compte rendu intégral
Présidence de M. Thierry Foucaud
vice-président
Secrétaire :
Mme Michelle Demessine.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Hommage à deux journalistes tués au Mali
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec une très grande émotion que nous avons appris la terrible nouvelle de la mort de deux envoyés spéciaux de Radio France Internationale, enlevés et tués samedi à Kidal, au Nord-Mali. (Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.) Alors qu’ils effectuaient un reportage, Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été froidement exécutés.
À la demande de M. le président Jean-Pierre Bel, au nom du Sénat tout entier, je veux assurer leurs familles de notre soutien, et leur présenter nos condoléances les plus attristées.
C’est toute une profession qui est à nouveau frappée par ce lâche assassinat. Dans ces circonstances tragiques, je tiens à exprimer ma solidarité à l’égard de la rédaction de RFI et de l’ensemble des journalistes qui exercent leur métier dans des conditions très difficiles afin d’assurer la libre information de tous.
Madame la ministre, mes chers collègues, je vous demande d’observer une minute de silence en hommage à Ghislaine Dupont et Claude Verlon. (Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)
Nous allons à présent interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures dix, est reprise à quinze heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Avenir et justice du système de retraites
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (projet n° 71, résultat des travaux de la commission n° 96, rapport n° 95, avis n° 76, rapport d’information n° 90).
Nous poursuivons la discussion des articles.
Titre II (suite)
RENDRE LE SYSTÈME PLUS JUSTE
Chapitre II (suite)
Favoriser l’emploi des seniors
M. le président. Nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre II, à l’article 12.
Article 12
I. – L’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles ou d’un régime spécial de retraite au sens de l’article L. 711-1 » sont remplacés par les mots : « d’un régime de retraite de base légalement obligatoire, » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, sont ajoutés les mots : « Par dérogation, » ;
b) Les mots : « les régimes mentionnés au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « le régime général de sécurité sociale, le régime des salariés agricoles ou l’un des régimes spéciaux de retraite au sens de l’article L. 711-1 » ;
3° Au troisième alinéa, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « deuxième » ;
4° Au septième alinéa, la référence : « du premier alinéa » est remplacée par les références : « des trois premiers alinéas » ;
5° (nouveau) Le 8° est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier alinéa ne fait pas obstacle à la perception des indemnités mentionnées à l’article L. 382-31 du présent code. »
II. – Après le même article L. 161-22, il est inséré un article L. 161-22-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 161-22-1 A. – La reprise d’activité par le bénéficiaire d’une pension de vieillesse personnelle servie par un régime de retraite de base légalement obligatoire n’ouvre droit à aucun avantage de vieillesse, de droit direct ou dérivé, auprès d’aucun régime légal ou rendu légalement obligatoire d’assurance vieillesse, de base ou complémentaire.
« Le premier alinéa n’est pas opposable à l’assuré qui demande le bénéfice d’une pension au titre d’une retraite progressive prévue par des dispositions législatives ou réglementaires, notamment par l’article L. 351-15. »
III. – Le livre VI du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa des articles L. 634-6 et L. 643-6 est supprimé ;
1° bis Au quatrième alinéa des mêmes articles, les mots : « trois précédents » sont remplacés par les mots : « deux premiers » ;
2° Aux deuxième et dernier alinéas de l’article L. 634-6 et au deuxième alinéa de l’article L. 643-6, après le mot : « alinéa », est insérée la référence : « de l’article L. 161-22 ».
IV. – L’article L. 723-11-1 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est supprimé ;
2° Au deuxième alinéa, la référence : « précédent alinéa » est remplacée par la référence : « premier alinéa de l’article L. 161-22 ».
V. – Le code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 84 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « sociale », sont insérés les mots : « , à l’exception de son premier alinéa, » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Par dérogation, les articles L. 161-22 et L. 161-22-1 A du même code ne sont pas applicables aux bénéficiaires d’une pension militaire. » ;
2° Au deuxième alinéa du même article L. 84, après la référence : « l’article L. 86-1, », sont insérés les mots : « ou de tout autre employeur pour les fonctionnaires civils, » ;
3° Au début du premier alinéa du I de l’article L. 86, les mots : « Par dérogation aux » sont remplacés par les mots : « Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale, ainsi qu’aux ».
V bis (nouveau). – Après l’année : « 1984 », la fin du troisième alinéa de l’article L. 732-39 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigée : « dans un régime d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales. »
V ter (nouveau). – Le second alinéa de l’article L. 1242-4 du code du travail est supprimé.
VI. – Le présent article est applicable aux assurés dont la première pension prend effet à compter du 1er janvier 2015.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe CRC voteront l’article 12.
Cet article modifie le cumul emploi-retraite de telle sorte que les cotisations acquises dans le cadre d’un cumul d’activités professionnelles ne permettent pas aux salariés d’acquérir des droits supplémentaires en matière de retraite.
Vous le savez, notre groupe a toujours été très réservé sur le dispositif du cumul emploi-retraite. En laissant certains salariés libres de poursuivre une activité professionnelle tout en percevant leur pension, on a donné l’illusion que notre système de retraites pouvait s’apparenter à un système à la carte, dans lequel chacun pourrait aménager sa sortie professionnelle.
Or, dans les faits, on s’aperçoit que ce mécanisme profite à des salariés retraités ou près de la retraite, dont les salaires et les pensions sont nettement supérieurs à ceux qui sont versés à la moyenne de nos concitoyens.
Au nom de l’individualisation des droits à la retraite, s’est installé un système inégalitaire reposant sur des disparités de rémunérations et de fonctions. En effet, on le constate, rares sont les salariés, et surtout les ouvriers, qui demandent à bénéficier du cumul emploi-retraite, à l’exception de ceux qui ne peuvent faire autrement que de continuer à travailler, car le montant de leur pension est trop faible.
Selon nous, le cumul emploi-retraite n’est pas la solution, d’autant qu’il tend à créer d’autres problèmes, notamment parce qu’il joue contre l’entrée des jeunes dans la vie active.
Si je voulais être provocateur, je dirais que, pour cumuler, encore faut-il trouver un emploi, ce qui, chacun le sait, devient problématique, encore plus lorsqu’on est un salarié âgé.
C’est pourquoi, si nous ne souhaitons pas interdire le cumul emploi-retraite, il ne nous semble pour autant pas opportun, compte tenu du profil de ceux qui en bénéficient, d’encourager ce dispositif par le biais de l’acquisition de droits supplémentaires.
M. le président. L'amendement n° 285, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° participation aux activités juridictionnelles ou assimilées, consultations données dans la limite de 20 heures par semaine en moyenne dans l’année précédant le versement de la pension, participation à des jurys de concours publics, jurys d’examens d’État ou à des instances consultatives ou délibératives réunies en vertu d'un texte législatif ou réglementaire ; »
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Il est nécessaire de clarifier les dispositions du 3° de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale, qui permet de poursuivre certaines activités tout en liquidant une pension, et donc de continuer à ouvrir des droits à pension au titre de ces activités.
Nous souhaitons tout d’abord indiquer clairement que les jurys d’examens d’État sont visés.
Par ailleurs, selon une circulaire ministérielle de 1984, sont concernées les personnes qui donnent des consultations à caractère discontinu ne les occupant pas plus de quinze heures par semaine en moyenne pendant l'année. Il est nécessaire de relever cette limite pour autoriser plus largement le cumul d’activités judiciaires et d’honoraires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à élargir le champ des activités qui peuvent être poursuivies sans condition de cessation d’activité et de plafond dans le cadre du cumul dérogatoire.
Il vise particulièrement les consultations données dans la limite de vingt heures par semaine ainsi que les jurys d’examens d’État.
Concernant les activités de consultation, il nous semble préférable de conserver la formulation actuelle de « consultations données occasionnellement », qui est suffisamment générale, plutôt que d’apporter des précisions relevant davantage du domaine réglementaire.
Pour ce qui est de la participation à des jurys d’examens d’État, la notion ne paraît pas suffisamment encadrée juridiquement pour être intégrée telle quelle dans la loi.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. L’avis du Gouvernement est défavorable, pour les mêmes raisons.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 285.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 283, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 10 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Nous estimons qu’il n’est pas opportun de supprimer l’acquisition d’un complément de retraite pour ceux qui choisissent de cumuler un emploi et une pension.
Cet amendement procède d’une conviction : nous souhaitons inciter nos compatriotes à travailler plus longtemps et leur donner la perspective réjouissante de pouvoir continuer à améliorer leurs droits à retraite, même si, par la loi d’airain de la démographie, la probabilité de profiter de cette retraite diminue au fur et à mesure que se prolonge l’activité professionnelle.
Cela dit, chaque situation est particulière, et des personnes bénéficiant d'ores et déjà d’une pension de vieillesse peuvent décider en toute responsabilité de continuer à travailler du fait de contraintes familiales fortes.
J’ajoute que c’est un principe d’égalité : à travail égal, cotisations égales et avantages égaux.
Mme Isabelle Debré. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 284, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après les mots :
ouvre droit
insérer les mots :
, à compter de l’âge à partir duquel il peut liquider sans décote ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé,
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Plusieurs régimes complémentaires de retraite, notamment des professions libérales, prévoient un âge de liquidation sans décote de soixante-cinq ans. Le poids de ces régimes complémentaires est très important dans les retraites des intéressés et représente parfois l’essentiel de leur revenu. Il serait injuste de ne pas prendre en compte cette différence de situation.
Cet amendement vise donc à permettre à un salarié ayant liquidé ses droits à retraite d’exercer ensuite une activité libérale jusqu’à l’âge de liquidation, et ce sans décote en se constituant des droits. Il est lui aussi inspiré par l’idée que chacun doit s’adapter au destin qui est le sien et aux difficultés qu’il rencontre.
Certaines professions, notamment médicales, sont caractérisées par un déséquilibre démographique. Afin d’encourager leur exercice, il est justifié de leur conférer des avantages supplémentaires. Le maintien de la possibilité de s’ouvrir des droits à pension y participe.
Par ailleurs, j’insiste sur la situation de certains salariés en fin de carrière ayant pu subir de longues périodes de chômage sans pouvoir retrouver un emploi avant de liquider leur pension de retraite. Il est injuste de ne pas permettre à celles de ces personnes qui auraient, par exemple, la possibilité d’exercer une activité libérale de ne pas se constituer des droits.
M. le président. L'amendement n° 357, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
, à l'exception des avantages de vieillesse acquis et non liquidés par les régimes visés aux articles L. 643-1, L. 644-1 et L. 645-1 du présent code
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. S’il diffère quelque peu dans sa rédaction, cet amendement est à peu près le même que celui qui vient d’être présenté : son objet est d’exclure du champ d’application de l’alinéa 11 les avantages de vieillesse acquis et non liquidés par les régimes visés aux articles L. 643-1, L. 644-1 et L. 645-1 du code de la sécurité sociale.
L’article 12 généralise le principe de cotisations non génératrices de droits à retraite dès lors qu’un droit est liquidé dans un régime légalement obligatoire de base.
Or, comme notre collègue Gérard Longuet vient de le préciser, les règles d’acquisition des droits de retraite en vigueur dans la plupart des régimes complémentaires des professions libérales rendraient ce système très pénalisant pour les professionnels libéraux, pour lesquels le taux plein ne peut être acquis qu’à soixante-cinq ou soixante-sept ans, quelle que soit la durée d’assurance et contrairement au régime de base.
Il convient donc d’exclure ces régimes complémentaires d’assurance vieillesse des professionnels libéraux du champ d’application du dispositif prévu à l’alinéa 11. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 311 est présenté par M. Beaumont.
L'amendement n° 389 rectifié est présenté par MM. Barbier, Mézard, Bertrand et Collombat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier alinéa ne s’applique pas aux avantages de vieillesse acquis dans les régimes visés aux articles L. 644-1 et L. 645-1 par les bénéficiaires d’une pension servie par le régime visé à l’article L. 641-2.
L’amendement n° 311 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 389 rectifié
M. Gilbert Barbier. Cet amendement va dans le même sens que ceux que viennent de présenter MM. Longuet et Vanlerenberghe.
Je tiens toutefois à mettre l’accent sur l’utilité, notamment pour les professions de santé, de la modification proposée au travers de notre amendement.
Alors que la pénurie de médecins est patente dans beaucoup de secteurs, l’application de l’article 12 risque de décourager un certain nombre de professionnels n’ayant pas atteint l’âge de soixante-cinq ans – celui qui leur permet de liquider la totalité de leurs droits à la retraite – de reprendre une activité. Je rappelle en effet que, si certains peuvent bénéficier du régime obligatoire à partir de soixante-deux ans, ce sont les régimes complémentaires et l’avantage social vieillesse, l’ASV, pour les secteurs conventionnés, de la Caisse autonome de retraite des médecins de France, la CARMF, qui leur assurent de pouvoir toucher la totalité de leur retraite.
Permettre à certains médecins de continuer à exercer au-delà de soixante-deux ans – âge de liquidation du régime de base – présente donc un intérêt pour les personnes concernées, en leur offrant un complément de retraite. Il s’agit aussi d’une mesure d’intérêt public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. S’ils s’appliquent à des professions différentes, ces quatre amendements visent tous à remettre en cause l’objectif d’équité entre les salariés, qui sous-tend l’article 12.
L’amendement n° 283 tend à supprimer la disposition centrale de cet article, qui généralise le principe selon lequel la reprise d’une activité professionnelle après liquidation d’une pension de retraite ne permet pas l’acquisition de nouveaux droits à retraite. L’avis de la commission est donc défavorable.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 284, pour les mêmes raisons, ainsi qu’aux amendements nos 357 et 389 rectifié, concernant les cumuls emploi-retraite pour les professions libérales, car ces amendements contreviendraient à cet objectif d’équité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces quatre amendements.
Il ne s’agit pas d’empêcher des personnes retraitées de travailler : il s’agit simplement…
M. Gérard Longuet. De les décourager !
Mme Marisol Touraine, ministre. … d’établir une distinction claire entre le statut de salarié et celui de retraité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote sur l’amendement n° 283.
M. Jean-Noël Cardoux. Pour rebondir sur les propos de Gérard Longuet, je rappelle que la situation des professions libérales est totalement différente de celle des salariés puisque, pour certaines d’entre elles, l’âge de départ à la retraite se situe entre soixante-cinq et soixante-sept ans ; nous y reviendrons à l’article 32.
Bien sûr, l’article 12 n’empêchera personne de travailler, mais comment ne pas voir une punition dans le fait que la reprise d’activité ne soit pas génératrice de droits ? (M. Jean Desessard s’exclame.)
Une telle mesure contribuera à ce que la société se prive de talents dans certains domaines où les besoins sont évidents et où les plus jeunes professionnels ne peuvent pas ou ne veulent pas s’exprimer.
Mes chers collègues, permettez-moi simplement de prendre l’exemple de deux professions que je connais bien.
Je pense, en premier lieu, aux experts-comptables, qui, bien souvent, exercent plusieurs activités, à l’instar d’autres professions libérales. En l’espèce, ces professionnels cumulent souvent leur activité avec celle de commissaire aux comptes et celle d’expert judiciaire. Cette profession présente une particularité : quel que soit le régime choisi, si un expert-comptable est salarié d’une société, il continue de cotiser au régime de base des professions libérales.
Il n'y a aucune raison de dissuader ceux qui ont pris leur retraite d’intervenir auprès des tribunaux, au moment même où l’on manque d’experts judiciaires !
Je pense, en second lieu, aux professions médicales, dont on parle beaucoup – Gérard Longuet y a fait allusion en présentant son amendement. Je rappelle simplement que, dans un rapport sur la désertification médicale présenté, il y a peu, au nom d’un groupe de travail présidé par notre collègue Jean-Luc Fichet, Hervé Maurey a envisagé beaucoup de pistes et cherché en vain des solutions contre ce fléau.
Avec une telle mesure, on va se priver de l’appoint de médecins ayant décidé de liquider les droits à retraite qu’ils ont acquis pendant l’exercice de leur activité libérale, et dont les interventions pourraient répondre à un certain nombre de besoins de la société.
Mme Annie David. Pas du tout !
M. Jean-Noël Cardoux. J’en parle en connaissance de cause : mes chers collègues, vous ne pouvez pas imaginer les difficultés que rencontrent actuellement les conseils généraux pour trouver des médecins susceptibles de travailler sur les plans d’aide personnalisée à l’autonomie, la prestation de compensation du handicap, ou encore dans le domaine de la protection maternelle et infantile ! Dans bien des cas, les départements sont obligés de recourir à des fonctionnaires territoriaux, qui n’ont reçu qu’une maigre formation médicale. Nous sommes là à la limite de la légalité, et travaillons sans filet…
M. Jean Desessard. À cause de l’article 12, peut-être ? (Sourires.)
M. Jean-Noël Cardoux. Empêcher ces professionnels de s’engager dans une activité complémentaire et, par la même occasion, de rendre service n’est pas intéressant pour la société. C’est d’autant plus vrai que les montants en jeu ne représentent pas grand-chose !
J’ajoute que le rapport précité sur la désertification médicale évoquait une nouvelle forme de médecine, assez impressionnante : la télémédecine. Voilà peu de temps, j’en ai vu une illustration dans mon département : un patient installé dans une cabine a pu passer, à distance, tous les examens possibles, en correspondance avec un médecin qui ne pouvait se déplacer jusqu’à lui.
Mme Annie David. Quel rapport avec les retraites ?
M. Jean-Noël Cardoux. Dans les communes rurales, particulièrement touchées par la désertification médicale, il serait intéressant qu’un médecin en semi-activité puisse, deux jours par semaine, accompagner les patients qui entreraient dans ces nouveaux dispositifs de télémédecine et faire le lien avec le professionnel exerçant à temps plein.
Au-delà de ces deux professions, que je connais un peu mieux que les autres, ce raisonnement s’applique à toutes les autres professions libérales, me semble-t-il. Ne pas leur permettre de bénéficier de points de retraite en cas de reprise d’activité est un mauvais service qu’on leur rend, et qu’on rend à la société tout entière.
C'est la raison pour laquelle je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je voterai contre les amendements.
Je souscris tout à fait à la philosophie de l’article 12, qui clarifie les règles du cumul emploi-retraite.
Cher collègue Cardoux, votre propos donne l’impression que les médecins qui travailleront en milieu rural ne seront pas payés ! Je tiens à dire à tous les téléspectateurs qui nous regardent (Sourires.)…
M. Gérard Longuet. Ils sont nombreux ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean Desessard. … que ces médecins toucheront un salaire, même s’ils bénéficient déjà d’une pension de retraite.
La seule chose qu’ils n’auront pas, c’est la possibilité de cotiser pour leur retraite sur la base de l’activité qu’ils ont reprise.
M. Gérard Longuet. C’est une brimade !
Mme Isabelle Debré. C’est injuste !
M. Jean Desessard. En termes de montants, ce sera presque insignifiant.
Si vous défendiez, cher collègue, dans une logique d’assurance, l’idée que toute cotisation doit ouvrir des droits, on pourrait parler de philosophie.
Mais là, vous défendez les médecins, les commissaires aux comptes et tous les professionnels qui percevront une rémunération correspondant à leur travail sans que leur retraite s'en trouve pour autant augmentée…
Il est amusant de voir que votre conception des économies est à géométrie variable. Quand il s'agit de faire travailler les gens une ou deux années de plus – et l'on connaît les difficultés que rencontrent certains pour trouver un emploi après cinquante ans, difficultés encore relatées par certains articles de journaux parus aujourd'hui même –, cela ne vous pose pas de problèmes, et vous êtes d'accord avec le projet de loi.
Mais dès que l’on touche aux médecins et aux commissaires aux comptes, on a vraiment l'impression que cela vous arrache le cœur…
À cet égard, je tiens à vous dire que je suis solidaire des médecins. D'ailleurs, je voudrais qu’il y en ait plus, qu’il y ait davantage de formations de médecins et de chirurgiens, et que l’on crée beaucoup de postes… (Mme Isabelle Debré acquiesce.) Les uns et les autres, nous devrions nous engager dans cette voie pour avoir plus d'infirmiers et de médecins.