.
Par parallélisme des formes, nous proposons de confier formellement ce travail de coordination de l’ensemble des services et forces agissant contre les trafics à une structure qui existe déjà.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, parce que la Délégation nationale à la lutte contre la fraude a déjà compétence en matière de lutte contre le commerce illicite du tabac.
Vous voulez une structure spéciale, mais la DNLF exerce déjà cette compétence et je ne pense pas que ce soit à nous de fixer pour elle la manière dont elle s’organise.
Je vous demande donc de retirer cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Lemoyne, l'amendement n° 392 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 523, présenté par Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le dernier alinéa de l’article 414 du code des douanes est ainsi modifié :
1° Le mot : « dix » est remplacé par le mot : « quinze » ;
2° Le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix ».
La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. On l’a largement évoqué : le tabac fait partout l’objet de trafics, à tous les stades de sa production, de son transport et de sa consommation.
Comme on l’a amplement explicité, lutter contre le commerce illicite du tabac est avant tout une mesure de santé publique. Il s’agit d’empêcher que des consommateurs, avérés ou potentiels, notamment les mineurs, ne puissent se fournir en cigarettes à très bas prix.
L’Organisation mondiale de la santé estime que 12 % des cigarettes commercialisées chaque année dans le monde sont vendues illégalement, c’est-à-dire hors des bureaux de tabac ; 25 % du tabac consommé en France est acheté en dehors du réseau légal.
Nous savons que la majeure partie des cigarettes qui alimentent le commerce parallèle sont issues des usines de fabricants de tabac. Ces derniers organisent eux-mêmes le commerce parallèle, il est important de le dire.
Soit les cigarettes ont été vendues « légalement » à des intermédiaires installés dans des pays de l’est de l’Europe où les taxes sont extrêmement faibles, soit elles sont vendues dans des pays de l’Europe de l’Ouest qui pratiquent une fiscalité « douce » sur le tabac.
C’est pourquoi il nous semble important de rétablir cet article, qui renforce les sanctions pour lutter contre la contrebande de tabac.
Je vous rappelle que les buralistes eux-mêmes souhaitent que cet amendement soit adopté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet article a été supprimé par la commission lorsqu’elle a examiné le texte en juillet.
En effet, d’après les statistiques fournies par le service des douanes judiciaires sur les affaires qui lui ont été confiées par les magistrats, vingt-huit condamnations sur le fondement du délit de contrebande ont été prononcées en 2014 et au cours des premiers mois de l’année 2015. Pour ces affaires, la durée moyenne de l’emprisonnement prononcée est de huit mois, soit une durée sensiblement inférieure au quantum prévu actuellement.
En portant à quinze ans la peine encourue en cas de contrebande de marchandises dangereuses pour la santé, l’article que cet amendement vise à rétablir a pour effet de criminaliser l’infraction. En effet, la peine reste correctionnelle jusqu’à dix ans d’emprisonnement, mais devient criminelle au-delà. Modifier le quantum impliquerait de modifier également le mode d’instruction ainsi que la juridiction compétente.
Or, au regard des peines prononcées habituellement par les juges, il n’est pas certain que la répression de ces infractions en serait plus efficace. C’est pourquoi nous avions supprimé cet article, et pourquoi aussi nous sommes défavorables à cet amendement qui vise à le rétablir.
Bien sûr, on me dira que la législation ne doit pas reposer sur les jugements actuels. Toutefois, constatant que la durée moyenne des peines prononcées est extrêmement basse au regard de la peine maximale encourue, on peut se demander si augmenter la peine maximale aura l’effet escompté.
Nous en doutons, c’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'article 5 septdecies est rétabli dans cette rédaction.
Article 5 octodecies
(Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 521, présenté par Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le I de l’article 569 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’enregistrement et la traçabilité des données liées aux opérations d’importation et de commercialisation de produits du tabac sont contrôlés par un tiers indépendant, selon des modalités fixées par décret. »
La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Le protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac a été adopté le 12 novembre 2012 par la conférence des parties à la CCLAT, c'est-à-dire la convention-cadre pour la lutte antitabac de l’Organisation mondiale de la santé, afin d’améliorer la traçabilité et l’enregistrement des données liées aux opérations d’importation et de commercialisation des produits du tabac et d’aller dans le sens du protocole de l’OMS.
Le présent amendement tend à rétablir l’instauration d’un contrôle par un tiers indépendant, en rétablissant l’article dans la rédaction votée à l’Assemblée nationale.
Cet amendement nous semble tout à fait important pour lutter contre la fraude.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Bien entendu, nous sommes tous partisans de la traçabilité.
La commission avait supprimé cet article parce que les travaux français sur la traçabilité sont suspendus dans l’attente de la production de règles au niveau communautaire, ce qui ne devrait pas intervenir avant mai 2019 pour les cigarettes et mai 2024 pour les autres produits du tabac.
La commission a jugé que, dans cette attente, toute modification du droit français était inutile.
Par conséquent, elle émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. J’avais moi-même proposé il y a deux ans, dans le cadre de la discussion du budget, un amendement similaire, qui tendait à mettre en place un système de traçabilité pour lutter contre la fraude concernant les produits du tabac.
Aujourd'hui, nous n’avons pas de système de traçabilité garanti par un organisme indépendant. En effet, nous demandons aux fabricants de cigarettes eux-mêmes de contrôler la traçabilité de leurs produits. Autant dire qu’il n’y aucun contrôle, et c’est le problème.
Une telle mesure permettrait de faire face à tous les phénomènes qui ont été évoqués. Tout ce qui a été dit sur l’ampleur de la fraude transfrontalière, qui s’élève à 25 % du tabac consommé en France, ainsi que sur la fraude à l’intérieur de nos frontières, qui représente des dizaines de milliards de fraude fiscale et qui a donc un impact très fort sur le budget de l’État, est parfaitement vrai.
Ne continuons pas à attendre que la Commission européenne avance, alors que l’on sait – je vous renvoie à un certain nombre d’émissions diffusées par le service public sur les problèmes que pose le tabac – que plusieurs lobbies extrêmement puissants interviennent à tous les niveaux.
Je crois donc que le Sénat s’honorerait à voter l’amendement qui, présenté par Mme Catherine Génisson au nom du groupe socialiste et républicain, a reçu l’aval du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. Je voterai aussi cet amendement, d’abord pour les raisons qui viennent d’être évoquées et que je ne répéterai pas, ensuite parce que la situation est totalement différente de celle que nous évoquions précédemment.
Au niveau européen, aucune réforme n’est attendue avant 2019, c'est-à-dire dans quatre ans au moins. Nous avons donc le temps d’agir et d’avancer pour ensuite convaincre l’Europe de faire de même.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Ce dossier est important, et nous allons dans le bon sens. Peut-être Mme la ministre pourra-t-elle nous donner des précisions : j’ai cru comprendre que le chantier avançait fort bien au niveau français et que la mise en œuvre concrète pourrait survenir avant la fin du débat parlementaire actuel. Où en sommes-nous de la mise en place d’un tel dispositif en France ?
Mme la présidente. En conséquence, l'article 5 octodecies est rétabli dans cette rédaction.
Article additionnel après l’article 5 octodecies
Mme la présidente. L’amendement n° 1047, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 5 octodecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article 569 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, les fabricants et les importateurs de produits du tabac sont tenus de produire à l’administration un document récapitulant, y compris pour chacun des États étrangers et chacun des territoires situés hors de France où ils sont domiciliés ou établis, le nom des implantations et la nature des activités exercées, et pour chaque implantation, le chiffre d’affaires, les quantités de produits fabriqués ou commercialisés, les effectifs employés exprimés en équivalent temps plein, les bénéfices ou pertes avant impôt, le montant de l’impôt payé ainsi que le montant et l’origine des subventions publiques reçues. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de publication par les entreprises concernées des informations mentionnées. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise également à améliorer la traçabilité des produits du tabac en imposant aux fabricants et aux importateurs de produire chaque année un rapport détaillé et chiffré concernant leurs activités, en France et à l’étranger, afin de lutter contre la fraude liée au tabac.
Cette disposition s’inscrit dans le cadre de l’application du protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac adopté en novembre 2012 par la conférence des parties à la convention-cadre de l’OMS.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Les auteurs de l’amendement souhaitent que les fabricants et les importateurs de tabac produisent un rapport annuel récapitulant leurs activités, « y compris pour chacun des États étrangers et chacun des territoires situés hors de France où ils sont domiciliés ou établis ». Or les activités réalisées à l’étranger ne sauraient entrer dans ce cadre et le dispositif proposé n’est donc pas opérationnel.
Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends tout à fait la volonté exprimée par Mme Archimbaud, mais je lui demande malgré tout de retirer son amendement, car il contrevient au principe du secret fiscal. À défaut, je me verrai dans l’obligation d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Archimbaud, l’amendement n° 1047 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Compte tenu des explications données, je retire mon amendement, tout en formant le vœu que l’on puisse trouver un moyen d’améliorer la traçabilité des produits du tabac. Tout ce que nous proposons ne relève peut-être pas du secret fiscal.
Mme la présidente. L’amendement n° 1047 est retiré.
Article 5 novodecies
(Non modifié)
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du premier alinéa de l’article 572 est ainsi rédigée :
« Il est applicable après avoir été homologué par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et du budget, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. » ;
2° Aux sixième, avant-dernier et dernier alinéas de l’article 575, les mots : « du ministre chargé », sont remplacés par les mots : « conjoint des ministres chargés de la santé et ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 5 novodecies
Mme la présidente. L’amendement n° 1048, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 5 novodecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deuxième et troisième colonnes de la deuxième ligne du tableau constituant le dernier alinéa du I de l’article 575 E bis du code général des impôts sont ainsi rédigées :
«
49,7 |
48,75 |
».
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, madame la présidente, je présenterai en même temps les amendements nos 1048 et 1049, leurs objets étant très proches.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 1049, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, qui est ainsi libellé :
Après l’article 5 novodecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deuxième et troisième colonnes de la quatrième ligne du tableau constituant le dernier alinéa du I de l’article 575 E bis du code général des impôts sont ainsi rédigées :
«
32 |
67,5 |
».
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Aline Archimbaud. Les prix des cigarettes et du tabac à rouler vendus en Corse sont, en moyenne, inférieurs de 25 % à ceux qui sont pratiqués en France continentale. Ces deux amendements visent à harmoniser la fiscalité frappant ces produits en Corse avec celle en vigueur en France continentale.
Il faut savoir que la Corse présente une surmortalité par cancer du poumon de 27 % par rapport au reste de la France, selon les statistiques de l’Agence régionale de santé de Corse.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements n° 1048 et 1049 ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces amendements visent à harmoniser la fiscalité du tabac applicable en Corse avec celle en vigueur dans les autres régions françaises. La commission estime que de telles dispositions relèvent plutôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale, dans la mesure où le produit des droits sur le tabac est affecté à la sécurité sociale.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos amendements, ma chère collègue ; sinon, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, un amendement identique avait été retiré au bénéfice des explications données par M. Eckert sur ce sujet. L’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale permettra peut-être d’évaluer les avancées réalisées.
La France s’est engagée à l’égard de la Commission européenne à tendre vers une uniformisation des prix du tabac entre la Corse et la France continentale. En octobre dernier, le secrétaire d’État au budget avait expliqué que, face aux demandes nombreuses des parlementaires corses défendant cette spécificité, il s’était engagé à ouvrir un dialogue avec eux pour envisager dans quel délai et à quel rythme les taxes pourraient être uniformisées. En attendant de connaître les résultats de cette concertation, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer ces deux amendements, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Archimbaud, les amendements nos 1048 et 1049 sont-ils maintenus ?
Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, je vous remercie de ces informations dont je ne disposais pas. Une concertation étant en cours, il convient en effet d’en attendre les résultats. J’insiste cependant sur les chiffres produits par l’Observatoire régional de la santé de Corse, qui font état d’une surmortalité par cancer du poumon de 25 % dans l’île par rapport au reste du territoire français. Il faudra aussi en tirer les conséquences.
Cela étant dit, je retire ces deux amendements.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 598 rectifié est présenté par Mme Jouanno et M. Guerriau.
L’amendement n° 1053 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le II de la section I du chapitre IV du titre III de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un article 575 E ter ainsi rédigé :
« Art. 575 E ter. – Lorsque le chiffre d’affaires réalisé en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer, au cours de l’année civile, au titre de la vente au détail des tabacs manufacturés a évolué, par rapport au même chiffre d’affaires réalisé l’année précédente, de plus d’un taux T, fixé par la loi afin d’atteindre les objectifs déterminés par la stratégie nationale de santé mentionnée à l’article L. 1411-1 du code de la santé publique, les fournisseurs et les fabricants de ces produits, au sens de l’article 565 du présent code, sont assujettis à une contribution.
« L’assiette de la contribution est égale au chiffre d’affaires annuel hors taxes de l’année civile, diminué de l’ensemble des taxes et droits de consommation acquittés.
« Le taux de la contribution est fixé chaque année par la loi de finances.
« Le recouvrement et le contrôle de la contribution sont assurés selon les procédures, sûretés, garanties et sanctions applicables en matière de taxe sur le chiffre d’affaires.
« Le produit de la contribution est affecté à l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé mentionné à l’article L. 1417-1 du code de la santé publique. »
II. – Le taux T mentionné à l’article 575 E ter du code général des impôts est fixé à -3 %.
L’amendement n° 598 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 1053.
Mme Aline Archimbaud. L’article 5 vicies résultait d’un amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale. Il a été supprimé par la commission des affaires sociales du Sénat. Il instituait une nouvelle recette assise sur le rythme d’évolution de la consommation de tabac, qui serait affectée au futur Institut national de prévention, de veille et d’intervention en santé publique, au titre des missions actuelles de l’INPES.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a effectivement supprimé cet article qui visait à taxer le chiffre d’affaires des industriels du tabac. En effet, une telle disposition soulève plusieurs difficultés.
Tout d’abord, la grande majorité du chiffre d’affaires lié au tabac n’est pas réalisée en France. La production française est résiduelle et le chiffre d’affaires réalisé dans notre pays est majoritairement le fait d’importateurs et plus particulièrement, sur un marché très encadré, d’un fournisseur agréé qui représente 85 % du tabac distribué en France. Il semble très largement illusoire de croire que ce fournisseur soit en mesure de répercuter la contribution sur ses propres fournisseurs dans le cadre de ses relations commerciales. En l’état actuel des choses, cette contribution risquerait donc de manquer son objectif.
La définition de l’assiette – le chiffre d’affaires hors taxes dont seraient déduits les taxes et les droits de consommation – risque de réduire très significativement le produit de la contribution. D’après les chiffres fournis par le Gouvernement, le chiffre d’affaires toutes taxes comprises réalisé en France, et donc potentiellement concerné par la contribution, s’élevait à 17,9 milliards d’euros en 2014. Sur ce total, la TVA représente 3 milliards d’euros et les droits de consommation sur les tabacs 11,2 milliards d’euros.
Compte tenu du caractère spécifique de la fiscalité des tabacs, qui représente 80 % du prix d’une cigarette, et des considérations de santé publique qui s’y attachent, la commission ne saurait se prononcer sur le caractère confiscatoire ou non de cette nouvelle contribution. Elle considère en revanche que les leviers d’une augmentation de la fiscalité des tabacs sont en place et disponibles, sans qu’il soit besoin de créer une nouvelle contribution.
La commission souhaite donc que la suppression de cet article soit maintenue. C’est pourquoi elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Parmi les mesures que j’ai présentées au titre du programme national de réduction du tabagisme figurait la création d’un fonds consacré à la lutte contre le tabac. Pour alimenter ce fonds, vous proposez de mettre en place une contribution qui pèse sur le chiffre d’affaires des industriels, et non sur les buralistes.
Les difficultés techniques ne sont pas minces. Par exemple, comment procéderait-on au prélèvement ? Des obstacles juridiques existent également, s’agissant notamment de l’éventuel caractère confiscatoire de cette taxe.
C’est pourquoi nous prévoyons pour l’heure de créer au sein même de l’assurance maladie un fonds dédié au financement des actions mises en œuvre au titre de la prévention du tabagisme.
Néanmoins, comprenant parfaitement la démarche des auteurs de l’amendement, je m’en remets à la sagesse du Sénat. Je veux toutefois attirer l’attention sur les difficultés techniques que présenterait l’application d’une telle mesure.
Mme la présidente. Madame Archimbaud, l’amendement n° 1053 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Je maintiens mon amendement pour offrir à nos collègues l’occasion d’indiquer s’ils souhaitent ou non que l’on engage une action plus déterminée en matière de lutte contre le tabagisme, ce qui suppose que l’on fixe un cap et que l’on se donne les moyens de le tenir.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1053.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 248 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 205 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, l’article 5 vicies demeure supprimé.
Article 5 unvicies
(Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 524, présenté par Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au premier alinéa de l’article 1810 du code général des impôts, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de trois ans ».
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Le tabac fait l’objet de trafics à tous les stades de sa production, de son transport et de sa consommation.
Cet amendement vise à renforcer la sanction prévue en cas de fabrication de tabacs, de détention frauduleuse en vue de la vente de tabacs fabriqués, de vente, y compris à distance, de tabacs fabriqués, de transport en fraude de tabacs fabriqués, d’acquisition à distance, d’introduction en provenance d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’importation en provenance de pays tiers de produits du tabac manufacturés acquis dans le cadre d’une vente à distance.
La lutte contre le commerce illicite du tabac est évidemment une mesure de santé publique, mais elle contribue aussi à préserver les finances publiques des États. Pour la France, selon un rapport d’information de l’Assemblée nationale sur les conséquences fiscales des ventes illicites de tabac, le manque à gagner serait de l’ordre de 2,5 milliards à 3 milliards d’euros par an, et ce depuis près de dix ans. Pour l’Europe, le manque à gagner est estimé par Bruxelles à 12 milliards d’euros par an.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces infractions sont déjà punies d’un an d’emprisonnement, et même de cinq ans d’emprisonnement pour les infractions relatives à la fabrication, à la vente ou à la détention frauduleuse de tabacs commises en bande organisée. La commission a souhaité préserver l’échelle des peines. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l’article 5 unvicies demeure supprimé.
Article 5 duovicies
(Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 522, présenté par Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 20 novembre 2017, un rapport présentant les améliorations de la situation sanitaire permises par l’application des dispositions de lutte contre le tabagisme de la présente loi, ainsi que l’effet de ces dispositions sur l’activité des débitants de tabac.
La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Je sais notre assemblée assez réfractaire aux demandes de rapport, mais celui qui fait l’objet de cet amendement me semble tout à fait primordial.
Nous proposons que le Gouvernement présente au Parlement avant le 20 novembre 2017 un rapport sur les améliorations de la situation sanitaire liées à ce nouvel encadrement de la vente des produits du tabac, ainsi que sur les effets de ces dispositions sur l’activité des débitants.
Compte tenu du débat pour le moins tonique que nous avons eu sur la stratégie de lutte contre le tabagisme, en particulier sur l’instauration du paquet neutre, pouvoir disposer d’un tel rapport me semble particulièrement nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission est opposée, hormis de rares cas, aux demandes de rapport. Elle en supprime ainsi en moyenne une dizaine par jour… Peut-être faudrait-il créer au sein de la fonction publique un corps de rapporteurs auprès du Gouvernement ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je remercie Mme la rapporteur de se préoccuper de la charge de travail que l’élaboration de ces rapports représente pour le Gouvernement !
Pour autant, le rapport dont la remise est prévue par cet amendement a le mérite d’être assez complet, puisqu’il portera sur l’ensemble des mesures du programme national de réduction du tabagisme 2014-2019. J’émets un avis favorable sur cet amendement, considérant que son adoption satisfera toutes les autres demandes de rapport sur des sujets plus particuliers, auxquelles j’oppose donc par anticipation un avis défavorable.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 5 duovicies demeure supprimé.
Articles additionnels après l'article 5 duovicies
Mme la présidente. L'amendement n° 1052 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 5 duovicies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport analysant les modalités de financement dédié aux actions de lutte contre le tabac et notamment l’information, la prévention et la recherche.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Sur toutes les travées de cette assemblée s’est affirmée très nettement, cet après-midi, une volonté de renforcer la lutte contre le tabagisme.
Un troisième plan cancer et un programme national de réduction du tabagisme ont été mis en place, mais si nous voulons vraiment atteindre nos objectifs, sans en rester à de belles paroles, il nous faut réfléchir aux moyens de financer ces actions. En effet, sans financement suffisant, nous aurons peu de chances de concrétiser les belles intentions affichées cet après-midi. C’est une question de cohérence. Pour dire les choses de façon un peu triviale, l’argent est le nerf de la guerre !
Nous aurons beau réaffirmer notre détermination à lutter contre le tabagisme, nous ne pourrons pas faire grand-chose si le programme national de réduction du tabagisme ne dispose que d’un faible budget. Il est de notre responsabilité, en tant que parlementaires, de nous assurer de la mobilisation des moyens nécessaires pour atteindre les objectifs que nous avons solennellement énoncés aujourd’hui.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Les auteurs de cet amendement souhaitent la remise d’un rapport sur le financement de la lutte anti-tabac dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi.
Il nous a semblé que cette question relevait davantage des travaux budgétaires ou des travaux de contrôle effectués au sein du Parlement. Je sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Archimbaud, l’amendement est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 1052 rectifié est retiré.
L'amendement n° 1054 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 5 duovicies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d'un an après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la manière dont le Gouvernement aura mis en œuvre des mesures répondant aux préoccupations des buralistes concernant leur avenir et la nécessité de soutenir la diversification de leur activité.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Il s’agit, au travers de cet amendement, de mettre l’accent sur un sujet majeur.
Notre collègue député Frédéric Barbier a animé un groupe interparlementaire sur l’avenir des buralistes, qui doit rendre un rapport à la fin du mois. Beaucoup de nos collègues ont exprimé leur préoccupation à cet égard. En effet, nous connaissons tous des buralistes de quartier qui s’interrogent et s’inquiètent pour l’avenir de leur activité, eu égard à la lutte menée contre le tabagisme par les pouvoirs publics.
Il s’agit donc d’une question très importante. Dans l’attente des propositions pour aider concrètement les buralistes à diversifier leurs activités, par le biais de la vente d’autres produits ou de la fourniture de services de proximité, que formulera d’ici à la fin du mois le groupe interparlementaire animé par M. Barbier, j’ai souhaité déposer cet amendement d’appel. Le Sénat doit adresser aujourd’hui un signal fort aux buralistes, pour leur signifier que nous ne sommes pas insensibles à leurs inquiétudes et que nous n’opposons pas les objectifs de santé publique à leur avenir économique.
Nous devons donc insister pour que les pouvoirs publics mettent rapidement en œuvre des mesures de soutien, qui pourront prendre différentes formes, afin que les buralistes aient les moyens d’investir dans la diversification de leur activité, de façon à compenser la baisse des ventes de tabac. Il s’agit d’être cohérents !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Mme Archimbaud l’a rappelé, le député Frédéric Barbier anime un groupe interparlementaire sur l’avenir des buralistes, qui remettra prochainement son rapport. Par cet amendement, il s’agit donc de demander un rapport sur ce rapport… Cela devient compliqué ! La commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Archimbaud, maintenez-vous l’amendement ?
Mme Aline Archimbaud. La situation est curieuse. Tout au long de l’après-midi, nous avons entendu des collègues affirmer, à juste titre, qu’il fallait adresser un signal fort aux buralistes pour leur montrer que nous étions sensibles à leurs préoccupations et que nous souhaitions qu’ils bénéficient de mesures concrètes d’aide à la diversification de leur activité. En tant que parlementaires, nous n’avons guère d’autres moyens à notre disposition. Serai-je seule à voter cet amendement ? En tout cas, je le maintiens.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Nous avons déjà envoyé un signal aux buralistes tout à l’heure avec la suppression du paquet neutre. C’est à leurs yeux une mesure plus importante qu’une demande de rapport. Je ne voterai pas cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je ne suis pas sûr qu’une demande de rapport soit à la hauteur des attentes sur cette question de la diversification. Ce que les buralistes veulent, ce sont des mesures concrètes. Nous avons tous des idées sur les activités nouvelles qui pourraient leur être ouvertes. À cet égard, je regrette que le groupe de travail dirigé par M. Barbier, s’il est interparlementaire, ne soit pas totalement intergroupes… Un tel sujet me paraît pourtant transcender les clivages politiques. Il reviendra peut-être d’ailleurs à notre assemblée de s’en saisir pour accompagner la naissance d’un nouveau contrat d’avenir. Pour l’heure, nous ne voyons pas venir grand-chose de l’exécutif.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je partage l’avis de la commission sur les demandes de rapport. Nous savons tous d’expérience que lorsque l’on veut enterrer un sujet, on demande un rapport, destiné à prendre la poussière sur une étagère, ou on crée une commission !
La vraie question est la suivante : le Gouvernement a-t-il la volonté politique d’aider les buralistes, qui se trouvent dans une situation économique extrêmement difficile ? Nous attendons du Gouvernement qu’il prenne des initiatives sur ce plan. D'ailleurs, dans le passé, inquiets des conséquences de l’augmentation du prix du tabac, les buralistes se sont déjà manifestés auprès du gouvernement, qui avait pris des mesures leur donnant au moins en partie satisfaction.
Un rapport n’apportera rien. Il appartient au Gouvernement de prendre des initiatives.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je ne voudrais pas que l’accueil réservé à cet amendement vous donne à penser, madame Archimbaud, que nous nous désintéressons de la situation des buralistes. Il revient au groupe de travail dont vous êtes membre de faire des propositions et vous avez la possibilité, dans le cadre du règlement du Sénat tel que récemment modifié, de demander la création d’une mission d’information ou d’une commission d’enquête, ce qui vous permettra aussi d’élaborer des préconisations.
Ce sujet revêt vraiment un caractère d’urgence pour l’ensemble de nos territoires. Demander la remise d’un rapport n’est sans doute pas à la hauteur des attentes des buralistes. Que nous votions contre cet amendement ne signifie nullement que nous portons peu d’intérêt à leur situation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Mon amendement vise moins à demander un rapport qu’à permettre au Sénat d’adresser un message aux buralistes, qui sont nombreux à suivre nos travaux. Je n’ai pas la naïveté de croire que l’on agit sur les choses en demandant un rapport ! Je maintiens l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 1051 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 5 duovicies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le ministre chargé de la santé saisit l’Autorité de la concurrence et remet un rapport au Parlement analysant les possibles mesures à prendre afin de répondre aux soupçons d’entente illicite entre fabricants de tabac.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Au-delà d’une nouvelle demande de rapport, la question de fond est de savoir comment des parlementaires peuvent agir et affirmer une volonté politique, comme c’est, me semble-t-il, notre rôle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à demander la remise au Parlement d’un rapport sur les soupçons d’entente illicite entre fabricants de tabac. La commission rappelle que le Gouvernement peut à tout moment saisir l’Autorité de la concurrence et lui demander de produire un rapport dont il tirera les conséquences. Comme vient de le dire M. Vasselle, il appartient au Gouvernement de proposer, le cas échéant, les dispositions nécessaires.
J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Madame Archimbaud, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 1051 rectifié est retiré.
L'amendement n° 393 rectifié bis, présenté par M. Lemoyne, Mme Duchêne, MM. Commeinhes et Pellevat, Mme Imbert, MM. Grand, J.P. Fournier, Houel, Malhuret, Charon et Grosperrin, Mme Des Esgaulx, MM. Karoutchi, Falco, Longuet, de Raincourt et Revet, Mme Mélot, M. Chaize, Mme Duranton, MM. de Nicolaÿ, Bouchet, G. Bailly, Saugey, Laménie et Vasselle, Mmes Lamure, Lopez, Deromedi et Micouleau et MM. Allizard et Pointereau, est ainsi libellé :
Après l’article 5 duovicies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2016, un rapport établissant un bilan des effets induits par l'interdiction d'achat de tabac sur Internet et des moyens qui pourraient être mis en place pour lutter contre la vente et l'achat de tabac en ligne.
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. L’objet de cet amendement d’appel est de demander au Gouvernement quels moyens d’action il envisage de mettre en œuvre pour interdire la vente et l’achat de tabac sur internet. Il existe en effet des sites illégaux qui permettent d’acheter du tabac à des tarifs qui ne sont pas ceux du marché réglementé français. Se pose aussi la question de la traçabilité des produits vendus par ce canal.
J’ai lu avec intérêt que Mme la ministre de la culture s’est emparée du problème des sites illégaux de vente de musique en ligne, en travaillant avec les opérateurs de paiement. Où le Gouvernement en est-il en matière de lutte contre la vente et l’achat illégaux de tabac par internet, qui contribuent au développement du marché parallèle ? A-t-il déjà engagé une action ? Il serait bon qu’il nous informe sur ce point.
Cet amendement d’appel a vocation à être retiré, mais nous aimerions que Mme la ministre nous expose l’état de ses réflexions sur ce volet de la lutte contre la fraude.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je demande à M. Lemoyne de bien vouloir retirer son amendement, au bénéfice des éléments d’information que je vais lui communiquer.
À l’automne 2014, a été mis en place un ensemble de mesures relatives à l’interdiction de l’achat de tabac en ligne. Ces mesures récentes donnent déjà des résultats intéressants.
Ainsi, au mois de janvier, un trafic a été démantelé par les douanes. Il impliquait un commerçant implanté en Belgique qui fournissait en tabac des clients établis en France, via des commandes prises sur son site internet. Les investigations menées par plusieurs services douaniers – dont Cyberdouane – ont permis de déterminer qu’il livrait son tabac à Lille, où il était ensuite expédié par voie postale aux clients français. Les douaniers ont saisi 215 kilos de tabac destinés à 150 clients français. Ce commerçant a admis avoir expédié entre neuf et douze tonnes de tabac vers la France.
Par ailleurs, le futur plan contre le commerce illicite prévu dans le programme national de réduction du tabagisme devrait permettre de renforcer les contrôles.
De nouvelles mesures sont à l’étude pour conforter les missions de la douane en matière de contrôle des achats de tabac effectués sur internet. Le développement d’un partenariat avec les opérateurs – non pas de paiement, à ce stade, mais de fret postal – est prévu afin de renforcer l’efficacité des contrôles.
Telles sont les informations que je suis en mesure de vous livrer aujourd’hui. Nous pourrons vous en communiquer de nouvelles dans le cadre des débats parlementaires à venir. En tout état de cause, la remise d’un rapport ne me paraît pas nécessaire.
Mme la présidente. Monsieur Lemoyne, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je remercie Mme la ministre pour ces éléments d’information. Je retire mon amendement. Nous resterons attentifs à ce chantier.
Mme la présidente. L'amendement n° 393 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 558 rectifié bis, présenté par MM. Chasseing, Béchu et Cadic, Mme Deromedi et MM. Détraigne, Fouché, Kennel, Laménie, Morisset et Nougein, est ainsi libellé :
Après l’article 5 duovicies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi, sur la proportion du marché parallèle du tabac afin de mieux le combattre.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Que M. Vasselle et Mme le rapporteur veuillent bien m’en excuser : il s’agit là encore de demander la remise d’un rapport, en l’occurrence sur la part du marché parallèle du tabac, afin de pouvoir mieux combattre celui-ci. Cet amendement est complémentaire de celui défendu tout à l’heure par Mme Génisson, que j’ai voté.
Il est connu que le marché parallèle représente une part importante de la consommation de tabac en France et pénalise les buralistes sur tout le territoire, pas uniquement en zones frontalières. L’instauration du paquet neutre renforcerait encore, selon moi, l’achat de tabac dans les pays voisins. Il est souhaitable de se mettre en conformité avec la directive européenne.
Je propose d’étudier le marché parallèle de façon plus approfondie, ce qui permettra par la suite de mieux le combattre.
Mme la présidente. L'amendement n° 1050 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 5 duovicies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2016, un rapport analysant les pistes d’amélioration de la traçabilité du tabac et de la lutte contre le commerce illicite des produits du tabac.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Ces demandes de rapport expriment la volonté d’un certain nombre d’entre nous d’obtenir davantage d’informations concernant la mise en œuvre d’actions énergiques en matière de lutte contre le trafic et le marché illicite. Nous pensons qu’il existe encore, sur ce point, des marges de progrès. Cela étant dit, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 1050 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 558 rectifié bis ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 558 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 449 rectifié bis, présenté par MM. Commeinhes, Chatillon, Charon et Houel, Mme Mélot et M. A. Marc, n’est pas soutenu.
L'amendement n° 319, présenté par Mme Schillinger, est ainsi libellé :
Après l’article 5 duovicies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 4211-1-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4211-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4211-1-... – Par dérogation au 4° de l'article L. 4211-1, toute personne titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionnés aux articles L. 4221-2 à L. 4221-5, peut également vendre au public les produits présentés comme supprimant l'envie de fumer ou réduisant l'accoutumance au tabac définis à l’article L. 5121-2 et non soumis à prescription obligatoire. »
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Le présent amendement a pour objet d’autoriser la vente des substituts nicotiniques en dehors des pharmacies, selon une « ouverture encadrée », à l’instar de ce qui a déjà été fait dans d’autres pays européens, tels que l’Italie et le Portugal. Cette vente se ferait uniquement dans les parapharmacies et sous le contrôle d’un docteur en pharmacie ayant la même formation et le même diplôme que les pharmaciens d’officine.
À l’heure où les cigarettes électroniques sont en vente libre, les substituts nicotiniques – patchs, gommes, sprays… – restent reconnus comme le moyen le plus efficace pour arrêter de fumer. Aujourd’hui, il est plus facile de se procurer des produits du tabac que des produits de sevrage. Les substituts nicotiniques, à prescription médicale facultative, peuvent être achetés librement dans les pharmacies et sur internet. Leurs prix restent toutefois bien trop élevés. Par ailleurs, ils ne sont pour l’instant remboursés qu’à hauteur de 50 euros par an et par personne – sous réserve de disposer d’une ordonnance – et de 150 euros pour certaines populations prioritaires, telles que les femmes enceintes et, bientôt, les jeunes. Ce montant demeure très insuffisant et laisse un reste à charge important pour le patient.
L’autorisation de vendre ces substituts nicotiniques hors des pharmacies d’officine permettra de faire baisser les prix et de rendre ces produits plus accessibles.
Actuellement, les prix varient d’une pharmacie à l’autre : on constate une amplitude de plus ou moins 40 % par rapport au prix de vente moyen et des écarts de l’ordre de 20 euros pour une même référence.
Enfin, la vente hors des pharmacies n’entraînera pas de mésusages. Par exemple, en Italie et au Portugal, pays qui ont opté pour une vente encadrée sous le contrôle de docteurs en pharmacie, il n’a pas été observé d’augmentation des mésusages et d’effets indésirables. Par ailleurs, selon certaines études, cela ne conduira pas à une surconsommation de médicaments.
Dans le cadre de la lutte contre le tabac, il est nécessaire d’étendre l’autorisation de vendre ces substituts nicotiniques hors des pharmacies d’officine, pour faire baisser les prix, faciliter l’accès aux produits et augmenter le pouvoir d’achat des Français.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Nous avons eu en commission une discussion très intéressante sur la surveillance médicale des patients qui commencent à prendre des substituts nicotiniques et sur le fait que ces produits sont en réalité considérés comme des médicaments.
Dès lors, autoriser les parapharmacies à vendre des substituts nicotiniques reviendrait à ouvrir, à terme, la voie à la vente d’autres médicaments en dehors des pharmacies, y compris dans les supermarchés, comme dans le système américain. Nous ne sommes pas favorables à une telle évolution : nous souhaitons que la surveillance médicale continue à s’exercer et que la vente de ces produits reste du ressort des pharmacies.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Les patchs nicotiniques ont en effet, dans notre pays comme dans d’autres, le statut de médicaments et bénéficient, à ce titre, d’une autorisation de mise sur le marché. Juridiquement, il est impossible d’établir une distinction, en matière de vente en dehors des pharmacies, entre les substituts nicotiniques et les autres médicaments. Si l’on autorisait la vente des patchs nicotiniques dans les supermarchés, par exemple, cela signifierait que ces derniers pourraient vendre l’ensemble des médicaments, comme d’aucuns le souhaitent. Ce n’est pas la position du Gouvernement.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement. Les médicaments doivent continuer à être vendus dans les pharmacies.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. J’ai bien précisé que la vente de patchs ou d’autres substituts nicotiniques devrait être contrôlée par un docteur en pharmacie. La plupart de nos concitoyens, notamment les jeunes, font leurs courses dans de grandes surfaces qui abritent des espaces pharmacies où exercent des docteurs en pharmacie. Y autoriser la vente de substituts nicotiniques représenterait un pas en avant.
Nous avions eu le même débat à propos des tests de grossesse ; or la libéralisation encore plus large de leur vente n’a pas suscité de problèmes.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je tiens à préciser, pour qu’il n’y ait pas de confusion, que les tests de grossesse ne sont pas des médicaments. L’autorisation de leur vente en dehors des pharmacies, à laquelle j’étais, pour ma part, favorable, a permis de faire baisser les prix.
Les patchs nicotiniques, en revanche, ont le statut de médicaments. Il n’est pas possible de prévoir qu’ils soient les seuls médicaments à pouvoir être vendus ailleurs que dans les pharmacies : si nous autorisons leur vente dans les grandes surfaces, par exemple, ces dernières pourront distribuer l’ensemble des médicaments. Telle est la volonté de certains, mais ce n’est pas la position du Gouvernement. Une telle évolution irait à l’encontre non seulement de la qualité du service, mais aussi du maillage territorial : un certain nombre de pharmacies seraient contraintes de fermer leurs portes, notamment dans les territoires ruraux.
Les pharmacies sont des commerces de proximité, et la France a la chance de pouvoir compter sur un maillage territorial de pharmacies dense. Je suis convaincue que nous n’aurions rien à gagner à affaiblir celui-ci au profit des grandes surfaces. Nos concitoyens bénéficieraient sans doute de prix d’appel, mais ils auraient une plus grande distance à parcourir pour se procurer leurs médicaments et le service serait de qualité moindre.
Je confirme donc mon avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. Je remercie Mme la ministre et M. le président de la commission des affaires sociales pour leurs explications très claires sur le statut des patchs nicotiniques et l’importance du réseau pharmaceutique dans notre pays.
Le présent texte encourage les professionnels de santé, qu’ils soient médecins, pharmaciens, infirmiers ou kinésithérapeutes, à se constituer en pôles de santé, à travailler ensemble et à se doter d’un projet de santé. Je pense que l’accompagnement du sevrage tabagique peut s’inscrire dans un tel projet. En effet, le sevrage représente un cheminement difficile pour les fumeurs.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 319.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre II
Soutenir les services de santé au travail
Article 6
(Non modifié)
L’article L. 4623-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, un décret fixe les conditions dans lesquelles un collaborateur médecin, médecin non spécialiste en médecine du travail et engagé dans une formation en vue de l’obtention de cette qualification auprès de l’ordre des médecins, exerce, sous l’autorité d’un médecin du travail d’un service de santé au travail et dans le cadre d’un protocole écrit et validé par ce dernier, les fonctions dévolues aux médecins du travail. »
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l’article.
M. Dominique Watrin. L’article 6 est malheureusement le seul de ce projet de loi qui porte exclusivement sur la santé au travail, ce qui nous paraît en soi inquiétant.
Au-delà, la médecine du travail est malmenée depuis plusieurs années et condamnée, si rien n’est fait, à disparaître à plus ou moins long terme en raison de la faiblesse de sa démographie.
Lors d’une récente conférence, un éminent médecin du travail évoquait un seuil critique de 3 500 médecins du travail, en deçà duquel le système se gripperait. Or nous n’en sommes plus très loin. Dans les cinq à huit ans qui viennent, 60 % des médecins du travail partiront à la retraite. Dans les faits, la médecine du travail atteindra donc le seuil critique en 2020.
Plusieurs causes peuvent expliquer cette situation inquiétante : le manque d’attractivité d’une spécialité qui nécessite les plus longues études de médecine, le numerus clausus restrictif depuis plusieurs années, l’insécurité législative quant aux futures évolutions du métier. Ainsi, alors que toutes les spécialités médicales sont affectées par une démographie en berne, les effectifs de la médecine du travail, réputée ingrate, sont en chute constante.
Pour que cette spécialité puisse survivre, il faudrait que le nombre des installations égale au moins celui des départs à la retraite ou des cessations d’activité. Il faudrait former au moins 500 médecins du travail par an, mais le petit nombre actuel de médecins du travail en exercice est en soi un frein. En effet, dans notre système universitaire, les médecins sont formés par leurs pairs.
Cependant, un effort significatif des pouvoirs publics pourrait changer la donne, en assurant un cadre de travail pérenne aux équipes de santé au travail et en créant des passerelles entre les spécialités médicales. L’article 6 n’est pas intrinsèquement mauvais ou bon ; il est simplement en deçà des besoins.
La médecine du travail n’est pas un gadget hérité du XXe siècle, dont l’objet serait aujourd’hui caduc. Il ne s’agit pas non plus d’une contrainte, comme cela a pu être dit, notamment, dans certains milieux patronaux. C’est au contraire l’une des clefs les plus efficaces de la prévention en matière de santé au travail.
Nous voterons donc cet article 6, tel qu’il est rédigé, tout en exigeant de véritables réponses et de vraies garanties pour assurer la pérennité d’une médecine du travail axée sur la prévention, accompagnant vraiment les salariés et incitant les employeurs à adapter les postes de travail plutôt que de licencier des salariés en souffrance.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 6
Mme la présidente. L’amendement n° 679 rectifié, présenté par M. Labazée, Mmes Jourda, Meunier et Emery-Dumas, M. Madrelle, Mme Bricq, MM. Tourenne, Godefroy, Raoul, Montaugé, Leconte, J.C. Leroy, Cazeau et F. Marc, Mme Khiari, MM. Courteau et Manable et Mmes Perol-Dumont, Lienemann, Espagnac et Yonnet, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 4622-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Participent à la mise en œuvre de la politique vaccinale en contrôlant le statut vaccinal des travailleurs. Ils sont habilités à procéder aux vaccinations obligatoires et recommandées inscrites au calendrier vaccinal. »
La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Cet amendement vise à clarifier le rôle du médecin du travail dans la conduite de la politique vaccinale française.
En l’état actuel du droit, l’article L. 3111-1 du code de la santé publique habilite les médecins du travail à mettre en œuvre la politique vaccinale. Au même titre que les généralistes, ils sont autorisés à pratiquer toutes les vaccinations inscrites au calendrier vaccinal.
Pourtant, la circulaire du 26 avril 1998 relative à la pratique des vaccinations en milieu de travail est venue introduire une ambiguïté, en inscrivant en priorité l’exercice de la mission de contrôle vaccinal des médecins du travail dans la sphère d’activité professionnelle des travailleurs.
Cette ambiguïté s’est traduite, sur le terrain, par des réticences, de la part des médecins du travail, à pratiquer les vaccinations de l’ensemble du calendrier vaccinal. Cette imprécision normative est d’autant plus dommageable que les Français qui échappent le plus aux rappels vaccinaux et aux objectifs de couverture vaccinale fixés dans la loi de 2004 sont les adultes actifs.
Certains d’entre nous souhaitaient même aller plus loin que ce qui est prévu dans cet amendement, en permettant aux médecins du travail de prescrire des vaccinations. Nous souhaitons simplement, pour l’heure, que l’ambiguïté que je viens d’évoquer soit levée : ce serait un premier pas important. En effet, développer la vaccination au travail permettrait de faciliter l’accès au vaccin et d’en personnaliser le suivi, deux éléments indispensables à l’accroissement de la couverture vaccinale, qui est un objectif de santé publique, comme je le rappelle dans cet hémicycle depuis de nombreux mois.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur de la commission des affaires sociales. M. Labazée a mis l’accent sur une imprécision juridique qui avait peut-être échappé à la commission des affaires sociales. En effet, les médecins du travail ont déjà, aux termes du code de la santé publique, autorité pour procéder à la vaccination et à son contrôle. S’il nous a semblé redondant d’inscrire une disposition du même type dans le code du travail, nous avons cependant admis que cet amendement permettait de viser plus globalement les services de santé au travail et d’associer ainsi l’ensemble de ces équipes à la responsabilité collective d’assurer la meilleure couverture vaccinale possible.
J’ajoute que je partage le constat fait précédemment par M. Watrin : la médecine du travail est le parent pauvre de ce projet de loi de modernisation de notre système de santé. Nous savons pourtant qu’il manque des médecins du travail, dans nos territoires ruraux comme dans certaines zones urbaines.
L’avis de la commission est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je suis, pour ma part, beaucoup plus sceptique : il n’est pas certain qu’une telle disposition puisse être appliquée.
Je voudrais rappeler que la médecine du travail n’est pas une médecine généraliste. Elle est financée par les employeurs, et les médecins du travail ont accès non pas au dossier médical général du salarié, mais seulement aux éléments que ce dernier veut bien leur fournir. Ils se préoccupent de la santé du travailleur dans son environnement professionnel. À ce titre, ils peuvent participer à la politique vaccinale, pour autant que les vaccins soient en lien avec l’activité professionnelle.
Monsieur le sénateur, si votre proposition était adoptée en l’état, cela conduirait à aligner le statut des médecins du travail sur celui des médecins « classiques », si j’ose dire, la médecine du travail restant cependant financée par l’employeur…
J’entends votre préoccupation et les difficultés d’interprétation juridique que vous mettez en avant, monsieur le sénateur. Je vous demanderai néanmoins de retirer votre amendement, pour que nous puissions travailler sur cette question. En effet, son adoption nous donnerait peut-être le sentiment d’avoir fait œuvre utile, mais nous nous trouverions ensuite confrontés à toute une série de difficultés en termes d’articulation entre le code de la santé publique et le code du travail.
Je m’engage à mettre en place, si vous le souhaitez, un groupe de travail sur le sujet, qui pourrait nous remettre ses conclusions avant la fin de l’examen du présent projet de loi, ou en tout cas avant la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En tout état de cause, je tiens vraiment à mettre en garde contre les incertitudes qui entourent l’applicabilité de cet amendement, dont je souhaite le retrait. À défaut, j’émettrai un avis défavorable, car je n’ai pas de réponse à toutes les questions soulevées par cette disposition.
M. Gilbert Barbier. Très bien, madame la ministre !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’entends bien les interrogations de Mme la ministre sur les difficultés que pourrait susciter l’inscription d’un tel dispositif dans le code du travail.
Cela étant, j’estime pour ma part que, tel qu’il est rédigé, il ne crée pas d’ambiguïté. Au contraire, il tend à clarifier les choses, puisque l’article L. 3111-1 du code de la santé publique habilite les médecins du travail à mettre en œuvre la politique vaccinale. Permettre aux médecins du travail d’assumer cette tâche dans le cadre des visites régulières effectuées par les salariés pendant leur temps de travail ne conduit pas, me semble-t-il, à aligner le statut des médecins du travail sur celui des médecins généralistes. Il y a une complémentarité entre le rôle des uns et celui des autres.
En effet, nombre de salariés, et plus généralement d’adultes, ne sont pas à jour de leurs vaccinations. Si les médecins du travail pouvaient, lors des visites médicales effectuées dans le cadre du travail – il y en aura une tous les deux ans dorénavant –, vérifier ce point auprès des salariés, cela permettrait de développer la couverture vaccinale, comme nous le souhaitons tous.
Le Premier ministre a annoncé une grande réforme du code du travail. Nous pourrons toujours, le cas échéant, revenir à cette occasion sur le problème soulevé par M. Labazée, mais nous pouvons, en attendant, prendre de l’avance en adoptant cet amendement, afin de permettre aux médecins du travail de jouer pleinement leur rôle dans la politique vaccinale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. J’ai déjà eu à plusieurs reprises l’occasion d’échanger sur ce sujet avec mon collègue Georges Labazée.
Le médecin du travail n’est pas un médecin prescripteur, il n’est pas le médecin traitant du salarié. Il peut bien évidemment avoir un rôle à jouer en termes de contrôle des vaccinations, mais la pratique des vaccinations me semble relever de la prescription.
Je rappelle que la loi de 2004 relative à l’assurance maladie dispose que les médecins du travail, comme ceux des assurances, n’ont pas accès au dossier médical du salarié. Il y a une différence fondamentale entre le médecin du travail, qui s’occupe du salarié sur son lieu de travail et de l’analyse des facteurs de risque sur ce dernier, et le médecin traitant, dont le champ d’intervention est global.
Georges Labazée sait que je suis défavorable à son amendement, même si celui-ci a un objectif louable, à savoir permettre une meilleure couverture vaccinale.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Mme la ministre et Mme Génisson ont bien posé le problème : le médecin du travail n’est pas un médecin généraliste.
Premièrement, il n’a pas accès à la totalité du dossier du salarié, qui n’est pas obligé de le lui communiquer. Si un médecin du travail vaccine une personne sans connaître exactement ses antécédents et ses pathologies, cela pose un véritable problème en termes de responsabilité. L’employeur prendra-t-il celle-ci à sa charge ?
Deuxièmement, un salarié consentira-t-il à être vacciné par un médecin du travail ? De quels vaccins parle-t-on ?
Le problème est assez délicat. Je comprends très bien la position de Mme la ministre, qui souhaite qu’une réflexion plus approfondie soit menée. Dans l’état actuel des choses, il me paraîtrait excessivement dangereux d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gillot, pour explication de vote.
M. Jacques Gillot. Le médecin du travail doit participer à la prévention et à la mise en œuvre de la politique vaccinale, sans pour autant pouvoir pratiquer la vaccination. En effet, qui interviendrait alors en cas de complication ? Serait-ce le médecin du travail ou le médecin traitant ? Il faut être très circonspect dans cette affaire.
Le médecin du travail doit pouvoir inciter les salariés à se faire vacciner et vérifier qu’ils sont bien à jour de leurs vaccinations, mais lui permettre de procéder à la vaccination soulèverait, me semble-t-il, d’importants problèmes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.
Mme Evelyne Yonnet. La vaccination est depuis toujours un problème en France. La proposition de Georges Labazée est intéressante, dans le sens où elle peut permettre des économies, non pas pour l’employeur, certes, mais pour le salarié. En effet, à l’heure actuelle, une première consultation chez le médecin traitant est nécessaire pour obtenir une prescription, puis une seconde, une fois le vaccin acheté, pour procéder à la vaccination. Pour un ouvrier, le coût de ces deux consultations et du vaccin peut être lourd.
Le médecin du travail connaît bien, lui aussi, le salarié. Il est devenu un intervenant à qui l’on parle de ses préoccupations professionnelles comme personnelles, à qui l’on fait des confidences. Pour avoir travaillé dans une grande entreprise, j’ai pu constater que le cabinet du médecin du travail ne désemplissait pas et que son rôle avait évolué. J’observe en outre que le médecin du travail peut déjà être appelé à pratiquer des vaccinations en cas d’épidémie, de grippe H1N1 par exemple : l’État réquisitionne alors l’ensemble des personnels de santé. Il ne paraîtrait donc pas scandaleux qu’un médecin du travail puisse vacciner les salariés.
Le véritable problème tient au coût pour l’employeur, mais je pense que des solutions peuvent être trouvées. Je soutiens cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Sauf erreur de ma part, les médecins du travail sont inscrits au conseil de l’Ordre. À ce titre, ils peuvent très bien pratiquer des vaccinations si les salariés et l’employeur le souhaitent.
Mme la présidente. Monsieur Labazée, l'amendement n° 679 rectifié est-il maintenu ?
M. Georges Labazée. Mme la ministre n’est en rien responsable des ambiguïtés introduites par la circulaire du 26 avril 1998.
Comme je l’ai indiqué, il n’est pas question d’autoriser le médecin du travail à prescrire : il s’agira pour lui de participer « à la mise en œuvre de la politique vaccinale en contrôlant le statut vaccinal des travailleurs ». Le texte de l’amendement est clair et précis.
Actuellement, nous assistons à un recul de la vaccination dans notre pays, alors même que la politique vaccinale joue un rôle majeur en termes de santé publique. Pourquoi ne pas adopter cet amendement, quitte à revenir sur la question dans la suite de la navette ? Un groupe de travail peut tout à fait être mis en place sous votre autorité, madame la ministre, afin d’affiner le dispositif.
Je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. J’avais l’intention de demander à notre collègue de bien vouloir retirer son amendement… (Sourires.)
La commission a largement débattu ce matin de cette question. Il est vrai qu’un gros problème se pose en France en matière de vaccination, car de nombreuses personnes se disant médecins ou l’ayant été dans le passé font campagne contre elle. Je pense en particulier à l’une d’entre elles, qui a lancé une pétition ayant recueilli, selon ses dires, près de 400 000 signatures : probablement celles d’ignares…
Vouloir développer la vaccination me semble donc tout à fait bienvenu. Néanmoins, si faire la promotion de la vaccination, vérifier l’état des vaccins et conseiller les salariés peut relever des missions du médecin du travail, il n’incombe pas à celui-ci de pratiquer la vaccination : c’est là le rôle du médecin généraliste.
À titre personnel, je me rangerai à l’avis de Mme la ministre sur cette question extrêmement importante. Je ne voterai donc pas l’amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, corapporteur.
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Mme la ministre ayant proposé d’engager un travail de concertation sur la question que vous avez soulevée, monsieur Labazée, je vous suggère moi aussi de revoir un peu votre position…
Mme la présidente. Monsieur Labazée, confirmez-vous le maintien de l'amendement n° 679 rectifié ?
M. Georges Labazée. Béarnais têtu, je maintiens mon amendement ! (Rires.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 709 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 1102 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de l’article L. 4124-2 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Seuls les patients, les organismes locaux d’assurance maladie obligatoires, les médecins-conseils chefs ou responsables du service du contrôle médical placé auprès d’une caisse ou d’un organisme de sécurité sociale, les associations de défense des droits des patients, des usagers du système de santé ou des personnes en situation de précarité, peuvent porter plainte auprès du conseil national ou du conseil départemental de l’ordre au tableau duquel le praticien poursuivi est inscrit à la date de la saisine de la juridiction. ».
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 709.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à limiter les capacités de recours devant le conseil de l’Ordre des médecins contre des médecins du travail. En effet, bien que l’indépendance du médecin du travail à l’égard de l’employeur soit officiellement garantie, il nous semble nécessaire de mettre en place le cadre du respect de cette garantie.
Malgré les menaces qui pèsent sur la médecine du travail à court et moyen terme, l’existence de cette spécialité constitue presque une exception française en Europe ; c’est d’ailleurs l’un des piliers de la protection sociale à la française. La capacité des médecins du travail à intervenir dans l’entreprise et à poser un regard impartial est, elle aussi, unique.
Notre amendement tend donc à instituer une garantie supplémentaire de l’indépendance du médecin du travail. En effet, il se trouve que des employeurs, profitant du flou du code de la santé publique, n’ont pas hésité à porter plainte auprès du conseil de l’Ordre des médecins pour faire sanctionner des médecins du travail, coupables à leurs yeux d’établir un lien de causalité entre conditions de travail et maladie. Il s’agit là d’une remise en cause manifeste de l’indépendance des médecins du travail, que le législateur ne peut tolérer.
C’est pourquoi nous présentons cet amendement, qui a pour objet de préciser la liste des personnes autorisées à saisir le conseil de l’Ordre des médecins, en en excluant les employeurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 1102.
Mme Aline Archimbaud. Un décret en Conseil d'État définit les conditions dans lesquelles la chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins peut être saisie au sujet de praticiens dont l'employeur est privé.
Ce décret précise la liste des personnes ou autorités qui peuvent engager une action disciplinaire à l'encontre d'un médecin. L'employeur n'y est pas mentionné, mais la liste indiquée, qui comprend les patients, les organismes locaux d'assurance maladie obligatoires ou encore les associations de défense des usagers, commence par l’adverbe « notamment ». Juridiquement, cela n'interdit pas, par exemple, à l'employeur privé d'un médecin du travail d'engager une procédure disciplinaire à l’encontre de celui-ci.
On estime ainsi qu'il y a probablement, chaque année, entre cent et deux cents plaintes d’employeurs contre des médecins, dont la moitié, soit de cinquante à cent, concerneraient des médecins du travail. Certaines affaires défraient d’ailleurs la chronique.
Or plus de 60 % des médecins attaqués par un employeur devant leur ordre sont contraints, par le dispositif de menace de la conciliation ordinale, de modifier leur diagnostic. Ces procédures font en outre peser un danger sur le secret médical.
Cet amendement vise donc à évacuer cette approximation juridique dans la rédaction du décret, en précisant dans la loi une liste exhaustive des personnes fondées à engager une procédure contre un médecin auprès de l'Ordre des médecins.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable, pour deux raisons, l’une d’ordre constitutionnel, l’autre d’ordre réglementaire.
D’une part, de sérieuses questions se posent quant à la conformité du dispositif aux exigences constitutionnelles et conventionnelles ; je pense notamment au droit au recours.
D’autre part, l’énumération des catégories de personnes ayant capacité à introduire une action disciplinaire contre un médecin du travail relève, comme l’indique d’ailleurs l’objet de l’amendement n° 1102, de la partie réglementaire du code de la santé publique : elle figure à l’article R. 4126-1 de ce code.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable, pour les raisons évoquées par Mme la rapporteur, notamment la nature réglementaire des dispositions en cause.
Cela étant, la question posée mérite d’être étudiée de près et d’être objectivée. J’ai saisi dans ce but le conseil de l’Ordre et lui ai demandé d’établir un état précis des recours portés devant lui, en indiquant la proportion des recours émanant d’employeurs. Si, au regard de l’analyse que nous mènerons alors, des modifications réglementaires apparaissent nécessaires, elles pourront tout à fait être proposées. À cet égard, la question du secret médical me semble plus sensible.
Vous avez donné des éléments chiffrés, madame Archimbaud, dont je ne dispose pas pour ma part. À ce stade, je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, je le redis, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Watrin, l’amendement n° 709 est-il maintenu ?
M. Dominique Watrin. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Madame Archimbaud, l’amendement n° 1102 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 709 et 1102.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 6 bis
(Non modifié)
Au 1° de l’article L. 4612-1 du code du travail, après la première occurrence du mot : « à », sont insérés les mots : « la prévention et à ».
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. Cet article a trait à la prévention en matière de santé au travail, domaine dans lequel il reste beaucoup à faire.
Les problèmes de santé liés au « mal-travail » ne sont en effet pas des moindres : ils coûtent à la société environ 80 milliards d’euros par an. Le projet de loi aurait donc dû être plus ambitieux sur ce thème. Nous avions, pour notre part, déposé un amendement afin de tirer le texte vers le haut. Malheureusement, il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, ce que nous regrettons vivement.
Beaucoup de maladies causées par les conditions de travail seraient tout à fait évitables. Cela est particulièrement vrai lorsque plusieurs salariés occupant le même poste de travail déclarent la même maladie. Le bon sens voudrait alors qu’une action soit mise en œuvre. Au lieu de cela, en n’agissant pas, on répète les erreurs du passé, en soumettant les salariés à des conditions de travail dont on sait qu’elles ont déjà provoqué des maladies graves ou irréversibles. Selon un éminent professeur de médecine du travail de ma région, certains postes de travail n’ont pas évolué depuis trente ans.
Or l’assurance maladie a tout en main pour inciter les entreprises à combattre cette gabegie humaine et financière : elle tient depuis des années la liste des postes de travail pathogènes, ainsi que celle des postes ayant été assainis après indemnisation.
Madame la ministre, pourquoi ne pas prévoir la publication de toutes ces données sur un site dédié, à l’instar de ce qui a été fait en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, avec le soutien de l’État ? Cela aurait un effet incitatif pour les entreprises. Le Gouvernement s’honorerait en avançant dans cette voie et en donnant ainsi une portée concrète à la volonté de développer la prévention affirmée à l’article 6 bis.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. J’indique aux membres de la commission des affaires sociales que nous allons nous réunir dès la suspension de la séance afin de poursuivre l’examen des amendements.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente pour une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’accueil des réfugiés en France et en Europe, en application de l’article 50-1 de la Constitution. L’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé se poursuivra ensuite.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
11
Demande d’avis sur un projet de nomination
M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 831-1 du code de la sécurité intérieure, M. le Premier ministre a demandé au Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de M. Francis Delon comme président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des lois.
Acte est donné de cette communication.
12
Accueil des réfugiés en France et en Europe
Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat
M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’accueil des réfugiés en France et en Europe, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
La parole à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat souhaité par le Gouvernement sur la crise migratoire que connaît l’Europe et à laquelle notre pays est confronté constitue pour nous l’occasion de convoquer nos valeurs, de réfléchir à ce qu’est la politique de l’Union européenne, mais également de tracer quelques perspectives pour la résolution de cette crise, qui dure depuis de nombreux mois et dont nous avons pu tous ensemble constater, au cours des dernières semaines, à quel point elle était chargée de drames et de tragédies pour des femmes, des enfants, des familles en situation de vulnérabilité en raison des persécutions qu’ils subissent dans leur pays.
Cette crise migratoire est d'abord provoquée par les désordres du monde.
On connaît la déréliction de l’État libyen, qui laisse la Libye entre les mains d’organisations criminelles internationales, notamment de traite des êtres humains. On sait également les sommes que ces organisations prélèvent sur ceux qui fuient leur pays parce qu’ils y sont persécutés, tout en les conduisant d'ailleurs parfois à la mort.
On connaît également la situation en Irak et en Syrie, les crimes perpétrés à la fois par le régime de Bachar al-Assad et par le califat de la haine qu’est Daech. À force d’exécutions, de décapitations, de crucifixions, de traitements inhumains et barbares infligés à des personnes en raison de leur appartenance à des minorités religieuses, les populations sont conduites à des exodes dont on connaît désormais l’ampleur.
La France est engagée en faveur des valeurs humanistes, de tolérance et de respect de l’humanité à travers les actions qu’elle conduit, non seulement en Irak – au sein de la coalition – et en Syrie, mais aussi partout ailleurs, en particulier sur le continent africain, comme en témoigne notre engagement à la fois au Mali et en République centrafricaine.
Et, partout où des femmes et des hommes sont persécutés en raison de ce qu’ils sont, de leur appartenance religieuse et politique ou de leur orientation sexuelle, la France est là pour rappeler les valeurs fondamentales des droits de l’homme et pour répéter le message multiséculaire que les peuples du monde « ont appris à aimer d’elle » – pour reprendre l’expression de François Mitterrand. La France, lorsqu’elle accorde sa protection, est un refuge où la vie peut se poursuivre. La protection que nous devons toujours aux réfugiés inspire la politique de notre pays depuis 1793.
Nous agissons en Irak, en Syrie, en Afrique.
Nous agissons résolument en Europe, et nous agissons également dans notre pays de manière que notre système d’asile et notre politique migratoire soient à la hauteur des enjeux auxquels le monde se trouve confronté.
Nous agissons d'abord en Europe.
Comme le Premier ministre l’a rappelé tout à l'heure avec force à l’Assemblée nationale, la France n’a pas attendu la crise migratoire à laquelle nous assistons depuis plusieurs semaines et qui revêt une dimension tragique pour agir. Dès le 30 août 2014 – il y a donc plus d’un an –, à la demande du Président de la République, je m’étais rendu dans les principales capitales européennes pour essayer de faire partager à mes homologues des pays de l’Union européenne un projet et des propositions susceptibles d’inspirer la politique de celle-ci, c'est-à-dire les propositions de la Commission en matière de politique migratoire.
Quel était le constat et que contenaient ces propositions ?
Nous constations d’abord l’importance des flux migratoires. Près de 200 000 migrants avaient alors déjà franchi les frontières extérieures de l’Union européenne, notamment en Italie, mais pas seulement – certains l’avaient déjà fait en Grèce.
Nous constations aussi qu’il y avait, parmi ceux qui venaient sur notre continent, des personnes relevant du statut de réfugié en Europe, parce qu’elles étaient persécutées dans leur propre pays, mais également des migrants qui avaient fui la misère dans leur pays. Ces derniers venaient pour beaucoup d’Afrique de l’Ouest, à la recherche d’un avenir économique pour eux-mêmes et pour leur famille sur le territoire européen, les passeurs les ayant convaincus que c’était possible.
La France avait tout d’abord proposé d’engager de façon urgente un dialogue avec les pays de provenance des migrants, notamment les pays de la bande sahélo-saharienne, afin que l’immigration économique irrégulière puisse être prévenue plutôt que constatée. Il s’agissait aussi, grâce à la mise en place de centres de maintien et de retour, d’éviter à ces familles, à ces hommes et à ces femmes, de se retrouver entre les mains de passeurs et d’avoir à effectuer le voyage de la mort au cours duquel, en 2014, près de 3 000 femmes, hommes et enfants, ont péri en Méditerranée.
La France avait ensuite proposé de supprimer l’opération Mare Nostrum pour lui substituer une opération sous la maîtrise d’ouvrage de FRONTEX. Cette proposition avait fait l’objet d’une discussion extrêmement animée, mais très riche, avec l’Italie. Si Mare Nostrum, décidée par les seuls Italiens, était une opération humanitaire digne et noble, dont la vertu est d’avoir sauvé des vies, elle avait aussi incité les passeurs à faire monter un plus grand nombre de migrants sur des embarcations de plus en plus nombreuses et de plus en plus frêles, ce qui, au final, avait entraîné plus de sauvetages, mais aussi plus de morts.
C'est la raison pour laquelle nous pensions qu’une opération conduite sous la maîtrise d’ouvrage de FRONTEX était de nature à permettre un meilleur contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne et, dans le même temps, d’armer celle-ci afin de lui permettre de lutter contre les filières de passeurs, ces organisations internationales du crime qui sont de véritables filières de la traite des êtres humains.
Travailler avec les pays de provenance, substituer à l’opération Mare Nostrum une opération sous maîtrise d’ouvrage de l’Union européenne, c'est-à-dire de FRONTEX, lutter contre les filières de l’immigration irrégulière, sauver des vies et, dans le même temps, assurer la protection de nos frontières extérieures : telle était l’ambition que la France proposait aux autres pays de l’Union européenne.
Nous estimions aussi que, dès lors que les flux étaient importants et que cinq des vingt-huit pays de l’Union européenne accueillaient à eux seuls 75 % des demandes d’asile formulées en Europe, il était normal qu’émergent les fondements d’une politique européenne de l’asile afin de permettre une répartition plus équitable des demandeurs d’asile entre les différents pays de l’Union européenne. Cette troisième proposition devait permettre à l’Europe d’être à la hauteur de sa réputation, d’être fidèle aux valeurs de ses pères fondateurs et d’affirmer celles que la France avait longtemps incarnées. Ainsi, par-delà les différences existant entre ses nations, l’Europe pourrait faire face aux drames humanitaires que nous sentions se profiler.
Nous pensions aussi – c’était notre quatrième proposition – qu’il était important d’organiser, pour ceux qui franchissaient les frontières extérieures de l’Union européenne, un dispositif permettant de distinguer les réfugiés des migrants économiques irréguliers, sous maîtrise d’ouvrage de la Commission, avec la contribution éventuelle du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, et de FRONTEX. Il s’agissait de procéder à l’enregistrement de tous et de pouvoir accueillir dès leur arrivée sur le territoire de l’Union ceux qui relevaient de l’asile afin de leur éviter l’errance et un nouvel exode sur les routes européennes. Enfin, il s’agissait de permettre à FRONTEX, dans le cadre d’accords de retour avec les pays de la zone sahélo-saharienne qui auraient pu être signés, d’organiser l’éloignement dans des conditions humaines des migrants relevant de l’immigration économique irrégulière.
Ces propositions ont été formulées sans trêve ni pause par la France au cours des derniers mois, jusqu’à ce que l’Union européenne, après que la France eut mutualisé ses propositions avec l’Allemagne, décide de reprendre un certain nombre d’entre elles et de les soumettre à la délibération du Conseil « Justice et affaires intérieures » et du Conseil européen.
Ces derniers mois, nous avons tout fait pour que le dispositif de solidarité, assorti des conditions de responsabilité que je viens d’indiquer, soit mis en œuvre.
Nous nous sommes réjoui que 40 000 réfugiés puissent être répartis entre les vingt-huit pays de l’Union européenne sur une base volontaire, ce principe ayant définitivement été acté par le Conseil « Justice et affaires intérieures » de lundi dernier. L’Allemagne et nous avons indiqué que nous étions disposés à accueillir 120 000 réfugiés supplémentaires au titre du processus de relocalisation compte tenu de l’ampleur de la crise migratoire, de la nécessité d’être à la hauteur du défi que pose celle-ci et de remplir nos obligations politiques et morales.
Sans surprise, l’importance croissante du flux de réfugiés résultant de l’activité intense des passeurs, mais aussi de la dégradation de la situation internationale et de la situation politique, à la fois en Libye et en Syrie, a conduit le gouvernement allemand à décider, dimanche soir, de rétablir des contrôles à ses frontières, sans pour autant fermer sa frontière avec l’Autriche, de telle sorte que soit garantie la bonne application des règles régissant l’Union européenne, notamment le règlement de Dublin et l’accord de Schengen. En effet, il ne peut pas y avoir de solidarité si les règles qui lient les pays de l’Union européenne les uns aux autres ne sont pas respectées.
J’avais d'ailleurs pris des dispositions similaires voilà trois mois, lorsque nous avions constaté, à la frontière franco-italienne, un afflux de réfugiés qui nécessitait que l’on prît ces mesures de régulation et de prudence – au reste, j’avais été critiqué pour cela. Le Premier ministre a indiqué tout à l'heure que, si nous devions être confrontés à des circonstances identiques à celles que nous avons déjà vécues, nous prendrions des dispositions similaires.
À cet égard, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous indiquer, par souci de transparence, que les services qui relèvent du ministère de l’intérieur ont d'ores et déjà pris toutes leurs dispositions pour le cas où nous devrions faire face à une situation de cette nature, ce que nous ne souhaitons pas.
La France a donc été constamment à l’action en Europe. Elle l’est encore aujourd'hui, sur le fondement d’une doctrine claire, que le Premier ministre a rappelée tout à l'heure à l’Assemblée nationale et qui se décline en trois principes.
Le premier d’entre eux est la réaffirmation par la France, au sein de l’Union européenne, de la non-négociabilité du statut de réfugié, qui doit être plein, un et entier, à l’instar des principes de la République, et qui doit s’appliquer sur le territoire européen pour tous ceux ayant besoin de protection, d’où qu’ils viennent et quelles que soient leur religion et leurs orientations politiques, dès lors, bien entendu, qu’ils ne sont pas liés à ces groupes abjects qui, en Syrie, sèment la barbarie et la haine.
Comme le Premier ministre, je veux dire ici à la tribune du Sénat que si nous considérions que l’on peut accueillir les uns et non les autres, les chrétiens et non les représentants des autres minorités, nous dérogerions aux principes du droit d’asile.
Pour m’être entretenu avec les représentants des cultes – et notamment avec ceux de l’épiscopat –, je sais qu’il existe, par-delà la sphère publique et politique, un large consensus sur ces valeurs universelles et sur ces principes entre tous ceux qui veulent voir les principes de l’humanité, de la civilisation humaine, les principes humanistes s’appliquer dans leur entièreté.
Ici, à la tribune du Sénat, je tenais à rappeler la nécessité de ne jamais oublier ces principes, dès lors que l’essentiel est en jeu, c’est-à-dire l’avenir de l’humanité.
Nous avons agi en Europe en respectant l’équilibre entre responsabilité et humanité. Nous avons aussi – et vous le savez mieux que quiconque, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque vous avez largement participé aux débats sur ce sujet – agi en France. Face à une crise grave, il ne suffit pas simplement de faire preuve de générosité ou d’affirmer des principes. Il faut être en situation de faire face. C'est la raison pour laquelle la doctrine de la France n’a jamais changé en Europe ; c'est la raison pour laquelle nous n’avons jamais dérogé à l’équilibre entre humanité, responsabilité et fermeté ; c'est la raison pour laquelle nous avons voulu mettre au niveau notre système d’asile en France.
Qu’avons-nous fait ? Les travaux conduits à la fois par Valérie Létard et Jean-Louis Tourenne au Sénat, c’est-à-dire à la fois par la majorité et l’opposition, ainsi que par Jeanine Dubié et Arnaud Richard à l’Assemblée nationale, les réflexions menées par les rapporteurs de la loi relative à la réforme du droit d’asile, aussi bien à l’Assemblée nationale – à cet égard, je salue le travail de Sandrine Mazetier et du président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas – qu’au Sénat – je salue également le travail du président Philippe Bas et du rapporteur François-Noël Buffet, car nous avons avancé et débattu ensemble –, nous ont permis de mettre notre système d’asile en conformité avec les directives européennes.
Nous avons ainsi réduit la durée de traitement des dossiers des demandeurs d’asile de vingt-quatre à neuf mois. Pour ce faire, nous avons octroyé des moyens significatifs à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA. Plusieurs dizaines d’emplois ont été créés – cinquante, très exactement – et d’autres le seront à suite de la décision d’instaurer un mécanisme de relocalisation – 196 très exactement – au sein de l’OFPRA, de l’Office français de l’immigration et de l’intégration – l’OFII – et des services préfectoraux, du fait de la mise en œuvre, dans les prochains mois, du guichet unique.
Nous avons également décidé de mettre à niveau notre dispositif d’accueil en créant 13 000 places supplémentaires dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile, les CADA, auxquelles s’ajouteront les 5 000 places annoncées par le Premier ministre cet après-midi à l’Assemblée nationale, afin de nous permettre de faire face à nos obligations dans le cadre du processus européen de solidarité, de relocalisation et de réinstallation. Au total, le Gouvernement aura porté à 18 500 le nombre de places en CADA d’ici à la fin du quinquennat, quand il n’en avait été créé que 2 000 sous la précédente législature.
Nous avons également décidé d’améliorer la reconnaissance des droits des demandeurs d’asile devant les instances ayant à connaître de leurs dossiers. Nous avons ainsi inscrit dans la loi le caractère suspensif des démarches effectuées devant le juge dans le cadre de procédures accélérées et autorisé les demandeurs d’asile à être accompagnés de leur conseil lorsqu’ils engagent des démarches auprès de l’OFPRA.
Quel est le résultat de cette loi, sachant que les moyens ont été alloués avant qu’elle ne soit votée ? Nous sommes parvenus à augmenter de 20 % le nombre de dossiers traités cette année et à raccourcir d’autant la durée des délais d’examen. Nous avons donc mis en œuvre un traitement à la fois plus humain et plus rapide, une prise en compte plus exigeante des difficultés auxquelles sont confrontés les demandeurs d’asile et, dans le même temps, permis le retour à la frontière de ceux qui ont été déboutés dans des conditions plus simples humainement et administrativement.
Nous avons débattu de ces questions lors de l’examen de la loi relative à la réforme de l’asile. Je veux, là aussi, réaffirmer clairement devant le Sénat les principes qui guident notre action. Si nous voulons pouvoir accueillir en France et en Europe toutes les personnes relevant du statut de réfugié, ceux qui n’en relèvent pas – c’est-à-dire ceux qui ont été déboutés à l’issue de procédures au cours desquelles leurs droits ont été reconnus et confortés – doivent être reconduits à la frontière dans des conditions humainement acceptables. À défaut, il n’y aura n’est pas de soutenabilité de l’asile en France. Raccourcir les délais, c’est aussi permettre une reconduite à la frontière plus aisée des déboutés du droit d’asile.
Un certain nombre de parlementaires ou de responsables politiques indiquent parfois que nous ne reconduisons qu’entre 10 % et 17 % des déboutés du droit d’asile et que les autres restent en France.
Au cours de l’année qui vient de s’écouler, le nombre de déboutés du droit d’asile ayant fait l’objet d’un éloignement – dans des conditions particulièrement méticuleuses, les services veillant, lors des reconduites, à respecter les principes d’humanité – a augmenté de près de 20 %. Nous entendons, grâce à la loi relative à la réforme du droit d’asile, poursuivre ces efforts. Autrement, encore une fois, notre action ne serait pas soutenable.
Les personnes relevant de l’immigration irrégulière doivent pouvoir être reconduites à la frontière de la même façon. Je donnerai tout à l'heure des chiffres extrêmement précis sur ce sujet. Sachez dès à présent que le nombre des reconduites forcées, les plus difficiles à mettre en œuvre – il n’inclut pas les retours spontanés, comme cela était le cas dans le passé – a augmenté de plus de 13 % l’an dernier et qu’il est passé de 13 000 à 16 000 au cours de la période 2012-2015.
Là encore, notre volonté d’accueillir tous ceux qui doivent l’être n’est pas compatible avec un manque de fermeté vis-à-vis de ceux qui ne peuvent rester sur le territoire national. Il n’est pas d’humanité sans responsabilité, tout comme il n’est pas d’humanité sans application ferme des principes du droit votés par la représentation nationale sur ces questions essentielles.
Nous ne nous sommes pas contentés d’adapter notre système d’asile – avec les résultats que je viens de vous indiquer –, nous avons également souhaité renforcer les moyens alloués aux forces de l’ordre, car il est impossible de lutter contre l’immigration irrégulière et les filières de passeurs si nous ne mettons pas à niveau notre dispositif policier.
À cet égard, la suppression de quinze unités de forces mobiles entre 2007 et 2012 a eu, dans le contexte que nous connaissons, quelques effets collatéraux. Elles nous manquent dans le cadre du plan Vigipirate, alors que le risque terroriste est élevé, qu’il faut sécuriser les frontières et les infrastructures de transport lourdes, à la fois à Calais et à Vintimille, qu’il faut assurer la présence d’unités de forces mobiles dans des quartiers sensibles, ce qui est un facteur de diminution de la délinquance. La disparition de ces unités se traduit par des tensions sur les effectifs du ministère de l’intérieur, lequel se doit, en toutes circonstances, d’être en situation de remplir ses missions régaliennes.
C'est la raison pour laquelle le Premier ministre, dans la continuité de son action lorsqu’il était ministre de l’intérieur, a décidé, malgré la contrainte budgétaire, d’augmenter les moyens des services du ministère de l’intérieur en charge de la lutte contre l’immigration irrégulière : 500 policiers et gendarmes supplémentaires leur seront affectés chaque année. Par ailleurs, 1 500 fonctionnaires seront affectés à la lutte contre le terrorisme dans le cadre du plan de lutte antiterroriste arrêté en janvier dernier.
Le Premier ministre a indiqué que, face à l’ampleur du phénomène migratoire, 900 policiers et gendarmes supplémentaires seraient affectés aux forces de sécurité dans les deux ans à venir afin de leur permettre de remplir les missions qui sont les leurs en matière de contrôle des frontières et de démantèlement des filières de l’immigration irrégulière.
Sans attendre cette remise à niveau, quels résultats avons-nous obtenu en matière de lutte contre l’immigration irrégulière et de démantèlement des filières ? Depuis le début de l’année, 177 filières ont été démantelées et 3 300 personnes ont été interpellées, dont une grande partie ont été judiciarisées. Cette horde de délinquants, qui relève des filières de la traite des êtres humains, pousse vers la mort des femmes et des hommes en situation de vulnérabilité.
Le nombre d’acteurs de l’immigration irrégulière que nous avons maîtrisés depuis 2014 a augmenté de 25 % – nous avions le même résultat entre 2014 et 2015. Dans la seule ville de Calais – je parle sous le contrôle de la sénatrice Natacha Bouchart –, vingt filières de l’immigration irrégulière ont été démantelées depuis le début de l’année, ce qui représente environ 800 personnes.
Nous entendons poursuivre résolument cette action, sans trêve ni pause. Nous devons combattre tant à l’échelon national qu’à l’échelon européen les filières de l’immigration irrégulière, qui relèvent de la traite des êtres humains.
Voilà ce que nous avons fait au plan national et au plan européen. Je dirai maintenant quelques mots sur ce qu’il reste à faire.
Le projet de loi relatif au droit des étrangers en France permettra au Gouvernement de disposer d’autres outils pour procéder à l’éloignement, dans des conditions humaines, de ceux qui doivent quitter le territoire.
Ainsi, les compétences respectives du juge administratif et du juge judiciaire seront clarifiées. Par ailleurs, nous nous dotons d’outils qui nous permettront de convaincre ceux qui refusent de se soumettre aux règles de l’Union européenne de le faire grâce à l’efficacité des processus de judiciarisation.
Je suis convaincu que l’articulation entre la loi relative à la réforme du droit d’asile et le projet de loi relatif au droit des étrangers en France qui vous sera soumis dans les prochaines semaines permettra d’obtenir des résultats.
À quelques jours du Conseil « Justice et Affaires intérieures », d’autres mesures doivent être concrétisées. Là encore, le Premier ministre a eu l’occasion, devant l’Assemblée nationale voilà quelques heures, d’indiquer quelles seraient les priorités de la France. Je les résumerai en quelques mots.
Premièrement, il s’agit de faire en sorte que les hot spots, dont le principe a été acté à l’occasion du Conseil « Justice et Affaires intérieures » de lundi dernier, soient effectivement mis en œuvre dans les prochains jours, sous maîtrise d’ouvrage de l’Union européenne, notamment en Grèce, afin que le processus de relocalisation puisse être enclenché et que la détresse des migrants relevant du statut de réfugié puisse être soulagée dans les meilleurs délais. Pour ce faire – et dès lors que le principe a été acté lundi dernier –, nous avons besoin d’un engagement fort et rapide de la Commission européenne.
Deuxièmement, il est important que Mme Mogherini, la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de l’Union européenne, qui est en charge de la négociation des conventions de retour avec les pays de provenance et de la mise en place des centres de maintien et de retour, puisse rapidement conclure les conventions avec les pays concernés. En effet, si les personnes qui, dans les hot spots, ne peuvent bénéficier du statut de réfugié ne sont pas reconduites dans leur pays de provenance, les dispositifs mis en place à l’échelon européen ne seront pas efficaces. La France exige donc que ces derniers soient mis en œuvre rapidement.
Troisièmement, nous souhaitons que le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés augmente sa contribution aux centres de réfugiés situés en Turquie, en Jordanie et au Liban afin d’éviter tout nouveau mouvement de populations qui aggraverait encore la crise migratoire. Cela nous permettrait de disposer du temps nécessaire pour mettre en œuvre, dans des conditions maîtrisées, le processus de relocalisation.
La France a fait part de sa disponibilité pour élaborer un dispositif conventionnel avec la Serbie, ce qui permettra à ce pays de nous aider à maîtriser les flux migratoires. La Serbie accepte en effet l’installation, sur son territoire, de centres intermédiaires où séjourneraient pendant quelques semaines des migrants pouvant prétendre au statut de réfugié et ayant vocation à être accueillis en Europe.
Il faut aussi – c’est notre demande – augmenter les moyens de FRONTEX afin d’assurer la bonne maîtrise des frontières extérieures de l’Union européenne.
Pour ce qui concerne le processus de relocalisation, nous avons clairement dit qu’il ne peut y avoir d’Europe à la carte et que la solidarité ne peut pas concerner les uns, mais pas les autres. L’Europe faillirait si les pays qui la composent ne parvenaient pas, ensemble, de façon solidaire, à mettre en œuvre un principe humanitaire, valeur éminente que les pères fondateurs de l’Union européenne ont placée comme une espérance au cœur des institutions européennes.
Nous devons, sur ce sujet, très politique, qui est parfois même au cœur du débat électoral, être extrêmement rigoureux. Il arrive en effet que certains acteurs politiques se montrent approximatifs, pensant ainsi qu’ils pourront réunir beaucoup de voix. Certaines notions ont ainsi été convoquées de manière étrange récemment. Je pense par exemple – et je le dis sans esprit de polémique, mais plutôt dans un esprit juridique –, au statut de « réfugié de guerre ».
Cette notion est intéressante. Il n’y a pas de raison de ne pas accepter qu’elle puisse être mise sur le métier. Sachant qu’il existe en France deux dispositifs – le droit d’asile, qui est un et indivisible et qui ne distingue pas les réfugiés selon la nature des drames auxquels ils sont confrontés, et la protection dite « subsidiaire », qui permet à ceux qui sont victimes de la guerre dans leur pays, mais qui ne relèvent pas de l’asile parce qu’ils ne sont pas persécutés, de bénéficier d’une protection en France –, il nous semblait que la totalité du champ des possibles auquel des hommes et des femmes en situation de vulnérabilité peuvent être confrontés était parfaitement couverte.
On m’a alors expliqué que le statut de réfugié de guerre figurait dans une directive de 2001. Or vous pouvez la lire, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne l’y trouverez nulle part. Vous y découvrirez en revanche le concept de protection transitoire, qui est l’équivalent à l’échelon européen de la protection subsidiaire.
Par conséquent, la proposition de créer un statut de réfugié de guerre ne me choque pas, mais elle est d’une inutilité absolue, car ceux qui pourraient relever du statut de réfugié de guerre en Europe peuvent bénéficier, dans les mêmes conditions, de la protection subsidiaire en France. Ce dispositif existe déjà en droit français.
Il n’est jamais mauvais de proposer ce qui existe déjà depuis longtemps et que personne ne conteste jamais puisqu’on s’y est accoutumé. C’est même la meilleure manière de dégager un consensus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Ce qui est plus étrange, surtout de la part d’un haut responsable politique ayant exercé les responsabilités qui sont actuellement les miennes, c’est de présenter comme totalement nouveau un dispositif qui existe depuis très longtemps et que chacun connaît, dès lors qu’on s’intéresse à ces sujets.
Je pourrais prendre un autre exemple, celui de Schengen. On propose un Schengen II. Pourquoi pas ? J’ai moi-même souvent ressenti la nécessité de faire évoluer Schengen. Ainsi, pour mieux lutter contre le terrorisme, on pourrait procéder, dans le cadre du code Schengen actuel, à des contrôles coordonnés et simultanés aux frontières de l’Union européenne. Parce que les règles l’autorisent, il ne serait ni absurde ni choquant de mettre en place de tels contrôles, à l’instar de ce que font les Allemands ou de ce que j’ai mis en place voilà quelques mois à la frontière franco-italienne.
Je me suis donc interrogé sur ce que serait un Schengen II. Plusieurs déclarations intéressantes m’ont éclairé.
Selon la première d’entre elles, Schengen II serait un Schengen I dont on respecterait les règles ! (Sourires.) Il est rare que des ensembles aussi complexes que l’Union européenne se dotent de règles pour ne pas les respecter. Si Schengen II, c’est Schengen I dont on respecterait les règles, nous n’aurons pas de désaccord manifeste, mesdames, messieurs les sénateurs, si ce n’est avec un ou deux sénateurs que j’aperçois en haut de l’hémicycle.
Ensuite, j’ai entendu dire que Schengen II permettrait des contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne, afin que ceux qui ne relèvent pas du statut de réfugié ne puissent pas les franchir.
Lorsque, dans le cadre de Schengen I, on propose la création de hot spots en Italie et en Grèce, que fait-on si ce n’est assurer la protection des frontières extérieures de l’Union européenne en mettant en place des dispositifs permettant de distinguer les réfugiés de ceux qui ne le sont pas ? Par conséquent, si Schengen II prévoit que l’on pourra faire ce que nous faisons déjà dans le cadre de Schengen I, je n’ai pas vraiment de désaccord.
Une troisième proposition est apparue dans Le Figaro la semaine dernière : Schengen II prévoirait le rétablissement de frontières à l’intérieur de l’Union européenne, mais uniquement pour ceux qui ne sont pas européens. Sur ce point, il nous sera plus compliqué de trouver un accord. En effet, si nous mettions en place des frontières intérieures, c'est-à-dire entre nos pays, outre le fait qu’il faudra mettre en œuvre des moyens considérables pour les réinstaurer, à partir de quels critères et selon quelles modalités distinguera-t-on les Européens des autres ? Comment ferons-nous sans les interpeller tous, sans les bloquer tous à la frontière ?
Malgré les progrès réalisés par nos meilleures industries – Morpho, Safran et les autres –, aucun dispositif ne permet aujourd’hui de distinguer les Européens des autres aux frontières.
Ainsi, si la seule modification envisagée pour l’espace Schengen est la mise en place d’un tel dispositif, il faudra discuter longtemps dans cet hémicycle et dans d’autres, notamment au Parlement européen, pour réussir à trouver un accord, sans remettre totalement en cause le fonctionnement de l’Union européenne, y compris celui du marché intérieur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que le débat que nous aurons ce soir nous permettra de cheminer ensemble. J’ai grand espoir que ce soit le cas, mais une lueur de lucidité me conduit aussi à penser que cet objectif pourrait ne pas être atteint aujourd'hui. C’est la raison pour laquelle je suis tout à fait prêt à revenir la semaine prochaine ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. J’indique au Sénat qu’il a été décidé d’attribuer, à raison d’un orateur par groupe, un temps de quinze minutes au groupe Les Républicains, ainsi qu’au groupe socialiste et républicain, et un temps de dix minutes à chacun des autres groupes politiques, l’orateur des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe écologiste.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’accueil des réfugiés est un devoir incombant aux États démocratiques, qui consolide concrètement le principe démocratique lui-même. Il rappelle aux citoyens de ces États que la démocratie est un mode de gouvernement inégalé, malgré ses défauts. Car c’est bien la démocratie que les réfugiés, persécutés dans leur propre pays, viennent chercher en Europe au péril de leur vie.
Notre pays n’a pas, hélas ! été à la hauteur des principes dont il se réclame. Nos responsables politiques, dans leur grande majorité, n’ont pas su réagir ainsi qu’il convenait, et ont perdu beaucoup de temps dans des tergiversations dont les discours et les actes des derniers mois portent la trace et perpétueront le souvenir devant l’histoire. Cela fut peut-être un peu plus vrai à droite, mais ce le fut aussi quelque peu à gauche.
La comparaison avec l’Allemagne, pour nous Français, est humiliante. Pendant que les dirigeants allemands, portés par un véritable enthousiasme populaire, acceptent de prendre plus que leur part dans l’accueil des réfugiés, pendant qu’outre-Rhin on accueille presque 20 000 personnes en un week-end, les nôtres se contorsionnent toujours au sujet des 24 000 réfugiés qu’ils devraient recevoir en deux ans, comme s’ils étaient, autant qu’une part de notre opinion publique, perméables au populisme nationaliste distillé par le FN et certains segments de la droite dite « républicaine ».
En fait, les petits calculs politiciens ont prévalu sur le devoir de solidarité, bafouant un principe simplement constitutionnel, figurant à l’alinéa 4 du préambule de la Constitution de 1946, repris à l’article 53-1 de la Constitution de 1958, à savoir le droit d’asile. Rappelons-nous les polémiques indignes, voilà quelques mois, sur les fameux « quotas » de réfugiés à accueillir.
Il aura donc fallu la photo du petit Aylan Kurdi et l’émotion qu’elle a suscitée pour que notre exécutif envisage officiellement d’accueillir 24 000 réfugiés en deux ans et commence de regarder en face une réalité qui se dessine pourtant depuis des mois. Je n’oublie pas, pour ne parler que d’eux, les réfugiés de La Chapelle.
Je ne sais s’il est encore temps, pour notre exécutif, de sauver son image, de sauver un honneur perdu dans les circonvolutions d’éléments de langage, qui, pendant des mois, ont évoqué certaines pages peu glorieuses de l’histoire de notre pays.
Heureusement, la société civile, elle, a su réagir et se mobiliser avec détermination, mettant en relief l’incurie des pouvoirs publics. Finalement, les Français seraient désormais, semble-t-il, majoritairement favorables à l’accueil des réfugiés,…
M. Roger Karoutchi. C’est l’inverse !
Mme Esther Benbassa. … mais les chiffres changent chaque semaine.
Gestion calamiteuse des réalités humaines ; crainte absurde de favoriser la montée du FN, comme s’il n’allait pas monter sans cela. Même lors de sa dernière conférence de presse, le Président Hollande n’a pas su donner toute la solennité qui convenait à ce qui est un virage de dernière minute. C’est vrai, tout le monde n’est pas le Jaurès de la fin du XIXe siècle, appelant à soutenir les Arméniens soumis aux exactions turques. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Soyez un peu objective, ma chère collègue !
Mme Esther Benbassa. Même ces derniers jours, l’État n’a fait que déléguer l’organisation de l’accueil aux mairies, sans avoir lui-même rien prévu, ni en termes de sécurité, ni matériellement, et encore moins financièrement. Pendant ce temps, l’Allemagne débloquait 6 milliards d’euros.
Calais reste toujours un point noir, et ce ne sont pas les barbelés et les maigres aménagements concédés qui transformeront ce campement de la misère et de la honte.
On a beaucoup glosé sur les motifs de l’Allemagne : déficit démographique, manque de main-d’œuvre qualifiée, etc. On s’est aussi beaucoup réjoui de ce que l’on présente comme un revirement récent. Je pense surtout que l’Allemagne est en train de réécrire son histoire. Ayant tiré toutes les leçons de son passé nationaliste, raciste et antisémite, elle a d’abord dit par des actes, et pas seulement par des discours : « plus jamais ça ! ». Portée par sa population, elle administre à ses citoyens, notamment à sa jeunesse, une belle leçon. L’histoire n’est pas seulement affaire de « devoir de mémoire ». Elle impose que soient posés des actes donnant du sens à l’existence d’une nation.
En ne redoutant pas l’afflux de populations nouvelles, elle montre en outre une belle capacité à se transformer sans crainte, pendant que, chez nous, la peur de l’étranger continue d’être distillée dans les esprits par tant de politiciens.
L’Allemagne a provisoirement rétabli les contrôles à certaines de ses frontières. S’est-elle ainsi rendue aux arguments des laudateurs d’une Europe forteresse ? Oui et non ! Elle rappelle d’abord à ses voisins européens l’indignité de leur attitude, et tente par ce moyen et quelques autres de les faire enfin fléchir.
La France fut certes un pays d’immigration. Entre un tiers et un quart des personnes qui vivent dans notre pays en serait issu. Reste que, pour l’essentiel, la France ne s’est montrée « accueillante » envers ses immigrés qu’en période de développement industriel, lorsqu’elle avait besoin de main-d’œuvre. Ainsi, dans les années 1920, après la Première Guerre mondiale, dont le pays était sorti exsangue, notre pays a massivement accueilli des immigrants. Ceux-ci sont d’abord, alors, des Italiens, des Espagnols, des Polonais, des hommes en âge de travailler qui feront plus tard venir leurs familles ou épouseront des Françaises. Dans les années 1960-1970 vient le tour des Maghrébins – musulmans et non européens, quant à eux –, ce qui finira par changer la donne. Il faut des bras pour une économie en pleine expansion : ce sont les Trente Glorieuses.
Voilà qui a fait de la France un pays d’immigration.
Difficile en revanche de parler sans nuance d’une France « terre d’accueil ». Cet accueil fut souvent hésitant, et différencié selon l’histoire, la religion, la perception des populations accueillies. Je pourrais parler des Arméniens fuyant les massacres dans l’Empire ottoman ; des Juifs, aussi : après l’avènement de Hitler et l’Anschluss, des centaines de milliers d’entre eux cherchèrent à quitter l’Allemagne et l’Autriche. En 1938, les délégués de trente-trois pays se réunirent à Évian. La France, comme la plupart des États conviés, invoqua sans scrupules diverses raisons, notamment économiques, pour ne plus accepter de réfugiés. On connaît la suite : les camps de la mort. En 1939, le gouvernement français à majorité radical-socialiste de Daladier ne sut pas davantage gérer dignement l’accueil des quelque 500 000 Républicains espagnols arrivés à la suite de la prise de la Catalogne. Dois-je rappeler enfin le sort des Harkis, condamnés après 1962 à croupir dans des camps aux conditions indignes ?
Les lenteurs, la désorganisation, ainsi que les craintes qui ont marqué, ces derniers mois, la gestion des flux de réfugiés actuels, s’inscrivent dans le prolongement de cette histoire. Elles sont évidemment liées à la provenance, à la religion et à la couleur de peau des demandeurs d’asile, aujourd’hui majoritairement musulmans, issus du Moyen-Orient et d’Afrique. Le contexte français d’islamophobie, rampante ou déclarée, la confusion entretenue entre « musulmans » et terrorisme, ne sont évidemment pas étrangers à l’attentisme dont a fait preuve l’exécutif.
La France, cette France qu’on nous dit « éternelle », solidaire, humaniste, terre de refuge de tous les persécutés, cette France-là, voici des mois que je la cherche.
M. Alain Richard. Vous n’avez pas l’air de l’aimer beaucoup, en tout cas.
Mme Esther Benbassa. Je l’ai certes trouvée, sur le terrain, dans la rue, auprès des associations, auprès de ces citoyens qui se sont mis tout de suite au travail. Mais allons-nous la trouver enfin, cette France-là, au plus haut sommet de l’État ?
Quant à l’Europe, celle des droits humains, je ne la cherche plus. Quelle Europe ? Je vous pose la question.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe CRC.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la violence et la déstabilisation de régions entières provoquent un exode massif de populations désespérées. C’était prévisible.
Les guerres, les crimes odieux de Daech jettent dans des camps de réfugiés inhospitaliers et inadaptés des millions de personnes, qui n’ont ensuite d’autre choix que de prendre les chemins de l’exil.
Les guerres civiles, l’effondrement d’États, la barbarie née de vingt ou trente années de conflits, ont provoqué une crise humanitaire sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale.
Après l’Afghanistan dévasté par la vengeance aveugle menée au nom de la guerre de civilisation par Georges W. Bush ; après l’Irak détruit par une guerre fondée sur une tromperie aux conséquences meurtrières ; après la Libye et la liquidation du dictateur Kadhafi, sans réflexion aucune sur les conséquences désastreuses de cet acte, c’est aujourd’hui le tour de la Syrie, où les errements diplomatiques et les choix stratégiques hasardeux placent Daech, surgi du bourbier irakien, en position de prendre le pouvoir aux portes de la Méditerranée.
Il n’est pas possible de débattre de la situation créée par l’afflux massif de réfugiés sans évoquer la lourde responsabilité des puissances occidentales dans l’évolution de cette partie du monde.
Il n’est pas ici question de repentance, mais nous avons le devoir, à la fois moral et politique, d’assumer nos responsabilités : nous avons la responsabilité de créer les conditions du retour à la paix dans ces zones – c’était l’objet du débat d’hier – et celle de permettre aux victimes de ces conflits de vivre dignement, de pouvoir trouver refuge.
Confrontées à une réalité inhumaine – celle d’un enfant mort noyé sur une plage turque, messager funèbre de tous ceux qui ont déjà péri pour tenter de vivre, de survivre –, des voix fortes et nombreuses se sont élevées, plaidant pour que l’Europe s’ouvre à la solidarité et ne se ferme pas sur ses égoïsmes.
Je n’ai pas l’habitude de citer favorablement Jean-Claude Juncker, mais je ne peux que partager les propos qu’il a tenus mercredi dernier : « Ces gens, nous devons les accueillir à bras ouverts, et cette fois, j’espère que tout le monde sera à bord ». « Le Vieux Continent, poursuivait-il, ne peut accueillir toute la misère du monde. Mais nous avons les moyens de recevoir des réfugiés qui ne représentent que 0,1 % des 500 millions d’Européens ».
Le pape François, quant à lui, appelle chaque paroisse, chaque chrétien, à accueillir des réfugiés. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est vrai, ou pas ?... Bien !
Je regrette la solitude de Mme Merkel au sein de la droite européenne. Je ne peux comprendre les réticences à remplir ce devoir d’humanité élémentaire – offrir l’asile aux persécutés, quelles que soient leur origine, leur religion, leur couleur de peau – de la part d’hommes politiques comme Nicolas Sarkozy et celles et ceux qui le soutiennent encore.
M. Bruno Sido. Ils sont nombreux !
Mme Éliane Assassi. Il faut isoler, mes chers collègues, Mme Marine Le Pen dans sa xénophobie et son mépris de la dignité humaine : elle révèle son vrai visage à l’occasion de cette crise. (M. Stéphane Ravier s’exclame.)
Ne lui en déplaise, la France est une terre d’asile. L’ouverture de notre pays au monde fait partie intégrante de son identité. C’est ce qui fonde la célèbre phrase de Thomas Jefferson : « Chaque homme a deux patries, la sienne et la France ».
Qui peut ignorer l’humanisme qui forge la République ? Faut-il rappeler le Traité sur la tolérance de Voltaire : « Nous avons assez de religion pour haïr et persécuter, et nous n’en avons pas assez pour aimer et pour secourir » ? Chacun devrait se remémorer cet ouvrage, socle du siècle des Lumières, et ces mots qui aujourd’hui prennent tout leur sens : « Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ».
Dès 1793, ces idées figurent dans l’article 120 de la Constitution : « Le peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté ». Les Constitutions de 1946 et de 1958 ont perpétué cette grande tradition démocratique.
L’asile et l’accueil des réfugiés sont aujourd’hui des exigences du droit international.
L’article 14 de la convention du 28 juillet 1951, plus connue sous le nom de convention de Genève, est clair : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays ».
Qui, dans cet hémicycle ou ailleurs, peut affirmer sans honte que fuir devant la folie meurtrière de Daech ou de Boko Haram, ou devant la violence quotidienne en Libye, ne justifie pas la mise en œuvre de la convention européenne de Genève – convention étendue au reste du monde en 1967 par l’adoption du Protocole de Bellagio, aujourd’hui complétée et consolidée par la Convention européenne des droits de l’homme ?
Avec un peu de recul, les choses deviennent évidentes : ces réfugiés sont les sœurs et les frères des réfugiés espagnols d’hier, des juifs fuyant les pogroms et la barbarie nazie. Ils sont les sœurs et les frères de ces peuples persécutés, martyrs, qui depuis la nuit des temps fuient la guerre.
La question ne doit donc pas se poser. Il faut les accueillir, sans critère de sélection. C’est notre devoir : le devoir de l’Europe, mais aussi du monde – car il ne faut pas exonérer les États d’Amérique du Nord, ou encore les pays du Golfe, d’un devoir d’asile qu’ils assument bien faiblement au regard de leurs grandes responsabilités dans l’état actuel du monde, et tout particulièrement de ces régions meurtrières.
Regardant un reportage, je me suis dit : « peut-on accepter de continuer à laisser mourir ces gens qui traversent la mer ? ». Une proposition, portée par de nombreuses associations, fait son chemin : il faut assurer la sécurité de ces réfugiés, et leur permettre de parvenir jusqu’à nous en échappant aux passeurs.
Chaque enfant, chaque femme, chaque homme qui meurt aujourd’hui est une tâche indélébile dans l’histoire de l’Europe.
Monsieur le ministre, la France doit assumer ses responsabilités et assurer la sécurité de ces migrants.
La directive du 20 juillet 2001, relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées, offre un cadre juridique.
Après l’élan de générosité et de solidarité du début du mois de septembre, des divisions apparaissent au sein de l’Union européenne.
Certains États sont depuis des années le théâtre d’une xénophobie croissante. Leur attitude actuelle n’est donc pas une surprise. Refusant le devoir d’humanité, ils refusent également cette obligation internationale qu’est l’accueil des réfugiés.
Ces États chassent et persécutent d’ailleurs déjà certaines minorités, comme celle des Roms, et « produisent » donc eux-mêmes des réfugiés.
Les valeurs affichées par l’Europe sont donc aujourd’hui bafouées. Il faut sévèrement rappeler à l’ordre ces pays que l’Union européenne a accueillis généreusement. L’attitude du gouvernement hongrois n’est pas acceptable : il édifie des murs, fait adopter à la hâte des lois « anti-réfugiés », et commence à appliquer des sanctions pénales à l’égard de ces hommes et femmes, après avoir matériellement fermé sa frontière avec la Serbie.
Voilà ce qu’il faut dire à M. Orban, ainsi qu’au président slovaque, qui n’accepte que les chrétiens : « Ça suffit, l’Europe ne sera pas celle de la xénophobie ! ». Oui, les frontières doivent être rouvertes dans les plus brefs délais au sein de l’espace Schengen !
En France, la société doit se mobiliser. L’État, monsieur le ministre, doit prendre toutes ses responsabilités. Les communes, par leur dimension de proximité, ont certes un rôle prioritaire à jouer. Mais – dois-je vous le rappeler ? – elles sont aujourd’hui étranglées financièrement, et votre annonce d’une ristourne de mille euros par réfugié accueilli apparaît dérisoire par rapport aux besoins de logement, de scolarisation, d’aide alimentaire par exemple.
Monsieur le ministre, cette crise montre bien les limites des politiques d’austérité.
La solidarité mais aussi la résolution de ces crises, par la reconstruction et le développement, nécessitent un nouvel ordre économique. L’élan de notre pays n’est pas celui qu’il devrait être. Accueillir 24 000 réfugiés en deux ans est bien insuffisant, d’autant que la France est déjà bien en deçà de la moyenne européenne pour l’accueil des demandeurs d’asile.
Nous devons faire plus, car nous pouvons faire plus ! Notre pays, qui est la patrie des droits de l’homme, est aussi la cinquième puissance la plus riche du monde !
Ce manque d’élan permet en outre au Front national de diffuser son discours de haine, qui sème le doute dans les esprits d’un certain nombre de nos concitoyens.
Prétendant que la France ne peut accueillir de réfugiés parce qu’elle « n’en aurait pas les moyens », ce parti joue la concurrence entre démunis, entre réfugiés et citoyens français, en usant de raccourcis biaisés, de propagande et d’intoxication, et en proférant les inepties les plus énormes pour tenter de tirer profit de cette situation dramatique. (M. Stéphane Ravier rit.)
Quand ce parti dit « craindre que l’afflux des migrants ne ressemble aux invasions du IVe siècle, et n’ait les mêmes conséquences », il place, mes chers collègues, les persécutés de Daech au même rang que les barbares...
Cette manipulation grossière de l’histoire doit être dénoncée, tout comme doit l’être cet argument détestable faisant des Syriens des pleutres, qui devraient retourner combattre dans leur pays, comme les Français ont combattu les nazis.
Leur acolyte de Béziers n’est pas en reste. Sa propagande et son slogan – « vous n’êtes pas les bienvenus ici » – sont une honte pour la France.
M. le président. Il va falloir conclure, ma chère collègue.
Mme Éliane Assassi. Certes, notre peuple souffre de la crise ; mais, comme il l’a montré le 11 janvier dernier, il sait se lever pour la justice et pour la solidarité.
C’est ce chemin d’humanité que doivent suivre les démocraties, et non, comme le souhaitent certains, celui qui consiste à profiter de la situation pour remettre en cause le droit du sol.
Cette crise, mes chers collègues, met en évidence la nécessité de combattre l’anarchie libérale. La mondialisation financière, c’est en réalité la mise en concurrence des peuples et des individus ; et, in fine, c’est la guerre.
M. le président. Il faut vraiment conclure !
Mme Éliane Assassi. Cette gestion cruciale des réfugiés place donc chacun devant ses responsabilités. Pour nous, et pour de nombreux progressistes, le développement et la paix sont les clés de l’avenir. Aujourd’hui, ce sont la générosité, la solidarité et l’humain qui doivent primer.
Oui, je l’affirme à cette tribune : bienvenue à tous les réfugiés ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour le groupe du RDSE.
Je vous souhaite la plus cordiale bienvenue au Sénat, cher collègue.
M. Raymond Vall. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.) Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est un moment d’émotion pour moi.
Je remercie Mme Assassi d’avoir évoqué certains moments de l’histoire de France. Cela m’a touché. En tant que fils de réfugié politique – ma famille a fait partie des 500 000 Espagnols qui ont traversé la frontière en 1939 –, je suis très fier d’être à cette tribune aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Monsieur le ministre, j’étais parmi les quelque 700 maires ayant répondu à votre invitation samedi dernier. La réunion a été très réussie, à une réserve près : un élu a fait une intervention inadmissible, qui a d’ailleurs été unanimement dénoncée.
À la sortie, le hasard – mais il n’y a pas de hasard ! – m’a fait croiser son auteur, un célèbre élu du Gard, membre d’un parti qui, comme l’a rappelé Mme Assassi, compte deux représentants dans notre hémicycle. Je n’ai pas pu m’empêcher de l’interpeller pour dénoncer le ridicule et le cynisme de son discours. Je lui ai rappelé que j’étais fils de réfugié politique. Sa réponse, cinglante, m’a laissé pantois : « C’est justement parce que des hommes comme toi vont prendre la place des Français que je me bats ! » (Marques de consternation sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. Stéphane Ravier s’exclame.) J’avoue que je suis resté sans voix. De tels propos n’auraient mérité qu’une seule réaction…
M. Stéphane Ravier. Il faut avoir du courage pour cela !
M. Raymond Vall. Vous avez raison, monsieur le ministre : le sujet ne se prête ni à la communication ni à l’exploitation politique.
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. Raymond Vall. Je conçois que nous soyons dépassés par les événements du Moyen-Orient et que, de ce fait, nous ayons mis du temps à réagir. Mais ce n’est pas à la France de trouver seule des solutions : la réponse doit être européenne. Il est vrai, comme l’a souligné ma collègue, que l’Europe n’a pas toujours été à la hauteur et qu’elle a tardé à répondre.
Pour autant, monsieur le ministre, la réunion que vous avez organisée nous a fait chaud au cœur. Les témoignages que nous avons reçus montrent que la France a réagi. Des maires, des populations, des associations ont pris la mesure du problème, même si c’est peut-être parce que des images terribles ont servi d’électrochoc.
Un certain nombre de mesures ont été proposées, en plus des 1 000 euros d’aide par réfugié. Vous avez annoncé des dispositions concrètes pour mobiliser des logements vacants dans les communes ou augmenter le nombre de centres d’accueil pour demandeurs d’asile. Des programmes ont été lancés. Tout cela s’est mis en place très rapidement.
Comme vous l’avez rappelé, il s’agit là d’une compétence de l’État. Elle s’exercera dans les conditions que vous avez indiquées. Dans ma ville, lors de réunions, on m’a opposé les difficultés de la vie, le chômage, le manque de moyens des collectivités territoriales… Mais tout cela ne doit pas nous exonérer de faire notre devoir, car, ce faisant, nous n’enlèverons rien au reste de la population.
Notre devoir est de nous engager. Vous avez exprimé votre volonté forte de mobiliser les services de l’État aux côtés des collectivités locales, des citoyens, des associations. C’est essentiel.
Les réfugiés vont-ils rester ? Vont-ils partir un jour ? (M. Stéphane Ravier s’exclame ironiquement.) Certains ont évoqué ces hommes et ces femmes qui « fuient ». Pour l’avoir ressenti, je peux en attester : fuir, ce n’est pas de lâcheté ; c’est du courage ! (Mme Éliane Assassi acquiesce.) Il faut le savoir, laisser sa maison, quand elle n’a pas été détruite, ou quitter sa famille, sans savoir si on la reverra un jour, au nom de valeurs qui ne sont peut-être pas les nôtres, mais que nous devons respecter, c’est terrible !
Ces hommes et ces femmes méritent que nous les aidions, dans ce moment absolument abominable de leur histoire : la barbarie a atteint un niveau que nous pensions ne jamais voir.
J’entends les tergiversations ou les hésitations : certains problèmes économiques pourraient nous empêcher de les recevoir... Il faut se souvenir que la situation économique de la France n’était pas non plus particulièrement brillante en 1939. Pourtant, cela n’a pas empêché notre pays d’accueillir des hommes et des femmes qui se sont ensuite impliqués dans la vie économique. Que serait devenue notre agriculture sans les réfugiés espagnols, italiens ou polonais ? Je rappelle enfin que les hasards de l’histoire ont fait que ces hommes et ces femmes, accueillis dans des camps de concentration, ont été parmi les premiers à rejoindre la Résistance, et qu’ils ont participé à la libération de la France !
Mme Annie David. Eh oui !
M. Raymond Vall. C’est tout cela qui fait la force de la France !
Je m’insurge contre ceux qui voudraient porter atteinte à l’image de notre pays, qui est une terre d’asile. Pour moi, notre République, c’est celle de tous les hommes qui ont choisi d’y venir. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Sachez, monsieur le ministre, que nous vous suivrons et que nous vous faisons confiance. Vous pouvez compter sur nous ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans quelques décennies, les historiens, politologues et autres spécialistes n’en croiront pas leurs yeux. L’époque que nous vivons servira à n’en pas douter de contre-exemple à ce qu’il conviendrait d’appeler une « bonne politique ».
D’interventions militaires inopportunes, comme en Irak ou en Libye, en déstabilisations des régimes dits « durs », qui font place à une désorganisation plus grande encore, la communauté internationale a permis l’installation des pires criminels, qui gagnent du terrain en cette triste période.
Des guerres, des exodes, des massacres de réfugiés, nous en voyons depuis longtemps ! Ils se perpétuent sous nos yeux, il faut bien le dire, parfois dans la plus grande indifférence.
Nous avons connu beaucoup de mouvements de masse pour fuir la terreur, la misère, la famine et l’absence d’avenir. La France, avec son droit du sol et ses régimes sociaux, a beaucoup accueilli, parfois plus que ceux qui se donnent le beau rôle aujourd’hui…
Alors, que faire ? Certainement pas une politique du coup par coup ou de l’aller-retour ! L’Allemagne, après avoir donné le sentiment d’ouvrir les bras à tout le monde, les a très rapidement refermés, non sans avoir provoqué un appel d’air dont nous ne mesurerons pas encore les conséquences.
En dépit de la complexité des facteurs à l’œuvre, ce qui semble indiqué, c’est une politique globale !
Il faut d’abord combattre la folie. Cela doit être le fait d’une coalition internationale, et non d’un pays seul. Il faut combattre dans les airs et sur le terrain. La barbarie se combat par la guerre, qui doit permettre de reconquérir les terres et de les libérer des bourreaux. La fuite des populations arrange Daech, car elle déstabilise grandement l’Europe, mais aussi parce qu’elle donne à ces groupes la liberté de s’organiser comme ils le souhaitent.
Il faut ensuite organiser, sous contrôle de la coalition, des zones sécurisées, directement sur place ou régionalement, afin de ne pas fragiliser les pays les plus proches, comme le Liban et la Jordanie.
Enfin, il faut avoir une politique humanitaire qui tienne compte de la capacité d’accueil de chaque pays, et non des quotas imposés par les uns contre les autres.
Toute autre politique sera vaine et inefficace. Elle entraînera des rejets dont nous n’avons sûrement pas besoin actuellement sur le plan intérieur.
Il est irresponsable de faire croire que l’accueil de réfugiés par millions dans certaines communes ou certains pays n’aurait pas de conséquences. On voit mal comment nos concitoyens accepteraient sans réagir une augmentation non maîtrisée de la capacité d’accueil dans des départements où le taux de chômage est élevé et où la dépense sociale atteint des seuils insupportables.
Mes chers collègues, je souhaite qu’une politique globale soit mise en œuvre ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour le groupe de l'UDI-UC.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’urgence de la situation place l’Europe au pied du mur.
La réponse humanitaire que l’Union européenne pourra apporter en accueillant des réfugiés sur son sol, aussi humaine et digne soit-elle, ne s’attaque pas aux causes de l’exode massif.
Seuls un règlement politique des crises syrienne et irakienne et la disparition de Daech constitueront une solution pérenne et permettront aux millions de Syriens ayant fui vers le Liban, la Jordanie, la Turquie, l’Égypte, l’Irak et l’Europe de retourner dans leur pays.
Comme l’a rappelé le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, dans son discours sur l’état de l’Union, l’heure n’est plus aux atermoiements face à l’urgence et aux dangers. Nous parlons d’êtres humains. Il s’agit de sauver des vies.
La crise résulte d’un contexte international d’une gravité exceptionnelle. Elle appelle une réaction internationale d’ampleur. La communauté internationale doit agir avec fermeté pour éradiquer Daech, afin de pacifier et de reconstruire cette région du monde, et organiser la coalition nécessaire pour atteindre rapidement cet objectif.
Indépendamment de ces conflits, nous sommes aussi appelés à traiter avec humanité les migrations provoquées par la pauvreté et le réchauffement climatique en Afrique.
Certes, la principale cause de l’exode actuel est bien évidemment le conflit dont nous débattons ce soir. Il ne faut toutefois pas occulter le fait que les réfugiés économiques ou climatiques viendront vite grossir les rangs des candidats à l’immigration sur le continent européen si nous ne sommes pas capables de mener une véritable politique de codéveloppement, à l’instar de celle que propose la fondation de Jean-Louis Borloo pour l’électrification du continent africain.
Je rappelle que l’Afrique compte 2 milliards d’habitants. Comment pourraient-ils ne pas songer à venir un jour chez nous s’ils ne sont pas capables de subvenir à leur propre développement ? Accompagnons-les dans le cadre d’un partenariat qui constituerait à tous points de vue une richesse ! D’une part, ce serait valorisant et gratifiant humainement pour les habitants de l’Union européenne. D’autre part, cela favoriserait des échanges économiques entre nous et un continent qui ne demande qu’à se développer ; encore faut-il lui en donner les moyens de façon pérenne.
Un fonds de 1,8 milliard d’euros existe, mais ce n’est pas de cela dont nous avons besoin. Il nous faut plutôt une véritable stratégie qui s’inscrive dans la durée, avec des axes très précis. Il convient d’aller bien plus loin que nous ne le faisons aujourd'hui. À défaut, nous ne parviendrons pas à résoudre les difficultés qui se présenteront très vite à nous demain. Bien sûr, nous le savons tous, nous devrons mettre l’accent sur l’énergie durable, faire attention aux enjeux climatiques et veiller à la protection de l’environnement. Accompagner l’Afrique dans cette voie nous permettra peut-être d’éviter le deuxième écueil qui se trouve devant nous.
Pour ce faire, notre horizon ne peut être seulement national. C’est en étant tous unis et dans l’Europe, et non au sein d’une Europe qui se disloquerait, que nous parviendrons à construire les nouveaux équilibres de la planète et à gérer les crises qui nous attendent.
L’afflux de réfugiés est un test majeur pour les pays européens, qui révèle une fois de plus les fractures d’une Europe divisée, à l’inverse de ce qu’elle devrait être. Comment mettre en place une politique européenne d’accueil des réfugiés quand 85 % des demandes se concentrent sur cinq pays ?
Le 9 septembre dernier, le président de la Commission européenne a évoqué des pistes intéressantes dans son discours sur l’état de l’Union. Il est indispensable d’établir une liste commune de pays d’origine sûrs à l’échelon européen afin d’unifier les politiques d’asile et de clairement distinguer les pays dont les ressortissants ont besoin d’une protection des autres, qui, eux, doivent repartir. Une telle initiative permettrait également de faire le point sur l’immigration en provenance de certains pays des Balkans, car la plupart des demandes ne relèvent pas de l’asile.
Le mécanisme de relocalisation permanent et contraignant est quant à lui soutenu par l’Allemagne et par la France. Que chacun des pays d’Europe prenne sa part dans l’accueil des réfugiés est une mesure d’équité et de raison. Pour être acceptable par nos concitoyens, l’effort doit être partagé par tous. Une nouvelle réunion du Conseil « Justice et affaires intérieures » est programmée après l’échec de celle du 14 septembre dernier. Espérons qu’un accord pourra rapidement être trouvé, car il est seul à même de conforter la solidarité européenne.
Le groupe UDI-UC soutient la proposition franco-allemande de créer des centres d’enregistrement, ou hot spots, installés dans les pays d’arrivé – en particulier en Grèce, en Italie, en Hongrie – afin de contrôler l’identité et le statut des migrants, de distinguer dès leur entrée dans l’Union européenne les immigrés économiques des personnes à protéger, et de répartir les contingents de réfugiés entre tous les pays de l’Union.
Cette proposition pourrait être une partie de la solution, à condition de ne pas transformer ces centres en zones de non-droit et de reproduire ce qui s’est passé à Calais. Il faudra intervenir très rapidement – à cet égard, l’OFPRA, ou d’autres, me paraît un outil adapté – afin d’empêcher des embouteillages, lesquels ne manqueraient pas, très vite, de créer des conditions inhumaines et d’entraîner des débordements susceptibles de faire exploser l’initiative.
Les pistes énumérées par l’Europe démontrent, s’il le fallait, combien il est important d’harmoniser la politique d’asile à l’échelon européen. Si nous ne sommes pas prêts à confier les rênes de cette politique à une agence européenne, du moins faudra-t-il que nous révisions le contenu du règlement de Dublin sur le premier accueil et que nous renforcions activement nos actions en matière de politique étrangère, ainsi que notre aide en direction des pays les plus touchés par les conflits.
Pour nous, centristes, la solution ne peut passer que par plus d’Europe et par une solidarité partagée entre tous les pays. C’est la deuxième étape.
Troisième et dernière étape : c’est au niveau national que la solidarité avec les réfugiés doit s’organiser. Aujourd'hui, nous sommes prêts à faire la preuve dans cette crise que le cœur et la raison peuvent cohabiter.
La nouvelle loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile nous donne des moyens nouveaux et permettra de réduire les délais d’examen des demandes. L’OFPRA peut désormais statuer en priorité sur les demandes manifestement fondées, et de manière accélérée pour écarter les demandes injustifiées. Par ailleurs, cette loi permet de lutter contre les filières grâce à l’orientation directive des demandeurs, d’accorder de meilleures garanties aux personnes accueillies et de prévoir une répartition des demandeurs d’asile.
Il revient maintenant à l’État de faire en sorte que la loi puisse être appliquée rapidement, fermement et avec efficacité, car notre dispositif est actuellement « embolisé » par des demandes qui ne relèvent pas de l’asile. Notre capacité à accueillir des réfugiés serait bien plus importante si les personnes déboutées du droit d’asile étaient effectivement reconduites aux frontières – vous l’avez rappelé comme nous tous, monsieur le ministre. Cette année encore, sur 65 000 demandeurs d’asile – soit le volume moyen annuel –, seules 20 000 personnes ont obtenu le statut de réfugié. Au total, 40 000 demandes ont donc été rejetées.
Puisque la France accueillera 24 000 réfugiés de plus, l’État doit prendre à bras-le-corps le problème du raccompagnement aux frontières des 40 000 personnes déboutées du droit d’asile chaque année. Celles-ci n’ont pas obtenu de statut, mais elles restent très majoritairement sur le territoire national, où elles s’agrègent d’année en année. Or elles ne sont ni menacées ni persécutées dans leur pays d’origine. Ce n’est pas que nous n’en voulons pas, ce n’est pas que nous sommes inhumains, mais de vrais réfugiés attendent.
J’insiste d’autant plus sur ce point qu’il ne faudrait pas non plus que les Français qui souffrent s’opposent à l’accompagnement et à l’accueil des réfugiés. Il est essentiel que nous puissions montrer à tous les Français que notre pays est aujourd'hui capable d’accompagner ceux d’entre eux qui ont des difficultés en matière d’emploi ou de logement grâce à des politiques de solidarité. On peut faire notre devoir et accueillir des réfugiés, à condition que la loi soit appliquée.
Nous savons qu’il sera difficile de raccompagner aux frontières tous ceux qui sont présents sur le territoire national depuis quelques années, mais nous devons essayer. Il est primordial que nous arrivions à mettre en œuvre des dispositifs tels que le centre dédié d’accompagnement vers le retour, qui fait ses preuves dans l’Est où il est expérimenté, et que nous répartissions sur l’ensemble des territoires régionaux les outils permettant de mieux accompagner les réfugiés et d’accélérer l’instruction des dossiers des personnes devant retourner dans leur pays. Il est en effet plus simple de dire tout de suite à une famille, quand son dossier est instruit en trois mois grâce à la procédure accélérée, qu’on va lui donner les moyens de rentrer dans son pays d’origine que de le faire trois ans après !
Bref, l’OFPRA ne doit pas être concentré à Paris, il doit être régionalisé dans les territoires. Quand l’OFPRA va à Lyon ou à Metz, il parvient à traiter 500 à 600 dossiers en quinze jours alors qu’il lui faudrait sans doute deux ans pour le faire en restant à Paris.
M. le président. Veuillez conclure !
Mme Valérie Létard. Des outils sont disponibles. Nous avons entre nos mains tous les moyens pour relever le défi qui se présente à nous : accueillir les réfugiés avec humanité, conformément à la convention de Genève. Encore faut-il, monsieur le ministre, que l’État, je le répète, mette en œuvre la loi avec fermeté et sans attendre. C’est aujourd’hui ce qui nous fait défaut ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, messieurs les ministres, nous assistons depuis quelques jours à une espèce de surenchère. Qui a l’air le plus ferme ? Qui a l’air d’avoir du cœur ? Comme si l’un était exclusif de l’autre, comme si d’un coup, dans la société française pourtant si fragile, la vérité était simple, claire, unique, uniforme. Personnellement, je ne le crois guère…
Il a beaucoup été question du droit d’asile, que d’aucuns ont présenté comme un principe républicain. Or je rappelle que la Monarchie de Juillet a reçu les réfugiés polonais après la révolte de 1830 et que Napoléon III, durant le Second empire, a accueilli les Carbonari italiens avant l’unification de l’Italie ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce n’est pas la République qui leur a offert l’hospitalité. Le droit d’asile est une tradition nationale, c’est la France dans ses profondeurs, indépendamment des régimes politiques ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pour nous tous, l’asile est un droit imprescriptible pour les personnes qui connaissent la douleur, la souffrance, la persécution. La République ne l’a d’ailleurs pas toujours bien pratiqué, quels que soient les gouvernements et leur couleur politique. Mme Esther Benbassa a ainsi rappelé qu’en 1938 le gouvernement français avait refusé de recevoir les réfugiés juifs d’Allemagne. En 1939, c’est dans des camps d’internement que la République a accueilli les Républicains espagnols sur lesquels nous avons entendu un témoignage très émouvant. Ce n’est guère glorieux ! Nous n’avons pas été exemplaires dans le passé au point d’en tirer des leçons.
Monsieur le ministre, personne ne vous dit qu’il faut refuser l’asile aux réfugiés. Personne non plus ne nie la réalité de la guerre. Nous ne sommes ni sourds ni aveugles, nous suivons tous les informations à la radio et à la télévision.
Mais les choses ne sont pas si simples. Le Gouvernement, comme les représentants parlementaires, quelle que soit leur appartenance politique, sont certes en charge du droit d’asile, mais ils sont surtout en charge de la société française, de la France et des Français. L’un n’est pas exclusif de l’autre, mais la question se pose : comment préserver l’unité de la nation, le tissu et l’équilibre social sans rester non plus aveugle au drame ? Il faut satisfaire ces deux exigences, faute de quoi nous risquerions d’exclure une part de la nation…
Monsieur le ministre, il n’est pas indécent de rappeler que la situation économique et sociale de la France est plus difficile que celle de notre voisin outre-Rhin. En 2014, l’Allemagne comptait 1,5 million d’emplois non pourvus contre 250 000 pour la France. L’Allemagne a également une natalité différente – c’est le moins que l’on puisse dire – et des ressources financières différentes. L’Allemagne ne présente pas non plus le déficit français. L’Allemagne n’est pas dans la situation sociale qui est celle de notre pays. L’Allemagne dans le passé, même si la situation est différente depuis quelques années, et le reste de l’Europe n’ont pas consenti les mêmes efforts que nous en matière d’immigration. La France a en effet reçu un certain nombre d’immigrés, qui étaient non pas des réfugiés politiques ou des réfugiés de guerre, mais simplement des immigrés économiques en provenance d’anciennes parties de l’empire et fuyant la misère ou les difficultés. Il ne s’agissait pas alors de droit d’asile.
Je suis d’accord avec ce qu’ont dit très justement plusieurs orateurs, à l’instar de mon amie Valérie Létard : il faut d’abord régler le problème de la guerre. Monsieur le ministre, vous avez été polémique à la fin de votre intervention et essayé de nous mettre en difficulté sur Schengen. À cet égard, dois-je vous rappeler les déclarations de Pierre Joxe hier ou celles d’un certain nombre de députés socialistes ? M. Malek Boutih a notamment tenu des propos qui ne vont pas exactement dans le sens du Gouvernement, preuve qu’on se pose des questions à gauche comme à droite.
Lorsque nous avons examiné la loi relative à la réforme du droit d’asile, vous nous avez annoncé que la France devrait accueillir 9 000 réfugiés en deux ans. Depuis, les choses ont changé. L’Europe nous demande aujourd’hui d’accueillir 24 000 migrants. Soyons réalistes ! Il est désormais question non plus de quotas, mais d’un « mécanisme permanent de répartition » des réfugiés. Or le vice-chancelier allemand a déclaré devant l’assemblée allemande il y a quelques jours que la répartition des 160 000 réfugiés n’était qu’un premier pas et qu’il faudrait procéder à une deuxième puis à une troisième répartition dans les six à neuf mois à venir.
Le Premier ministre a annoncé qu’il faudrait 230 millions d’euros pour accueillir 24 000 personnes. Par conséquent…
Mme Michelle Demessine. C’est de la logique comptable !
M. Roger Karoutchi. Pardon, mais il s’agit de l’impôt des Français !
Mme Éliane Assassi. C’est bas !
M. Roger Karoutchi. Puis-je continuer à m’exprimer ? Je n’ai interrompu personne, et pourtant…
Le Premier ministre a déclaré qu’il faudrait finalement 600 millions d’euros en deux ans pour accueillir les réfugiés. Pourquoi pas ? Le problème est qu’il table sur 24 000 réfugiés. Or si dans le cadre du mécanisme de répartition, nous devions finalement accueillir 50 000, voire 70 000 personnes, il faudra bien dire à la représentation nationale où vous prendrez l’argent. Cet élément n’est pas dirimant, mais la représentation nationale doit le connaître. Le débat budgétaire aura bientôt lieu, et nous voudrions en savoir plus, monsieur le ministre.
D’ailleurs, les Républicains, ces gens qui, par définition n’ont pas de cœur (Sourires), avaient demandé publiquement, au mois de juillet, pourquoi le Parlement n’était pas convoqué en urgence au vu de l’afflux massif de réfugiés et des décisions qui étaient prises. On nous convoque parfois pour des choses sans intérêt. Cela valait peut-être la peine, même en plein mois d’août, d’organiser un débat au Sénat ou à l’Assemblée nationale sur ce sujet.
J’avais également proposé la tenue d’une table ronde avec tous les partis d’opposition autour du Gouvernement. Sur de tels sujets, on peut parler, on peut expliquer les difficultés de chacun, on peut trouver des solutions.
Ainsi, j’ai entendu quelqu’un dire – je ne dirai pas qui – qu’il faudrait accueillir 15 000 ou 20 000 personnes en Île-de-France. Or j’ai écrit un rapport il y a peu sur l’hébergement : en Île-de-France, il n’y a plus une place dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile ou dans les centres d’hébergement d’urgence. On a déjà procédé à des réquisitions… (M. Didier Guillaume s’exclame.) En Île-de-France, il n’y a pas de place !
Vous-même, d’ailleurs, monsieur le ministre, disiez en juin qu’il faudrait évidemment procéder à une nouvelle répartition territoriale des demandeurs d’asile, parce que la situation n’est pas tenable. Ne le niez pas ! Votre projet de loi sur ce sujet prévoit d’ailleurs une nouvelle répartition. À l’heure actuelle, entre 40 % et 50 % des demandeurs sont en Île-de-France, même si d’autres centres existent, notamment – François-Noël Buffet le sait bien – dans la région lyonnaise.
En vérité, monsieur le ministre, il ne faut pas opposer aujourd’hui ceux qui ont du cœur et ceux qui n’en ont pas. Il faut plutôt se demander où en est la société française. Le Premier ministre a tenu il y a quelques jours des propos similaires aux vôtres, non pas sur le sujet des réfugiés, mais de manière plus globale : selon lui, la société française est fracturée, fragilisée.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Roger Karoutchi. C’est vous qui le dites, pas nous ! Dans le même temps, vous défendez l’accueil des réfugiés, affirmant qu’il n’y a pas de souci ! Je peux comprendre les réactions humaines généreuses, mais la responsabilité première du Gouvernement est l’équilibre. Il vous faut dire ce que vous voulez faire pour les Français et comment vous pensez qu’une arrivée massive …
Mme Nicole Bricq. Elle n’est pas massive !
M. Roger Karoutchi. … serait ressentie, assimilée par l’ensemble de la population française !
Sincèrement, il n’y a pas d’opposition. Je ne connais pas un Français qui m’ait dit n’en avoir rien à faire et n’avoir ressenti aucune émotion particulière à la vue des images du petit garçon noyé. Personne, apprenant que des bateaux coulent, ne répond : ce n’est pas mon problème !
En revanche, bien des Français, bien des élus me disent ne pas y arriver, faute de logements sociaux, alors que les demandes s’accumulent et que certaines datent d’il y a deux, cinq, dix ans : il n’y a pas de moyens, pas de capacités financières, alors où va-t-on ? Il faut tout de même dire les choses telles qu’elles sont ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Vous jouez dans la même cour que le FN !
M. Roger Karoutchi. Je n’ai interrompu personne ; vous avez le droit d’avoir vos convictions, j’affirme les miennes et je crois savoir que l’opinion publique est plutôt de mon côté.
Les choses sont claires, monsieur le ministre. Le discours du Gouvernement a d’ailleurs beaucoup évolué, tant sur l’accueil que sur la réaction européenne ; je vous entends bien.
J’entends beaucoup d’incantations, de : « il faut ! » – il faut que l’Europe soit unie ! –…
Mme Éliane Assassi. On a bien fait l’Union !
M. Roger Karoutchi. C’est facile à dire ! Il faut le dire aux Polonais, aux Hongrois, aux Slovaques, aux Tchèques…
Mme Nicole Bricq. Ils n’ont pas la même histoire !
M. Roger Karoutchi. Quoi que vous disiez, leur opinion ne changera pas pour autant. L’Europe, ce sont des États, et les États peuvent dire non. Une réunion de concertation entre gouvernements européens vient d’ailleurs d’échouer. Une autre va avoir lieu, mais je crois avoir compris, d’après les déclarations des Polonais et des Slovaques, que leur détermination à parvenir à un consensus n’est pas plus forte que la fois précédente.
Alors, que va-t-on faire ? Quand on parle d’un « Schengen II », cela vous fait sourire, monsieur le ministre, mais la vérité, c’est que Schengen finira par exploser complètement. On argue que Schengen autorise le contrôle partiel, temporaire, des frontières. C’est vrai, mais enfin, lorsque chaque État en viendra, chacun de son côté, à contrôler telles portions de ses frontières, pour telle période, il faudra bien reconnaître que le système ne fonctionne plus, de tels contrôles devant rester exceptionnels. La situation présente est fort différente !
Si le système explose, monsieur le ministre, il faudra bien trouver une autre solution et refonder Schengen sur des éléments permettant à tous de se mettre d’accord. Cela vous déplaît qu’on le dise, mais c’est la vérité !
Bien des ministres allemands regrettent aujourd’hui d’avoir créé un appel d’air et avouent ne plus très bien savoir comment faire à présent. Ils ont certes eu raison de s’interroger et de finalement changer leur ligne, mais l’appel d’air a eu lieu. On a beaucoup pleuré, et à raison, et on a beaucoup critiqué la situation en Méditerranée : or maintenant, on a la voie balkanique… La Croatie vient d’annoncer qu’elle était devenue une nouvelle voie terrestre, puisque les autres fermaient. Chacun se demande ce qui se passe, les Français les premiers. On a le sentiment que l’Europe est en train d’exploser sous nos yeux…
Dans ces circonstances, le Gouvernement français évolue avec la situation, ce qui est normal, mais il ne rassure pas vraiment les Français sur ses intentions exactes. 24 000 réfugiés ? Personne n’y croit ! Alors donnez-nous d’autres éléments ! Donnez votre accord pour l’installation de centres à la périphérie de l’Europe ou des zones de guerre. On pourrait y regrouper les demandeurs d’asile, y envoyer des officiers de l’OFPRA pour étudier leurs demandes et ne faire venir qu’après ceux qui seraient admis.
Certes, on peut refuser d’accorder le droit d’asile à des migrants alors qu’ils sont déjà présents sur le territoire national, mais il est ensuite difficile de les raccompagner aux frontières. En la matière, nous sommes très loin du compte, même si je ne conteste pas, monsieur le ministre, que vous faites un effort. Alors qu’il faudrait reconduire entre 40 000 et 50 000 personnes aux frontières, seules 15 000 sont effectivement raccompagnées. Votre effort n’est évidemment pas suffisant, et il le sera d’autant moins si l’on doit recevoir massivement des demandeurs d’asile et des réfugiés.
En somme, monsieur le ministre, oui, il faut refonder Schengen, oui, il faut une autre attitude européenne, oui, il faut l’autorité de l’État, oui, il faut que le Gouvernement français rassure les Français,…
M. Didier Guillaume. Très bien, c’est ce qu’il fait !
M. Roger Karoutchi. … oui, il faut enfin maintenir l’équilibre social qui est aujourd’hui menacé en France. (Mme Nicole Bricq proteste.) Vous l’avez dit vous-même dans plusieurs de vos interventions dans les mois passés : la société française est effilochée et fragilisée, et nous sommes économiquement et socialement dans une situation très difficile.
Non – et ce n’est pas moi qui le dis mais bien, à ce qu’il paraît, des gens de gauche – : nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde.
Mme Catherine Génisson. La citation est tronquée !
M. Roger Karoutchi. Oui, nous avons le devoir d’accueillir ceux qui souffrent et sont persécutés, mais le Gouvernement a aussi un devoir d’équilibre : il doit aussi respecter la volonté des Français et surtout, d’abord et avant tout, l’unité de la nation ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, je tiens à remercier le Gouvernement d’avoir organisé ces débats à l’Assemblée nationale et au Sénat. Ils portent sur une situation dont tout le monde reconnaît le caractère gravissime. Il est donc bon que la représentation nationale soit consultée et informée à ce sujet. Votre intervention a été claire, monsieur le ministre, et je ne doute pas que les réponses que vous apporterez à nos collègues le seront tout autant.
Nous constatons tous que la société est effilochée et fracturée, et que les Français doutent, mais c’est justement parce que la société est dans cet état que nous devons être non pas des commentateurs de la situation, mais bien des acteurs… (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Nous devons tracer la voie et indiquer là où nous voulons aller !
Le débat a été serein et tranquille ; des opinions totalement différentes se sont exprimées : telle est la force de notre assemblée.
Permettez-moi d’évoquer quelques arguments, quelques convictions qui fondent l’action que le groupe socialiste et républicain souhaite mener.
Nous sommes aujourd’hui partagés entre fierté et honte.
Je suis, nous sommes fiers de la France, fiers de notre pays, fiers de l’idéal que nous portons et qui va conduire la France à accueillir des réfugiés.
Je suis fier de ces Français anonymes qui s’engagent dans leur municipalité en disant : « Nous voulons faire un acte de solidarité et accueillir dignement ceux qui fuient les massacres et la barbarie. »
Oui, nous pouvons être fiers de ces maires et de ces communes solidaires : ils se sont immédiatement engagés, sans faire de comptabilité, sans savoir si 1 000 ou 2 000 euros, ce sera trop ou pas assez. De fait, la vie de femmes et d’hommes étant en jeu, nous ne pouvons pas nous comporter comme des experts-comptables, nous devons faire preuve d’humanité. Je le répète : nous pouvons être fiers de ces communes et de ces maires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Nous pouvons également être fiers de notre république qui, tout au long de son histoire, n’a jamais hésité à accueillir les réfugiés politiques chassés de leurs pays par les guerres ou les dictatures. Oui, mon cher Raymond Vall, nous sommes fiers d’avoir accueilli des réfugiés espagnols ; les conditions étaient peut-être difficiles, mais vous êtes là et vous êtes aussi la force de notre pays.
Nous pouvons être fiers d’avoir accueilli les boat people…
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout à fait !
M. Didier Guillaume. Rappelez-vous cette période, cette migration immense qui a coloré notre pays.
De la même façon, nous sommes fiers d’avoir accueilli les Arméniens qui fuyaient le génocide de 1915, et que leurs enfants et petits-enfants vivent aujourd’hui en France. Je veux tous les saluer. J’ai également une pensée pour Charles Aznavour, qui, hier soir, à 91 ans, a débuté son concert par sa chanson Les Émigrants, en l’expliquant et en argumentant en faveur de l’accueil des réfugiés.
Quand on est Arménien, réfugié espagnol, petit-fils de boat people, ou un simple républicain ayant la république chevillée au corps, quand on aime la France, on ne se demande pas où nous en sommes, on se dit que, oui, on a le devoir d’accueillir les immigrés, même si cela est compliqué !
Ce sentiment de fierté, nous pouvons tous le partager.
Cela étant dit, et je le dis très tranquillement, très sereinement, nous éprouvons aussi un sentiment de honte. Cette honte, nous l’assumons aussi.
J’ai honte de ce que certains responsables politiques français ont dit. Pour des raisons peut-être objectives, ou tout simplement par posture politicienne pré-électorale, ils s’engagent sur des voies qui ne sont pas dignes de notre nation et de notre république. S’appuyant sur les instincts et les peurs les plus vils, ils veulent choisir les réfugiés en fonction de leur engagement communautaire, de leur religion... Or le droit d’asile ne se découpe pas entre religions ! Il est un et indivisible, comme vous l’avez bien dit, monsieur le ministre.
J’ai honte pour ceux qui comparent l’afflux de réfugiés aux invasions barbares ! Mais enfin, quelle est cette comparaison, et de qui se moque-t-on ?
Je suis abasourdi par la position de certains maires, mais c’est leur choix le plus complet, ils sont responsables dans leur mairie.
Je suis effaré qu’un ancien ministre, un élu de haut rang, ayant lui-même des origines étrangères, ait pu, même si c’était sur le ton de la boutade, et même s’il s’est ensuite excusé, dire ce qu’il a dit sur l’Allemagne, les juifs et les Arabes. Le seul fait qu’il l’ait pensé montre bien que la bête immonde surgit de nouveau dans certains cerveaux. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Il a raison !
Mme Isabelle Debré. Ne commentons pas !
M. Didier Guillaume. Je suis tout aussi effaré lorsque j’entends un autre responsable politique comparer l’arrivée des immigrés à une fuite d’eau dans une cuisine.
Si je respecte les positions et les convictions des uns et des autres, je pense que de tels propos entretiennent le doute, la fracture, les divisions et sont source de problèmes.
Mme Éliane Assassi. Bien sûr !
M. Didier Guillaume. J’en viens maintenant aux propositions que nous souhaitons faire. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) Oui, nous en ferons quelques-unes, alors que je n’en ai pas toujours entendu de votre part !
Les propos que je viens de rapporter ne sont pas notre France et ne correspondent pas à notre modèle républicain. Il faut le dire, l’Europe – et la France dans l’Europe – est face à son destin, elle se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire. Cette Europe qui s’est construite au fil des années, qui s’est regroupée, élargie – parfois avec difficultés –, cette Europe dont doutent nombre de nos concitoyens – le référendum de 2005 l’a montré, les dernières élections européennes l’ont confirmé –, cette Europe doit agir, et agir vite, sinon elle sera débordée.
Je tiens à remercier le Gouvernement d’avoir octroyé des moyens supplémentaires à l’OFPRA.
Nous accueillons tous les réfugiés, c'est-à-dire tous ceux qui peuvent bénéficier du droit d’asile. En revanche, comme vous l’avez très bien souligné, monsieur le ministre, il faut reconduire à la frontière ceux qui n’ont pas à être dans ce pays. Nous devons le dire très clairement. Nous parviendrons d’autant mieux à le faire, mes chers collègues, que ce Gouvernement s’est donné les moyens de procéder à ces reconduites à la frontière, après les baisses d’effectifs et de budget, après la casse dans le service public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. Oui !
M. Didier Guillaume. Est-ce assez ? Peut-être pas, mais il faut avancer.
Sur ce sujet, rassemblons-nous, refusons l’opposition stérile, car c’est de femmes et d’hommes qu’il s’agit. Tout le monde a été ému par la photo de ce petit garçon sur la plage. Pourquoi son père, son oncle et son grand-père n’auraient-ils pas le droit de venir en France, s’ils peuvent bénéficier du droit d’asile ?
La France doit agir avec humanisme et fermeté, mais sans naïveté. C’est ce que fait le Gouvernement. Comme l’a confirmé le ministre de l’intérieur, le droit d’asile est un droit fondamental. En outre, depuis que le Sénat a voté très largement la loi relative à la réforme du droit d’asile, nous avons les moyens d’aller un petit peu plus loin.
Je le répète, pour l’Europe, cette situation constitue un tournant. Elle la met face à elle-même.
Mes chers collègues, même si c’est difficile, il faut que la France, par les voix de son Président de la République, de son Premier ministre et de son ministre de l’intérieur, affirme, dans les Conseils « Justice et affaires intérieures » et dans les Conseils européens, que l’Europe entière doit s’organiser, que Schengen n’est pas mort, que l’Europe est forte de son histoire. Si à chaque fois qu’une difficulté surgit, on casse le thermomètre, comment avancer ?
Mettre en place des hot spots, comme cela a été évoqué, permettra de contrôler l’arrivée de migrants à l’extérieur des frontières de Schengen. En revanche, tout migrant en situation régulière et bénéficiant du droit d’asile à l’intérieur de l’espace Schengen peut rester en Europe et repartir dans son pays dès qu’il le décide. Il s’agit là de principes fondamentaux, et c’est pour cela que l’Europe doit s’organiser.
Le Président de la République a annoncé la tenue d’un sommet mondial sur ces sujets. La France seule, l’Europe seule ne pourront pas y arriver : il faut discuter avec les Russes, avec l’Iran, avec les États-Unis. Il faut se réunir pour affronter ensemble la question de la guerre en Syrie, des camps de réfugiés au Liban et en Turquie.
Il ne faut pas faire preuve d’aveuglement ; il faut au contraire ouvrir les yeux.
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Didier Guillaume. Imaginons ce qui serait arrivé si nous avions suivi ceux qui étaient favorables au Grexit, c’est-à-dire à la sortie de la Grèce de l’Europe : qu’en serait-il des réfugiés aujourd’hui ? Il faut donc toujours raison garder et chercher à relever les défis, même quand c’est difficile. C’est ce que fait le Gouvernement.
Federica Mogherini, la Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a eu raison de poser la question en ces termes : « Si nous refoulons les réfugiés, quel message envoyons-nous au monde ? » Oui, quel message, mes chers collègues ?
La France et l’Europe sont attendues à l’échelon international et doivent avancer. Il faut que les chefs d’État et de gouvernement prennent des décisions.
Les murs et les barbelés n’empêcheront pas les migrants de passer. Cet afflux est terrible et nous savons que nous devons lutter contre les filières clandestines : un tel travail est indispensable. Il faut lutter contre les passeurs, les punir, renvoyer chez eux ceux qui n’ont rien à faire ici, mais accorder le droit d’asile à ceux qui fuient leur pays en guerre et les accueillir.
Je conclurai en rappelant quelques idées simples.
L’arrivée des réfugiés ne changera pas la nature de notre pays, pas plus qu’elle ne remettra en cause notre système social ou ne mettra à mal notre équilibre social. Il faut cesser de faire peur.
Les Français ont compris qu’ils pouvaient accueillir ces réfugiés. Il faut maintenant que tout le monde s’y mette : l’État – il prend ses responsabilités –, les associations, les communes, les élus locaux. Il faut également remercier celles et ceux qui tissent cette toile pour réussir à accueillir les réfugiés.
Monsieur le ministre, je tiens à vous saluer très chaleureusement. Aujourd’hui, grâce à votre hauteur de vue, vous montrez votre capacité à vous saisir de l’ensemble de ces dossiers. Vous représentez la France au plus haut niveau et nous pouvons être fiers de votre présence à ce poste. Je vous le dis avec beaucoup de simplicité, et beaucoup de nos collègues le pensent : vous êtes notre fierté, car vous êtes un véritable républicain, vous défendez la France et avez une vision d’ensemble des actions à mener. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Murmures ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Notre pays a besoin de confiance, pas de suspicion. Il convient de rappeler des principes simples, notamment qu’il faut faire preuve de fermeté face à l’immigration irrégulière. Pour obtenir des résultats, il faut des moyens. Pour être accepté, l’accueil des réfugiés doit être maîtrisé, nous pouvons tous nous accorder sur ce point ; telle est la volonté de ce Gouvernement et de sa majorité. Mes chers collègues de l’opposition, vous ne cessez de répéter que ce n’est pas le cas ; j’espère que le ministre de l’intérieur vous communiquera des chiffres dans quelques instants.
Il faut aussi de la cohérence dans les discours. On ne peut pas céder à tous les populismes, à toutes les démagogies. Ce n’est pas parce que la situation est difficile qu’il faut dire aux Français ce qu’ils veulent entendre. Il nous faut réaffirmer nos valeurs fondamentales tout en répétant que, dans la difficulté, nous ferons en sorte d’assurer l’égalité de tous les ressortissants et de tous les Français sur notre sol.
M. Karoutchi a raison, maîtriser la situation n’est pas simple. C’est la raison pour laquelle plus nous serons rassemblés, mieux nous y parviendrons. Cela suppose un engagement inlassable du Président de la République, du Premier ministre et du Gouvernement tout entier à l’échelle européenne. La réponse passera par là.
Nous devons rester fidèles à la France, à son histoire et à ses valeurs. Nous avons évoqué tout à l’heure tous ceux qui sont venus en France. L’Europe a été une terre d’accueil, un exemple pour l’ensemble des populations du monde.
Oui, nous voulons continuer à être ce que nous sommes et ne pas changer. Oui, nous voulons réaffirmer des principes simples, notamment que la liberté, l’égalité et la fraternité sont les valeurs fondamentales et cardinales de notre pays. Oui, nous voulons affirmer clairement que la France a un rôle à jouer dans l’Europe. C’est pourquoi, monsieur le ministre, le groupe socialiste et républicain soutient l’action du Gouvernement, en particulier la vôtre, dans ce moment très difficile.
Certains déplorent que le Gouvernement évolue.
Mme Sophie Primas et M. Alain Joyandet. Il a changé d’avis !
M. Didier Guillaume. Il évolue parce que la situation elle-même évolue. Certains discours qui ont été tenus ici même l’année dernière ne le seraient plus aujourd'hui. C’est parce que la situation devient terrible, dramatique, que le Gouvernement a raison d’évoluer.
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Didier Guillaume. Il le fait en conservant ses valeurs, ses orientations. Il a également raison d’affirmer que, grâce à l’action des politiques européennes et nationales, nous parviendrons, à l’intérieur de l’espace Schengen - cette zone ne doit pas être balayée, elle doit être un lieu de prospérité –, à la fois à accueillir les réfugiés dignement, à défendre et à promouvoir nos valeurs et à faire en sorte, demain, de régler le problème de la Syrie et celui de l’Irak, avec la communauté internationale.
Si l’intervention en Irak n’avait pas eu lieu il y a quelques années – la France avait à l’époque adopté une position très claire –, nous n’en serions peut-être pas là aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie tout d’abord l’ensemble des orateurs de la contribution très utile qu’ils viennent d’apporter à ce débat et du caractère respectueux de leurs propos face à ce problème humain. Je partage d’ailleurs la remarque de M. Karoutchi : non, il n’y a pas ceux qui ont du cœur et ceux qui n’en ont pas. Je ne l’ai jamais pensé et j’ai même toujours nourri une certaine prévention à l’encontre de ceux qui, lorsque les situations sont extrêmes et les difficultés humaines très grandes, considèrent que l’exercice parfois narcissisant de la démonstration des sentiments suffit à faire une bonne politique.
La situation est plus complexe et il ne faut effectivement pas dire qu’il faut accueillir des réfugiés si on n’est pas en mesure de le faire. Le devoir moral et politique doit même nous conduire, plutôt que d’exhiber des sentiments ou d’administrer des ordonnances en forme de leçons, à essayer de créer les conditions de la « soutenabilité » de ce que nous proposons et à organiser l’accueil. Tel est bien l’objectif du Gouvernement aujourd’hui. Il ne s’agit pas pour lui de donner des leçons d’humanité, ni de douter des capacités de l’opposition à démontrer son humanité.
Ce n’est pas la capacité des uns ou des autres à faire un geste humanitaire lorsque des situations tragiques surviennent que je conteste. Je conteste les solutions qui sont mises sur la table pour régler le problème.
Je souhaite revenir au fond de l’affaire. Le drame humanitaire est tellement grand, la crise européenne tellement vaste, les problèmes mondiaux à l’origine de cette crise sont tellement complexes que des solutions politiques sont nécessaires.
À l’échelon international, européen, national, la France est dans l’action. On peut contester telle ou telle orientation de sa politique, mais on ne peut pas contester qu’elle cherche des solutions.
Tout à l’heure, monsieur Karoutchi, vous avez affirmé que nous accueillerons 20 000 réfugiés après avoir pris la décision d’en accueillir 6 752. Vous avez souligné l’inquiétude des Français et vous vous êtes interrogé sur la volonté du Gouvernement de répondre à cette question : jusqu’où cela ira-t-il ?
Vous avez raison, la situation sera inquiétante aussi longtemps que l’on ne traitera pas le problème dans sa globalité. Si aucune solution politique ne se dégage en Libye, si la mission de Bernardino León n’aboutit pas à un dispositif qui permette à l’État libyen de jouer son rôle, les mêmes organisations internationales du crime continueront d’agir en Libye et poursuivront leur œuvre funeste en incitant des migrants de plus en plus nombreux à emprunter le chemin de la mort, c’est-à-dire à se diriger vers l’Union européenne.
Il faut donc une solution politique en Libye, comme il en faut une en Syrie. Pendant que nous procédons à ces vols de surveillance, pendant que, comme l’a indiqué le Président de la République, nous frappons les terroristes de Daech, nous devons continuer à travailler pour qu’une solution politique se dégage en Syrie, qui associe les dirigeants actuels les plus modérés et l’opposition modérée pour sortir de cette crise, mais pas Bachar al-Assad.
Des dispositifs européens sont nécessaires pour y parvenir. Il faut un dialogue avec les pays de provenance et la mise en place de centres de maintien et de retour. Cela suppose une approche globale. C’est en agissant sur tous les aspects du problème, en intervenant sur chaque front que nous parviendrons à des solutions permettant de maîtriser le flux. Telle est bien la politique de la France.
Par ailleurs, il nous faut être en mesure de fournir une solution d’accueil à ceux que nous prétendons recevoir. C’est un problème de fond. Valérie Létard, Roger Karoutchi, Éliane Assassi et même Didier Guillaume – alors qu’il soutient le Gouvernement – ont formulé un certain nombre d’interrogations sur notre capacité à faire face.
Je serai extrêmement précis sur ce point : nous n’avons aucune chance d’y parvenir si nous n’organisons pas l’administration de l’État à cette fin. C’était l’objet de la loi relative à la réforme de l’asile. Avant même que ce texte ne soit voté, c’est-à-dire avant le mois de juillet dernier, nous avons mis en place, dans cette optique, un certain nombre de dispositifs au sein de l’administration.
Nous avons ainsi significativement augmenté les moyens de l’OFPRA. Près de soixante emplois ont été créés en deux ans, contre à peine quarante en cinq ans, alors que la demande d’asile – je ne le dis pas pour faire polémique, ce sont des éléments objectifs – a doublé entre 2007 et 2012, comme cela a été à maintes reprises souligné lors de l’examen de la loi relative à la réforme de l’asile.
Monsieur Karoutchi, l’an dernier, la demande d’asile en France a diminué de 34 % ; les chiffres sont incontestables. Elle est étale depuis le début de l’année, mais elle augmentera significativement en 2015 si nous mettons en place des dispositifs de relocalisation. Il nous faut nous y préparer.
Les décisions annoncées par le Premier ministre cet après-midi permettront de créer à l’OFII, à l’OFPRA et dans les préfectures près de 250 emplois, en incluant ceux qui ont déjà été créés. Nous serons ainsi en mesure de mettre en place le guichet unique ou, tout simplement, comme le suggérait tout à l’heure Valérie Létard, d’appliquer la loi, en réduisant substantiellement la durée de traitement des dossiers de demande d’asile.
Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, ces actions ne suffiraient pas sans création de nouvelles places d’hébergement. À cet égard, nous avons décidé de remettre à niveau les centres d’accueil pour demandeurs d’asile.
C’est ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous avons créé et budgété, depuis le début du quinquennat, 13 500 places en CADA, quand on n’en avait créé que 2 000 au cours de la précédente législature.
M. Bruno Retailleau. Les Français regardent devant, pas derrière !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Premier ministre a indiqué cet après-midi que, compte tenu du processus de relocalisation dans lequel nous étions engagés, 5 000 places supplémentaires seraient créées, ramenant le nombre total de places créées en CADA pendant la durée du quinquennat à 18 500, là où le rapport de Mme Létard et de M. Touraine préconisait la création de 20 000 places. Il n’en manque donc que 1 500 par rapport à l’objectif que les auteurs de ce rapport avaient fixé. Cela montre que nous sommes engagés dans une véritable remise à niveau du dispositif de l’asile en France.
Mme Sophie Primas. Bref, tout va bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Enfin, nous avons décidé, au mois de juin dernier, de créer 11 000 places d’accueil supplémentaires : 1 500 places d’accueil d’urgence, 5 000 places dans les logements de droit commun – nous pourrons ainsi permettre à ceux qui ont déjà le statut de réfugié de sortir de l’hébergement d’urgence en CADA et aux Français en situation de précarité d’avoir accès au logement – et 4 000 places supplémentaires en CADA. Mme la ministre du logement, dont je voudrais saluer l’engagement sur ce sujet, a joué, avec son cabinet et ses services, un rôle déterminant pour que ces places soient rapidement créées. La semaine prochaine, nous réunirons le comité de pilotage et nous rendrons compte du travail qui a été fait pour ouvrir ces 11 000 places.
Je précise par ailleurs que le système de relocalisation au niveau de l’Union européenne, nous ne l’avons pas subi, nous l’avons proposé ! Et si nous avons décidé d’accueillir 30 000 réfugiés dans ce cadre, nous ne l’avons pas fait à la dernière minute, parce qu’on nous l’aurait imposé, mais parce que nous avons nous-mêmes conçu ce dispositif de relocalisation. Nous avons inspiré la politique de la Commission et nous nous sommes organisés sur le plan national pour être à la hauteur de l’enjeu.
Je m’adresse là tout particulièrement à Mme Benbassa, qui a raconté ce soir à la tribune de cet hémicycle des choses qui sont totalement contraires à la réalité de ce que nous faisons.
Qu’il s’agisse du nombre de places créées, de l’engagement de la France au sein de l’Union européenne ou de la mobilisation du Gouvernement, notre action est l’exact contraire de ce que vous avez décrit, madame la sénatrice. Mais je comprends que, lorsqu’on théorise à longueur de pages de journaux le « Waterloo moral », à un moment donné, il faut bien trouver des arguments pour alimenter la démonstration. Et comme vous ne trouvez pas d’arguments dans la réalité, il vous faut les chercher ailleurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)
Permettez-moi de regretter vivement une telle attitude, car, sur des sujets aussi sérieux, on aurait pu espérer que vous regardiez le travail accompli par ceux qui ne parlent jamais et qui se préoccupent vraiment de la situation des personnes en détresse, plutôt que de prendre des postures pour vous donner le beau rôle ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Toutefois, vous conviendrez avec moi, madame la sénatrice, que ce n’est sans doute pas la meilleure manière d’avoir les trois minutes qui comptent sur les chaînes d’information !
Du reste, je pense même que, le soir, certains qui ne passent pas à la télévision après avoir fait de telles déclarations parlent aux caméras de surveillance de leur parking pour être sûrs de figurer sur un écran ! (Rires et applaudissements sur les mêmes travées. - M. Gérard Longuet applaudit également.)
M. Alain Joyandet. Ce n’est pas à la hauteur de ce débat !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Oh, monsieur Joyandet, la vérité est toujours à la hauteur d’un débat, à plus forte raison lorsqu’il porte sur des problèmes humanitaires ! Les faits, cela compte ! On ne peut pas, sur des sujets de ce type, raconter systématiquement des choses contraires à la réalité, aux actes et aux politiques conduites, simplement pour être certain d’être remarqué. La vérité, cela compte en politique !
Mme Sophie Primas. Dites cela au Président de la République !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Lorsque Pierre Mendès France exigeait « la vérité la plus grande sur les sujets les plus sensibles », il ne dérogeait pas à son rôle, mais se plaçait au contraire au niveau de sa fonction.
Il y a eu, sur ce sujet, trop d’approximations, trop de manipulations, trop de contrevérités. À un moment donné, il faut être capable de convoquer les faits et de remettre les choses à leur place. Ce qui n’est pas la hauteur, c’est d’abaisser la politique en se livrant à des approximations, des amalgames, des mensonges et des postures sur des sujets aussi sérieux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.) À certains moments, il faut être capable de remettre la réalité au cœur du débat, et c’est ce que je voulais faire aujourd’hui en répondant à Mme Benbassa. (Mme Sophie Primas s’exclame.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, il reste beaucoup à faire sur ces sujets. Nous devons agir dans l’esprit de votre intervention, monsieur Vall, à laquelle j’ai été très sensible, c’est-à-dire avec de la sincérité, de la générosité et de l’engagement.
Au-delà de ce qui nous différencie, je suis convaincu que, avec la volonté de nous conformer à notre tradition et à nos valeurs, nous y parviendrons. Je suis confiant dans la capacité de notre pays et de l’Union européenne à faire face au défi auquel nous sommes confrontés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur l’accueil des réfugiés en France et en Europe.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
13
Modernisation de notre système de santé
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 6 bis.
Articles additionnels après l'article 6 bis
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1103 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 6 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles L. 4623–4 à L. 4623–8 du code du travail sont applicables aux infirmières exerçant dans les services de santé au travail.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Les infirmières exerçant dans les services de santé au travail sont amenées à exercer de plus en plus de responsabilités. Cependant, leur statut est beaucoup moins protecteur que celui des médecins du travail, ce qui les expose particulièrement aux pressions de leurs employeurs.
Cet amendement vise donc à étendre aux infirmières exerçant dans les services de santé au travail les dispositions de la sous-section « Protection » de la section du code de la santé publique consacrée aux médecins du travail.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 499 rectifié est présenté par MM. Marseille, Maurey et Bockel.
L'amendement n° 1139 rectifié est présenté par MM. Barbier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mme Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
L'amendement n° 1161 est présenté par M. Bonnecarrère.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 4623-8 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les mêmes garanties d’indépendance professionnelle sont apportées aux infirmiers exerçant au sein d’une équipe pluridisciplinaire de santé au travail. »
L’amendement n° 499 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 1139 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. L’infirmier de santé au travail, IST, contribue à la protection de la santé physique et mentale des salariés sur le lieu de travail, en collaboration étroite avec le médecin du travail. Il participe ainsi à la surveillance de la santé des salariés, prend en charge les soins d’urgence et met en place des actions de prévention. Son rôle est essentiel, notamment en raison de la pénurie des médecins du travail.
Si la réforme de la médecine du travail et des services de santé au travail a été l’occasion de réaffirmer le principe de l’indépendance des médecins du travail, ce principe ne s’applique pas aux infirmiers de santé au travail. Pourtant, l’indépendance professionnelle est un fondement de la relation entre un infirmier et un patient. C’est ce manque que cet amendement tend à combler.
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur de la commission des affaires sociales. Nous comprenons l’objet de ces amendements, mais il ne semble pas possible de répondre à la demande de leurs auteurs, qui proposent de modifier le code du travail alors que nous travaillons sur le code de la santé publique.
La commission sollicite donc le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Il est proposé, dans ces deux amendements, que soit prévu un statut particulier pour les infirmiers et les infirmières qui exercent leur métier dans les services de santé au travail. Or ces professionnels de santé bénéficient déjà d’une indépendance technique. En revanche, ils n’ont pas, c’est vrai, le même statut que les médecins du travail, qui disposent d’un statut de salarié protégé.
En effet, les infirmiers qui exercent dans ces services ne sont pas habilités, contrairement aux médecins du travail, à prendre des décisions individuelles. Par exemple, ils ne peuvent pas prononcer une décision d’inaptitude, décision qui relève du seul médecin.
Ces infirmiers sont, d’une certaine façon, protégés par l’indépendance technique, mais il n’y a pas de raison de les soumettre à un statut de salarié protégé comme les médecins du travail.
C’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de m’avoir donné une explication détaillée et compréhensible.
En revanche, madame la corapporteur, votre explication ne me satisfait pas. Dès lors qu’il est question de santé au travail, il y a discussion, car nous sommes à la frontière entre le code du travail et le code de la santé publique. Notre assemblée aura de toute façon à examiner prochainement le code du travail. Pourquoi ne pas commencer aujourd'hui ? J’ai trouvé, madame la rapporteur, sans vouloir vous offenser, que la réponse de Mme la secrétaire d’État, était plus complète et plus explicite.
Quoi qu'il en soit, je maintiens l’amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, corapporteur.
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Vous admettrez, monsieur le sénateur, que votre amendement, même s’il traite des professionnels de santé, n’est pas relatif à la santé et qu’il ne porte que sur des modifications du code du travail.
M. Jean Desessard. C’est logique, s’agissant de « professionnels de santé au travail » !
Mme la présidente. L'amendement n° 846 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article L. 162-4-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils sont tenus de noter, le cas échéant, la cause environnementale de la pathologie. Les services des ressources humaines effectuent annuellement un relevé de ces causes. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Dans son très bon rapport publié le 15 juillet 2015, la commission d’enquête sénatoriale sur le coût économique et financier de la pollution de l’air a mis en exergue, de manière consensuelle, la faiblesse du dispositif de santé environnementale dans notre pays, notamment en matière de données exhaustives disponibles.
Ainsi dans sa proposition n° 20, la commission d’enquête préconise-t-elle une évaluation du coût financier de l’absentéisme lié à la pollution de l’air et aux pics de pollution.
Par cet amendement, nous entendons, de manière générale, permettre un meilleur recueil des données.
Dans le cadre des auditions menées par la commission d’enquête, la Direction générale du travail du ministère du travail a indiqué qu’elle ne connaissait pas le nombre de journées d’incapacité temporaire dues à une pathologie liée à la pollution de l’air.
Or la simple mention, sur l’arrêt de travail rempli par le médecin, du fait que la pathologie est liée à une cause environnementale permettra aux organismes d’assurance maladie obligatoire, notamment, d’être mieux à même d’identifier les dépenses liées à des épisodes environnementaux, de ne plus être des payeurs aveugles et de pouvoir mieux anticiper.
Ainsi, dans la mesure où ce projet de loi consacre son chapitre IV aux risques sanitaires liés à l’environnement, il paraît essentiel que ces organismes soient en mesure d’identifier les causes environnementales qui sont à l’origine de certaines pathologies.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cher collègue, je comprends très bien la préoccupation qui sous-tend cet amendement. Toutefois, je me pose une question pratique : comment les médecins pourront-ils établir par écrit les causes des pathologies qu’ils observeront quand on sait, par exemple, que certaines maladies sont multifactorielles ? Nous savons tous qu’il est particulièrement difficile de déterminer avec certitude les causes exactes et précises d’une pathologie. Une telle disposition nous semble donc vraiment difficile à mettre en œuvre.
Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, votre objectif est tout à fait louable : l’idée de chercher à évaluer, à partir des arrêts de travail, la part des causes environnementales dans les pathologies, de manière à faire progresser l’épidémiologie de façon globale, procède d’une bonne intention. Mais ce n’est pas ainsi qu’on fait de l’épidémiologie.
Il s’agit d’une discipline scientifique, qui s’appuie sur une méthodologie stricte, laquelle ne peut se réduire au collationnement de simples certificats médicaux sur lesquels aura été cochée une case indiquant l’existence d’une cause environnementale. Il faut mener des études de cohortes et on ne saurait s’en remettre à la subjectivité du médecin qui remplit l’arrêt de travail si l’on veut aboutir à des conclusions fiables sur le plan scientifique.
De surcroît, peut également se poser la question de la confidentialité d’un certain nombre d’éléments figurant sur le certificat d’arrêt de travail.
Mais l’objection principale reste clairement celle qui concerne la validité scientifique de ce type de données. En épidémiologie, on compare la fréquence d’une maladie au sein d’un groupe de personnes exposées à un facteur de risque à celle d’un groupe de personnes non exposées. Il ne s’agit pas de prendre des populations au hasard et de se fonder sur la seule déclaration de médecins qui remplissent des arrêts de travail pour déterminer si des personnes ont été ou non exposées à une pollution.
La finalité d’un arrêt de travail n’est pas de s’inscrire dans une étude épidémiologique, c’est d’ouvrir droit à des indemnités journalières. Ou alors, il faut revoir complètement la façon dont sont conçus les arrêts de travail.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. J’adhère totalement à l’argumentation de Mme la secrétaire d'État, tant sur la validité scientifique que sur la confidentialité.
Ce n’est effectivement pas ainsi que l’on conduit des études épidémiologiques, sauf éventuellement à identifier un lieu de travail qui pourrait poser des problèmes en matière de santé environnementale, ce qui suppose alors que soit mise en place une méthodologie d’analyse épidémiologique.
Par ailleurs, sur le sujet de la confidentialité, je souligne que l’arrêt de travail est un document administratif. Dès lors qu’on y introduirait des renseignements personnels sur le travailleur, il y a le risque de violer le secret médical, ce qui pourrait être extrêmement délétère pour le travailleur concerné.
Pour ces deux raisons, que Mme la secrétaire d'État a parfaitement explicitées, cet amendement ne doit pas être adopté.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la secrétaire d'État, je ne comprends pas : si, comme vous l’avez dit au début de votre intervention, mon objectif est louable, il faut se donner les moyens de l’atteindre !
La formidable enquête – à laquelle ont participé l’ensemble des groupes politiques du Sénat – qui a été réalisée a montré l’importance extraordinaire du coût sanitaire de la pollution. Il est estimé à 1 000 milliards d'euros…
M. Jean-François Husson. Non, 101,3 milliards d'euros.
M. Jean Desessard. Je me suis laissé emporter ! (Sourires.) Mais chacun conviendra que ce coût est, de toute façon, très important.
M. Jean-François Husson. C’est quand même dix fois moins !
M. Jean Desessard. Madame la secrétaire d'État, je pourrais admettre que vous me disiez, puisque mon objectif est louable, que ce que je propose est insuffisant, et j’accepterais alors volontiers de rectifier mon amendement. Mais vous ne proposez rien d’autre ! Dès lors, il ne fallait pas me dire que mon objectif était louable, il fallait d’emblée me dire : « Il y a une pollution, les gens s’absentent, on n’y peut rien ! »
Je propose qu’une mention soit portée sur le certificat : « Non, on n’y peut rien ! ». Je propose que le médecin puisse constater que telle personne a été exposée aux pollutions, et vous m’opposez aussitôt le secret médical. Qu’est-ce que cela veut dire ? Il faut bien, à un moment, qu’on puisse juger si, effectivement, il y a eu pollution ou non, si c’est un phénomène qui se développe.
On peut imaginer un document complémentaire, une petite fiche annexe qui concernerait les atteintes subies à cause de la pollution. Vous pourriez me proposer autre chose ! Or, tout en admettant que ma proposition est louable, que le coût de la pollution est élevé, que le problème est important, vous vous contentez de dire : « On ne peut rien faire ». C’est cela qui est grave !
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, corapporteur.
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cher collègue, ce qui est « louable », c’est votre intention, mais non sa réalisation.
Vous admettrez qu’il n’est pas forcément possible de tout faire. Dans le cas présent, vous voulez demander aux médecins d’apporter des éléments probants sur telle ou telle pathologie qu’ils auraient à observer. Or nous avons tous entendu, ces derniers jours, que les médecins sont déjà complètement débordés. Ils sont peu nombreux, notamment dans certaines parties de notre territoire. Ils disent eux-mêmes qu’ils font plus de travail administratif que de médecine. On ne peut pas augmenter encore la charge qui pèse sur leurs épaules en leur demandant de remplir une case supplémentaire sur un questionnaire concernant la cause environnementale, ou non, de telle ou telle pathologie.
Pour autant, je suis sûre que la conscience des médecins et leurs bonnes pratiques les portent déjà, lorsqu’ils observent un problème récurrent, à en faire état auprès des instances compétentes.
Mme la présidente. La parole est à M. le Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, corapporteur. Monsieur Desessard, je ne vais pas revenir sur ce qu’ont dit Mme Doineau et Mme la secrétaire d'État et que je partage entièrement.
J’ajouterai simplement ceci : d’après l’objet de votre amendement, vous envisagez « la simple mention, de la part du médecin, sur l’arrêt de travail que la pathologie est liée à une cause environnementale »... C’est à croire que vous n’avez jamais vu d’arrêt de travail de votre vie ! Un médecin qui remplit un arrêt de travail met le nom du patient, il appose son cachet, il coche le nombre de jours d’arrêt, il précise si les sorties sont ou non autorisées, et c’est tout ! Il n’indique pas la pathologie et ne saurait pas faire de commentaires sur les causes supposées de celles-ci, qu’elles soient environnementales ou non ! Ce que vous proposez n’a rien à voir avec un arrêt de travail !
M. Jean Desessard. Nous proposons d’améliorer les arrêts de travail !
M. Alain Milon, corapporteur. C’est un certificat médical, à la rigueur, mais ce n’est pas un arrêt de travail !
Par conséquent, outre les motifs qu’ont exposés Mme le rapporteur et Mme la secrétaire d'État pour justifier l’avis défavorable de la commission et du Gouvernement, l’objet de votre amendement est mauvais.
M. Jean Desessard. Il n’est pourtant pas impossible d’ajouter un complément !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Avec cet amendement, on n’est pas du tout dans la vie réelle !
Premièrement, lorsqu’un médecin établit un arrêt de travail, dans le cas où il s’agit d’un accident de travail, il inscrit un diagnostic. Ce diagnostic est totalement confidentiel ; c’est la moindre des choses !
Deuxièmement, je pense qu’il y a très peu de cas où un médecin, en toute bonne foi, pourra dire que la maladie qu’il diagnostique lorsqu’il établit l’arrêt de travail est causée par l’environnement. Il est exceptionnel qu’une maladie soit exclusivement causée par l’environnement, sauf lorsque survient un accident dans l’entreprise qui engendre une pollution massive, par exemple. Le reste du temps, quand existe une pollution que l’on pourrait qualifier de « normale », telle que la pollution à l’ozone ou celle qui survient en cas de forte chaleur, il est, selon moi, impossible de dire si cette pollution a entraîné la maladie.
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Pour conclure sur cette question, je voudrais rassurer M. Desessard.
M. Jean Desessard. C’est louable, madame la secrétaire d'État ! (Sourires.)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. En France, l’Institut de veille sanitaire est chargé de conduire des études épidémiologiques. De leur côté, les médecins épidémiologistes de la France entière travaillent en permanence. C’est ainsi que quantité d’études cliniques et de cohortes ont été et sont publiées concernant l’impact de l’environnement sur toute une série de pathologies.
Aborder cette question par le biais des arrêts de travail n’est pas de bonne méthode, et cela notamment pour une raison toute simple : on peut très bien être malade du fait de son environnement sans pour autant être en arrêt de travail ! On peut également être malade à cause de l’environnement, tout en n’ayant pas d’emploi, par exemple parce que l’on est femme au foyer. Vous ne prendrez pas en compte toutes ces personnes lorsque vous mènerez des études quantitatives à partir des arrêts de travail !
Que ferez-vous donc avec les chiffres que vous récolterez, dès lors qu’ils ne refléteront pas l’impact de tel ou tel environnement sur telle ou telle pathologie, car vous ne prendrez pas en compte toutes les personnes qui, pour une raison ou pour une autre, n’étaient pas en arrêt de travail à ce moment-là.
Ainsi, vous, sénateur, imaginez que vous soyez malade à cause de votre environnement…
M. Jean Desessard. C’est bien ce qui m’arrive ! (Rires.)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Vous n’aurez pas d’arrêt de travail ! (Mêmes mouvements.)
Comment fera-t-on alors pour vous prendre en compte dans les statistiques ?
M. Jean Desessard. Il est vrai que les sénateurs absents en ce moment ne sont pas en arrêt de travail ! (Sourires.)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. En tout cas, tous ne sont pas absents à cause de l’environnement ! (Nouveaux sourires.)
Je le répète, votre intention est louable, mais la méthode que vous proposez de retenir n’est pas la bonne si l’on veut réaliser une étude pertinente sur les pathologies induites par l’environnement.
Du reste, les parlementaires ne sont pas là pour établir les protocoles scientifiques d’épidémiologie : c’est le métier des épidémiologistes !
Mme la présidente. L'amendement n° 328 rectifié, présenté par MM. Antiste, Cornano, J. Gillot, Mohamed Soilihi et Patient, est ainsi libellé :
Après l’article 6 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2016, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité d’une augmentation du coefficient géographique applicable en Martinique prévu au 3° de l’article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale ainsi que sur son extension aux actes de consultation externe. Les conséquences financières pour les établissements et professionnels de santé ainsi que pour la sécurité sociale d’une telle augmentation sont notamment examinées.
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Il s’agit de faire en sorte que soient examinées les conséquences d’une augmentation du coefficient géographique en Martinique, à la fois pour les professionnels de la santé et pour la sécurité sociale.
En effet, la situation financière des hôpitaux de Martinique se dégrade. Or une étude conduite en Martinique montre que le surcoût de l’insularité est de l’ordre de 30,4 %, alors que le coefficient géographique n’est que de 26 %.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cher collègue, on ne doute pas de l’intérêt du rapport que vous demandez, mais vous connaissez la jurisprudence que nous avons adoptée : nous avons émis un avis défavorable sur tous les amendements qui visent à obtenir un rapport supplémentaire. Nous avons été tout aussi rigoureux avec vous qu’avec d’autres.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, il est en effet extrêmement important de savoir comment adapter le système de tarification à des territoires particuliers comme les outre-mer. C’est déjà ce qui est pratiqué avec la tarification à l’activité qui doit être adaptée à la réalité des coûts, lesquels peuvent être différents selon que l’établissement hospitalier se situe en Île-de-France, dans un département extrêmement rural de la métropole ou dans les outre-mer.
En réalité, il existe déjà un rapport annuel remis au Parlement sur le financement des établissements de santé. Il est tout à fait possible d’y inclure un chapitre consacré au système de tarification dans les outre-mer.
Par conséquent, nous ne voyons pas bien l’intérêt de créer un nouveau rapport spécifique aux outre-mer. Le rapport annuel qui existe déjà permet de vous donner satisfaction. C’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Antiste, l'amendement n° 328 rectifié est-il maintenu ?
M. Maurice Antiste. Mme la secrétaire d'État m’ayant donné l’assurance que les rapports annuels tiendront compte du déséquilibre entre le surcoût de l’insularité et du coefficient géographique dans les outre-mer, je retire cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 462 est présenté par Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mmes Yonnet, Monier, D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 587 rectifié est présenté par Mmes Jouanno, Billon et Laborde, M. Guerriau et Mme Bouchoux.
L'amendement n° 710 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 4624-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le rapport annuel d’activité, établi par le médecin du travail, pour les entreprises dont il a la charge, comporte des données selon le sexe. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe les modèles de rapport annuel d’activité du médecin du travail et de synthèse annuelle de l’activité du service de santé du travail. »
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Il s’agit de développer le recueil et la publication régulière de données sexuées en matière de santé au travail, en s’appuyant sur les rapports annuels des médecins du travail.
Une étude de l’ANACT, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, publiée en 2014, démontre que, si le nombre d’accidents du travail a globalement baissé entre 2001 et 2012, il progresse nettement pour les femmes – de 20,3% – et cela de façon encore plus marquée pour les maladies professionnelles, dont le nombre progresse près de deux fois plus rapidement – de 170 % – pour les femmes que pour les hommes sur la même période.
Or les dispositions actuelles du code du travail ne prévoient pas d’obligation concernant la production de données selon le sexe dans les rapports annuels des médecins du travail. Ainsi, par exemple, les logiciels informatiques des médecins ne prévoient pas de croiser les données recueillies avec le sexe pour synthétiser leurs résultats.
Pour remédier à cette lacune, il convient de modifier l’article L.4624-1 du code du travail, relatif aux missions du médecin du travail.
Mme la présidente. L'amendement n° 587 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 710.
Mme Annie David. Cet amendement vise à rétablir l’article 6 ter tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale.
Aux arguments que vient d’exposer Mme Meunier, et que je fais miens, j’ajouterai quelques considérations.
Il nous semble important de rendre obligatoire la présence de données sexuées dans le rapport annuel du médecin du travail sur les entreprises de son ressort.
Cette disposition présenterait au moins deux avantages : d’une part, elle permettrait d’établir des données statistiques fiables et, d’autre part, elle offrirait aux praticiens sur le terrain un retour d’expérience.
Michèle Meunier vient d’en parler : on sait que les femmes sont plus présentes dans certains métiers, notamment les plus précaires. Ainsi, les services à la personne comptent près de 98 % de femmes. On sait aussi que l’exposition aux accidents du travail et maladies professionnelles n’est pas la même pour les hommes et les femmes. Toutefois, nous ne disposons pas de base statistique pour mesurer les corrélations et faire apparaître des facteurs précis.
M. Jean Desessard. C’est ce que je disais tout à l'heure !
Mme Annie David. Pourtant, la prévention de ces risques pourrait être grandement facilitée si une telle base existait. Il s’agit donc non d’un gadget, mais bien d’une réponse au besoin d’affiner le retour d’expérience des médecins du travail pour assurer la prise de décision la plus adéquate possible.
De par son rôle et sa position à l’intérieur des entreprises, le médecin du travail, dont la prévention est une des missions centrales, est le mieux à même de collecter ces données, et de s’en servir en retour.
La souffrance au travail est différenciée selon le genre ; il doit donc en aller de même de sa prévention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Ces amendements visent en effet à rétablir l’article 6 ter tel que l’avait rédigé l’Assemblée nationale.
Pour nous, ces données différenciées selon le sexe ne constituent certes pas un gadget. Toutefois, comme vous le savez, nous avons distingué de manière très rigoureuse ce qui est d’ordre réglementaire et ce qui est d’ordre législatif.
Le rapport annuel est institué par l’article D.4624-42 du code de la santé publique. Cet article renvoie lui-même à un arrêté le soin de définir la forme que doit prendre ce rapport. Ce dispositif relève donc bien du niveau réglementaire ; ce n’est pas à la loi d’inscrire l’exigence d’établir des données sexuées dans les rapports annuels.
Du reste, la direction des risques professionnels de la Caisse nationale d’assurance maladie, que nous avons entendue au cours d’une audition, nous a indiqué qu’une étude plus approfondie de la sinistralité par rapport aux femmes était nécessaire, mais qu’elle serait facilitée par la prochaine mise en place de la déclaration sociale nominative.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Les deux sénatrices qui ont défendu ces amendements ont tout à fait raison. En effet, dans tous les domaines, les femmes ont été et restent « invisibles », et les dommages causés par les différents métiers spécifiques aux femmes n’ont jamais été reconnus.
C’est d’autant plus dommageable que, de surcroît, en France, les métiers sont encore sexués. On dit très souvent que les métiers pénibles, par exemple les métiers où l’on soulève des charges lourdes, comme ceux du bâtiment, doivent être réservés aux hommes. Je suis toujours très surprise d’entendre cette affirmation, car 95 % des aides-soignants en France sont des femmes. Or elles sont amenées à soulever des personnes qui peuvent peser plus de quatre-vingts kilos, voire cent kilos ! Elles soulèvent donc des charges lourdes, mais ce travail est invisible parce que, dans les représentations collectives, ce métier n’est pas considéré comme « pénible ». (M. Jean Desessard applaudit.)
Il est donc extrêmement important de pouvoir disposer de statistiques sexuées pour montrer combien les accidents du travail sont fréquents chez les femmes. Ils sont même de plus en plus fréquents pour les femmes et de moins en moins pour les hommes.
Cette situation doit nous amener à nous interroger : la prévention n’a-t-elle pas été jusqu’à présent plus efficace pour les hommes, parce que les métiers d’hommes ont fait l’objet d’études plus approfondies dans ce domaine que les métiers de femmes ? Il en va de même pour les maladies professionnelles.
Certaines dispositions relèvent peut-être davantage du domaine du règlement que du domaine de la loi, mais nous devons lutter contre les facteurs qui confinent les femmes dans certains rôles, avec pour conséquence le fait que certains accidents du travail ou maladies professionnelles restent invisibles. Il est donc important que ce principe soit inscrit dans la loi.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. Alain Vasselle. Il suffit d’un arrêté !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je remercie Mme la secrétaire d’État de ses explications. Le groupe socialiste adhère pleinement à ses arguments.
Je souhaite rappeler à Mme la corapporteur que le sujet des données sexuées ne relève pas du domaine réglementaire. Nous avons examiné récemment le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi : nous avons discuté à cette occasion de la nécessité de disposer, dans le rapport de situation comparée, de données sexuées.
Mme la secrétaire d’État a fort justement utilisé le terme d’ « invisibilité » au sujet de la situation des femmes au travail. Qu’il s’agisse des conditions de travail ou de la pénibilité, il est fondamental que l’on puisse disposer de données sexuées et l’affirmation de ce principe ne relève pas du règlement, mais de la loi !
Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, d’être favorable à ces amendements.
M. Alain Vasselle. Cela n’a jamais relevé de la loi !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je m’associe aux propos de Mme la secrétaire d’État et à ceux de notre collègue Catherine Génisson.
Depuis le début de cette discussion, les corapporteurs se montrent très attentifs au respect de la délimitation entre le domaine de la loi et celui du règlement, ce qui est bien normal. Cependant, nous abordons un domaine où beaucoup reste à faire pour que progresse l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Sur le plan symbolique, il est indispensable d’inscrire cette nécessité absolue dans la loi, a fortiori dans une loi de santé publique !
Comme l’a dit ma collègue, lors de l’examen du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, nous avons pu mesurer l’importance des rapports de situation comparée pour disposer d’un véritable état des lieux.
Enfin, si ce type de mesure relève du domaine réglementaire, c’est au niveau du décret et non pas à celui évoqué par Mme la corapporteur.
Pour toutes ces raisons, il est important que ce principe soit inscrit dans la loi. Ce ne serait pas inutile, car nous sommes encore bien loin de l’égalité.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je souhaite vivement que l’on fasse une application stricte de l’article 41 de la Constitution. Cela nous éviterait d’être encombrés par ce type de propositions qui relèvent du règlement et non de la loi. Mme la secrétaire d’État a elle-même déclaré qu’il faudrait modifier des arrêtés et a ainsi reconnu cette réalité.
Nous sommes en train truffer nos textes de lois de déclarations verbeuses qui n’ont rien à y faire, alors que toutes ces questions peuvent être réglées par voie réglementaire. Il va falloir opérer un tri pour ne plus passer un temps infini sur des dispositions qui n’ont pas à figurer dans la loi !
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Je voulais également rappeler qu’il est temps de simplifier les textes de loi. Dans notre pays, tout le monde se plaint que l’on ne cesse d’ajouter des dispositions inutiles dans la loi…
Mme Annie David. L’égalité entre les femmes et les hommes, c’est inutile ?
M. Michel Canevet. Dans le cas présent, nous avons une illustration parfaite du travers que je viens de décrire. Cet amendement vient compléter un article qui ne fait pas référence au rapport annuel du médecin du travail, mais à des mesures individuelles. On ajoute donc à un article du code du travail un alinéa sans rapport avec ceux qui précèdent.
Puisque c’est un arrêté du ministre qui définit la manière dont doit être établi le rapport annuel du médecin du travail, la modification est très simple à réaliser, si le Gouvernement en a la volonté. Mais il n’est pas besoin de modifier la loi pour cela !
Mme Françoise Gatel et M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Mon cher collègue, vous avez tout faux puisque cet amendement tend bien à modifier un article du code du travail !
L’article L. 4624-1 du code du travail traite du rapport annuel du médecin du travail. Avant que la ministre du travail – puisque c’est une femme ! – puisse prendre un arrêté précisant comment doit être établi ce rapport, il faut compléter cet article du code du travail pour y indiquer que ce rapport comporte des données « genrées » !
Nous perdons peut-être du temps en insistant sur l’égalité entre les femmes et les hommes, mais je vous rappelle que, depuis deux jours, nous avons examiné à peine six articles et consacré un temps important à la publicité sur le vin dans un texte relatif à la santé publique. Bravo ! Vous avez modifié la loi Évin pour autoriser la publicité pour le vin ! La commission des affaires sociales aurait pu être mieux inspirée… Et je n’oublie pas non plus le très long débat de cet après-midi sur le paquet neutre et sur le tabac.
Je ne suis pas fumeuse et je ne bois pas. En revanche, je suis une femme et je me bats pour l’égalité entre les femmes et les hommes. S’il faut y consacrer du temps, nous le ferons et nous parlerons de l’égalité entre les femmes et les hommes ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Nous demandons que le rapport du médecin du travail comporte des données « genrées » et nous prendrons le temps qu’il faut pour expliquer que cette question est importante et relève également de la santé publique ! (Protestations sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.
Mme Evelyne Yonnet. Je ne veux pas prolonger le débat, mais l’égalité entre les femmes et les hommes est un sujet important. On peut considérer qu’il s’agit de banalités, mais il me semble raisonnable d’adopter cet amendement, y compris pour vous, messieurs !
Je sais bien que les femmes font leur chemin en politique, qu’elles travaillent et que c’est bien ennuyeux. Quoi qu’il en soit, leur présence est maintenant reconnue. Vous tirerez plus de gloire d’un vote en faveur de cet amendement que d’un vote contre !
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je suis surprise du tour que prend ce débat et je me permets de venir à la rescousse de mon collègue Michel Canevet, qui n’en a pourtant pas besoin ! Il n’a jamais dit qu’il ne fallait pas parler de l’égalité entre les femmes et les hommes. En revanche, il a évoqué un sujet tout aussi important, celui de la sobriété, de la sagesse et de la pureté de la loi, qui ne devrait pas se trouver encombrée d’éléments qui peuvent être abordés dans d’autres textes.
Je souscris donc aux propos de mon collègue. Les femmes qui travaillent ne se sentent pas pour autant méprisées et il ne faudrait pas rouvrir des débats un peu ridicules et indignes de nous. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, corapporteur.
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Mes chers collègues, nous sommes bien ici pour écrire la loi.
L’article L. 4624-1 du code du travail que vous avez évoqué, ma chère collègue, ne traite absolument pas de la présentation du rapport annuel du médecin du travail, mais des propositions du médecin du travail en matière d’adaptation des postes de travail. La disposition que vous voulez ajouter ne trouve donc pas sa place dans cet article.
La présence dans ce rapport de données différenciées selon le sexe doit être prévue par un arrêté du ministre du travail, conformément aux dispositions de l’article R. 4624-42 du code du travail.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 462 et 710.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte les amendements.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 6 ter est rétabli dans cette rédaction. (Les sénatrices du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC applaudissent.)
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je souhaite répondre à Mme David, qui nous a reproché d’avoir passé trop de temps sur la cigarette, sur le paquet neutre et sur le vin. Dois-je vous rappeler, ma chère collègue, que ces questions sont tout aussi importantes que celle que nous venons d’évoquer ?
Il est intéressant d’examiner le résultat des votes, puisque vous semblez reprocher à la commission, à son président et à ses corapporteurs, de s’être attardée sur certains sujets. Or il n’y a eu que trente-sept voix pour s’opposer à l’amendement sur le vin …
M. Jean-Claude Lenoir. Trente-trois !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Trente-trois ? Comme chez le médecin, alors ! (Sourires.)
Quant à l’amendement tendant à rétablir le paquet neutre, il n’a recueilli que seize ou dix-sept voix favorables.
Le temps que nous avons passé sur ces questions a donc concerné autant les élus de la majorité sénatoriale que ceux de l’opposition. Après discussion, une très large majorité, réunissant divers groupes, a d’ailleurs pu se dégager. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
14
Mises au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Madame la présidente, lors du scrutin n° 247 sur les amendements nos 639 et 1046 portant sur le paquet neutre, M. Pierre Camani a été comptabilisé comme ayant voté contre, alors qu’il souhaitait s’abstenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Lors du même scrutin, Mme Bariza Khiari a été considérée comme s’étant abstenue, alors qu’elle souhaitait voter contre.
Mme la présidente. Mes chers collègues, acte vous est donné de ces mises au point.
Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin concerné.
15
Modernisation de notre système de santé
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé.
Dans la suite de la discussion des articles, nous en sommes parvenus à un amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 6 ter.
Article additionnel après l'article 6 ter
Mme la présidente. L'amendement n° 1055, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 6 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre V du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail est complété par un article L. 4625–3 ainsi rédigé :
« Art. L. 4625-3. – Afin d’assurer un meilleur recensement des populations exposées au risque chimique dans le cadre de ses missions, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail identifie les professions caractéristiques et lieux de travail des agriculteurs et salariés, exposés régulièrement aux produits phytosanitaires. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Les agriculteurs ne sont pas les seuls travailleurs exposés aux pesticides et susceptibles de tomber malades du fait de ceux-ci. En effet, comme le montrent l’enquête Apache menée par Générations futures, qui a permis de trouver de nombreux résidus de pesticides dans les cheveux de travailleurs agricoles ne manipulant pourtant pas directement des pesticides, ou encore la victoire juridique des salariés de l’entreprise Triskalia, qui ont été intoxiqués par des pesticides, de nombreux travailleurs peuvent être exposés à des produits phytosanitaires.
Par cet amendement, nous proposons d’instaurer le recensement par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, des professions et des personnes potentiellement touchées, et cela dans le respect de leur vie privée, ce qui permettrait de mieux détecter et de suivre les métiers à risque, et donc de mettre en œuvre des politiques de prévention plus efficaces.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur de la commission des affaires sociales. Mon cher collègue, vous proposez de donner une nouvelle mission à l’ANSES en matière d’identification des professions et environnements exposés aux produits phytosanitaires.
M. Jean Desessard. Vous m’avez bien compris ! (Sourires.)
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Je crains que vous n’en jugiez différemment en entendant la suite de mon intervention… (Nouveaux sourires.)
Là encore, la définition des missions de l’ANSES est d’ordre réglementaire puisqu’elle relève de l’article R. 1313-1 du code de la santé publique. Le dispositif proposé n’est donc pas du ressort de la loi. C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable.
Je me permets en outre de vous renvoyer au rapport d’activité de l’ANSES de 2014, qui montre que cette agence réalise de nombreuses études sur ces sujets. Vous constaterez que son domaine d’expertise l’amène à produire des données que vous semblez rechercher au travers de votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, une fois de plus, votre préoccupation est parfaitement légitime…
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Bref, elle est louable ! (Rires.)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. … et le Gouvernement la partage. Effectivement, il est extrêmement important de savoir à quoi sont exposés les agriculteurs ainsi que tous ceux qui travaillent dans le secteur de l’agriculture, du fait des produits avec lesquels ils peuvent être en contact.
Cependant, je veux vous rassurer, monsieur Desessard : un travail est déjà en cours sur ce sujet. En effet, Mme la ministre de la santé a déjà saisi l’ANSES sur ce thème pour que nous sachions quelles sont non pas les professions exposées, mais les situations susceptibles d’exposer plus particulièrement les personnes à tel ou tel type de produits. En effet, on peut exercer une profession dans le milieu agricole sans forcément être soi-même exposé. C’est plutôt la situation qui est déterminante.
Un travail de bibliographie a déjà été réalisé dès janvier 2014, et le rapport définitif sur les conséquences de l’exposition aux produits phytosanitaires dans les professions agricoles doit être rendu à l’automne 2015. Il sera en outre régulièrement actualisé.
Aussi, monsieur le sénateur, je pense que vous pouvez retirer votre amendement sans aucun remords. Puisque le travail est déjà en cours à l’ANSES, il n’est pas nécessaire d’inscrire votre proposition dans la loi. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Desessard, souhaitez-vous maintenir votre amendement ?
M. Jean Desessard. Je le retire… jusqu’à l’automne 2015 ! (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 1055 est retiré.
Chapitre III
Soutenir et valoriser les initiatives des acteurs pour faciliter l’accès de chacun à la prévention et à la promotion de la santé
Article 7
I. – L’article L. 6211-3 du code de la santé publique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Cet arrêté définit notamment les conditions dans lesquelles des tests rapides d’orientation diagnostique, effectués par un professionnel de santé ou par du personnel ayant reçu une formation adaptée et relevant de structures de prévention et associatives, contribuent au dépistage de maladies infectieuses transmissibles.
« Cet arrêté précise également les conditions particulières de réalisation de ces tests ainsi que les modalités dans lesquelles la personne est informée de ces conditions et des conséquences du test. »
I bis. – Après le même article L. 6211-3, il est inséré un article L. 6211-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6211-3-1. – Le dépistage de maladies infectieuses transmissibles au moyen d’un test rapide d’orientation diagnostique peut être réalisé sur une personne mineure par du personnel des structures mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 6211-3.
« Par dérogation à l’article 371-1 du code civil, le personnel mentionné au premier alinéa du présent article peut se dispenser d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale lorsque ce dépistage s’impose pour sauvegarder la santé d’une personne mineure et qui s’oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l’autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé. Toutefois, ce personnel doit dans un premier temps s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Dans le cas où le mineur maintient son opposition, ce personnel peut mettre en œuvre le dépistage. Dans ce cas, le mineur se fait accompagner d’une personne majeure de son choix. »
II (Non modifié). – Le titre II du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À l’intitulé, le mot : « le » est remplacé par le mot : « les » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 3121-1, la première occurrence du mot : « le » est remplacée par le mot : « les » ;
3° Au 1° du I de l’article L. 3121-2, dans sa rédaction résultant de l’article 47 de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015, après le mot : « hépatites », il est inséré le mot : « virales » ;
4° Après l’article L. 3121-2-1, il est inséré un article L. 3121-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 3121-2-2. – Par dérogation au 8° de l’article L. 4211-1, les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro destinés à réaliser des autotests de détection de maladies infectieuses transmissibles mis sur le marché conformément au titre II du livre II de la cinquième partie du présent code et de la directive 98/79/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 octobre 1988, relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, peuvent être délivrés par :
« 1° Les établissements de santé et les organismes désignés en application de l’article L. 3121-2 ;
« 2° Les établissements ou organismes habilités en application de l’article L. 3121-1 ou de l’article L. 3121-2-1 ;
« 3° Les organismes de prévention sanitaire habilités, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la santé, à réaliser des tests rapides d’orientation diagnostique détectant l’infection aux virus de l’immunodéficience humaine ;
« 4° Les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue et les appartements de coordination thérapeutique mentionnés au 9° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles.
« Cet arrêté précise également les conditions particulières de la délivrance de ces autotests ainsi que les modalités selon lesquelles la personne est conseillée, accompagnée, informée des conditions de réalisation du test et de ses conséquences et prise en charge. »
II bis (Non modifié). – Au premier alinéa du I et au II de l’article L. 4211-2-1 du code de la santé publique, après le mot : « auto-traitement », sont insérés les mots : « et les utilisateurs des autotests mentionnés à l’article L. 3121-2-2 ».
III (Non modifié). – Après l’article L. 162-1-18 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-1-18-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-1-18-1. – Lorsqu’un ayant droit mineur a fait usage, pour certains actes et prestations, du droit défini au premier alinéa de l’article L. 1111-5 et à l’article L. 1111-5-1 du code de la santé publique, la prise en charge par les organismes d’assurance maladie de certaines dépenses est protégée par le secret. La liste de ces actes et prestations et de ces dépenses est définie par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
« Ce secret est également protégé, dans les mêmes conditions, pour l’ayant droit majeur qui le demande. »
IV (Non modifié). – À compter du 1er janvier 2016, l’article L. 3121-2-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant du 4° du II du présent article, est ainsi modifié :
1° Au 1°, les mots : « établissements de santé et les organismes » sont remplacés par les mots : « centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic » ;
2° Le 2° est abrogé.
Mme la présidente. L'amendement n° 1056, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cet arrêté définit également les conditions dans lesquelles le dépistage de maladies auto-immunes peut être réalisé. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Hier, nous avons longuement parlé de la maladie cœliaque, ou intolérance au gluten. Je ne reviendrai donc pas sur les chiffres de sa prévalence et de son coût.
Cet amendement vise simplement à encourager le dépistage de cette maladie ou d’autres maladies auto-immunes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, corapporteur. Monsieur Desessard, je vais d’abord essayer de vous démontrer que j’ai bien compris votre amendement (Sourires.) : il tend à prévoir que l’arrêté qui précise les conditions de réalisation des TROD définit également les conditions dans lesquelles le dépistage de maladies auto-immunes, telles que la maladie cœliaque, peut être réalisé.
L’arrêté dont il est question ne vise que les TROD pour le dépistage des maladies infectieuses transmissibles. Le dépistage des maladies auto-immunes est un autre sujet, qui doit être traité dans un autre cadre. Il n’existe en effet à ce jour aucun TROD commercialisé pour le dépistage de la maladie cœliaque, qui est, je le répète, une maladie auto-immune.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable, pour le cas où vous ne retireriez pas votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. L’avis est défavorable pour les mêmes raisons. Comme vient de l’expliquer M. le président de la commission, il n’existe pas actuellement de test fiable de diagnostic rapide de la maladie cœliaque.
Si vous effectuez une recherche sur Internet, monsieur le sénateur, peut-être trouverez-vous des tests qui sont présentés comme permettant de faire ce diagnostic, mais il n’y en a aucun qui ait fait la preuve de son efficacité au moyen d’études fiables. Il n’y a donc aucune raison « médicale » d’inscrire votre proposition dans la loi.
M. Jean Desessard. Je retire cet amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 1056 est retiré.
L'amendement n° 1198, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après le mot :
virales
insérer les mots :
, leur traitement post-exposition
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Il s’agit d’un sujet très technique, que je vais tâcher de vous expliquer en termes simples.
M. Jean Desessard. Nous sommes capables de comprendre, madame la secrétaire d’État ! (Rires.)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Le traitement post-exposition est un traitement médicamenteux que les médecins sont susceptibles de prescrire quand ils estiment qu’une personne a pris un risque particulier l’exposant au VIH.
Jusqu’à présent, ces traitements sont délivrés dans des centres hospitaliers par des médecins spécialisés, mais également dans les services d’urgence, le besoin de ce type de traitement pouvant survenir au milieu de la nuit ou pendant le week-end. Il faut donc pouvoir avoir accès à des médecins prescripteurs dans ces cas-là.
Avec cet amendement, nous souhaitons permettre aux médecins exerçant dans ces nouvelles structures au nom absolument technocratique de CeGIDD – centre gratuit de d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles –, qui vont regrouper les consultations de dépistage anonyme et gratuit – CDAG – et les centres d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles – CIDDIST –, compétents en matière de maladies sexuellement transmissibles, de prescrire ces traitements post-exposition aux personnes venant consulter, et ce pour des raisons pratiques évidentes.
Je précise que ces traitements sont extrêmement efficaces. Depuis qu’ils sont prescrits en France, les études montrent qu’ils ont contribué à diminuer très nettement le nombre de contaminations.
Il est important de faire en sorte que les personnes concernées puissent accéder rapidement à ce type de prescription. En effet, le traitement sera d’autant plus efficace qu’elles pourront commencer à le suivre rapidement après l’exposition. Si elles attendent vingt-quatre heures ou, pis, quarante-huit heures, le traitement ne servira plus à rien.
Il faut donc à la fois qu’il s’agisse de médecins spécialisés en la matière et qu’il y ait un maximum de points de consultation possible.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, corapporteur, corapporteur. La commission a évidemment émis un avis favorable sur cet amendement, qui a pour objet de confier aux CeGIDD la fourniture prompte de soins permettant aux personnes victimes d’une transmission de VIH ou du virus de l’hépatite d’être soignées le plus rapidement possible.
Nous souhaiterions seulement avoir l’assurance, madame la secrétaire d’État, que les services des urgences et les hôpitaux pourront, eux aussi, continuer de prescrire ce traitement là où il n’y pas de CeGIDD.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, pour explication de vote.
Mme Anne Emery-Dumas. Je souhaite simplement remercier Mme la secrétaire d’État de son explication extrêmement claire sur un sujet très technique.
J’en profite pour demander aux autres intervenants, qu’ils présentent un amendement ou qu’ils donnent un avis au nom de la commission, d’être aussi pédagogues. Par exemple, monsieur Milon, je ne sais pas ce qu’est un « trod »... (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1119 rectifié, présenté par MM. Cornano et Courteau, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Cet arrêté précise également les conditions particulières de la délivrance de ces autotests ainsi que les modalités préalables selon lesquelles la personne est conseillée, accompagnée, informée des conditions de réalisation du test, des conséquences d’un résultat positif et de la prise en charge par les différentes structures spécialisées du virus de l’immunodéficience humaine. »
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. L’article 7 du projet de loi prévoit d’accroître la diffusion des TROD, c'est-à-dire des tests rapides d’orientation diagnostique, et des autotests. C’est essentiellement de mon inquiétude au sujet de ces derniers que je voudrais faire part.
L’alinéa 17 du présent article indique qu’un arrêté « précise également les conditions particulières de la délivrance de ces autotests ainsi que les modalités selon lesquelles la personne est conseillée, accompagnée, informée des conditions de réalisation du test, de ses conséquences et prise en charge. »
Mon amendement vise à faire préciser le contenu dudit arrêté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Je remercie M. Cornano d’avoir explicité ce que sont les TROD, à propos desquels Mme Emery-Dumas s’interrogeait tout à l'heure. Au demeurant, lorsque nous les avons évoqués en commission, elle aurait pu nous demander des précisions : nous n’aurions pas manqué de les lui fournir ! (Sourires.)
La rédaction actuelle de l’alinéa 17 permet de viser les résultats, non seulement positifs, mais aussi négatifs, pour lesquels un accompagnement est nécessaire.
Mon cher collègue, nous estimons que votre inquiétude est ainsi apaisée. La commission est donc plutôt encline à vous demander le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur Cornano, l’accompagnement est déjà prévu dans l’alinéa 17. Vous proposez d’ajouter que la prise en charge est effectuée par des structures spécialisées dans le VIH, ainsi que la notion de résultat positif.
Pourquoi le texte ne mentionne-t-il pas le virus de l’immunodéficience humaine ? Dans l’article 7, il est question des « maladies infectieuses transmissibles ». Si nous avons fait ce choix, c’est pour une raison simple : pour l’instant, s’agissant des tests rapides de diagnostic, il en existe un disponible sur le marché qui concerne le VIH, mais toute une série d’autres sont en cours de développement, destinés à d’autres maladies transmissibles, notamment les hépatites virales et, probablement, bientôt, d’autres maladies sexuellement transmissibles.
Ainsi, la mention spécifique dans la loi du VIH aurait pour conséquence d’exclure de fait les accompagnements lors de la réalisation des autres tests destinés aux autres maladies transmissibles, quand ils seront disponibles. C'est la raison pour laquelle la rédaction actuelle fait le choix de mentionner la notion plus générale des maladies infectieuses transmissibles, sans préciser de nom de virus ou de maladie.
Vous avez en fait satisfaction puisque la notion d’accompagnement est, de toute façon, déjà inscrite à l’alinéa 17. Dans ces conditions, vous pourriez retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Cornano, l'amendement n° 1119 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Cornano. L’explication est claire. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 1119 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 7
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 238 rectifié sexies, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa et Cantegrit, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cadic, Commeinhes et Houel, Mme Lamure, M. Laufoaulu, Mme Micouleau et MM. Pillet et Vasselle, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, la Haute Autorité de santé remet au Gouvernement un rapport d'évaluation concernant la consommation de médicaments par les personnes âgées et formule des recommandations sur les conséquences qu'aurait la vente de médicaments à l'unité sur cette consommation et sur l'opportunité d'inscrire la déprescription dans les indicateurs de rémunération à la performance des médecins.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Mme Deromedi a pris l’initiative de déposer cet amendement, qu’il me revient de présenter ce soir. Cependant, dans la mesure où son objet est de demander un rapport, je sais d’avance quel sort va lui être réservé… (Sourires.)
En fait, il faut considérer que ces demandes sont surtout des appels en vue d’obtenir de la part du Gouvernement des précisions quant à ses intentions pour faire en sorte que les préoccupations exprimées soient levées.
Notre collègue s’inquiète de la surconsommation de médicaments. Le sujet n’est pas nouveau puisque nous l’évoquons lors de la discussion de chaque projet loi de financement de la sécurité sociale. La France est championne en la matière ! Chez les personnes âgées, certaines prescriptions peuvent aller jusqu’à vingt et un médicaments pour un même patient.
Comment lutter contre cette surconsommation de médicaments ? Y a-t-il lieu de promouvoir la « déprescription » ?
J’aimerais en tout cas, madame la secrétaire d'État, que vous puissiez nous donner votre sentiment sur cette question et nous dire vos intentions pour aboutir à un résultat qui soit plus satisfaisant en la matière, car il s’agit bien de santé publique.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 329 rectifié est présenté par MM. Antiste, Cornano, J. Gillot, Karam, Mohamed Soilihi et Patient.
L'amendement n° 394 est présenté par M. Vaspart.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, la Haute Autorité de santé remet au Gouvernement un rapport d’évaluation concernant la consommation de médicaments par les personnes âgées et formule des recommandations sur l’opportunité d’inscrire la déprescription dans les indicateurs de rémunération à la performance des médecins.
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Face au constat que vient d’évoquer notre collègue Alain Vasselle, les auteurs de cet amendement proposent de faire de la déprescription pour les personnes âgées une priorité de travail pour la Haute Autorité de santé.
Le rapport demandé répond à un enjeu tant sanitaire, la France affichant une consommation de médicaments par habitant de 22 % supérieure à la moyenne européenne, que financier, puisque 33,5 milliards d'euros ont été dépensés à ce titre en 2013, dont 90 % sont remboursables par l’assurance maladie.
Cet amendement tend ainsi à inscrire la déprescription pour les personnes âgées à l’agenda gouvernemental et à évaluer l’opportunité d’inclure cette dernière dans les critères de rémunération de la performance des médecins.
Mme la présidente. L'amendement n° 394 n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 238 rectifié sexies et 329 rectifié ?
M. Alain Milon, corapporteur. Lorsque, avec les corapporteurs, nous avons commencé à travailler sur ce projet, nous nous sommes aperçus que de très nombreuses demandes de rapports étaient formulées. Nous avons d’emblée pris une position claire, décidant d’émettre un avis défavorable sur toutes les demandes de rapports.
Je crois que, hier soir, Mme Touraine, qui était à votre place, madame la secrétaire d’État, a été saisie en deux heures et demie de neuf demandes de rapports. Cet après-midi, dans le même laps de temps, nous avons été saisis d’une dizaine de demandes. Ce soir, pour l’instant, nous en sommes à deux. Il y en aura sûrement d’autres avant la fin de l’examen de ce texte, et ils recueilleront le même avis défavorable de notre part.
J’ai dit tout à l’heure en commission, par boutade, qu’au rythme des demandes de rapports, il faudra un jour que le Président de la République nomme dans son gouvernement un ministre des rapports ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, mais pas nécessairement pour les mêmes raisons que M. le corapporteur : il ne s’agit pas d’une position de principe à l’égard des demandes de rapports en général.
Je veux m’exprimer sur le sujet précis de la possible toxicité des médicaments – ce que l’on appelle l’iatrogénie –chez les personnes âgées. C’est une question sur laquelle de nombreux experts se sont penchés de façon relativement récente : la Haute Autorité de santé a émis des recommandations qui datent de septembre 2014.
Un plan d’action a été relancé à la fois par la ministre de la santé et par la secrétaire d’État en charge des personnes âgées au moment de la préparation de la loi d’adaptation de la société au vieillissement. Ce plan d’action comporte toute une série de mesures pour limiter le recours inadéquat aux médicaments, favoriser les stratégies de soins et d’accompagnement alternatives ou complémentaires chaque fois que cela est possible, aider le médecin à gérer au mieux le risque de consommation inadéquate de médicaments chez les personnes âgées, favoriser l’observance, développer l’accompagnement pharmaceutique et améliorer la qualité de la prise en charge médicamenteuse pour les résidents en EHPAD.
Enfin, je veux préciser que la rémunération sur objectifs de santé publique des médecins inclut déjà des indicateurs qui ciblent spécifiquement la prévention des risques de toxicité médicamenteuse chez les patients de plus de soixante-cinq ans.
Ce que vous signalez à juste titre, messieurs les sénateurs, et qui constitue en effet un enjeu de santé publique extrêmement important, a déjà été pris en compte, à la fois dans la rémunération des médecins et dans les recommandations de bonnes pratiques pour l’ensemble des médecins.
Il me semble donc que les auteurs de ces amendements pourraient les retirer.
Mme la présidente. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 238 rectifié sexies est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Je tiens à remercier Mme la secrétaire d'État d’avoir eu l’amabilité d’apporter quelques éclaircissements aux auteurs de cet amendement. Je n’en demandais pas plus ! Le corapporteur a été beaucoup plus expéditif, se contentant de dire qu’il ne voulait plus de rapports, sans se préoccuper du fond. De toute façon, pour être franc, ce n’était pas tant de lui que j’attendais des éléments de réponse que de Mme la secrétaire d'État ! (Sourires.) Je la remercie et je ne doute pas que ma collègue Jacky Deromedi sera enchantée de savoir que le Gouvernement ne reste pas inactif dans ce domaine.
J’espère que les résultats seront au rendez-vous et que nous constaterons, au moment de l’examen d’un prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, une baisse de la consommation des médicaments.
Je retire donc l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 238 rectifié sexies est retiré.
Monsieur Antiste, l'amendement n° 329 rectifié l’est-il également ?
M. Maurice Antiste. Je partage tout à fait le raisonnement de mon collègue Alain Vasselle.
Nous exprimons manifestement une préoccupation largement partagée puisque, siégeant de part et d’autre de l’hémicycle, nous avons déposé quasiment le même amendement, sans nous concerter.
Nous ne sommes pas systématiquement demandeurs de rapports et je vais retirer mon amendement. Mais, convaincu qu’il faut vraiment trouver une solution à ce problème réel et dramatique – car nous sommes confrontés à des prises de médicaments qui tuent ! –, je proposerai à mon collègue et à la Haute Assemblée de créer une mission ou un groupe de travail pour suivre de très près cette affaire.
M. Alain Vasselle. Mme Deromedi sera ravie de travailler avec vous, mon cher collègue !
Mme la présidente. L'amendement n° 329 rectifié est retiré.
L'amendement n° 1120 rectifié, présenté par MM. Cornano et Courteau, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sur le fondement de l’article 10 de la loi n° 2014-892 du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport listant l’ensemble des pistes susceptibles de permettre d’améliorer très fortement l’efficacité de la prévention du virus de l’immunodéficience humaine, en particulier l’opportunité de la délivrance d’une recommandation temporaire d’utilisation au profit du concept de prophylaxie pré-exposition.
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Cet amendement vise à demander la remise d’un rapport au Parlement sur les différentes pistes permettant d’améliorer la prévention du VIH à destination de l'ensemble de la population, en particulier les publics dits « vulnérables ». Ce rapport devrait en outre se focaliser sur le dispositif Prep – prophylaxie pré-exposition –, qui est à base de médicaments antirétroviraux destinés à des personnes non infectées et leur permet de recourir à des traitements antirétroviraux pour se protéger du risque de contracter le VIH.
Le cadre d’une RTU – recommandation temporaire d’utilisation – est très spécifique. La loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé introduit la possibilité d’encadrer des utilisations en dehors du cadre de l’autorisation de mise sur le marché – AMM – par des RTU pour des médicaments bénéficiant déjà d’une AMM en France.
Les résultats particulièrement bons des dernières études et l’autorisation, depuis 2011, d’un dispositif similaire aux États-Unis notamment plaident pour la délivrance d’une RTU.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Je serai une fois de plus très bref, car je suis persuadé que Mme la secrétaire d’État nous apportera des éléments d’information importants sur la prévention du VIH.
La commission des affaires sociales est en surdosage, non de médicaments, mais de rapports ! (Sourires.) Elle a donc émis un avis défavorable sur cette demande de rapport supplémentaire.
Certes, on peut toujours prévoir des compléments d’information. Mais de nombreuses études sont publiées un peu partout, notamment sur le VIH, dont il suffirait de lire les conclusions.
M. Jean-Claude Lenoir. Bonne remarque !
M. Alain Milon, corapporteur. Il n’est donc pas nécessaire de demander systématiquement des rapports au Gouvernement, qui a certainement d’autres chats à fouetter.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, votre préoccupation est partagée par le Gouvernement.
La prophylaxie pré-exposition consiste à délivrer de façon préventive des médicaments, habituellement prescrits dans le cadre d’un traitement curatif contre le VIH, à une personne séronégative qui sait qu’elle risque de contracter le VIH, dans l’objectif d’éviter une contamination. Ces traitements ont clairement fait la preuve de leur efficacité, ainsi que l’attestent plusieurs études internationales publiées.
Le dossier, qui a été instruit, est entre les mains des scientifiques de l’Agence nationale de sécurité du médicament, l’ANSM, l’ex-Agence du médicament, auxquels il revient désormais de décider si l’utilisation de ces médicaments est possible en France, selon le système dit de recommandation temporaire d’utilisation.
Il n’est donc pas utile, dans ces conditions, que le Gouvernement rende un rapport sur ce sujet purement scientifique. C’est à l’ANSM de dire, au vu des études internationales publiées, si ces médicaments apportent ou non un bénéfice.
Je vous demande donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Cornano, l’amendement n° 1120 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Cornano. Non, madame la présidente, je vais le retirer.
Je souhaitais sensibiliser mes collègues au travail qui est réalisé en France, et notamment dans les outre-mer - Guadeloupe, Martinique, Guyane -, où il n’a rien à voir avec les études qui sont réalisées ailleurs sur le sujet. J’aurai l’occasion d’y revenir.
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les cinq premiers sont identiques.
L’amendement n° 27 rectifié quinquies est présenté par MM. Mouiller, Calvet, Fouché et Commeinhes, Mme Morhet-Richaud, MM. Perrin, Lefèvre, Cambon, Chaize et Huré, Mme Des Esgaulx, MM. Grand, Morisset, Chasseing, B. Fournier, Laménie et Mandelli, Mmes Mélot et Lamure et MM. Pellevat, Genest et Darnaud.
L’amendement n° 125 rectifié bis est présenté par M. Cadic, Mme Jouanno et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC.
L’amendement n° 463 est présenté par Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mmes Yonnet et Monier, MM. Delebarre, Carvounas et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 712 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 933 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 1211-6-1 du code la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut être exclu du don du sang en raison de son orientation sexuelle. »
La parole est à M. Philippe Mouiller, pour présenter l’amendement n° 27 rectifié quinquies.
M. Philippe Mouiller. Cet amendement vise à rétablir l’article 7 bis, tel qu’il avait été adopté par l’Assemblée nationale et dont l’objet était de mettre fin à la discrimination que subissent les homosexuels et les bisexuels masculins en matière de don du sang.
Depuis 1983, les hommes qui déclarent avoir eu, au cours de leur existence, des rapports sexuels avec un autre homme sont frappés d’une contre-indication permanente au don de sang. Cette contre-indication trouve son origine dans le questionnaire que doit remplir chaque donneur potentiel et qui permet ainsi, aujourd’hui, d’écarter du don une personne en raison de sa seule orientation sexuelle.
La question de la transfusion sanguine est au carrefour de deux enjeux essentiels : recueillir des produits sanguins en quantité suffisante pour venir en aide aux receveurs, tout en réduisant au maximum les risques de contamination de ces derniers.
La discrimination que subissent les homosexuels et les bisexuels masculins en raison de leur orientation sexuelle n’est plus acceptable. Pour des raisons d’égalité devant la loi, mais également pour répondre à des impératifs de santé publique, ce sont les pratiques sexuelles du donneur, et non son orientation sexuelle, qui doivent être prises en compte.
Nous proposons, par conséquent, que les contre-indications se basent sur les éventuels comportements à risque, et non sur l’orientation sexuelle ou l’appartenance à un groupe d’individus. Le questionnaire destiné à chaque donneur devrait être modifié en ce sens.
Tel est l’objet de cet amendement, qui affirme le principe selon lequel nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° 125 rectifié bis.
M. Michel Canevet. D’ordinaire, je suis plutôt favorable à la suppression d’articles et j’encourage les initiatives prises en ce sens. En l’occurrence, ma position est différente.
La rédaction actuelle de l’article L. 1211-6-1 du code de la santé publique conduit à stigmatiser un certain nombre de publics. Cet amendement tend à éviter toute stigmatisation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour présenter l’amendement n° 463.
Mme Catherine Génisson. La question du don de sang par les hommes homosexuels est depuis longtemps débattue au sein du Parlement. C’est, je tiens à le préciser, le groupe UDI de l’Assemblée nationale qui a pris l’initiative de mettre fin à la discrimination qui touche les hommes homosexuels ou bisexuels. Je souligne que cet amendement a été adopté par les députés à l’unanimité.
En commission, les corapporteurs ont invoqué de fausses raisons pour supprimer cette importante avancée sociale. Ils fondent en effet leur argumentation sur le fait que, aux termes de l’article L. 1211-6-1 du code de la santé publique, seules les contre-indications médicales peuvent justifier le refus opposé à une personne qui souhaite donner son sang.
Or un arrêté du ministère des affaires sociales du 12 janvier 2009, sur lequel s’appuie l’Établissement français du sang, dispose clairement que les hommes ayant eu ou ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes ne sont pas autorisés à donner leur sang.
Cet interdit ne vise donc pas seulement les comportements sexuels à risque entre hommes, comme le laissent entendre les corapporteurs.
En réalité, il est profondément discriminatoire puisqu’un homme ayant des rapports sexuels protégés avec un autre homme tombe sous le coup d’une interdiction permanente, quand un homme ayant un rapport sexuel non protégé avec une femme tombe sous le coup d’une interdiction de quatre mois, alors même que ce dernier comportement représente plus de risques pour la sécurité transfusionnelle.
L’idée sous-tendue est clairement que la population homosexuelle aurait un comportement sexuel beaucoup plus débridé que la population hétérosexuelle, ce qui est non seulement discriminatoire, mais totalement infondé.
Comme vous l’aviez dit avec force à l’Assemblée nationale, madame la secrétaire d’État, ce qui importe, ce sont les comportements sexuels et non l’orientation sexuelle. Sur le plan éthique, cela n’a pas du tout le même sens, et nous nous honorerions à rétablir cet article.
J’ajoute que, dans un arrêt du 29 avril 2015, la Cour de justice de l’Union européenne a clairement énoncé qu’il était nécessaire que la France mette en place un dispositif moins contraignant, ce qui suppose la suppression de la contre-indication permanente pour les hommes homosexuels souhaitant donner leur sang.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 712.
Mme Laurence Cohen. Je partage les propos de mes collègues : il est très important que le Sénat adopte amendements, car il est profondément injuste et discriminatoire qu’une catégorie de population soit exclue du don de sang.
Nous savons qu’un long questionnaire doit être rempli par les donneurs avant de donner leur sang. Au sein du groupe CRC, nous considérons qu’il ne doit pas être possible d’interroger les donneurs sur leur orientation sexuelle. Seule la préoccupation liée à la sécurité sanitaire doit intervenir en matière de don de sang.
J’espère que l’ensemble du Sénat approuvera le rétablissement de cet article, et cela me paraît tout à fait possible à en juger par la diversité politique des signataires de ces amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 933.
M. Jean Desessard. L’interdiction de donner son sang visant les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes est en vigueur depuis 1983. Elle serait fondée sur une plus forte présence du VIH dans cette population et sur l’existence d’une « fenêtre silencieuse » de dix jours durant lesquels le virus est indétectable dans le sang collecté.
Cet amendement tend à mettre fin à cette discrimination. La Cour de justice de l’Union européenne estime d’ailleurs que la France devrait modifier sa réglementation en matière de don de sang et trouver le moyen de ne pas en exclure systématiquement, et à vie, les hommes homosexuels.
Des études menées à l’étranger ont montré qu’une réglementation perçue comme moins discriminatoire améliore la sincérité des donneurs sur leur comportement sexuel avant le don, et donc la sécurité du don du sang.
Je souhaite, à l’instar de mes collègues, que le vote visant à rétablir l’article 7 bis soit le plus large possible.
Mme la présidente. L’amendement n° 1178 rectifié, présenté par M. Raison, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 1211-6-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut être exclu du don du sang en raison du fait qu'il a été transfusé. »
La parole est à M. Michel Raison.
M. Michel Raison. C’est avec beaucoup de prudence que je présente cet amendement, qui est avant tout destiné à me permettre d’obtenir une réponse. J’ai en effet reçu quelques transfusés qui s’étonnent de ne pas pouvoir donner leur sang. Je suppose que cette interdiction s’explique techniquement, mais cette explication n’a pas été communiquée aux personnes concernées.
Ces transfusés, dont la vie a été sauvée grâce à des donneurs de sang, souhaiteraient pouvoir à leur tour donner le leur sang. Dans le même temps, ils s’inquiètent, se demandant si le sang qui circule dans leurs vaisseaux n’abrite pas quelque virus et s’ils ne sont pas toujours, même après de nombreuses années, en période d’incubation.
En fonction de la réponse qui me sera apportée, je choisirai de retirer, ou non, mon amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Tous ces amendements visent à rétablir l’article 7 bis, qui a été introduit par l’Assemblée nationale, puis supprimé par la commission des affaires sociales.
Les cinq amendements identiques reprennent la rédaction adoptée par les députés, qui dispose que l’orientation sexuelle ne peut constituer un motif d’exclusion du don de sang.
Mes chers collègues, il faut être très clair sur les raisons qui ont motivé cette suppression par notre commission : il ne s’agit en aucun cas d’une opposition de fond. Nous sommes tous convaincus que les seules limites susceptibles d’être apportées au don de sang résultent d’exigences liées à la sécurité sanitaire des receveurs. L’orientation sexuelle ne peut constituer un motif valable d’exclusion du don de sang. Telle a été la position constante des corapporteurs durant le mois de juillet, et encore ce matin.
Cependant, tout est déjà prévu dans la loi. L’article L. 1211-6-1 du code de la santé publique, que l’article 7 bis venait compléter, dispose en effet : « Nul ne peut être exclu du don du sang en dehors de contre-indications médicales. »
Partant de ce constat et tenant compte des éclairages apportés par le Gouvernement en séance publique à l’Assemblée nationale, la commission n’a pas jugé nécessaire de compléter l’article L. 1211-6-1 du code de la santé publique. Le problème que l’article 7 bis visait à résoudre, bien que réel, ne relève pas du niveau de la loi. Les contre-indications sont définies par un arrêté ministériel, et ce sont elles qui sont prises en compte dans le questionnaire que doit remplir chaque donneur potentiel.
La véritable question est donc celle des évolutions à apporter à l’arrêté du 12 janvier 2009 fixant les critères de sélection des donneurs de sang : nous pourrons changer la loi autant que nous le voulons, si l’arrêté et le questionnaire demeurent en l’état, le problème que nous tentons de résoudre restera entier.
Comme l’a indiqué la ministre de la santé à l’Assemblée nationale, les dispositions de l’article 7 bis « n’apportent rien au droit, tel qu’il peut se décliner, aucune sécurité juridique [...] car tout relève du domaine réglementaire ». Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Mme Marisol Touraine ! Elle ajoutait : « ces amendements n’ont pas vocation à transformer par eux-mêmes les questionnaires. […] L’enjeu essentiel, vous le savez, c’est que le questionnaire évolue : s’il n’évolue pas ou s’il est simplement indiqué une déclaration de principe, certains seront satisfaits, mais, au fond, les choses n’auront pas changé. »
C’est d’ailleurs bien à une réévaluation de la réglementation actuelle que la France a été encouragée par la Cour de justice de l’Union européenne, le 29 avril dernier, dans le cadre d’une question préjudicielle. La Cour estime que « si l’exclusion prévue par la réglementation française contribue à réduire au minimum le risque de transmission d’une maladie infectieuse aux receveurs et, partant, à l’objectif général d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, le principe de proportionnalité pourrait ne pas être respecté ».
Voilà les raisons, de forme et non de fond, qui ont justifié que la commission supprime l’article 7 bis.
Au bénéfice de ces observations et dans l’attente d’éclairages complémentaires du Gouvernement sur les suites qu’il envisage de donner à cette question d’ordre réglementaire, je propose que nous nous en remettions à la sagesse de chacun dans cette assemblée.
En ce qui concerne l'amendement n° 1178 rectifié, la commission a également émis un avis de sagesse. Il tend à supprimer la contre-indication permanente visant les personnes transfusées. Le commentaire est le même que pour les amendements précédents.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Contrairement au rapporteur, j’aurai un avis tout à fait différent sur les amendements identiques, d’une part, et sur l’amendement de M. Raison, d’autre part.
La série d’amendements identiques porte sur une mesure extrêmement importante sur le plan symbolique. Cela fait des années qu’une catégorie de population est discriminée en matière de don de sang. Je veux bien entendre que, sur la forme, certains éléments relèvent davantage du domaine réglementaire que du domaine législatif, mais il est important que le Parlement puisse se prononcer sur la discrimination qui touche les hommes homosexuels dans notre pays.
Il s’agit là d’un vote extrêmement important qui, je n’en doute pas, sera relayé dans la presse demain matin. Réfléchissez à votre vote, car c’est une question de société fondamentale ! (Mouvements divers.)
M. Alain Milon, corapporteur. On ne vote pas pour la presse !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Bien sûr qu’on ne vote pas pour la presse, mais, je le redis, c’est une question de société très importante. Il s’agit d’une revendication des hommes homosexuels, qui sont discriminés depuis des années en matière de don de sang.
Il faut absolument montrer qu’il n’y a plus de discrimination sur cette question dans notre République. L’avis du Gouvernement est donc favorable sur cette série d’amendements identiques.
Pour ce qui concerne l’amendement de M. Raison, la situation est totalement différente. En l’espèce, la question n’est pas d’ordre symbolique, mais repose sur des réalités purement scientifiques.
Dans l’état actuel de la science, nous savons détecter si le VIH est présent dans les produits issus de personnes transfusées, à quelques réserves près, en particulier si la contamination a eu lieu la veille. Désormais, nous savons traiter les produits de telle façon que, même si les virus connus – VIH, hépatite B ou C, etc. – n’ont pas été détectés, ils puissent être éliminés.
En revanche, il y a peut-être des agents infectieux indéterminés que nous ne connaissons pas encore. L’histoire récente nous a montré qu’il fallait aussi prendre en compte les prions. Il peut exister d’autres agents infectieux transmissibles par le sang et les produits sanguins, donc par les transfusions, qui n’ont pas encore été détectés et qui ne donnent pas de symptômes pendant une durée éventuellement assez longue.
Les personnes transfusées sont d’ailleurs bien informées des risques, qui ne sont pas nuls, mais encore inconnus. On ne peut pas dire de façon absolument formelle qu’elles n’ont pas été contaminées par un agent infectieux inconnu dans l’état actuel de la science. C’est donc la prudence qui nous a conduits à rendre les personnes transfusées non éligibles au don de sang.
Aucun élément scientifique nouveau ne nous permet de revenir actuellement sur cet état de fait. Par conséquent, l’avis du Gouvernement sur cet amendement est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Je n’ai pas l’habitude d’intervenir de nouveau après que le Gouvernement a donné son avis. Mais là, honnêtement, madame la secrétaire d'État, je suis scandalisé que vous nous demandiez d’imaginer comment notre vote sera perçu dans la presse demain matin. Je ne trouve pas normal que vous puissiez tenir ce genre de propos sur un vote aussi important que celui-ci !
Cela fait trois ans que votre majorité est au gouvernement. La loi aurait pu être changée avant si vous l’aviez voulu. Et, sans aller jusque-là, vous auriez pu modifier simplement le règlement pour faire en sorte que les hommes homosexuels soient directement admis au don de sang. Si cela n’a pas été fait, c'est peut-être parce que la presse ne l’avait pas encore demandé… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Mme la secrétaire d'État a eu une parole malheureuse en parlant de l’effet que pourrait produire notre vote dans la presse. J’attendais plutôt qu’elle nous confirme que l’arrêté était pratiquement signé. Du reste, si le nouvel arrêté avait été pris quand le problème que nous évoquons a commencé à se poser, c'est-à-dire voilà déjà plusieurs années, la polémique serait éteinte depuis longtemps !
Vous dites, madame la secrétaire d'État, qu’il suffit que le Sénat vote ces amendements identiques, mais, si vous ne modifiez pas l’arrêté qui fixe les critères figurant sur la fiche que remplissent les candidats au don du sang, les choses ne vont pas changer.
Nous espérions que vous nous diriez qu’un vote des assemblées n’était pas nécessaire, mais que le Gouvernement allait modifier l’arrêté fixant cette exclusion, plutôt que de nous parler des retombées dans la presse.
Sur la question des transfusés, il y a un cas particulier auquel il faudrait réfléchir : celui des autotransfusés. Lorsqu’elles viennent donner leur sang, certaines personnes indiquent qu’elles ont été transfusées, mais ne peuvent pas démontrer qu’il s’agissait d’une autotransfusion. On leur interdit donc de donner leur sang, alors même qu’elles pourraient parfaitement le faire. Or les autotransfusions sont de plus en plus fréquentes. Là, le problème à résoudre est purement technique : la presse n’a rien à y voir…
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Je pense que votre propos était de montrer qu’il s’agissait d’un véritable sujet de société.
Pour avoir été médecin examinateur – à l’époque, on parlait de « centres de transfusion » –, je peux vous dire que les donneurs sont extrêmement sensibles au fait que l’on accepte ou non leur sang. Ils ont été traumatisés lorsque, après le drame du sang contaminé, les contre-indications au don du sang se sont multipliées.
Les années passant et la science évoluant, nous avons évidemment « relâché » ces contre-indications. Aujourd'hui, cette question est importante sur le plan sociétal ; quand la disposition sera votée, l’arrêté sera évidemment modifié.
Dès lors que nous considérons, et nous l’avons dit avec force, qu’il faut prendre en compte les comportements sexuels et non l’orientation sexuelle, nous ferons une grande avancée dont nous pourrons être fiers collectivement et, je l’espère, unanimement. Nous prouverons ainsi que nous sommes dans une logique de non-discrimination entre donneurs de sang au regard de la vie que chacun choisit de mener en fonction de son orientation sexuelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Comme je ne suis pas biologiste, je souhaiterais qu’un point soit éclairci : si le receveur peut être contaminé par un virus qu’on ne connaît pas encore aujourd’hui, c'est bien parce que le donneur en est porteur. Pourtant, celui-ci continuera à donner son sang alors que le transfusé, lui, ne le pourra pas !
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. J’ai cosigné, dans cette série d’amendements identiques relatifs au don de sang, celui qui émane de mon groupe. Cependant, M. le corapporteur vient de nous expliquer que notre vote n’aura pas de conséquence parce que c'est au niveau réglementaire qu’il faut changer les choses. J’entends bien les propos de Mme la secrétaire d'État sur la portée symbolique de notre vote et sur l’effet dans la presse demain. Toutefois, selon moi, la loi est destinée à faire non pas œuvre symbolique, mais œuvre utile.
Je ne voterai donc pas ces amendements. (Applaudissements sur le banc de la commission.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Mme la secrétaire d'État s’est peut-être expliquée de façon quelque peu maladroite, mais il est plus d’une heure du matin…
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Vous êtes bien indulgente… Vous l’auriez moins été s’il s’était agi d’un orateur de notre groupe !
Mme Laurence Cohen. Madame la rapporteur, je vous écoute quand vous intervenez, alors je vous prie de faire de même lorsque c’est moi qui m’exprime !
Ce n’est pas cela qui doit déterminer notre vote.
Selon moi, le vote que nous allons émettre ce soir est extrêmement important. Nous sommes confrontés à une discrimination qui dure depuis des années. Il est fondamental que, en tant que parlementaires, nous puissions nous prononcer contre cette injustice, afin qu’il y soit concrètement remédié.
Compte tenu des explications de Mme la ministre, je ne peux pas douter que l’arrêté suive. Je pense donc que les choses iront de pair. Il me paraît par conséquent nécessaire que nous votions cette disposition ensemble ce soir, car cela constituerait un signe politique de la représentation parlementaire.
Il faut en effet que nous marchions sur nos deux pieds, si j’ose dire : il faut ainsi que le nécessaire soit fait au niveau réglementaire, mais il faut aussi que le Parlement s’inscrive dans une logique de non-discrimination à l’égard d’un groupe donné.
C’est pourquoi j’appelle la représentation parlementaire à voter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Nous savons tous que le Sénat est reconnu pour la qualité de ses travaux législatifs. Donc, face à la question qui nous est posée ce soir, les rapporteurs de la commission ont naturellement pris le temps d’analyser la situation ; leur connaissance nous a ainsi permis de mettre en relief la difficulté juridique que nous devons collectivement résoudre.
Il y a bien deux sujets : d’une part, le message qui doit être à mon avis envoyé au travers de notre vote modifiant le texte législatif et, d’autre part, l’engagement formel du Gouvernement de modifier l’arrêté en question, puisque, sans cette modification, notre vote ne servirait à rien.
Il faut donc un engagement mutuel du Sénat et du Gouvernement, de sorte que la difficulté juridique soulevée par la commission soit clairement réglée.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Nous parlons d’une disposition datant de 1983, soit au moment de l’éclosion de l’épidémie du sida. Or cette décision, lorsqu’elle a été prise, constituait à mon avis non pas une discrimination d’ordre social, mais plutôt une prévention sanitaire.
Les choses ont totalement changé depuis lors, et je pense qu’aucun d’entre nous, quelle que soit sa sensibilité, ne souhaite que ces discriminations perdurent ; nous sommes tous d’accord, il faut que cela s’arrête puisque la peur sanitaire n’existe plus. Il convient donc de faire cesser cela et de donner à l’extérieur une image d’unanimité.
Mme Michelle Meunier. Bien sûr !
M. Gérard Roche. Ensuite, cela doit être suivi d’effet.
Personnellement, je ne sais pas ce qu’il faut voter ; lors de l’examen en commission, j’avais été convaincu par le rapporteur et par l’argument développé par Mme Touraine à l’Assemblée nationale.
L’image que nous renverrons dans les médias ne me semble pas être le problème ; il s’agit bien plutôt de l’image que nous donnerons à notre société.
Mme Michelle Meunier. Voilà !
M. Gérard Roche. Il faut donc une décision unanime visant à mettre fin à cette situation, ainsi qu’un engagement du Gouvernement pour que ce soit suivi d’effet ; convenons-en, nous ne sommes plus à l’époque où cette disposition était d’actualité.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Je veux apporter quelques précisions puisque des questions supplémentaires ont été posées.
En premier lieu, l’autotransfusion n’est pas une contre-indication au don du sang ; la contre-indication n’existe que lorsque l’on a été transfusé à partir d’un donneur différent.
En deuxième lieu, pour répondre à la remarque de M. Raison, il s’agit d’une question d’épidémiologie. Si un individu porteur d’une pathologie infectieuse inconnue à ce jour donne son sang, il transmet cette pathologie au receveur sans qu’on le sache ; alors, vous avez raison, celui-ci n’aura pas le droit de donner son sang tandis que le donneur originel pourra continuer à donner le sien.
Pourquoi le receveur n’en a-t-il pas le droit ? Parce qu’il y aura, dans les faits, non pas un, mais environ dix receveurs. Or, autoriser les receveurs à donner leur sang aboutirait à augmenter de façon exponentielle la contamination potentielle. Ainsi, en épidémiologie, il existe des règles simples : quand on n’est pas sûr à 100 % que quelqu’un n’a pas une maladie infectieuse transmissible, on ne multiplie pas la contamination potentielle. C’est pourquoi les transfusés ne peuvent donner leur sang, en tout cas dans l’état actuel des connaissances, c'est-à-dire tant qu’on n’est pas capable d’éliminer formellement toute pathologie infectieuse de façon définitive.
En troisième lieu, s’agissant de la position du Gouvernement à propos du questionnaire précédant le don du sang et notamment de la question sur l’orientation sexuelle, j’indique qu’un travail est actuellement en cours au ministère en vue d’élaborer un nouveau questionnaire ; cela se fait en concertation avec l’ensemble des associations et des acteurs concernés au sens large : donneurs, receveurs, ou encore monde sanitaire. La ministre de la santé ne décidera donc pas seule de ce qui doit figurer dans ce questionnaire ; elle le fera avec les professionnels et les associations de patients.
L’objectif est que ce questionnaire ne soit plus discriminatoire et n’interdise plus aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes de donner leur sang. Ce travail arrivera à son terme au cours de l’automne, en novembre prochain, et l’arrêté sera donc modifié conformément à son résultat.
Voilà pour le travail des professionnels et des associations de patients sur le sujet. En revanche, ce dont il est question ce soir, c’est de votre avis, à vous, parlementaires ! Je reconnais avoir été probablement maladroite en évoquant la réaction de la presse demain matin ; en revanche, imaginez l’image que vous donnerez à la société tout entière ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Ce n’est pas une question d’image !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Si, c’est une question d’image ! Souhaitez-vous envoyer un message d’opposition du Parlement au don de sang par les homosexuels hommes ? Certes, vous pourrez toujours expliquer qu’en réalité la mesure n’est pas de nature législative, mais c’est ainsi que ce sera compris ! Telle est la réalité que je tente de vous faire saisir !
Je comprends parfaitement vos réticences : vous ne votez pas en fonction de l’image que vous renvoyez ; mais c’est pourtant à la question suivante que vous êtes amenés à répondre : qu’en pense le Parlement ? Êtes-vous pour ou contre ? Telle est la décision que vous êtes amenés à prendre ce soir.
Mme Françoise Gatel. Ce n’est pas une question de médias !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Je ne parle plus des médias, j’ai été claire à ce sujet. Je dis que c’est une question relative à la société dans laquelle vous voulez vivre : souhaitez-vous vivre dans une société qui discrimine ou qui ne discrimine pas ? Telle est à mon sens la question qui vous est posée. Vous avez le droit de ne pas être d’accord,…
Mme Françoise Gatel. Il ne s’agit pas de donner des leçons de morale !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. … mais c’est une vraie question de société. C’est pourquoi je vous la pose en ces termes. (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la secrétaire d’État, j’entends bien ce que vous venez de nous dire ; vous essayez de rattraper un peu vos propos sur notre image dans les médias ; mais pour ma part, je n’ai jamais voté en fonction de cela, et ce n’est pas ce soir que je commencerai !
En outre, en essayant de rattraper vos propos initiaux, vous tenez des propos tout à fait contraires à ceux de Mme Touraine à l’Assemblée nationale ; mais je suppose que vous les lui répéterez.
Toutefois, je pense sincèrement que de tels propos, qui me choquent profondément, ne sont pas à la hauteur du débat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Madame la secrétaire d’État, sans vouloir polémiquer, je veux vous faire part de mon incompréhension et de mon indignation. Je trouve que le ton sur lequel on nous pose les questions est moralisateur, accusateur, et laisse penser que les assemblées prennent leurs décisions en fonction de l’humeur des journalistes et des émotions.
Mme Laurence Cohen. Oh !
Mme Françoise Gatel. Si, c’est ainsi qu’on nous parle ! Je veux bien comprendre que votre propos a dépassé votre pensée, madame la secrétaire d’État, mais il faut tout de même avoir une certaine considération pour le Sénat : nous pouvons avoir, en notre âme et conscience, des opinions extrêmement différentes. Il n’y a pas, d’un côté, les bons penseurs et, de l’autre, les mauvais penseurs. Ce type de discours, que l’on entend depuis un moment dans cet hémicycle à travers l’examen du projet de loi de santé, est intolérable et inadmissible. (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. )
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27 rectifié quinquies, 125 rectifié bis, 463, 712 et 933.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 7 bis est rétabli dans cette rédaction, et l'amendement n° 1178 rectifié n'a plus d'objet.
Madame la ministre, mes chers collègues, nous avons examiné 67 amendements au cours de la journée. Il en reste 866.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
16
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 17 septembre 2015 :
À dix heures quarante :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé (n° 406, 2014-2015) ;
Rapport de M. Alain Milon, Mmes Catherine Deroche et Élisabeth Doineau, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 653, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 654, 2014-2015) ;
Avis de M. Jean-François Longeot, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 627, 2014-2015) ;
Avis de M. André Reichardt, fait au nom de la commission des lois (n° 628, 2014-2015).
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze et le soir : suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 17 septembre 2015, à une heure quarante.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART