Mme Catherine Procaccia. Il faut aussi qu’ils aillent exercer à l'hôpital !
M. Jean Desessard. Pour que nos médecins soient formés dans les universités françaises, il faudrait supprimer le numerus clausus et en terminer avec cette idée que les dépenses de santé diminueront si l'on forme moins de médecins. C'est une aberration.
Je soutiens donc l’article 12 et suis opposé à vos amendements qui montrent, encore une fois, que votre sens de l'économie est variable… Il vous arrive parfois de vouloir faire payer ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts en les obligeant à travailler une année supplémentaire. Et là, vous voudriez que les médecins puissent obtenir des droits supplémentaires lorsqu’ils cumulent leur retraite et un emploi. À mon avis, c'est un peu exagéré !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je profite de l’amendement n° 283 pour demander à Mme la ministre une précision sur les emplois à domicile, laquelle a déjà fait l’objet d’une question écrite pour l’instant demeurée sans réponse.
L’année dernière, les parlementaires ont voté l’augmentation des cotisations se rapportant à ces emplois en supprimant la possibilité de cotiser sur une base forfaitaire. Or il se trouve qu’un certain nombre de personnes à la retraite, qui ont de petits revenus, occupent des emplois à domicile, qu’il s’agisse de garde d’enfants ou d’heures de ménage.
Je me demandais si le supplément de cotisations désormais payé par les employeurs bénéficiait bien à ces personnes. À défaut, je souhaiterais savoir quelle est son utilité. En effet, ces cotisations sont censées améliorer la protection sociale et la retraite des personnes employées.
Je vous serais très reconnaissante de bien vouloir répondre à mes interrogations, madame la ministre.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Je suis particulièrement étonné de la réponse de Mme la ministre sur ces amendements,…
M. Gérard Longuet. Une non-réponse !
M. Gilbert Barbier. … une réponse dans laquelle s'est engouffré M. Desessard, sans voir exactement où il allait…
Monsieur Desessard, je vous rappelle, s’agissant du problème de la pénurie de médecins, que, si certains d'entre eux souhaitent continuer à travailler, c'est pour obtenir une pleine retraite. En effet, pour les régimes complémentaires et supplémentaires, la retraite est obtenue à soixante-cinq ans, ce qui pose un véritable problème.
On peut, certes, continuer à travailler, à percevoir des consultations à 23 euros, mais l’affiliation à la Caisse autonome de retraite des médecins de France reste obligatoire. Il faut donc continuer à cotiser, sauf si le montant global du chiffre d'affaires est inférieur à 11 300 euros par an. Cela représente un certain nombre de consultations, mais, si ce plafond de chiffre d'affaires est dépassé, des rappels sont effectués auprès des médecins concernés.
M. Jean Desessard. Cela vous fend le cœur !
M. Gilbert Barbier. C’est une chose de ne pas toucher de complément de retraite ; c’en est une autre de continuer à cotiser pour rien !
Dans la situation actuelle de pénurie de praticiens, que beaucoup regrettent par ailleurs, la possibilité pour les médecins de continuer à travailler en acquérant des droits pour leur retraite complémentaire – et surtout pour l'avantage social vieillesse, qui concerne aussi le secteur 1 –, me semble constituer une mesure d'intérêt public.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Si je suis notoirement incompétente en matière de sécurité sociale et en matière sociale tout court, je n’ignore rien en revanche des problèmes de démographie médicale !
En la matière, le département de l’Orne, que j’ai l'honneur de représenter, se trouve très en dessous de la moyenne nationale. Si les médecins pouvant prendre leur retraite la prenaient effectivement, ce serait encore pis, et les médecins étrangers ne régleraient pas à eux seuls le problème.
Pourtant, je ne suis pas sûre que le coût de la mesure visée par l’amendement n° 389 rectifié de Gilbert Barbier et de nos collègues du RDSE soit si élevé au regard de l’avantage pour la population, notamment en milieu rural, de pouvoir conserver un médecin grâce à des conditions plus « attrayantes » de cumul emploi-retraite. Il faudrait se livrer à un petit calcul.
Par ailleurs, notre excellent collègue Desessard parle de création de postes, mais nous n’en sommes pas encore à une médecine totalement fonctionnarisée…
Mme Isabelle Debré. Pas encore !
Mme Nathalie Goulet. … et nous avons le numerus clausus. Nous reviendrons probablement sur ces sujets très prochainement, à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Quoi qu’il en soit, je soutiens cet amendement n° 389 rectifié.
M. Jean Desessard. Je ne vous répondrai pas maintenant, madame Goulet, mais à l’occasion de l’examen d’un amendement ultérieur…
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Je voudrais d'abord dire à notre collègue Desessard (M. Jean Desessard s'exclame.) que l’amendement du groupe UDI-UC ne vise qu’à permettre aux médecins et aux autres professionnels concernés dont la durée de cotisation est insuffisante de pouvoir obtenir une retraite à taux plein. Sa remarque n’est donc pas pertinente.
Selon nous, si, après de longues études, une personne n’a pas pu cotiser suffisamment longtemps en raison des aléas de la vie, ce ne serait que justice qu’elle puisse parvenir à une retraite à taux plein en travaillant après l'âge de la retraite.
Par ailleurs, madame la ministre, on sait que la désertification médicale tient beaucoup à un numerus clausus très dur ; son assouplissement apportera incontestablement un ballon d'oxygène. Mais il faut neuf ans pour « fabriquer » un médecin. Avant qu’il y en ait suffisamment, il y aura donc des trous à boucher… En incitant les médecins qui n’ont pas tout à fait acquis leur taux de retraite maximum à rester en exercice, on faciliterait la transition et rendrait service dans beaucoup de campagnes.
Enfin, je rappelle que le groupe UDI-UC est un fervent partisan du régime unique par points, avec lequel toutes ces questions ne se poseraient pas…
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Mon collègue vient de préciser ce que je voulais dire. Monsieur Desessard, il me semble que c'est clair pour tout le monde : avec l’article 12, on peut continuer à travailler, mais on ne peut plus cotiser.
Mme Isabelle Debré et M. Gérard Longuet. Si, mais sans retour !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je pense que cela va pénaliser pas mal de monde. Même ici, peut-être !
Je rappelle donc que nous avons voté majoritairement pour la retraite à points, qui autoriserait beaucoup plus de liberté que le système quelque peu coercitif que l'on est en train de voter.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Votre système autoriserait aussi le creusement des inégalités !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. En termes excellents, avec beaucoup de compétence et l’autorité que confère le vécu, certains de nos collègues ont défendu des amendements concernant les professions médicales. Je n’y reviendrai pas. Je pourrais défendre les mêmes amendements pour les professions juridiques ou judiciaires, mais je ne le ferai pas pour éviter un conflit d'intérêts. Ayant une épouse avocate, on me soupçonnerait en effet de défendre une cause à laquelle je ne crois pas dans le seul but de chercher à conserver la paix et la sérénité de mon ménage… (Sourires.)
Je m’abstrairai donc des contextes professionnels. Madame la ministre, je perçois quelques contradictions dans l'attitude du Gouvernement. Vous êtes en train d’épouser une révolution sémantique – il y en a tous les dix ans – sur les personnes âgées. Après être passés des « vieux » aux « personnes âgées », nous découvrons la « silver économie ». Je trouve le mot merveilleux – il constitue d'ailleurs un hommage à ceux qui ont gardé leurs cheveux devenus blancs, sans considération de ceux qui les ont totalement perdus… (Mme Catherine Procaccia s'esclaffe.)
Cette « silver économie », ce n’est pas seulement une source de dépenses inévitables et – pour reprendre un ton plus grave – parfois douloureuses pour les familles au regard de la dépendance et des difficultés qui sont inhérentes aux dernières années de sa vie ; c’est aussi une autre conception de l’existence.
L'économiste Jean-Hervé Lorenzi, qui n’est pas un dangereux libéral, a tout récemment présidé un colloque, patronné par le Gouvernement, qui a fait apparaître avec force certains traits caractéristiques de la société française, en particulier la sous-activité des personnes plus âgées.
En dépit d’une évolution aujourd'hui favorable, il y a très nettement, en France, une sous-activité des personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans.
Votre mesure, madame la ministre, est en total décalage avec la volonté affichée du Gouvernement de s'intéresser aux personnes plus âgées et de leur donner confiance dans l'idée que l'on doit construire sa vie professionnelle à un horizon beaucoup plus lointain.
Une des autres conclusions du colloque est qu’il ne faut pas seulement parler de formation permanente pour ceux qui ont moins de trente-cinq ou quarante ans ; aujourd'hui, à cinquante ans, il est raisonnable d'engager une formation permanente de fond, car, à cet âge-là, nous disent les intervenants à ce colloque, l'horizon professionnel est de l'ordre d'une vingtaine d'années.
Ce n’est pas complètement faux – bien au contraire –, parce que les carrières sont elles-mêmes plus diverses et plus complexes. On peut être salarié, puis profession libérale, puis redevenir salarié ; on peut aussi être salarié toute sa vie et, bénéficiant de droits complets à retraite à partir de soixante-deux ans, décider de poursuivre une activité à un rythme plus réduit, plus adapté à son âge, mais en tenant compte de son expérience, avec le statut de profession libérale.
C’est à cet instant que votre article 12 devient simplement humiliant.
Mme Annie David. Il n’y a pas d'humiliation à être solidaire !
M. Gérard Longuet. Cet article n’est pas décourageant financièrement – je réponds à mon collègue Jean Desessard – : les écarts que peuvent apporter trois années de cotisations sur une carrière de plus de quarante ans, par définition, ne sont pas considérables.
Mais est-il normal de poser le principe que, passé soixante-deux ans, si vous décidez, pour des raisons qui vous sont propres – et qui sont en général parfaitement respectables –, de poursuivre une activité, vous aurez l'obligation de cotiser et l'impossibilité de bénéficier de ces deux, trois ou quatre années de cotisations supplémentaires dont l'effet financier sera modeste, mais dont l'impact psychologique vous renverra dans la catégorie des cumulards, des profiteurs, de ceux qui vivent aux crochets de la société, alors que c'est exactement le contraire ?
Il s'agit de salariés qui acceptent de devenir professions libérales pour mettre à la disposition de l'économie globale et de la société leurs compétences de juriste, de médecin – d'expert en général –, et vous leur refusez le droit de considérer qu’ils pourront améliorer de façon marginale les années qu’il leur reste à vivre et qui, y compris au-delà de soixante-sept ans, peuvent représenter plus de vingt ans de vie.
Sous prétexte de réaliser des économies de bouts de chandelle, c’est vraiment désobligeant… (M. Jean-Noël Cardoux applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Bordier, pour explication de vote.
M. Pierre Bordier. L’État est mal placé pour donner des leçons sur la retraite des professions libérales et sur un éventuel complément lié à la poursuite d’une activité au-delà de l’âge légal.
Il faut toutefois reconnaître une certaine continuité dans l’action de l’État. Aujourd’hui, il ne veut pas que l’on puisse toucher de retraite supplémentaire en travaillant plus. Hier, il payait des salaires à des vétérinaires libéraux pour effectuer des opérations de prophylaxie sans verser la moindre cotisation !
Il y a donc une continuité : ne payer de retraite ni pour ceux qui travaillent après soixante-cinq ans ni pour ceux qui travaillent avant soixante-cinq ans… C’est clair !
C’est la raison pour laquelle je voterai, bien entendu, les amendements en discussion.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 283.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 38 :
Nombre de votants | 348 |
Nombre de suffrages exprimés | 348 |
Pour l’adoption | 172 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 284.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 389 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 39 :
Nombre de votants | 348 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Pour l’adoption | 175 |
Contre | 159 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. C’est le centre qui fait la loi ici !
M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l'article 12.)
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Debré, MM. Longuet, Cardoux, P. André, G. Bailly, Bas, Beaumont, Béchu, Bécot, Billard, Bizet et Bordier, Mmes Bouchart et Bruguière, MM. Buffet, Cambon, Cantegrit et Carle, Mme Cayeux, MM. César, Charon, Chatillon, Chauveau, Cléach, Cointat, Cornu, Couderc, Dallier, Dassault, de Legge, del Picchia et Delattre, Mmes Deroche et Des Esgaulx, MM. Doligé, P. Dominati, Doublet et du Luart, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont, Duvernois, Falco, Ferrand, Fleming, Fouché, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa et Frogier, Mme Garriaud-Maylam, MM. J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grignon, Guené, Houel et Houpert, Mme Hummel, MM. Huré, Husson et Hyest, Mlle Joissains, Mme Kammermann, M. Karoutchi, Mme Keller, MM. Laménie, Laufoaulu, D. Laurent, Lecerf, Lefèvre, Legendre, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Magras et Mayet, Mme Mélot, MM. Milon, Nègre, Paul, Pierre, Pillet, Pintat, Pointereau, Poniatowski et Portelli, Mmes Primas et Procaccia, MM. Reichardt, Retailleau, Revet, Savary et Sido, Mme Sittler, MM. Soilihi et Trillard, Mme Troendle et MM. Trucy et Vial, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 815-9 du code de la sécurité sociale est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation à l’alinéa précédent et dans des conditions définies par décret, lorsque le demandeur ou le bénéficiaire de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ou son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité perçoivent, au jour du dépôt de la ou des demandes ou en cours de service, des revenus d’activité, ces revenus peuvent être cumulés avec la ou les allocations de solidarité aux personnes âgées et les ressources personnelles de l’intéressé ou des époux, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité dans la limite d’un plafond.
« Ce plafond est fixé à 1,2 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance lorsque l’allocation de solidarité aux personnes âgées est versée à une personne seule ou à un seul des conjoints, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité et à 1,8 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance lorsque l’allocation de solidarité aux personnes âgées est versée aux deux conjoints, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité.
« Les dispositions prévues aux deuxième et troisième alinéas sont applicables, dans des conditions définies par décret, aux personnes qui sont titulaires des allocations mentionnées à l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse. »
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Cet amendement reprend le texte d’une récente proposition de loi visant à permettre le cumul du minimum vieillesse, l’actuelle allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, avec les revenus d’une activité rémunérée, dans la limite de deux plafonds. L’ASPA étant financée par la solidarité nationale, nous avons en effet estimé qu’il fallait prévoir un plafond à 1,2 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance pour une personne seule et à 1,8 fois pour un couple.
Aujourd’hui, les personnes bénéficiaires de l’ASPA se situent en dessous du seuil de pauvreté, soit 977 euros, le montant de cette allocation étant de 787 euros pour une personne seule et de 1 222 euros pour un couple. S’il est vrai que ce montant a été revalorisé de 25 % durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, il n’en demeure pas moins très bas.
La proposition de loi visant à autoriser le cumul de l’allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels, déposée en 2012, a été adoptée par le Sénat le 31 janvier 2013. Malheureusement, le 25 avril dernier, à l’Assemblée nationale, cette proposition de loi portée par Isabelle Le Callennec a fait l’objet d’un renvoi en commission.
J’ai suivi les débats à l’Assemblée nationale, et les raisons de ce renvoi en commission ne sont pas très claires. Il s’agit pourtant d’une mesure d’équité. Aujourd’hui, les retraités du public comme du privé peuvent cumuler un revenu d’activité avec leur retraite, ce qui est interdit aux titulaires de l’ASPA. C’est d’autant plus injuste que, si un titulaire de l’ASPA perçoit par exemple100 euros en réalisant quelques menus travaux, l’État non seulement prélève des cotisations sur cette somme, mais déduit également celle-ci du montant de l’allocation !
Par cet amendement, mes chers collègues, c’est donc une mesure de bon sens, d’équité et de solidarité que je vous demande de soutenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Comme l’a rappelé Mme Debré, cet amendement reprend une proposition de loi adoptée par le Sénat le 31 janvier dernier visant à autoriser le cumul de l’allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels.
Comme l’avait indiqué le Gouvernement au moment de l’examen de ce texte, ces mesures relèvent du domaine réglementaire. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, mais il nous semble important de connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne conteste pas le bien-fondé de la démarche que vous engagez. Il paraît nécessaire de mettre en place un dispositif permettant aux bénéficiaires de l’ASPA de cumuler cette allocation avec l’éventuel revenu tiré d’une activité, une possibilité qui est déjà ouverte aujourd’hui aux bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, ou à ceux du RSA.
Toutefois, comme cela avait été dit lors de la présentation de votre proposition de loi, il s’agit d’une démarche de type réglementaire. C’est la raison pour laquelle ce texte n’a pas été adopté par l’Assemblée nationale.
Mes services ont donc élaboré un projet de décret qui va être transmis dans les prochains jours au Conseil d’État. Nous n’avons par conséquent rien abandonné sur cette question.
Je le répète, il s’agit d’une démarche réglementaire et non législative : le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Vous nous dites qu’il s’agit d’une mesure relevant du domaine réglementaire et j’aimerais comprendre pourquoi.
Il s’agit avant tout d’une mesure de bon sens, votée à la quasi-unanimité du Sénat. Dans ces conditions, j’estime que la représentation nationale doit primer sur le pouvoir réglementaire. Nous verrons bien ce qu’il en est.
Si nous adoptons aujourd’hui cet amendement présenté par Isabelle Debré, directement inspiré de sa proposition de loi, il s’agira d’un signe fort adressé au Gouvernement pour une mise en œuvre très rapide de ce dispositif. Plusieurs mois se sont écoulés depuis le vote de ce texte par la Haute Assemblée, au cours desquels les personnes concernées par ce cumul, souvent très vulnérables, n’ont pu en bénéficier.
À mon sens, cette mesure se justifie pleinement pour quatre grandes raisons.
Il s’agit tout d’abord d’une mesure d’équité. La possibilité de cumuler emploi et retraite ayant été ouverte à l’ensemble de la population, pourquoi la frange la plus vulnérable de cette population, celle disposant des plus faibles revenus, ne pourrait-elle bénéficier d’un tel avantage ? Cela revient à marcher sur la tête ! Il nous faut garder en permanence à l’esprit cette notion d’équité, première des quatre justifications que j’évoquais.
Il s’agit ensuite d’une mesure de solidarité. Vous me pardonnerez de toujours en revenir à mon milieu rural,…
Mme Nathalie Goulet. À notre milieu rural !
M. Jean-Noël Cardoux. … mais on y trouve souvent des retraités agricoles, avec de faibles revenus, qui ont besoin de rendre service, de faire quelque chose pour leurs voisins ou pour leur village. Or, ces emplois d’aide à la personne, ces quelques heures passées dans un commerce pour éviter que celui-ci ne ferme, aucun actif jeune ne s’en chargera, parce que ces emplois ne sont pas assez rémunérateurs. Les personnes percevant le minimum vieillesse répondront à ces offres et seront ainsi en mesure d’apporter un service, une certaine forme de solidarité à leurs concitoyens.
La troisième raison est d’ordre psychologique. Il faut se mettre à la place de ces personnes qui ont souvent eu une vie difficile, ont pu connaître des malheurs et n’ont pu faire ce qu’il fallait pour bénéficier d’une retraite suffisante. Le minimum vieillesse dont bénéficient ces personnes ressortit à la fois à une démarche de solidarité nationale et à une démarche d’assistance. Et justement, nombre de personnes qui profitent de cet assistanat, dont on parle beaucoup ces derniers temps, le subissent aussi parfois, en éprouvant quelque honte à en bénéficier. En leur offrant la possibilité de disposer d’un complément de revenus – dans les plafonds indiqués par Isabelle Debré –, ce dispositif leur apporterait une certaine légitimité, leur permettrait de relever la tête et de retrouver leur fierté, en leur donnant le sentiment d’être utiles à la société.
La dernière raison – on me reprochera d’en venir encore là – est d’ordre financier. Il faut savoir que certains des travaux auxquels j’ai fait allusion au début de mon propos sont exécutés au noir, afin d’éviter précisément que ce complément de revenu ne soit déduit du minimum vieillesse.
Ce dispositif permettrait ainsi d’officialiser un certain nombre de petites tâches, ce qui n’est pas négligeable, et de générer des cotisations et des ressources supplémentaires au profit des régimes sociaux.
De surcroît, ces revenus complémentaires – il faut multiplier ces faibles montants par des centaines, des milliers, voire des dizaines de milliers de bénéficiaires – vont être réinjectés dans l’économie via la consommation et profiteront aux rentrées de TVA et à tout ce qui s’ensuit. D’un côté comme de l’autre, cela ne peut qu’être bénéfique sur le plan financier.
Ces quatre grandes raisons justifient mon avis tout à fait favorable sur cet amendement, qui marque une nouvelle fois le souhait de notre groupe de voir cette disposition de bon sens et de justice sociale être appliquée le plus rapidement possible.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Le groupe écologiste ayant voté la proposition de loi de Mme Debré, il se prononcera également en faveur de cet amendement.
Il est tout de même invraisemblable qu’une personne disposant d’une retraite moyenne puisse travailler et que celle disposant de la plus petite retraite ne le puisse pas !
J’aimerais que l’on m’explique cela à un moment où l’on entend de plus en plus parler du problème de la paupérisation des seniors ! Ceux qui ont le plus de difficultés, qui ont les plus petites retraites ne peuvent travailler quelques heures, tandis que ceux qui ont une retraite plus importante ont tout loisir de le faire ! Franchement, je n’y comprends rien !
Vous nous dites, madame la ministre, que cette disposition relève du pouvoir réglementaire ? Peut-être, mais sans doute était-il temps de s’y atteler depuis le 31 janvier dernier !
Dans cet hémicycle, nous votons parfois sur des virgules ou des points de détail. Là, il ne s’agit pas d’un détail, il s’agit de permettre à des personnes ayant une petite retraite de travailler quelques heures. Je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Seul le groupe CRC avait voté contre la proposition de loi au motif qu’il valait mieux revaloriser le minimum vieillesse, ce qui n’est ni de notre ressort ni de notre compétence, le Gouvernement seul pouvant revaloriser les minima sociaux.
Mais comment peut-on interdire à des personnes se situant en deçà du seuil de pauvreté de travailler pour améliorer à la marge leurs conditions de vie ? Le droit de travailler est un droit fondamental dans notre pays. Or, à l’heure actuelle, non seulement ces personnes n’ont pas le droit de travailler, mais en plus le produit de leur travail leur est retiré. Voilà quelque chose d’absolument absurde !
Lors de l’examen de cette proposition de loi, Mme Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie, ne nous a jamais parlé d’un décret et s’en est remise à la sagesse du Sénat sur le texte. Les socialistes, quant à eux, se sont abstenus en parlant d’une « abstention positive ». Aujourd’hui, vous nous parlez de domaine réglementaire, de décret, mais, comme le dit très justement M. Desessard, pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt, si c’était si facile ?
C’est l’honneur du Sénat, l’honneur des parlementaires de prendre des décisions et d’améliorer les conditions de vie de certains de nos concitoyens. J’ajoute que beaucoup de femmes sont concernées par cet amendement.
Près d’un an après l’adoption de cette proposition de loi au Sénat, vous nous dites que votre cabinet réfléchit à cette question… Madame le ministre, ce qui est fait n’est plus à faire. Beaucoup de personnes attendent, je ne vois pas pourquoi nous devrions les faire attendre encore plus pour un éventuel, un hypothétique décret ou règlement. Je demande à tous ici présents de bien vouloir voter cet amendement, très attendu, de bon sens, d’équité et de justice ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)