M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Si nous ne l’avions pas fait, vous auriez eu plus à faire !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Que vos critiques ou vos louanges soient en proportion des chiffres !
M. le président de la commission des finances a félicité le gouvernement précédent de l’effort ainsi réalisé. Nous ne vous demandons pas de nous féliciter de la même manière ; la moitié nous suffirait, puisque nous faisons la moitié. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Et j’imagine que ceux qui nous critiqueront parce que nous levons 7 milliards d’euros d’impôts supplémentaires ont, à l’époque, critiqué deux fois plus le gouvernement Fillon quand il a levé, lui, 15 milliards d’euros d’impôts. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.- M. le président de la commission des finances s’exclame.)
En matière de pouvoir d'achat, j’ai déjà indiqué ce qu’il en était. Je peux comprendre que l’on se préoccupe du pouvoir d'achat des salariés, comme nous le verrons lorsque la mesure relative aux heures supplémentaires sera débattue, mais que ceux qui critiquent ce gouvernement et la majorité sur laquelle il s’appuie en espérant l’adoption d’une telle mesure n’oublient pas qu’eux-mêmes ne se préoccupaient peut-être pas beaucoup du pouvoir d'achat lorsqu’ils ont, pardon de me répéter, décidé de ne plus indexer le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation. Beaucoup de ménages qui ne payaient pas l’impôt vont désormais le payer, et beaucoup de ménages qui étaient imposables à la première tranche vont passer à la deuxième.
Et que l’on n’oublie pas la CSG, ni la taxe sur les mutuelles ! Que l’on n’oublie pas que le pouvoir d'achat n’était sans doute pas la principale préoccupation de ceux qui ont décidé de faire payer 15 milliards d’euros d’impôts supplémentaires à nos compatriotes !
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère avoir répondu, sinon à tous, en tout cas à presque tous ceux qui se sont exprimés. Je vous donne rendez-vous, aux uns et aux autres, lors de la discussion des articles pour reprendre, et de manière plus approfondie, l’ensemble des sujets qui – veuillez m’en excuser – ne furent abordés que de manière superficielle au cours de mon intervention. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP. – Marques d’agacement sur les travées du groupe socialiste.) Rassurez-vous, mes chers collègues, c’est un point de procédure qui concerne la réunion de la commission des finances, et non un point de fond. Nous aurons tout le temps d’aborder le fond : nous avons des jours et des nuits devant nous. Nous avons tout notre temps. Et nous allons prendre tout le temps nécessaire… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Ça va, on a compris !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Si vous commencez sur ce ton agressif, l’opposition fera ce qu’elle peut faire. (M. Michel Delebarre s’exclame.)
M. David Assouline. On n’a pas peur !
Mme Christiane Demontès. Ils vont se mettre à faire de l’obstruction !
M. Christian Cambon. Vous, vous en avez l’habitude !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Si vous voulez que les choses se passent « à la mode sénatoriale », comme vous dites, peut-être faudrait-il commencer sur un tempo un peu moins intense.
M. Michel Delebarre. C’est dramatique !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je vous le répète, nous avons tout le temps, chers collègues, tout le temps….
M. David Assouline. Nous avons compris !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous devons réunir la commission des finances pour commencer à examiner les quelque deux cents amendements déposés sur ce texte. Nous ne pourrons vraisemblablement pas aller au bout de la tâche, d’autant que nos travaux se dérouleront à l’heure du dîner et que nous allons devoir nous contenter de plateaux-repas très frugaux…
Mes chers collègues, je vous donne donc rendez-vous en salle de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
19
Communication d’un avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. En application de la loi organique n° 2010-837, de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et de l’article 1er du décret n° 59-587 du 29 avril 1959, la commission des affaires économiques, lors de sa réunion du mardi 24 juillet 2012, a émis un vote favorable, par douze voix pour et cinq bulletins blancs, en faveur de la nomination de M. François Houllier en qualité de président de l’Institut national de recherche agronomique.
Acte est donné de cette communication.
20
Candidature à une délégation sénatoriale
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation sénatoriale à la prospective à la place laissée vacante par M. André Villiers, dont le mandat de sénateur a cessé.
Cette candidature a été affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
21
Nomination d'un membre d'une délégation sénatoriale
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale à la prospective.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Marie-Hélène Des Esgaulx membre de la délégation sénatoriale à la prospective, à la place laissée vacante par M. André Villiers, dont le mandat de sénateur a cessé.
22
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 23 juillet 2012, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2012-281 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
23
Loi de finances rectificative pour 2012
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des motions.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Dallier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012 (n° 687, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Philippe Dallier, auteur de la motion.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’Espagne s’enfonce dans la crise, les marchés financiers s’affolent, les agences de notation s’interrogent sur la capacité de l’Allemagne à faire face ; pendant ce temps-là, que faisons-nous ? Tel est le sens de cette motion, que j’ai l’honneur de défendre au nom du groupe UMP, tendant à opposer la question préalable au premier texte financier que nous présente ce gouvernement.
L’objet d’une telle motion, vous le savez aussi bien que moi, mes chers collègues, est de s’interroger sur l’opportunité d’un texte. Cette démarche nous semble pertinente, messieurs les ministres, tant nous nous interrogeons sur l’adéquation des dispositions de votre collectif à la situation du pays, de l’Europe et du monde…
Si j’osais, pour décrire ce sentiment de décalage que nous ressentons, je parlerais de « l’insoutenable légèreté du moment », paraphrasant ainsi le président de la commission des finances du Sénat, qui avait évoqué, lorsqu’il était rapporteur général, « l’insoutenable légèreté de la dette ».
En effet, le premier texte financier d’une nouvelle législature, d’une nouvelle majorité a fortiori, revêt un caractère hautement symbolique. On était donc en droit d’espérer que ce collectif nous démontre que vous avez pris la mesure des choses et qu’il trace clairement, pour les cinq années à venir, le chemin de la future politique économique et budgétaire du Gouvernement.
Ce n’est manifestement pas le cas de ce texte sans grande ambition, qui a pourtant un mérite, celui de nous renseigner sur ce que sera le fil d’Ariane de votre politique : augmentation des impôts et des taxes en tous genres, à l’exclusion de toutes économies ; vous vous refusez encore à en décider, mais pour combien de temps ?
M. Ronan Kerdraon. On peut faire mieux que vous !
M. Philippe Dallier. Quant à savoir ce que vous comptez faire afin, par exemple, d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, sujet majeur s’il en est, ce n’est pas ici que nous trouverons la réponse ; au contraire, vos premières décisions vont la dégrader.
Comment trouverez-vous les 25 milliards à 30 milliards d'euros qu’il vous faudra dégager, l’an prochain, pour rester en ligne avec notre objectif de réduction du déficit public ? Il n’y a pas plus de réponse à cette question dans le présent texte.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est vous qui avez laissé ce déficit !
M. Philippe Dallier. Il nous faudra donc attendre la loi de finances initiale de 2013 pour y voir plus clair. Même si des ballons d’essai ont été lancés – je pense à la CSG, notamment –, à ce jour, le Parlement reste dans l’attente de vos décisions, alors que le temps presse de plus en plus.
C’est pourquoi nous nous interrogeons très sérieusement, messieurs les ministres : avez-vous bien pris la mesure de la gravité de la crise économique et de l’urgence qu’elle impose ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Avec le bilan que vous nous avez laissé, c’est sûr !
M. Philippe Dallier. Avez-vous bien conscience du fait que, contrairement à ce que dit Mme Aubry, les marges de manœuvre dont vous disposez sont réduites ? Êtes-vous véritablement décidés à engager dans les plus brefs délais la France sur la voie du retour à l’équilibre de nos comptes publics et d’une meilleure compétitivité de nos entreprises ?
Si la réponse à ces questions est positive – et je veux bien vous en faire crédit, messieurs les ministres –, alors que faisons-nous là, si ce n’est perdre du temps ?
Croyez-vous que nous soyons à l’abri derrière les décisions du dernier sommet de Bruxelles, que vous nous avez, peut-être un peu vite, présentées comme un brillant succès de la diplomatie française, préférant lâcher l’Allemagne, cet allié si peu solide, pour nouer une alliance de revers avec deux États en pleine prospérité, l’Italie et l’Espagne ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Le trait est un peu forcé !
M. Philippe Dallier. À l’évidence, le projet de loi de finances rectificative dont nous entamons aujourd’hui l’examen n’est pas le texte fondateur d’une nouvelle majorité et ne répond pas non plus à l’urgence. Il n’est qu’un simple collectif budgétaire à portée limitée.
Alors, soit : puisque vous le voulez ainsi, examinons-le comme tel, même si nous déplorons cette situation.
Ce collectif permet-il, conformément à l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances, d’adapter, au plus près de l’évolution de la conjoncture, les prévisions de recettes et de dépenses de l’année ?
En 2011, nous avions examiné quatre textes de cette nature. Le gouvernement d’alors avait ainsi voulu jouer la plus grande transparence, face à une conjoncture qui se dégradait plus vite que prévu.
À l’époque, notre ancienne collègue Nicole Bricq n’avait pas manqué de critiquer cette méthode, reprochant au ministre du budget de toujours surestimer le taux de croissance, alors même que, en 2011, nous avions été aussi prudents que le consensus des économistes.
Le changement venu, nous serions donc, mes chers collègues, en droit d’attendre du nouveau gouvernement un collectif budgétaire suffisamment prudent pour que nous soyons assurés de ne pas avoir à y revenir d’ici à la fin de l’année. Messieurs les ministres, autant vous dire tout de suite que je n’en crois rien, non plus d’ailleurs que notre rapporteur général, resté, en commission, très évasif sur le sujet.
Alors, mes chers collègues, je repose la question : pourquoi sommes-nous ici, puisque nous nous reverrons sous peu, probablement en septembre ou en octobre, pour examiner une nouvelle fois les moyens d’atteindre l’objectif de 4,5 % de déficit public en 2012 ? N’aurait-il pas été plus efficace de réunir le Parlement en session extraordinaire en septembre, puisqu’il aurait alors été mieux éclairé sur l’évolution de la conjoncture ? La réponse à cette question est certainement « oui », d’autant qu’il existe une réserve de précaution ; j’y reviendrai.
Ce collectif budgétaire n’est en réalité rien d’autre qu’une entreprise de déconstruction, un texte purement idéologique, dont l’unique objectif est de défaire…
M. Ronan Kerdraon. De corriger !
M. Philippe Dallier. … ce que la majorité précédente a fait,…
M. Alain Fauconnier. Mal fait !
M. Philippe Dallier. … en quelque sorte l’ultime avatar de la campagne électorale, que vous avez en plus tenté de déguiser.
Vous avez commencé par nourrir le soupçon à l’égard de la gestion de la précédente majorité et vous avez essayé d’instrumentaliser la Cour des comptes, en lui demandant un « audit » sur l’état de nos finances publiques.
Or, chacun le sait, la Cour des comptes rend chaque année, en juin, un rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Il était donc inutile de parler d’« audit », encore moins de faire peser le doute sur l’indépendance de cette remarquable institution, d’autant que son rapport est sans ambiguïté.
En constatant l’amorce d’une stratégie de consolidation budgétaire, ce rapport donne acte au précédent gouvernement d’avoir remis les finances publiques de notre pays sur une trajectoire viable (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste.),…
M. Ronan Kerdraon. C’est la méthode Coué !
M. Philippe Dallier. … une fois le premier choc de la crise passé – choc qui fut très rude, vous oubliez systématiquement, mes chers collègues, de le rappeler.
M. le ministre délégué nous a beaucoup parlé, cet après-midi, de 2007, de 2011 et de 2012. Il a simplement oublié de nous parler de l’événement majeur qu’a été la crise de 2008-2009. Or vous savez bien, mes chers collègues, quel a été l’impact de cette crise.
L’argument de l’audit ayant fait « pschitt », vous avez ensuite tenté, pour justifier l’urgence, de faire croire que le précédent gouvernement aurait laissé une « ardoise cachée » d’une dizaine de milliards d’euros, mais cela n’a trompé personne.
La Cour des comptes l’a d’ailleurs pleinement confirmé : les moins-values de recettes sont évaluées entre 5,8 milliards et 10 milliards d’euros. Messieurs les ministres, vous retenez aujourd’hui 7,1 milliards d'euros pour l’ensemble de l’année, ces moins-values s’expliquant, pour l’essentiel, par la faiblesse du rendement de l’impôt sur les sociétés, due au ralentissement économique.
Mais pour faire face à ces aléas conjoncturels, la réserve de précaution disponible était, en mai dernier, de 5,4 milliards d'euros – le chiffre émane de la Cour des comptes –, auxquels nous pouvons ajouter 800 millions d’euros au titre de 2012 et 2,6 milliards d'euros en année pleine à partir de 2013, suite à l’augmentation de deux points du taux des prélèvements sociaux sur les revenus du capital que nous avons votée et que vous maintenez, alors qu’elle devait permettre de financer la baisse du coût du travail dans le cadre de la « TVA compétitivité » .
Voilà donc, au total, 6,2 milliards d'euros à votre disposition, messieurs les ministres, sur les 7,1 milliards d'euros que vous cherchez : il n’y a aucune « ardoise cachée », et ce collectif budgétaire ne s’imposait donc pas, en tout cas pas dans l’immédiat.
Votre premier souci est bien de défaire, par pure idéologie (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.),…
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Lorsqu’on n’est pas d’accord avec vous, c’est de l’idéologie !
M. Philippe Dallier. … ce que la précédente majorité a construit : c’est bien là le cœur de ce projet de loi de finances rectificative.
À ce titre, je retiendrai trois mesures emblématiques : la suppression brutale des exonérations de charges et la refiscalisation des heures supplémentaires, l’augmentation des droits sur les successions, la suppression de la « TVA compétitivité ». En plus, vous voudriez nous faire croire, contre l’évidence, que toutes ces réformes sont justes et ne toucheront pas les classes moyennes ; chacun sait bien ce qu’il en est…
La suppression des exonérations de charges sur les heures supplémentaires a profité à 9 millions de salariés gagnant 1 500 euros par mois en moyenne, qui ont perçu ainsi environ 450 euros de plus par an. S’agit-il là des riches dont vous parlez tout le temps ? Est-ce à eux qu’il revient de payer pour réduire nos déficits ?
M. Alain Fauconnier. Incroyable !
M. Philippe Dallier. Riche, l’aide-soignante hospitalière ou l’enseignant qui travaille quelques heures de plus par mois ? Riche, l’ouvrier ou l’agent de catégorie C de la fonction publique ? (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) Où est donc ici la justice sociale et fiscale dont vous vous targuez si volontiers ?
M. André Reichardt. Très bien !
M. Philippe Dallier. Votre unique réponse tient, comme au bon vieux temps de la mise en place des 35 heures, à une conception malthusienne du travail : le travail aurait atteint son maximum et deviendrait rare, et la seule solution serait donc de le partager. Quelle erreur !
Non, messieurs les ministres, ce n’est pas en pénalisant le recours aux heures supplémentaires que vous créerez plus d’emplois : c’est une chimère ! En les supprimant, vous rigidifiez un peu plus notre marché du travail, qui n’en avait vraiment pas besoin.
M. Ronan Kerdraon. Travailler plus pour gagner moins !
M. Philippe Dallier. Quant à l’abaissement de 160 000 à 100 000 euros du montant de l’abattement applicable aux successions et aux donations en ligne directe, il ne pénalisera pas vraiment les plus aisés, pour qui cette différence de 60 000 euros ne représente, proportionnellement, qu’une faible part de l’ensemble du patrimoine transmis.
En revanche, il concernera bien les classes moyennes, notamment les ménages qui ont pu acquérir un bien immobilier en zone urbaine tendue – par exemple la région d’Île-de-France, y compris un département comme la Seine-Saint-Denis –, car votre dispositif ne tient pas compte du renchérissement du coût de l’immobilier.
Autre mesure totalement dogmatique, la suppression de la « TVA compétitivité », qui était un moyen d’accroître, à court terme, la compétitivité de nos entreprises, par une baisse des charges patronales.
Cette mesure était calibrée pour être faiblement inflationniste et permettre la création du plus grand nombre d’emplois possible, puisqu’elle était ciblée sur les bas salaires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Elle avait aussi l’extrême avantage de porter sur les importations et de les faire ainsi contribuer au financement de notre protection sociale.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Philippe Dallier. Là aussi, par pure idéologie, vous supprimez le dispositif, alors que tant la Commission européenne que la Cour des comptes vous conseillent de ne pas augmenter les prélèvements pesant sur le coût du travail. Vous faites le contraire, quitte à peut-être vous résoudre, à l’automne, à relever la CSG. Dans quel but ? Réduire le déficit ? Réduire le coût du travail ? Un peu des deux ? Vous ne le dites pas, pas plus que vous ne dites que cette augmentation de la CSG se traduira par une baisse du pouvoir d’achat, de façon peut-être plus sensible encore, pour les plus modestes, que celle de la TVA.
En effet, messieurs les ministres, notre dispositif ne modifiait pas le taux applicable aux produits de première nécessité, qui tiennent une part plus importante dans le panier de la ménagère modeste que dans celui des ménages aisés.
Par ailleurs, il est assez facile de comprendre que ceux qui consomment le plus, les plus aisés, auraient été plus touchés. Surtout, je le répète, les importations étaient mises à contribution.
Vous préférez vous enfermer dans votre dogmatisme. Nous le regrettons d’autant plus que vos choix sont dangereux d’un point de vue économique, car ils renchérissent le coût du travail.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Philippe Dallier. C’est bien le cas du retour partiel à la retraite à 60 ans financé par une hausse des cotisations, du « coup de pouce » au SMIC, de l’abandon de la « TVA compétitivité », de la suppression des exonérations de charges sur les heures supplémentaires.
Comment peut-on nier à ce point la réalité et les expériences de ceux de nos partenaires européens qui ont réussi, par l’abaissement ou la limitation du coût du travail, à obtenir des résultats meilleurs que les nôtres en termes de croissance et d’emploi ?
Je l’ai dit, une première loi de finances, pour une nouvelle majorité, aurait dû, à tout le moins, donner des orientations stratégiques, fixer le cap. Or, nous sommes aujourd’hui dans la confusion la plus totale et il nous est très difficile de discerner vos choix, y compris pour la loi de finances initiale que nous discuterons à la rentrée.
Vous renoncez déjà à des promesses du candidat Hollande, ce qui n’est parfois pas plus mal ! Je pense à la réforme de la fiscalité pesant sur les carburants, qui aurait vraisemblablement été coûteuse et faiblement efficace. Vous êtes aussi en train de prendre conscience de l’inutilité du doublement du plafond du livret A, mesure qui déstabiliserait profondément le marché de l’épargne et reviendrait à créer une nouvelle niche fiscale pour les plus aisés : ce serait un comble !
Vous annoncez des dépenses supplémentaires – un accroissement du nombre de contrats aidés,…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les contrats aidés, vous les avez bien consommés avant les élections !
M. Philippe Dallier. … une augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, une hausse du SMIC – sans dire comment elles seront financées, ce qui rendra l’ajustement structurel de nos finances publiques encore plus difficile quand vous serez contraints d’y procéder !
Vous n’envisagez pas de réduire sérieusement la dépense publique. Au contraire, vous annoncez la création de postes dans certains secteurs de la fonction publique et vous ne précisez pas quelles en seront les conséquences pour les autres. Or un rapide calcul montre que, hors secteurs prioritaires, on ne peut maintenir les effectifs que par la non-compensation de deux départs à la retraite sur trois. Et vous jugiez si sévèrement notre règle du « un sur deux »…
À ce stade, votre réforme de l’impôt sur les sociétés n’est pas claire du tout. On ne sait pas comment elle s’articule avec votre projet de refonte de la suppression de la taxe professionnelle, à moins que vous n’ayez déjà également abandonné celui-ci…
Quant à la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, on n’en entend plus parler.
Où allez-vous ? Comment réussirez-vous, dans ces conditions, le rééquilibrage de nos finances publiques ?
Malheureusement, vos projets, pour ce que nous en savons aujourd’hui, augmenteront le coût du travail et la dépense publique. Il ne vous reste alors qu’un moyen de les financer : l’augmentation des impôts et des taxes. C’est la logique dans laquelle s’inscrit votre action, qui aura pour conséquence un choc fiscal dont notre pays aura du mal à sortir indemne. Ce choc a été évalué à 30 milliards d’euros par le président de notre commission des finances : ce n’est pas une bagatelle ! Aussi faudrait-il au moins avoir le courage de le dire clairement à nos concitoyens et à la représentation nationale.
Pour conclure, nous souhaitons que le principe de réalité l’emporte et que vous tiriez les leçons de 1981, ou plutôt de 1983, car, en économie, le dogmatisme est dangereux, d’autant que la dévaluation n’est plus possible et que notre pays sera vraisemblablement, l’an prochain, le premier émetteur de dette de la zone euro.
Ce principe de réalité signifie, messieurs les ministres, que le Gouvernement aurait dû engager sans tarder les réformes qui assureront la compétitivité de notre pays, seul moyen de créer des emplois et de préserver notre modèle social.
Or le présent projet de loi de finances rectificative ne répond pas à cet objectif. Il s’agit non pas d’une loi de réforme fiscale, mais d’un règlement de comptes postélectoral qui ne prépare pas l’avenir, alors qu’il y a pourtant urgence !
Non, ce texte n’est pas celui dont la France a besoin. Il est même mortifère, car il serine aux oreilles de nos compatriotes une petite musique, celle d’une chanson qui préfigura une grande catastrophe : « Tout va très bien, madame la marquise, tout va très bien, tout va très bien. Pourtant, il faut, il faut que l’on vous dise, on déplore un tout petit rien »…
C’est pourquoi, mes chers collègues, j’ai l’honneur, au nom du groupe UMP, de vous demander d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean Germain, contre la motion.
M. Jean Germain. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, M. Dallier et les membres de son groupe estiment que ce projet de loi de finances rectificative n’est pas à la mesure des circonstances. M. Dallier ajoute que les propos tenus par M. le ministre délégué lors de la discussion générale ne l’ont pas suffisamment renseigné.
Manifestement, nous n’avons pas assisté à la même séance, car nous avons été nombreux, me semble-t-il, à trouver au contraire l’exposé de M. Cahuzac extrêmement clair, ses réponses précises et sa prestation brillante.
Dans son intervention, M. Dallier n’a à aucun moment fait mention d’un élément extrêmement important : qui était au pouvoir ces dix dernières années ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Qui a laissé le pays dans cet état ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Je ne décrirai pas en détail ce que serait une bonne politique économique et fiscale, les ministres ici présents étant plus en mesure que moi de le faire,…