Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous vous donnerons des idées, monsieur le ministre !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Sans doute, mais mieux vaudrait savoir d’ores et déjà un peu plus précisément comment ce contrôle pourra être mis en œuvre. Je suis convaincu que vous avez beaucoup d’idées et que vous les gardez pour la seconde lecture…
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Marc Daunis, rapporteur. Avant que nous ne passions au vote, je demande à mes collègues de bien mesurer ce qu’impliquerait l’adoption de cet amendement : nous inclurions dans la loi une obligation de décret…
M. Bruno Sido. Sinon, il ne sortira jamais !
M. Marc Daunis, rapporteur. …en ignorant tout de ce qu’il pourrait contenir. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
J’ajoute que nous avons le souci de ne pas freiner le développement de la démarche inclusive et que nous avons prévu des garde-fous suffisamment sérieux.
Enfin, s’il était besoin d’un décret, le fait qu’il ne soit pas prévu dans la loi n’empêcherait pas de le prendre. En revanche, prévoir une obligation légale dans ce sens serait source de difficultés.
C’est pourquoi, de nouveau, j’appelle au retrait de cet amendement et, à défaut, à son rejet.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Sont considérées comme recherchant une utilité sociale au sens de la présente loi les entreprises dont l’objet social satisfait à titre principal à l’une au moins des trois conditions suivantes :
1° Elles ont pour objectif d’apporter, à travers leur activité, un soutien à des personnes en situation de fragilité, soit du fait de leur situation économique ou sociale, soit du fait de leur situation personnelle et particulièrement de leur état de santé ou de leurs besoins d’accompagnement social ou médico-social. Ces personnes peuvent être des salariés, des usagers, des clients, des membres ou des bénéficiaires de cette entreprise ;
2° Elles ont pour objectif de contribuer à la préservation et au développement du lien social, à la lutte contre les inégalités sanitaires, sociales et économiques, ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale ;
3° Elles concourent au développement durable, sous réserve que leur activité soit liée à l’un des objectifs mentionnés aux 1° et 2°.
M. le président. L'amendement n° 222 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’utilité sociale d’une entreprise de l’économie sociale et solidaire consiste à poursuivre, à titre principal, au moins l’un des objectifs suivants :
a) apporter un soutien à des personnes en situation de fragilité, soit du fait de leur situation économique ou sociale, soit du fait de leur situation personnelle. Ces personnes peuvent être des salariés, des clients, des membres, des adhérents ou des bénéficiaires de l’entreprise ;
b) lutter contre les exclusions et inégalités sociales, économiques et culturelles ;
c) contribuer à l’amélioration des conditions de vie de la population ;
d) contribuer à la préservation et au développement du lien social ;
e) contribuer au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale ;
f) concourir au développement durable.
Un décret précise les conditions d’application du présent article.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Nous considérons que l’article 2 du projet de loi, tel qu’il est rédigé, peut prêter à confusion. En effet, cet article tend à définir les entreprises « recherchant une utilité sociale ». Dès lors, on peut être amené à penser que ces entreprises constituent une catégorie d’acteurs différente et indépendante de celle qui est mentionnée à l’article 1er, c'est-à-dire, d’une part, les familles traditionnelles de l’économie sociale et solidaire – coopératives, associations, mutuelles et fondations – et, d’autre part, les entreprises de l’économie sociale et solidaire qui sont des sociétés commerciales.
Afin d’éviter cette confusion, nous proposons une nouvelle rédaction de l’article 2. Il s’agirait désormais de définir l’utilité sociale, et non plus les entreprises recherchant une utilité sociale.
En outre, les critères que nous proposons pour cette définition diffèrent des critères retenus dans le texte de la commission. Nous entendons ainsi adopter une logique inclusive sans être trop précis, afin de ne pas figer la définition d’une telle notion, qui est nécessairement contingente et, donc, évolutive.
Notre définition, contrairement à celle qui figure actuellement dans l’article 2, permettrait notamment d’inclure les activités d’aide internationale et de lutte contre la précarité à l’étranger, mais aussi l’ensemble des activités concourant au développement durable.
Cet amendement, je le précise, est présenté par l’ensemble de notre groupe, dans une totale unité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Daunis, rapporteur. Cet amendement tend à donner une nouvelle définition de l’utilité sociale, qui élargit la définition retenue par la commission. Sont incluses, par exemple, les activités relatives au développement durable, fussent-elles sans lien avec un objectif de solidarité.
La commission juge préférable de conserver la rédaction issue de ses travaux, qui semble mieux circonscrire la notion et offrir une définition plus objective.
C’est pourquoi je demande à M. Mézard de bien vouloir retirer son amendement. À défaut, je m’en remettrai à la sagesse de notre assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. La rédaction actuelle de l’article 2 me paraît plus conforme à l’objectif qui est le nôtre. Elle permet notamment d’englober, dans une même définition, à la fois l’utilité sociale et les entreprises dont l’activité participe de cette utilité sociale.
Cela étant dit, parmi les six rubriques mentionnées dans l’amendement du groupe RDSE, l’une retient particulièrement mon attention. J’avais jusqu’à présent le sentiment que notre définition couvrait à peu près tous les domaines qui correspondaient à cette idée d’utilité sociale, mais il en manque peut-être un, que les auteurs de l’amendement ont, eux, pensé à mentionner : la lutte contre les exclusions, terme qui renvoie, dans mon esprit, à la question des discriminations. Or, aujourd’hui, on le voit bien, les tentations négatives sont fortes en la matière et l’intolérance ne fait que progresser. Dans un tel contexte, concourir à une société sans discrimination, c’est être socialement utile.
Peut-être conviendrait-il de retravailler sur le sujet d’ici à la deuxième lecture. À moins qu’un nouvel amendement ou un sous-amendement ne soit déposé dès maintenant... En tout cas, le fait de mentionner – sans doute à l’alinéa 3 de l’article 2 – la lutte contre les exclusions, que j’entends comme une lutte contre les discriminations, me paraîtrait constituer indéniablement un apport.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Je me permets de vous suggérer, monsieur le ministre, de déposer un amendement tendant à insérer, à l’alinéa 3 de l’article 2, la référence à la lutte contre les exclusions et les inégalités.
M. le président. Il me paraît de bonne procédure d’interroger d’abord M. Mézard pour savoir si une telle solution lui donnerait satisfaction.
M. Jacques Mézard. En présentant cet amendement, nous souhaitions établir une distinction importante. Nous demandions que l’utilité sociale soit précisément définie, alors que la rédaction actuelle de l’article 2 évoque les entreprises recherchant une utilité sociale, sans proposer aucune définition de cette notion. Par conséquent, il y avait tout de même une logique intellectuelle derrière notre démarche.
Cela étant dit, monsieur le ministre, vous avez bien voulu reconnaître que, dans la définition plus précise que nous proposions, figurait un élément actuellement absent du texte. Si le Gouvernement est prêt à apporter cette correction, nous l’accepterons et je pourrai alors retirer l’amendement n° 222 rectifié.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je suis effectivement prêt à présenter un amendement de telle sorte que l’alinéa 3 de l’article 2 soit ainsi rédigé :
«2° Elles ont pour objectif de contribuer à la préservation et au développement du lien social, à la lutte contre les inégalités sanitaires, sociales et économiques, à la lutte contre les exclusions de toute nature, ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale ».
J’insiste sur le fait qu’à mes yeux la lutte contre les exclusions de toute nature doit comprendre la lutte contre les discriminations.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Marc Daunis, rapporteur. Si M. le ministre me le permet, je suggère la rédaction suivante : « Elles ont pour objectif de contribuer à la préservation et au développement du lien social, à la lutte contre les exclusions et inégalités sanitaires, sociales et économiques, ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale ».
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cette formulation me convient et je dépose un amendement en ce sens, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 315, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
contre les
insérer les mots :
exclusions et
Monsieur Mézard, confirmez-vous maintenant le retrait de votre amendement ?
M. Jacques Mézard. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 222 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 315.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 20 rectifié, présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pierre, P. Leroy et Pintat, Mme Des Esgaulx et MM. Bécot, Beaumont, Cardoux, Couderc, Emorine, Houel, Lefèvre, Leleux, de Legge et Revet, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les entreprises et organismes d’économie sociale et solidaire mentionnés à l’article 1er de la présente loi dont l’activité dépasse une certaine importance appréciée à partir de seuils fixés par décret en Conseil d’État se soumettent tous les cinq ans à un contrôle dit de révision destiné à vérifier la conformité de leur organisation et de leur fonctionnement aux principes mentionnés aux articles 1er et 2 de la présente loi et aux règles spécifiques qui leur sont applicables.
Les statuts peuvent prévoir un délai inférieur au délai de cinq ans mentionné ci-dessus. La révision est obligatoire au terme de trois exercices déficitaires ou si les pertes d’un exercice s’élèvent à la moitié au moins du montant le plus élevé atteint par le capital social de l’entreprise.
En outre la révision est de droit lorsqu’elle est demandée par :
1° Le dixième au moins des associés ;
2° Un tiers des administrateurs ou, selon le cas, des membres du conseil de surveillance ;
3° L’autorité habilitée, le cas échéant, à délivrer l’agrément ;
4° Le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire ou tout ministre compétent à l’égard de la coopérative en question.
II. – La révision est effectuée par un réviseur agréé.
À la demande de toute personne intéressée ou du ministère public, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de la société de provoquer la désignation du réviseur afin d’effectuer la révision.
III. – Le rapport établi au terme de la révision est transmis aux organes de gestion et d’administration de la société.
Si le rapport établit que l’entreprise visée ne respecte pas les principes mentionnés aux articles 1er et 2 de la présente loi et aux règles spécifiques qui leur sont applicables, le réviseur peut la mettre en demeure de s’y conformer.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement a pour objet d’étendre le principe d’une révision, telle qu’elle est prévue pour les coopératives, à l’ensemble des familles de l’économie sociale : mutuelles, associations, fondations et sociétés commerciales visées à l’article 1er du projet de loi. La révision permettra de porter une appréciation critique sur la gouvernance et la conformité aux principes de l’économie sociale et solidaire.
M. le président. L'amendement n° 181, présenté par MM. Tandonnet, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les entreprises et organismes d’économie sociale et solidaire mentionnés à l’article 1er de la présente loi dont l’activité dépasse une certaine importance appréciée à partir de seuils fixés par décret en Conseil d’État se soumettent tous les cinq ans à un contrôle dit de révision destiné à vérifier la conformité de leur organisation et de leur fonctionnement aux principes mentionnés aux articles 1er et 2 de la présente loi et aux règles spécifiques qui leur sont applicables.
Les statuts peuvent prévoir un délai inférieur au délai de cinq ans mentionné ci-dessus. La révision est obligatoire au terme de trois exercices déficitaires ou si les pertes d'un exercice s'élèvent à la moitié au moins du montant le plus élevé atteint par le capital social de l’entreprise.
En outre la révision est de droit lorsqu'elle est demandée par :
1° Le dixième au moins des associés ;
2° Un tiers des administrateurs ou, selon le cas, des membres du conseil de surveillance ;
3° L'autorité habilitée, le cas échéant, à délivrer l'agrément ;
4° Le ministre chargé de l'économie sociale et solidaire ou tout ministre compétent à l'égard de l'entreprise en question.
II. – La révision est effectuée par un réviseur agréé.
À la demande de toute personne intéressée ou du ministère public, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de la société de provoquer la désignation du réviseur afin d'effectuer la révision.
III. – Le rapport établi au terme de la révision est transmis aux organes de gestion et d'administration de la société.
Si le rapport établit que l’entreprise visée ne respecte pas les principes mentionnés aux articles 1er et 2 de la présente loi et aux règles spécifiques qui leur sont applicables, le réviseur peut la mettre en demeure de s'y conformer.
La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. L’article 14 du projet de loi tend à instaurer un régime général de révision des sociétés coopératives inspiré par le dispositif défini dans le code rural et appliqué aux coopératives agricoles. L’harmonisation de cette procédure pour un champ élargi de familles de coopératives a été soutenue par la commission des affaires économiques. Comme le souligne le rapporteur, « le système mis en place, qui met l’ensemble des familles coopératives sur un pied d’égalité, a un caractère pédagogique et dissuasif. »
La procédure de révision est un élément dynamique et positif d’animation interne de l’entreprise de l’économie sociale et solidaire. C’est un outil de transparence et de reporting au service des organes dirigeants et des membres. La loi définit des critères d’appartenance à l’ESS que la révision permet de garantir et de contrôler.
Cet amendement, quasiment identique à l’amendement n° 20 rectifié, vise à étendre le principe de la révision prévue pour les coopératives à l’article 14 à l’ensemble des familles de l’économie sociale, c'est-à-dire les mutuelles, les associations, les fondations et les sociétés commerciales visées à l’article 1er du projet de loi. La révision permettra de porter une appréciation critique sur la gouvernance et la conformité aux principes de l’ESS.
Au cours de nos débats sur l’article 1er, nombre d’entre nous ont exprimé la crainte que la gouvernance ou le report des bénéfices ne s’exercent pas dans le respect des conditions de l’économie sociale et solidaire. Les amendements proposés par Mme Laborde ou Mme Lienemann n’ont pas été retenus. Pour notre part, nous proposons d’étendre la révision à l’ensemble des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Selon moi, cette procédure interne, dans un cadre connu, sera beaucoup plus efficace que le contrôle par le fisc proposé par M. le ministre.
M. le président. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Bécot, Houel, Carle, Billard, César, B. Fournier et Laménie et Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les sociétés commerciales mentionnées au 2° du II de l’article 1er de la présente loi dont l’activité dépasse une certaine importance appréciée à partir de seuils fixés par décret en Conseil d’État se soumettent tous les cinq ans à un contrôle dit de révision destiné à vérifier la conformité de leur organisation et de leur fonctionnement aux principes mentionnés aux articles 1er et 2 de la présente loi et aux règles spécifiques qui leur sont applicables.
La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Cet amendement a été défendu, monsieur le président, puisqu’il a le même objet que les amendements nos 20 rectifié et 181.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Daunis, rapporteur. Je dois l’avouer, la commission a été quelque peu surprise par le contenu de ces amendements. D’un côté, nos collègues Gérard César et Élisabeth Lamure souhaitent que les contrôles soient aussi légers que possible, que les procédures soient très souples, que les redistributions s’opèrent de la manière la plus libre... Et voilà que, d’un autre côté, ils proposent d’instaurer, pour tout le secteur de l’économie sociale et solidaire, des procédures extrêmement lourdes de révision.
Je suis donc un peu déconcerté par le caractère a priori contradictoire d’une telle position. Mais mon interprétation est sans doute erronée…
La révision pour toutes les entreprises de l’économie sociale et solidaire serait une procédure redondante dans nombre de cas, en fonction du statut propre à chaque famille. Par ailleurs, elle serait assez lourde à mettre en place dans le cadre des dispositifs existants.
La commission est donc défavorable à ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Pour les raisons que j’ai données tout à l’heure, je suis défavorable à ces trois amendements.
Le fait d’être reconnu en tant qu’entreprise de l’ESS au titre de l’article 1er n’ouvre pas droit à des contreparties invraisemblables ! Tout au plus peut-on avoir accès aux 500 millions d’euros de Bpifrance dédiés à l’économie sociale et solidaire. Or je rappelle que le budget de Bpifrance, c’est 40 milliards d’euros ! Dès lors, pourquoi les entreprises classiques, qui ont accès aux 39,5 milliards d’euros restants, ne subiraient-elles pas, elles aussi, en contrepartie, une révision ? Les entreprises de l’ESS sont soumises aux mêmes contrôles que toutes les entreprises !
Si la révision se justifie pour les coopératives, c’est notamment parce que ce statut a des contreparties fiscales. Sans doute faudrait-il mettre en place, pour les associations, dont 135 000 étaient des établissements employeurs en 2008, au moment du rapport Vercamer, un système de révision. Mais, même si elle devait avoir lieu tous les cinq ans, cela représenterait quelque chose d’assez lourd.
Certes, les associations peuvent bénéficier, le cas échéant, du régime des dons, ce qui peut justifier des contrôles. Mais, très honnêtement, cela me semble un peu excessif ! C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour explication de vote.
M. Henri Tandonnet. Seules les entreprises ayant atteint un seuil d’activité important, défini par décret, c'est-à-dire par vous-même, monsieur le ministre, seraient concernées. À partir d’un certain niveau de chiffre d’affaires, il me semble qu’une telle procédure de contrôle pourrait s’appliquer à toutes les entreprises de l’économie sociale et solidaire.
Au cours de nos débats, nous avons bien perçu, sur toutes les travées, une volonté de voir s’exercer un contrôle, afin d’éviter les dérives.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2 bis (nouveau)
I. – Le conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire mentionné à l’article 3 de la présente loi rédige une déclaration de principe des entreprises de l’économie sociale et solidaire à laquelle les entreprises de l’économie sociale et solidaire adhèrent librement.
Cette déclaration est homologuée par arrêté du ministre chargé de l’économie sociale et solidaire et définit les engagements pris, au-delà des obligations légales et réglementaires applicables le cas échéant, par les entreprises adhérentes, sous la forme d’objectifs à atteindre dans les domaines de la gouvernance démocratique, de l’association des salariés à l’élaboration de la stratégie de l’entreprise, de la territorialisation de l’activité économique et des emplois, du dialogue social, de la santé et de la sécurité au travail, de la qualité des emplois, de la formation professionnelle, de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, de la lutte contre les discriminations et du développement durable.
Elle peut être modifiée selon les mêmes modalités.
II. – La déclaration de principe des entreprises de l’économie sociale et solidaire est homologuée dans les douze mois suivant la promulgation de la présente loi.
Si le conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire n’a pas fait de proposition ou si cette proposition n’a pas été homologuée dans ce délai, elle est arrêtée par le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire dans les six mois suivant cette échéance.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, sur l’article.
M. Gérard Le Cam. Cette intervention sur l’article 2 bis me permettra également de défendre les trois amendements que notre groupe a déposés sur cet article.
L’article 2 bis du projet de loi, introduit en commission sur proposition de M. le rapporteur, prévoit la rédaction et l’homologation d’une déclaration de principe de l’économie sociale et solidaire.
En effet, comme le note très justement M. le rapporteur, le projet de loi, à travers ses articles 1er et 2, opte pour une approche inclusive de l’économie sociale et solidaire. C’est pourquoi nous avons émis des craintes quant à la possibilité d’un affaiblissement de certains principes si les nouveaux acteurs ne jouaient pas le jeu.
Selon M. le rapporteur, cette déclaration de principe permettrait aux entreprises de l’économie sociale et solidaire de signifier leur volonté d’atteindre des objectifs plus volontaristes que ceux qui fondent l’ESS. En adhérant librement à cette déclaration, les entreprises s’engagent à atteindre des objectifs « dans les domaines de la gouvernance démocratique, de l’association des salariés à l’élaboration de la stratégie de l’entreprise, de la territorialisation de l’activité économique et des emplois, du dialogue social, de la santé et de la sécurité au travail, de la qualité des emplois, de la formation professionnelle, de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, de la lutte contre les discriminations et du développement durable ».
Nous avons déposé trois amendements pour compléter cet article, car, contrairement aux auteurs de l’amendement de suppression, nous considérons non seulement que cet article est utile, mais aussi qu’il ne pose aucune difficulté pratique de mise en œuvre. On ne voit absolument pas pourquoi l’adhésion totalement libre à cette déclaration de principe serait contraire à certains principes à valeur constitutionnelle.
Face au risque de voir cet amendement adopté, ce qui priverait le texte de l’un de ses leviers pour une pollinisation réussie, je vais présenter dès à présent l’objet de ces trois amendements.
En premier lieu, nous demandons que l’exemplarité sociale figure explicitement au titre des exigences de la déclaration, afin de rappeler que l’économie sociale et solidaire doit respecter les droits des travailleurs et lutter notamment contre les emplois précaires. Aujourd’hui, y compris chez les acteurs historiques de l’ESS, certaines pratiques ne répondent pas à une telle exigence.
En troisième lieu, nous souhaitons que l’ensemble des acteurs du secteur, quelle que soit leur forme juridique, s’engagent à faire respecter dans les instances décisionnelles, selon des modalités et un calendrier adaptés, le principe de la parité entre les femmes et les hommes.
En troisième lieu, nous proposons deux mesures propres à renforcer le dispositif.
Selon le texte actuel, la déclaration se fera sur la base du volontariat et ne sera pas sanctionnée, en cas de non-respect, par une amende ou le retrait d’un avantage financier. Or les entreprises qui souhaitent faire partie de la famille de l’ESS, au-delà du fait qu’elles adhèrent à ses principes, en tirent également certains avantages, notamment en termes d’image. Les moins scrupuleuses d’entre elles pourraient communiquer sur leur adhésion à la déclaration sans pour autant mettre en œuvre des politiques internes à l’entreprise permettant d’atteindre les objectifs.
Pour éviter de tels abus, il est important de rendre possible un contrôle citoyen par les salariés. C’est la raison pour laquelle nous demandons que les entreprises informent au sein de leurs locaux leurs salariés de leur adhésion à la déclaration, en précisant ce qu’elles s’engagent à respecter.
Nous proposons également que, dans des conditions définies par décret, les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire tiennent à jour, tout en en assurant la publication, la liste des entreprises de l’ESS, au sens de l’article 1er, qui sont situées dans leur ressort, ainsi que celle des entreprises signataires de la déclaration de principe mentionnée à l’article 2 bis relevant de leur ressort.
Dans ces conditions, les entreprises qui adhèrent à la déclaration auront tout intérêt à respecter les engagements qu’elles prennent si elles ne veulent pas subir une mauvaise publicité.
Nous sommes très attachés au maintien de cet article.