Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement répond au principe d’une plus grande justice sociale contribuant à la pérennité de notre système de retraites par répartition à solidarité intergénérationnelle. Il contribue, dans le même temps, à favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes par des mesures financières incitatives.
Nous proposons que les employeurs soient poussés à respecter l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes par le biais de sanctions financières. À défaut, les pensions des femmes resteront inférieures à celles des hommes.
Il faut favoriser l’accès des femmes à une retraite leur permettant de subvenir à leurs besoins une fois l’activité professionnelle terminée.
En ce sens, il existe des mécanismes de compensation visant à atténuer les inégalités contre lesquelles on ne peut plus lutter, car elles sont le fait des générations passées.
L’article 13 du projet de loi s’inscrit dans une telle logique. Mais il n’est proposé qu’un rapport sur la refonte des majorations de pension pour enfants.
Certes, la démarche est la bonne. Mais pourquoi se limiter à un rapport ? Prenons dès aujourd’hui des mesures d’application immédiate.
Dans l’intérêt des générations futures et des actifs qui sont loin d’accéder à la retraite, nous devons lutter contre les inégalités face à l’emploi, afin de faire disparaître les inégalités face à la retraite. Nul besoin d’attendre un rapport pour agir sur ce volet !
Nous proposons donc, par cet amendement, que toutes les entreprises ne respectant pas l’égalité salariale soient pénalisées en fonction de l’écart salarial constaté entre les hommes et les femmes. La sanction prendrait la forme d’une majoration de la cotisation définie à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.
Le dispositif que nous prônons permet à la fois de favoriser l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et de financer les retraites ; il est donc doublement vertueux. C’est pourquoi nous vous proposons d’adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 337 rectifié bis.
M. Jean Desessard. Les inégalités salariales touchent de plein fouet les femmes dans notre pays. Selon l’INSEE, en 2010, les salaires féminins valaient, en moyenne, 76 % des salaires masculins, et l’écart est de plus en plus important à mesure que le salaire augmente. Si l’on prend en compte les 1 % de salariés les mieux rémunérés, les femmes perçoivent au mieux un salaire équivalent à 64 % de celui des hommes.
Une telle inégalité se répercute pleinement sur le niveau de la retraite perçue. Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, il y a là une véritable discrimination pour toutes les assurées.
En effet, la retraite moyenne perçue par les femmes s’élève à 72 % de celle qui est versée aux hommes. Si l’on se penche sur les retraites complémentaires, les chiffres sont encore plus alarmants : selon l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés, l’ARRCO, la pension moyenne des femmes représente 58 % de celle des hommes ; selon l’Association générale des institutions de retraite des cadres, l’AGIRC, le taux est de 40 % seulement.
Au-delà des quelques dispositions du projet de loi dédiées aux femmes et aux carrières heurtées, il nous faut dès maintenant prendre des mesures encore plus fortes pour lutter contre les inégalités salariales dans l’entreprise. Certes, des dispositions ont été adoptées sur les retraites ; mais tout dépend des salaires. Il faut donc agir en amont.
Nous nous associons pleinement à la démarche de nos collègues du groupe CRC, qui ont déposé un amendement identique au nôtre.
Pour nous, un système de pénalités progressives, fondées sur les écarts de salaires, est susceptible d’encourager les employeurs à tout mettre en œuvre pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Le levier de la cotisation retraite payée par l’employeur est particulièrement adapté pour cette mesure. Il s’agit, ici aussi, de lutter contre les écarts de pension.
Il est temps de passer d’une logique déclarative à une véritable action dissuasive. Frappons là où cela fait le plus mal : au portefeuille !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Ces deux amendements identiques visent à moduler les cotisations retraite de l’employeur en fonction de l’importance des écarts salariaux constatés entre les femmes et les hommes. Ils sont tout à fait intéressants, mais je ne vois pas comment ils peuvent s’intégrer dans un projet de loi portant réforme des retraites…
J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques, qui pourraient en revanche être repris dans le texte sur l’égalité professionnelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 174 et 337 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 179, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2014, un rapport détaillant les mesures envisagées pour parvenir à la résorption définitive, à l’horizon 2018, des inégalités professionnelles et salariales entre femmes et hommes.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Le constat est connu : les femmes, qui ont été victimes d’inégalités salariales tout au long de leur vie professionnelle, voient ces inégalités perdurer au moment du départ en retraite.
Ce constat, nous l’avions déjà dressé lors de la dernière réforme des retraites, en 2010. Voilà malheureusement des années qu’il est établi.
Pourtant, force est de constater que la situation n’a pas changé, ni en ce qui concerne la résorption des inégalités salariales ni pour ce qui est du mécanisme de compensation de ces inégalités. Pire, la répercussion des inégalités salariales sur les retraites s’est même accrue avec les dernières réformes.
Nous souhaitons donc une nouvelle fois, avec cet amendement, œuvrer dans le sens d’une éradication définitive de ces inégalités professionnelles et salariales entre hommes et femmes. Il s’agit non pas de traiter la conséquence de ces inégalités, mais bien de s’attaquer à la racine du mal.
Il résulte en effet des différentes études qui ont été réalisées que les femmes sont davantage confrontées à des phénomènes de carrières dites « incomplètes » que les hommes. Une fois l’âge légal de départ à la retraite arrivé pour ces femmes, ces trous de carrière se paient durement !
Ce phénomène peut s’analyser comme de la discrimination, d’où l’intérêt du rapport qui est demandé pour que le Gouvernement prenne enfin des mesures afin de résorber les difficultés, en s’attaquant à leurs racines.
Je pense que l’ambition que traduit ce projet de loi n’est pas suffisante et qu’il faut aller plus loin. Nous souhaitons donc la remise d’un rapport qui permette de dégager un certain nombre de propositions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Le sujet soulevé au travers de tous ces amendements portant articles additionnels avant l’article 13 est important, mais il relève davantage du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. La question ici posée, celle des mesures envisagées dans le cadre de la politique de résorption des inégalités professionnelles, est d’une telle importance que l’on n’imagine pas qu’elle puisse se réduire à la remise d’un simple rapport. Il faut, selon nous, rester sur le terrain de la retraite et être conscient que les retraites ne peuvent pas, à elles seules, compenser toutes les difficultés, les injustices, les erreurs ou les singularités de la vie professionnelle de l’ensemble de nos compatriotes actifs.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je remarque que, dès qu’il est question des inégalités entre femmes et hommes, soit on nous répond que nos amendements n’ont pas leur place dans ce projet de loi, soit que les rapports que nous demandons ne sont pas suffisants, quand on ne nous oppose pas l’article 40 ! J’aimerais donc savoir ce que nous pouvons faire en tant que législateurs !
M. Gérard Longuet. Bonne question !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 179.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 13
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’évolution des droits familiaux afin de mieux compenser les effets de l’arrivée d’enfants au foyer sur la carrière et les pensions des femmes.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. L’article 13, bien qu’abordant une question essentielle pour les femmes, à savoir les évolutions futures à apporter aux avantages familiaux de retraite, se limite en réalité à la remise par le Gouvernement d’un rapport.
Pas plus que vous, madame la ministre, nous ne saurions accepter que les droits familiaux, censés compenser les écarts de salaires puis de pensions, soient, dans leur grande partie, captés par les hommes et donc détournés de leur objectif. Ces avantages étant proportionnels aux salaires et les salaires des hommes étant supérieurs à ceux des femmes, l’architecture même de ces droits conduit à une injustice à laquelle il faut remédier. Nous voterons donc cet article.
Toutefois, je regrette que, sans attendre la remise de ce rapport, vous ayez déjà acté la taxation des majorations de pensions de 10 %.
Tout cela donne l’impression que vous êtes plus prompte à instaurer de nouveaux prélèvements sur les personnes physiques qu’à trouver des solutions justes et tenables en droit, permettant de combler les écarts de pensions dont les femmes sont victimes.
Je voudrais dire également à notre collègue Laurence Rossignol, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, que nous ne souscrivons pas à la recommandation qui figure dans son rapport, tendant à « mutualiser au niveau du couple les conséquences, en matière de retraite, des interruptions de travail subies par l’un des parents ».
En effet, si les parents font le choix, rationnel d’un point de vue économique, de réduire l’activité de la femme, c’est sans doute en raison d’un résidu machiste de notre société, mais surtout parce que les employeurs continuent, en violation totale de la loi et de nos principes constitutionnels, à sous-payer les femmes.
L’homme et la femme dans le couple sont en réalité moins décisionnaires que tributaires d’une situation injuste.
Tout cela nous conduit à penser que la réduction des inégalités de pensions se fera, pour l’essentiel, moins au travers des droits familiaux et conjugaux que grâce à l’émergence d’une société où, enfin, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes sera totale. C’était le sens des amendements que nous avons précédemment proposés.
Exiger une solidarité dans le couple n’a aucun sens dans un régime qui repose sur la solidarité plus large qu’est la sécurité sociale. Nous contestons donc l’analyse selon laquelle le membre du couple qui aurait eu la chance de partir à taux plein serait redevable à l’égard de l’autre.
Celles et ceux qui sont redevables à l’égard des femmes, ce sont les décideurs politiques qui ne prennent pas les mesures qui s’imposent. Pourtant, nous avons proposé d’organiser, pour les salariés travaillant à temps partiel, un mécanisme de surcotisation patronale qui permettrait de financer des droits nouveaux, conformément aux objectifs de 1945.
Nous avons proposé de supprimer les exonérations de cotisations sociales aux entreprises qui ne respecteraient pas l’égalité salariale et de moduler le taux des cotisations sociales. Là encore, les ressources dégagées devraient permettre de financer des droits nouveaux.
Qui plus est, dire de l’un de membres du couple qu’il est redevable à l’égard de l’autre conduit à se demander comment s’organise la compensation. Imaginez-vous que l’homme puisse transférer des droits à la retraite à la femme ?
Les droits acquis au sein de la sécurité sociale – par principe – n’appartiennent pas aux salariés. Ils ne composent pas leur patrimoine personnel ; ils ne peuvent ni les transférer, ni les donner, ni les léguer.
Si nous comprenons votre volonté, nous n’acceptons pas que la question fondamentale de l’égalité des pensions, qui est en réalité celle de l’égalité des droits, soit réduite, par une forme de nivellement par le bas, à une responsabilité interne au groupe. Cette question de l’égalité des droits est plus large : elle englobe la responsabilité sociale des entreprises, comme celle des pouvoirs publics en matière de service public de l’accueil des jeunes enfants.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, comme vient de le souligner ma collègue Isabelle Pasquet, le projet de loi renvoie la question des droits familiaux, particulièrement sensible pour les retraites des femmes, à un rapport.
Ce rapport devra être remis au Parlement dans les six mois suivant la promulgation de ce qui sera alors la loi.
La délégation aux droits des femmes du Sénat a souhaité souligner d’emblée dans ses recommandations que la priorité devait s’attacher à la constitution de droits propres par les femmes. Je partage totalement cette analyse, comme d’ailleurs l’ensemble de mes collègues qui étaient présentes lorsque cette question a été débattue. En effet, c’est à ce prix seulement que la retraite des femmes sera à un niveau compatible avec les objectifs d’égalité entre les femmes et les hommes inscrits dans ce projet de loi.
Ces droits propres devront s’appuyer sur une réelle et significative avancée en matière de rémunération, de déconstruction des stéréotypes de genre dans l’accès à l’emploi, de recul du temps partiel subi. Ces droits s’appuieront également sur une organisation du travail qui sera fondée non plus fondée sur un modèle masculin, mais sur une revalorisation des classifications des métiers féminins, sur une nouvelle articulation entre temps de travail et tâches domestiques et entre emploi et maternité.
Il faut donc également que les femmes n’aient plus besoin d’interrompre leur activité, comme elles ont tendance à le faire à la suite des maternités pour élever leurs enfants, car c’est sur elles que repose majoritairement cette responsabilité. On sait en effet qu’elles sont nombreuses à être poussées à interrompre leur activité, pour des raisons qui tiennent à l’insuffisance et au coût des solutions d’accueil de la petite enfance.
Dans ses conclusions, le comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes du 30 novembre 2012 relevait que « l’impossibilité de disposer d’un mode de garde adapté à leurs besoins pénalise principalement les femmes ».
En effet, environ 40 % des bénéficiaires du « complément de libre choix d’activité », soit près de 210 000 femmes, ont décidé de se retirer du marché du travail, alors qu’elles auraient préféré y rester, et pour 40 % d’entre elles, soit 84 000, l’absence de solution de garde en a été la raison principale.
Cette réalité traduit l’inégale assignation des tâches au sein du couple.
La question des retraites des femmes nous renvoie donc à un sujet de société beaucoup plus vaste. Ce rapport nous éclairera sur un aspect du problème, ce qui ne peut qu’aider à la réflexion et donc favoriser des progrès ultérieurs grâce à des mesures que nous ne manquerons pas d’adopter, du moins je l’espère.
M. le président. L'amendement n° 286, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Gérard Longuet disait, à propos de l’amendement n° 372 rectifié, que nous n’étions pas fanatiques des rapports, ce qui est tout à fait exact. Mais l'amendement de notre collègue Jean Desessard, outre la vertu propre aux propositions d’origine parlementaire, avait l’avantage de viser un point bien précis concernant la retraite des artistes interprètes.
Ici, le Gouvernement nous propose un énième rapport, en l’occurrence sur les droits familiaux. Depuis quelque temps, dès que se pose un problème, on nous propose, ici, une haute autorité, là, un conseil scientifique, là encore, des rapports… Quelle curieuse manière de gouverner !
Voilà donc un rapport supplémentaire sur un sujet qui, malgré tout, a fait l’objet de nombreuses modifications. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est pour se donner bonne conscience, néanmoins, je m’interroge…
En effet, à voir toutes les attaques qui ont été orchestrées depuis un an et demi contre le droit de la famille, entraînant la réduction d’un certain nombre d’avantages familiaux, on s’interroge sur l’opportunité d’établir un rapport a posteriori. Peut-être aurait-il été préférable de le faire a priori.
J’énumérerai simplement, sans que la liste soit exhaustive, les principales initiatives prises en ce sens et que nous dénonçons : la baisse du plafond du quotient familial, qui passe à 2 000 euros, et bientôt à 1 500 euros ; la diminution programmée de la PAJE, la prestation d'accueil du jeune enfant, dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale ; la suppression de la réduction d’impôts pour frais de scolarité ; la fiscalisation du bonus pour trois enfants, qui figure dans ce projet de réforme.
À partir de ces quatre points particuliers – mais je pense que d’autres exemples, même généraux, peuvent être trouvés – nous nous interrogeons sur l’opportunité d’un énième rapport d’origine gouvernementale. Nous aurions préféré, je le répète, qu’un tel rapport ait été établi en amont, afin d’éviter que ne soient sensiblement réduits les avantages accordés aux familles.
Voilà pourquoi nous proposons cet amendement de suppression de l’article 13.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. L’amendement vise à supprimer l’article 13, dont je rappelle qu’il prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport sur la réforme des avantages familiaux de retraite.
La commission pour l’avenir des retraites, présidée par Mme Moreau, a estimé qu’il y avait nécessité d’une remise à plat de l’ensemble de ces avantages, et ce dans le sens d’une simplification et d’une convergence. Mme Moreau elle-même, que la commission des affaires sociales a reçue en juillet, nous a clairement exposé les inégalités qui résultaient de la situation actuelle.
Le Gouvernement a, de son côté, indiqué son intention de plafonner progressivement la majoration pour enfant et de la transformer en une majoration forfaitaire, mais je laisse Mme la ministre s’exprimer sur ce point.
La commission Moreau a souligné la nécessité d’investigations plus approfondies pour mettre en œuvre cette réforme. Le présent article 13 répond à cette préoccupation, raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. La commission Moreau s’est posé la question de savoir comment faire évoluer les droits familiaux pour qu’ils bénéficient davantage aux femmes, aux mères de famille. À ce stade, aucun consensus ne se dégage et aucune orientation claire ne se dessine. Des travaux complémentaires sont donc nécessaires. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous en avons besoin.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Cela ne surprendra personne, je soutiens avec conviction cet amendement de suppression présenté par mon collègue Jean-Noël Cardoux, non pas que le thème du futur rapport soit négligeable ou accessoire, mais parce que la façon de procéder du Gouvernement n’est ni satisfaisante ni à la hauteur de l’ambition.
Depuis le début de ces débats, nous défendons ensemble – certes, avec des points de vue différents – le maintien d’un régime de retraite par répartition. Le produit de cette retraite peut être distribué comme il l’est aujourd’hui ou, comme nous le pensons, grâce à un système de points. En tout état de cause, c’est une évidence, ce système est fondé sur l’arrivée de nouvelles générations qui cotisent, soutiennent les générations qui ont cessé de travailler et leur apportent leur appui.
Au cœur du régime de retraite se trouve donc d’abord et avant tout le renouvellement des générations.
À notre connaissance, le renouvellement des générations le plus simple et le plus naturel passe par une politique familiale soutenue qui repose sur le couple hétérosexuel, dont on sait qu’il a plus de facilité à concevoir des enfants, en tout cas à les éduquer, et dont la stabilité– mais le législateur n’est pas là pour codifier l’amour – est assurément un facteur de sécurité pour tous, les conjoints – l’homme comme la femme – et, surtout, les enfants.
Nous ne portons aucun jugement sur les difficultés de la vie ; quiconque, détenant ou croyant détenir la sagesse absolue en la matière, serait bien mal placé pour donner des leçons. Une certitude demeure : sans démographie positive, aucun régime de retraite fiable et équilibré ne sera possible.
Or le rapport Moreau ne prend absolument pas en considération cette réalité démographique. Les attaques contre la famille qui ont été lancées méconnaissent ce qui a toujours été la politique démographique de notre pays, dont l’objet est de mettre tous les couples en situation d’égalité, c’est-à-dire qu’ils aient des enfants ou bien qu’ils n’en aient pas.
Je sais que le choix d’avoir des enfants n’est pas facile, qu’il n’est pas toujours volontaire, que tous ceux qui en veulent n’en ont pas, que tous ceux qui en ont n’en veulent pas nécessairement à tel ou tel moment. Il y a une part d’incertain sur lequel le législateur serait bien en peine de légiférer.
Néanmoins, il existe un principe de fond qui explique d’ailleurs les dispositions évoquées par Jean-Noël Cardoux. J’en évoquerai trois.
Premièrement, je pense à la majoration. Certes, puisqu’elle est en proportion de la retraite, elle profite à celui qui a la retraite la plus importante. Cependant, comme je plaide pour un couple stable et que le code civil rappelle l’obligation de solidarité entre les membres du couple, cet avantage se trouve partagé.
Deuxièmement, le législateur a reconnu une majoration, de mémoire, de l’ordre de huit trimestres par enfant. Dans l’immense majorité des cas, ces droits sont ouverts aux femmes. Le rapport de la commission des affaires sociales indique que celles-ci valident en moyenne vingt-trois trimestres, ce qui représente à peu près trois enfants. Or la natalité moyenne française est aujourd'hui inférieure, ce qui veut dire que ces trois enfants, nous ne les avons plus aujourd’hui.
Troisièmement, le législateur a introduit l’AVPF, l’assurance vieillesse des parents au foyer, qui constitue un élément de solidarité, de stabilité, et même de générosité intergénérationnelle, si vous me permettez cette formule.
Tout cela forme une politique d’ensemble qui va bien au-delà des préconisations du rapport Moreau. En matière de retraite par répartition, nous ne pouvons pas nous contenter d’adopter une position défensive sur les dispositions prises depuis 1945 : il faut une vision globale de la famille. C’est à ce titre que nous récusons ce rapport et que nous demandons un débat d’ensemble sur la politique familiale et sur la politique démographique, seules à même de soutenir l’équilibre durable d’un régime de retraite. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Nous voterons contre cet amendement de suppression de l’article 13.
Je ne reprendrai pas les préconisations que j’ai évoquées lors de la discussion générale et qui s’appuient sur le rapport que j’ai rédigé au nom de la délégation aux droits des femmes.
J’aurais pu, à l’instar de certains de mes collègues, regretter que cet article prévoie un rapport de plus.
M. Gérard Longuet. Et non une politique !
Mme Laurence Rossignol. Pour ma part, j’aurais préféré que, dès l’examen de ce projet de loi, nous soyons en mesure de régler la question des inégalités…
M. Gérard Longuet. Il faut des enfants !
Mme Laurence Rossignol. … et des distorsions que les droits familiaux introduisent dans les retraites et dont sont en particulier victimes les femmes.
Cependant, dans la mesure où le Gouvernement a retenu la méthode de la discussion, de la concertation et de l’élaboration de solutions partagées et que c’est bien cette méthode qu’il met en œuvre, je trouve cet article excellent. Il ne s’agit pas de renvoyer de manière dilatoire à un énième rapport : le Gouvernement remettra, dans les six mois suivant la promulgation de cette loi, un rapport au Parlement. Nous aurons alors l’occasion de débattre à la fois des propositions du Gouvernement et des nôtres.
C’est une bonne mesure, et c’est pourquoi il me semble utile de voter cet article.
Monsieur Longuet, vous plaidez pour un couple stable. Malheureusement, je crains que cela ne suffise pas à organiser la société et les familles !
M. Gérard Longuet. Je le sais, mais on peut exprimer ses préférences !
Mme Laurence Rossignol. Les couples ne sont plus aussi stables qu’ils l’étaient et nous devons adapter la législation à cette situation nouvelle.
Mais je me tourne maintenant vers mes collègues du groupe CRC, qui vouent une confiance sans faille à la solidarité ouvrière, familiale et conjugale, qui serait la covictime d’une politique salariale désastreuse du patronat. Hélas ! cette solidarité ouvrière, familiale et conjugale s’exerce parfois au détriment des femmes !
M. le président. L'amendement n° 354, présenté par M. Vanlerenberghe, Mme Dini, MM. Roche et Amoudry, Mme Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots suivants :
et harmoniser les dispositifs applicables en la matière entre les régimes
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je rejoins les conclusions de Gérard Longuet : il faudrait un grand débat sur la politique familiale.
L’objet de cet amendement est beaucoup plus prosaïque et bien modeste. Il s’agit de prévoir que le rapport sur l'évolution des droits familiaux, qu’en vertu de cet article le Gouvernement remettra au Parlement dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, contiendra des propositions sur les modalités d'harmonisation des avantages entre les régimes. Il s'agit toujours pour nous de viser la convergence entre régime général et régimes du secteur public. Nous avons comme horizon d’aboutir à une retraite universelle par points.
En l’occurrence, rien ne justifie que les droits familiaux continuent de différer selon les régimes. L’harmonisation à laquelle il faut procéder doit être faite par le haut. Ainsi, elle profitera à la fois aux salariés du privé et à ceux du public.
J’illustrerai mon propos de quelques exemples.
Le régime de la majoration de pension pour enfants, applicable aux assurés du régime général, pourra être aligné sur le régime bénéficiant aux fonctionnaires, qui est plus favorable.
D’une part, il est aujourd’hui prévu que la majoration est supprimée à compter du 1er janvier 2011 dans le régime général, alors qu’aucune clause d’extinction n’est prévue pour les fonctionnaires. C’est injuste.
D’autre part, la majoration dans le régime général ne s’élève qu’à 10 % pour les parents ayant eu trois enfants et plus, alors que, pour les fonctionnaires, elle est revalorisée par tranche de 5 % par enfant à partir du quatrième enfant. Il faudrait reprendre ce dispositif au profit des assurés du régime général.
Une telle harmonisation se ferait aussi au profit des assurés du public. Ainsi en serait-il avec l’alignement du régime de la bonification de durée d’assurance pour enfants applicable aux fonctionnaires sur les dispositions plus favorables dont bénéficient les assurés du régime général.
En vertu des dispositions actuelles du code des pensions civiles et militaires, la bonification n’est plus accordée pour les enfants nés ou adoptés à partir du 1er janvier 2004. Le dispositif est donc mis en extinction, alors que tel n’est pas le cas dans le régime général. C’est totalement injustifié.
De plus, une condition d’arrêt travail est exigée des fonctionnaires et non des ressortissants du régime général. Encore une fois, il s’agit d’une iniquité.
Par conséquent, en matière de droits familiaux aussi, l’harmonisation est une urgence !