M. Jean Bizet. Ah !
M. Jean-Luc Fichet. Une nouvelle taxe n’est jamais une bonne nouvelle pour celui qui la paie, mais il convient de ramener les choses à leur juste proportion. C’est ainsi que nous soutenons la proposition de notre rapporteur qui vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport détaillé sur les effets de ce dispositif d’ici à la fin de 2014.
D’ores et déjà, monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur le fait que l’application d’une éco-redevance ne saurait pénaliser le développement économique d’une région. Je pense bien évidemment à la Bretagne, qui présente des qualités et des contraintes géographiques propres. Il y est en effet difficile de favoriser le transfert vers les voies ferrées et les voies navigables. Ces deux derniers modes de transport y resteront marginaux pour des raisons techniques et géographiques évidentes, liées à sa situation périphérique.
J’évoque la Bretagne puisque je suis élu de ce territoire, mais je pourrais aussi évoquer l’Aquitaine ou Midi-Pyrénées.
L’étude d’impact annexée au projet de loi indique que le taux envisagé serait de 3,3 % pour le dispositif de majoration forfaitaire unique breton.
L’écotaxe se doit de soutenir le développement économique d’un territoire tout en assurant un développement propre et respectueux de l’environnement, dans des conditions d’équilibre entre divers modes de transport, chacun d’eux ayant son domaine de spécificité propre.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous donner la garantie que les engagements pris envers les régions périphériques, régions qui souffrent d’un isolement relatif aux extrémités de notre pays, soient respectés et que la mise en place de cette écotaxe soit conduite avec la plus grande rigueur afin que les situations particulières soient prises en compte de la façon la plus complète et la plus précise possible.
Toujours sur le transport routier, permettez-moi, monsieur le ministre, d’évoquer la situation des fonctionnaires chargés du contrôle et de la verbalisation sur la route des véhicules poids lourds. J’ai eu l’occasion de rencontrer un de leurs représentants.
Ces personnels seront essentiels pour la bonne mise en place de l’écotaxe, mais également pour les nouveaux contrôles issus du décret du 4 décembre 2012 portant de 40 à 44 tonnes le poids maximum des camions. Ils sont les représentants du ministère en matière de sécurité routière, mais également en matière de droit social.
Afin de débloquer leur situation, certains syndicats ont mis sur la table, en échange d’une revalorisation statutaire, la possibilité d’intercepter les camions, en lieu et place des gendarmes, comme cela se pratique dans d’autres pays européens. C’est selon eux un accord donnant-donnant. J’aimerais connaître votre sentiment, monsieur le ministre, sur les moyens de parvenir à un accord.
Enfin, je terminerai mon propos en passant de la route à la mer. J’ai déposé un amendement qui reprend un long travail entamé il y a plusieurs années sur le devenir des bateaux de plaisance hors d’usage. Ces épaves sont une source de tracas pour les collectivités locales du littoral.
Chaque année, on dénombre quelque 2 000 bateaux de plaisance arrivant « en fin de vie », retirés de la navigation, tournant à l’état d’épaves, stockées, brûlées ou coulées en mer sans égard au fait que celles-ci renferment des déchets dangereux. Ces bateaux poubelles qui se trouvent pour la grande majorité d’entre eux sur le domaine public sont un véritable fléau et représentent une pollution visuelle et environnementale.
Le Grenelle de la mer a abordé cette question. À cette occasion, les acteurs économiques du nautisme et de la plaisance ont sollicité les pouvoirs publics sur l’urgence de la mise en place d’une réglementation en faveur de la déconstruction des bateaux. S’il existe aujourd’hui des démarches industrielles de déconstruction, il est important que cette question, qui touche à la propriété privée, relève des pouvoirs publics.
J’ai donc déposé sur ce sujet un amendement dont l’objet est que la destruction des bateaux hors d’usage prenne une dimension nationale essentielle, à sa juste valeur environnementale. En ce domaine, les pouvoirs publics n’ont que trop tardé à agir. Cet amendement complète le projet de loi dans son article 15, qui prévoit de clarifier la procédure de déchéance de propriété pour les navires abandonnés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, la discussion générale ayant été riche et constructive, je ne répondrai peut-être pas à toutes les interrogations qui m’ont été posées, me laissant la possibilité d’y revenir au cours du débat.
Les intervenants ont souligné l'enjeu et l'ampleur du texte, mentionnant les thématiques qu’il aborde et insistant sur les points clés. Je remercie d’ailleurs celles et ceux d’entre vous qui ont mis en avant l'impulsion politique donnée par le Gouvernement et sa volonté d'améliorer un dispositif, qui s’avère – chacun s’accorde à le reconnaître, quels que soient son appartenance et son statut politiques – particulièrement complexe à mettre en œuvre, d'autant qu'il touche à une réalité économique.
Permettez-moi de développer brièvement mes premières réactions aux différentes interventions, souvent complémentaires, sur ce texte, qui comporte vingt-cinq articles.
Je remercie d’abord le rapporteur pour les agréables remarques qu'il a portées sur ce texte, notamment sur les dispositions de nature à le rendre le plus opérant possible.
Cher Roland Ries, vous avez signalé que nous nous engagions sur la voie d'une fiscalité écologique, mais qu'il fallait être attentif à ne pas mettre en place un dispositif d'exonérations, à ne pas ouvrir la boîte de Pandore, pour reprendre votre expression. Vous avez raison, d'autant que nous sommes soumis au droit européen et que nous devons respecter des directives européennes ; j’y reviendrai.
Concernant l'article 5, j’ai bien entendu toutes les demandes d'explication, émanant de bon nombre d'orateurs ; j’y reviendrai plus précisément dans quelques instants.
Vous avez suggéré un renforcement de la transparence des comptes de la SNCF pour les régions. Il sera temps de vous apporter réponse et – j'en suis persuadé – satisfaction.
Je vous remercie d’avoir soutenu les dispositions « maritimes » du texte ; d’autres sont relatives au fluvial, un sujet auquel vous êtes attentif.
Je vous remercie également, madame Des Esgaulx, d’avoir mis en perspective ce texte et tenté d’expliquer, comme vous l'avez d'ailleurs très bien fait dans votre rapport pour avis, les difficultés inhérentes au dispositif mis en place. Vous avez souligné la volonté du Gouvernement de le rendre lisible, d’assurer son entière application et, surtout, de ne pas pénaliser un secteur d'activité. Certains orateurs l’ont signalé, plus de 80 % des acteurs du transport routier sont de petites entreprises de moins de dix salariés. C'est dire combien les difficultés peuvent être grandes notamment en termes de comptabilité.
Vous avez eu raison de le souligner, la répercussion, c’est la traduction du principe « utilisateur-payeur » du Grenelle, instauré par l'article 153 de la loi de finances pour 2009.
Cela a été rappelé par bon nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, la plupart des dispositifs ont déjà été votés, à tout le moins leur cadre et leur champ d'application. Je tenais moi aussi à le rappeler, car il semblerait que certains, peut-être libérés par le fait de ne plus être dans la majorité, manifestent quelques velléités ! Quand on est dans l'opposition, on s'affranchit d'un certain nombre de réalités, qui s’imposent pourtant à tous. Je le redis, ces dispositifs ont été votés, leur cadre et champ d'application ont été mis en place. Il faut maintenant rendre l’ensemble cohérent.
Vous avez demandé un système de simulation pour les redevables, madame la rapporteur pour avis. Effectivement, c’est une sage information qui peut leur être apportée. Vous avez aussi évoqué une commission nationale de suivi et posé un certain nombre de questions quant aux dates d'application des dispositifs ; j’y reviendrai lors de la discussion des articles.
Monsieur Capo-Canellas, vous avez souhaité obtenir diverses précisions. Vous avez adhéré à certaines prises de position concernant le principe et les modalités d'application. J'y reviendrai plus précisément lorsque j’aborderai les articles qui ont été particulièrement commentés lors de la discussion générale.
J’ai entendu votre demande, monsieur Chevènement. Nous devrons faire en sorte que l’AFITF bénéficie de moyens importants. Nous sommes au cœur de la discussion, et votre soutien est une force supplémentaire.
Ronan Dantec et Odette Herviaux ont évoqué l’importance des questions maritimes. Là encore, je reviendrai sur ce point dans quelques instants.
Effectivement, madame Schurch, la procédure accélérée a été engagée sur ce texte. J'ai toutefois pris soin, autant qu'il m'était possible, de consacrer tout le temps nécessaire aux parlementaires qui souhaitaient m’interroger. Vous avez relevé les raisons pour lesquelles la procédure accélérée a été engagée, et j'ai expliqué pourquoi il était nécessaire que les dispositions du projet de loi soient applicables dans un laps de temps assez court. Ce texte doit permettre d’apporter les réponses que les professionnels attendent.
Vous m'avez également interpellé, tout comme Mme Herviaux, sur la réalité des corps professionnels et sur le rapport de la Cour des comptes concernant les administrations maritimes, auxquelles nous sommes attachés. Nous serons d’ailleurs amenés à revenir sur ce point lors d'autres débats.
Vous avez souligné que le texte était « équilibré et courageux », ce qui m’a ému et touché. (Exclamations amusées sur plusieurs travées.)
M. Gérard Longuet. Vous êtes un grand sensible !
M. Gérard Longuet. Timeo Danaos…
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Monsieur Grignon, vous avez mis en exergue la volonté du Gouvernement de mettre l’accent sur les conditions de sécurité dans le transport ferroviaire et, surtout, sur l'approche environnementale. Comme Michel Teston, vous avez souhaité aborder l'ensemble des articles, et j'y ai été sensible car vous avez évoqué des articles moins commentés relatifs aux questions ferroviaires. Je pense notamment aux articles 1er, 2 et 4, et à la question de l'assermentation d'un certain nombre d'agents.
J’ai été touché, monsieur Bertrand, par vos remarques concernant l'aménagement du territoire. Vous êtes très suivi dans votre département puisque, au moment même de votre intervention dans la discussion générale, je recevais un tweet m’enjoignant de ne pas oublier la Lozère et la RN 88 ! Même si, dans votre département, il n’y a ni autoroute, ni aéroport, ni TGV, il y a des personnes qui savent relayer – et de belle manière ! – vos préoccupations. Ce clin d'œil, qui n’est peut-être que le fruit du hasard, m'amène finalement à évoquer le sujet que vous souhaitiez mettre en avant : l'aménagement du territoire.
Tous les textes relatifs aux transports sont effectivement au cœur de cette problématique, et le report modal en est l’un des enjeux. Nous avons eu l'occasion d'en parler, vous savez combien ce sujet est cher au Président de la République ; il m’appartient, avec mes collègues du Gouvernement, de lui donner réalité.
Monsieur Bizet, je vous rappelle que vous avez voté le texte de 2008. Or vous semblez aujourd'hui être en proie au remords.
M. Jean Bizet. Ce n’est pas tout à fait cela !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Vous souhaitez revenir sur une prise de position qui a peut-être été involontaire ou contrainte. Quand on appartient à la majorité, on ne fait pas toujours ce dont on a envie ! Le fait d’avoir recouvré la liberté vous donne, me semble-t-il, la possibilité de préciser votre point de vue, mais je prends peut-être quelques libertés avec l'interprétation de vos propos…
Je tiens à vous dire que les questions que vous avez évoquées, notamment l'activité des grossistes, le transport local et la majoration forfaitaire, ont été traitées dans le texte que vous avez voté. S’agissant de l'écotaxe poids lourds et de son champ d'application – j’y reviendrai avec force détails et argumentations –, vous devez savoir que tout cela figure dans ce texte, qui est aujourd'hui opposable à tous.
Ce dont nous discutons aujourd'hui, c’est de la répercussion des dispositions de ce texte. Vous mettrez à mon crédit et à celui du Gouvernement que nous cherchons à protéger les transporteurs, particulièrement les petits transporteurs. D'ailleurs les professionnels ne s'y sont pas trompés et ont dit tout le bien qu'ils pensaient de notre démarche…
M. Jean Bizet. Pas tous !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. … ou, à tout le moins, de la discussion que nous avons engagée avec eux ; mais peut-être n’y avez-vous pas prêté suffisamment attention ?
Je souhaiterais revenir rapidement sur quelques articles.
Le rapporteur, la rapporteur pour avis, ainsi que MM. Capo-Canellas, Grignon et Teston, ont souhaité que j’apporte des précisions sur l'article 5, ce que je ferai lors de l’examen des amendements. Vous avez rappelé, monsieur Teston, combien la réforme de la décentralisation de 2004 avait laissé un souvenir douloureux à bon nombre d'élus locaux et de représentants nationaux. Je suis attentif à cette question, sur laquelle je vous rassurerai dans quelques instants.
S’agissant de l'article 7, il a nourri l'essentiel des interventions, que je ne vais pas toutes reprendre. Vous avez souhaité, monsieur Capo-Canellas, connaître les mesures d’accompagnement et savoir s'il était possible de décaler de quelques semaines. Je reviendrai sur ce point. Il a également été question de l'expérimentation à blanc, qui fait l’objet d’un amendement de M. Ries, et particulièrement du sort que vous souhaitez réserver à l'expérimentation alsacienne.
Vous avez cité le cardinal de Retz ; je ne sais pas si c’est à mon détriment que je sortirai de l’ambiguïté, en l’occurrence laissée par d’autres… Vous avez tout de même estimé que le projet de loi était audacieux et que la politique du Gouvernement l’était également, au moins sur deux points : la future réforme ferroviaire et l'écotaxe poids lourds. Je pourrais donc reprendre à mon compte cette célèbre citation : « De l'audace, encore de l'audace, toujours de l’audace ! » Mais puisque nous sommes ici au Sénat, et non à l'Assemblée législative en 1792, laissons à Danton ses propos et revenons à notre débat sur l'écotaxe poids lourds…
Monsieur Dantec, vous avez évoqué les propos du Président de la République ; il est toujours agréable d'entendre les parlementaires le citer. L'écologie n'est pas une punition. Nous devons replacer ce texte dans le cadre de la fiscalité écologique ; le Gouvernement, par l’intermédiaire de ma collègue Delphine Batho, s’est engagé dans cet enjeu qu’est la transition énergétique, afin que nous puissions atteindre un rang de classement plus honorable dans ce domaine. Sur les 20 milliards d’euros nécessaires, en voilà déjà 1,2 milliard !
Vous avez mentionné d'autres points, comme les poids lourds de 25,25 mètres et les discussions avec les SCA, les sociétés concessionnaires d’autoroutes. Les longues heures de débat qui nous attendent me permettront de vous apporter quelques précisions à ce sujet, sur lequel vous avez des préventions. Vous n'êtes d’ailleurs pas le seul, Michel Teston ayant dit en termes très clairs combien il se souvenait, comme certainement une grande majorité des parlementaires, de la privatisation des autoroutes. Nous avons aujourd'hui des rapports compliqués avec les SCA, qui gèrent un bien public, un domaine public.
M. Grignon a souligné que l’article 7 rendait plus lisible le dispositif du décret initial, qui ne survivra pas au vote – je l’espère positif – de votre assemblée. Néanmoins, il a également mis en avant un certain nombre de sujets posant des difficultés, comme les petits transporteurs, les poids lourds de plus de 12 tonnes, l'écotaxe alsacienne et l'expérimentation, sur lesquels je reviendrai.
M. Teston a apprécié la clarté du texte, mais est revenu sur l'activité d’Ecomouv’ et sur la nécessité d'évaluer, j'y faisais référence, l'effet d'aubaine dont les sociétés concessionnaires d’autoroutes pourraient bénéficier à la suite de la mise en place de l’écotaxe poids lourds.
Je remercie Jean-Jacques Filleul d’avoir évoqué l'importance des discussions avec les professionnels, parce que nous avons cherché à mesurer les enjeux et, surtout, à prendre en considération la réalité économique de ce secteur particulièrement en difficulté.
J’aurai également l’occasion de rassurer Jean-Luc Fichet sur l’application de la mesure aux régions périphériques.
J’en viens maintenant à un certain nombre d’articles qui ont été évoqués.
Jean-Jacques Filleul, Francis Grignon, Michel Teston et d’autres ont fait référence aux articles 3 et 4. Même si tous les articles portant sur le ferroviaire ont leur importance, vous avez eu raison de souligner, madame Schurch, qu’il ne s’agit pas encore de la grande réforme attendue. La concertation a ses nécessités, en termes de temps, de calendrier…
En attendant, ces articles m’offrent l’occasion de donner quelques précisions sur la compatibilité européenne, sur laquelle Jean-Jacques Filleul et vous-même vous êtes interrogés. Dans ce texte, l’« eurocompatibilité » existe, s’agissant notamment des questions maritimes. Nous avons aussi à cœur d’avoir une position nationale exigeante en matière d’interprétations européennes.
En ce qui concerne l’article 16, Ronan Dantec, Francis Grignon et Odette Herviaux ont regretté que nous n’allions pas suffisamment loin. Toutefois, dans la mesure où le dispositif juridique découlant des engagements internationaux de la France n’était pas applicable, nous avons souhaité que ce texte puisse permettre – c’est l’objet des articles 16 et 18 – une meilleure indemnisation, une meilleure prévention, une meilleure couverture des risques. Bien évidemment, nous aborderons les autres sujets dans le cadre de la politique maritime intégrée que nous souhaitons construire, à laquelle vous êtes attachée, madame Herviaux ; je le suis tout autant que vous !
Nous aurons également à revenir sur l’article 23, qui, d’une certaine manière, exprime la réalité que nous souhaitons donner à un cadre de concurrence. La concurrence existe mais ne peut être sauvage. Elle ne peut notamment se faire au détriment de dispositions sociales ou aboutir à ce que des statuts sociaux soient retenus pour certains services et écartés pour d’autres – je pense notamment au cabotage maritime.
Je reviendrai sur les précisions demandées. En tout état de cause, si les règles de la concurrence constituent une réalité incontestable de la compatibilité européenne, encore faut-il que leur application ne se fasse pas au détriment des règles nationales sociales et que les mêmes dispositifs soient applicables pour les mêmes types d’activités, particulièrement lorsqu’il s’agit du cabotage national.
Mme Schurch a souhaité la création d’un pavillon européen ; nous y sommes tous favorables. D'ailleurs, il y a quelques mois, nous appelions de nos vœux la construction de ce pavillon européen, qui est la vraie solution face au défi maritime. Malheureusement, il faudra encore et toujours convaincre ! Vous avez vu combien il était nécessaire d’obtenir une majorité européenne pour construire les orientations d’une Europe de la croissance, de l’avenir et du respect des ambitions sociales qui doivent nous réunir…
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai essayé de citer les lignes de force de l’intervention de chacune et de chacun, mais, bien évidemment, vos prises de parole ont été beaucoup plus complètes, beaucoup plus riches, beaucoup plus denses que ne pourraient le laisser penser mes propos incomplets. Dans les prochaines heures de cette soirée et au cours de la journée de demain, il nous appartiendra de pouvoir vous donner des précisions et, peut-être, de convaincre ceux qui ne le seraient pas encore de l’efficacité et de la solidité de ce texte ainsi que de la motivation qui est la nôtre.
Il nous appartiendra aussi de redonner des perspectives de confiance à tous les transporteurs. Je pense notamment aux routiers, qui ont besoin de stabilité, de clarté et de simplicité face aux enjeux de demain. Ils ont déjà suffisamment de soucis, suffisamment de difficultés ! Et je ne parle pas de l’enjeu environnemental, du transfert modal et des modes de transports alternatifs. Il nous appartient d’avancer sur ces dossiers, dans le respect de chacun. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles du projet de loi initial.
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX INFRASTRUCTURES ET AUX SERVICES DE TRANSPORT FERROVIAIRE OU GUIDÉ
Articles additionnels avant l’article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 92 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Baylet, C. Bourquin, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code des transports est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - En 2020, aucune partie du territoire français métropolitain continental ne sera située à plus de trente kilomètres ou de trente minutes d’automobile soit d’une autoroute ou d’une route express à deux fois deux voies en continuité avec le réseau national, soit d’une gare desservant la capitale sans changement, soit d’un aéroport desservant la capitale. »
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Cet amendement vise à ajouter au chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code des transports un article précisant que, en 2020, aucune partie du territoire français métropolitain continental ne sera située à plus de trente kilomètres – par opposition aux quarante-cinq kilomètres retenus dans l’amendement n° 79 rectifié – ou de trente minutes d’automobile soit d’une autoroute ou d’une route express à deux fois deux voies en continuité avec le réseau national, soit d’une gare desservant la capitale sans changement – on aurait pu écrire « d’une ligne de TGV » –, soit d’un aéroport desservant la capitale.
L’objet de cet amendement est de symboliser la triple peine qui frappe toute une partie des territoires hyper-ruraux, qui, non seulement n’ont, en leur centre, ni autoroutes ni voies express en continuité avec le réseau national, mais n’ont pas non plus d’aéroport ni de lignes ferroviaires desservant directement Paris.
À mon sens, ces territoires doivent être prioritaires à l’avenir, au moins pour ce qui est de l’aménagement des territoires. Il faut donc inscrire une telle disposition dans le code des transports, la loi Voynet ayant quelque peu rompu avec cette volonté d’aménagement et de développement durable du territoire. Tous les élus qui tiennent à l’égalité des territoires et à une justice territoriale ne peuvent que partager ces objectifs.
Mes chers collègues, imaginez la situation des territoires qui subissent cette triple peine : ni avion, ni train, ni autoroute ! Or les citoyens sont égaux sur le territoire. À ce titre, ils ont un droit à l’avenir, ils ont un droit aux services publics, ils ont aussi un droit à l’aménagement du territoire. De même, les entreprises ont le droit de se développer, et les jeunes ont le droit de faire des études ! On ne peut pas non plus entasser tout le monde dans les mégapoles régionales ou, dans les régions maritimes comme le Languedoc-Roussillon, le long du littoral. On ne peut pas plus les entasser dans les grandes villes ou dans les zones des grandes conurbations ! D'ailleurs, de telles concentrations posent des problèmes de vie en société et de citoyenneté.
En cela, notre amendement, qui s’adresse à l’hyper-ruralité, est finalement bien ordinaire.
M. le président. L'amendement n° 79 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code des transports est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L. … – En 2020, aucune partie du territoire français métropolitain continental ne sera situé à plus de cinquante kilomètres ou de quarante-cinq minutes d’automobile soit d’une autoroute ou d’une route express à deux fois deux voies en continuité avec le réseau national, soit d’une gare desservie par le réseau ferroviaire à grande vitesse. »
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Cet amendement ne s’attaque qu’à deux éléments de la triple peine : il vise à ce qu’aucune partie du territoire français métropolitain ne soit située à plus de cinquante kilomètres ou de quarante-cinq minutes d’automobile soit d’une autoroute ou d’une route express à deux fois deux voies en continuité avec le réseau national, soit d’une gare desservie par le réseau ferroviaire à grande vitesse. Autrement dit, s’il envisage des cas un peu moins graves, il va dans le même sens que l’amendement précédent.
Je le répète, ces amendements devraient être votés par la totalité des sénateurs. Il ne peut y avoir des sénateurs qui mettent un quart d’heure pour se rendre à l’aéroport le plus proche, disposent d’une autoroute ou de trains à grande vitesse et arrivent au Sénat frais comme des roses et d’autres qui commencent à se taper deux heures de voiture le matin sur des routes enneigées, puis dix-huit heures de train aller-retour.
M. Gérard Longuet. Quand ils n’habitent pas Saint-Pierre-et-Miquelon !
M. Alain Bertrand. Ce rééquilibrage répond à une exigence républicaine. C’est le b.a.-ba de la République !
Il faut que l’ensemble des sénateurs et des députés se mettent une bonne fois dans la tête que les ruraux sont solidaires de toutes les difficultés que connaissent les villes : le chômage, les problèmes de mixité et d’intégration, la délinquance, les difficultés qui se posent sur le plan scolaire ou familial. Réciproquement, parce que l’on est en France, qui est une grande République, il faut que l’ensemble des élus de la ville, en particulier des grandes villes, à l’Assemblée nationale et au Sénat, votent des lois qui donnent un signal aux ruraux. Les ruraux aiment la République, mais ils sont désespérés, et ils ont besoin de tout le monde.