M. Jacques Chiron. Il s’agit d’une première étape, symbolique, contenue dans un texte volontairement court, mais d’une étape indispensable pour une démocratie comme la France, attachée à la liberté d’expression et de communication.
L’indépendance a été mise à mal par la réforme de 2009, qui a également fragilisé l’équilibre financier de l’audiovisuel public, en faisant reposer le financement de France Télévisions sur la dotation de l’État.
Une telle dépendance renforcée, associée à la nomination des présidents de l’audiovisuel par le Président de la République, est devenue une subordination, suscitant des soupçons de partialité pour chaque dirigeant nommé. Le texte corrige une telle régression démocratique et supprime enfin un mode de désignation directe par le fait du prince qui, ailleurs en Europe, n’existe qu’en Hongrie. (Approbations sur les travées du groupe socialiste.)
Je me réjouis que la réforme instaure des garanties nouvelles d’indépendance et concrétise un engagement fort du Président de la République et du Gouvernement. Les présidents de France Télévisions, de Radio France et de France Médias Monde seront dorénavant nommés par le CSA.
L’impartialité du CSA sera elle-même renforcée par une nouvelle procédure de nomination de ses membres. Cette procédure nouvelle, qui associe nécessairement l’opposition parlementaire, renforcera l’autorité du CSA, justifiant ainsi les nombreuses responsabilités nouvelles qui lui seront confiées par le présent projet de loi.
La procédure témoigne également de la confiance du Gouvernement à l’égard du Parlement dans sa capacité à être garant de l’indépendance et à dépasser les logiques partisanes, comme nous savons parfois le faire ici, au Sénat, avec des positions guidées par le seul intérêt général. C’est donc uniquement le critère de la compétence qui permettra aux parlementaires de s’entendre sur un nom.
Le projet de loi prend également en compte les enjeux économiques, en faisant précéder d’une étude d’impact toute nouvelle autorisation délivrée par le CSA et susceptible de modifier le marché de l’audiovisuel.
Alors que l’instabilité des recettes touche l’intégralité du secteur et que certaines décisions récentes ont encore accru la fragmentation du marché publicitaire, il était temps de donner au CSA de nouvelles prérogatives et de le responsabiliser sur les effets économiques de ses décisions.
Je me réjouis par ailleurs de l’adoption en commission au Sénat de nombreux amendements ayant permis de renforcer l’autonomie de l’institution et d’étendre encore son champ de compétences, notamment pour tenir compte des évolutions technologiques du secteur.
En outre, nous pouvons également nous féliciter de la présence dans le texte d’un autre élément essentiel de l’indépendance financière de l’audiovisuel public : le maintien de la publicité en journée sur France Télévisions. Cela confirme une position largement discutée et partagée parmi nous, et rendue plus que jamais inéluctable par la situation du marché publicitaire et le besoin de donner au groupe une plus grande responsabilité dans la gestion de ses ressources.
L’ambition de redonner de l’indépendance et des moyens à l’audiovisuel public devra être prolongée, comme cela a déjà été souligné, par un autre projet de loi dans le courant de l’année 2014, qui concernera l’ensemble du secteur. Le futur texte devra enfin apporter des réponses pérennes à la problématique du financement de l’audiovisuel public. Il s’agira également d’adapter le droit existant à un environnement nouveau, marqué par la révolution Internet, qui a bouleversé les comportements des consommateurs. Et il faudra définir un nouveau modèle de soutien à la création tenant compte de tous les supports, ce qui pourrait d’ailleurs permettre à l’audiovisuel public de récupérer des recettes nouvelles, à la hauteur de son investissement.
Le deuxième temps législatif devra confirmer l’ambition du Gouvernement de garantir la qualité du service public audiovisuel autour de ses missions d’information et de création. Car, à l’heure de la multiplication des chaînes et du développement de la télévision connectée, la différence peut se faire uniquement sur la qualité, celle qu’attendent les Français de la télévision publique.
À cet égard, je me permets une digression pour regretter, comme la majorité des habitants et associations de l’agglomération grenobloise, la vision, hélas ! caricaturale du quartier de la Villeneuve à Grenoble qui a été présentée la semaine dernière dans une émission télévisée. Le reportage dont je parle a suscité, à juste titre, des centaines de réactions d’habitants, d’acteurs associatifs et d’élus, légitimement indignés. La colère face à ce documentaire est encore fraîche ; permettez-moi de profiter de l’occasion pour relayer l’incompréhension collective devant un reportage qui, loin de jouer son rôle et de refléter la vie réelle dans ce quartier, a contribué à le stigmatiser de nouveau, alors qu’il est resté malheureusement marqué par ce que l’on appelle aujourd’hui le « discours de Grenoble » de 2010.
J’espère que l’émission Envoyé Spécial et France Télévisions réagiront à la demande des acteurs locaux et donneront une suite à ce reportage.
Madame la ministre, je ne doute pas de votre volonté de proposer en 2014 une loi la plus complète possible, dans le prolongement des Assises de l’audiovisuel, pour inventer la nouvelle télévision publique, au cœur de notre diversité culturelle, et garante du pluralisme de l’information.
Après le général de Gaulle, qui a créé l’ORTF en 1964, après François Mitterrand et ses lois de libération et d’émancipation de la communication audiovisuelle, l’histoire retiendra ce texte symbolique, porteur des valeurs de notre démocratie : l’indépendance, la transparence, la cohérence ! Voilà comment, à gauche, nous faisons vivre la liberté d’expression des médias au sein d’une démocratie moderne !
Responsabilité, impartialité, qualité ! Voilà en retour ce que nous attendons légitimement des instances de régulation, des dirigeants de l’audiovisuel public et de tous ceux qui sont chargés de faire de la télévision publique un modèle culturel reconnu auquel, nous le savons, les Français sont intimement attachés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Aurélie Filippetti, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous remercier collectivement de votre apport au débat et saluer le travail mené depuis de longues semaines sur le sujet par M. le rapporteur David Assouline.
Comme Jean-Pierre Plancade l’a souligné, le texte a été mû par une volonté d’apaisement et de modernisation de nos institutions. Nos objectifs sont un renforcement de l’indépendance, un élargissement de la démocratie et une plus grande association du Parlement au mode de désignation des membres du CSA.
Il s’agit d’une avancée majeure. Elle s’inscrit dans le cadre d’une rupture assumée et voulue avec le texte précédent, dont je remarque d’ailleurs que personne ici ne souhaite le rétablissement.
Vous avez également été nombreux à souligner la nécessité de poursuivre la modernisation en procédant à des évolutions et des adaptations sur des sujets techniques de régulation du secteur de l’audiovisuel. Ces questions seront abordées lors du deuxième temps législatif, dont je vous ai parlé.
Au cours de l’année écoulée, qui n’a pas été vaine, nous avons étudié, avec mes collègues Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin, la possibilité de rapprocher l’ARCEP et le CSA. Toutefois, au regard des spécificités du spectre hertzien – ce dernier est mis gratuitement à la disposition des chaînes de télévision, en échange d’obligations, alors que son utilisation est payante pour les opérateurs télécoms –, nous avons jugé qu’il n’était pas opportun d’opérer une telle fusion. Le travail entre les deux institutions sera toutefois plus simple et plus régulier dès lors qu’elles comprendront chacune sept membres.
Monsieur Gattolin, je suis évidemment extrêmement sensible à vos propos sur les missions du service public de l’audiovisuel. J’ai d’ailleurs veillé à ce que, dans l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens, et malgré la contrainte budgétaire pesant sur le service public, ces grandes missions soient préservées, en particulier le soutien à la création – 20 % pour la création audiovisuelle, 3,5 % pour le cinéma –, mais aussi les programmes destinés à la jeunesse, l’information de qualité, l’exposition des outre-mer ou encore l’accessibilité.
Vous avez aussi évoqué, de même que Claudine Lepage, la question de l’exposition de France 24 dans l’hexagone. Nous avons évidemment besoin de préserver la mission fondamentale de France 24, qui consiste à diffuser à l’extérieur de nos frontières. Toutefois, dans le souci de mieux faire connaître aux Français cette chaîne, qu’ils financent à travers la redevance, j’ai souhaité que France 24 puisse disposer d’heures d’exposition en métropole, en l’occurrence sur un canal précédemment attribué à France Ô en Île-de-France.
En ce qui concerne RFI et Monte Carlo Doualiya, chère Claudine Lepage, je souhaite encourager des expériences du type de celles qui ont été menées dans le Sud, particulièrement à Marseille. Elles seront examinées de manière pragmatique, au cas par cas, en tenant compte des équilibres économiques. Mais sachez que la promotion de la laïcité opérée par ces radios est très importante pour nous.
Monsieur Leleux, vous avez salué l’indépendance de la nouvelle procédure qui a été instaurée. Je vous remercie d’avoir noté le geste d’ouverture consistant à associer l’opposition au choix des futurs membres du CSA, pour renforcer son indépendance. Il est regrettable que vous n’ayez pas fait montre de la même objectivité en critiquant, de manière totalement inappropriée, de prétendues destitutions dans les établissements théâtraux nationaux.
Je n’ai procédé à aucune destitution d’un responsable d’établissement culturel avant le terme de son mandat, monsieur le sénateur. Mais peut-être les mauvais réflexes des années passées ressurgissent-ils encore de temps en temps…
J’ai prévenu, un an avant l’échéance de leur mandat, les personnes en question qu’elles ne seraient pas reconduites, de sorte qu’elles aient le temps d’organiser leur départ. Cela n’a rien à voir avec un limogeage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Et nous avons mis en place des procédures de sélection transparentes, auxquelles nous associons bien entendu les élus : les candidats sont auditionnés sur leur projet par des commissions, qui établissent ensuite un classement. Nous avons procédé ainsi dans toutes les grandes villes de France, de Lille à Bordeaux – chez Alain Juppé ! –, et, à chaque fois, cela s’est extrêmement bien passé. Je suis très fière d’avoir ainsi instauré des principes transparents, respectueux des personnes, pour le plus grand bénéfice de tous.
Cela permet aussi, chère Françoise Cartron, de renforcer la place des femmes à la tête des établissements culturels et audiovisuels. Les nouvelles procédures ont manifestement permis de lever certains blocages, puisque la proportion des femmes candidates à nos établissements culturels est passée de moins de 15 % à plus de 50 %. (Mmes Françoise Cartron, Claudine Lepage et Gisèle Printz applaudissent.)
Madame Morin-Desailly, tous les parlementaires ont été conviés aux Assises de l’audiovisuel.
Mme Aurélie Filippetti, ministre. Pour répondre à votre question, le Gouvernement a décidé que les arbitrages sur le calendrier d’ouverture à la téléphonie mobile de la bande 700 ne seraient pas rendus sans une concertation préalable avec les parlementaires.
Nous avons introduit dans le projet de loi la création d’une commission chargée de suivre la modernisation de la gestion du spectre hertzien dédié à l’audiovisuel, qui permettra aussi de passer de la HD à l’ultra HD.
Sans même attendre le vote de la loi, les parlementaires, dont vous faites partie, madame la sénatrice, sont invités dès jeudi à Matignon, où un groupe de travail relatif à la concertation sur la bande 700 sera réuni.
L’arbitrage sur le calendrier d’ouverture sera rendu à la fin du mois d’octobre, après la consultation. Nous veillerons à ce qu’il permette de mettre en place les nouvelles normes de compression et de diffusion et de faire passer l’ensemble des chaînes en HD dans les années à venir, tout en offrant l’espace hertzien nécessaire à la téléphonie mobile.
Vous avez également évoqué les deux euros de redevance supplémentaires que j’ai fait voter l’année dernière. Sachez qu’ils ont été intégralement reversés à France Télévisions.
Cela me permet de revenir sur la réforme de la redevance, que plusieurs d’entre vous ont évoquée.
La redevance est la source de financement qui garantit le mieux l’indépendance du service public, qui est aussi la plus moderne, la plus pérenne et la plus juste socialement, puisqu’elle comporte un certain nombre d’exonérations.
Elle doit toutefois être modernisée, et nous continuerons de travailler sur l’évolution de son assiette pour lui permettre de s’adapter aux évolutions technologiques.
Ces évolutions s’accomplissent de façon concertée, après des consultations. C’est la méthode du Gouvernement, et c’est aussi la mienne, celle que j’ai retenue pour cette réforme. Une telle démarche, qui est respectueuse des institutions, ne souffre pas l’improvisation. Elle laisse place au débat, en particulier avec les parlementaires.
Là encore, les critiques que vous avez émises à propos d’attaques que j’aurais proférées à l’encontre de programmes du service public ou de la télévision sont nulles et non avenues. Je n’ai jamais contesté tel ou tel programme ; j’ai simplement rappelé les grandes missions du service public de l’audiovisuel. Il revient au Gouvernement, notamment au ministre de la culture, de préciser la nature de ces grandes missions, en particulier au moment où l’on négocie un avenant à un contrat d’objectifs et de moyens.
Vous avez évoqué la nomination du président du CSA par le chef de l’État. Je vous rappelle que le Président de la République s’est départi de sa possibilité de nommer deux membres du CSA, se privant lui-même d’un pouvoir.
Vous feignez aujourd’hui d’ignorer l’aspect collégial des décisions du CSA. La voix du son président ne s’impose pas ; elle ne l’emporte pas sur la collégialité du CSA. La collégialité des décisions prises par le CSA constitue une garantie de l’indépendance de l’audiovisuel public.
MM. Jacques Chiron et Jacques-Bernard Magner. Très bien !
Mme Aurélie Filippetti, ministre. Monsieur Laurent, vous avez souligné, et je vous en remercie, l’importance de l’encadrement des nouvelles dispositions prévues dans le texte. Vous avez également salué le travail du rapporteur, qui a permis l’enrichissement des pouvoirs nouvellement confiés au CSA. Je suis également très sensible à ces aspects.
Par ailleurs, vous avez mentionné les nouveaux acteurs de l’Internet, comme Google, Apple, Facebook et Amazon, que l’on appelle les GAFA. Je partage votre avis : ces groupes doivent absolument participer au financement de la création. C’était l’un des objets de la mission confiée à M. Pierre Lescure. Nous allons désormais travailler pour que ces acteurs participent au financement de la création. Il y a aujourd’hui urgence dans ce domaine, s’agissant de la création tant audiovisuelle que cinématographique et du monde du livre. Tous les secteurs sont concernés.
Néanmoins, le présent texte porte principalement sur l’indépendance de l’audiovisuel public.
Votre question sur la concentration, qui est pertinente, sera évoquée de manière approfondie lors de l’examen du deuxième texte législatif sur l’audiovisuel. De même, les rapports entre diffuseurs et producteurs font l’objet d’une mission, confiée à Laurent Vallée, visant à renforcer les équilibres entre les investissements, mais aussi la circulation des œuvres. Les conclusions en seront rendues publiques à la fin du mois de novembre. Laissons donc cette mission aller à son terme, afin d’enrichir le texte de la deuxième loi sur l’audiovisuel.
En outre, l’ambition de l’audiovisuel public passe par la réalisation des grandes missions de service public auxquelles j’ai déjà fait allusion. C’est dans cet esprit que j’ai négocié un avenant au contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions.
Un tel contrat pour France Médias Monde sera prochainement conclu suite à la négociation que j’ai menée avec Marie-Christine Saragosse. Ce contrat d’objectifs et de moyens était attendu depuis plusieurs années. Alors qu’il n’avait pas pu être conclu sous la direction d’Alain de Pouzilhac, son aboutissement proche permettra de réaffirmer notre grande ambition pour le service public de l’audiovisuel. Il s’agit là de grandes et belles avancées.
Dans ce même esprit, la défense du service public de l’audiovisuel, vous serez fortement associés à la réflexion qui se poursuivra après ce texte, dans le cadre de la deuxième loi sur l’audiovisuel. Celle-ci portera sur la régulation de l’audiovisuel public à l’ère du numérique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…
La discussion générale commune est close.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. À l’issue des travaux de l’après-midi, la commission de la culture se réunira brièvement pour examiner plusieurs amendements du Gouvernement.
Par ailleurs, je sollicite quelques minutes de suspension de séance, monsieur le président.
M. le président. Nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission sur le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public.
Chapitre Ier
Dispositions modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication
Article 1er A
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le mot : « indépendante » est remplacé par les mots : « publique indépendante dotée de la personnalité morale ».
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A.
(L'article 1er A est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er A
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Après l'article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il veille à favoriser ou susciter toute solution de médiation entre éditeurs et producteurs de programmes à l’occasion des différends qui pourraient naître de leurs relations. »
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. J’ai déjà évoqué le contenu de cet amendement lors de la discussion générale.
Si la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est explicite quant au rôle du CSA dans le contrôle de l'établissement de relations non-discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services, elle est muette quant à son rôle dans la régulation des relations entre éditeurs de services de télévision et producteurs et distributeurs de programmes. Son article 1er inscrit la « nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle » au nombre des impératifs qui pouvant conduire à limiter l'exercice de la liberté de communication au public par voie électronique, et son article 3-1 impose au CSA de veiller « au développement de la production et de la création audiovisuelles nationales ».
À la suite de la proposition, formulée dans une étude réalisée en 2010 par le CSA, d'instaurer un médiateur de la circulation des œuvres sur le modèle du médiateur du cinéma, une mission de médiation à titre expérimental a été instituée en 2011 pour une durée de deux ans. Par ailleurs, dans l’excellent rapport qu’il a remis au nom de notre commission et qui a été publiée au mois de mai dernier, notre collègue Jean-Pierre Plancade affirme la légitimité d'un travail de médiation sous l'égide du CSA et suggère un renforcement de son rôle en la matière.
En tant qu'autorité indépendante garante de l'exercice de la liberté de communication audiovisuelle, le Conseil a acquis une connaissance minutieuse des problématiques de circulation des programmes à l'occasion de ses nombreuses études sur les relations entre producteurs de programmes et éditeurs de services et, plus généralement, entre producteurs et distributeurs de programmes et éditeurs de services de télévision. Cette connaissance est en réalité inhérente à l'étendue de la fonction de régulateur du CSA, qui, en vertu de la loi et des décrets, est chargé de la définition et du contrôle des obligations de contribution des groupes de télévision au développement de la production audiovisuelle.
C'est pourquoi le présent amendement vise à donner au CSA la mission de veiller à l'établissement de relations non-discriminatoires entre éditeurs et producteurs de programmes. À cette fin, il pourra « favoriser ou susciter toute solution de conciliation » à l'occasion des différends qui pourraient naître de leurs relations, et ce sans formalisme de saisine ni de procédure. Il pourra ainsi entamer un dialogue avec les parties en conflit. La rédaction proposée emprunte les termes de l'article L. 213-3 du code du cinéma et de l'image animée, qui définit la compétence du médiateur du cinéma.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. David Assouline, rapporteur. Cet amendement vise à donner un pouvoir général de médiation au CSA. Or la commission a souhaité, à l’article 2 ter du projet de loi, que le pouvoir de conciliation du Conseil soit limité aux seules situations où un problème est signalé par l’une des parties. Nous ne rendrions pas service au CSA, qui a déjà beaucoup de tâches à accomplir, en lui octroyant un tel pouvoir général.
Au demeurant, la commission a adopté ce matin un amendement tendant à élargir le champ des acteurs autorisés à saisir le CSA, afin de protéger les producteurs qui n’oseraient le faire eux-mêmes. Il pourra ainsi y avoir des saisies collectives, par exemple via un syndicat, pour éviter qu’un producteur ne se mette en difficulté, du fait de sa saisine, vis-à-vis des éditeurs, qui lui passent commande. Cet élargissement va en partie dans le sens que vous proposez. Toutefois, nous ne souhaitons pas que le Conseil puisse s’autosaisir de tout.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Aurélie Filippetti, ministre. Je suis défavorable à l’amendement de Catherine Morin-Desailly, dans la mesure où le dispositif envisagé par la commission, qui va dans le même sens, est plus large.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. Cet amendement ne contrarie pas le processus de saisine du médiateur, que nous évoquions tout à l'heure. Il vise seulement à offrir au CSA une possibilité de médiation entre éditeurs et producteurs. Par conséquent, nous le soutenons.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
(Non modifié)
L’article 4 de la même loi est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel comprend sept membres nommés par décret du Président de la République.
« Trois membres sont désignés par le Président de l’Assemblée nationale et trois membres par le Président du Sénat. Dans chaque assemblée parlementaire, ils sont désignés en raison de leurs compétences en matière économique, juridique ou technique ou de leur expérience professionnelle dans le domaine de la communication, après avis conforme de la commission permanente chargée des affaires culturelles statuant à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Les nominations au Conseil supérieur de l’audiovisuel concourent à une représentation paritaire des femmes et des hommes. » ;
2° Le cinquième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« À l’exception de son président, le Conseil supérieur de l’audiovisuel est renouvelé par tiers tous les deux ans.
« Les membres du conseil ne peuvent être nommés au-delà de l’âge de soixante-cinq ans. » ;
3° À la première phrase de l’avant–dernier alinéa, le mot : « six » est remplacé par le mot : « quatre ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mmes Morin-Desailly, Férat et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
« Un membre est désigné par le Président de la République, trois membres sont désignés par le Président de l'Assemblée nationale et trois membres par le Président du Sénat.
II. – Après l'alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« À l'issue de chaque renouvellement, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel est élu au sein du collège des conseillers. »
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement, que j’ai déjà largement évoqué lors de la discussion générale, concerne le mode de désignation du président du CSA, institution dont il s'agit de parachever le processus d'indépendance.
J’ai souligné tout à l'heure à quel point nous avions progressé, notamment en renforçant le pouvoir de contrôle des assemblées. Il faut maintenant aller au bout de la démarche. Nous proposons donc que le Président de la République désigne non pas le président du CSA, mais seulement l’un des membres, le président de l’instance étant élu au sein du collège des conseillers à l’issue de chaque renouvellement.
Certains ont affirmé ce matin que le dispositif serait peu opérationnel, la durée du mandat du président du CSA étant réduite à deux ans. Mais le mandat peut parfaitement être renouvelé et prolongé ! En tout état de cause, le président redeviendrait conseiller s’il n’était pas réélu ; ce sont l’ensemble des conseillers qui garantissent la pérennité du fonctionnement du CSA.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par MM. Leleux, Legendre, Bordier, Carle et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas et MM. Savin, Soilihi et Vendegou, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° La première phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée :
« Le président est désigné par les membres du Conseil, à la majorité de ses membres, pour la durée de ses fonctions de membre du conseil. »
La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.
M. Jean-Pierre Leleux. Cet amendement va dans le même sens que celui de Mme Morin-Desailly, à une différence près : nous proposons que le président du CSA soit désigné pour la durée de ses fonctions de membre du Conseil. La suspicion qui pesait sur les présidents nommés par le Président de la République a été largement évoquée. Nous pensons qu’il faut aller au bout de la logique et faire élire le président du CSA par les membres du Conseil.
Je le précise, je me rallierais à l’amendement de Catherine Morin-Desailly s’il était adopté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. David Assouline, rapporteur. L'amendement n° 4 rectifié pose selon moi un problème majeur s’agissant de l’impératif de continuité de l’action menée par le CSA. Le Conseil étant renouvelable par tiers tous les deux ans, son président pourrait, en vertu d’un tel dispositif, changer tous les deux ans, une durée insuffisante pour l’accomplissement des missions correspondantes.
Par ailleurs, il est très étonnant que l’amendement n° 38 soit proposé par un groupe ayant milité pour la nomination directe des présidents de l’audiovisuel public par le président de la République. Je n’ai pas non plus souvenir que Catherine Morin-Desailly se soit opposée au projet de loi instaurant un tel mode de nomination ; en tant que rapporteur, elle était même son principal soutien.
Je rappelle que la nomination des présidents de l’audiovisuel public sera fortement encadrée. Le président du CSA ne sera que l’un des sept membres. Comme l’a souligné Mme la ministre, le Président de la République ne nommera plus que ce seul membre, contre trois auparavant ; nous n’avons pas été habitués à une telle générosité envers la représentation parlementaire.
Par ailleurs, six membres du CSA, soit une écrasante majorité, seront nommés avec l’accord de l’opposition. Enfin, la nomination du président du CSA est elle-même soumise à l’avis des commissions parlementaires compétentes, qui peuvent opposer leur veto à la majorité des trois cinquièmes.
Le CSA nommera, certes, les présidents de l’audiovisuel public, mais le Conseil a aussi d’autres fonctions majeures, comme l’édiction de normes relevant du pouvoir réglementaire, c'est-à-dire de l’État. Il n’est donc pas choquant que son président soit désigné par l’exécutif. D’ailleurs, seul le collège, dont le président n’est qu’un membre, est habilité à prendre les décisions, et il est désigné selon des modalités garantissant son indépendance à l’égard de l’exécutif.
En tant que rapporteur, je ne veux pas entrer davantage dans la polémique, même si cela me démange…
M. Hervé Maurey. On le sent bien !
M. David Assouline, rapporteur. J’émets simplement une observation : vous déplorez aujourd'hui un prétendu manque d’indépendance du CSA alors que vous trouviez hier formidable que le Président de la République nomme directement les présidents de l’audiovisuel public. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Il eût été plus logique de votre part de déposer un amendement visant à maintenir l’ancien dispositif, que vous aviez soutenu et que le présent projet de loi prévoit d’abolir.
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Aurélie Filippetti, ministre. Je constate qu’il n’y a pas de volonté de revenir au système antérieur. C’est déjà une avancée.
Néanmoins, les propositions des auteurs de ces deux amendements ne correspondent pas à l’équilibre que nous avons trouvé entre le renforcement considérable du rôle du Parlement et le pouvoir, finalement très limité, du Président de la République de nommer le président du CSA.
Je rappelle que le président du CSA n’a aucun pouvoir particulier au sein du Conseil : toutes les décisions sont prises en collégialité. Sa seule fonction est d’organiser le travail. En outre, conformément à l’article 13 de la Constitution, sa désignation est soumise au contrôle des assemblées, qui peuvent s’y opposer à la majorité des trois cinquièmes.
La collégialité, le renforcement considérable du rôle du Parlement et les garanties prévues par l’article 13 de la Constitution permettront une évolution tout à fait satisfaisante du CSA.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote sur l’amendement n° 4 rectifié.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le rapporteur, soyez précis quand vous vous référez à des débats anciens. Contrairement à ce que vous insinuez, les centristes, l’Assemblée nationale comme au Sénat, n’ont jamais milité de manière enthousiaste pour une nomination directe par le Président de la République ; vous le savez très bien.
Je vous renvoie en outre aux travaux de la commission pour la nouvelle télévision publique, dite commission Copé, ainsi qu’à d’autres propositions émises par les sénateurs – nous y reviendrons dans quelques instants, lors de l’examen de mon amendement sur le sujet – sur la nomination des présidents de l’audiovisuel public.
Par ailleurs, chacun est amené à progresser dans la vie et, éventuellement, à changer d’avis.
M. David Assouline, rapporteur. C’est bien de l’avouer !