M. Philippe Bas. L’article 1er ajoute au code pénal un article visant à définir à la fois la nature et le sens de la peine. Malgré le caractère très synthétique que lui ont imprimé ses auteurs, on y trouve les intérêts de la société, ceux de la victime, la nécessité de la réinsertion du délinquant et encore beaucoup d’autres choses… Bref, on y ménage la chèvre et le chou. Tout le monde peut y trouver son compte !
Il s'agit non pas d’une disposition ayant force de loi, mais d’une explication de texte, d’une sorte d’exposé des motifs. En réalité, c’est une disposition proclamatoire, sinon déclamatoire.
Mes chers collègues, ne prenons pas l’habitude d’introduire dans le code pénal des articles ne fixant aucune règle et ne prévoyant aucune sanction, même s’il s’agit d’évoquer des sanctions et le sens de la peine.
Le dispositif prévu par le Gouvernement ne se trouverait nullement affecté de la suppression de l’article 1er puisque ce dernier n’a aucune portée. C’est pour nous une question de principe : la loi ne doit pas se laisser aller à des bavardages, aussi intéressants soient-ils. Par ailleurs, nous sommes loin, ici, de l’élégance stylistique de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. (M. Vincent Capo-Canellas applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 26 rectifié.
M. Yves Détraigne. L’article 132-24 du code pénal, introduit par la loi pénitentiaire de 2009, précise déjà que « la nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l’insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions ». Dans ces conditions, l’article 1er n’apporte rien et est inutile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il nous paraît utile de fixer la ligne du projet de loi dès le début. C’est pourquoi il convient de maintenir la définition du sens de la peine à cet endroit du texte.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Je suis étonnée par les arguments que je viens d’entendre, car nous nous référons justement à la partie de la loi pénitentiaire qui a été codifiée, cette dernière ne l’ayant pas été totalement. Or, comme vous l’avez rappelé, monsieur Détraigne, l’article 132-24 du code pénal relève de cette partie codifiée de la loi pénitentiaire.
Monsieur Bas, vous affirmez que cette disposition n’est pas normative, qu’il s’agit juste de bavardage. Elle est bien normative, c’est incontestable, puisqu’elle renvoie à un autre article !
L’article 1er distingue deux questions fondamentales : d’une part, celle des finalités des fonctions de la peine ; d’autre part, celle de l’individualisation de la peine. Dans ce cas, il y a un renvoi de l’article 130-1 à l’article 132-1 du code pénal, ce qui prouve bien qu’il s’agit d’une disposition normative. Des personnes plus savantes que moi sauraient peut-être mieux vous en faire la démonstration…
Quoi qu’il en soit, vous n’avez pas évoqué de conflit entre le domaine législatif et le domaine réglementaire. Vous avez seulement déclaré que l’article 1er n’était pas nécessaire parce qu’il était dépourvu de fondement normatif. J’affirme, au contraire, que tel n’est pas le cas dans la mesure où il renvoie à un autre article du code pénal.
De plus, cet article permet de concilier des objectifs qui avaient été définis dans la loi pénitentiaire. Ce texte avait à la fois affirmé la nécessité de sanctionner et de réinsérer. Nous estimons que la peine a ces deux fonctions – je l’ai expliqué précédemment au sujet de la différence entre la finalité et la fonction de la peine.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. J’ai bien entendu les explications de Mme la garde des sceaux, mais il me semble que l’on ne peut pas adopter cet article sans opérer au minimum une coordination avec l’article du code pénal dont j’ai donné lecture. À défaut, la loi serait bavarde puisque nous aurions deux articles qui viseraient à dire la même chose, mais en utilisant des expressions parfois différentes. Il y a là un risque de confusion.
Certes, cette disposition n’est pas normative. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas faire du très bon travail législatif que d’introduire dans un article du code pénal une définition figurant déjà dans un autre article du même code, la première recoupant la seconde, mais avec des nuances ou quelques différences. Nous ferions mieux de nous en tenir à ce qui existe déjà. Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 26 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 130-1. – Afin d’assurer la protection de la société et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions :
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Comme le Conseil d’État a eu l’occasion de le rappeler, dans son arrêt du 19 juillet 2011, le procès pénal n’est pas un procès privé, mais « a pour objet de permettre à l’État, par la manifestation de la vérité et le prononcé d’une peine, d’assurer la rétribution de la faute commise par l’auteur de l’infraction et le rétablissement de la paix sociale ». Dans ces conditions, il n’apparaît pas opportun de parler de « droits reconnus » à la victime afin de ne pas ouvrir une nouvelle brèche préjudiciable dans le procès pénal. La victime ne peut en aucun cas se voir reconnaître le droit de peser sur le choix et le prononcé de la peine. Le présent amendement a ainsi pour objet de substituer la notion d’« intérêts » à celle de « droits » de la victime.
Il ne s’agit pas de nier l’importance de prendre en compte la victime dans le déroulement du procès pénal, mais la loi du 9 septembre 2002 comme celles du 18 mars 2003, du 9 mars 2004, du 12 décembre 2005 et du 5 mars 2007 ont eu le souci de rendre le plus effectif possible son information, son accompagnement et la réparation des dommages qu’elle a subis. La victime est davantage encore associée à toutes les phases du procès pénal, y compris lors de l’exécution des peines, au prix de son instrumentalisation parfois, à des fins d’aggravation de la situation de l’auteur de l’infraction.
La justice pénale ne peut répondre de manière satisfaisante aux attentes des victimes en matière de soutien psychologique ou d’effacement de la souffrance. C’est ce constat qui amène à développer d’autres solutions comme la justice restaurative.
Le présent amendement vise donc à conforter la clarification déjà engagée par le projet de loi initial, qui supprime l’article 132-24 et réécrit ses dispositions pour les placer à l’article 132-1, soit en tête du chapitre du code pénal intitulé « Du régime des peines ». Une nouvelle rédaction allégée est proposée, car, comme nous le savons, en droit pénal, les fioritures stylistiques peuvent être hautement dommageables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je rejoins les auteurs de l’amendement lorsqu’ils affirment que la victime dans le procès pénal n’a pas de droits : par exemple, elle n’a pas celui de demander une peine. En revanche, elle a des intérêts à défendre. J’approuve donc cet amendement, à condition que M. Requier veuille bien réintroduire dans l’alinéa concerné la précision suivante : « de prévenir la commission de nouvelles infractions ». C’est en effet vraiment le but du projet de loi.
M. le président. Monsieur Requier, qu’en pensez-vous ?
M. Jean-Claude Requier. Je suis d’accord pour rectifier l’amendement en ce sens, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 47 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, et ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 130-1. – Afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions :
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l’amendement rectifié. Notre seule réserve était la suppression de la précision qui vient d’être rétablie.
Je salue, monsieur le sénateur, votre perspicacité, qui vous a conduit à vous rendre compte qu’il était prématuré de parler de droits. À notre insu, de façon presque insidieuse et subreptice, nous changions la nature même du procès pénal. Je vous remercie donc de votre vigilance.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je ne voterai pas cet amendement, même rectifié. Bien sûr que la victime a des droits dans le procès pénal ! Elle est partie au procès, elle prend un défenseur. Elle n’a pas que des intérêts.
Cet abaissement de la qualification des motifs pour lesquels la victime peut avoir à prendre part au procès est un très mauvais signal. Autant je ne suis pas favorable à ce que l’on inscrive dans la loi des professions de foi mises en forme juridique qui ne présentent aucun d’intérêt pour la fixation d’une règle, autant, si on le fait, il faut procéder avec exactitude ! Or il n’est pas exact de ramener aux seuls intérêts que la victime a à défendre les motivations pouvant permettre d’en faire une partie au procès pénal. Bien sûr que oui, la victime a des droits, on ne peut les lui dénier !
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Bas, il ne s’agit pas de dénier les droits de la victime. Au contraire, nous les consolidons dans ce texte. Il se trouve juste que la formulation proposée n’était pas exacte du point de vue du droit.
Dans notre procès pénal, la victime n’intervient pas dans le choix de la peine, elle est partie civile, même s’il faut être très attentif au préjudice qu’elle a subi. C’est pour cette raison, par exemple, que nous introduisons dans le texte la possibilité d’une césure du procès pénal. Aujourd’hui, très souvent, des décisions d’ajournement sont prises, car les juridictions estiment qu’elles ne disposent pas des éléments leur permettant de décider. Parce que nous voulons éviter autant que possible d’introduire ce délai qui peut être inutile et préjudiciable à la victime, nous prévoyons, au cours du procès pénal, une première audience, au cours de laquelle la juridiction décide, le cas échéant, de la culpabilité du prévenu et fixe l’indemnisation de la victime, et une seconde audience pour le prononcé de la peine.
Dans notre procès pénal, la victime ne participe pas au prononcé de la peine. C’est à ce stade que nous nous plaçons. Elle n’a pas de droits au sens du droit pénal ; c’est bien pour cela que nous voulons lui prêter toute notre attention à cette étape de la procédure en tenant compte de ses intérêts plutôt que de s’attacher à des droits qui n’existent pas au moment du prononcé de la peine.
La victime n’est pas sacrifiée ; au contraire, nous sommes attentifs à ses intérêts.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Il ne faut pas qu’il y ait d’ambiguïté : en aucun cas nous ne voulons restreindre les droits de la victime.
En matière pénale, il arrive souvent que les magistrats, voire les conseils des prévenus, reprennent l’avocat de la partie civile si celui-ci se permet de requérir, ce qui n’est pas son rôle. Il faut être clair sur ce point.
Ce que nous ne voulons pas, c’est qu’il soit reconnu un droit de peser sur le choix et le prononcé de la peine : ce n’est pas la tradition dans notre droit pénal. Je le répète, il ne s’agit pas pour nous de restreindre les droits de la victime, qui sont reconnus, ce qui est tout à fait normal, mais chacun doit rester à sa place dans le procès pénal.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Les auteurs de l’amendement proposent de remplacer les mots « droits reconnus à la victime » par les mots « intérêts de la victime ». Dont acte ! Cependant, ils ne se contentent pas de cette modification puisqu’ils proposent également de supprimer la référence à une fonction essentielle de la peine, à savoir la prévention de nouvelles infractions.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Non !
M. Yves Détraigne. Au temps pour moi ! C’est un élément essentiel de la peine.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
L’article 132-1 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée.
« Dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l’article 130-1. »
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. L’examen de l’article 1er a prouvé que, quand on commence à vouloir tout mettre dans un texte de loi, quand on s’acharne à vouloir tout décrire, cela soulève évidemment des problèmes. Là, c’est pareil : l’individualisation de la peine est déjà un principe constitutionnel et elle est prévue dans d’innombrables textes. C’est tout le sens du code pénal ! Aussi cet article, comme l’article 1er, me paraît-il superflu. C’est pourquoi nous proposons sa suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’article 2 améliore la rédaction de dispositions qui figurent déjà à l’article 132-24 du code pénal. Il améliore également leur insertion dans ledit code. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Monsieur Hyest, j’entends bien que l’individualisation de la peine est un principe constitutionnel, mais celui-ci n’est pas inscrit de façon explicite dans le code pénal, même si c’est ce que sous-tend l’article 132-24 du code pénal. J’irai même plus loin : en défendant la motion tendant à opposer la question préalable, M. Bas nous expliquait que les peines planchers ne sont pas des peines automatiques puisque les juridictions peuvent y déroger. Certes, mais que dit la loi ? Elle dit qu’il peut être dérogé à l’incarcération si celles-ci peuvent apporter des garanties exceptionnelles.
Voilà pour le principe, qui est essentiel, car il éclaire, il guide, il fixe le cadre. Reste que nous ne pouvons nous en contenter, car il s’agit de traiter de situations individuelles. Prenons l’exemple d’un sans domicile fixe qui aurait commis plusieurs infractions sans grande gravité au regard du code pénal, sans nécessairement qu’il y ait une victime – la plupart du temps, d’ailleurs, il n’y en a pas –, et qui encourrait une peine plancher : quelles garanties exceptionnelles le magistrat peut-il présenter devant la juridiction pour déroger à la peine minimale ? Aucune ! Précisément parce que cette personne est en rupture sociale.
La contrainte pénale vise à faire en sorte que l’accompagnement et l’ajustement des mesures contribuent à la réinsertion. Nous, nous voulons que le principe de l’individualisation de la peine soit énoncé explicitement dans le code pénal, ce que vous refusez. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que les peines planchers, par exemple, n’étaient pas automatiques : elles étaient incontestablement une entrave à l’individualisation de la peine. Dans les situations où les personnes avaient le plus besoin d’être suivies pour réussir leur réinsertion, les magistrats ne pouvant présenter des garanties exceptionnelles, ils se trouvaient contraints de prononcer cette peine automatique. C’est bien ce qui explique que, pour ces petits délits, les cas dans lesquels des peines minimales ont été prononcées sont passés de 14 % à 44 %.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article 132-19 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« En matière correctionnelle, une peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; dans ce cas, la peine d’emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues aux sous-sections 1 et 2 de la section 2 du présent chapitre.
« Lorsque le tribunal correctionnel prononce une peine d’emprisonnement sans sursis ou ne faisant pas l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues aux mêmes sous-sections 1 et 2, il doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l’espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. » ;
2° (Supprimé)
3° L’article 132-20 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de l’amende est déterminé en tenant compte des ressources et des charges de l’auteur de l’infraction. » ;
4° L’article 132-24 est ainsi rédigé :
« Art. 132-24. – Les peines peuvent être personnalisées selon les modalités prévues à la présente section. »
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le mot : « articles », la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article 362 est ainsi rédigée : « 130-1, 132-1 et 132-18 du code pénal. » ;
2° Au premier alinéa de l’article 495-8, les mots : « dispositions de l’article 132-24 » sont remplacés par les références : « articles 130-1 et 132-1 ».
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. L’article 3 est assez extraordinaire : quand un tribunal prononcera une peine d’emprisonnement, pourtant prévue par le code pénal, il devra motiver sa décision. Je rappelle quand même que, quand nous avons créé les peines planchers, on nous avait reproché d’obliger le juge à motiver sa décision de fixer un quantum de peine différent. Je rappelle également que la Cour de cassation considère que le juge est souverain et que personne ne peut modifier ses décisions.
Quand un tribunal prononce une peine prévue par le code pénal, les juges prennent leurs responsabilités, tiennent compte de la personnalité du prévenu ; ils sont tenus par le principe d’individualisation de la peine. Malgré cela, il faudrait qu’ils motivent leur décision ! On assiste là à un retournement extraordinaire par rapport à ce qu’on a toujours connu dans les juridictions françaises. C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
L’obligation de motivation des peines d’emprisonnement fermes non aménagées découle directement des principes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, aux termes desquels la liberté doit être le principe et l’enfermement l’exception. Dès lors, il est légitime de demander au juge d’expliquer les raisons pour lesquelles il prononce une peine d’emprisonnement ferme non aménagée.
Comme je l’ai dit en commission, c’est ce système qui prévaut chez certains de nos voisins, par exemple en Suisse ou en Allemagne. En outre, cet article s’inscrit dans la continuité de la loi pénitentiaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Monsieur Hyest, il me semble que vous avez travaillé à la rédaction du nouveau code pénal de 1994.
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Eh bien, c’est à ce moment-là que le principe que vous dénoncez a été inscrit dans notre droit. Il est vrai que l’obligation de motiver le prononcé des peines de prison ferme a connu une exception avec la loi de décembre 2005, qui l’a supprimée pour les récidivistes.
Nous estimons que l’individualisation de la peine doit conduire le tribunal à regarder de près la situation de l’auteur des faits. C’est la seule modification que nous introduisons.
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et M. Frassa, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsque le tribunal correctionnel prononce une peine de sursis simple ou d’emprisonnement faisant l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28, il doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l’espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation. » ;
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Par cet amendement, nous entendons conserver peu ou prou le droit actuellement en vigueur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission était défavorable à la suppression de l’article 3 ; elle est également défavorable à la suppression de l’un de ses alinéas.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En déposant cet amendement de repli, M. Hyest, qui est très lucide, avait certainement anticipé le rejet de son amendement précédent.
Monsieur Hyest, je vais être d’une grande perfidie avec vous.
Mme Esther Benbassa. Oh ! (Sourires.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne comprends pas que vous qui avez été rapporteur de la loi de codification du livre III du code pénal vous vous opposiez à un texte qui vise à conforter les dispositions introduites alors. Nous ne faisons que placer nos pas dans le large sillon que vous avez tracé lors des travaux auxquels vous avez pris part pour la rédaction du nouveau code pénal.
Pour votre bien et malgré vous, le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 59, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le second alinéa de l’article 465-1 est supprimé.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 465-1 du code de procédure pénale permet de délivrer un mandat de dépôt à l’encontre d’un prévenu lorsque les faits sont commis en état de récidive légale, et ce quelle que soit la durée de la peine encourue. Aux termes du second alinéa de cet article, ce mandat de dépôt s’impose pour certains délits, sauf décision spécialement motivée du tribunal.
Cette automaticité nous semble contraire à la logique d’individualisation des peines, d’autant plus que les peines prononcées en cas de récidive par les magistrats sont souvent déjà plus sévères. Aussi, il n’y a pas lieu de durcir les conditions d’exécution de ces peines.
Dans l’esprit du projet de loi, nous proposons donc de supprimer l’automaticité prévue au second alinéa de l’article 465-1.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cet amendement n’est pas nécessaire, dès lors que l’article 3 du projet de loi rétablit l’obligation de motivation des peines d’emprisonnement, y compris celles relatives à des faits commis en état de récidive légale.
Il ne me paraît pas illégitime que, pour des faits de violence particulièrement graves, l’intéressé soit immédiatement incarcéré, dès lors que la juridiction a expressément estimé qu’une peine d’emprisonnement ferme non aménagée s’imposait.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, madame Benbassa. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La juridiction a quand même le choix de délivrer ou non un mandat de dépôt ou d’arrêt contre le prévenu. Par ailleurs, il est vrai que, pour des faits de violence graves, on peut comprendre que l’incarcération soit immédiate.
Je vous invite donc à retirer votre amendement, madame Benbassa.
M. le président. Madame Benbassa, l'amendement n° 59 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 59 est retiré.
Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 3 bis
I. – L’article 709-1 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :
« Art. 709-1. – Dans chaque tribunal de grande instance et dans chaque cour d’appel, il est institué un bureau de l’exécution des peines, dont la composition, les missions et les modalités de fonctionnement sont précisées par décret.
« Ce bureau est notamment chargé de remettre à toute personne condamnée présente à l’issue de l’audience du tribunal correctionnel un relevé de condamnation pénale, mentionnant les peines qui ont été prononcées. »
II. – (Non modifié) Le présent article entre en vigueur un an après la promulgation de la présente loi. – (Adopté.)
Chapitre II
Dispositions visant à assurer le prononcé de peines individualisées
Section 1
Dispositions favorisant l’ajournement de la peine afin d’améliorer la connaissance de la personnalité ou de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu