M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Mes chers collègues, le présent texte nous offre une nouvelle expérience de dialogue au Sénat. Espérons qu’il comble les attentes exprimées par nos concitoyennes et nos concitoyens, en particulier par les militants et les représentants des associations. Ce texte et notre vote, c’est un symbole, un signal positif émis en direction de la société.
Certes, l’interprétation de cette proposition de loi concernant les mouvements sociaux a pu faire l’objet d’une confusion, M. Mézard l’étendant aux faucheurs d’OGM et aux opposants à certaines expériences scientifiques. Toutefois, en tant que scientifique, je considère que, parfois, la résistance à certaines expérimentations relève de la désobéissance civile.
Malgré des points de vue divergents, nous avons déterminé un modus vivendi et nous sommes parvenus à éclaircir certains points. Aussi, au nom du groupe auquel j’appartiens, je tiens à saluer l’auteur du présent texte, Mme la rapporteur, ainsi que la commission des lois et son président : tous ont concouru au vote de ce texte très important.
Je remercie chacune et chacun d’entre vous. À mon sens, nous avons accompli, aujourd’hui, un acte extrêmement positif. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour un rappel au règlement.
M. François Fortassin. Mes chers collègues, j’ai appris il y a quelques minutes le décès de notre ancien collègue Henri Caillavet, à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans.
Henri Caillavet a été membre du groupe de la Gauche démocratique. Libre penseur mais surtout esprit libre, il était membre du Grand Orient de France et a créé la Fraternelle parlementaire.
Député puis sénateur du Lot-et-Garonne durant de nombreuses années, il était avant tout un esprit éclairé, moderne, en avance sur son temps : on a pu le constater au travers de son travail de législateur, avec des textes consacrés notamment au don d’organes, à l’avortement, au divorce par consentement mutuel ou encore à l’homosexualité.
Aussi, je vous demande de bien vouloir observer une minute de silence en hommage à Henri Caillavet, qui fut un homme digne, modéré, mais pas modérément républicain.
M. Jean Besson. Nous demandons une minute de silence en hommage à notre ancien collègue.
M. le président. Elle sera observée à l’issue de l’examen de la présente proposition de loi.
M. Jean Besson. Il faut rendre dès maintenant cet hommage à notre ancien collègue !
M. François Fortassin. Il ne s’agit que d’une minute de silence…
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Madame la ministre, mes chers collègues, je tiens simplement à vous indiquer que, sur un sujet tel que celui dont nous discutons aujourd’hui, les leçons de morale sont assez difficiles à entendre.
Mme Laurence Rossignol. Je sens qu’il va être mauvais, celui-là…
M. Philippe Dallier. J’ignore si un parlementaire peut voir avec satisfaction des entreprises fermer sur le territoire national, ou des pères et des mères de famille plongés dans le désarroi après avoir perdu leur emploi. À mon sens, aucun d’entre nous n’est dans cette situation au sein de la Haute Assemblée.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ça va ! Vous êtes responsable de vos choix politiques !
M. Philippe Dallier. En revanche, si, en cet instant, quelqu’un avait pris place dans les tribunes de cet hémicycle sans savoir dans quel pays il se trouvait et s’il vous avait entendus décrire la situation de notre République, je me demande bien ce qu’il aurait pu en penser.
Le droit de grève est-il véritablement en danger dans notre pays ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. David Assouline. C’est n’importe quoi !
M. Pierre Laurent. Et le droit de travailler ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est indécent !
M. Philippe Dallier. Honnêtement, chers collègues de la majorité, je ne le crois pas.
Mme Cécile Cukierman. Pourtant, vous avez tout fait pour le détruire !
M. Philippe Dallier. Que certains soient conduits, par désespoir ou par colère, à commettre tel ou tel acte, c’est une réalité manifeste. Toutefois, devons-nous, à l’instar de certains, mettre en cause des décisions de justice ? Sur ce sujet, j’ai entendu certains propos qui ne sont pas acceptables dans une enceinte parlementaire.
Mme Laurence Rossignol. Ça va bien ! Ce n’est pas nous qui avons qualifié les juges de « petits pois » !
M. David Assouline. Ah, les juges rouges !
M. Philippe Dallier. Le Parlement vote la loi : si vous considérez que la loi est mauvaise, proposez de la modifier, mais ne reprochez pas aux juges d’appliquer la législation en vigueur ! (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Chers collègues, je souhaiterais vous voir exprimer autant d’ardeur pour défendre le droit de grève que pour soutenir la liberté de travailler ! (M. Pierre Laurent s’exclame.)
En tant qu’élu du département de Seine-Saint-Denis, j’attire votre attention sur ce qui se passe actuellement à Aulnay-sous-Bois, chez PSA (Mme Cécile Cukierman s’exclame.) : quatre syndicats sur six ont signé un accord avec la direction de PSA-Aulnay. Pourtant, les salariés qui veulent travailler se heurtent à de nombreuses entraves.
M. Pierre Laurent. Mais le site d’Aulnay va être fermé !
M. Philippe Dallier. Il est parfois nécessaire que certains s’interposent pour garantir la liberté du travail dans l’enceinte de l’usine.
Sur un tel sujet, il n’y a pas ici les bons d’un côté et les méchants de l’autre (Mme Cécile Cukierman s’exclame de nouveau.) : il y a les parlementaires de la République, qui cherchent à comprendre les difficultés de chacun et à y apporter des solutions.
Mme Cécile Cukierman. Nous ne jugeons pas, nous parlons d’amnistie !
M. Philippe Dallier. Je vous demande donc d’observer, à l’avenir, un peu plus de modération dans vos propos. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme Éliane Assassi, rapporteur. Et vous de même !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Éliane Assassi, rapporteur. Je ne prolongerai pas les débats : tout ce qui devait être dit l’a été, en tout cas sur les travées de la gauche.
Je regrette les propos tenus à la droite de cet hémicycle, mais je connais bien les dérapages verbaux de M. Dallier…
M. Philippe Dallier. Ah !
Mme Éliane Assassi, rapporteur. Cher collègue, je vous rappelle que le site PSA d’Aulnay va fermer ses portes en 2014,…
M. Philippe Dallier. Merci, je le sais, madame !
Mme Éliane Assassi, rapporteur. … et que les salariés ont tout à fait raison de se battre comme ils le font.
En tant que rapporteur, je voudrais remercier d’abord les auteurs de cette proposition de loi, tout le monde le comprendra, mais également Virginie Klès, qui a fait office de pilote pour le groupe socialiste dans la discussion de ce texte, ainsi que le président Rebsamen, lequel a contribué à permettre un échange constructif, fructueux et rassembleur ; un tel débat a également eu lieu avec nos collègues du RDSE et du groupe écologiste. Cela démontre que, quand la gauche se rassemble et travaille dans l’union, elle peut « atterrir » sur des textes porteurs de sens ! Car, contrairement à M. Béchu, nous nous réjouissons du signal que le présent texte adresse au monde travail.
Je souhaite remercier également le président Jean-Pierre Sueur, qui a fait preuve d’une grande patience, ainsi que les collaborateurs de notre commission, lesquels ont énormément travaillé pour nous accompagner dans la préparation de ce texte.
Enfin, et surtout, je voudrais remercier Mme la ministre pour la justesse de son ton et la force de ses convictions (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde et M. André Gattolin applaudissent également.), qu’elle parvient à déployer dans tout l’hémicycle ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. – M. Robert Hue applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission et du Gouvernement sont favorables.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 103 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 174 |
Pour l’adoption | 174 |
Contre | 172 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. À l’issue de ce débat et après le vote qui vient d’intervenir, je voudrais dire quelques mots pour saluer le travail du trio féminin de choc (Sourires.) formé par Annie David, Éliane Assassi et Virginie Klès. Il a agi comme une locomotive très puissante, qui a entraîné l’ensemble de la majorité sénatoriale.
Je souhaite également saluer la qualité des échanges et des interventions de tous les orateurs. Si le climat n’était pas serein, en tout cas il n’était pas tendu. D’ailleurs, j’aurais dit qu’il était serein s’il n’y avait pas eu l’exercice périlleux des explications de vote, durant lequel les esprits se sont un peu échauffés dans l’hémicycle. Quoi qu’il en soit, la discussion a donné lieu à une confrontation d’arguments et d’appréciations, des divergences connues et assumées.
Aujourd’hui, le Sénat a accompli un acte de très grande qualité et de justice, un acte qui honore la République. Le Gouvernement est heureux d’y avoir été associé, et d’avoir contribué à une écriture plus fine, plus subtile, plus élaborée de ce texte, par de nombreux amendements déposés en aval, car il s’agit d’une proposition de loi.
Pleinement consciente de la portée de ce travail, je veux, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, remercier les sénatrices et les sénateurs qui ont rendu cela possible. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
6
Décès de Henri Caillavet
M. le président. À la demande de notre collègue François Fortassin, et de façon tout à fait exceptionnelle, je vous demande d’observer une minute de silence à la mémoire de Henri Caillavet. (Mme le garde des sceaux, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.)
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Au nom du Gouvernement, je veux également saluer solennellement la mémoire de Henri Caillavet.
7
Nominations à un office parlementaire et à une délégation sénatoriale
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et une candidature pour la délégation sénatoriale à l’outre-mer.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- Mme Marie-Noëlle Lienemann membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, en remplacement de M. Gérard Miquel, démissionnaire ;
- Mme Odette Herviaux membre de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, en remplacement de M. Gérard Miquel, démissionnaire.
8
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 27 février 2013, qu’en application de l’article 61–1 de la Constitution la Cour de Cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 695–46 § 4 du code de procédure pénale (mandat d’arrêt européen) (2013–314 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
9
Instauration effective d'un pass navigo unique
Discussion d’une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe CRC, la discussion de la proposition de loi permettant l’instauration effective d’un pass navigo unique au tarif des zones 1-2, présentée par Mme Laurence Cohen et plusieurs de ses collègues (proposition n° 560 [2011-2012], résultat des travaux de la commission n° 371, rapport n° 370).
Je rappelle que nous devrons lever la séance au terme du délai de quatre heures réservé à l’espace du groupe CRC, soit entre dix-huit heures trente-cinq et dix-huit heures quarante.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Laurence Cohen, auteur de la proposition de loi.
Mme Laurence Cohen, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur et cher Michel, mes chers collègues, avant de devenir une proposition de loi, ce texte a déjà circulé sous diverses formes en différentes instances.
En effet, j’exerce, outre mon mandat sénatorial, celui de conseillère régionale d’Île-de-France et, à ce titre, j’ai eu l’occasion, avec mon groupe, de porter cette proposition à l’échelle régionale depuis 2004. Le pass navigo unique était une des propositions avancées durant la campagne des élections régionales de 2010 par la liste du Front de gauche conduite par notre collègue et ami Pierre Laurent. Elle a également été exprimée au STIF, le Syndicat des transports d’Île-de-France, sous forme de vœux par Christian Favier et les représentants de notre sensibilité politique au sein du Conseil régional. Enfin, elle a fait l’objet d’amendements, déposés par mes soins, au projet de loi de finances 2012. À ces moments politiques s’ajoutent la diffusion de nombreux communiqués et la tenue de nombreuses conférences de presse afin de faire connaître et partager cette mesure de justice sociale.
Je peux donc attester du chemin parcouru, avec toute la ténacité nécessaire, pour que cette proposition de financement soit peu à peu partagée et reprise par la majorité régionale et son président Jean-Paul Huchon. C’est par conséquent avec un immense plaisir que je viens aujourd’hui présenter devant vous cette proposition de loi qui est l’aboutissement d’un long parcours.
Je ne saurais minimiser le pas que nous sommes appelés, je l’espère, à faire ensemble. Si elle devait être adoptée, cette proposition de loi contribuerait à une véritable révolution tarifaire dans les transports en Île-de-France en mettant fin à une organisation régionale en zones géographiques et tarifaires aujourd’hui obsolète.
Cette mesure concerne plus de 2 millions d’utilisateurs chaque mois, dont 53 % se déplacent au-delà de la zone 2 actuelle. Afin de bien mesurer l’enjeu de ce texte et de comprendre l’évolution de notre système tarifaire et de nos modes de déplacements, je vous propose d’effectuer un petit retour dans le temps.
La construction de l’actuel métro parisien a été décidée en 1896. La première ligne reliant Porte de Vincennes à Porte Maillot, sur le trajet des actuelles lignes 1 et 2, a été ouverte en 1900. Au cours des années 1960, l’agglomération parisienne s’est rapidement étendue et les dessertes entre la banlieue et Paris ont été améliorées par la création des lignes du réseau express régional d’Île-de-France, le fameux RER, et l’amélioration des lignes de banlieue existantes.
La carte orange, créée en 1975, a été le premier titre permettant un accès illimité à tous les moyens de transport d’Île-de-France pour un prix fixe pendant une période donnée. Jusqu’alors, une personne traversant Paris pouvait devoir acheter jusqu’à cinq tickets distincts !
Elle augmenta l’usage des transports en commun de l’Île-de-France, après une période de déclin due à l’utilisation croissante de l’automobile.
L’Île-de-France était alors composée de huit zones. Si l’on vantait la qualité de vie dans la grande couronne, l’éloignement de la capitale stressante et dense a très rapidement été également dû au prix des loyers et des terrains dans le cœur de l’agglomération.
On a tenté d’accompagner ce mouvement en développant le RER, mais force est de reconnaître que, jamais, le réseau des transports de banlieue n’a été à la hauteur de celui du métro parisien.
Aujourd’hui, selon la dernière enquête globale transport, publiée en janvier 2013, 41 millions de déplacements se font quotidiennement en Île-de-France, dont 20 % en transports en commun. Entre 2001 et 2010, la mobilité en transports en commun a fortement augmenté.
Parallèlement ou paradoxalement, les transports en commun sont aussi synonymes de galère, avec des RER bondés, supprimés, en retard, connaissant de multiples incidents.
Cette situation est la conséquence d’un sous-investissement de l’État pendant des dizaines années, laissant le réseau se saturer et vieillir ; ce manque d’anticipation total de la hausse de fréquentation des transports publics va de pair avec l’exigence écologique.
Depuis 2004, la région d’Île-de-France est dirigée par une majorité de gauche ; Jean-Paul Huchon est devenu président du STIF le 1er janvier 2005. C’est à ce moment-là qu’ont été menées les premières réflexions sur une tarification sociale en Île-de-France, avec, après plusieurs années de bataille, l’obtention de la gratuité pour les chômeurs et leurs ayants droit, ainsi que la réduction des tarifs pour les personnes aux revenus les plus modestes. Aujourd'hui, personne ne remet en cause cette conquête, même s’il a fallu convaincre l’ensemble de la gauche de la justesse d’une telle mesure.
Ensuite, la réflexion a porté sur la pertinence des zones, à savoir l’adéquation entre le prix à payer pour l’usager et la qualité du service rendu.
En effet, alors que les habitants de la zone 8 étaient ceux qui payaient le tarif le plus élevé, à savoir 142 euros par mois, ils passaient le plus de temps dans les transports, avec une qualité de réseau moindre. Ils subissaient donc une triple peine, que nous n’avons eu de cesse de dénoncer, héritée d’une conception dépassée de l’aménagement de l’Île-de-France.
C’est ainsi que le nombre de zones a été réduit de huit à cinq à la suite d’une très forte mobilisation non seulement des élus, mais également des usagers.
Nous sommes ici au cœur même de la conception du service public : on ne paie pas en fonction de la distance parcourue, mais avec la garantie que l’égalité est assurée sur l’ensemble du territoire. Il ne viendrait à l’esprit de personne, me semble-t-il, de proposer pour un timbre un tarif qui diffère en fonction de la distance séparant l’expéditeur du destinataire.
Aujourd’hui, nous arrivons à une nouvelle étape : après la réduction progressive des zones, puis le dézonage le week-end mis en œuvre en septembre 2012, il nous faut aller plus loin : une seule région, une seule zone tarifaire.
À l’heure du Grand Paris, du besoin de renforcer les liens entre Paris et la banlieue, cette mesure permettrait d’affirmer concrètement cette identité régionale et d’en finir avec des barrières tarifaires somme tout artificielles.
Pour rappel, il arrive parfois que deux tarifs coexistent dans certaines villes. Cela n’a pas de sens, et constitue, par ailleurs, une fracture territoriale et une injustice sociale puisque, très souvent, ce sont les habitants des quartiers dits populaires, les plus enclavés et les plus éloignés des transports, qui paient un tarif plus élevé que ceux des centres-villes.
Malgré ces arguments, il semble que notre proposition de loi n’ait pas encore convaincu, au moment même où je parle, l’ensemble de la majorité,…
M. Charles Revet. Ah !
Mme Laurence Cohen. … hormis nos collègues d’Europe Écologie les Verts.
M. Jean-Vincent Placé. Voilà ! Disons-le !
Mme Laurence Cohen. Que reproche-t-on à cette proposition de loi ?
J’ai lu avec intérêt le compte rendu de la commission du développement durable lors de la présentation du rapport de Michel Billout. Je résumerai les critiques en deux points.
En proposant d’augmenter et d’harmoniser le versement transport, une contribution due par les entreprises, nous ferions fuir les entreprises en amoindrissant leur compétitivité dans un contexte de crise. Qu’en est-il en réalité ?
Le MEDEF réagit toujours, il est vrai, très violemment dès que l’on veut toucher au versement transport.
M. Philippe Dallier. C’est une habitude ! Évidemment !
Mme Laurence Cohen. Rappelons que cette taxe, créée en 1971, n’a pas évolué significativement depuis lors. Tout dernièrement, c’est notre collègue député Jérôme Guedj qui a fait voter une augmentation de 0,1 %,...
M. Philippe Dallier. Et voilà ! Et on recommence !
Mme Laurence Cohen. … totalement dédiée, me semble-t-il, à l’augmentation de l’offre. C’est une bonne chose, car cela profite aussi bien aux usagers qu’aux entreprises.
Je rappelle que seules les entreprises de plus de neuf salariés sont soumises au versement transport et que, en conséquence, 80 % des entreprises franciliennes en sont exemptées.
M. Robert Hue. Eh oui !
Mme Laurence Cohen. Cette précision, toujours oubliée dans les arguments du MEDEF, permet de remettre les choses à leur juste mesure. (M. Charles Revet s’exclame.)
De même, si un taux élevé fait fuir les entreprises, comment expliquer la présence de la majorité des entreprises à Paris et dans les Hauts-de-Seine, des départements où le taux est justement le plus élevé ?
On oublie trop souvent de préciser que, entre les trois contributeurs du financement des transports publics franciliens, la part des collectivités locales s’est très fortement accrue au cours des dernières années et que les usagers ont connu très régulièrement une hausse des tarifs, sans qu’ils voient toujours pour autant leurs conditions de transport s’améliorer.
Enfin, le MEDEF omet également de souligner que, si l’on parvient à créer une seule zone, avec, donc, une baisse importante des tarifs pour nombre de Franciliens, cela induira automatiquement une diminution de la part à rembourser par les employeurs. M. le rapporteur a chiffré cette économie entre 120 millions et 130 millions d’euros par an.
Je ne veux pas minorer le coût supporté par les entreprises avec la mesure que nous proposons, mais il me semble que nous devons raison garder au regard des 20 milliards d’euros accordés aux entreprises par le Gouvernement au titre, précisément, de leur compétitivité, ce qui représente un apport important pour les entreprises franciliennes.
Quant à nos concitoyens, ils ne voient guère, pendant ce temps, leurs conditions de vie ou leur pouvoir d’achat s’améliorer.
J’en viens à la seconde critique qui nous est opposée.
Si chacun reconnaît que les transports en Île-de-France ont besoin de nouvelles ressources, les questions tarifaires ne seraient pas la priorité des Franciliennes et des Franciliens, qui souhaitent avant tout des transports de qualité et ponctuels. Autrement dit, oui à de nouvelles ressources, mais pour améliorer l’existant.
Un sondage IFOP, publié en novembre 2012, montre que 77 % des Franciliens attendent le pass navigo unique.
M. Jean-Jacques Hyest. Oui ! On est d’accord sur ce point !
Mme Laurence Cohen. Par ailleurs, pour notre part, nous n’opposons pas les choses : soit le pass navigo unique, soit l’amélioration de l’existant.
Je vous rappelle que la proposition de loi initiale visait à harmoniser le versement transport au taux le plus haut, et ce pour toute l’Île-de-France. Les ressources ainsi dégagées se situaient autour de 800 millions d’euros, ce qui permettait le financement du pass navigo unique, dont le coût était estimé à 500 millions d’euros, le reste pouvant être consacré au renfort d’offre.
Afin de tenir compte des inquiétudes soulevées par les entreprises, Michel Billout propose, pour le versement transport, à juste titre et comme signe d’ouverture, des taux progressifs et différenciés selon les zones géographiques. Même si la somme dégagée est donc un peu moindre, elle permettra tout de même non seulement de participer à l’augmentation de l’offre, mais aussi d’instituer le pass navigo unique.
En tout état de cause, on ne peut pas nous reprocher à la fois de vouloir tuer les entreprises et de refuser de développer l’offre existante.
Quoi qu’il en soit, ce débat montre qu’il est indispensable de trouver de nouvelles ressources, qui vont bien au-delà de l’harmonisation du versement transport. En effet, les transports franciliens sont aujourd’hui à bout de souffle, les besoins en financements se chiffrent en milliards d’euros,…
M. Charles Revet. C’est vrai !
Mme Laurence Cohen. … ce qui nécessite la mise en œuvre d’autres mesures, notamment une taxe sur les poids lourds, une modification de la redevance pour création de bureau, la taxe stationnement, la taxe locale sur les bureaux, les locaux commerciaux et de stockage.
Les annonces prévues très prochainement dans le cadre du Grand Paris Express nous donneront la possibilité d’en débattre de nouveau. Mais j’indique d’ores et déjà que, à l’heure où un projet régional de cette ampleur se dessine, il paraîtrait vraiment plus cohérent d’avoir une tarification unifiée.
En conclusion, nous avons ici l’occasion de participer à l’écriture d’une nouvelle page des transports franciliens, qui correspond à l’évolution de nos déplacements, à plus de justice sociale et territoriale. J’espère vraiment, mes chers collègues, que nous saurons nous rassembler sur ce sujet, comme nous avons réussi à le faire au sein de la majorité régionale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – MM. Jean-Vincent Placé et Robert Hue applaudissent également.)
M. le président. En accord avec M. le rapporteur, je vais lever la séance.
La suite de la discussion de cette proposition de loi est renvoyée à une séance ultérieure.