Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Monsieur Détraigne, vous avez raison, les magistrats ont, dans les toutes premières années, massivement appliqué les peines planchers, puis ils ont fait de gros efforts pour y déroger. L’objectivité avec laquelle ils jugent les a conduits à considérer que, dans bien des cas, l’application de la peine plancher ne convenait pas. Comme M. le rapporteur vient de le rappeler, les magistrats ont parfois eu recours au sursis avec mise à l’épreuve pour éviter le prononcé d’une peine plancher.
Cela étant – je l’ai déjà dit il y a quelques instants –, les peines planchers entravent l’individualisation des peines, dans le principe et dans la pratique. C’est absolument incontestable ! J’en reviens à l’article 132-19-1 du code pénal relatif aux peines planchers, introduit par la loi de 2007, que je cite à l’intention de M. Bas et qui vient aussitôt après le tableau des peines planchers : « Par décision spécialement motivée, la juridiction peut toutefois prononcer une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure aux seuils prévus par le présent article si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion. » Or, je le répète, le public qui est visé par le projet de loi et qui a besoin d’être accompagné ne présente précisément pas ces garanties exceptionnelles.
Souvenons-nous que les peines planchers ont plus que triplé, bondissant de 14 % à 44 % ! Qu’en est-il résulté ? La principale conséquence a été la surpopulation carcérale, au titre des courtes peines. Or, en pareil cas, il est impossible de préparer la sortie de prison, précisément parce que le temps est trop court. Qui plus est, les personnes concernées sont encore plus désocialisées, du fait de leur passage en prison. J’ai déjà cité ces chiffres hier en ouvrant la discussion générale : 7 % des personnes qui entrent en prison sont sans domicile fixe et 14 % des personnes qui en sortent sont sans solution d’hébergement. Il faut tenir compte de cette réalité !
Autrement dit, nous devons nous poser la question suivante : l’objectif affiché, à savoir la lutte contre la récidive, a-t-il été servi par les peines planchers ? Non seulement tel n’a pas été le cas, mais les peines planchers ont eu l’effet inverse, notamment sur les petits délits, punis de moins de trois ans d’emprisonnement. J’ai cité hier le chiffre de 47 %.
Ces peines ont aggravé la surpopulation carcérale et donc entravé la lutte contre la récidive. Voilà pourquoi elles ont eu un effet pervers. Elles ont trahi l’intention du législateur.
Répétons-le, le législateur voulait lutter contre la récidive, mais, en réalité, il a mis en place un dispositif qui, en augmentant considérablement la population carcérale – cette dernière a crû de 35 % en dix ans –, a contrecarré tout ce qui pouvait être fait sur ce front au sein des établissements pénitentiaires.
Voilà pourquoi nous affirmons qu’il est nécessaire de supprimer les peines planchers. J’ajoute qu’il ne s’agit pas de les abroger purement et simplement. Le présent texte met à la disposition des magistrats un arsenal comprenant notamment la contrainte pénale, qui permettra d’assurer le suivi le plus individualisé possible. Il pourra être adapté, ajusté. À ce jour, nous ne disposons pas, dans le code pénal, d’un semblable instrument.
À l’avenir, ce suivi sera ajusté et évalué – c’est là une obligation. Ainsi, nous instaurons de meilleures assurances pour la réinsertion de personnes que l’on incarcérait précisément faute de pouvoir apporter ces garanties exceptionnelles.
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Cette réforme a pour principe inhérent le retour à une plus grande liberté d’appréciation du juge.
Pour ma part, je craignais fort que la suppression des peines planchers ne s’accompagne, par exemple, de l’instauration d’une règle relative à une libération d’office. Je redoutais que l’on étende la liberté d’appréciation d’un côté tout en la restreignant de l’autre.
Étant donné que le projet de loi présente une cohérence d’ensemble, c’est-à-dire que cette liberté d’appréciation des magistrats se traduit aussi bien par la suppression des peines planchers que par l’absence d’un principe de libération d’office, je ne voterai pas ces amendements de suppression.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 27 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
I. – (Non modifié) Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après le mot : « présent, », la fin du second alinéa de l’article 132-29 est ainsi rédigée : « que, en cas de condamnation pour une nouvelle infraction qui serait commise dans les délais prévus aux articles 132-35 et 132-37, le sursis pourra être révoqué par la juridiction. » ;
2° À la fin de l’article 132-35, les mots : « sans sursis qui emporte révocation » sont remplacés par les mots : « ayant ordonné la révocation du sursis dans les conditions définies à l’article 132-36 » ;
3° L’article 132-36 est ainsi rédigé :
« Art. 132-36. – La juridiction peut, par décision spéciale, révoquer totalement ou partiellement, pour une durée ou un montant qu’elle détermine, le sursis antérieurement accordé, quelle que soit la peine qu’il accompagne, lorsqu’elle prononce une nouvelle condamnation à une peine de réclusion ou à une peine d’emprisonnement sans sursis.
« La juridiction peut, par décision spéciale, révoquer totalement ou partiellement, pour une durée ou un montant qu’elle détermine, le sursis antérieurement accordé qui accompagne une peine quelconque autre que la réclusion ou l’emprisonnement, lorsqu’elle prononce une nouvelle condamnation d’une personne physique ou morale à une peine autre que la réclusion ou l’emprisonnement sans sursis. » ;
4° À l’article 132-37, les mots : « sans sursis emportant révocation » sont remplacés par les mots : « ayant ordonné la révocation du sursis » ;
5° L’article 132-38 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « simple », sont insérés les mots : « ordonnée par la juridiction » ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
6° À l’article 132-39, le mot : « encourue » est remplacé par les mots : « prononcée dans les conditions prévues à l’article 132-36 » ;
7° L’article 132-50 est ainsi rédigé :
« Art. 132-50. – Si la juridiction ordonne l’exécution de la totalité de l’emprisonnement et si le sursis avec mise à l’épreuve a été accordé après une première condamnation déjà prononcée sous le même bénéfice, elle peut, par décision spéciale, ordonner que la première peine sera également exécutée. »
II. – L’article 735 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 735. – Lorsque la juridiction de jugement n’a pas statué sur la révocation du sursis en application de l’article 132-36 du code pénal parce qu’elle n’avait pas connaissance de la première condamnation, le procureur de la République peut ultérieurement saisir le tribunal correctionnel d’une requête motivée tendant à sa révocation.
« Le tribunal statue lors d’une audience publique après audition de la personne et, s’il y a lieu, de son avocat. »
III (nouveau). – À l’article 735-1 du même code, les mots : « selon les modalités prévues à l’article 711 » sont remplacés par les mots : « selon la procédure prévue à l’article 735 ».
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Le droit en vigueur prévoit la révocation automatique du sursis simple en cas de nouvelle condamnation. C’est la nature même du sursis que de devoir être révoqué en cas de récidive. Or les dispositions du présent article révèlent une nouvelle conception du sursis. Ce dernier ne serait plus automatiquement révoqué en cas de récidive. La révocation du sursis simple demeurerait une simple faculté de la juridiction de jugement, qui pourrait le prononcer ou non en cas de nouvelle condamnation.
C’est pour nous opposer à cette évolution que nous avons déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je fais mienne l’argumentation que vient de développer Jean-René Lecerf : cet article laisse la liberté au juge de révoquer ou non le sursis. Aujourd’hui, l’automaticité de la révocation peut poser des problèmes. Aussi, nous inversons le principe, pour permettre à la juridiction de révoquer le sursis en toute connaissance de cause. À cet égard, cet article a lui aussi pour objet de renforcer l’individualisation des peines prononcées.
L’étude d’impact estime la baisse de la population carcérale attendue de cette mesure à environ 1 700 personnes. Dans le contexte de surpopulation des prisons que nous connaissons, cet effet n’est tout de même pas négligeable.
Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Ce sont les magistrats eux-mêmes qui ont attiré notre attention sur le fait qu’ils prononcent parfois des peines en ignorant l’existence d’un sursis et que la décision en résultant est contraire à leur intention, eu égard à leur appréciation de la faute et à la sanction qu’ils souhaitent prononcer. En l’état actuel du droit, le sursis est automatiquement révoqué.
Les juges doivent disposer de tous les éléments d’appréciation existants, dont celui-ci. Ils choisiront ainsi de révoquer ou non le sursis. Il ne leur sera pas interdit d’agir en ce sens. Il faudra simplement prononcer la révocation. Autrement dit, il faudra que la volonté du magistrat soit connue, ni plus ni moins. Le magistrat pourra révoquer un sursis tout à fait librement.
Il faut mettre un terme à cette automaticité – car c’en est une – conduisant à ce que des révocations soient prononcées sans que personne l’ait voulu. Je le répète, en découvrant cette mesure, le magistrat qui en est à l’origine la déplore parfois lui-même.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Madame le garde des sceaux, le mot « automaticité » peut renvoyer à des réalités très différentes.
Lorsqu’il est question d’automaticité pour le prononcé d’une peine initiale pour un primo-délinquant, chacun d’entre nous manifeste son opposition au nom de l’individualisation des peines. En revanche, dans le cas d’une peine de prison avec sursis, le juge saisi à l’origine a déjà porté une appréciation individuelle sur le cas du délinquant. Il a déjà décidé l’instauration d’un sursis, pour suspendre en quelque sorte une épée de Damoclès au-dessus de la tête du délinquant, afin de dissuader toute récidive. Si le sursis, prononcé par le juge en toute connaissance de cause, n’est plus automatiquement révoqué en cas de récidive, la notion même de récidive perd presque toute sa portée.
Voilà pourquoi cette évolution nous semble préjudiciable à une politique pénale responsable. Elle permet à des magistrats de remettre en cause une décision fondamentale prise précédemment, par la condamnation avec sursis.
M. le président. L'amendement n° 49 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
que, en cas
par les mots :
qu’en cas
II. – Alinéa 16
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le tribunal statue en audience publique, après audition de la personne et, s’il y a lieu, de son avocat. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
On le répète souvent, la baisse de la qualité des textes de loi conduit à les remettre sans cesse sur le métier, ici pour corriger une maladresse rédactionnelle, là pour envisager un cas particulier auquel on n’avait pas songé.
Une loi bien rédigée est une loi claire et efficace. Ces exigences sont particulièrement fortes en matière pénale, domaine dans lequel la législation est d’interprétation stricte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui tend à apporter deux améliorations réelles.
M. le président. L'amendement n° 89, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
ayant ordonné la révocation du sursis dans les conditions définies à l’article 132-36
par les mots :
ayant ordonné la révocation totale du sursis dans les conditions définies à l’article 132-36 ; le caractère non-avenu de la condamnation ne fait pas obstacle à la révocation totale ou partielle du sursis en cas d’infraction commise dans le délai de cinq ans
II. – Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
6° À l’article 132-39, les mots : « si la révocation du sursis n’a pas été encourue » sont remplacés par les mots : « si la révocation totale du sursis n'a pas été prononcée dans les conditions prévues à l’article 132-36 » ;
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il s’agit d’un amendement de coordination et de cohérence avec une disposition relative au sursis avec mise à l’épreuve.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 6 bis
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° L’article 132-44 est ainsi modifié :
a) Le 5° est ainsi rédigé :
« 5° Obtenir l’autorisation préalable du juge de l’application des peines pour tout changement d’emploi ou de résidence, lorsque ce changement est de nature à mettre obstacle à l’exécution de ses obligations ; »
b) Il est ajouté un 6° ainsi rédigé :
« 6° Informer préalablement le juge de l’application des peines de tout déplacement à l’étranger. » ;
3° L’article 132-45 est ainsi modifié :
a) Après le 7°, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :
« 7° bis Sous réserve de son accord, s’inscrire et se présenter aux épreuves du permis de conduire, le cas échéant après avoir suivi des leçons de conduite ; »
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« 20° Obtenir l’autorisation préalable du juge de l’application des peines pour tout déplacement à l’étranger.
« Les obligations prévues aux 1°, 3° et 18° du présent article ne peuvent être prononcées que si la juridiction décide que, en application du second alinéa de l’article 132-42, le sursis ne s’appliquera à l’exécution de l’emprisonnement que pour une partie de celui-ci. » ;
4° L’article 132-52 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le caractère non-avenu de la condamnation ne fait pas obstacle à la révocation totale ou partielle du sursis avec mise à l’épreuve dès lors que le manquement ou l’infraction ont été commis avant l’expiration du délai d'épreuve. »
II. – Le dernier alinéa de l’article 132-45 du code pénal, dans sa rédaction résultant de la présente loi, entre en vigueur le 1er janvier 2017.
M. le président. L'amendement n° 76, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le dernier alinéa de l’article 132-41 est supprimé ;
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Cet amendement vise à rétablir la possibilité pour le juge, telle qu’adoptée par la commission des lois de l’Assemblée nationale, de prononcer un sursis avec mise à l’épreuve sans limitation liée à l’état de récidive légale. Cette mesure s’inscrit dans le processus général de suppression des dispositions spécifiques aux récidivistes et dans la logique du présent texte, que nous avons longuement évoquée, visant à renforcer le principe d’individualisation des peines.
À ce jour, le dernier alinéa de l’article 132-41 du code pénal limite à deux le nombre de sursis auquel une personne en état de récidive légale peut être condamnée. Ce plafond est abaissé à un seul sursis pour les infractions avec violences ou pour les infractions sexuelles commises avec la circonstance aggravante de violences.
Or les processus de sortie de délinquance peuvent inclure des rechutes et des aléas. S’ils sont moins graves que les premiers faits commis ou s’ils surviennent longtemps après eux, ils ne doivent pas nécessairement donner lieu à une peine de prison ferme. Cependant, ils peuvent justifier le prononcé d’une nouvelle peine de sursis pour que le condamné continue à être suivi et pour que ses efforts soient accompagnés.
La suppression du dernier alinéa de l’article 132-41 restaure la pleine capacité d’appréciation du juge, qui pourra soit décider de condamner les personnes en état de récidive à un nouveau sursis, soit les condamner à une peine sans sursis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Comme le Gouvernement à l’Assemblée nationale, il nous a semblé que, dans certains cas, il fallait distinguer entre récidivistes et non-récidivistes.
En outre, dès lors que les sursis avec mise à l'épreuve sont prononcés dans le cadre de peines « mixtes », ils peuvent se cumuler sans restriction, y compris pour les récidivistes.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Bosino, le Gouvernement entend votre préoccupation en faveur de l’individualisation des peines. La situation que vous évoquez permet cependant de comprendre, une fois de plus, comment la contrainte pénale va améliorer la prise en charge et l’accompagnement des personnes qui en ont vraiment besoin. Jusqu’à présent, on n’a pas accordé aux magistrats ou, ensuite, aux services de milieu ouvert, les moyens de pratiquer de véritables accompagnements. C’est ce que nous entendons faire par ce texte de loi.
En ce qui concerne les récidivistes, nous sommes absolument convaincus de la nécessité de garantir un accompagnement le plus tôt possible dans le cadre de l’exécution de la peine. L’une des conditions d’efficacité du dispositif est ainsi de faire en sorte que le récidiviste, déjà sanctionné plus lourdement, voit sa situation examinée dans les mêmes délais qu’un non-récidiviste. Je dis le même délai, mais, en réalité, la peine étant plus lourde, les deux tiers d’une peine prononcée à l’encontre d’un récidiviste ne recouvrent pas la même durée que les deux tiers d’une peine plus clémente.
En revanche, il ne nous semble pas nécessairement utile et efficace pour l’auteur de l’infraction d’accumuler de fausses solutions. La multiplication des sursis n’est pas toujours une bonne réponse. Une peine mixte, voire une peine de contrainte pénale, peut être plus efficace.
En observant les parcours de délinquance, on constate que la réitération se produit souvent dans un temps très court. Une situation sociale, ou parfois seulement personnelle, conduit la personne à réitérer. Dans ce cas, une prise en charge, avec un accompagnement et un certain nombre de contraintes et d’obligations est préférable à une accumulation de mesures dénuées d’effet réel et qui n’aident pas à la réinsertion.
Pour ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Bosino, l'amendement n° 76 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Bosino. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 105, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
II. - Après l'alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
5° À l'article 132-56, le mot : « second » est remplacé par le mot : « deuxième ».
III. - Alinéa 16
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Lors de sa réunion du mercredi 18 juin, la commission des lois s'est prononcée en faveur de l'extension progressive du champ de la contrainte pénale à l'ensemble des délits, quel que soit le quantum de peine encouru, à compter du 1er janvier 2017. Plusieurs intervenants, à gauche comme à droite, ont souhaité que cette extension n'ait pas lieu de façon automatique, ainsi que le prévoit le texte du projet de loi voté à l'Assemblée nationale, mais que le Parlement soit amené à se prononcer expressément sur une telle extension, au vu du premier bilan effectué.
Comme je ne suis pas aussi incontrôlable qu’on le dit,…
Mme Nathalie Goulet. Oh ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. … je partage ce point de vue. Il me semble que si l’on veut étendre cette contrainte pénale à tous les délits, il faut que le Parlement se prononce au vu des résultats de l’évaluation.
J’ai donc fait adopter ce matin cet amendement, qui vise à rendre obligatoire une nouvelle loi pour étendre ou modifier la contrainte pénale. Il tend par ailleurs à procéder à une mesure de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vais vous parler très franchement, monsieur le rapporteur. Même si nous avons eu des échanges rapides à ce sujet, je découvre quelque peu cet amendement.
Le dispositif adopté à l’Assemblée nationale, qui oblige le Gouvernement à présenter au Parlement une évaluation dans les deux ans suivant la promulgation de la loi, me semble satisfaisant. Ce clapet introduit dans le texte, qui retarde l’extension de la contrainte pénale jusqu’après l’évaluation, me paraît tout à fait raisonnable et sérieux. Si l’on part de l’hypothèse que ces deux qualités sont également celles du Parlement, celui-ci fera le nécessaire si l’évaluation laissait apparaître qu’il convient de ne pas appliquer ces dispositions différées.
Je souhaite que, sur ce point, nous en restions au texte voté à l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je ne vais pas retirer cet amendement, car, quel que soit le résultat de l’évaluation présentée au Parlement, le basculement sera automatique en 2017.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C’est ce que souhaite éviter la commission des lois.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. M. Bas avait raison de dire qu’il ne faut pas utiliser un mot pour un autre. Il n’y a pas d’automaticité, monsieur le rapporteur. Il y a des textes d’application immédiate et d’autres d’application différée.
Voyez la collégialité de l’instruction : adoptée en 2007, le Parlement en a différé l’application à deux reprises. Il faut dire que le texte original n’était pas applicable. Nous l’avons retravaillé, et j’ai présenté un projet de loi en conseil des ministres en avril 2013. Il n’a toujours pas été soumis au Parlement !
Si, le cas échéant, vous voulez reporter l’extension de la contrainte pénale, choisissez plutôt de le faire par amendement, au lieu de supprimer aujourd’hui le dispositif. Cette procédure serait plus simple que d’attendre de trouver une circonstance permettant d’introduire ce qui vous paraîtra juste au terme de l’évaluation.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je voterai cet amendement.
Lorsque j’ai défendu la motion tendant à opposer la question préalable, j’ai souligné qu’il n’est pas de véritable expérimentation si sa généralisation n’est pas suspendue à une décision postérieure à son évaluation.
Ici, le délai prévu est très court. Nous sommes en juin 2014, et la généralisation du système de la contrainte pénale est prévue au 1er janvier 2017. Cela ne laisse nullement le temps à l’expérimentation de se déployer dans les tribunaux et de prendre le recul nécessaire pour en apprécier la validité.
En outre, madame le garde des sceaux, contrairement à votre interprétation du texte en discussion, l’alinéa 16 de l’article 6 bis dispose que « le dernier alinéa de l’article 132-45 du code pénal, » – c'est-à-dire les dispositions que nous soumettons à expérimentation – « dans sa rédaction résultant de la présente loi, entre en vigueur le 1er janvier 2017 ». En droit, le présent de l’indicatif vaut obligation.
Par conséquent, non seulement le délai avant la généralisation est très court, mais, en sus, la généralisation se passera de toute nouvelle disposition législative. Afin que rien ne permette le passage automatique à la généralisation au 1er janvier 2017, je crois souhaitable de supprimer l’alinéa 16 de l’article 6 bis.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de cinq minutes.
M. le président. Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le président, madame la ministre, nous avons mis à profit la suspension de séance que vous nous avez accordée pour échanger sur le sujet.
Nos réflexions ont abouti à maintenir la position de la commission, pour la raison suivante : nous sommes toujours ouverts au dialogue et nous savons qu’il y aura une commission mixte paritaire, qui statuera. Toutefois, en l’état actuel des choses, il nous paraît logique de tirer les conséquences de l’évaluation qui sera faite au bout de deux ans. Évaluer une loi nouvelle, c’est d’ailleurs très bien, très moderne !
Comme vous, madame la ministre, nous prenons cette évaluation très au sérieux, et nous souhaitons de tout cœur qu’elle soit positive, parce que nous croyons beaucoup à cette mesure nouvelle que nous nous apprêtons à voter. Cependant, il faut aussi envisager l’éventualité que cette évaluation ne soit pas positive, ou bien, comme le disait Mme Klès, qu’elle aboutisse à proposer des modalités différenciées ou des adaptations.
Il nous paraît donc logique que, une fois cette évaluation réalisée, le Parlement soit saisi, s’il y a lieu, afin de revoir le dispositif. À défaut, cela reviendrait à présupposer que l’évaluation est positive et qu’il n’y a pas de conséquences à en tirer.
Le raisonnement de la commission nous semble logique et nous le soutenons en toute sérénité. Nous maintenons donc l’amendement n° 105, après avoir entendu vos préoccupations, madame la garde des sceaux.
M. le président. Je mets aux voix l’article 6 bis, modifié.
(L'article 6 bis est adopté.)
Article 6 ter
(Non modifié)
Le 10° de l’article 132-45 du code pénal est complété par les mots : « , et ne pas prendre part à des jeux d’argent et de hasard ». – (Adopté.)
Article 6 quater
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article 132-49 du code pénal est supprimé.
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. L’article 6 quater concerne la révocation partielle du sursis. À l’heure actuelle, le juge peut décider à titre exceptionnel que la récidive, après une condamnation avec sursis, donnera lieu, non à la levée totale du sursis, mais seulement à sa révocation partielle.
Or le projet de loi dont nous débattons, en prévoyant que plusieurs récidives pourraient donner lieu à plusieurs révocations partielles, aboutit à vider encore davantage de son contenu la notion de sursis. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission considère qu’il convient de laisser au JAP, le juge d’appréciation des peines, la faculté d’apprécier au cas par cas, ce qui lui permettra d’adapter la sanction des manquements à l’évolution du condamné et à la gravité de chaque manquement.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est également défavorable, car cet article améliore l’efficacité de la peine.
M. Philippe Bas. C’est paradoxal !