M. Hervé Maurey. … je suis donc surpris, je le répète, qu’en l’espèce vous invoquiez un précédent historique, qui devrait, au contraire, nous ramener à une époque où chaque collectivité avait un grand électeur.
Je voterai moi aussi l’amendement de Gérard Cornu, parce qu’il semble tout à fait anormal qu’un sénateur ne puisse pas participer à une élection à laquelle il est candidat. Sur ce sujet également, votre argument ne m’a pas convaincu, monsieur le ministre. Vous nous dites que, selon le projet de loi concernant le cumul des mandats, il restera possible d’être conseiller municipal et donc grand électeur. Je me permets de vous rappeler que tous les conseillers municipaux ne sont pas grands électeurs.
M. Christian Cambon. Bien sûr !
M. Hervé Maurey. Ils le sont dans une grande commune comme Évry, mais elle n’est pas représentative des 36 600 communes de France, dont les deux tiers ont moins de 500 habitants. Votre argument ne me paraît donc pas pertinent.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Comme le président de la commission, je considère qu’il est bon que les députés participent aux élections sénatoriales.
Je ne retire rien à ce que j’ai dit en présentant mon amendement, d’autant qu’un consensus semble se dégager. Décidément, nous démarrons bien ! Je voudrais simplement vous rappeler, monsieur le ministre, vous qui avez été maire d’une grande ville, qu’il existe encore des communes rurales.
M. Gérard Cornu. Votre réponse avait sans doute été préparée par vos collaborateurs, et mon sentiment est que vous allez vous rallier aux explications que nous venons d’entendre. Comme nous venons de vous le dire, il existe des communes rurales dans lesquelles tous les conseillers municipaux ne sont pas forcément grands électeurs !
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je voudrais rebondir d’un mot sur ce que nous a dit notre collègue Maurey concernant la pertinence de la référence historique au droit de vote des députés pour l’élection des sénateurs. Il a raison dans le principe, une tradition peut être changée. Je voudrais toutefois prolonger les propos du président Sueur.
Il se trouve que durant l’Assemblée nationale de 1871, dans laquelle régnait une grande incertitude constitutionnelle puisque la majorité, qui certes s’effritait, était royaliste, l’existence d’un Sénat était une revendication des royalistes à laquelle les républicains étaient opposés. La tradition de l’époque évoquant en effet un Sénat conservateur.
Au moment d’atteindre le compromis, qui a conduit à l’amendement Wallon, les républicains se sont rendu compte qu’en donnant au Sénat une base électorale démocratique, ils pouvaient en faire un garant de la République. Gambetta a ainsi prononcé un grand discours dans lequel il expliquait son revirement et affirmait que la présence des députés dans le collège sénatorial constituait à ses yeux une garantie de son caractère démocratique. Cette considération de principe est, me semble-t-il, toujours valable.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre. À l’époque où le cumul était valorisé, le maire d’Évry que je fus était également député d’une circonscription dans laquelle il y avait des communes rurales. Je vous demande donc avec beaucoup d’amitié de ne pas me donner de leçons sur la ruralité !
M. Gérard Cornu. On verra après !
M. Manuel Valls, ministre. Je rappelle que vous avez voté contre le mode de scrutin des conseillers départementaux en faisant valoir des arguments juridiques et constitutionnels que le Conseil constitutionnel a contredits quand il a validé le texte.
Cependant, compte tenu des arguments développés avec beaucoup de talent, non pas par vous, mais par Mme Goulet, concernant l’existence d’une inégalité au regard du vote entre le candidat sortant et celui ou celle qui est candidat sans mandat, le Gouvernement décide de s’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. André Reichardt. C’est du favoritisme ! (Sourires.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
L'amendement n° 62, présenté par M. Sueur, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er
Ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase de l'article L. 281 du code électoral, après le mot : « députés, », sont insérés les mots : « les sénateurs, ».
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cet amendement purement rédactionnel fait suite à l’adoption de l’amendement n° 40 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
Je constate par ailleurs que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Mézard, Baylet, C. Bourquin, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code électoral est ainsi modifié :
1° Les deux dernières phrases de l’article L. 281 sont supprimées ;
2° Après l’article L. 281, il est inséré un article L. 281-… ainsi rédigé :
« Art. L. 281-… – En cas d’empêchement majeur, les membres du collège électoral sénatorial peuvent exercer, sur leur demande écrite, leur droit de vote par procuration. Le mandataire doit être membre du collège électoral et ne peut disposer de plus d’une procuration. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Nous proposons d’étendre le vote par procuration aux délégués des conseils municipaux, selon les mêmes conditions que celles qui sont aujourd’hui appliquées aux conseillers généraux et régionaux ainsi qu’aux députés.
Cet amendement tend à permettre aux délégués des conseils municipaux d’établir, en cas d’empêchement majeur, une procuration au profit d’un autre membre du collège électoral.
Je le rappelle, les dispositions actuellement en vigueur ont conduit à certaines confusions, lesquelles ont amené le Conseil constitutionnel à annuler le scrutin sénatorial en Lozère en 2011 et en Haute-Saône en 2002.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement de M. Bertrand défendu avec ardeur par M. Requier. La disposition proposée lui a paru opportune pour des raisons pratiques et de simplification.
Toutefois, la commission souhaite insister sur le fait que l’amendement limite les procurations aux cas d’empêchement « majeur ». Le préfet devra s’assurer qu’il s’agit bien de cela, et non d’une simple raison de confort.
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. L’adoption de cet amendement devrait logiquement entraîner la suppression des suppléants, ce que vous proposez d’ailleurs, monsieur le sénateur – cela ne m'a pas échappé ! –, dans un autre de vos amendements. Or la mise en place d’un système de suppléance pour les délégués municipaux répond à des spécificités propres. Si seul était possible le vote par procuration, un certain nombre de difficultés se feraient jour.
Ainsi, un délégué municipal décédé ou privé de ses droits civiques et civils ne pourrait être remplacé. La commune perdrait alors automatiquement une voix à l'élection sénatoriale. La même difficulté surviendrait en cas de démission du délégué municipal de sa fonction de conseiller municipal dans une commune de plus de 9 000 habitants et en cas d'annulation de l'élection d'un délégué, son remplacement étant pourvu par le suppléant.
Pour ces raisons, le Gouvernement estime qu'il convient de maintenir la suppléance. Si tel est le cas, l'extension du vote par procuration aux délégués municipaux n'apparaît alors plus justifiée.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.
M. Albéric de Montgolfier. Je ne voterai pas cet amendement pour deux raisons.
D'une part, cela n'a pas été rappelé, le vote aux élections sénatoriales fait partie des rares votes obligatoires. Si un délégué ne vient pas voter, il est normalement sanctionné par une amende, dont je ne sais d’ailleurs si elle est effectivement appliquée et recouvrée.
D'autre part, le caractère obligatoire de ce vote se traduit en pratique par un taux de participation extrêmement élevé des grands électeurs, supérieur dans beaucoup de départements à 99 %, un pourcentage qui fait rêver bon nombre de démocraties !
Aussi, je ne vois pas l'intérêt de prévoir ce type de procuration, d'autant plus que cela soulève le problème du maintien des suppléants très justement évoqué par M. le ministre.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est limité aux cas d'empêchement majeur !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Les élections sénatoriales sont les seules où le vote est obligatoire. Le fait de ne pas voter est théoriquement sanctionné, même si la sanction n'est pas toujours appliquée.
Être désigné une fois tous les six ans délégué sénatorial par un conseil municipal – il est vrai que, dans les grandes communes, les conseillers municipaux le sont automatiquement – représente un engagement. En cas de problème, le suppléant est là !
Franchement, si vous permettez le vote par procuration, vous verrez qu’après quelques élections il n’y aura plus que la moitié des délégués sénatoriaux qui iront voter.
M. Christian Cambon. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest. La procuration serait réservée aux cas d'empêchement majeur dites-vous, mais on sait très bien ce que cela signifie ! Rappelez-vous qu’on cherchait des motifs d’empêchement pour certaines élections… Et puis, il n’a plus été nécessaire d’en trouver. Est-ce qu'avoir pris un billet d'avion pour partir en vacances constitue un empêchement majeur ?
Le vote aux élections sénatoriales est solennel : les délégués viennent voter à la préfecture. Je regretterais qu’il soit banalisé. Aussi, je ne voterai pas cet amendement, d’autant que M. le ministre nous a apporté d’excellents arguments en ce sens.
M. Christian Cambon. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Je ne voterai pas non plus cet amendement, qui tend à banaliser le vote. Or l'élection des sénateurs est un moment important, qui intervient tous les six ans. Par ailleurs, comme l'a souligné Albéric de Montgolfier, le vote est obligatoire.
Ce qui me fait peur, ce sont les explications apportées par le président de la commission des lois sur les justifications qui devront être fournies. Nous n’avons pas intérêt à ajouter des conditions, sinon nous aurons sans cesse des contestations.
Il serait vraiment plus simple d’en rester au système actuel, d'autant que le nombre d'électeurs est élevé. Nous pourrions nous poser la question d’un éventuel changement si le taux de participation n’était que 60 %, mais il est souvent de 99 %. Il serait donc plus sage de s’en tenir au statu quo.
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour explication de vote.
M. François Rebsamen. Les arguments qui viennent d’être avancés par nos collègues me semblent tout à fait justes. Le vote obligatoire est une spécificité de l'élection des sénateurs. Même si je comprends l’argument du président de la commission des lois, qui insistait sur le fait que la procuration serait réservée aux cas de force majeure, il ne me satisfait pas.
Je me range donc volontiers aux arguments de notre collègue Jean-Jacques Hyest. Instaurer un système de procuration ne ferait que complexifier une élection qui fonctionne bien et conduirait à des contestations.
Mon groupe votera donc contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. Voter à l'élection sénatoriale est une démarche très personnelle. Le choix se fait vraiment intuitu personae, plus encore que dans d'autres élections. J'irai même jusqu'à dire que le fait de participer à la journée d'élection peut éclairer le grand électeur, contribuer à son information. Vous voyez ce que je veux dire, mes chers collègues ! Les intentions de vote peuvent évoluer durant cette journée.
La participation physique du grand électeur à cette élection doit être encouragée ; a contrario, tout ce qui faciliterait son absence physique doit être écarté, sauf dans des cas extrêmes.
Je ne voterai donc pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je comprends les raisons qui ont amené M. Bertrand à rédiger cet amendement. Vous connaissez tous les événements qui se sont produits ; la présence de plusieurs suppléants pose problème, car la mécanique est tout de même relativement compliquée et peut soulever des difficultés, qui aboutissent devant le Conseil constitutionnel. Les élections de 2011 en ont fourni l'exemple.
Pour autant, je suis tout à fait sensible aux arguments de nos excellents collègues et de M. le ministre. C’est pourquoi, au nom de notre groupe, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 26, présenté par M. Gorce, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un nouvel article ainsi rédigé :
Le 4° de l’article L. 280 du code électoral est ainsi rédigé :
4° Des délégués sénatoriaux élus en même temps que les conseillers municipaux dans les conditions fixées à l'article L. 284. »
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Mon amendement précédent, qui était relatif aux députés, était une sorte d’amendement d'appel au regard de la réflexion que nous devons engager sur le mode de scrutin de notre assemblée.
Étant un membre relativement récent du Sénat, comme M. le ministre a eu la gentillesse de le rappeler, je ne peux m'empêcher d'être surpris que la représentativité de notre haute et belle assemblée soit construite sur une base aussi étroite.
Si l’on doit défendre le Sénat – et on a raison de le faire, car il montre tous les jours par la qualité de son travail l’importance de sa participation à l'élaboration de la loi –, on doit s'interroger sur son mode de scrutin archaïque. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cambon. En quoi ?
M. Gaëtan Gorce. Je vois que vous défendez les archaïsmes, mes chers collègues. Je n’en suis pas surpris.
Le mode de scrutin est archaïque…
M. Christian Cambon. Expliquez-vous !
M. Gaëtan Gorce. … parce qu'il repose sur une base trop étroite et que nos concitoyens n’y sont pas suffisamment associés.
On ne peut pas à la fois considérer que le mode de scrutin doit être élargi aux députés pour que le Sénat ne soit pas considéré comme étant seulement élu par les représentants des collectivités et refuser l’élargissement à d'autres catégories de population, comme je le propose au travers de mes amendements.
Je propose simplement que les délégués sénatoriaux soient désignés tous les six ans sur une base démographique plus large à l'occasion des élections municipales, en même temps que les délégués aux communautés de communes et que les conseillers municipaux.
M. Christian Cambon. Ben voyons !
M. Gaëtan Gorce. Ce système permettrait d'assurer une véritable transparence à un scrutin dont on ne connaît l'issue que le lendemain et dont les citoyens ignorent l’existence le dimanche même où il se tient, alors qu'il s'agit tout de même de l’élection de la deuxième chambre du Parlement.
Je trouve cela déplorable, et je le dis ! Si cela déplaît à certains, peu importe : mon amendement est là, il sera certainement repoussé, mais il me permet au moins d'exprimer mon point de vue.
M. Christian Cambon. Il fallait rester à l’Assemblée nationale !
M. Gérard César. Exactement !
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Mézard, Baylet, C. Bourquin, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code électoral est ainsi modifié :
1° Au 4° de l’article L. 280, les mots : « ou des suppléants de ces délégués » sont supprimés ;
2° À la fin de la première phrase de l’article L. 283, les mots : « et leurs suppléants » sont supprimés ;
3° L’article L. 286 est abrogé ;
4° L’article L. 288 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « et celle des suppléants se déroulent séparément » sont remplacés par les mots : « se déroule » ;
b) À la troisième phrase du premier alinéa, les mots : « ou suppléant » sont supprimés ;
c) À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « et les suppléants » sont supprimés ;
d) Le dernier alinéa est supprimé ;
5° L’article L. 289 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « et des suppléants a lieu sur la même » sont remplacés par les mots : « a lieu au scrutin de » ;
b) À la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « et de suppléants » sont supprimés ;
c) Au deuxième alinéa, les mots : « et de suppléants » sont supprimés ;
d) Le troisième alinéa est supprimé ;
e) Au quatrième alinéa, le mot : « suppléant » est remplacé par le mot : « suivant » ;
f) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « et les suppléants » sont supprimés ;
6° À l’article L. 290, les mots : « et suppléants » sont supprimés ;
7° À l’article L. 291, les mots : « et des suppléants » sont supprimés ;
8° Au second alinéa de l’article L. 292, les mots : « et suppléants » sont supprimés ;
9° À la première phrase de l’article L. 293, les mots : « ou d’un suppléant » et les mots : « des suppléants élus » sont supprimés ;
10° Le second alinéa de l’article L. 318 est supprimé.
Cet amendement n'a plus d’objet.
L'amendement n° 13 rectifié ter, présenté par M. Détraigne, Mmes Férat, Morin-Desailly et Goy-Chavent et MM. J.L. Dupont, Deneux, Bockel, Capo-Canellas, Tandonnet, Amoudry, Maurey, J. Boyer, Guerriau, Jarlier et Mercier, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l'article L. 288 du code électoral est supprimé.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Le code électoral fixe l'ordre qui doit être suivi lorsque les suppléants votent à la place des titulaires. Lors des dernières élections sénatoriales, voilà plus d'un an, nous avons constaté que cela a parfois posé des problèmes, le suppléant normalement prévu dans l'ordre du tableau fixé par le code électoral n’étant pas celui qui est allé voter à la place du titulaire empêché.
Par mon amendement, je propose simplement de supprimer l'ordre imposé pour le vote des suppléants.
M. le président. L'amendement n° 20 rectifié bis, présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 289 du code électoral est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Sur chacune des listes, l’écart entre le nombre de candidats et de suppléants de chaque sexe ne peut être supérieur à un. Chaque liste est composée alternativement d’un candidat de chaque sexe et d’un suppléant de chaque sexe. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Les dispositions relatives à la désignation des délégués qui composent le collège sénatorial ainsi que leurs suppléants ne sont assorties d’aucun mécanisme de nature à favoriser la parité. Cette situation est d’autant plus paradoxale qu’un nombre appréciable de ces délégués et suppléants est élu au scrutin de liste, un mode de scrutin qui se prête tout particulièrement aux mécanismes paritaires.
Le présent amendement, qui apporte une traduction législative à la recommandation n° 7 de la délégation aux droits des femmes, tend à remédier à cette situation en précisant que, dans les communes où les délégués sont élus à la proportionnelle, chaque liste devra être constituée alternativement d’un candidat de chaque sexe. Cette règle s’imposera également aux suppléants qui figurent d’ailleurs sur la même liste.
Une amélioration de la parité au sein du collège sénatorial ne suffira certes pas à garantir l’élection d’un plus grand nombre de candidates aux élections sénatoriales, mais elle pourrait avoir un effet dissuasif sur le dépôt de listes dissidentes ostensiblement conçues pour contourner l’exigence de parité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L'amendement n° 26 tend à proposer un nouveau système qui révolutionnerait la désignation des grands électeurs et romprait avec la tradition républicaine de désignation des électeurs sénatoriaux au sein même des conseils municipaux. Cet amendement transformerait le système de désignation d’une partie de ces électeurs sénatoriaux.
M. Gaëtan Gorce. Le changement, c'est maintenant !
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. De plus, cet amendement n’est pas sans présenter un risque constitutionnel, dans la mesure où le corps électoral du Sénat doit être l’émanation des collectivités territoriales, aux termes de la décision n° 2000-431 du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2000. En effet, si le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales, il est logique que les délégués des conseils municipaux soient désignés par les conseils municipaux eux-mêmes et non par les électeurs directement.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 13 rectifié ter vise à supprimer la règle selon laquelle l’ordre des suppléants est déterminé par le nombre de voix obtenues, dans les communes dont les conseils municipaux sont élus au scrutin majoritaire, c’est-à-dire dans les communes de moins de 1 000 habitants – je vous rappelle que ce seuil était auparavant de 3 500 habitants.
Il est vrai que cette règle est contraignante, puisqu’elle impose de recourir aux suppléants dans un ordre précis en cas d’empêchement d’un titulaire. Des problèmes pratiques peuvent se poser, mais il faut bien concevoir que, si cette règle était supprimée, le maire désignerait parmi les suppléants celui qui lui conviendrait le mieux. Ce système ne serait pas des plus démocratiques.
Dès lors qu’on conserve le mode actuel d’élection des délégués et des suppléants, il faut maintenir la règle : les suppléants peuvent être appelés à siéger au sein du collège électoral selon le nombre de voix qu’ils ont obtenues au sein du conseil municipal, et non selon un choix du maire fondé sur la disponibilité de tel ou tel, ou sur son choix politique présumé. Aussi la commission des lois a-t-elle émis un avis défavorable.
Quant à l’amendement n° 20 rectifié bis, qui prévoit la constitution de listes paritaires pour la désignation des délégués dans les communes de 1 000 habitants et plus, il soulève deux objections.
Sur le plan constitutionnel, d’abord, l’objectif fixé par l’article 1er de la Constitution d’un « égal accès des femmes et des hommes », en tant que dérogation au principe d’égalité, est d’interprétation stricte : il concerne seulement les mandats électoraux et les fonctions électives. Or le fait d’être désigné par le conseil municipal pour siéger au sein du collège électoral des sénateurs ne confère pas un mandat électoral ou une fonction élective, mais simplement la qualité d’électeur à une élection au suffrage indirect.
Sur le plan pratique, ensuite, l’article L. 289 du code électoral n’imposant pas la présentation de listes complètes, la règle proposée pourrait être totalement contournée par le jeu de candidatures isolées.
Pour ces deux raisons, la commission des lois demande le retrait de cet amendement ; s’il est maintenu, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. L’amendement n° 26 de l’honorable sénateur Gorce soulève plusieurs objections.
La première se situe sur le plan des principes. À mon tour, je rappelle que, aux termes de l’article 24 de la Constitution, le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ».
M. Jacques Mézard. Excellent rappel !
M. Charles Revet. En effet !
M. Manuel Valls, ministre. Il n’est donc pas nécessaire que les membres du collège sénatorial soient élus au suffrage universel direct, en tout cas dans le cadre de ce débat.
Sans doute, on peut débattre de tout, mais attention : emprunter la voie proposée par M. Gorce conduirait à changer la nature de la Constitution ! Je suis heureux de recevoir, sur cette question, le soutien de M. Mézard…
M. Jean-Michel Baylet. Pas seulement le sien !
M. Manuel Valls, ministre. Par ailleurs, le Sénat étant renouvelé en deux séries distinctes, désigner les délégués au moment des élections municipales ne garantirait pas un collège sénatorial toujours constitué peu de temps avant le scrutin.
Enfin, comme l’amendement n° 30 que M. Gorce a déposé, l’amendement n° 26 prévoit que la liste des candidats à la fonction de délégué sénatorial figure, de manière distincte, sur le même bulletin que la liste des candidats au conseil municipal. Cette modalité pratique soulève des difficultés, dans la mesure où la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral prévoit déjà la présentation d’une double liste sur les bulletins de vote lors des élections municipales : l’une pour les candidats au conseil municipal, l’autre pour les candidats au conseil communautaire.
Dans ces conditions, monsieur Gorce, votre amendement aurait pour conséquence de faire figurer sur les bulletins de vote une troisième liste ; vous conviendrez que ces bulletins deviendraient peu lisibles pour les électeurs. C’est pourquoi le Gouvernement invite le Sénat à rejeter votre amendement.
En ce qui concerne l’amendement n° 13 rectifié ter, le Gouvernement appuie les objections présentées par M. le rapporteur et émet un avis défavorable.
Enfin, madame la rapporteur, vous avez expliqué en présentant l’amendement n° 20 rectifié bis qu’il s’agissait d’apporter une traduction législative à la recommandation n° 7 du rapport de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui consiste à compléter l’article L. 289 du code électoral. Puisque, dès 2014, des listes paritaires devront être présentées dans les communes de 1 000 habitants et plus pour l’élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, il semble souhaitable de prévoir la même obligation pour l’élection des délégués et des suppléants au collège sénatorial.
Le Gouvernement est donc favorable à votre amendement dans son principe, sous réserve qu’un sous-amendement soit adopté. En effet, les délégués et les suppléants étant élus sur une même liste, je propose la formulation suivante : « Chaque liste de candidats aux fonctions de délégués et de suppléants est composée alternativement d’un candidat de chaque sexe ». Il me semble que cette rédaction serait plus claire. (Mme Laurence Cohen acquiesce.)