M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La proposition que vient de formuler M. le rapporteur est peut-être de nature à nous permettre de trouver une issue favorable. Il n’est tout de même pas déraisonnable de demander la publication d’un décret prévu par la loi.
M. Alain Richard. Ce n’est pas un préalable à l’adoption de la loi !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Bien entendu, un décret n’intervient qu’après une loi. Toutefois, si M. le ministre voulait bien indiquer qu’il serait favorable à la publication d’un tel décret, peut-être M. Leconte serait-il prêt à retirer son amendement avec plus d’ardeur encore ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre. Je remercie M. le président de la commission et M. le rapporteur d’entendre les arguments des uns et des autres,… les miens en particulier.
L’article L. 611-4 a effectivement été inséré dans le CESEDA en réponse à l’avis de la CNIL. Mais j’entends bien la préoccupation qui s’est exprimée, et il importe d’assurer l’application du dispositif dans le cadre du décret.
La consultation du fichier est nécessaire, mais je comprends aussi le souci de cohérence qui vous anime. Je m’engage à vous donner les éléments nécessaires pour permettre l’application du dispositif et répondre à votre préoccupation.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Voilà !
M. le président. Monsieur Leconte, l’amendement n° 14 est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Leconte. Sur la base de ces engagements, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 14 est retiré.
L’amendement n° 16, présenté par MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le contrôle de leur respect est assuré par le juge des libertés et de la détention lorsqu’il est saisi en vertu de l’article L. 552-1.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. J’espère que cet amendement, qui vise à préciser l’alinéa 21 de l’article 2, ne provoquera pas le même débat que le précédent !
Au regard d’une procédure qui relève de la procédure pénale dans son déroulement mais de la procédure administrative dans son objet, il faut prévenir le risque que le juge administratif, d’une part, et le juge judiciaire, d’autre part, se déclarent incompétents pour en connaître, ou, à l’inverse, qu’ils se déclarent tous les deux compétents.
Pour garantir le respect d’une bonne administration de la justice, et s’agissant d’une procédure privative de liberté, il faut clarifier cette question et conférer compétence au juge des libertés et de la détention.
Toutefois, M. le rapporteur souligne explicitement dans son rapport que « le juge des libertés et de la détention devra à présent se prononcer sur la nouvelle mesure de retenue pour vérification du droit au séjour ». Si j’obtenais confirmation à cet égard, je retirerais l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La commission a estimé qu’une telle observation allait de soi et qu’elle était déjà satisfaite par la simple application de notre Constitution et des règles qui prévalent en matière de contrôle des conditions de la retenue et de la rétention.
J’imagine que le Gouvernement confirmera cette position. J’invite donc M. Leconte à retirer son amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. J’irai dans le même sens que M. le rapporteur tout en soulignant, monsieur Leconte, que je comprends le souci de précision que vous avez exprimé au travers de cet amendement.
Cela a été dit au cours de nos débats, la crainte d’un possible conflit de compétences entre des juges appartenant à chacun des deux ordres de juridiction n’est pas fondée. Le fait de désigner ainsi le juge compétent dans le cadre de la procédure de rétention ne semble donc pas nécessaire et pourrait, en outre, susciter interrogations et confusions, dès lors qu’aucune précision de ce type n’existait dans le régime de garde à vue.
Le texte étant clair sur ce point, je rejoins le point de vue exprimé par M. le rapporteur : il n’est pas utile d’expliciter davantage la compétence de l’autorité judiciaire.
M. le président. Monsieur Leconte, l’amendement n° 16 est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Leconte. Je remercie M. le rapporteur et M. le ministre de leurs explications et retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 16 est retiré.
Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article additionnel après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application de l’article 2, qui précise notamment la durée moyenne nécessaire à la vérification du droit de circulation ou de séjour sur le territoire français de l’étranger, la durée moyenne nécessaire pour le prononcé et la notification des décisions administratives applicables, et la durée moyenne de la retenue appliquée en vertu de cette disposition.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement tend à la remise au Parlement par le Gouvernement, au bout d’une année à compter de la promulgation de la future loi, d’un rapport sur l’application de la nouvelle procédure de retenue.
La commission – j’anticipe quelque peu sur le propos de M. le rapporteur – a émis un avis défavorable, compte tenu des compétences du Parlement pour ce qui est de l’application des lois et de la possibilité, pour nous, parlementaires, d’obtenir une réponse de l’exécutif sur tout domaine en posant des questions écrites ou d’actualité.
Par conséquent, je retire l’amendement n° 17, en précisant cependant que nous resterons vigilants sur le sujet : la faculté de poser une question écrite un an après n’a en effet pas tout à fait la même portée que le fait d’inscrire dès à présent dans la loi le principe selon lequel, comme M. le ministre l’a indiqué à l’issue de la discussion générale, devront être comptabilisées les durées moyennes des retenues. Tel était l’objectif de mon amendement, qui avait toute son importance dès lors qu’il n’y avait plus de césure.
M. le président. L’amendement n° 17 est retiré.
Article 3
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article 64-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, après les mots : « code des douanes », sont insérés les mots : « ou au cours de la retenue d’un étranger aux fins de vérification de situation dans les conditions prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ».
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il s’agit d’un simple amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Il est défavorable, pour les raisons que j’ai déjà avancées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Le chapitre IV du titre II du code des douanes est ainsi modifié :
1° La section 6 est complétée par un article 67-1 ainsi rédigé :
« Art. 67-1. – Les agents des douanes sont habilités à relever l’identité des personnes afin de rédiger les procès-verbaux prévus par le présent code.
« Si la personne refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité, les agents des douanes investis des fonctions de chef de poste ou les fonctionnaires désignés par eux titulaires du grade de contrôleur ou d’un grade supérieur peuvent la conduire sans délai dans un local de police où elle est remise à un officier de police judiciaire aux fins de vérification d’identité dans les conditions prévues à l’article 78-3 du code de procédure pénale. Le délai prévu au troisième alinéa de cet article court à compter du relevé d’identité mentionné à l’alinéa précédent.
« Les résultats de cette vérification d’identité sont communiqués sans délai aux agents des douanes. » ;
2° Est ajoutée une section 9 intitulée : « Contrôle des titres » et qui comprend l’article 67 quater ;
3° Les deuxième à huitième alinéas de l’article 67 quater sont supprimés.
M. le président. L’amendement n° 37 rectifié, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Remplacer les mots :
la conduire sans délai dans un local de police où elle est remise à un officier de police judiciaire
par les mots :
en rendre compte à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui peut alors leur ordonner sans délai de lui présenter sur le champ le contrevenant
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Toujours dans le souci d’aboutir à un texte le plus satisfaisant possible sur le plan juridique, la commission a souhaité se saisir plus particulièrement des dispositions de l’article 4 en ce qu’il insère dans le code des douanes un article 67-1 autorisant les agents des douanes à remettre à un officier de police judiciaire une personne qui, dans le cadre des procédures qu’ils sont amenés à effectuer, n’a pas pu justifier de son identité ou d’un titre de séjour.
Nous nous sommes appuyés sur les conditions prévues à l’article 78-6 du code de procédure pénale, lesquelles ne figurent malheureusement pas dans le texte proposé par le Gouvernement pour ce nouvel article, en vue de préciser, par cet amendement, que le fait de conduire une personne vers un poste de police ne peut se faire que sur la demande d’un officier de police judiciaire préalablement saisi.
L’amendement a été rectifié pour ne pas créer de difficultés, puisqu’il s’agit de l’appliquer à l’ensemble des situations dans lesquelles un agent des douanes est amené à procéder à une telle opération, et pas seulement dans le cadre d’une vérification de titre de séjour.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. D’accord avec l’objet de l’amendement et l’argumentation présentée par M. le rapporteur, le Gouvernement émet un avis favorable.
Le texte de la commission doit être amélioré puisqu’il prévoit qu’un agent des douanes peut, de sa propre initiative, retenir et conduire dans un local de police une personne ne pouvant justifier de son identité. Or les agents de douanes ne possèdent pas la qualité d’officier de police judiciaire, qualité constitutionnellement nécessaire pour mettre en œuvre un pouvoir de contrainte.
L’amendement n° 37 rectifié prévoit précisément que, dans ce cas, l’agent des douanes peut préalablement en référer à un officier de police judiciaire, lequel lui ordonne, le cas échéant, de lui présenter la personne concernée. Cet amendement, qui s’inspire de ce qui existe, conforte donc le texte.
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
2° bis À la première phrase du premier alinéa de l'article 67 quater, après les mots : « vérifier le respect », sont insérés les mots : « , par les personnes dont la nationalité étrangère peut être déduite d'éléments objectifs extérieurs à la personne même de l'intéressé, » ;
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Favorable, par coordination.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Chapitre II
Dispositions relatives aux sanctions pénales de l’entrée et du séjour irréguliers
Article 5
(Non modifié)
I. – L’intitulé du chapitre Ier du titre II du livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé : « Entrée irrégulière ».
II. – L’article L. 621-1 du même code est abrogé.
III. – L’article L. 621-2 du même code est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, les mots : « Les peines prévues à l’article L. 621-1 sont applicables à » sont remplacés par les mots : « Est puni d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 € » ;
2° Au 2°, les mots : « ou a séjourné » sont supprimés ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La juridiction peut, en outre, interdire à l’étranger condamné, pendant une durée qui ne peut excéder trois ans, de pénétrer ou de séjourner en France. L’interdiction du territoire emporte de plein droit reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant à l’expiration de la peine d’emprisonnement. »
M. le président. La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela, sur l'article.
Mme Kalliopi Ango Ela. En décembre 2011, la Cour de justice de l’Union européenne affirmait qu’emprisonner un étranger en situation irrégulière était, par principe, incompatible avec son éloignement et que cette sanction pénale ne pouvait intervenir dans le cadre d’un simple constat de séjour irrégulier.
Nous saluons donc la diligence avec laquelle le Gouvernement a su mettre le droit français en conformité avec les exigences européennes sur ce point.
Le symbole est fort ! Après l’adoption de l’article 5 du présent projet de loi, les étrangers en voie d’admission au séjour ne seront plus considérés comme des délinquants. En effet, le fait d’entrer ou de séjourner en France sans les autorisations administratives appropriées constitue actuellement un délit pénal puni d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. Ces peines ne seront donc désormais plus encourues pour les étrangers en situation de séjour irrégulier en France.
Nous regrettons cependant le maintien des dispositions pénales réprimant le délit d’entrée irrégulière sur le territoire. Comme cela est rappelé dans le rapport de notre collègue Gaëtan Gorce, l’action publique se prescrivant dans un délai de trois ans, les étrangers entrés irrégulièrement en France et s’étant maintenus depuis sur notre territoire seront toujours inquiétés, les effets du maintien de ce délit étant équivalents au maintien du délit de séjour irrégulier.
Afin de remédier à ce paradoxe, qui prive de facto l’article 5 du projet de loi de sa substance, les sénatrices et sénateurs du groupe écologiste soutiendront les propositions du rapporteur et du groupe socialiste consistant à réduire à huit jours le délai durant lequel l’action publique peut être mise en œuvre.
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« La peine prévue au premier alinéa n’est encourue que lorsque le délit est constaté dans un délai de huit jours à compter de sa commission. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à tirer les conclusions de l’étude d’impact, laquelle indique que, une fois sur le territoire, l’étranger ne peut pas être poursuivi sur le fondement de son entrée irrégulière, mais doit être traité selon les prescriptions de la directive Retour. Il vise à préciser que le délit ne peut donner lieu à des poursuites que s’il est constaté dans un délai de huit jours.
Toutefois, après discussion en commission et compte tenu du dépôt par M. le rapporteur d’un texte de nature similaire, je retire mon amendement au profit de ce dernier qui va vous être immédiatement présenté.
M. le président. L’amendement n° 18 est retiré.
L'amendement n° 28, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application du présent article, l'action publique ne peut être mise en mouvement que lorsque les faits ont été constatés dans les circonstances prévues à l'article 53 du code de procédure pénale. »
II. – En conséquence, alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est l’occasion pour moi de saluer l’important travail réalisé par Jean-Yves Leconte sur tous ces sujets. Notre collègue a effectivement suivi de très près l’élaboration de la position de la commission sur ce texte.
Il s’agit là d’une question assez théorique, monsieur le ministre, mais qui se pose néanmoins d’un point de vue juridique : le fait qu’il existe toujours un délit d’entrée irrégulière, lequel délit se prescrit au bout de trois ans, rendrait évidemment concevable que des poursuites puissent être engagées sur cette base une fois la personne sur le territoire français, alors que, selon la directive Retour, les procédures administratives doivent être privilégiées, et que telle est la volonté du Gouvernement.
Nous vous proposons donc d’indiquer que ce délit se constate uniquement suivant les termes de l’article 53 du code de procédure pénale, qui traite de la flagrance.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. Je tiens à saluer l’excellent travail réalisé sur ces sujets par le rapporteur Gaëtan Gorce et le sénateur Jean-Yves Leconte.
D’un point de vue juridique, il serait possible qu’une circulaire du garde des sceaux donne instruction aux parquets de poursuivre le délit d’entrée irrégulière sur le territoire dans des conditions strictes, c’est-à-dire lorsqu’il est constaté en état de flagrance.
Si une personne qui est entrée irrégulièrement sur le territoire national s’y maintient ensuite irrégulièrement, seul le nouveau délit de maintien, malgré des mesures d’éloignement, pourra être retenu.
De telles instructions pourraient être données directement par voie de circulaire aux procureurs de la République dès que la nouvelle loi serait promulguée.
Mais j’entends la préoccupation qui motive cet amendement. Il tend à éviter tout risque de contrariété avec la directive Retour, qui consiste à réprimer des délits d’entrée irrégulière commis depuis plusieurs semaines, voire plusieurs années. Cela risquerait de faire renaître un délit de séjour irrégulier pourtant incompatible avec la directive Retour.
Le Gouvernement entend cette interrogation et s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
I. – Avant le premier alinéa de l’article L. 624-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Tout étranger qui, faisant l’objet d’une mesure de refus d’entrée en France, d’un arrêté d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière, d’une obligation de quitter le territoire français ou d’une interdiction judiciaire du territoire, se sera maintenu sur le territoire français alors que les mesures prévues aux titres V ou VI du livre V, propres à permettre l’exécution de la mesure d’éloignement, ont été effectivement mises en œuvre sous le contrôle de la juridiction administrative et de l’autorité judiciaire, sera puni d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 €. »
II. – Au deuxième alinéa du même article, à l’avant-dernière phrase de l’article L. 552-5 et à l’article L. 611-4 du même code, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « deuxième ».
M. le président. La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela, sur l'article.
Mme Kalliopi Ango Ela. Les sénatrices et sénateurs du groupe écologiste regrettent la création de ce nouveau délit de maintien sur le territoire lorsque les mesures propres à permettre l’exécution de l’éloignement ont été effectivement mises en œuvre.
Ce délit découle non pas de nos obligations communautaires, mais d’une interprétation extensive – ou peut-être erronée ? – des jurisprudences de 2011 de la Cour de justice de l’Union européenne.
En effet, comme cela a pu être rappelé lors de nos échanges, il s’agit d’une simple faculté laissée aux États membres.
Lorsque l’ensemble des mesures prévues par la directive Retour ont effectivement été mises en œuvre par l’administration et que l’étranger, en dépit de cela, s’est maintenu sur le territoire national, les États membres « demeurent libres de le soumettre à des dispositions pénales destinées à le dissuader de demeurer illégalement sur leur territoire » – je cite ici le rapport de la commission, page 35. Rien n’oblige donc la France à créer un tel délit…
J’ai par ailleurs conscience des améliorations apportées par la commission des lois, en ce qu’elle a précisé la notion de « mesures ». Il s’agit désormais des mesures prises « sous le contrôle de la juridiction administrative et de l’autorité judiciaire ». Mais là encore, le texte semble toujours trop imprécis. Il encourt dès lors la censure du Conseil constitutionnel.
En outre, c’est la philosophie même de cette procédure qui rompt avec le sens que vous nous avez indiqué vouloir donner à ce projet de loi, monsieur le ministre.
Les écologistes, qui se sont réjouis de la suppression du délit de séjour irrégulier, comme j’ai pu l’indiquer tout à l’heure, regrettent réellement qu’un « délit de substitution » soit créé à sa place.
Enfin, cette nouvelle incrimination n’est pas nécessaire, le délit de soustraction à une mesure d’éloignement, puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de dix ans d’interdiction du territoire, existant déjà dans notre droit. Ni obligatoire ni nécessaire, cette mesure ne sera pas votée par le groupe écologiste, qui s’y oppose.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement va dans le sens évoqué par Mme Kalliopi Ango Ela dans son intervention sur l’article.
La suppression du délit de séjour irrégulier par ce projet de loi est inévitable du fait des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne. Néanmoins, le projet de loi crée un délit de remplacement : il instaure en effet un délit de maintien sur le territoire « lorsque les mesures propres à permettre l’exécution de l’éloignement ont été effectivement mises en œuvre ».
C’est vrai, la jurisprudence européenne n’interdit pas aux États membres de prévoir des sanctions pénales pour réprimer les infractions au séjour. Cependant, elle ne les impose pas non plus.
Une alternative se présentait donc au Gouvernement : soit abroger purement et simplement toute pénalisation du séjour irrégulier, soit se contenter de prévoir que ce délit ne sera encouru qu’après la mise en œuvre de toutes les mesures coercitives prévues à l’article 8 de la directive ; c’est la seconde solution qui, à l’évidence, a été privilégiée.
Nous optons, en ce qui nous concerne, pour l’abrogation pure et simple, car la poursuite du séjour irrégulier, loin d’être nécessaire à l’éloignement, constitue en réalité un obstacle à sa mise à exécution. Cet article persiste, en outre, dans la stigmatisation de l’étranger en tant que délinquant.
Enfin, cet article nous semble redondant puisque le délit de l’obstruction à une mesure d’éloignement est maintenu dans notre code
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. On peut toujours voir le verre à moitié vide ou à moitié plein, qui est, en l’occurrence, aux deux tiers plein et au tiers vide !
La grande évolution de ce texte – c’est ce qui mérite d’être souligné et c’est ce sur quoi il faut insister – tient à la disparition du délit de séjour irrégulier. Néanmoins, il résulte des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne que la suppression de ce délit ne vaut que tant que l’ensemble des procédures administratives permettant d’éloigner l’étranger en situation irrégulière n’ont pas été mises en œuvre. Mais dès lors qu’elles l’ont été et que l’étranger en situation irrégulière est toujours sur le territoire – soit en se maintenant passivement, soit en tentant de se soustraire aux mesures –, il est logique que l’État dispose des moyens juridiques appropriés pour faire respecter la loi.
En effet, dans ce débat sur les étrangers en situation irrégulière, nous sommes tout de même confrontés à une situation particulière : s’il faut respecter le droit des personnes, des étrangers – et le Gouvernement le fait à travers son texte –, il faut aussi avoir le souci du respect des lois de la République, lesquelles précisent clairement les conditions dans lesquelles on peut entrer et séjourner sur le territoire français.
On peut à mon avis d’autant mieux favoriser les politiques d’intégration, faire respecter les objectifs de lutte contre la discrimination, faire passer un état d’esprit favorable, dans les contrôles d’identité et titres de séjour, à la lutte contre le délit de faciès, que l’on est extrêmement clair sur la nature de la loi et la façon de l’appliquer.
Il faut donc donner les moyens à l’État de pouvoir sanctionner – même si ce sera probablement exceptionnel – ceux qui ne souhaitent manifestement pas quitter le territoire français alors que toutes les diligences ont été faites pour qu’ils se soumettent à la loi de la République. C’est, me semble-t-il, une précaution légitime que nous devons conserver dès lors que la logique souhaitée par la Cour de justice de l’Union européenne et la directive Retour est respectée : dès lors que l’ensemble des mesures prévues par la directive ont effectivement été mises en œuvre par l’administration et que, malgré cela, l’étranger s’est maintenu sur le territoire national, l’État peut le soumettre à des dispositions pénales destinées à le dissuader de demeurer illégalement sur le territoire ; c’ est la condition pour que la loi soit appliquée.
J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 11.