M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame, c’est avec tristesse que le Gouvernement ainsi que l’ensemble des membres de la Haute Assemblée ont appris le décès subit du sénateur René Vestri survenu à Paris dans la nuit du 6 février dernier, en plein cœur du travail parlementaire qu’il exerçait depuis de nombreuses années.
On sait qu’il avait participé tout l’après-midi de ce mardi du mois de février, au sein de la commission du développement durable du Sénat dans laquelle il siégeait, aux travaux consacrés à l’avenir de notre système énergétique et à la présence médicale sur l’ensemble du territoire.
L’élection de René Vestri à la Haute Assemblée, il faut le rappeler, prolongeait une longue carrière d’élu local au service de son célèbre village et de son département de naissance, les Alpes-Maritimes.
Il fit son entrée au Palais du Luxembourg en 2008, où il adhéra au groupe UMP. Son intérêt pour les questions relatives à l’environnement et à l’aménagement du territoire le conduisit à rejoindre la nouvelle commission du développement durable dès sa création.
On se souviendra aussi qu’il mit son expérience d’élu local au service de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Il participa aussi au groupe de travail « mer et littoral ».
René Vestri se plaisait également à échanger sur l’avenir du bassin méditerranéen avec ses collègues des groupes d’amitié France-Italie ou France-Monaco.
Issu d’une famille modeste, René Vestri rappelait avec fierté que son père avait été maçon et qu’il avait lui-même réussi à créer et à développer une entreprise dans le domaine des travaux publics.
Si René Vesti eut un métier, il eut aussi une passion : la vie publique et la politique. Gaulliste de toujours, la politique était pour lui un combat et un engagement. Pendant trente ans, ce fut sa vie.
Très investi à l’échelon local, René Vestri avait décidé parallèlement de mettre toute son énergie au service de ses concitoyens, se présentant ainsi dès 1983 aux élections municipales de Saint-Jean-Cap-Ferrat. Sans discontinuer, il aura été le maire passionné de l’une des plus belles communes de notre pays. En plus d’un quart de siècle de mandat municipal, René Vestri aura transformé Saint-Jean-Cap-Ferrat grâce à sa détermination et à son engagement obstiné.
Il prolongea son investissement personnel en étant pendant près de vingt ans conseiller général du canton de Villefranche-sur-Mer. Il exerça même, de 2004 à 2008, les fonctions de vice-président du conseil général, chargé de la façade maritime ; il sera également vice-président de la communauté urbaine Nice-Côte d’Azur.
Dans sa commune, René Vestri était aussi connu et respecté pour un engagement qui le mobilisait constamment.
En 1989, s’indignant de l’indifférence dans laquelle étaient décimées certaines espèces animales, notamment les dauphins, il décida de créer l’association SOS Grand Bleu, qui fut reconnue d’utilité publique le 10 janvier 2005.
Ainsi qu’il le dit lui-même en ces murs, lors de sa première prise de parole en tant que sénateur nouvellement élu, l’une de ses grandes satisfactions fut de voir aboutir le projet Pelagos. Réunissant la France, Monaco et l’Italie, ce projet a abouti à la signature à Rome, le 25 novembre 1999, d’un accord international ayant pour objet la protection des mammifères marins en Méditerranée. Cet accord constitue le premier texte juridique au monde conclu par plusieurs pays créant une aire marine protégée dans des eaux internationales. Ce sanctuaire protégé s’étend sur 87 500 kilomètres carrés, au sein du bassin corso-liguro-provençal.
René Vestri rappelait, avec la passion que chacun lui reconnaissait, que « la Méditerranée ne représente que 0,7 % de la surface des océans, mais constitue un réservoir majeur de la biodiversité, avec 28 % d’espèces que l’on ne trouve nulle part ailleurs ». Il répétait avec constance que « la France est présente dans la plupart des océans du globe et dispose du deuxième patrimoine maritime mondial en termes de surface ».
Pour le sénateur Vestri, la responsabilité en matière de préservation de l’environnement marin de notre pays était donc majeure.
Homme affable et chaleureux, René Vestri fut aussi soucieux de faire partager ses préoccupations dans les cadres les plus variés. Souhaitant transmettre son engagement aux plus jeunes, il avait ainsi lancé l’initiative « École de la Mer », grâce à laquelle, « chaque année, des milliers d’enfants apprennent que la mer n’est pas seulement une étendue qui se perd à l’horizon, mais aussi un volume habité par un monde fragile qui produit plus de 80 % de l’oxygène de notre atmosphère ».
Ses préoccupations en faveur de la préservation du domaine maritime, il comptait en faire part au sein du Conseil national de la mer et des littoraux, dont il était membre depuis le mois de décembre 2011.
Mesdames, messieurs les sénateurs, après le décès brutal de René Vestri, je présente les très sincères condoléances et la sympathie attristée du Gouvernement à son épouse, à ses enfants, à sa famille, à tous les habitants de Saint-Jean-Cap-de-Ferrat, aux membres du conseil municipal, aujourd’hui présents, à la commission du développement durable, au groupe UMP, ainsi qu’à l’ensemble des membres de la Haute Assemblée.
M. le président. Mes chers collègues, conformément à notre tradition, en signe d’hommage à René Vestri, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
12
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour un rappel au règlement.
Mme Chantal Jouanno. Notre groupe souhaite effectuer un rappel au règlement sur le fondement de l’article 37 de notre règlement.
Nous ne pouvons tolérer que notre République soit salie et marquée par la honte après les propos du ministre des outre-mer, Victorin Lurel, lors des obsèques du Président vénézuélien.
Ces propos sont injurieux à l’égard du peuple vénézuélien : la mort n’est jamais risible ! Comment peut-on dire d’un mort qu’« il était tout mignon » ?
Ces propos sont insultants pour les démocrates, les républicains, les défenseurs des droits de l’homme. Comment peut-on comparer Hugo Chavez au général de Gaulle ou à Léon Blum, dont la rigueur morale était sans faille ? Comment peut-on dire d’un dictateur, d’un populiste, que « le monde gagnerait à avoir beaucoup de dictateurs comme [lui] » ? Dois-je rappeler son amitié avec le chef d’État iranien ? Y aurait-il, pour le Gouvernement, des dictateurs acceptables ?
Qu’ils relèvent de l’incompétence, de l’aveuglement idéologique ou d’une incompréhensible légèreté, ces propos constituent une faute lourde, inexcusable dans la bouche d’un ministre de la République en déplacement officiel. Nous demandons donc un désaveu officiel. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
MM. René Beaumont et François Trucy. Très bien !
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, ma chère collègue.
13
Conventions internationales
Adoption en procédure d’examen simplifié de sept projets de loi dans les textes de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de sept projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces sept projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
accord de partenariat et de coopération avec le turkménistan
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et le Turkménistan, d'autre part (ensemble cinq annexes, un protocole et un acte final), signé à Bruxelles le 25 mai 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification d’un accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Turkménistan, d’autre part (projet n° 523 [2011-2012], texte de la commission n° 396, rapport n° 395).
(Le projet de loi est adopté.)
traité d’extradition avec l’argentine
Article unique
Est autorisée la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République argentine, signé à Paris, le 26 juillet 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification du traité d’extradition entre la République française et la République argentine (projet n° 492 [2011-2012], texte de la commission n° 398, rapport n° 397).
(Le projet de loi est adopté.)
accord avec le liban relatif à la mobilité des jeunes et des professionnels
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de République libanaise relatif à la mobilité des jeunes et des professionnels (ensemble deux annexes), signé à Beyrouth, le 26 juin 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise relatif à la mobilité des jeunes et des professionnels (projet n° 456 [2011-2012], texte de la commission n° 392, rapport n° 391).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec la serbie relatif à la mobilité des jeunes
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie relatif à la mobilité des jeunes (ensemble une annexe), signé à Belgrade, le 2 décembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie relatif à la mobilité des jeunes (projet n° 351 [2011-2012], texte de la commission n° 401, rapport n° 399).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec le monténégro relatif à la mobilité des jeunes
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Monténégro relatif à la mobilité des jeunes (ensemble deux annexes), signé à Podgorica, le 1er décembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Monténégro relatif à la mobilité des jeunes (projet n° 350 [2011-2012], texte de la commission n° 400, rapport n° 399).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec l’azerbaïdjan relatif aux centres culturels
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan relatif à la création et aux conditions d'activités des centres culturels, signé à Paris le 9 décembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Azerbaïdjan relatif à la création et aux conditions d’activités des centres culturels (projet n° 708 [2011-2012], texte de la commission n° 403, rapport n° 402).
(Le projet de loi est adopté.)
accord avec la bulgarie relatif à la lutte contre l’emploi non déclaré
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord de coopération administrative entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la lutte contre l'emploi non déclaré et au respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services, signé à Sofia le 30 mai 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération administrative entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la lutte contre l’emploi non déclaré et au respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services (projet n° 465 [2010-2011], texte de la commission n° 394, rapport n° 393).
(Le projet de loi est adopté.)
14
Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 14 et 15 mars 2013
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission des affaires européennes, le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 14 et 15 mars 2013.
Dans le débat, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme nous en avons désormais pris l’habitude, nous nous retrouvons pour préparer ensemble la réunion du Conseil européen qui se tiendra dans quelques jours à Bruxelles.
Le Gouvernement aborde cette discussion dans un contexte particulier, que je veux rappeler.
Le contexte, c’est d’abord la crise que connaît l’Union européenne. Cette crise s’approfondit, s’aggrave, s’enkyste même dans un certain nombre de pays. La récession accomplit son œuvre de destruction d’emplois et le chômage augmente partout en Europe.
Le contexte, c’est ensuite le semestre européen, c'est-à-dire cet exercice de relations entre la Commission européenne et les gouvernements des États membres encadré par les textes du six-pack, du two-pack et du traité budgétaire. Ces textes prévoient que les gouvernements définissent, en lien avec la Commission européenne, la manière dont ils pourront atteindre les objectifs de réduction des déficits publics qu’ils se sont assignés lors de l’adoption de leurs budgets.
Nous sommes donc confrontés à un double exercice : évaluer l’efficience de nos politiques économiques et assurer leur convergence vers un équilibre qui permettra d’accélérer la sortie de crise ; rendre compte de la façon dont nous réduisons nos déficits publics.
Rappelons que, depuis le mois de juin dernier, la France a souhaité s’engager dans une réorientation très profonde de la politique de l’Union européenne, afin d’équilibrer les politiques de sérieux budgétaire par des initiatives en faveur de la croissance. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, nous avions trois objectifs principaux.
Premièrement, faire en sorte que la croissance redevienne possible au sein de l’Union européenne, en équilibrant par des initiatives prises au niveau de l’Union les politiques de sérieux budgétaire que les États se sont engagés à conduire dans le cadre des textes et traités récemment adoptés ; je pense notamment au semestre européen.
Deuxièmement, remettre en ordre le système financier et bancaire au sein de l’Union européenne pour favoriser le retour de la croissance.
Troisièmement, créer les conditions, notamment dans le cadre de la réflexion en cours conduite par Herman Van Rompuy, d’un approfondissement de l’Union économique et monétaire, en ayant constamment à l’esprit le souci du renforcement de la solidarité.
À la veille du Conseil européen, je voudrais profiter de notre échange d’aujourd’hui pour faire un point sur ces trois sujets essentiels, autour desquels nous pouvons rééquilibrer les politiques de l’Union européenne.
Les institutions européennes, comme l’ensemble des pays de l’Union, sont bien décidées à ce que le Conseil européen des 13 et 14 mars soit l’occasion de mener un débat approfondi sur la pertinence des politiques économiques conduites au sein de cet espace et sur les conditions dans lesquelles l’équilibre entre croissance, sérieux budgétaire et solidarité va pouvoir se matérialiser dans les mois à venir.
Pour ce qui concerne la croissance, le Conseil a décidé d’inscrire à l’ordre du jour la question du pacte de croissance de 120 milliards d’euros, décidé à l’occasion du Conseil européen du mois de juin dernier, dont la déclinaison sur les territoires est en cours. Nous devons profiter de ce rendez-vous pour évaluer très concrètement son impact sur les politiques de l’Union, sur le développement des territoires et sur la croissance.
Ce débat se fera en deux temps : il y aura d’abord une évocation des instruments du pacte de croissance mis en place par l’ensemble des institutions de l’Union européenne, avec le concours des États membres, jeudi et vendredi prochains, puis une prolongation de ce débat aura lieu à l’occasion du Conseil du mois de juin. Par-delà l’évaluation de l’efficacité des instruments, cette seconde étape visera à mesurer concrètement les résultats obtenus par ce pacte en termes de croissance dans les différents pays de l’Union.
Il arrive très souvent que certains, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, s’interrogent, avec plus ou moins de bonne foi, sur la réalité de ce pacte. Je veux donc rappeler que celui-ci se répartit en trois enveloppes : 55 milliards d’euros de fonds structurels, qui correspondent à des sommes budgétées dans le cadre des perspectives financières pour la période 2007-2013 mais non dépensées ; 60 milliards d’euros de prêts de la Banque européenne d’investissement, la BEI, rendus possibles par sa recapitalisation à hauteur de 10 milliards d’euros ; 4,5 milliards d’euros d’obligations de projets, grâce à la mobilisation de 350 millions d’euros de garanties dans le budget de l’Union.
Concernant les 55 milliards d’euros de fonds structurels, la France bénéficie d’une « enveloppe plancher » de 2,2 milliards d’euros, laquelle ne présage en rien la mobilisation globale des fonds au terme de la période.
S’agissant des prêts de la BEI, le retour est à peu près de 13 % pour l’Allemagne, tandis qu’il est de l’ordre de 7 % pour la France. Si, par une bonne mobilisation des territoires, des industriels et des services financiers, nous parvenons à optimiser ce retour, nous pourrions escompter de 7 milliards à 8 milliards d’euros de retombées.
Enfin, nous attendons entre 600 millions et 700 millions d’euros des obligations de projets.
Si la commission des affaires européennes du Sénat le souhaite, je peux lui donner la déclinaison territoriale de ces fonds et les projets auxquels ils ont été affectés. En attendant, je puis vous dire très précisément que la France bénéficiera de la mobilisation de près de 11 milliards d’euros d’argent européen au titre du plan de croissance dans les mois à venir, ce qui, par effet de levier, devrait permettre d’avoir un impact global de près de 24 milliards d’euros. Dans le contexte de crise auquel notre pays est confronté, cette somme représente une opportunité non négligeable en termes d’investissement.
Je tenais à apporter ces précisions sur le pacte de croissance, qui sera évoqué à l’occasion des deux prochains Conseils européens, pour bien montrer à la Haute Assemblée que ce plan n’est pas virtuel et qu’il est en train d’être décliné dans les différents territoires.
Par ailleurs, nous souhaitons que le budget de l’Union pour la période 2014-2020 contribue à la croissance. Pour des raisons qui tiennent au rabotage constant des crédits de paiement nécessaires au financement du précédent cadre budgétaire, qui fut préconisé dans la lettre de novembre 2010 envoyée par l’ancien Président de la République française, la Chancelière allemande et les Premiers ministres finlandais et néerlandais au président de la Commission européenne, il faut savoir que seuls 860 milliards d’euros ont été utilisés entre 2007 et 2013, soit 80 milliards d’euros de moins que l’enveloppe de 942 milliards d’euros de crédits de paiement que le budget initial prévoyait. Si nous mobilisons la totalité des crédits du budget qui vient d’être adopté, cela représentera donc 50 milliards d’euros de plus que dans le précédent cadre budgétaire.
Je veux rappeler que les crédits alloués à la croissance dans le budget 2014-2020 augmenteront de près de 40 % au cours des six prochaines années, tandis que les budgets du programme Connecting Europe connaîtront une hausse de près de 120 %.
Sachez également que, pour ce qui concerne la politique de cohésion et la politique agricole commune, nous avons atteint tous nos objectifs. Nous avons également procédé à la création d’un fonds d’accompagnement des jeunes pour les régions ayant un taux de chômage supérieur à 25 %.
Tout cela nous conduit à optimiser fortement notre retour sur tous les objectifs sur lesquels nous étions mobilisés dans le cadre de la négociation budgétaire qui vient de s’achever.
Enfin, nous voudrions que l’acte II du marché intérieur soit l’occasion de multiplier les initiatives de croissance, de réaliser des efforts en matière d’harmonisation sociale et fiscale – nous pourrons en parler à l’occasion du débat interactif et spontané qui suivra –, d’instaurer le principe du juste échange. Les discussions en cours sur les directives Concessions et Marchés publics devraient permettre de ne plus ouvrir nos marchés publics à des entreprises venant de pays qui n’ont pas ouvert les leurs à nos propres entreprises. Ces projets de directives procèdent de la volonté de faire en sorte que le « mieux-disant social et environnemental », qui s’applique à nos acteurs économiques, avec un haut niveau de normes élaborées par l’Union européenne, ne soit pas un handicap dans la mondialisation.
Telles sont nos orientations en termes de croissance. Mais nous souhaitons que le Conseil européen, qui permettra de faire le point sur tous ces sujets concernant la stratégie d’investissement public et la croissance en Europe, soit aussi l’occasion d’aborder la remise en ordre de la finance, sans laquelle il n’y aura pas de croissance.
Depuis le Conseil de juin dernier, et cela a été confirmé en octobre et en décembre, nous avons réussi à créer les conditions de la mise en place de l’union bancaire au sein de l’Union européenne. La supervision bancaire a fait l’objet d’un compromis avec l’Allemagne. La Commission européenne, sous l’égide du commissaire Barnier, qui fait un très bon travail, sur ces questions comme sur d’autres, œuvre actuellement à l’élaboration de textes de nature législative visant à compléter la supervision par un dispositif de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts pour que nous arrivions à un dispositif complet.
Dès que la supervision bancaire sera mise en œuvre, il sera possible de recapitaliser directement les banques par le Mécanisme européen de stabilité, le MES. Le lien entre dette souveraine et dette bancaire, qui oblige actuellement les États à supporter des taux d’intérêt très élevés sur les marchés financiers, sera rompu.
M. Philippe Marini. Ce n’est pas pour demain !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous créerons ainsi les conditions permettant au système financier européen d’être directement au service de l’économie réelle et non d’activités spéculatives, destructrices de valeurs et de richesses sur les territoires de l’Union européenne.
Je rappelle que, dans le même temps, nous avons acté que le MES et le Fonds européen de stabilité financière, le FESF pourront intervenir sur le marché secondaire des dettes souveraines.
La Banque centrale européenne a emboîté le pas, via le programme Outright Monetary Transactions, lequel permet, toujours sur le marché secondaire des dettes souveraines, d’accompagner l’intervention du MES et du FESF, de manière à mettre en place un véritable pare-feu face à la spéculation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je terminerai par la solidarité, le Conseil européen devant également être en situation de préparer les débats qui auront lieu au mois de juin, sous l’égide du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, sur l’avenir de l’Union économique et monétaire.
Nous désirons profiter de la réflexion que M. Van Rompuy a conduite pour que, sur un certain nombre de questions, nous puissions approfondir l’Union économique et monétaire, ainsi que le dispositif d’intégration politique qui en serait la conséquence nécessaire. Plusieurs options et hypothèses se présentent à nous.
Nous devons envisager l’approfondissement de la gouvernance de la zone euro, car il ne sera pas possible de surmonter la crise si l’Union européenne ne parvient pas à rendre plus efficients les dispositifs de gouvernance à Dix-Sept. Reste que ce que nous ferons pour approfondir l’Union économique et monétaire à Dix-Sept ne peut pas se faire au détriment de l’intégrité de l’Europe à Vingt-Sept. Il nous faut donc trouver une articulation entre ces deux exigences : améliorer la gouvernance de la zone euro et maintenir l’intégrité du marché intérieur.
Tel est l’un des enjeux considérables des débats en cours avec Herman Van Rompuy et l’ensemble des institutions de l’Union et des chefs d’État et de gouvernement.
Nous devons examiner chacune des opportunités induites par cette réflexion.
Tout d’abord, dès lors qu’il y a une meilleure gouvernance de la zone euro, il convient de doter celle-ci d’une capacité budgétaire susceptible de lui permettre de faire face aux chocs conjoncturels et de mener de véritables politiques pour les surmonter lorsqu’ils se présentent à nous de façon violente.
M. Philippe Marini. Financées par l’impôt !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ensuite, il convient d’approfondir la réflexion sur la mutualisation de la dette.
J’ai souvent entendu dire sur ces travées que cette question n’était plus d’actualité, mais les plus européens d’entre vous auront sans doute remarqué que le Parlement européen a obtenu, dans le cadre du trilogue, c’est-à-dire au terme d’une discussion avec la Commission et le Conseil, qu’un groupe de travail particulier soit mis en place pour définir les conditions dans lesquelles nous pourrions avancer ensemble vers les eurobills et, à terme, les eurobonds. Il faut savoir qu’une grande majorité des membres du Parlement européen, toutes tendances politiques confondues, considèrent que, à partir du moment où il y a convergence des politiques budgétaires vers la discipline, il doit y avoir une possibilité de mutualiser la dette.
Le fait que l’ensemble des institutions de l’Union ait acté le principe de la mise en place de ce groupe de travail montre bien le chemin et les opportunités qui s’offrent à nous.
Enfin, il y a devant nous la question de l’Europe sociale, qui a été mise à l’ordre du jour des travaux du Conseil européen dans le cadre de l’acte II du marché intérieur. De nombreux sujets sont à examiner, qu’il s’agisse de la reconnaissance des qualifications professionnelles au niveau européen, de la reconnaissance de la portabilité des droits sociaux ou de la possibilité d’engager une réflexion sur la mise en place d’un salaire minimum européen.
Telles sont les questions que nous aurons à traiter dans les semaines et les mois à venir, plus particulièrement à l’occasion des deux Conseils européens de mars et de juin, dans le cadre de la feuille de route d’Herman Van Rompuy.
Je voudrais conclure en indiquant que ce Conseil sera aussi l’occasion pour la France d’indiquer la manière dont elle entend respecter les objectifs de redressement qu’elle s’est assignés.
La conjoncture européenne très difficile, avec une croissance très faible, ne permet pas d’atteindre les objectifs de réduction des déficits que nous nous étions fixés. Mais la Commission européenne et la Cour des comptes ont reconnu que les deux tiers des efforts de rétablissement du déficit structurel de la France résultaient des efforts accomplis depuis le mois de juin dernier.