Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 83 et 188 rectifié septies.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 190 rectifié septies, présenté par M. Kerdraon, Mme Printz, MM. Magner, Courteau, Berson, Daudigny, Anziani, Botrel et Le Menn, Mmes Claireaux, D. Gillot et Alquier, MM. Rainaud, Vaugrenard et S. Larcher, Mmes Bataille et Génisson, MM. Chastan et Filleul, Mmes Blondin, D. Michel et Cartron et MM. Vincent et Delebarre, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- pour les entreprises de moins de 50 salariés, la mise en place de la participation des salariés aux résultats en application de l'article L. 3323-6 du code du travail, à l'exception du deuxième alinéa. La réserve spéciale de participation est établie selon une base de calcul et des modalités conférant des avantages plus favorables aux salariés que celles prévues à l'article L. 3324-1 du code précité, quel que soit le nombre de salariés employés habituellement. Les conditions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 3324-2 du même code ne sont pas applicables.
La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Nous nous situons ici dans le prolongement de l’amendement n° 83, défendu tout à l'heure par Gérard Le Cam.
Il s’agit de renforcer la place des salariés au sein de l’entreprise en fixant une obligation de participation plus avantageuse que les dispositions de droit commun, qui excluent les entreprises de moins de cinquante salariés. Nous proposons que cette participation soit obligatoire pour toutes les structures de l’économie sociale et solidaire, quelle que soit leur taille.
Au vu des marges de manœuvre réduites dont nous disposons pour modifier le texte, peut-être réussirons-nous cette fois à obtenir un avis favorable. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Daunis, rapporteur. Je suis confus vis-à-vis de mon collègue, car la question est vraiment importante. Si la participation des salariés n’est pas en soi un principe fondamental de l’économie sociale et solidaire, elle est conforme à l’esprit de cette dernière.
Nous n’ignorons pas non plus qu’un travail a été réalisé par le Gouvernement en la matière. Peut-on adopter une telle mesure uniquement pour le secteur de l’économie sociale et solidaire ? La commission a jugé sage de solliciter l’avis du Gouvernement et de s’y ranger.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Lors de la grande conférence sociale, à laquelle ont participé d'ailleurs plusieurs députés et sénateurs, il a été décidé de reconstituer le Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat des salariés, le COPIESAS.
Cet organisme a pour mission de travailler à la future réforme de l’épargne salariale, qui, pour le Gouvernement, devrait pouvoir intégrer vos réflexions, remarques et propositions sur l’épargne salariale dans les entreprises de moins de cinquante salariés de l’économie sociale et solidaire.
Je pense, comme M. le rapporteur, que tous les salariés ne trouveraient peut-être pas légitime que, parmi les entreprises comptant moins de cinquante salariés, celles de l’économie sociale et solidaire fassent l’objet d’une distinction.
Je propose, monsieur le sénateur, d’intégrer votre proposition dans le cadre de cette prochaine réforme de l’épargne salariale, inscrite à l’ordre du jour des réformes sociales soumises au dialogue social et voulues par le Gouvernement.
Dans ces conditions, je vous suggère, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Kerdraon, l'amendement n° 190 rectifié septies est-il maintenu ?
M. Ronan Kerdraon. La sagesse de M. le rapporteur et de M. le ministre ainsi que l’éclairage qui m’a été donné me conduisent à retirer cet amendement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Sido. J’allais le voter !
M. Ronan Kerdraon. Je montre ainsi que les parlementaires bretons, costarmoricains en particulier, savent faire preuve d’écoute et de sagesse ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Gérard Le Cam applaudit également.)
M. Marc Daunis, rapporteur. Bravo !
M. le président. L’amendement n° 190 rectifié septies est retiré.
L'amendement n° 220 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Elles inscrivent dans leurs statuts les dispositions nécessaires à une gouvernance démocratique, dans le respect des dispositions légales pouvant s'appliquer entre des membres solidaires, égaux en droit et en devoir, qui est fondée sur l'élection des instances statutaires de gouvernance et sur l'association de toutes les personnes parties prenantes aux décisions, indépendamment de leur participation au capital.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement vise à garantir que la gouvernance démocratique consubstantielle à l’économie sociale et solidaire sera bien respectée par les sociétés commerciales appartenant à l’ESS. Par ailleurs, nous proposons une définition plus précise de ce principe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Daunis, rapporteur. Cet amendement est satisfait par les alinéas 9 et 10 de l’article, qui précisent que « les sociétés commerciales […] aux termes de leur statut […] respectent les conditions fixées au I », ce qui comprend la gouvernance démocratique dont il a été question au cours de la discussion d’amendements précédents.
Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vais répéter la réponse que j’ai faite tout à l’heure à M. Requier : l’adoption de l’amendement n° 74 modifié de M. Le Cam a permis de donner une définition horizontale de la gouvernance démocratique. Il ne nous paraît pas opportun de faire coexister différentes définitions de la gouvernance démocratique selon le statut de l’entreprise.
C’est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Mézard, l’amendement n° 220 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Compte tenu de l’existence d’une définition horizontale de la gouvernance démocratique, il me paraît difficile de ne pas retirer cet excellent amendement ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 220 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 34, présenté par M. Anziani, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° S’agissant des sociétés commerciales mentionnées au 2° du II, sont immatriculées au registre du commerce et des sociétés avec la mention de la qualité d’entreprise de l’économie sociale et solidaire, leurs statuts étant conformes au même 2°.
La parole est à M. Alain Anziani, rapporteur pour avis.
M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois. Cet amendement tend à préciser que, pour qu’une société commerciale relève de l’économie sociale et solidaire, il faut que celle-ci soit immatriculée au registre du commerce avec cette qualité, ce qui suppose implicitement que le greffier du tribunal de commerce ait vérifié qu’elle satisfait aux différents critères prévus par la loi.
M. le président. L'amendement n° 275 rectifié, présenté par MM. C. Bourquin, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 17
Remplacer les mots :
mentionnées au 2° du II
par les mots :
de l’économie sociale et solidaire
et les mots :
qu’entreprises de l’économie sociale et solidaire
par les mots :
que telles
II. – Alinéa 18
Remplacer les mots :
sociétés mentionnées au 2° du II
par les mots :
entreprises de l’économie sociale et solidaire
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement n’a plus d’objet, l’amendement n° 244 rectifié bis n’ayant pas été adopté tout à l'heure.
Je le retire donc, par coordination, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 275 rectifié est retiré.
L'amendement n° 221 rectifié, présenté par Mme Laborde et M. Collombat, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 17
Après le mot :
compétente
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
pour l’enregistrement des sociétés commerciales, après validation préalable par les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire dans le cadre de leur mission de service public. Les entreprises déjà enregistrées qui souhaitent acquérir la qualité d’entreprises de l’économie sociale et solidaire peuvent en faire la demande auprès de l’autorité compétente qui la leur décerne dans les mêmes conditions.
II. – Après l’alinéa 17
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Afin de conserver la qualité d’entreprise de l’économie sociale et solidaire, les entreprises feront l’objet, tous les cinq ans, d’une procédure de révision, dans les mêmes conditions que celles fixées au III, permettant de s’assurer de la pérennité des engagements pris.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement vise un double objectif.
Il s’agit, tout d’abord, de garantir le niveau d’exigences devant être respecté par les acteurs de l’économie sociale et solidaire en renforçant le contrôle nécessaire à l’obtention de la qualité d’entreprise de l’ESS et en prévoyant une révision tous les cinq ans du respect de ces critères.
Il s’agit, ensuite, d’associer les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire à ce processus de contrôle et de bénéficier ainsi de leur connaissance et de leur expérience de ce secteur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 34 et 221 rectifié ?
M. Marc Daunis, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 34, qui tend à apporter une précision bienvenue en indiquant que les statuts doivent être conformes aux prescriptions du présent article relatif aux sociétés commerciales.
Madame Laborde, l’amendement n° 221 rectifié est satisfait. En outre, son adoption risquerait d’être un frein pour le dispositif.
Cet amendement vise à introduire la validation par les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, les CRESS, comme une étape préalable à l’immatriculation des sociétés commerciales en tant qu’entreprises de l’économie sociale et solidaire. Il a pour objet, en outre, de vérifier tous les cinq ans que les critères définis par l’article 1er sont toujours respectés pour conserver la qualité d’entreprise de l’ESS.
Or la vérification de la conformité des statuts aux règles de l’article 1er aura déjà été effectuée par les greffes des tribunaux de commerce lors de l’immatriculation. Une seconde procédure risquerait d’alourdir et de freiner les procédures, quand il faudrait les simplifier.
Par ailleurs, vous souhaitez éviter les dérives et les fausses labellisations. Or la commission a déjà intégré cette préoccupation, en acceptant ma proposition de donner aux CRESS la possibilité d’ester en justice. En amont, il y aura donc une grande souplesse, avec une vérification initiale. En aval, nous ouvrons la possibilité d’une très grande fermeté, avec le droit d’ester en justice. À titre intermédiaire, la publicité donnée avec l’annuaire qui sera élaboré permettra de procéder aux vérifications entre le déclaratif et le réel.
Au bénéfice de ces explications, je vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. L’autorité compétente auprès de laquelle les sociétés commerciales devront s’immatriculer est bien le registre du commerce et des sociétés, le RCS. J’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° 34.
Les dispositions de l’amendement n° 221 rectifié de Mme Laborde touchent à une question sensible, comme j’ai pu le constater lors de mes rencontres avec les acteurs concernés.
Le choix fait par le Gouvernement entre en contradiction avec les propos tenus précédemment par M. César – non pas en totalité, mais en partie.
M. Gérard César. Un bon point, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. Benoît Hamon, ministre délégué. En effet, monsieur le sénateur, vous trouviez que nous avions trop restreint le champ de l’économie sociale et solidaire. Vous nous reprochiez de ne pas être plus inclusifs et de refuser à nombre de sociétés commerciales le bénéfice de l’immatriculation au RCS sous la mention d’entreprise de l’économie sociale et solidaire.
Il s’agit de notre part d’un choix politique fort : les demandes d’immatriculation des entreprises auprès du RCS ne seront pas soumises à une instruction. Les règles qui leur seront appliquées seront proches de celles du régime associatif : on dépose ses statuts en préfecture, on reçoit un récépissé, l’association est déclarée de facto et personne ne vérifie, après instruction, la réalité de la conformité des statuts avec les dispositions de la loi, même si l’administration fiscale peut, le cas échéant, demander des comptes.
M. Bruno Sido. Comme toujours !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous avons donc retenu le principe déclaratif, un principe inclusif fort qui est de surcroît, à nos yeux, cohérent avec la volonté du Gouvernement – partagée, je crois, sur toutes les travées – de simplifier la vie économique et de limiter la paperasse dans notre pays.
M. Yvon Collin. C’est bien !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Quant à l’instruction et à la validation des dossiers par les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, les CRESS, franchement, elle compliquerait la vie des entrepreneurs.
Il existe sur Internet des portails de mise à disposition d’entreprises caritatives spécialisées, notamment, dans l’insertion par l’activité économique, ou dans les dons en biens, en marchandises et en services. Je me mets à la place d’un jeune entrepreneur qui aurait suffisamment de capital pour monter son entreprise sociale et solidaire : s’il doit en passer par la validation de la CRESS pour obtenir ce label, cela risque d’être long à la fois pour lui et pour les futurs bénéficiaires du service rendu par cette entreprise.
C’est la raison pour laquelle nous avons choisi le principe déclaratif.
M. Bruno Sido. D’accord.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous nous sommes aussi posé la question de la révision quinquennale. Nous avons étendu cette dernière à toutes les familles coopératives,...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et vous avez bien fait, monsieur le ministre !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. ... qui, au passage, sont au nombre de trente dans notre pays, ce qui explique la place qu’elles occupent dans le présent projet de loi.
Une question se posait : devait-on étendre le système de révision relatif à la gouvernance aux associations, qui sont fort nombreuses, aux fondations, qui le sont moins, aux mutuelles ? S’agissant de ces dernières, d’ailleurs, encore faudrait-il qu’elles en soient d’accord, car il existe tout de même des instances représentatives... Bref, nous ne nous sommes pas résolus à cette idée. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas souhaité mettre en place un système de révision.
En l’occurrence, ce seront l’administration fiscale et les commissaires aux comptes qui effectueront la révision et vérifieront la conformité des déclarations avec le fonctionnement des entreprises.
Dans un souci de simplification et de cohérence, je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 221 rectifié n’a plus d'objet.
L’amendement n° 18, présenté par M. César, Mme Lamure et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Pour les personnes morales ou entreprises qui exercent les activités mentionnées à l’article L. 7231-1 du code du travail, se sont valablement immatriculées auprès de l’autorité compétente en tant qu’entreprises déclarées ou agréées services à la personne.
La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Cet amendement vise à intégrer dans le champ de l’économie sociale et solidaire l’ensemble des acteurs actuellement soumis au même cadre législatif d’autorisation, d’agrément et de déclaration ouvrant droit à l’agrément « entreprise sociale et solidaire ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Daunis, rapporteur. L’avis de la commission est, bien sûr, défavorable,...
M. Gérard César. Pourquoi « bien sûr » ?
M. Marc Daunis, rapporteur. ... ce qui ne vous étonnera pas, monsieur César, compte tenu des échanges que nous avons eus tout à l'heure à propos de l’amendement de M. Patriat.
On ne peut définir l’économie sociale et solidaire par le seul objet social de l’entreprise. C’est un tout !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Une entreprise comme Acadomia, par exemple, rend des services à la personne et permet à ses clients de bénéficier d’une défiscalisation. Pour autant, elle ne fait pas partie du champ de l’économie sociale et solidaire.
Je répète ce que j’ai dit tout à l'heure à M. Patriat : l’appartenance d’une entreprise à l’économie sociale et solidaire est fonction non pas de son objet social, mais de son modèle entrepreneurial. Historiquement, cette définition a été retenue par les acteurs concernés et par le Gouvernement, et elle permet d’inclure des sociétés commerciales s’étant fixé des contraintes objectivement robustes de ce point de vue.
Nous avons travaillé sur ce sujet en concertation avec les entrepreneurs sociaux. Notre objectif n’était donc pas, au travers de ce projet de loi, d’empêcher ceux qui souhaitaient faire partie de l’économie sociale et solidaire d’y entrer. Nous avons pris en compte les contraintes en fonction des réalités économiques du terrain.
Nous ne pouvons donc pas retenir les entreprises de services à la personne dans le champ de l’économie sociale et solidaire, pour la même raison que nous en excluons, comme je l’ai dit en réponse à M. Patriat, les entreprises commerciales d’insertion.
En effet, j’y insiste, l’appartenance à ce secteur est définie non par l’objet social de l’entreprise, mais par son modèle capitalistique et entrepreneurial.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 134, présenté par M. Godefroy, Mmes Lienemann et Bataille, M. Courteau, Mmes Claireaux et Nicoux, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi que les modalités de contrôle du respect par l’entreprise lors de son immatriculation et après celle-ci, des conditions définies au II de cet article ; le non-respect des conditions définies au II pouvant entraîner la perte par l’entreprise de sa qualité d’entreprise de l’économie sociale et solidaire
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. L’article 1er du projet de loi définit l’économie sociale et solidaire d’une manière inclusive.
En d’autres termes, peuvent faire partie de l’économie sociale et solidaire les organisations dites « historiques », ainsi que des entreprises de l’économie classique respectant certaines conditions cumulatives, lesquelles font référence aux principes fondateurs de l’économie sociale et solidaire.
Il s’agit donc d’un nouveau droit pour les entreprises de l’économie classique. En effet, l’adhésion de ces entreprises à l’économie sociale et solidaire leur permettra de « faire publiquement état de cette qualité » et de « bénéficier des droits qui s’y attachent ».
L’article 1er dispose ainsi que les entreprises de l’économie classique doivent, pour pouvoir adhérer à l’économie sociale et solidaire, s’immatriculer auprès de l’autorité compétente.
Imaginons qu’une entreprise de l’économie classique soit immatriculée auprès de l’autorité compétente, mais que, quelques années plus tard, ses principes de fonctionnement ne soient plus en accord avec les principes de l’économie sociale et solidaire définis par la loi. Est-il prévu une sanction, ou bien un contrôle périodique permettant d’éviter cette situation ? Pour l’instant, rien de tel n’est précisé dans la loi.
C’est pourquoi nous proposons d’ajouter au décret prévu à l’article 1er trois éléments : les modalités de contrôle lors de l’immatriculation de l’entreprise ; les modalités de contrôle après son immatriculation ; enfin, pour le cas où une entreprise ne respecterait pas ses engagements, la possibilité de perdre la qualité d’entreprise de l’économie sociale et solidaire.
Nous ne nous inscrivons pas dans une logique de contrôle et de surveillance. Au contraire, notre amendement tend à se rapprocher du principe fondant le renforcement de la révision coopérative présent dans ce texte. Nous souhaitons en effet nous assurer qu’une société faisant état de sa qualité d’entreprise de l’économie sociale et solidaire respecte bien les principes qu’elle s’est engagée à tenir.
Notre objectif est de permettre au plus grand nombre d’entreprises de conserver cette qualité, tout en respectant les principes édictés par la loi. Tel est le but assigné aux contrôles qui peuvent être effectués à la suite de l’immatriculation : permettre aux entreprises de l’économie classique faisant état de leur qualité d’entreprise de l’économie sociale et solidaire d’évoluer, si nécessaire de procéder à des corrections ou à des améliorations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Daunis, rapporteur. Premièrement, les modalités de contrôle ex ante sont souples lors de l’immatriculation.
Deuxièmement, s’agissant des sanctions, les CRESS ont la possibilité d’ester en justice.
Troisièmement, le contrôle citoyen peut s’exercer, sous la forme d’une attention vigilante sur la vie de l’entreprise concernée. Dans ces milieux où existe une certaine interpénétration, la possibilité donnée aux CRESS d’ester en justice permettra d’émettre un certain nombre d’alertes.
Je demande donc le retrait de cet amendement, qui est satisfait en raison de l’adoption tout à l'heure de l’amendement n° 33 de M. Anziani.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires sociales. Encore !
M. Bruno Sido. Oui, monsieur le président de la commission, car le sujet est passionnant ! (Sourires.)
M. Marc Daunis, rapporteur. C’est vrai !
M. Bruno Sido. Je trouve l’amendement de M. Godefroy excellent.
On nous a expliqué précédemment que le contrôle effectué lors de l’immatriculation serait souple et citoyen. D’ailleurs, est-ce le greffe qui y procédera ? Vous savez bien que les greffes sont complètement démunis – n’est-ce pas, monsieur Mézard ?... (M. Jacques Mézard manifeste son étonnement.)
Bien entendu, il faut des contrôles de temps en temps. Je pense moi aussi, comme M. Godefroy, qu’il faut contrôler – certes, pas tous les huit jours ! – non pas l’objet social de l’entreprise, mais le respect des principes du I de l’article 1er.
Je voterai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ai bien compris les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre, mais je partage les préoccupations d’un certain nombre de nos collègues. Par son amendement, Mme Laborde s’interrogeait ainsi sur l’automaticité.
Nous avons renoncé à l’automaticité législative tous les cinq ans, par trop contraignante. Selon nous, le décret doit déterminer, en fonction des secteurs de l’économie concernés, les outils adéquats pour vérifier que l’immatriculation est conforme et, surtout, que les mêmes critères sont conservés dans la durée. Nous avons en effet constaté que certaines opérations ayant bénéficié de l’épargne solidaire n’étaient plus du tout solidaires cinq à dix ans plus tard.
Par ailleurs, on nous dit que les CRESS auront le droit d’ester en justice. Toutefois, comment obtiendront-elles les informations nécessaires ? Sans doute faudrait-il conférer aux commissaires aux comptes, dans certains cas, une obligation de saisine. Si nous avons prévu le recours au décret, c’est bien parce que nous ne préjugeons pas de la forme. Nous faisons confiance à l’intelligence du décret. N’ajoutons pas de la bureaucratie !
Pour en revenir au droit d’ester en justice, quelle sera la nature du préjudice et des peines ? Le cadre de la sanction n’est pas fixé.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons l’amendement de Jean-Pierre Godefroy.
M. Gérard César. Très bien !
M. le président. Monsieur Godefroy, l’amendement n° 134 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, nous ne mettons pas en cause fondamentalement votre projet de loi.
M. le rapporteur a parlé de contrôle citoyen. Or on sait bien que, dans ces sociétés de l’économie classique qui pourront se prévaloir du titre d’entreprises de l’économie sociale et solidaire, ce contrôle sera difficile à exercer : on pourra faire pression sur les salariés en leur expliquant que l’entreprise pourrait perdre cette qualification du fait du contrôle et qu’ils risqueraient, par conséquent, de ne plus avoir de travail.
M. Bruno Sido. Tout à fait.
M. Jean-Pierre Godefroy. Le contrôle doit exister, mais il ne doit pas être draconien. Nous pensons que le décret peut intégrer les moyens de contrôle que nous souhaitons.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
MM. Bruno Sido et Gérard César. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je ne crois pas que l’on puisse me suspecter d’être particulièrement laxiste ! Quoi qu'il en soit, si l’on met en place des modalités de contrôle, encore faut-il que ce contrôle soit effectif. Or je ne vois pas comment, en dehors des cadres habituels – c'est-à-dire le travail normal de l’administration fiscale, de l’inspection du travail, etc. –, on pourrait instaurer un régime de contrôle et de surveillance spécifique aux entreprises de l’ESS. À moins que l’on ne demande un jour que, pour toutes les entreprises situées hors du champ de l’économie classique, y compris les entreprises statutaires, soit mis en place un tel mécanisme, au-delà de ce qui relève de la tradition, comme la révision coopérative pour les coopératives…
En clair, monsieur Godefroy, je ne sais pas où cette mesure pourrait, par « effet domino », nous entraîner.
Si la loi demande que nous fixions par décret un dispositif de contrôle, nous le ferons. Mais je suis incapable de vous dire ce que nous inclurons dans ce décret !
Ce qui m’apparaît, c’est que, au moment où l’on recherche la simplification, on se complique un peu la vie. Cela me conduit à vous dire une nouvelle fois qu’il n’est pas nécessaire d’avoir plus d’exigences en matière de contrôle de ces entreprises, compte tenu des verrous déjà prévus dans ce projet de loi.
Il reste que, bien sûr, le législateur est souverain et que je respecterai sa volonté, s’il l’exprime, de contrôler les entreprises de l’économie sociale et solidaire. Mais, vraiment, je ne vois pas comment je pourrai concrétiser une telle volonté, ni ce que je pourrai indiquer dans ce décret.