M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Roland Ries, rapporteur. Rassurez-vous, monsieur Bertrand, dans les grandes villes, nous sommes aussi solidaires. Pour autant, je ne suis pas absolument convaincu que le dispositif des amendements que vous proposez soit complètement opérationnel, même à l’horizon de 2020.
Vous souhaitez que la loi prévoie qu’en 2020 aucune partie du territoire français ne soit à plus de trente kilomètres ou de trente minutes de voiture – cinquante kilomètres ou quarante-cinq minutes selon l’amendement n° 79 rectifié – d’une deux fois deux voies ou d’une autoroute, d’une gare desservant la capitale sans changement ou bien encore, pour ce qui est de l’amendement n° 92 rectifié, d’un aéroport. Vos amendements ont quelque chose de revigorant, dans la confiance qu’ils portent au pouvoir de la loi...
Il est vrai que tel était encore l’esprit du Gouvernement en février 1995, ce qui ne nous rajeunit pas… L’article 17 de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire disposait alors qu’ « aucune partie du territoire français métropolitain continental ne sera située à plus de cinquante kilomètres ou de quarante-cinq minutes d’automobile soit d’une autoroute ou d’une route express à deux fois deux voies en continuité avec le réseau national, soit d’une gare desservie par le réseau ferroviaire à grande vitesse ». C’était en février 1995 ! Aujourd'hui, nous sommes encore loin de telles réalisations, et, sur ce point, je partage évidemment vos vues.
Pour ma part, je pense que l’on ne peut que souscrire à l’idée d’un équilibre dans l’aménagement du territoire, mais qu’il doit s’agir d’une orientation que nous défendons dans le cadre de nos travaux parlementaires, et non d’une disposition législative contraignante, que nous n’arriverons pas à respecter.
Par réalisme, la commission a émis un avis défavorable, mais, fondamentalement, nous sommes de tout cœur avec vous. D’ailleurs, monsieur le ministre, j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement sur ces amendements.
Monsieur Bertrand, autant je suis d’accord avec les orientations qui sous-tendent vos amendements, autant je suis sceptique sur l’obligation qu’ils visent à instaurer, l’aménagement du territoire ne pouvant miraculeusement changer en l’espace de quelques années.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Comme M. le rapporteur, j’ai entendu le cri du cœur qui retentit dans les amendements de MM. Bertrand et Mézard. Comment ne pas être sensible à la réalité des territoires, particulièrement dans cette Haute Assemblée ? Comment ne pas être attaché à ce qu’ils représentent en termes de traditions de vie, de patrimoine, mais également de réalité économique, de proximité, nécessaire à la richesse, de diversité ?
On ne peut se contenter d’évoquer ces belles images de la France, sans porter de considération au développement des services publics, des voies de communication, des infrastructures. Sans ce respect de la ruralité, on en reste à de belles images de vacances estivales ou de traditions culinaires. Bien au contraire, nous devons œuvrer à l’équilibre de ces territoires. Au reste, c’était tout le sens du débat démocratique qui s’est engagé lors de l’élection présidentielle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voyez le clivage qui peut exister entre, d’une part, un schéma national des infrastructures de transport estimé à 245 milliards d’euros et, d’autre part, les attentes des territoires.
Monsieur Bertrand, vous avez exprimé la nécessité de pouvoir rejoindre un chef-lieu de canton ou de département dans de bonnes conditions. Pour les habitants, ce sont aussi des enjeux de sécurité !
Soyez assuré que le Gouvernement travaille sur ces questions. Je pense notamment à Marisol Touraine, s’agissant de la santé : il faut maintenir, à proximité des territoires, dans des conditions non pas simplement économiques, mais répondant également à des critères d’aménagement du territoire, des établissements de santé accessibles au plus grand nombre, en particulier à ceux qui se trouvent dans des zones qui n’ont pas la chance d’avoir des services adaptés et en densité suffisante.
Le souci qui est le vôtre est légitime. Vous avez souhaité le rappeler en introduction à la discussion de ce texte, et vous avez raison. Je vous ai signalé combien le Président de la République souhaitait gommer la fracture territoriale ; c’est aussi l’ambition et peut-être l’un des critères de travail de la commission Mobilité 21, qui est présidée par Philippe Duron et où les sénateurs sont présents et représentés, mais – j’ai retenu votre remarque – parfois insuffisamment. La réflexion sur la notion d’aménagement du territoire doit donc aussi sous-tendre ses travaux.
Le Gouvernement souhaite améliorer en priorité les conditions de transport au quotidien. Cela implique d’intervenir sur les crédits d’entretien routier, qui doivent être augmentés. Vous avez raison d’indiquer que vous n’êtes pas seulement concerné par les grandes infrastructures. J’évoque le cadre des programmes de modernisation des itinéraires routiers et celui des contrats de plan État-région – ils seront augmentés de 13 millions d’euros pour l’année 2013. Nous souhaitons aussi mettre l’accent sur les questions de sécurité des infrastructures. D’une façon générale, les crédits seront sensiblement augmentés, avec 312 millions d’euros en 2012, 325 millions d’euros en 2013 et 350 millions d’euros en 2014.
Par ailleurs, l’écotaxe poids lourds ne répond pas à la volonté – je l’ai dit dans mon propos initial – de venir abonder le budget de l’État : elle est destinée à celui de l’AFITF, pour financer des infrastructures de transport.
Je le répète, vous exprimez une inquiétude légitime. M. le rapporteur a lui aussi souligné la force de votre propos, qui est à la fois touchant, je l’ai indiqué, et authentique, exprimant les attentes de vos territoires. Malheureusement, la loi ne fait pas tout. Ainsi, la loi Pasqua de 1995 était très ambitieuse du point de vue de l’aménagement du territoire. Elle comprenait des dispositions législatives opposables qui ne se sont pas appliquées.
Parfois, à trop vouloir donner de force à un message, on affaiblit la loi car son opposabilité n’est plus assurée. Bien entendu, là où la loi ne peut garantir la réalisation des objectifs, il faudra que la volonté politique s’exprime. Ce sera l’enjeu de l’action du Gouvernement.
Tout en étant très favorable au principe que vous exprimez, j’ai le regret d’émettre un avis défavorable sur ces amendements pour une question tenant à la forme.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Je voudrais rappeler que, en 2003, un rapport de la DATAR dressait déjà le constat que plusieurs territoires étaient enclavés en raison de leur éloignement d’une grande infrastructure routière, d’une gare ou d’un aéroport desservant Paris.
Dans ces conditions, je comprends qu’Alain Bertrand et Jacques Mézard appellent notre attention sur cette situation inacceptable. Leurs amendements ont ce mérite ; ils proposent de modifier le code des transports en fixant soit un temps de parcours à ne pas dépasser, soit une distance kilométrique maximale. Toutefois, cela fait de nombreuses années que nous réfléchissons à la question posée et il ne me semble pas que ces amendements constituent le meilleur moyen de lui donner une réponse adaptée.
Je pense qu’il vaudrait mieux profiter de la réflexion qui est actuellement menée sur la révision du schéma national des infrastructures de transport pour tenter de rendre prioritaire le désenclavement des territoires qui avaient été fléchés par la DATAR en 2003. M. le ministre a fait référence à ce travail, confié à un groupe constitué autour de M. Philippe Duron.
Je veux indiquer à Alain Bertrand et Jacques Mézard qu’il serait souhaitable de ne pas soumettre ces amendements au vote et de demander plutôt à M. le ministre si l’interprétation que je viens de donner des possibilités offertes par la révision du SNIT est envisageable. Ainsi, on obtiendrait certainement une réponse plus rapide et plus adaptée à la question soulevée, qui est fort légitime. Sinon, je crains que le texte que nous voterons ne reste lettre morte…
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Nous sommes tous ici de fervents partisans de l’aménagement du territoire. J’avoue toutefois ma grande inquiétude à la lecture de ces amendements. Ainsi, si l’on fait un calcul rapide sur la base d’une maille de trente kilomètres, le territoire national se retrouverait zébré de lignes de TGV et d’autoroutes et l’on arriverait à une consommation de notre espace rural,…
M. Alain Bertrand. Les amendements laissent le choix !
M. Ronan Dantec. … qui, même en tenant compte du « ou » figurant dans vos amendements, atteindrait des sommets inégalés en Europe et dans le monde.
Un autre élément m’inquiète encore plus : l’idée selon laquelle il serait nécessaire qu’une gare desserve la capitale sans changement ou qu’un aéroport permette cette liaison directe. Cette conception de l’aménagement du territoire me semble furieusement IIIe République. Ce pays a changé ! Les grandes villes – je regarde Roland Ries – ne raisonnent plus uniquement en se tournant vers Paris, même s’il faut bien un TGV Strasbourg-Paris.
L’avenir d’un certain nombre de territoires – nous sommes tous convaincus de la nécessité de leur développement – se joue désormais différemment. Je pense notamment au besoin croissant du renforcement des villes moyennes au regard du développement des deuxièmes et troisièmes couronnes dans les grandes agglomérations – phénomène qui ne concerne pas seulement la région parisienne. Or ces amendements n’intègrent pas ce qu’est devenu ce pays en termes d’enjeux d’aménagement du territoire – évolution que la loi Voynet avait amorcée en mettant l’accent sur le développement endogène de nos territoires.
Je voterai donc contre ces amendements, qui portent une vision de l’aménagement du territoire quelque peu datée et ne correspondant plus guère aux enjeux actuels. En tout cas, j’espère qu’un groupe de travail ou de réflexion permettra d’aller au fond de ces questions.
Par ailleurs, nous n’avons pas les moyens de tout faire et il faudra donc hiérarchiser les priorités. L’ardoise financière dépasse ici de loin les capacités du pays. Néanmoins – je me rapproche ici d’une partie des dispositions proposées –, il existe des territoires proches de Paris en TGV, avec des parlementaires qui arrivent frais et dispos en moins de deux heures – le temps de prendre son café en quelque sorte –, qu’une desserte autoroutière achève de désenclaver et qui souhaiteraient néanmoins que soient réalisés des investissements massifs parce que leur aéroport international n’est pas assez développé…
Il y a une vraie concurrence des offres de mobilité à grande vitesse autour de certaines métropoles. Avant de renforcer encore ces offres dans ces territoires déjà bien dotés – où elles arrivent en outre à se concurrencer entre elles, si bien que le retour sur investissement s’affaiblit –, il serait préférable d’investir soit dans la mobilité à grande vitesse au profit des territoires qui en sont dépourvus, soit dans une mobilité de qualité dans l’interconnexion entre les grands centres urbains régionaux et les villes moyennes – cela n’implique pas la grande vitesse –, ce qui est un enjeu majeur d’aménagement du territoire.
Je pense que nous pouvons nous retrouver sur ce point et, si un groupe de travail est créé, la question de la concurrence des offres de mobilité à grande vitesse dans des territoires très bien dotés y sera, à mon avis, d’actualité.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, pour explication de vote.
M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, je savais qu’il y avait dans votre commune un footballeur exceptionnel, mais je ne savais pas que s’y trouvait aussi un ministre talentueux et brillant.
M. Jean Besson. C’est gentil !
M. Jean Boyer. Vous défendez le Gouvernement, non pas de façon inconditionnelle, mais en manquant peut-être un peu d’objectivité…
Ici, personne n’a de monopole pour s’exprimer sur un sujet. Reste que quand on est malade ou handicapé, on parle de sa maladie ou de son handicap avec plus de vérité.
Le gouvernement d’hier – dont vous pourriez reprendre les propos – comme celui d’aujourd’hui oublient « la France d’en bas ». Disons-le franchement, peut-être parce que cette dernière est silencieuse, parce qu’elle compte moins d’électeurs ou parce qu’elle s’est un peu résignée.
Cher collègue Bertrand, cher voisin. En Lozère, vous êtes dans l’un des trois départements de France qui est totalement en zone de revitalisation rurale. Pour ma part, je suis dans un département où vingt-deux cantons sur trente-cinq sont en ZRR. Or, même s’il ne faut pas opposer les zones rurales et les zones urbaines, parce qu’elles sont complémentaires, il faut bien dire que la France rurale, la France d’en bas, on l’oublie depuis des années !
Avec ce projet de loi, dont certaines dispositions ont été votées en 2008, les départements ruraux subissent un nouveau tir, et je ne dirai pas sur une ambulance, car nous sommes des hommes qui avons un idéal. L’ancien gouvernement et celui d’aujourd'hui – vous avez évoqué ce qu’on pourrait appeler des images d’Épinal, monsieur le ministre – nous disent que la France rurale est belle. Oui, en Haute-Loire il y a des vallées, des cours d’eau, une alternance de forêts et de pâturages, mais il y a aussi des hommes qui ont un idéal, je l’ai dit, et qui veulent y rester ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. J’ai beaucoup d’estime pour les amendements de MM. Bertrand et Mézard, dont je comprends les motivations, étant moi-même l’élu d’un département dont la densité moyenne est de trente et un habitants au kilomètre carré, cette densité étant même inférieure à quinze habitants au kilomètre carré dans la plupart des cantons.
Ayons toutefois la lucidité de reconnaître que notre territoire national métropolitain, celui visé par ces amendements, subit à la fois des contraintes géographiques, historiques et, dans les décisions d’aujourd'hui, économiques. Dans ces conditions, pouvons-nous raisonnablement voter ces amendements ?
Nous pourrions le faire : nous sommes dans l’opposition – ce serait faire malice au Gouvernement – et, avec un peu de bonne volonté, nous parviendrions à rassembler une majorité de circonstance sur des dispositions qui suscitent l’adhésion spontanée de l’ensemble des membres de cet hémicycle. Reste que cela ne serait assurément qu’un signal d’alarme, un témoignage d’alerte, comme vient de le faire, avec beaucoup d’émotion, Jean Boyer.
Monsieur le ministre, nous vous faisons crédit de votre ambition de nous présenter, après les travaux que M. Philippe Duron conduit suivant un calendrier que vous pourriez peut-être nous préciser, une réflexion globale sur l’ensemble des infrastructures dans notre pays. Dans ce débat, nous pourrions en effet reprendre les questions évoquées par nos collègues Bertrand et Mézard ainsi que les autres signataires de ces amendements.
Si nous votions ces dispositions, l’Assemblée nationale les retoquerait en soulignant que la Haute Assemblée a travaillé avec superficialité dans le registre de l’émotivité. Ce n’est pas notre culture ; sur un sujet majeur et grave, nous voulons travailler sur le fond et attendons du Gouvernement qu’il nous dise, connaissant les contraintes financières générales, particulièrement celles de l’AFITF – pour lequel l’écotaxe est assurément un soutien, quoique insuffisant –, comment gérer la pénurie.
Pour prolonger les propos de Jean Boyer, j’aimerais savoir pourquoi la région la plus dense, la plus riche, où la circulation est la plus forte et où les embouteillages sont les plus fréquents, soit également celle où les péages routiers sont inexistants. Tout provincial qui prend l’autoroute paie un péage au premier kilomètre !
Les douze millions de Franciliens vivent mal très largement parce que leurs réseaux routiers sont gratuits, ou l’étaient jusqu’à présent. Grâce à l’écotaxe, la Francilienne, l’A106 vont commencer à participer au financement d’infrastructures coûteuses qui pénalisent non seulement les Franciliens, mais également les provinciaux qui ont toujours, dans ce pays centralisé, la nécessité de venir à la capitale. Ils sont d’ailleurs deux fois perdants : parce qu’ils ont du mal à quitter leur territoire faute d’infrastructures et, quand ils en ont – ce qui est le cas de la Lorraine –, parce qu’ils arrivent dans une région parisienne saturée où les Franciliens sont certes mécontents mais accèdent à des infrastructures que nous, provinciaux, je le répète, payons dès le premier kilomètre parcouru.
Ce que nous attendons de vous, monsieur le ministre – les amendements de nos collègues Bertrand et Mézard sont manifestement des amendements d’appel –, c’est que, au-delà de la mise en œuvre de l’écotaxe, vous puissiez nous indiquer un calendrier. Les élus des territoires doivent pouvoir se retrouver pour assumer des choix, en sachant que les contraintes économiques, les réalités géographiques et l’histoire même de nos infrastructures et de l’organisation politique de notre pays ne nous permettront pas de tout réaliser. Il faut en effet accepter des priorités, qu’il vous appartient de nous donner au nom du Gouvernement, puis les accompagner par des financements.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne choisirons pas la facilité, qui serait de vous mettre en difficulté ; nous nous abstiendrons dès lors que vous nous fixerez un calendrier précis.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Je remercie M. Bertrand d’avoir engagé ce débat. J’habite pour ma part le Massif central et, à l’échelle de la France, on peut dire que le Grand Centre est le grand oublié de l’aménagement du territoire.
M. Gérard Longuet. C’est vrai !
Mme Mireille Schurch. Au-delà des réseaux ferré et routier, nous avons des difficultés d’accès au haut débit, au très haut débit, à la santé. Nous faisons partie de ce qu’on appelle les déserts médicaux, les zones blanches.
Monsieur Bertrand, l’égalité des territoires est un sujet d’ampleur qu’il faut traiter de façon globale, en considérant non seulement les réseaux routier et ferré, mais également l’ensemble des accès de première nécessité dans les zones délaissées. C'est pourquoi je m’abstiendrai sur ces amendements, tout en vous remerciant de les avoir défendus, car il est important que la Haute Assemblée appelle l’attention du Gouvernement sur ce grand sujet.
Puisque le Gouvernement compte un ministère de l’égalité des territoires, ce que nous apprécions, j’invite Mme Duflot à nous fixer un rendez-vous afin que nous puissions avancer.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Le sujet de l’aménagement du territoire, de l’équilibre des territoires, même s’il a sa place dans le cadre de ce texte, relève en effet d’une politique globale et d’un débat à l’échelon national.
J’entends, monsieur Longuet, votre invitation à de la clarté, à de la méthode, peut-être même à des réponses…
M. Gérard Longuet. La commission Duron y travaille !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Nous avons effectivement eu la volonté de saisir une commission ad hoc de parlementaires de différentes sensibilités sur l’équilibre du territoire.
Je ne dis pas que vous avez agi dans l’opposition entre les territoires, mais il est vrai que 80 % du transport transite chaque jour par l’Île-de-France et qu’un seul problème sur une ligne de RER affecte des centaines de milliers de personnes. Cela ne signifie pas pour autant, vous avez eu raison de le souligner, que les territoires de moindre densité ne doivent pas recevoir la même attention, le même intérêt. Les infrastructures peuvent induire le rayonnement d’un territoire et en tout cas éviter que les perspectives de chacun ne diffèrent, par un enclavement, sur notre territoire.
C’est donc un sujet qui concerne tous les territoires. J’entends d'ailleurs rarement les élus dire que leur région est très bien dotée.
M. Gérard Longuet. Cela fonctionne bien en Lorraine, nous y avons travaillé !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Il faut toujours un TGV supplémentaire, plus rapide, une voie nouvelle, éventuellement un aéroport, d’autres autoroutes… Chacun adresse des demandes, voire des suppliques pour obtenir des infrastructures de transport sur son territoire.
Il faut pouvoir prendre en compte les attentes légitimes d’un certain nombre de territoires insuffisamment dotés d’infrastructures de transport. Dans le même temps, nous sommes confrontés à une attitude consommatrice de la part de certaines régions, qui veulent parfois additionner les modes de transport. Parmi les critères de réflexion de la commission Duron figureront bien évidemment le désenclavement et l’équilibre des modes de transport. Peut-on à la fois disposer d’une ligne à grande vitesse ferroviaire et maintenir un aéroport ?
M. Ronan Dantec. Très bonne question !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. De telles questions se posent régulièrement.
Il convient donc d’adopter, en la matière, une approche raisonnable. Les conclusions des travaux de la commission Duron seront l’occasion d’engager le débat. Les grandes infrastructures sont nécessaires, surtout lorsqu’elles ont une dimension européenne ou s’il s’agit de modes de transport alternatifs.
M. Ronan Dantec. Voilà !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Pour autant, le désenclavement et l’aide aux collectivités les plus éloignées des infrastructures de transport sont un sujet à part entière. Je n’ai pas encore reçu Philippe Duron, parce que je ne souhaitais pas intervenir dans la classification des critères. Chaque euro d’argent public dépensé doit avoir aujourd’hui la plus grande utilité. Il reste à savoir ce que cette notion signifie. À cet égard, l’équilibre des territoires ne saurait être relégué au second plan ; il appartiendra à chaque élu, en toute responsabilité, d’avoir une telle approche.
Le Gouvernement, qui n’est pas aux affaires depuis très longtemps, vous en conviendrez, monsieur Boyer, s’efforce d’adopter depuis quelques mois une approche différente en matière de politique de transports. J’ai demandé que chaque territoire, je l’ai rappelé devant les préfets de région et de département, fixe la liste des infrastructures imparfaites et insuffisamment suivies.
Nous trouvons un peu partout sur notre territoire des exemples de mauvaise utilisation de l’argent public, ou en tout cas de programmes échelonnés sur plusieurs dizaines d’années, dont les prémices ont souvent pour vertu, certes non dénuée d’intérêt, de faire patienter les territoires, de donner les signes d’une volonté politique. Je pourrais citer la L 2 à Marseille, pourtant située sur un territoire très peuplé. Les exemples ne manquent pas de telle ou telle réalisation, ici un rond-point, là un viaduc, qui attend désespérément la voie qui doit la relier aux zones urbaines ou rurales.
Bref, j’ai demandé aux préfets d’opter pour l’efficacité en la matière, y compris en s’affranchissant parfois de l’excellence. Il s’agit non pas de remettre en cause la sécurité ou de belles réalisations dont nous sommes fiers, mais d’éviter de vouloir absolument construire une deux fois deux voies si elle n’est pas nécessaire, faute de se retrouver avec un objectif inatteignable et, au final, de perdre dix ou quinze ans de financements et de réalisations.
Il convient donc de revenir à plus de réalisme dans les équipements, y compris en termes de capacité financière. À cet égard, chaque territoire sera interrogé sur ses possibilités de réalisation, sur ses ambitions, mais aussi leur respect, notamment en appauvrissant certaines demandes excessives, tout en restant dans l’efficacité au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur Bertrand, les amendements nos 92 rectifié et 79 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Alain Bertrand. Comme en témoignent les propos qui ont été tenus tant par MM. Longuet, Boyer et Teston que par M. le rapporteur et M. le ministre, tout le monde a à cœur l’aménagement du territoire. J’espère que nous aurons réalisé un progrès sensible, monsieur le président de la commission, car nous avons tous intérêt à ce que notre territoire vive harmonieusement. Nous ne pouvons plus continuer à concevoir les infrastructures uniquement en fonction du nombre d’habitants, du rendement économique, du coût ; c’est contraire à l’esprit de la République.
Sans doute ma proposition sera-t-elle plus appropriée dans un texte concernant la décentralisation, l’égalité des territoires ou le SNIT ; je vous fais confiance. Dans ces conditions, je retire mes amendements. J’indique simplement à notre collègue écologiste que je ne défendais pas mon département, mais bien l’ensemble des territoires ruraux et hyper-ruraux. Je ne suis pas assez bête pour demander un TGV, un aéroport, une autoroute ou une deux fois deux voies ; je sais que l’argent est rare et qu’il doit être compté. M. le ministre a d’ailleurs insisté sur le fait que, dans la période actuelle, l’ambition de certains projets devait être revue à la baisse.
Quoi qu’il en soit, je vous remercie, monsieur le ministre, mes chers collègues, de la qualité du débat. (Applaudissements.)
M. le président. Les amendements nos 92 rectifié et 79 rectifié sont retirés.
Article 1er
Au deuxième alinéa de l’article L. 2111-11 du code des transports, les mots : « Lorsque la gestion du trafic et des circulations » sont remplacés par les mots : « Lorsque la gestion opérationnelle des circulations ».
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 2.
Article 2
L’article L. 2121-7 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La région peut adhérer à un groupement européen de coopération territoriale ayant notamment pour objet l’organisation de services ferroviaires régionaux transfrontaliers de personnes dans les conditions prévues par le code général des collectivités territoriales et les traités en vigueur.
« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l’article L. 2121-4, une convention passée entre le groupement européen de coopération territoriale et la Société nationale des chemins de fer français fixe les conditions d’exploitation et de financement des services ferroviaires régionaux transfrontaliers organisés par ce groupement pour leur part réalisée sur le territoire national. »