M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 63, présenté par le Gouvernement et ainsi libellé :
Amendement 20 rectifié bis
Alinéas 3 et 4
Rédiger comme suit ces alinéas :
Le premier alinéa de l'article L. 289 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée :
Chaque liste de candidats aux fonctions de délégués et de suppléants est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe.
La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote sur l'amendement n° 26.
M. Gaëtan Gorce. Je ne vais pas relancer le débat, car je sais bien quel sort va être réservé à mon amendement. Je tiens néanmoins à souligner une petite contradiction : on ne peut pas affirmer, comme nombre de nos collègues le font à juste titre, que la vocation du Sénat est d’intervenir dans d’autres domaines que celui des collectivités territoriales – par exemple, dans le domaine de la protection des libertés publiques et individuelles, il a montré quelle pouvait être son utilité, quels que soient les gouvernements – et, au même moment, vouloir limiter le corps électoral à sa définition actuelle.
La politique et notre démocratie traversent une crise profonde, dont nous savons qu’elle est liée, pour l’essentiel, aux interrogations de nos concitoyens sur le fonctionnement de nos institutions. Dans ce contexte, il serait normal que nous jouions, chaque fois que l’occasion s’en présente, la carte d’une participation élargie des citoyens et d’une transparence accrue des modes d’élection et du fonctionnement de nos institutions.
J’ai bien conscience que ma position ne trouvera pas le soutien d’une majorité au Sénat ; ce serait une révolution, et le Sénat ne l’a jamais fait. Reste qu’il serait utile que nous ouvrions une réflexion sur cette question si nous voulons éviter que la seconde chambre subisse à l’avenir les critiques qu’elle a subies par le passé et qui, chers collègues, ne vous ont pas fait plaisir ! (M. Claude Dilain et Mme Hélène Lipietz applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je ne dirai pas, comme M. Gorce, que le mode de désignation des délégués sénatoriaux est archaïque ; il a fait ses preuves, et il a sa légitimité. Je dois pourtant admettre que nous devons être cohérents. Il n’y a pas si longtemps, nous avons voté comme un seul homme – que nos collègues femmes me pardonnent cette expression –, autrement dit à l’unanimité, l’élection directe par les citoyens des délégués sénatoriaux pour les Français de l’étranger. Je constate que ce système est exactement celui proposé par M. Gorce dans son amendement. Il existe donc un précédent !
M. Pierre-Yves Collombat. Parce qu’il n’y a pas de collectivité !
M. Christian Cointat. Mon cher collègue, il y a une collectivité de fait !
Cela étant, trouvez-vous normal, mes chers collègues, que le Conseil constitutionnel estime que le collège électoral sénatorial ne doit pas comprendre plus de délégués non élus que de représentants élus ? Pour ma part, je suis un peu étonné par ce qui se passe à Paris où les délégués sénatoriaux non élus sont beaucoup plus nombreux que les représentants élus par le conseil de Paris.
Comme l’a souligné M. Gorce, nous devons réfléchir à cette question. Pour ma part, je ne voterai pas contre l’amendement n° 26 ; je m’abstiendrai, parce que j’estime que, s’il n’est pas possible de l’adopter, nous devons réfléchir au moyen de changer des situations qui ne sont pas tout à fait satisfaisantes, c’est le moins que l’on puisse dire. Si nous voulons un collège sénatorial beaucoup plus représentatif, il ne faut pas écarter la possibilité de faire élire les délégués directement par les citoyens.
Il faut tout de même le rappeler : les collectivités territoriales ne sont pas des bouts de papier ! Elles sont composées d’hommes et de femmes et ce sont eux qui votent pour élire leurs représentants. La démarche de M. Gorce n’est donc absolument pas anormale. Elle est peut-être prématurée, mais elle permet au moins d’engager une réflexion, qui, je l’espère, va se poursuivre.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je ne crois pas que ce débat oppose les anciens et les modernes, les archaïques et les réformateurs. En réalité, ce n’est pas une question de modernité, c’est une question de sens !
Contrairement à ce que M. Gorce a soutenu, les sénateurs ne sont pas élus par un corps électoral, mais par un collège électoral. En effet, comme il a été rappelé au moment de l’examen de l’amendement n° 7 rectifié, les grands électeurs n’ont pas le droit de vote, mais l’obligation de voter ; ils remplissent une fonction et ils accomplissent un devoir pour lesquels, en application de la loi électorale, ils ont été sélectionnés.
Mes chers collègues, le corps électoral des sénateurs n’est pas différent de celui des députés : nous sommes élus au suffrage universel !
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
M. Philippe Bas. Simplement, dans le cas des sénateurs, le suffrage universel s’exprime à travers les élus des collectivités territoriales. De fait, aux termes de l’article 24 de la Constitution, le Sénat assure la représentation de ces collectivités, à côté de celle des Français de l’étranger.
La fonction de ce collège électoral est remplie par des personnes qui ont l’expérience de la gestion des affaires publiques au niveau des communes, des départements et des régions. C’est cette spécificité qui les autorise à s’exprimer au nom des collectivités territoriales.
Dans ces conditions, comme M. le ministre l’a rappelé à juste titre, seuls les membres des assemblées élues des collectivités territoriales doivent pouvoir faire partie du collège électoral appelé à désigner les sénateurs.
Il y a bien sûr des exceptions ; elles doivent être considérées comme telles et l’on doit veiller à ne pas les élargir de manière imprudente, au risque d’altérer, au niveau national ou seulement dans certains départements, la représentativité du Sénat à l’égard des collectivités territoriales de la République.
Monsieur Gorce, votre amendement n’est pas moderne : il tourne le dos au sens profond de notre assemblée. En ce qui me concerne, je voterai contre !
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Je voterai moi aussi contre l’amendement de M. Gorce, et j’approuve les arguments de M. le ministre.
Je crois qu’on a tout intérêt, lorsqu’on légifère, à rechercher la plus grande simplicité. Quand les élections sont compliquées, les électeurs ne se déplacent pas ! Si nous ajoutons des strates de complexité, les électeurs auront d’autant plus de mal à s’y retrouver et la participation sera d’autant plus faible.
Par ailleurs, je ne crois pas que le système actuel soit archaïque. Je trouve vos propos assez déplaisants, monsieur Gorce. Je ne comprends pas pourquoi vous êtes venu au Sénat si c’est pour le critiquer. Pourquoi n’êtes-vous pas resté à l’Assemblée nationale ?
Pour avoir été député avant d’être sénateur, je reconnais la valeur de tout le travail accompli par les sénateurs. Le Sénat a vraiment son utilité et qui est très complémentaire de l’Assemblée nationale. Comme il a été rappelé, l’Assemblée nationale a vocation à représenter la population ; la Haute Assemblée a vocation à représenter les territoires, ce qui n’empêche pas qu’elle représente aussi la population.
M. Jacques Mézard. Eh oui !
M. Gérard Cornu. Puisque vous avez été député, vous devriez vous être aperçu que les deux assemblées font un travail différent. Vous voyez bien que, ici, il y a plus de profondeur dans la réflexion.
M. Gaëtan Gorce. Ce n’est pas vous qui en donnez l’exemple !
M. Gérard Cornu. Ce n’est pas être désagréable à l’égard des députés que de faire ce constat : on sait bien que, à l’Assemblée nationale, il y a des effets de balancier et des effets de mode. Le Sénat, au contraire, du fait de son mode d’élection, peut mener une réflexion plus profonde ; les élus locaux qui le composent savent de quoi ils parlent et comprennent le territoire.
Les deux chambres sont donc complémentaires. La Constitution est très claire sur ce point.
Mme Catherine Troendle. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je souhaite soulever trois points.
Tout d’abord, certains archaïsmes valent bien des évolutions dont on se passerait volontiers. Tous les lendemains ne chantent pas !
Ensuite, notre débat pose en creux le problème de cette anomalie démocratique qu’est le Sénat. Or quel est l’intérêt du Sénat dans une démocratie ? Comme M. Cornu vient de le dire, il est relativement plus à l’abri des émotions médiatiques que l’autre chambre.
M. Yannick Vaugrenard. Quoique…
M. Pierre-Yves Collombat. Effectivement, de moins en moins !
En Grande-Bretagne, par exemple, la Chambre des Lords prend paradoxalement des positions qui apparaissent plus progressistes que celles de la Chambre des Communes.
Si d’aventure le Sénat devait être élu selon des modalités comparables à celles de l’Assemblée nationale, je ne verrais pas l’intérêt d’avoir une deuxième chambre.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. Enfin – je n’insisterai pas sur ce point qui a déjà été évoqué plusieurs fois –, le Sénat représente, que vous le vouliez ou non, non pas des électeurs ou des individus, mais des collectivités. J’ai la faiblesse de penser qu’une collectivité a aussi une réalité sociale, affective – on en a tous les jours la démonstration – et politique.
Voilà quelques années, une mission d’information de la commission des lois conduite par le doyen Gélard a procédé à un examen des modes de scrutin pour les deuxièmes chambres dans plusieurs pays européens. Nous avions entamé nos travaux un peu la mort dans l’âme et, au final, nous étions arrivés au constat suivant, reprenant en quelque sorte les mots de Talleyrand : quand nous nous regardons, nous nous inquiétons, mais quand nous nous comparons, nous nous rassurons ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Élu moi aussi récemment, je n’ai pas le sentiment d’être arrivé dans une assemblée archaïque. Au contraire, je constate que des progrès sont régulièrement proposés par le Sénat. Je suis donc complètement en désaccord avec les arguments développés par notre collègue Gorce.
La représentation des collectivités territoriales ne peut véritablement se faire qu’avec notre mode de scrutin. Si, dans un département comme le mien, c’est-à-dire peu peuplé, puisqu’il y a 52 habitants au kilomètre carré, avec des écarts allant de 7 habitants au kilomètre carré dans certaines zones jusqu’à 3 000 habitants au kilomètre carré pour la ville de Reims, la représentation de tous les territoires n’est pas assurée, même ceux à faible densité de population, cela voudrait dire que la ruralité n’a plus sa place au Sénat. Or nous savons tous combien elle est importante !
Par ailleurs, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le Sénat est renouvelable par moitié tous les trois ans. C’est un gage de stabilité, qui n’empêche pas l’alternance, comme nous l’avons vu aux dernières élections.
Les hommes politiques ont une fonction d’incarnation. S’ils veulent être respectés, il faut en tenir compte. C’est pourquoi je suis opposé à l’abaissement du seuil à trois sénateurs pour l’application du mode de scrutin proportionnel. Je pense que c’est le scrutin majoritaire qui reflète véritablement la volonté des électeurs de voter pour des hommes et des femmes représentant les intérêts de la population.
Je voterai donc contre l’amendement n° 26.
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.
M. Albéric de Montgolfier. Je voterai également contre l’amendement déposé par M. Gorce.
Sur le plan international, comme l’a dit M. Collombat, toutes les études montrent que les chambres hautes ont en général un mode de scrutin différent, et personne ne remet en cause leur légitimité démocratique. Pourquoi en irait-il différemment en France ? Notre mode de scrutin repose sur un corps électoral composé essentiellement de maires et de délégués des conseils municipaux. Or quelle est l’élection en France qui enregistre la plus forte participation ? Il s’agit de l’élection municipale.
Les sénateurs s’appuient donc sur un corps électoral de plusieurs dizaines de milliers de conseillers municipaux, ce qui confère un caractère hautement démocratique à leur élection, même s’il s’agit d’un mode de scrutin indirect.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je voterai aussi contre cet amendement.
Si le Gouvernement a fait preuve d’une certaine modération dans l’élaboration de son projet de loi, parallèlement, certains adoptent des positions extrémistes. Ce serait remettre en cause le Sénat que de contester sa représentativité au travers du mode de scrutin. L’auteur de cet amendement et les membres de la majorité qui le soutiennent auraient mieux fait d’en discuter auparavant avec le Gouvernement, lequel a compris qu’il ne fallait pas dépasser les bornes et aller au-delà du raisonnable.
Finalement, je suis surpris que, à l’occasion de la discussion du projet de loi, il y ait, au sein même de la majorité censée soutenir le Gouvernement, des sénateurs qui en rajoutent en proposant des solutions que je considère comme extravagantes par rapport à la logique sénatoriale telle qu’elle est inscrite dans la Constitution : en contrepartie du fait que nous ne soyons pas élus au suffrage uninominal direct comme les députés, nous avons moins de pouvoirs, puisque l’Assemblée nationale a le dernier mot. Tel est le cas pour la plupart des deuxièmes chambres dans les grandes démocraties européennes.
Il serait malvenu pour la majorité de remettre maintenant en cause cet arbitrage. Il aurait mieux valu que ses élus et le Gouvernement réfléchissent en amont pour se mettre d’accord.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Nous discutons ici de notre propre mode d’élection, donc restons calmes, écoutons-nous et ne nous en prenons pas les uns aux autres.
Même si M. Gorce n’a pas besoin d’avocat, je signale qu’il n’a pas critiqué le Sénat en tant que tel, au contraire.
M. François Rebsamen. Effectivement !
M. Joël Billard. « Archaïque ! »
M. Jean-Pierre Michel. Il a simplement jugé que, pour accroître encore la visibilité du Sénat, sa légitimité, il faudrait peut-être trouver un autre système électoral. C’est tout ce qu’il a dit, donc restons modérés dans nos propos !
Pour ma part, je partage la position de M. Cointat, qui pointe un problème d’élection des sénateurs. Il a raison !
Cela étant, je ne voterai pas l’amendement de M. Gorce, mais je pense qu’il faut y réfléchir, sans nous livrer à des invectives pour nous retrouver au Journal officiel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 63 ?
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. Même si votre serviteur était plutôt favorable à l’amendement n° 20 rectifié bis, la commission s’est montrée majoritairement défavorable au fait de présenter des listes paritaires pour la désignation des délégués des conseils municipaux au sein du collège électoral.
À mon sens, le sous-amendement du Gouvernement permet de relancer le débat. À titre personnel, j’y suis donc favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20 rectifié bis, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
L'amendement n° 28, présenté par M. Gorce, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase de l'article L. 281 du code électoral, le mot : « députés » est remplacé par les mots : « délégués sénatoriaux ».
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 29, présenté par M. Gorce, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 282 du code électoral, le mot : « député, » est supprimé.
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Cornu, de Montgolfier et Billard, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 282 du code électoral est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « député, », il est inséré le mot : « sénateur, » ;
2° Au second alinéa, après le mot : « député », sont insérés les mots : « ou sénateur ».
La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Il s’agit d’un amendement de conséquence après l’adoption de l’amendement n° 40 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
L'amendement n° 11 rectifié ter, présenté par M. Détraigne, Mmes Férat, Morin-Desailly et Goy-Chavent et MM. J.L. Dupont, Merceron, Deneux, Bockel, Capo-Canellas, Tandonnet, Amoudry, Maurey, J. Boyer, Guené, Jarlier, Mercier et Dubois, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase de l’article L. 283 du code électoral, les mots : « le jour auquel » sont remplacés par les mots : « la semaine au cours de laquelle ».
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Actuellement, le code électoral impose un jour unique pour que chaque conseil municipal désigne ses grands électeurs. Cette règle pose quelques problèmes, puisqu’un conseil municipal peut préférer se réunir la veille ou le lendemain.
Cet amendement a donc pour objet d’introduire un peu de souplesse dans la fixation de la date de désignation des grands électeurs en proposant que le code électoral indique non pas un jour précis, mais une période d’une semaine.
M. le président. Le sous-amendement n° 60, présenté par Mme Lipietz, est ainsi libellé :
Amendement n° 11 rectifié ter, alinéa 3
Remplacer les mots :
la semaine au cours de laquelle
par les mots :
les trois jours au cours desquels
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Ce sous-amendement tend à laisser une marge de manœuvre pour la désignation des grands électeurs en prévoyant non pas une seule journée – on sait les dérives auxquelles cela a mené –, mais une période de trois jours. Une semaine pour procéder à cette élection, c’est peut-être beaucoup ; le délai que je propose me paraît plus adapté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. Le rapporteur que je suis n’est pas défavorable à l’introduction de cette souplesse, mais la commission a considéré que cette mesure pouvait favoriser des manœuvres électorales de la part de candidats aux élections sénatoriales, qui auraient ainsi la possibilité de peser davantage sur le choix des délégués par les conseils municipaux. Elle a donc émis un avis défavorable à la période d’une semaine prévue par l’amendement n° 11 rectifié ter. Je crois qu’on peut conclure de ses débats qu’elle ne serait pas non plus favorable au sous-amendement n° 60, qui vise à réduire ce délai à trois jours.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
M. Christophe Béchu. Pour ma part, je voterai l’amendement de M. Détraigne, et je vais en expliquer les raisons.
L’argument selon lequel une manipulation du corps électoral serait possible si tous les délégués sénatoriaux n’étaient pas désignés le même jour me choque. Le fait d’entendre certains, dans cet hémicycle, expliquer que des pressions sur les élus locaux seraient à craindre dès lors que la désignation s’étalerait sur trois, quatre, cinq, six ou sept jours heurte mes principes.
Si vraiment d’aucuns le pensent, pourquoi la loi ne fixe-t-elle pas non seulement un jour, mais une heure, pour que tous les conseils municipaux de tout le département se réunissent exactement au même moment ? (Eh oui ! sur les travées de l'UMP.)
M. Marc Daunis. Soyons réalistes !
M. Christophe Béchu. En effet, un décalage des réunions dans une même journée pourrait permettre l’organisation d’un certain nombre de manœuvres.
Par quel retournement notre assemblée, qui, habituellement, fait le pari de l’intelligence des territoires et plaide, sur beaucoup de textes, pour un renforcement des responsabilités et des pouvoirs des élus locaux, en vient-elle aujourd’hui à se méfier des conseils municipaux, qui, selon certains, pourraient être tentés de décaler leur jour de réunion pour faire en sorte de modifier la liste de ceux qui vont être présentés au suffrage ? Cela me semble une hérésie par rapport à la mission de la Haute Assemblée et, plus largement, par rapport à notre conception du rôle des élus locaux au quotidien.
Prétendre que la manipulation commencerait dès lors que le premier conseil municipal aurait désigné ses délégués est assez surprenant : soit des moyens de pression existent, et le fait que la désignation se passe sur plusieurs jours ou le même jour n’y change pas grand-chose, soit ces moyens de pression n’existent pas ! Au nom de quoi n’introduirions-nous pas un minimum de souplesse afin de permettre à toutes les communes concernées de s’organiser ?
Au moment où le Président de la République demande un choc de simplification – dont on mesure qu’il n’est pas évident à mettre en œuvre dans tous les domaines –, laisser un peu de souplesse à nos assemblées locales ne devrait franchement gêner personne !
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. Je suis en total désaccord avec ce que vient de dire notre collègue Christophe Béchu. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) En effet, ce n’est pas seulement une question de logique électorale qui est en cause, c’est aussi une tradition républicaine. Aussi loin que remonte le mode d’élection des sénateurs que nous connaissons actuellement, les délégués des conseils municipaux ont toujours été désignés le même jour à la même heure : en règle générale, un dimanche à dix heures du matin ! (Marques de désaccord sur de nombreuses travées.)
M. Marc Daunis. Non !
M. Daniel Dubois. Ce n’était pas le cas la dernière fois !
M. Francis Delattre. Dix heures, ce n’est pas l’heure de la messe ? (Sourires.)
M. Patrice Gélard. Traditionnellement, la convocation était adressée par le préfet. Tel n’a peut-être pas été le cas la dernière fois, mais la tradition républicaine voulait que ces opérations soient réalisées le même jour, à la même heure.
Reste que je ne crois pas que les candidats puissent procéder à des manipulations. En revanche, les manipulations peuvent venir d’ailleurs. De la presse, par exemple, qui va commenter les désignations intervenues le lundi et pronostiquer le résultat du scrutin du mardi. Le risque n’est donc pas que des manipulations interviennent au sein des conseils municipaux, mais à l’extérieur de ceux-ci.
Enfin, à titre personnel, il me semble que le fait que les désignations interviennent toutes le même jour à la même heure confère à l’ensemble de ces opérations une forme de solennité tout à fait positive.
M. Éric Doligé. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Lorsque notre collègue Yves Détraigne a déposé cet amendement, je ne l’ai pas cosigné. Il me semble en effet que la simultanéité des opérations représente déjà une forme de simplification. Je ne crois pas à la possibilité d’une manipulation, car il est assez rare que les conseillers municipaux aient une étiquette politique particulière dans les communes rurales.
En revanche, les services préfectoraux rencontrent de grandes difficultés à collecter les données et à dresser les listes de grands électeurs, que nous n’obtenons jamais à temps pour organiser notre campagne électorale. Le fait que la désignation des délégués se déroule le même jour, à la même heure, dans toutes les communes, est donc une bonne chose. Voilà pourquoi: je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Je trouve les arguments de Christophe Béchu excellents. Nous devons faire confiance aux élus locaux et apporter un peu de souplesse dans l’organisation de la désignation des grands électeurs. Je rappelle à M. Gélard que cette opération doit intervenir partout le même jour, mais pas nécessairement à la même heure.
Faut-il accorder trois jours ou une semaine pour organiser la désignation ? Je n’en sais rien. L’essentiel est d’introduire une certaine souplesse dans la désignation des grands électeurs en faisant confiance aux élus locaux. Adopter une attitude dirigiste consistant à imposer la réunion du conseil municipal à un jour donné me semble relever d’un autre âge.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. De nombreux arguments contraires ont été développés.
Si Yves Détraigne, sénateur du département de la Marne comme moi, a déposé cet amendement, c’est parce qu’il exprime une remontée du terrain ! C’est en discutant avec les grands électeurs que de telles propositions peuvent être élaborées. Pour être l’émanation des territoires, il faut aussi savoir s’inspirer de la réflexion locale.
J’ai fait campagne avec Yves Détraigne : combien de fois ne nous a-t-on pas demandé d’apporter un peu de souplesse ? Une commune a dû annuler la célébration d’un jumelage parce que la convocation du conseil municipal pour désigner les grands électeurs tombait le même jour ! Si on veut faire campagne pour la désignation des grands électeurs, on dispose de mois et d’années pour le faire, on ne s’y prend pas au dernier moment. Il n’y aura donc aucune pression, d’autant plus que les pressions de dernière heure sont toujours très mal ressenties.
Les territoires demandent un peu plus de souplesse pour procéder à ces opérations ; leur accorder une semaine me paraît intéressant !