M. le président. La parole est à M. Michel Teston, auteur de la question n° 168, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Michel Teston. Les dispositions de l’article L. 112-1 du code de l’éducation font obligation à l’État d’assurer une formation scolaire aux enfants « présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant », et ce dans l’établissement scolaire le plus proche de leur domicile.

Cependant, faute de moyens suffisants, environ 6 000 enfants en situation de handicap ne bénéficient aujourd’hui que d’une scolarité partielle, parfois sans l’accompagnement individuel pourtant indispensable à leur développement. En outre, le nombre de demandes d’accompagnement d’élèves ne cesse d’augmenter. En Ardèche, la hausse est de 15 % en quatre ans.

Le Gouvernement a pris conscience de la gravité de la situation et décidé de créer, à la rentrée de 2012, 1 500 postes d’auxiliaires de vie scolaire pour l’aide individuelle chargés de suivre les élèves qui requièrent une attention soutenue et continue, ainsi que 2 300 postes d’auxiliaires de vie scolaire mutualisée, dont le rôle est d’accompagner de manière souple et ponctuelle les élèves dont les besoins sont moins importants.

De plus, l’accent a été mis sur la formation des auxiliaires de vie scolaire. Ainsi, à l’automne 2012, un groupe de travail a été instauré afin d’étudier les moyens de favoriser la réussite scolaire des enfants et adolescents en situation de handicap, mais aussi de reconnaître et de pérenniser la profession d’accompagnant de ces élèves.

Madame la ministre, je souhaiterais savoir quels moyens le Gouvernement compte mettre en œuvre afin de poursuivre les efforts en faveur de l’accueil des élèves en situation de handicap. Par ailleurs, le groupe de travail précité a-t-il remis son rapport ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Vincent Peillon, qui part aujourd’hui pour un déplacement officiel en Algérie.

Très attentif au sujet que vous évoquez, il m’a demandé prioritairement d’affirmer la conviction qui guide son action : tous les enfants peuvent réussir. La raison d’être de l’école de la République est de favoriser la promotion de tous et l’épanouissement de chacun, plus encore peut-être lorsqu’un handicap vient contrarier cet épanouissement.

M. Peillon souhaite aussi, monsieur le sénateur, saluer l’engagement de tous les personnels qui, au quotidien, avec un dévouement remarquable, œuvrent pour améliorer l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap.

Depuis la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, des avancées ont été enregistrées dans l’accueil des élèves en situation de handicap. Mais le Gouvernement mesure aussi combien le chemin est encore long pour que l’école soit véritablement inclusive.

Pour améliorer l’accompagnement de ces enfants, il nous faut du temps et des moyens.

Tout d’abord, concernant les moyens, il fallait agir vite, dans le cadre d’un plan d’urgence déployé dès la rentrée scolaire, afin de répondre aux difficultés les plus criantes. En effet, lors de son arrivée au ministère de l’éducation nationale, Vincent Peillon a constaté que le précédent gouvernement n’avait pas assuré le financement d’un nombre important de contrats aidés au second semestre de l’année 2012. Cette situation aurait conduit, dans de nombreux cas, à rendre impossible l’accompagnement d’élèves en situation de handicap dans les écoles et les établissements du second degré.

Aussi, pour assurer au plus vite un bon accueil de ces enfants dans nos écoles et redonner confiance à des familles souvent désabusées, le Gouvernement a mobilisé des moyens nouveaux : 1 500 auxiliaires de vie scolaire pour l’aide individuelle, dont la mission est de répondre aux besoins d’élèves qui requièrent une attention soutenue et continue, et 2 300 auxiliaires de vie scolaire pour l’aide mutualisée, dont le rôle est d’accompagner des élèves un peu plus autonomes. Cet effort sera poursuivi et même accru tout au long du quinquennat.

Il nous faut aussi du temps, pour améliorer la formation des personnels non enseignants et enseignants et pour mieux adapter l’école aux différentes formes de handicap.

La professionnalisation des personnels non enseignants reste un enjeu fondamental pour améliorer la prise en charge des enfants et des adolescents en situation de handicap. À cet effet, comme vous le savez, le 16 octobre dernier, Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée à la réussite éducative, et Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, ont mis en place un groupe de travail dont la vocation est de favoriser la réussite scolaire et de reconnaître et de pérenniser cette profession en définissant un référentiel de compétences et d’activités.

Les enseignants doivent eux-mêmes être mieux préparés à prendre en charge les situations de handicap. En ce sens, des modules de formation ont été proposés aux enseignants lors de la dernière rentrée scolaire. Au-delà, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, qui seront créées dès la rentrée de 2013, dispenseront des formations aux métiers de l’éducation qui devront inclure la problématique du handicap.

Il faut aussi mieux adapter l’école aux différentes formes de handicap, qui requièrent des prises en charge et des compétences distinctes. Là encore, ce travail demande du temps et un dialogue avec les parents, les enseignants eux-mêmes, les associations et tous les acteurs concernés par la problématique du handicap.

Vous le constatez, monsieur le sénateur, le Gouvernement fait de la prise en charge des élèves en situation de handicap un axe fort de sa politique. Le projet de loi de refondation de l’école de la République que votre assemblée examinera la semaine prochaine en deuxième lecture mentionne désormais parmi les principes mêmes de l’éducation que l’école « veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants ». Au-delà du symbole, il s’agit là, monsieur le sénateur, de l’affirmation par le ministre de l’éducation nationale et le Gouvernement de notre ferme résolution à avancer significativement sur ce sujet majeur.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse, qui confirme que le Gouvernement est convaincu de la nécessité de mieux accompagner les élèves en situation de handicap.

J’ai bien noté que les efforts financiers consentis à la rentrée scolaire de 2012 seront non seulement poursuivis, mais accrus.

Je souhaite que le rapport commandé au groupe de travail sur la question importante de la formation des personnels accompagnants soit remis au Gouvernement le plus rapidement possible, afin que nous puissions avancer sur ce sujet majeur, qui relève de la solidarité nationale.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

6

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Chine

M. le président. Mes chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de députés de la XIIe Assemblée nationale populaire de la République populaire de Chine, conduite par M. Chi Wanshun, membre du comité permanent de l’Assemblée nationale populaire, vice-président de la commission des affaires étrangères et président du groupe d’amitié Chine-France. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le ministre de l’intérieur se lèvent.)

Notre groupe d’amitié France-Chine, animé par notre collègue Jean Besson, reçoit cette délégation aujourd’hui et demain au Sénat.

La délégation est en France depuis lundi. Cette visite se déroule à Paris et dans le sud-est de la France, autour des thèmes de la coopération entre les PME et l’urbanisation. Elle s’achèvera vendredi prochain.

Chers collègues chinois, nous vous souhaitons la plus cordiale bienvenue au Sénat français. (Applaudissements.)

7

Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des sénateurs
Articles additionnels avant l’article 1er

Élection des sénateurs

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’élection des sénateurs (projet n° 377, résultat des travaux de la commission n° 539, rapport n° 538, rapport d’information n° 533).

Les motions de procédure ayant été repoussées lors de la précédente séance, nous passons à la discussion des articles.

La commission n’ayant pas adopté de texte, la discussion portera sur le projet de loi initial.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des sénateurs
Article 1er (début)

Articles additionnels avant l’article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article L. 280 du code électoral est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« La composition du collège électoral appelé à élire les sénateurs assure, dans chaque département, la représentation des différentes catégories de collectivités territoriales et de la diversité des communes, en tenant compte de la population qui y réside.

« Ce collège électoral est composé : »

Cet amendement n’est pas soutenu.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. J’en reprends le texte, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 61, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 8 rectifié bis.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En l’absence des signataires de l’amendement n° 8 rectifié bis, que nous n’avions pas prévue, je supplée temporairement notre rapporteur pour dire que la commission avait émis un avis favorable sur ledit amendement. Voilà pourquoi elle en reprend le texte.

M. le président. L'amendement n° 57 rectifié, présenté par MM. de Montgolfier, Billard et Cornu, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article L. 280 du code électoral est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« La composition du collège électoral appelé à élire les sénatrices et les sénateurs reflète la population et les territoires qui composent le département.

« Ce collège électoral est composé : »

La parole est à M. Albéric de Montgolfier.

M. Albéric de Montgolfier. Pourquoi la France a-t-elle une chambre haute ? Devant nos collègues chinois présents en tribune, je rappelle que la mission première du Sénat est de représenter les collectivités, conformément à l’article 24 de la Constitution. Le présent amendement tend donc à tenir compte de cette spécificité, en rappelant la composition du collège électoral qui sera appelé à élire les sénatrices et les sénateurs. Cette composition doit bien sûr refléter la population, mais, au-delà de ce critère numérique, elle doit également représenter les collectivités.

Mes chers collègues, je vous invite à adopter cet amendement, qui vise à procéder à un rappel tout à fait nécessaire. En effet, on a parfois trop tendance à prendre en compte la seule représentation démographique, alors que le Sénat a avant tout vocation à représenter l’ensemble des collectivités et donc des territoires. Je suis certain que vous serez sensibles à cet argument.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 57 rectifié ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cet amendement est très proche de celui qu’avait déposé M. Mézard et ses collègues. Toutefois, les termes « tenant compte », qui figurent dans l’amendement repris par la commission, sans impliquer de mécanisme particulier, rappellent un critère que le Conseil constitutionnel nous reprocherait beaucoup de ne pas considérer. Je demande donc à M. de Montgolfier de bien vouloir rectifier son amendement afin de rendre les deux dispositifs identiques.

M. le président. Monsieur de Montgolfier, acceptez-vous de modifier votre amendement dans le sens suggéré par la commission ?

M. Albéric de Montgolfier. L’esprit de l’amendement que j’ai présenté étant identique à celui déposé par M. Mézard, je me rallie à la proposition de la commission.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 57 rectifié bis, présenté par MM. de Montgolfier, Billard et Cornu, et ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article L. 280 du code électoral est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« La composition du collège électoral appelé à élire les sénateurs assure, dans chaque département, la représentation des différentes catégories de collectivités territoriales et de la diversité des communes, en tenant compte de la population qui y réside.

« Ce collège électoral est composé : »

Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Le consensus qui réunit à la fois MM. de Montgolfier, Mézard et Sueur ne peut qu’inciter le Gouvernement à s’incliner devant tant de sagesse. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.

M. Gérard Cornu. En tant que cosignataire de l’amendement présenté par M. de Montgolfier, je tiens à dire que notre collègue a eu raison de se rallier à la proposition de la commission. Ce geste illustre le consensus qui règne au Sénat lorsqu’il s’agit de défendre les territoires. C’est un préambule important avant d’examiner les dispositions du projet de loi.

Bien souvent, on ne prend en compte que le critère de la population. Or c’est une erreur. C’est l’Assemblée nationale qui a vocation à représenter la population. Le Sénat, lui, représente les territoires !

Je le répète, ces dispositions consensuelles sont un bon début. Elles permettent à chacun d’affirmer que la représentation des territoires au sein de la Haute Assemblée doit primer sur celle de la population.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Espérons que le consensus perdure !

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.

M. Christian Favier. À mon sens, on ne peut pas opposer représentation des territoires et représentation de la population. Or l’adoption de ces amendements risquerait de figer la situation face aux évolutions démographiques à venir au sein de nos territoires, et dont il faut également tenir compte. Certes, le Sénat représente les collectivités, mais il représente également la population qui compose ces collectivités.

En conséquence, les membres du groupe CRC s’abstiendront.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Afficher la représentation des territoires est une chose, mais il faut surtout passer à l’acte !

Nous sommes actuellement en discussion avec les préfets en ce qui concerne le découpage dans le cadre de la nouvelle loi qui instaure le binôme. Or les territoires pourront être mis à mal si la population est le seul critère déterminant pour la formation des futurs grands cantons.

Monsieur le ministre, si vous avez la volonté de reconnaître que le Sénat représente les collectivités territoriales, vous aurez également la volonté d’assurer, avec votre cabinet, un découpage équitable de la nouvelle carte cantonale, qui doit véritablement représenter les territoires. Je fais appel à votre compréhension, d’autant que la carte de l’intercommunalité vient d’être déclinée, parfois de façon douloureuse, dans l’ensemble de nos départements. Respectons la cohésion sociale et territoriale que traduisent nos intercommunalités et faisons en sorte que chacun puisse se retrouver dans les futurs conseils départementaux.

Le Sénat mérite cette reconnaissance largement réclamée de véritable défenseur de ces territoires.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. L’amendement n° 8 rectifié bis et l’amendement n° 57 rectifié visent le même objectif, mais je préfère la rédaction proposée par M. Mézard. En effet, l’amendement de M. de Montgolfier indique que « la composition du collège électoral appelé à élire les sénatrices et sénateurs reflète la population et les territoires qui composent le département ». Or, mes chers collègues, je vous rappelle que les sénateurs des Français établis hors de France ont, par définition, une circonscription hors du territoire national.

A contrario, l’amendement de M. Mézard indique bien que la composition du collège électoral est assurée « dans chaque département ». Il reflète donc beaucoup mieux la réalité. Voilà pourquoi je voterai cet amendement ; j’espère que M. de Montgolfier me le pardonnera.

M. Albéric de Montgolfier. J’ai rectifié mon amendement !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 61 et 57 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 27, présenté par M. Gorce, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er :

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1° de l’article L. 280 du code électoral est abrogé.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Il est défendu.

M. le président. L'amendement n° 40 rectifié, présenté par MM. Cornu, de Montgolfier et Billard, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé,

Le 1° de l'article L. 280 du code électoral est complété par les mots : « et des sénateurs ».

La parole est à M. Gérard Cornu.

M. Gérard Cornu. La discussion commune de ces deux amendements me gêne.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il s’agit bien de deux questions différentes !

M. Gérard Cornu. En effet, si l’amendement n° 27 était adopté, le mien tomberait. Or les deux dispositifs ne sont pas de même nature : l’amendement de M. Gorce tend à rayer les députés de la liste des grands électeurs. Le mien, qui vise également le code électoral, a pour objet d’assurer la présence des sénateurs au sein du collège électoral.

Mes chers collègues, si les sénateurs ne pouvaient pas voter aux élections sénatoriales, ce serait tout de même un comble ! N’oublions pas qu’on nous prépare actuellement un texte de loi visant à interdire le cumul des mandats. Jusqu’à présent, les sénateurs pouvaient souvent prendre part à ce scrutin parce qu’ils avaient un mandat local. À l’avenir, s’il n’est plus possible de cumuler un mandat local et un mandat national, on aboutira à cette contradiction tout à fait surréaliste : le sénateur sortant ne pourra pas voter aux élections sénatoriales !

Les mieux à même de se déterminer pour choisir les sénateurs restent les sénateurs eux-mêmes. C’est une question de bon sens !

M. Christian Cambon. C’est clair !

Mme Nathalie Goulet. Absolument !

M. Gérard Cornu. Si l’amendement de M. Gorce devait être adopté, il faudrait rectifier le mien en supprimant la référence au 1° de l’article 280 du code électoral pour qu’il puisse être mis aux voix.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 27, qui a été défendu par M. Gorce avec une grande économie de moyens, pour une raison historique : les députés participent à l’élection des sénateurs depuis 1875. Nos relations avec l’Assemblée nationale sont bonnes et nous souhaitons qu’elles le demeurent. (Sourires.) Par conséquent, nous n’avons pas cru utile de supprimer les députés du collège électoral des sénateurs.

Il est un second argument que je souhaite invoquer. Certains ont une conception un peu restrictive de l’article 24 de la Constitution, au terme duquel le Sénat représente les collectivités territoriales de la République : ils voudraient que les prérogatives de la seconde chambre se limitent aux textes relatifs aux collectivités territoriales, comme dans certains pays que chacun connaît. Or le bicamérisme tel que nous le concevons a vocation à donner aux deux chambres la possibilité de se prononcer sur tous les sujets qui relèvent du domaine de la loi. Le fait que les députés fassent partie du collège électoral des sénateurs n’est donc nullement choquant.

Je dois dire que l’amendement n° 40 rectifié de M. Cornu a donné lieu à un grand débat au sein de commission. Celle-ci a finalement émis un avis favorable au motif que, au moment de l’élection sénatoriale, les sénateurs exercent encore leur fonction. Dès lors qu’à l’instant du vote ils sont encore sénateurs, il nous est apparu qu’il y avait une certaine logique à ce qu’ils puissent voter, comme le font les députés et les autres grands électeurs.

M. Pierre-Yves Collombat. C’est un raisonnement sophistiqué !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission. Monsieur Collombat, vous le savez, nous avons de grands débats au sein de la commission des lois.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Concernant l’amendement n° 27, présenté par M. Gorce, qui fut député et qui est désormais sénateur – je ne sais pas qui il cherche à punir (Sourires.) –, pour les raisons évoquées il y a un instant par la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable. Il ne nous semble pas nécessaire de revenir sur le principe historiquement ancré selon lequel les députés participent à l’élection des sénateurs.

Au sujet de l’amendement n° 40 rectifié, je veux répondre à M. Cornu que, si, comme je le souhaite, le projet de loi limitant le cumul des mandats est adopté, les sénateurs, comme les députés, pourront garder un mandat local, ce qui leur permettra de participer à l’élection sénatoriale. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) C’est pourquoi le Gouvernement émet également un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Michel. Le groupe socialiste, dans sa grande majorité, suivra l’avis de la commission et votera contre l’amendement n° 27 et pour l’amendement n° 40 rectifié.

Je voudrais tout de même préciser que je ne connais pas d’exemple où un élu ne peut pas participer à sa propre réélection, que ce soit aux municipales, aux cantonales ou aux législatives. Pourquoi les sénatoriales constitueraient-elles une exception ?

Je milite pour le mandat unique, je n’évoque donc pas les possibilités offertes par l’exercice d’un autre mandat. Monsieur le ministre, vous voulez éradiquer le cumul des mandats, n’en parlez donc pas non plus.

M. Jean-Pierre Michel. Lorsque nous avons un mandat de sénateur, nous représentons un territoire, notre département, nous devrions donc pouvoir voter tout à fait normalement.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je suis de ceux qui pensent qu’il ne faut toucher au mode de scrutin que d’une main tremblante.

Pour ma part, je préférerais en rester au statu quo. C’est pourquoi je ne voterai ni l’un ni l’autre des amendements.

M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.

M. Albéric de Montgolfier. Les arguments qui ont été développés sont très éclairants. Nous le savons tous, l’élection sénatoriale est très particulière : l’accès au bureau de vote est non pas public mais réservé aux électeurs. Nous nous trouverions donc dans une situation très paradoxale où un sénateur qui n’aurait pas d’autre mandat en application de l’interdiction du cumul des mandats que prônent certains serait privé de la qualité de votant et ne pourrait même pas pénétrer dans le bureau de vote !

Cette situation serait totalement aberrante. Je le répète, il s’agirait de la seule élection où le candidat ne pourrait pas lui-même voter en raison de l’interdiction ou de la limitation du cumul des mandats, qu’à titre personnel je ne souhaite pas. Quel paradoxe !

M. Alain Chatillon. Ce serait ubuesque !

M. Albéric de Montgolfier. L’amendement que j’ai cosigné avec Gérard Cornu vise à réparer cette anomalie, et j’espère qu’il rencontrera un large consensus.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je suis désolée de mettre fin aux illusions de notre collègue Jean-Pierre Michel, mais je suis candidate aux élections sénatoriale dans un département où je n’exerce aucun autre mandat. Je ne peux donc pas assister au scrutin ni pénétrer dans le bureau de vote. Je dois me contenter de rester à l’entrée.

M. Jean-Jacques Hyest. Cela ne vous a pas empêché d’être élue ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Et bien élue, d’ailleurs !

En outre, je ne peux pas voter. Il est donc en effet paradoxal que les autres candidats, qui eux exercent d’autres mandats, puissent voter aux élections sénatoriales.

M. Jean-Pierre Michel. Nous sommes donc d’accord !

Mme Nathalie Goulet. Je voterai donc des deux mains l'amendement n° 40 rectifié. Je serai ainsi assurée d’obtenir au moins une voix la fois prochaine… (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Je voterai contre l’amendement de M. Gorce, qui vise à retirer aux députés la qualité de grands électeurs.

Cela étant, je suis un peu étonné par les arguments du ministre et du président de la commission des lois : ils ont en effet évoqué une raison historique. C’est bien la première fois que j’entends dire que l’histoire doit guider le droit ! Si tel est le cas, pourquoi ne revenons-nous pas à la belle époque où chaque commune avait un grand électeur ? Vous qui voulez prendre de plus en plus en considération le poids de la population, au mépris du poids des collectivités et du rôle des territoires,…