PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites
Discussion générale

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Dépôt de rapports

M. le président. M. le président du Sénat a reçu, en application de l’article 16 de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, le rapport sur l’enregistrement audiovisuel des interrogations des personnes gardées à vue ou mises en examen.

Il a été transmis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

Il a également reçu de M. le Premier ministre le rapport de 2013 sur l’activité des institutions financières internationales, établi en application de l’article 44 de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998.

Il a été transmis à la commission des finances et à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

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Modification de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, le Gouvernement nous propose, après avoir reçu l’accord des groupes et de la commission des affaires sociales, de ne pas siéger le jeudi 31 octobre au soir. La séance serait par conséquent levée à dix-neuf heures trente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous confirme que le Gouvernement, pour satisfaire la demande de plusieurs groupes, propose que le Sénat ne siège pas jeudi 31 octobre 2013 au soir.

M. le président. Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

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Article 1er (interruption de la discussion)
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Articles additionnels après l'article 1er

Avenir et justice du système de retraites

Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements portant article additionnel après l’article 1er.

Discussion générale
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Article 2

Articles additionnels après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le VII de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’employeur, durant l’année civile, n’a pas conclu d’accord salarial dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code, la réduction est supprimée. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Cet amendement a pour objet de supprimer la réduction générale de cotisations patronales lorsque l’employeur ne s’engage pas à éliminer les écarts de salaire entre les hommes et les femmes.

Depuis la reconnaissance, en 1972, du principe de l’égalité de rémunération, en passant par la loi Roudy sur l’égalité professionnelle de 1983, sans oublier la loi Génisson de 2001, plusieurs lois ont été votées pour tenter d’obtenir l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mais, comme vous le savez, mes chers collègues, nous avons encore beaucoup de mal à l’atteindre !

Des mesures ont été prises récemment, dans le cadre du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Pour rester dans cette logique, nous avons déposé un article additionnel après l’article 1er visant à supprimer la réduction générale patronale quand l’employeur ne respecte pas la loi.

Nous l’avons suffisamment dit depuis le début de nos débats, l’état des pensions des femmes est la résultante de leur parcours professionnel, des salaires moindres qu’elles gagnent. Il est donc important de montrer notre volonté de faire en sorte d’intervenir pour obtenir cette égalité professionnelle en proposant des mesures précises.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer, en cas de non-signature d’un accord en matière d’égalité salariale, les allégements généraux de cotisations sociales dont bénéficient les employeurs.

La lutte contre les inégalités salariales entre les femmes et les hommes à travail égal est un objectif partagé par nous tous, j’imagine. Toutefois, cette question ne peut pas se traiter dans un texte relatif aux retraites. Mes chers collègues, je vous renvoie au projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qui devrait revenir en deuxième lecture au Sénat.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 366, présenté par M. Vanlerenberghe, Mme Dini, MM. Roche et Amoudry, Mme Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les règles de fonctionnement des régimes visés à l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale sont progressivement alignées, en matière de cotisations et de prestations, sur celles régissant le régime général des salariés à l'horizon de l'année 2020.

La parole est à M. Gérard Roche.

M. Gérard Roche. Nous restons sur la ligne du régime unique que s’est fixé le groupe UDI-UC.

L’objet de cet amendement est de poser le principe selon lequel les règles de fonctionnement des régimes spéciaux sont progressivement alignées, en matière de cotisations et de prestations, sur celles qui régissent le régime général des salariés à l’horizon de l’année 2020.

La réforme de 2008 a contribué à rapprocher les régimes spéciaux du régime général. Cependant, d’importantes différences subsistent. La durée de cotisation n’est pas toujours alignée selon le même calendrier. Le salaire de référence pris en compte n’est pas le même. Les catégories actives laissent subsister des bornes d’âge exorbitantes du droit commun. Il en va de même pour les avantages familiaux et règles de réversion.

Certaines de ces différences ne se justifient plus. Globalement, le système doit être remis à plat. Il ne faut pas oublier que les régimes spéciaux constituent la réponse d’autrefois à la question plus que jamais d’actualité de la pénibilité.

À partir du moment où l’on met en place un système universel de prise en compte de la pénibilité, les régimes spéciaux, tels qu’ils ont été conçus il y a soixante ans, n’ont plus de raison d’être.

Tel est le sens de notre amendement, qui vise à poser le principe de leur alignement à partir de 2020, de la même manière que les régimes de commerçants, d’artisans et de salariés agricoles ont été alignés sur le régime général.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Monsieur Roche, votre amendement tend à prévoir l’alignement des régimes spéciaux sur le régime des travailleurs salariés. Outre qu’une convergence est déjà prévue entre les régimes du secteur public et ceux du secteur privé, une réforme systémique – je ne reviens pas sur ce qui a été décidé tout à l’heure – n’apporterait pas de réponse à l’urgence de résorber les déficits.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Pasquet. Vous vous en doutez, mes chers collègues, le groupe CRC votera contre cet amendement destiné à opposer nos concitoyens entre eux sur un sujet qui, disons-le clairement, n’a pas lieu d’être, comme l’a souligné Mme la rapporteur.

Le rapport de Yannick Moreau est, sur la question des régimes dits « spéciaux », particulièrement éclairant. On y apprend que, même en vertu des règles dérogatoires ou, plus précisément, des avantages spécifiques qui y sont applicables, le montant de leurs pensions n’est ni supérieur ni inférieur à celles qui sont perçues par les salariés relevant du régime général.

Qui plus est, rappelons que ces régimes, loin de l’image que certains voudraient en donner, ne sont pas dépendants du régime général. Plutôt que de longs discours, je prendrai un exemple tout aussi souvent raillé que caricaturé, celui des cheminots.

Pour partir en retraite avec un taux plein – au maximum – il faut cotiser 37,5 ans. Les conducteurs qui travaillent en horaires complètement décalés ont des bonifications qui leur permettent de gagner cinq ans, ce qui ramène la durée de cotisation à 32,5 ans. Les agents sédentaires de la SNCF peuvent toutefois partir en retraite à l’âge de 55 ans – ce seuil va être porté à 57 ans – s’ils ont au moins vingt-cinq ans de cotisation. Les conducteurs, quant à eux, peuvent partir en retraite à 50 ans – bientôt 52 ans – s’ils ont vingt-cinq ans de cotisations.

En partant à cet âge, ils ne touchent toutefois pas le maximum de retraite qu’ils peuvent espérer. Pour comparer avec le régime général, le taux de remplacement moyen, c'est-à-dire le montant de la retraite par rapport au dernier salaire, est de 64 % à la SNCF. C’est dû au fait que, à 55 ans, la durée moyenne d’activité validée par les cheminots est de 32 ans.

C’est ainsi que, en 2001, les pensions moyennes attribuées aux retraités de droit direct étaient de 1 407 euros à la SNCF et de 1 590 euros pour le régime de référence, soit un écart de 13 %.

Qui plus est, rappelons que ce régime spécial est pour l’essentiel la contrepartie de contraintes, comme le travail de nuit, les jours fériés, les week-ends et les horaires décalés.

Ce régime dérogatoire, et c’est sans doute l’élément le plus important, les cheminots ne le volent à personne ; il n’est pas assuré par le régime général, mais repose sur la richesse qu’ils créent. Le taux de cotisation, en effet, est à la SNCF de plus de 28 %, contre 15 % en moyenne dans le régime général, et il est assis sur une assiette bien plus large.

Je voudrais rappeler que, si ces régimes spéciaux perçoivent des financements de la part de l’État, c’est non pas pour financer les avantages spécifiques accordés aux salariés, mais pour compenser les effets de leurs déséquilibres démographiques : on ne compte plus que 40 000 marins actifs pour 120 000 retraités, et 10 000 mineurs actifs pour 360 000 pensionnés. À la SNCF aussi, le rapport démographique entre cotisants et retraités s’est sensiblement dégradé, du fait de la forte baisse des effectifs.

Une baisse d’effectifs réclamée par l’État, quels que soient les gouvernements en place, pour permettre des gains de productivité et dégager des profits. D’ailleurs, des dividendes ont été versés pour une part à l’État, qui ne les a pas forcément consacrés à la réalisation d’investissements.

Je veux à ce moment de mon intervention rappeler les effets sur le réseau et le matériel de ces baisses d’effectifs. Je rappelle que 10 % du réseau ferré subit des ralentissements. Il n’y a plus de réserves de cheminots parmi les contrôleurs ou des roulants. En conséquence, quand un roulant est malade, il ne peut être remplacé, et le train est donc supprimé.

Parce que cette décision est la conséquence de choix politiques, les pouvoirs publics ont décidé d’accorder des subventions d’équilibre.

Enfin, comme le soulignait l’économiste Yves Housson, dans un article de 2007, alors que la droite et le MEDEF voulaient déjà en finir avec les régimes spéciaux, une telle mesure aurait un effet immédiat, sans doute non mesuré : l’augmentation du déficit du régime général, par le transfert du déficit des régimes spéciaux, aujourd’hui supporté par les entreprises plus que par l’État.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRC votera contre cet amendement, qui n’a d’autre objet que de détourner le débat majeur du financement en stigmatisant certains assurés, plutôt que de rechercher l’efficacité et la justice en taxant les revenus financiers.

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

M. Gérard Roche. Chers collègues, je peux entendre que, la convergence étant inéluctable, il faut prendre du temps pour la réaliser. On peut aussi ne pas être d’accord sur ce principe.

Toutefois, dire que notre amendement n’a pas de raison d’être, ce n’est pas possible ! Nous allons sur le terrain, nous entendons ce que disent les gens. En plus, il s’agit d’un symbole.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Oui, un symbole !

M. Gérard Roche. Je ne veux pas polémiquer, mais l’argumentation que je viens d’entendre ne me convainc pas du tout. Il faut écouter ce que dit l’opinion au sujet des retraites : les régimes spéciaux posent un problème aux plus humbles, à ceux qui perçoivent les retraites les plus faibles.

Encore une fois, je ne peux pas accepter que l’on dise que cet amendement n’a pas de raison d’être !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 366.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Titre Ier

ASSURER LA PÉRENNITÉ DES RÉGIMES DE RETRAITE

Articles additionnels après l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites
Articles additionnels après l'article 2

Article 2

I. – Après l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 161-17-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 161-17-3. – Pour les assurés des régimes auxquels s’applique l’article L. 161-17-2, la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une pension de retraite au taux plein et la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d’une pension civile ou militaire de retraite sont fixées à :

« 1° 167 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1958 et le 31 décembre 1960 ;

« 2° 168 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1961 et le 31 décembre 1963 ;

« 3° 169 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1964 et le 31 décembre 1966 ;

« 4° 170 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1967 et le 31 décembre 1969 ;

« 5° 171 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1972 ;

« 6° 172 trimestres, pour les assurés nés à partir du 1er janvier 1973. »

II. – Au premier alinéa du I de l’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, l’année : « 2020 » est remplacée par l’année : « 2017 ».



III. – L’article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite est complété par un III ainsi rédigé :



« III. – Pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1958, la durée des services et bonifications évolue dans les conditions prévues à l’article L. 161-17-3 du code de la sécurité sociale. Par dérogation, la durée des services et bonifications exigée des fonctionnaires de l’État et des militaires qui remplissent les conditions de liquidation d’une pension avant l’âge de 60 ans est celle exigée des fonctionnaires atteignant cet âge l’année à compter de laquelle la liquidation peut intervenir. »



IV. – Le III de l’article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite s’applique aux fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et aux ouvriers des établissements industriels de l’État.



V. – À la première phrase de l’article L. 732-25 du code rural et de la pêche maritime, après le mot : « équivalentes », sont insérés les mots : « égale à la durée mentionnée à l’article L. 161-17-3 du code de la sécurité sociale ».

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l’article.

M. Claude Domeizel. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cet article est important. Il augmente la durée de cotisation et cristallise les oppositions dans nos assemblées.

Pouvions-nous faire autrement ? Nous sommes tous d’accord pour constater que le problème des régimes de retraite, aujourd’hui, tient à leur financement. La dégradation de ce financement résulte de trois facteurs : l’augmentation régulière, et bienvenue, de l’espérance de vie ; l’arrivée à l’âge de cessation d’activité des générations nombreuses issues du baby-boom – on parle aussi de papy-boom ; pourquoi pas le mamy-boom, d’ailleurs ? (Sourires.) – ; enfin, une évolution structurelle, cette fois négative, de la productivité de l’économie.

Je ne reprendrai pas dans le détail ce que j’ai déjà dit lors de la discussion générale.

Je suis de ceux qui pensent que nous devons être fidèles à l’esprit et à la lettre de notre système par répartition créé à la Libération.

Quatre solutions peuvent être envisagées pour rétablir l’équilibre des comptes : la diminution des pensions ; l’augmentation des cotisations ; le recul de l’âge de départ à la retraite ; l’allongement de la durée de cotisation. Tel est l’objet de cet article 2.

Il faut tout de même noter que tous les âges de la vie se décalent vers le haut, de façon cohérente, en même temps que l’allongement de l’espérance de vie : l’âge de fin des études, de l’entrée sur le marché du travail, de l’accès à un logement, de la vie en couple, de l’arrivée des enfants. Il serait curieux que seuls notre régime de retraite et la durée de cotisation ne soient pas affectés par ces décalages.

Je l’ai dit lors de la discussion générale, cette mesure, dont l’objectif est, à terme, d’obtenir des recettes supplémentaires, est rendue possible par l’allongement de la durée de la vie.

L’option retenue dans cet article a été préférée à celle du recul de l’âge légal de départ qui était prévue dans la loi de 2010, car nous considérons, avec le Gouvernement, qu’elle est plus juste pour ceux qui sont entrés plus tôt sur le marché du travail.

Enfin, au lieu que ces mesures soient mises en place avec brutalité et dans l’immédiat, comme l’avait décidé le précédent gouvernement, le dispositif proposé ne s’appliquera qu’aux générations qui partiront à la retraite entre 2020 et 2035. Il n’y a plus trace ici de la brutalité qui avait cours auparavant.

Mme Cécile Cukierman. Cela dépend pour quelle génération. Pour ceux qui sont nés après 1973, par exemple, ce n’est pas le cas !

M. Claude Domeizel. Ma chère collègue, vous pourrez intervenir ultérieurement. Pour l’instant, il est quelque peu désagréable d’être interrompu.

Cette démarche a été retenue, car elle comporte un compte individuel de pénibilité, des mesures pour les jeunes, pour les femmes, pour les personnes handicapées et pour les aidants familiaux. La méthode a changé : elle permet de s’attaquer à toutes les inégalités structurelles. Le Gouvernement a fait le choix d’un rééquilibrage social sans précédent dans l’histoire des réformes de retraite.

Si certains d’entre nous ont toutefois quelques griefs à l’encontre de cet article, je leur suggère de le considérer comme s’inscrivant dans un ensemble plus vaste : une réforme juste, porteuse de progrès social et de droits nouveaux.

Madame la ministre, j’ajoute que, dans le contexte que nous connaissons, cette réforme est courageuse, car elle vise à dire et à reconnaître la vérité.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l’article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à chaque étage de la fusée – salaire de référence, durée de cotisation, décote –, les femmes restent pénalisées par un système des retraites, pensé et conçu, comme l’a très bien résumé Christiane Marty de la Fondation Copernic, sur le « modèle de l’homme soutien de famille à temps plein, sans interruption de carrière », un modèle qui désavantage structurellement les femmes.

C’est la raison pour laquelle des mécanismes de compensation – droits familiaux, assurance vieillesse des parents au foyer, l’AVPF, pension de réversion – ont été progressivement aménagés.

Leur montée en charge, combinée à la progression continue de l’activité des femmes sur le marché du travail, a permis une réduction lente, mais progressive, des inégalités. Cependant, cet élan a été contrarié et arrêté par les réformes successives menées depuis vingt ans, qui ont eu pour effet d’accentuer les inégalités.

C’est le cas de la décote de 5 % par année manquante par rapport à la durée validée exigée, étendue au secteur public en 2003. Elle pénalise plus fortement les femmes : on constate, en moyenne, douze trimestres manquants, contre neuf pour les hommes.

C’est le cas de l’allongement régulier de la durée de cotisation, acté depuis 2003 au motif de l’allongement de l’espérance de vie.

Un critère doublement pénalisant pour les femmes : leurs carrières étant globalement plus courtes que celles des hommes et leurs pensions plus faibles, elles se trouvent obligées, du fait de la décote, de partir plus tard à la retraite. En cela, la réforme de 2010, en repoussant de 65 à 67 ans l’âge de départ à taux plein, a affecté bien davantage de femmes que d’hommes.

Le passage, en 1993, des dix aux vingt-cinq meilleures années de carrière, dans le régime général, permettant de déterminer le salaire moyen de référence pour le calcul de la pension pénalise davantage les carrières courtes, donc les femmes.

L’indexation des salaires sur les prix, et non plus sur les salaires, a eu pour conséquence d’appauvrir les retraités, dont le taux de pauvreté est passé de 8,5 % en 2004 à 10 % en 2010. Les plus concernés sont les plus de 75 ans, population au sein de laquelle les femmes isolées, notamment les veuves, sont surreprésentées.

La réduction et la modification de la majoration de durée d’assurance, la MDA, accordée au titre des enfants, entamée en 2003 dans le secteur public et poursuivie en 2010 pour le régime général, ont eu des conséquences très négatives pour les mères. La réforme a notamment pénalisé celles qui avaient choisi de poursuivre leur activité professionnelle.

Parallèlement à tous ces effets négatifs, les dispositifs « correctifs » – le départ anticipé pour carrière longue, la surcote, le rachat de trimestres au titre des études – bénéficient principalement aux hommes.

On peut s’interroger très légitimement sur l’évolution à venir. L’aggravation prendra-t-elle le pas sur la réduction ? Les comportements s’adaptant pour intégrer et tenter d’amortir les effets des réformes, l’optimisme ne semble pas de mise.

Lors de leur audition devant la délégation aux droits des femmes du Sénat, les responsables du Conseil d’orientation des retraites, le COR, ont affirmé que l’on ne pouvait attendre de résorption spontanée du différentiel entre hommes et femmes au regard des retraites à l’échéance des trente à quarante prochaines années.

De plus, une autre évolution intervient : celle du modèle de couple qui caractérise les nouvelles générations. Cette évolution verra la population des retraités composée non plus essentiellement de couples mariés et de personnes veuves, mais aussi de célibataires, de personnes séparées ou divorcées. Or rappelons que la pension de réversion, en 2008, représentait environ 25 % de l’ensemble des pensions des femmes de plus de 65 ans, contre 1 % pour les hommes. C’est pourquoi nous devons agir aujourd’hui pour améliorer par des droits propres l’accès à une retraite digne et décente.

Pour les femmes, cela doit passer par l’amélioration de la pension de droit direct, ce qui implique de rompre avec toutes les mesures précédemment citées. En renforçant la « contributivité » du système et en pesant plus fortement sur les femmes, ces mesures ont justement creusé les inégalités sur la pension de droit direct.

À partir de ce préalable pourra être mise en route efficacement une logique visant à renforcer le lien entre la retraite et un meilleur salaire, favorable aux hommes et aux femmes. Les outils d’action sont connus : égalité salariale, lutte contre les stéréotypes et meilleure prise en compte du temps partiel et de la pénibilité, notamment celle qui concerne le travail des femmes.

Toutefois, votre réforme fait l’impasse sur ce préalable. Pis, par cet article 2, elle renforce la « contributivité » du système des retraites, si néfaste aux femmes. Du coup, les mesures proposées, devenues marginales, seront bien incapables de réduire les inégalités.

Voilà, brièvement développée, l’une des raisons pour lesquelles je m’oppose, en tant que militante des droits des femmes, à cet article 2.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.

M. Dominique Watrin. Alors que nous débutons l’examen de l’article 2, qui tend ni plus ni moins à allonger la durée de cotisation, je ne peux que regretter l’occasion manquée à laquelle nous devons collectivement faire face.

Alors que, en 2010, nous étions toutes et tous – à gauche, au Sénat et dans la rue –, mobilisés contre la réforme Sarkozy, nous nous retrouvons aujourd’hui, malheureusement, divisés.

Madame la ministre, vous avez fait vôtre le discours naguère porté par la droite, selon lequel, face aux déficits de la branche retraite, il n’y aurait pas d’autre solution que d’allonger la durée de cotisation, c'est-à-dire, pour parler vrai, de repousser l’âge réel de départ à la retraite ou de contraindre des millions de salariés à subir des réductions de pensions en raison des décotes.

Grâce à ces mesures, il est certain que les déficits de la CNAV vont se réduire. Néanmoins, si vous comptiez faire une mesure comptable, c'est raté ! En effet, tout cela se fera au détriment du niveau de vie des retraités, mais aussi aux dépens des départements, qui verront croître leurs dépenses sociales, notamment en raison de l’accroissement du nombre de bénéficiaires du RSA.

Nous nous souvenons d’ailleurs, madame la rapporteur, que, en 2010, cette analyse que je fais maintenant était la vôtre. Voilà les propos que vous teniez face au gouvernement d’alors : « Vous invoquez l’augmentation de l’espérance de vie – nous nous en réjouissons, bien entendu. Mais entre un ouvrier et un cadre de 50 ans, l’écart d’espérance de vie est de sept ans. Il faut considérer aussi l’espérance de vie en bonne santé. Nombre de 55-60 ans n’ont pas d’emploi : ils deviendront de vieux chômeurs de 60 à 62 ans. Le coût du chômage augmentera, tandis que, bingo ! pour l’État, les départements devront leur verser le RSA. »

Qu’a-t-il pu se passer entre 2010 et 2013 pour que votre position change si radicalement et que vous fassiez maintenant le choix de faire payer les salariés d’aujourd’hui et les retraités de demain ?

Il y a eu l’élection d’un nouveau président de la République, qui a, hélas, contrairement à ses engagements, renoncé à combattre la finance. Il reçoit des missives de la Commission européenne, qui l’exhorte à réduire les dépenses sociales et fiscales. Je pense notamment aux « recommandations annuelles » envoyées par la Commission le 29 mai dernier.

Parmi ces recommandations figurait celle « d’adapter les règles d’indexation, les âges minimums et de taux plein, la période de contribution et les régimes spéciaux, mais en évitant d’augmenter les contributions des employeurs aux régimes des retraites ». Voilà la réalité !

Ces recommandations visent non pas à assurer l’avenir de notre système de retraite, mais bien à réduire le coût du travail. Il n’aura d’ailleurs pas fallu attendre longtemps pour que le Premier ministre réagisse à cette injonction et y réponde en ces termes par voie de presse : « Il n’y a pas de surprise, nous sommes dans la droite ligne de ce qui avait été annoncé, et donc la France va respecter ses engagements, ce qui implique un certain nombre de réformes que nous ferons. »

Ce qui a changé depuis lors, madame la ministre, c’est que vous recevez et écoutez trop les recommandations du MEDEF, portées hier par Mme Parisot et aujourd’hui par M. Gattaz.

Pour preuve, si le projet de loi prévoit effectivement une hausse modérée de la part patronale de cotisation sociale, celle-ci est immédiatement amortie par la baisse des cotisations patronales destinées au financement de la branche famille. Quant aux salariés, ils verront, eux aussi, croître leurs cotisations sociales sans bénéficier d’aucune contrepartie, mais ils subiront une double peine avec l’allongement de la durée de cotisations prévue dans cet article.

L’équation est simple : les efforts des salariés représentent, avec ce seul article, 5,4 milliards d’euros, quand les patrons voient aboutir une vieille revendication : leur désengagement progressif et continu du financement de la branche famille.

Pour toutes ces raisons, avec mes collègues du groupe CRC, je voterai contre cet article 2.