M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Nous resterons fidèles à notre logique, dont Mme Debré a rappelé la cohérence.
Nous n’avions pas voté cette proposition de loi, parce que ce n’est pas, selon nous, en imposant aux bénéficiaires de l’ASPA de travailler toujours plus et plus longtemps que nous réglerons leurs problèmes.
Dans certains pays étrangers que nous avons visités, nous avons pu voir des personnes de soixante-cinq ans ou soixante-dix ans travailler dans les rues. Tel n’est pas le projet de société que nous privilégions. Le cumul allocation-emploi est peut-être un pis-aller, mais il pose aussi d’autres problèmes.
Conformément à cette logique, le groupe communiste, républicain et citoyen défendra, dans la suite du débat, des amendements visant précisément à aligner le niveau de l’ASPA sur le SMIC.
Mme Isabelle Debré. L’un n’empêche pas l’autre !
M. Jean Desessard. Croyez-vous vraiment que l’on se dirige vers une revalorisation ?
Mme Catherine Procaccia. Les Verts ont les pieds sur terre aujourd’hui !
M. Dominique Watrin. Cette revalorisation constitue, à notre avis, la véritable solution à ce problème, qui méritait d’être posé.
En revanche, nous ne pourrons pas voter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je n’interviendrai pas sur le fond, Isabelle Debré et Jean-Noël Cardoux ayant défendu avec talent, autorité et conviction cet amendement, que ne rejette pas non plus notre collègue Jean Desessard, ce dont je me réjouis.
En revanche, madame la ministre, je trouve que vous perdez là l’occasion d’adopter une attitude proactive à l’égard de nos débats.
Vous pouvez constater combien nous sommes attentifs à ce texte : nous regardons chaque article, nous essayons de l’améliorer et de le faire évoluer. Sans grand succès, à quelques exceptions près : nous avons réussi à faire adopter un amendement pertinent du groupe CRC et nous venons d’en soutenir un autre du groupe RDSE, avant que votre groupe ne torpille l’article auquel cet amendement se rattachait…
Sur un sujet aussi important que celui des retraites, qui concerne plusieurs générations et sur lequel chaque majorité à venir devra se pencher, vous ne semblez pas avoir très envie d’entendre la voix de l’opposition, y compris sur des thèmes qui ne sont pas essentiels et qui fédèrent à peu près tous les points de vue.
En l’espèce, si j’ai bien compris, vous découvrez la nature réglementaire de cette disposition. Soit, mais que ne l’avez-vous dit lors de l’examen de la proposition de loi au Sénat,…
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cela fut dit !
M. Gérard Longuet. … puis en commission et en séance à l’Assemblée nationale ! Que ne l’avez-vous encore rappelé lors de l’examen de cet article devant la commission présidée par Annie David ! Il me semble pourtant que suffisamment de parlementaires vous soutiennent et que, en théorie, vous disposez encore d’une majorité pouvant faire valoir cette objection que vous nous présentez aujourd’hui comme un impératif absolu, madame la ministre : c’est réglementaire, n’y touchez pas !
Y a-t-il un risque de sanction du Conseil constitutionnel ? Si le Parlement vote une disposition relevant du pouvoir réglementaire, c’est en théorie possible. Mais qui aurait intérêt à la contester ? Il s’agirait vraiment, comme l’on dit en termes populaires, d’un « mauvais coucheur ».
Vous ne voulez pas de cet amendement que vous soutenez sur le plan des principes, parce que vous ne souhaitez pas que le Parlement apporte une contribution positive à ce texte.
J’en suis désolé, madame la ministre, pour ne pas dire déçu. Comme vous l’avez constaté, nous sommes quelques-uns à être impliqués dans ce débat, à y trouver un réel intérêt. Nous avons le sentiment de participer à la construction d’un édifice mais, lorsqu’on peut y apporter notre pierre, vous la refusez. Vous êtes libre de le faire, mais cela n’encourage pas l’esprit de coopération qui devrait pourtant présider à un tel débat.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Le groupe socialiste partage l’objectif de cet amendement, comme il partageait celui de la proposition de loi de Mme Debré.
M. Gilbert Barbier. Vous allez le voter ?
M. Claude Domeizel. Mais, puisque Mme la ministre s’engage à publier un décret sur ce point dans les meilleurs délais, notre groupe aura la même position sur cet amendement que sur le vote de la proposition de loi, à savoir une « abstention positive ».
Mme Isabelle Debré. Merci, cher collègue !
M. Gérard Longuet. Merci !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Je veux abonder dans le sens de M. Domeizel. M. Longuet, qui est intarissable, nous fait passer pour des vilains personnages, alors que nous faisons simplement confiance au pouvoir réglementaire ! Dès lors, l’abstention de la majorité de notre groupe sur cet amendement sera, elle aussi, positive et marquera notre confiance en Mme la ministre.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 40 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 203 |
Pour l’adoption | 183 |
Contre | 20 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12.
L’amendement n° 372 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l’année qui suit la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport concernant l’accès au dispositif de cumul emploi-retraite pour les artistes interprètes en situation de contrat à durée indéterminée.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement a trait à une spécificité propre aux artistes. Mme Génisson a déposé sur le même sujet un amendement plus radical que le nôtre : elle réclame qu’une mesure soit prise, alors que nous nous contentons de demander un rapport ! Mais nous verrons ce qu’il adviendra de cet amendement, si toutefois il est soutenu.
Le cumul emploi-retraite, dont nous avons déjà parlé, a été créé par la loi portant réforme des retraites de 2003. Il a donné aux retraités la possibilité de cumuler leur pension avec le salaire tiré d’un nouvel emploi, la seule condition pour en profiter étant de rompre tout lien avec son ancien employeur. À l’époque, une exception avait naturellement été prévue pour les artistes, dont les activités fluctuantes et intermittentes rendent floues les limites entre travail et retraite, et modestes les droits acquis. En effet, un artiste travaille pour plusieurs employeurs. L’empêcher de travailler avec eux, c’est le condamner à ne plus travailler du tout !
Cependant, la rédaction de l’article a été imprudente : elle englobe tous les artistes interprètes dans le même régime, y compris ceux en CDI, qui ne sont pourtant pas soumis aux mêmes conditions de travail et de retraite que les intermittents. En effet, ces artistes peuvent, l’âge légal venu, liquider leurs droits, les faire valoir sans prévenir leur employeur, et rester sous contrat auprès de lui. Ces personnes peuvent, ainsi, cumuler les deux rémunérations.
Cette situation induit des coûts de masse salariale importants, notamment pour les grands orchestres – ce régime, en effet, concerne principalement les musiciens en CDI –, et limite l’accès à l’emploi pour les jeunes artistes, à qui, on le sait, le marché de l’emploi n’est déjà pas particulièrement favorable et qui connaissent souvent des situations précaires.
Afin de cerner correctement tous les enjeux du problème et d’éclairer utilement l’action du Parlement, le présent amendement vise à demander un rapport permettant d’évaluer le dispositif de cumul emploi-retraite des artistes interprètes en CDI.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il s’agit d’une demande très précise : le rapport porterait sur une catégorie professionnelle très particulière. La commission souhaite donc entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le dispositif du cumul emploi-retraite pour les artistes interprètes suscite, c’est vrai, des interrogations, voire des difficultés, car il n’a pas été adapté au fil de la législation. Il faut y voir plus clair. En ce sens, un rapport est utile.
Dès lors, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. Jean Desessard. Merci, madame la ministre !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Nous allons soutenir l’amendement de M. Desessard. Ce n’est pas que nous ayons une passion particulière pour les rapports, mais cet amendement a l’immense mérite, Mme la ministre l’a signalé, de pointer du doigt un des innombrables problèmes que connaît le dispositif de cumul emploi-retraite.
En n’acceptant pas que la situation soit réglée par l’article 12, qui, d’ailleurs, a été rejeté, nous mettrons ainsi le pied dans la porte. C’est une bonne façon, pour l’opposition, de rappeler au Gouvernement qu’une position de principe rigide, celle qui interdit à des retraités du régime général de pouvoir travailler utilement à l’amélioration de leurs retraites entre soixante-deux ans et l’âge de retraite définitive imposé par leur nouveau statut de libéral actif, n’est pas tenable dans le temps. Je suis persuadé que ce rapport ouvrira une brèche dans ce dispositif fermé. Une fois cela fait, chaque profession pourra, comme les artistes interprètes, défendre son droit.
Par ailleurs, ayant présidé, voilà longtemps, l’orchestre philharmonique de Lorraine, je confirme qu’il serait dommage, pour la musique comme pour les mélomanes, de se priver des musiciens qui, titulaires d’un CDI, font des « ménages » dans d’autres activités.
Ce rapport, donc, est le bienvenu, car il refuse le statu quo que nous avons combattu tout au long du débat sur l’article 12.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12.
M. Jean Desessard. C’est tout l’orchestre qui l’adopte ! (Mme Laurence Cohen applaudit.)
Article 12 bis (nouveau)
I. – Après le mot : « et », la fin du troisième alinéa de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée : « les pensions servies par ces régimes sont réduites à due concurrence du dépassement, dans des conditions fixées par décret. »
II. – Après le mot : « et », la fin du troisième alinéa des articles L. 634-6 et L. 643-6 du même code est ainsi rédigée : « la pension servie par ce régime est réduite à due concurrence du dépassement, dans des conditions fixées par décret. » – (Adopté.)
Article 12 ter (nouveau)
L’article L. 5421-4 du code du travail est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Aux allocataires bénéficiant d’une retraite attribuée en application des articles L. 161-17-4, L. 351-1-1, L. 351-1-2 et L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale et des troisième et septième alinéas du I de l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° 98-1194 du 23 décembre 1998). » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 12 ter
M. le président. L’amendement n° 373, présenté par Mme Génisson, est ainsi libellé :
Après l’article 12 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« 1°) Activités entraînant affiliation au régime général de la sécurité sociale en application du 15°) de l’article L. 311-3, sauf pour les salariés qui exercent dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun et de l’article L. 382-1 ainsi que les activités exercées par les artistes interprètes rattachés au régime mentionné au premier alinéa de l’article L. 622-5, sauf si celles-ci sont exercées par les salariés dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun ; »
Cet amendement n’est pas soutenu.
Chapitre III
Améliorer les droits à retraite des femmes, des jeunes actifs et des assurés à carrière heurtée
Articles additionnels avant l’article 13
M. le président. L’amendement n° 172, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° La section unique du chapitre III du titre IV du livre Ier du code du travail est complétée par un article L. 1143-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1143-… – À compter du 1er janvier 2016, les entreprises qui n’appliquent pas le principe "à travail de valeur égale, salaire égal" encourent une pénalité mensuelle égale à 1 % de la masse salariale jusqu’à la résorption complète des inégalités, selon des modalités définies par décret.
2° Le second alinéa de l’article L. 2241-7 est ainsi rédigé :
« Les branches professionnelles doivent, à l’occasion du réexamen quinquennal des classifications, analyser les critères d’évaluation retenus dans la définition des différents postes de travail afin de repérer et de corriger ceux d’entre eux susceptibles d’induire des discriminations entre les hommes et les femmes et de prendre en compte l’ensemble des compétences mises en œuvre. Lorsqu’un écart moyen de rémunération entre les hommes et les femmes est constaté, les branches professionnelles doivent faire de sa réduction une priorité et l’avoir supprimé au 1er janvier 2016. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous l’avons souligné tout au long du débat, les inégalités de pension entre les hommes et les femmes reflètent, en les amplifiant, les inégalités professionnelles et salariales dont les femmes sont victimes.
Ainsi, les écarts de salaires entre les femmes et les hommes restent élevés, alors même que les femmes ont massivement investi le monde du travail.
Par ailleurs, nous le savons, les femmes sont davantage touchées par le temps partiel – elles représentent 82 % des salariés qui n’exercent pas à temps plein – et sont surreprésentées dans des métiers socialement et financièrement dévalorisés, dans lesquels leurs qualifications, non reconnues, sont sous-rémunérées.
Ces écarts de salaire, dont près de 6 % relèvent de la discrimination pure, jouent d’autant plus que le salaire est individualisé et composé de primes. Par conséquent, ils sont encore plus élevés entre les femmes et les hommes qui sont cadres.
Ces écarts persistent, donc, et leur résorption stagne depuis le milieu des années quatre-vingt-dix. Aussi, malgré l’adoption de six textes relatifs à l’égalité professionnelle depuis 1972, le principe « à travail de valeur égale, salaire égal » ne s’applique toujours pas.
Un rapport d’information, établi en février 2012 par la délégation aux droits des femmes du Sénat à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de Claire-Lise Campion et du groupe socialiste, avait constaté que les outils censés inciter à la prise de conscience des acteurs du monde économique – le rapport de situation comparée et l’obligation pour chaque branche d’engager une négociation collective sur l’égalité professionnelle – peinaient toujours à atteindre leur objectif, faute de volonté politique et d’une réelle sanction obligeant à la négociation.
Ainsi, en juillet 2009, dans un rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle, Brigitte Grésy, inspectrice à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, écrivait : « la sanction est devenue, aux dires de très nombreux interlocuteurs, un élément incontournable du dispositif ».
Forts de ce constat, nous pensons que, au bout de trente ans, il est grand temps d’enclencher la vitesse supérieure et de passer de l’incitation à l’application, pour rendre enfin effectif le principe « à travail de valeur égale, salaire égal ». C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que les entreprises qui n’auraient pas appliqué ce principe d’ici au 1er janvier 2016 encourent une pénalité mensuelle égale à 1 % de leur masse salariale.
Je rappelle que la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes avait fixé au 31 décembre 2010 la date butoir pour la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.
On sait ce qu’il est advenu de cet engagement, rayé d’un trait de plume quatre ans plus tard, lors de la réforme des retraites du gouvernement Fillon…
Il est donc extrêmement important d’adopter des mesures beaucoup plus incitatives. Passons à l’acte !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement vise à instituer une pénalité mensuelle de 1 % de la masse salariale pour les entreprises qui n’appliquent pas le principe « à travail égal, salaire égal ».
Or une telle disposition, qui concerne l’égalité professionnelle, ne relève pas d’un texte sur les retraites. Elle aurait plutôt sa place dans le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, que le Sénat a déjà adopté en première lecture et que l’Assemblée nationale examinera prochainement. Il s’agit là, me semble-t-il, d’un sujet sur lequel des évolutions seront encore possibles en deuxième lecture.
En attendant, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, certes intéressant, mais dépourvu de lien avec l’objet du présent projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Si nous souscrivons évidemment aux préoccupations et objectifs des auteurs de cet amendement, il nous paraît important d’analyser les dispositifs qui seraient les mieux à même d’orienter les entreprises vers l’égalité salariale.
Le débat est ouvert. Une pénalité a été introduite voilà quelques années ; les conditions de sa mise en œuvre ont été durcies dans le projet de loi relatif pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais, et Mme le rapporteur vient de le souligner, les conditions de travail ou de rémunération ne relèvent pas du présent projet de loi, qui prévoit en revanche des dispositions pour compenser les inégalités ou, à tout le moins, pour éviter qu’elles ne s’accentuent lorsque les femmes partent en retraite.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Le groupe UMP suivra le Gouvernement sur cet amendement.
Loin de nous l’idée que la préoccupation exprimée par notre collègue Laurence Cohen serait sans importance ! Simplement, depuis le début de ce débat, nous avons l’intime conviction que les régimes de retraite ne seront pas en mesure de compenser toutes les injustices, difficultés ou singularités de la vie professionnelle. Il faut, selon nous, s’attaquer à tous ces problèmes dans des textes spécifiques et, par exemple, dans un projet de loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes pour ce qui est du principe « à travail égal, salaire égal ».
On nous annonce un rendez-vous législatif ; nous en acceptons l’augure. Nous souhaitons un texte beaucoup plus complet, beaucoup plus vaste. Le sujet ne peut pas être traité au détour d’un simple amendement. La préoccupation de nos collègues est légitime, mais l’amendement n’a pas sa place dans le présent projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’entends les arguments de Mme la rapporteur et de Mme la ministre.
Comme nous l’avons souligné depuis le début du débat, les retraites découlent directement de la situation professionnelle ; c’est d’ailleurs vrai pour les femmes comme pour les hommes. Et nous avons pleinement conscience que les inégalités professionnelles dont les femmes sont victimes, inégalités qui perdurent malgré l’adoption de textes législatifs en la matière, sont à l’origine de la faiblesse de leurs retraites.
Pour notre part, nous avons œuvré, comme d’autres, au sein de la Haute Assemblée, afin que le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes permette de franchir une étape. Mais nous pensons qu’il faut enclencher la vitesse supérieure, car cela fait tout de même des années que nous luttons pour faire avancer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes !
Il nous semble important de réaffirmer ces principes. C’est l’objet de nos amendements. Voilà pourquoi nous les maintenons.
M. le président. L'amendement n° 173, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article L. 2242-5 du code du travail est supprimé.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. L’article L. 2242-5 du code du travail, modifié par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, dispose : « L’employeur engage chaque année une négociation sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre. »
Selon une étude de l’Observatoire des inégalités parue au mois de janvier dernier, le salaire mensuel net moyen pour un équivalent temps plein est de 2 263 euros pour les hommes, contre 1 817 euros seulement pour les femmes. Les hommes perçoivent donc, en moyenne, un salaire supérieur de 25 % en équivalent temps plein à celui des femmes, soit, pour parler en monnaie sonnante et trébuchante, un écart moyen de 446 euros. C’est une somme colossale qui manque tous les mois, mais qui manque aussi lorsqu’il s’agit de déterminer le salaire annuel moyen pour calculer la pension de retraite !
S’il y a pléthore de textes législatifs en faveur de l’égalité salariale, force est cependant de constater que les choses évoluent beaucoup trop lentement. Aucune mesure, pas même parmi celles qui ont été adoptées au titre de l’égalité salariale, ne nous semble de nature à garantir aux femmes des rémunérations et des pensions égales à celles des hommes.
Il faut donc nous rendre à l’évidence : de telles inégalités perdureront tant que le législateur ne prendra pas les mesures financières contraignantes nécessaires.
Nous proposons donc de moduler les cotisations sociales afin de contraindre les employeurs à privilégier la rémunération du travail et à garantir l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, alors que, dans la situation actuelle, une part toujours plus importante des richesses vont au capital, au détriment des salariés, et plus particulièrement des salariées.
En attendant une telle mesure, il nous paraît important que la négociation entre salariés et employeurs sur la question, cruciale, de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes puisse avoir lieu tous les ans. Compte tenu des écarts, c’est bien chaque année, et non une fois tous les trois ans, qu’il faut en débattre.
Ce qui est prévu actuellement ne nous paraît pas conforme à l’intérêt des femmes. Nous souhaitons donc la suppression du second alinéa de l’article L. 2242-5 du code du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement a le même objet, certes avec des modalités différentes, que l’amendement n° 172 ; il s’agit, là encore, de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
L’amendement ne présente pas de lien direct avec l’objet du présent projet de loi, qui porte sur les retraites.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Tout de même ! Chaque année perdue dans la négociation pour avancer vers l’égalité entre les hommes et les femmes est une année perdue pour les femmes et une année de plus pour l’injustice !
La Haute Assemblée pourrait, nous semble-t-il, prendre un engagement symbolique à cet égard, même si la mesure que nous proposons n’a peut-être pas toute sa place dans le présent projet de loi.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 174 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 337 rectifié bis est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 3221-2 du code du travail, il est inséré un article L. 3221-2-... ainsi rédigé :
« Art. L. 3221-2-... – Toutes les entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale doivent être pénalisées selon l’écart de salaire constaté entre les hommes et les femmes. Cette sanction se caractérise par une majoration de la cotisation définie à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et doit être appliquée en suivant des paliers ainsi établis :
« - Si les femmes, salariées de l’entreprise, touchent 5 % de moins que les hommes, la cotisation retraite de l’employeur est majorée de 0,2 % ;
« - Si les femmes, salariées de l’entreprise, touchent entre 5 % et 10 % de moins que les hommes, la cotisation retraite de l’employeur est majorée de 1 % ;
« - Si les femmes, salariées de l’entreprise, touchent entre 10 % et 15 % de moins que les hommes, la cotisation retraite de l’employeur est majorée de 2 % ;
« - Si les femmes, salariées de l’entreprise, touchent entre 15 % et 20 % de moins que les hommes, la cotisation retraite de l’employeur est majorée de 3 % ;
« - Si les femmes, salariées de l’entreprise, touchent au-delà de 20 % de moins que les hommes, la cotisation retraite de l’employeur est majorée de 4 %. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l’amendement n° 174.