M. Dominique Watrin. Du fait de la suppression de cet article, plus d’une cinquantaine de nos amendements sont devenus sans objet.
M. Claude Domeizel. Vous regrettez votre vote ?
Mme Cécile Cukierman. Non ! Nous l’assumons parfaitement !
M. Dominique Watrin. Afin de réorganiser nos dossiers, nous vous demandons une suspension de séance d’une dizaine de minutes, monsieur le président.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt-cinq, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 254, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « soixante-deux » est remplacé par le mot : « soixante-cinq » et l’année : « 1955 » par l’année : « 1964 » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Cet âge est fixé par décret pour les assurés nés entre le 1er janvier 1956 et le 31 décembre 1963 de manière croissante à raison de quatre mois par génération. » ;
3° Les 1° et 2° sont abrogés.
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Cet amendement allait dans le sens de ce que nous proposons depuis le début de la discussion.
Toutefois, compte tenu de la modification de l’article 1er, qui prend en compte l’objectif de réforme systémique, et de la suppression de l’article 2, votée à une très large majorité, cet amendement n’a plus lieu d’être. Par conséquent, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 254 est retiré.
L'amendement n° 401 rectifié, présenté par M. Barbier, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « soixante-deux » est remplacé par le mot : « soixante-cinq » et l’année : « 1955 » par l’année : « 1965 » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Cet âge est fixé par décret dans la limite de l’âge mentionné au premier alinéa pour les assurés nés avant le 1er janvier 1965 et, pour ceux nés entre le 1er janvier 1956 et le 31 décembre 1964, de manière croissante, à raison de quatre mois par génération. » ;
3° Les 1° et 2° sont abrogés.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Nous avons vécu quelques moments bien particuliers depuis hier. L’adoption d’un amendement présenté par mon groupe sur la retraite notionnelle et la suppression de l’article 2, qui bouleverse complètement l’architecture du projet de loi, m’amènent également à retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 401 rectifié est retiré.
L'amendement n° 253, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Karoutchi et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, le mot : « soixante-deux » est remplacé par le mot : « soixante-trois ».
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Il est retiré.
M. le président. L'amendement n° 253 est retiré.
L'amendement n° 362, présenté par M. Vanlerenberghe, Mme Dini, MM. Roche et Amoudry, Mme Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé:
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, avant le 1er juin 2014, visant à étudier les modalités d'élargissement du salaire, du traitement et de la solde de référence pris en compte pour calculer le montant de la pension de retraite dans les régimes spéciaux et les régimes de la fonction publique.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. À l’instar des orateurs qui m’ont précédé, et pour les mêmes motifs, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 362 est retiré.
Article 2 bis (nouveau)
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, avant le 1er mars 2015, visant à étudier l’opportunité de ramener l’âge de départ à taux plein de 67 à 65 ans et de réduire le coefficient de minoration appliqué par trimestre. Ce rapport examine en particulier les conséquences pour les femmes de la mise en place du taux minoré et du déplacement par la réforme des retraites de 2010 de la borne d’âge de 65 à 67 ans.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet article, introduit à l’Assemblée nationale en séance publique, tire les conséquences d’une recommandation de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes consistant à faire étudier l’incidence financière du rétablissement de l’âge du taux plein à 65 ans et d’une baisse ou suppression de la décote. L’idée serait de revenir sur les mesures adoptées en 2010.
La délégation aux droits des femmes du Sénat montre dans son rapport combien les réformes récentes en matière de retraite ont été défavorables aux femmes, dont les parcours professionnels sont trop souvent caractérisés par des carrières courtes.
L’article 2 bis prévoit la remise avant le 1er mars 2015 d’un rapport du Gouvernement au Parlement portant non seulement sur ces questions, mais aussi sur les conséquences, pour les femmes, des mesures adoptées en 2010.
En effet, alors que le Gouvernement met en exergue de premiers frémissements dans la reprise de la croissance et que le Président de la République a fait de l’inversion de la courbe du chômage une des priorités de son quinquennat, il convient de ne pas s’interdire d’améliorer la situation des femmes, via un rétablissement de l’âge de départ à taux plein à 65 ans et une diminution de la décote.
C’est dans ce même esprit que nous défendrons, avec mon groupe, tout au long de la discussion du texte, des amendements visant à compléter une telle disposition.
M. le président. L'amendement n° 395, présenté par M. Barbier, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Nous avons entendu tout à l'heure de longs développements – je pense notamment aux propos de M. Caffet – pour justifier l’allongement de la durée de cotisation.
Exiger un rapport – un de plus, quand on sait déjà le nombre de rapports prévus par le projet de loi ! – sur l’opportunité de ramener à 65 ans l’âge de départ à taux plein revient un peu à tromper les futurs retraités, notamment les plus jeunes. Dès lors que l’on débute sa carrière à 23 ans et qu’il faut cotiser pendant quarante-trois ans, l’âge de départ à la retraite est mécaniquement fixé à 66 ans…
Cela revient à essayer de masquer d’une manière quelque peu illusoire et trompeuse la règle de l’âge de 67 ans, qui devrait être maintenue.
J’ignore ce qu’un tel rapport pourrait démontrer s’agissant des besoins de financements de notre système de retraites. Je propose donc la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 2 bis, qui avait été introduit à l’Assemblée nationale et qui prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’opportunité de ramener l’âge de départ à la retraite à taux plein de 67 à 65 ans.
Toutefois, le champ d’étude du rapport est plus vaste : il s’agit également d’apprécier un certain nombre d’éléments, comme les conséquences pour les femmes de la mise en place du taux minoré et du déplacement, dans le cadre de la réforme des retraites de 2010, de la borne d’âge de 65 à 67 ans.
La commission considère que l’article 2 bis est intéressant et émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Comme l’a rappelé Mm la rapporteur, l’article 2 bis a été ajouté à l’Assemblée nationale.
Je ne partage pas l’analyse de M. Barbier. Il me semble utile et intéressant d’analyser les conséquences du relèvement de l’âge légal, en particulier sur les femmes. Néanmoins, cela peut être fait dans d’autres cadres. Ainsi, l’article 13 prévoit la remise d’un rapport sur les droits familiaux et la situation spécifique des femmes. On pourrait tout à fait imaginer, me semble-t-il, d’inclure le champ du rapport prévu par l’article 2 bis dans celui de l’article 13.
M. Gilbert Barbier. Tout à fait !
Mme Marisol Touraine, ministre. Dès lors, même si je ne partage pas l’avis de M. Barbier, je ne veux pas émettre d’avis défavorable sur cet amendement. Ce sera donc un avis de sagesse.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Cet amendement est raisonnable.
L’article 2 bis, introduit à l’Assemblée nationale, évoque l’opportunité de ramener l’âge de départ en retraite à taux plein de 67 à 65 ans. C’est une erreur : l’âge de la retraite à taux plein ne sera de 67 ans qu’en 2022. Aujourd’hui, il est encore fixé à 65 ans.
Voter dans la loi le principe d’un rapport dont l’objet repose sur une pure anticipation relève d’une curieuse manière de procéder.
Mais il y a plus grave. Nous le voyons bien, les députés qui ont introduit cet article à l’Assemblée nationale ont voulu créer un rapport de forces à partir d’une nouvelle expertise concertée pouvant conduire à remettre en cause la réforme de 2010, ainsi que sa montée en régime d’ici à 2022.
Nous devons nous opposer à une telle remise en cause et ne pas offrir d’arguments supplémentaires à ceux qui la préconisent. Par ailleurs, s’il est un domaine où nous ne manquons pas de rapports depuis le Livre blanc commandé par Michel Rocard en 1990, c’est bien celui de la réforme des retraites.
Au demeurant, il suffit de regarder les différents rapports du Conseil d’orientation des retraites pour se convaincre de l’utilité de maintenir le processus conduisant à porter l’âge de départ en retraite à taux plein à 67 ans en 2022.
Dans ces conditions, je considère, d’une part, que cet article 2 bis repose sur des données inexactes, car l’âge de départ en retraite à taux plein n’est pas aujourd’hui fixé à 67 ans et, d’autre part, que l’intention politique des initiateurs de cet article à l’Assemblée nationale est dangereuse.
Je comprends que le Gouvernement soit lui-même extrêmement réservé vis-à-vis d’une telle disposition, que la majorité de l’Assemblée nationale lui a en quelque sorte imposée. Il avait d’ailleurs pris soin d’éviter de l’inclure dans son projet de loi initial. En réalité, sur ce plan, le texte du Gouvernement englobe, conforte et valide la réforme de 2010. Je dois l’admettre, la position du Gouvernement, qui consiste à maintenir le processus de montée en régime du report à 67 ans de l’âge légal de départ à la retraite, est raisonnable. La question qui se pose désormais à nous est de savoir quelle étape supplémentaire nous devons faire pour consolider nos régimes de retraites.
C’est la raison pour laquelle les membres de mon groupe voteront l’excellent amendement de M. Barbier, tendant à la suppression de l’article 2 bis.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. L’article 2 bis présente quelques avantages. Un rapport sur l’opportunité de ramener l’âge de départ à la retraite de 67 ans à 65 ans peut être utile. Nous voterons donc contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Comme l’a indiqué Philippe Bas, l’amendement de Gilbert Barbier est tout à fait judicieux.
D’abord, et c’est souvent souligné, il y a déjà beaucoup de rapports au Parlement. En outre, la remise en cause de la loi votée en 2010, qui avait ses mérites – certes, aucun texte n’est parfait ! –, n’est pas forcément pertinente. Libre à chacun de développer des arguments contraires.
À l’instar de mes collègues du groupe UMP, je voterai cet amendement de bon sens.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis.
(L’article 2 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 2 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 176 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’évolution sur le long terme des écarts de pensions entre les femmes et les hommes, les effets pour les femmes des mesures successives reculant l’âge légal de départ à la retraite ainsi que le report de l’âge légal de départ à la retraite à taux plein sur les écarts de retraites entre les femmes et les hommes.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Cet amendement reprend la recommandation n° 3 du rapport d’information remis au nom de la délégation aux droits des femmes du Sénat lors de la réforme des retraites de 2010. Nous sommes à la fin de l’année 2013 : il devient urgent d’établir un tel état des lieux !
Tout exercice de projection sur les perspectives à moyen terme des régimes de retraite requiert de faire des hypothèses, notamment sur l’évolution des taux d’activité des femmes et des hommes. Or les hypothèses de l’INSEE, sur lesquelles s’appuie le Conseil d’orientation des retraites, se révèlent très conservatrices, voire régressives en matière d’emploi des femmes. Elles n’intègrent aucune hausse de leur activité à l’avenir, sauf de manière ponctuelle pour les plus de 50 ans, conséquence attendue des réformes passées.
Alors que l’activité des femmes n’a cessé de progresser jusqu’à ce jour, ce qui a permis une réduction, certes encore insuffisante, des inégalités entre les sexes, et qu’elle reste une condition indispensable à leur autonomie, les projections prévoient une baisse de la part des femmes dans la population active : proche de la parité en 2010, à 47,7 %, elle passerait à 46,9 % en 2060. Il est vrai que nous ne serons pas forcément là pour le vérifier…
Pourtant, en 2010, le taux d’activité des femmes était bien inférieur à celui des hommes. Sur ce plan, la France ne se classe qu’au quatorzième rang européen, loin derrière la Norvège, l’Islande, la Finlande ou la Suède, pays qui ne sont pas forcément des modèles indépassables en matière d’égalité. On peut peut-être faire mieux !
Agir sur l’égalité professionnelle est un préalable nécessaire pour supprimer à la source ce qui crée les inégalités de pensions. C’est également un moyen d’améliorer le financement du système, puisque les ressources des caisses de retraite proviennent des cotisations prélevées sur les salaires. L’effectif de la population active qui cotise est donc un paramètre de premier plan pour l’équilibre financier.
Ce rapport devra nous permettre d’avancer un certain nombre de propositions visant à contribuer à la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes face à la retraite.
M. le président. L’amendement n° 178 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant l’impact sur les femmes du report de l’âge légal du départ à taux plein de la réforme de 2010 et de l’allongement de la durée de cotisation.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement tend à la remise dans les six mois suivant la promulgation de la loi d’un rapport du Gouvernement présentant l’impact sur les femmes du report de l’âge légal du départ à taux plein prévu par la réforme de 2010 et de l’allongement de la durée de cotisation.
En effet, la réforme de 2010 a repoussé l’âge de départ à la retraite à taux plein de 65 ans à 67 ans. De toute évidence, un tel report pèse plus lourdement sur les femmes, dont les carrières professionnelles sont souvent plus courtes et plus heurtées que celles des hommes. Les retraites des femmes, je le rappelle, sont inférieures à celles des hommes, et 40 % des femmes – contre 23 % des hommes – ne peuvent pas partir à la retraite à taux plein.
Face à cette situation injuste, nous regrettons qu’aucune mesure concrète ne soit proposée. Aussi, afin de trouver des réponses efficaces pour réduire les inégalités de pensions dont sont victimes les femmes, et conformément à l’article 1er du présent projet de loi, il convient d’évaluer les effets néfastes des différentes réformes survenues en matière de retraite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Ces deux amendements sont, en très grande partie, satisfaits par le rapport demandé à l’article 2 bis, qui examinera « les conséquences pour les femmes de la mise en place du taux minoré et du déplacement par la réforme des retraites de 2010 de la borne d’âge de 65 à 67 ans ». Il est bien sûr possible que les deux points spécifiés dans les amendements nos 176 rectifié et 178 rectifié soient également traités.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces deux amendements. De multiples rapports sont d’ores et déjà prévus ; je ne crois pas utile d’en ajouter un autre. Sachons faire preuve de parcimonie en la matière…
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote sur l’amendement n° 176 rectifié.
M. Michel Le Scouarnec. En France, la retraite moyenne des femmes est de 899 euros, tandis que celle des hommes se monte à 1 550 euros environ. Ainsi, en prenant en compte les pensions de droit direct, sans les éventuels dispositifs familiaux, une retraitée sur trois vit sous le seuil de pauvreté.
Comme le souligne Christiane Marty, syndicaliste, militante altermondialiste et féministe, le système de retraites a été conçu voilà soixante-dix ans sur le modèle de l’homme soutien de famille, qui travaille à temps plein sans interruption de carrière : le calcul de la pension a été basé sur une norme de carrière entière. Ce modèle n’est donc pas adapté à celui des femmes ni, plus généralement, à l’évolution actuelle, qui voit se multiplier les périodes d’interruption du fait du chômage et de la précarité croissante de l’emploi.
Les femmes subissent la double peine. Alors qu’elles sont plus diplômées, elles occupent des postes moins qualifiés, donc moins bien rémunérés. Le salaire moyen des femmes, je le rappelle, représente moins de 75 % de celui des hommes.
Au fil des réformes, on a pu constater une amplification des inégalités entre les femmes et les hommes, notamment avec le recul de l’âge légal de départ en retraite ou avec l’allongement des cotisations.
C’est la raison pour laquelle notre amendement vise à faire mesurer ces évolutions dans un rapport, ainsi que le préconisait déjà la délégation aux droits des femmes du Sénat en 2010.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l’amendement n° 178 rectifié.
M. Dominique Watrin. Beaucoup de mes collègues l’ont souligné, la lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes est loin d’être gagnée, bien au contraire. En effet, seules 44 % des femmes valident une carrière complète, et un tiers d’entre elles touchent une pension inférieure à 600 euros.
Pourtant, établir une égalité salariale réelle entre les hommes et les femmes et lutter contre le temps partiel imposé rapporterait 52 milliards d’euros supplémentaires de cotisations. C’est plus qu’il n’en faut pour garantir les retraites, voire pour les améliorer !
Il importe donc de revenir sur les conséquences régressives des réformes engagées depuis vingt ans, auxquelles les femmes, on le voit, ont payé le plus lourd tribut. Il apparaît également indispensable de se pencher sur le passé pour mieux appréhender notre avenir et ne pas refaire des erreurs qui, je le répète, ont été catastrophiques pour les femmes.
En matière de retraite, les inégalités sont très importantes. On constate par exemple un écart de 39 % entre les pensions des femmes et celles des hommes. Ce chiffre est tiré d’un rapport de la Commission européenne publié en juillet, et portant sur les inégalités de pension entre les sexes. Ce même rapport attire l’attention sur le fait que tout allongement de la durée de cotisation a un effet disproportionné sur les femmes et entraîne une réduction de leur pension.
Pourtant, le Gouvernement a visiblement décidé d’ignorer une telle réalité. Il inscrit sa réforme dans la logique des précédentes en augmentant encore la durée.
Sur le plan européen, seuls cinq pays sur les vingt-neuf étudiés ont un écart supérieur à celui de la France. Nous avons, me semble-t-il, des leçons à tirer de cette étude, d’autant que l’évolution ne va pas dans le bon sens : cet écart a augmenté de 10 % entre 2005 et 2010, les effets des réformes passées continuant de se faire fortement sentir.
Améliorer la retraite des femmes est pourtant possible. Cela implique de cesser d’augmenter la durée de cotisation. Les quarante-trois années bientôt exigées seront en effet très difficiles à atteindre pour tout le monde, mais plus encore pour les femmes : les jeunes générations trouvent un emploi stable de plus en plus tard, les entreprises se débarrassent souvent de leurs salariés, et plus encore de leurs salariées à partir de la cinquantaine, la moitié des salariés se trouvent sans emploi au moment de liquider leur retraite. Tout allongement de la durée de cotisation aboutira ainsi à une baisse des pensions.
On nous répète à satiété que la hausse de l’espérance de vie impose que l’on travaille plus longtemps. Je tiens à le souligner : l’histoire dément cette affirmation. L’espérance de vie augmente depuis longtemps, et cela n’a pas empêché le temps passé au travail de régulièrement diminuer depuis le début du XXe siècle. Cette évolution, élément central du progrès, a été permise par le partage des richesses produites. C’est pourquoi la réforme Balladur, en allongeant la durée de cotisation, a initié une inversion de la courbe historique du progrès.
En plus de l’égalité des salaires, il faudrait également se préoccuper de celle des taux d’activité. Aujourd’hui, le taux d’activité des femmes est inférieur de dix points à celui des hommes : il est de 84,2 % pour les premières contre 94,8 % pour les seconds entre 25 ans et 49 ans. C’est un problème sur lequel il faudra se pencher car, sur ce point, la France ne se classe qu’au quatorzième rang européen.
De grandes marges de manœuvre existent pourtant. Pour donner un ordre de grandeur, si le taux d’activité des femmes avait été égal à celui des hommes en 2011, des cotisations supplémentaires, d’un montant de près de 9 milliards d’euros, seraient entrées dans les caisses. Cette somme aurait permis de combler une bonne part du déficit.
L’ampleur des gains potentiels à attendre de l’égalité entre les sexes suffit donc à justifier la présentation du rapport, à laquelle tend cet amendement. Je vous invite donc à le voter, mes chers collègues.
M. le président. L'amendement n° 184 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2015, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’impact différencié du projet de réforme des retraites sur les femmes et les hommes.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Voilà une énième réforme des retraites qui se fait encore sur le dos des femmes !
Les propositions visent à retarder le départ à la retraite et diminuent le montant des pensions, à l’instar de l’allongement de la durée de cotisation ou de la désindexation des pensions sur l’inflation. Ces orientations, dans la continuité des réformes menées ces vingt dernières années, ne feront que creuser les inégalités entre les femmes et les hommes.
Il faut le rappeler sans cesse, aujourd’hui, la pension moyenne des retraitées est de 930 euros mensuels en droits propres, contre 1 600 euros pour les hommes ; les femmes perçoivent en moyenne une pension inférieure de 42 % à celle des hommes. Deux retraités pauvres sur trois sont des femmes. Parmi les femmes parties à la retraite en 2011, 25 % ont attendu soixante-cinq ans ou plus pour éviter la décote, contre 15 % des hommes.
Cette situation est intolérable, car profondément injuste. Alors que les femmes sont en moyenne rémunérées 27 % de moins que les hommes, notre société ne se donne ni les moyens d’atteindre l’égalité professionnelle, ni ceux de combler les inégalités au moment de la retraite.
On tend à des améliorations, mais on en est encore très loin. Les réformes successives, en allongeant la durée de cotisation, en augmentant la décote et en relevant l’âge légal de départ ont encore dégradé la situation des femmes. Nous n’acceptions pas cet état de fait hier, raison pour laquelle nous nous étions mobilisés en 2010, portant ce sujet au cœur du débat public. Nous ne l’acceptons pas davantage aujourd’hui.
Le martèlement d’un discours conférant à l’allongement de la durée de cotisation un caractère prétendument inéluctable ne saurait nous faire rejoindre les rangs des fatalistes. En effet, nous ne pourrions pas nous résoudre à ce que les femmes subissent la double peine des carrières morcelées et d’une fin de vie précaire.
Nous savons qu’une autre réforme est possible : une réforme plus juste pour tous, en particulier pour les femmes.
Notre amendement vise donc à prévoir que le Gouvernement remette avant le 31 décembre 2015 au Parlement un rapport sur l’impact différencié du projet de réforme des retraites sur les femmes et les hommes. Une telle étude systématique des mesures passées ou prévues n’existe pas.