M. Francis Delattre. Ce n’est pas sûr !
M. Jean Germain. … mais je voudrais, sans effets de manches, m’inscrire en faux contre l’idée selon laquelle le projet de loi de finances rectificative représenterait non pas une réforme fiscale, mais une revanche fiscale.
M. Francis Delattre. C’est pourtant bien cela !
M. Jean Germain. De quoi parle-t-on ? Quelle est donc cette revanche fiscale dont serait coupable le Gouvernement ?
Pour procéder au redressement des finances publiques dont notre pays a besoin, le Gouvernement, dans un souci de justice, a tout simplement décidé de faire surtout appel à la contribution de ceux qui ont bénéficié, parfois de manière déraisonnable, des décisions prises ces dernières années.
Il en est ainsi, tout d’abord, de la contribution exceptionnelle sur la fortune : faire contribuer davantage les ménages les plus fortunés à l’effort financier national, tout en répartissant équitablement la charge fiscale supplémentaire que suppose ce redressement, est-ce une revanche ? Si oui, contre qui ? Contre les plus fortunés ? Contre ceux qui ont été ultraprotégés par la kyrielle de mesures d’exonération prises par le gouvernement précédent ? Contre ceux qui ont été littéralement assistés par l’État, autrement dit par les plus nombreux, par les plus modestes ? Est-ce une revanche ? Non ! C’est une contribution à l’effort national de diminution de la dette, laquelle a été creusée en grande partie par les allégements fiscaux accordés à ceux qui souffraient le moins du poids de la fiscalité.
Quant à la suppression des allégements sociaux et fiscaux attachés aux heures supplémentaires (Ah ! sur les travées de l’UMP.), dans la situation présente de la France, alors que le chômage est massif, que les destructions d’emplois se multiplient et que les capacités de production sont excédentaires au regard de la demande, la France était sans doute le seul pays au monde à avoir institué un système de destruction d’emplois financé par des fonds publics. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
M. Rémy Pointereau. N’importe quoi !
M. Francis Delattre. Ce sont surtout les 35 heures ! Parlez-nous des 35 heures !
M. Jean-Pierre Caffet. Mais non, c’est ce que vous avez fait en 2007 !
M. Rémy Pointereau. C’est mieux que deux points de CSG !
M. Jean Germain. La suppression des allégements sociaux et fiscaux attachés aux heures supplémentaires, est-ce une revanche ? Si oui, contre qui ?
Écarter une hausse de 1,6 point du taux normal de TVA qui aurait été préjudiciable au pouvoir d’achat des ménages et, partant, à la consommation et à la croissance, est-ce une revanche ? Si oui, contre qui ?
Le maintien de la hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, est-ce une revanche ? Contre qui ? Ces revenus ne devraient-ils pas participer au progrès de la justice fiscale ? Je le rappelle, une part de cette ressource sera affectée à la Caisse nationale des allocations familiales, afin de financer le relèvement de l’allocation de rentrée scolaire, une autre part sera attribuée à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, dont la situation est plus dégradée que ce qui avait été présenté au Parlement dans le cadre de la réforme des retraites de 2010 : est-ce là une revanche ? Si oui, contre qui ?
Le doublement de la taxe de risque systémique acquittée par certaines entreprises du secteur bancaire relevant de la compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel et soumises à des exigences minimales de fonds propres constitue-t-il une revanche, ou un simple renforcement de précaution d’une assurance contre un risque que nous n’arrivons pas à écarter, faute de pouvoir imposer des règles prudentielles suffisamment contraignantes à un secteur économique puissant et trop fréquemment imprudent ?
Le versement anticipé de la contribution exceptionnelle de l’impôt sur les sociétés représente-t-il une revanche ? M. le ministre délégué l’a bien expliqué cet après-midi, ce n’est qu’une anticipation, nécessaire pour améliorer les recettes de l’État en 2012.
La contribution exceptionnelle demandée, au titre de l’année 2012, aux entreprises détentrices de volumes de produits pétroliers placés sous un régime fiscal suspensif et situés sur le territoire de la France métropolitaine constitue-t-elle une revanche ? N’est-il pas normal de faire contribuer à l’effort national un secteur florissant, dont les profits sont réalisés essentiellement à l’extérieur de nos frontières ?
M. Alain Fauconnier. Très bien !
M. Jean Germain. En ce qui concerne la hausse du forfait social, je souligne que ce dernier a été institué pour faire contribuer certains accessoires du salaire au financement du système solidaire de sécurité sociale. Il s’agissait d’atténuer les différences, en termes de taux de prélèvements sociaux, entre les gains et rémunérations assujettis aux cotisations sociales et certaines formes particulières de rémunération. Ce forfait relève, en matière de contribution patronale, d’une logique très proche de celle qui s’applique, pour les salariés, avec la contribution sociale généralisée. Je rappelle que le produit de cette hausse sera réparti entre la Caisse nationale d’assurance vieillesse et le Fonds de solidarité vieillesse, la situation de ce régime et de ce fonds s’avérant nettement plus dégradée que ce qui avait été présenté au Parlement dans le cadre de la réforme des retraites de 2010. Est-ce là une revanche ? Si oui, contre qui ?
Quant au doublement de la taxe sur les transactions financières, le secteur financier ayant bénéficié, à la suite de la crise de 2008, d’un important soutien des États, le Gouvernement a considéré qu’il était légitime de le faire contribuer à l’effort collectif de redressement des finances publiques, d’autant que la crise est en partie le fruit du dysfonctionnement des marchés financiers. Est-ce une revanche ? Non ! C’est un juste « retour sur investissement », pour reprendre une expression du vocabulaire économique.
La hausse proposée des droits de mutation fait suite aux nombreux allégements des droits de mutation à titre gratuit consentis depuis cinq ans, notamment au travers de la loi TEPA de 2007, dont ont principalement profité les contribuables les plus aisés, dans la mesure où seulement la moitié des ménages vivant en France déclarent posséder plus de 150 200 euros de patrimoine brut, soit un montant supérieur à celui de l’abattement prévu par ladite loi en cas de transmission en ligne directe. Est-ce une revanche ? Si oui, contre qui ? Contre les héritiers ?
On pourrait, à la rigueur, parler d’alourdissement de la fiscalité pesant sur ceux qui laissent un héritage important ; mais de revanche contre les héritiers, point du tout ! Je le rappelle, notre Constitution proclame que la France est une république « sociale », qui recherche l’égalité réelle et, partant, la diminution des inégalités, surtout « passives ».
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !
M. Francis Delattre. En fixant le seuil à 100 000 euros !
M. Jean Germain. Le niveau actuel des prélèvements sociaux sur les stock-options pose un problème d’égalité entre les salariés n’ayant pas accès à ces formes particulières de rémunération et ceux qui en bénéficient et sont souvent les mieux rémunérés dans l’entreprise.
M. Jean-Marc Todeschini. Toujours les mêmes !
M. Jean Germain. La mesure de relèvement de ces prélèvements contenue dans le projet de loi de finances rectificative vise donc à renforcer la convergence entre différentes formes de rémunération, dont certaines présentent une faible utilité économique et sociale et ne sont pas liées à une production de valeur, alors qu’elles peuvent apporter des ressources nouvelles utiles au financement de la protection sociale collective. Est-ce là une revanche ? Poser la question, c’est y répondre, par la négative…
Mes chers collègues, si revanche il y a, la présentation de ce projet de loi de finances rectificative est surtout celle de la réflexion sur l’improvisation permanente et la réaction aux sondages d’opinion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Dallier. Cela fait dix ans que vous réfléchissez ! Pour un résultat comme celui-là…
M. Jean Germain. Il est nécessaire que chacun participe à l’effort de redressement national selon ses facultés contributives. Dans cette même enceinte, Clemenceau n’appelait-il pas, en 1917, chaque Français à contribuer à l’effort de guerre à due concurrence de son revenu et de sa situation ? (Murmures sur les travées de l'UMP.) Nous sommes aujourd’hui dans une période de guerre économique, et le Gouvernement ne propose rien d’autre que la juste participation de chacun à l’effort de redressement de notre pays. Une large majorité de nos concitoyens approuve cette démarche. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Très bien !
M. Michel Delebarre. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cette motion tendant à opposer la question préalable relève de l’article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat. Son adoption signifierait soit que le Sénat s'oppose à l'ensemble du texte, soit qu’il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération.
M. Jean-Claude Lenoir. Jusque-là, nous sommes d’accord !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Or, si j’en juge par ce que j’ai entendu tout au long de la discussion générale, cet après-midi, une majorité d’entre nous n’ont pas l’intention de s’opposer à l’ensemble du texte. En outre, il y a lieu de poursuivre la délibération, me semble-t-il, ne serait-ce que pour débattre des nombreux amendements que l’opposition a déposés et qu’elle voudra sans doute défendre.
La commission des finances a donc émis un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances rectificative, d’autant que les enjeux sont considérables, qu’il s’agisse de la place de la France en Europe ou de la mise en œuvre des orientations qui ont été validées par les électeurs il y a quelques semaines. Par conséquent, il est très important que la discussion du présent texte puisse se poursuivre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon absence de cet après-midi : j’étais retenu à l’Assemblée nationale pour répondre à des questions d’actualité au Gouvernement, parfois un peu agressives… La situation de la zone euro explique également que je n’aie pu assister à la discussion générale, laissant le soin à Jérôme Cahuzac et à Alain Vidalies de prendre part à votre débat.
Le Gouvernement ne chôme pas, contrairement à ce que peuvent prétendre certains sénateurs de l’opposition. Pour ma part, vous le savez, j’ai le plus grand respect pour la Haute Assemblée, c’est pourquoi je vous ai rejoints ce soir, dès que je l’ai pu.
M. Ronan Kerdraon. Très bien !
M. Pierre Moscovici, ministre. Comme vous vous en doutez, le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable.
Les auteurs de cette motion estiment que le projet de loi de finances rectificative constitue non pas une réforme fiscale, mais une revanche fiscale. Plutôt que de gloser sur la supposée nature idéologique de ce texte, je préfère, quant à moi, rappeler les enjeux et les objectifs que nous visons.
M. Philippe Marini. Vous ne cessez de nous parler de l’ancien gouvernement ! Cela suffit !
M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, essayez de vous comporter avec la dignité qui convient à votre fonction, plutôt que de vous faire le porte-parole de l’idéologie d’un parti ! (Protestations sur les travées de l'UMP. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini. Assez de leçons !
M. Philippe Marini. C’est faux ! On le constate en ce moment même !
M. Philippe Marini. C’est vraiment abusif, cela commence très mal ! Nous ne sommes pas vos élèves ! C’est inacceptable !
M. Philippe Marini. Notre légitimité n’est pas moindre que la vôtre !
M. Alain Néri. Ne vous énervez pas, monsieur Marini !
M. Pierre Moscovici, ministre. Je n’ai pas de leçons à recevoir de vous, monsieur Marini ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini. Respectez notre opposition !
M. Alain Néri. Quant à vous, respectez notre temps de parole !
M. Pierre Moscovici, ministre. Je respecte davantage l’opposition que vous ne respectez le Gouvernement et la majorité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Nous avons fait le choix de déployer une politique cohérente et juste. Le présent projet de loi de finances rectificative s’inscrit clairement dans une démarche réformiste, terme que je revendique. (Marques d’assentiment sur les travées du groupe socialiste.)
Il marque une première étape, tant de l’indispensable redressement budgétaire qui s’opérera, progressivement, sur l’ensemble du mandat, que de la profonde réforme du système fiscal que nous entendons entreprendre.
Ce texte n’est donc pas une revanche ; c’est le premier jalon du redressement dans la justice (Exclamations sur les travées de l'UMP.)…
M. Jean-Claude Lenoir. C’est bien ce qui nous inquiète !
M. Pierre Moscovici, ministre. … que les Français appellent de leurs vœux.
Dès son entrée en fonctions, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’est attelé à traiter une crise budgétaire aux origines anciennes, dont nous connaissons en vérité les responsables. J’ai d’ailleurs déjà eu l’occasion de répondre sur ce point au sénateur Dallier, qui, décidément, insiste… (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Et alors ?
M. Philippe Marini. Cessez de critiquer l’opposition ! Elle est dans son rôle !
M. Philippe Marini. C’est vous, monsieur le ministre !
M. Pierre Moscovici, ministre. Conservez votre sang-froid ! Je ne fais que répondre à des propos de M. Dallier dont chacun aura pu apprécier la finesse, l’objectivité, la tolérance ! En vérité, ils étaient empreints de sectarisme ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Philippe Marini. L’opposition n’outrepasse pas son rôle !
M. Ronan Kerdraon. M. Marini nous donne une représentation théâtrale !
M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur Marini, je vous en prie, laissez-moi répondre ! La démocratie implique parfois la confrontation !
J’en reviens au fond.
Nos objectifs, en matière de finances publiques, sont ambitieux. Il s’agit de ramener le déficit à 3 % du PIB en 2013, de réduire le poids de la dette par rapport à la richesse nationale dès 2014, avant de revenir à l’équilibre des comptes publics en 2017.
Nous ne devons pas seulement assumer la trajectoire de finances publiques sur laquelle nous nous engageons, nous devons la défendre avec fierté : elle reflète l’action d’un gouvernement qui sait où il va et d’un Président qui marque un cap.
J’affirme que cet effort de redressement des comptes publics se partagera équitablement entre dépenses et recettes sur la durée du mandat.
Vous savez tous quelle est la rigidité de la dépense publique en cours d’année. C’est la raison pour laquelle nous avons, dans ce projet de loi de finances rectificative, essentiellement fait porter l’effort sur les recettes.
Cela étant, il n’y aura pas de matraquage fiscal et nous n’oublions pas la nécessité de faire des économies sur les dépenses. Notre action portera à la fois sur les recettes et sur les dépenses, de façon équilibrée sur l’ensemble de la mandature.
Jérôme Cahuzac l’a rappelé : l’ancienne majorité a voté une hausse de 0,8 point des prélèvements obligatoires, sur 1,1 point prévu au titre de l’année 2012. Cela représente 15 milliards d’euros, c’est-à-dire plus de deux fois ce que nous proposons ici. C’est à croire que certains aiment l’impôt encore deux fois plus que nous !
Je le répète : l’objectif de notre politique est le redressement budgétaire. M. Dallier a qualifié ce projet de loi de finances rectificative d’« idéologique », d’« inopportun », d’« inutile ». François Marc a montré en quoi il était au contraire nécessaire.
Le Gouvernement entend faire contribuer en priorité à l’effort d’assainissement de nos comptes publics ceux que la crise a le moins touchés, c’est-à-dire les ménages disposant d’une capacité d’épargne importante – ils supporteront près des trois quarts du montant des prélèvements supplémentaires sur les ménages – et les grandes entreprises, qui sont soumises à des taux d’imposition effectifs plus faibles que les PME-PMI. Là encore, il ne s’agit pas d’une revanche ; c’est une question de justice.
Pour les mêmes raisons, certains secteurs, confortés dans une situation fiscale privilégiée par la précédente majorité et aujourd'hui très prospères, contribueront, à titre d'ailleurs exceptionnel, à l’effort de redressement des comptes en 2012. Je pense, par exemple, à la contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks de produits pétroliers, charge à la fois proportionnée et juste, eu égard aux spécificités d’un secteur où les profits se sont considérablement accrus depuis 2004 et échappent souvent à toute imposition en France.
La même logique d’équité s’applique aux ménages. Une contribution exceptionnelle au titre de l’année 2012 permettra de compenser le coût du bouclier fiscal. Elle concernera les personnes dont le patrimoine net imposable est supérieur à 1,3 million d’euros. Cette suppression temporaire du plafonnement, pour une seule année, a pour vocation non de punir ou de décourager l’épargne, mais simplement d’associer à l’effort de redressement des comptes ceux qui sont le plus en mesure d’y contribuer.
La même logique vaut pour les entreprises, s’agissant en particulier des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires instaurées par la majorité précédente.
J’entends, ici comme à l’Assemblée nationale, les protestations de l’opposition, que je respecte hautement. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Nous ne nous en étions pas rendus compte !
M. Pierre Moscovici, ministre. Mais les faits sont malheureusement têtus : la loi TEPA a fait la preuve de son inefficacité.
M. Francis Delattre. Comment ça ?
M. Pierre Moscovici, ministre. Comme l’ont écrit dans leur rapport de 2011 les députés Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot, appartenant l’un à la majorité, l’autre à l’opposition, son dispositif n’a pas produit une augmentation mesurable significative du nombre total d’heures travaillées. En outre, si le recours aux heures supplémentaires a augmenté, c’est dans une large mesure parce qu’elles ont été mieux déclarées. Tel est le bilan du « travailler plus » ! Pis, les auteurs du rapport estiment entre 40 000 et 80 000 le nombre des emplois détruits ou non créés du fait de l’application de la loi TEPA. Convenez que, dans une France aujourd'hui minée par le chômage de masse, ce texte a été contre-productif !
Voilà pourquoi nous assumons tranquillement nos choix : c’est une question non pas d’idéologie, mais de valeurs et d’analyse économique. Cela marque une différence entre nous !
Monsieur le sénateur Dallier, vous avez évoqué une revanche fiscale. Je ne vois là aucune revanche ; il s’agit de faire œuvre de justice au travers d’un rééquilibrage, la précédente majorité n’ayant eu de cesse de privilégier les plus aisés.
Un sénateur du groupe socialiste. Tout à fait !
M. Pierre Moscovici, ministre. Enfin, monsieur Dallier, j’avoue avoir trouvé du plus mauvais goût vos remarques liminaires sur la zone euro. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !
M. Philippe Marini. On a quand même le droit d’en parler, peut-être !
M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur Marini, vous êtes fatigant ! Vous avez parfaitement le droit d’en parler, mais j’ai aussi le droit de répondre ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Pour ma part, je pense que ce sujet ne doit pas être instrumentalisé ni servir de prétexte à des attaques mesquines. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est le comble !
M. Philippe Marini. Vous n’avez pas à juger pour nous ! Vous ne nous représentez pas !
M. Pierre Moscovici, ministre. Lorsque nous étions dans l’opposition, nous avons toujours eu une attitude parfaitement patriotique à cet égard, car c’est le pays tout entier qui doit affirmer son attachement à l’euro.
Je le redis ici, je considère que le sommet européen des 28 et 29 juin, dont vous vous êtes moqués, représentait une étape importante dans la stabilisation financière de la zone euro !
M. Philippe Marini. Vous critiquiez bien les sommets européens et leurs résultats avant l’élection de François Hollande ! Il fallait renégocier le traité, selon vous !
M. Pierre Moscovici, ministre. Il nous faut maintenant appliquer de manière stricte et rapide les décisions qui ont été prises en matière de soutien à la croissance, de stabilité financière et d’intégration européenne solidaire. Toutes ces mesures étaient indispensables pour assurer l’avenir de l’Europe !
Je constate que, sur un tel sujet, vous poussez de hauts cris, alors que nous avons besoin d’esprit de responsabilité et de mobilisation. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Si vous ne voulez pas vous montrer responsables, nous le serons pour deux !
Pour tous ces motifs, je demande le rejet de cette motion ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur Dallier, vous nous avez dit qu’il est urgent d’améliorer la compétitivité de nos entreprises. Mais pourquoi l’ancienne majorité n’a-t-elle pas profité des dix dernières années pour créer les conditions du développement économique ?
Les syndicats nous ont tous affirmé que près de 80 000 emplois étaient déjà menacés avant les élections. Ainsi, voilà deux ans, les salariés de PSA nous apprenaient qu’un plan de restructuration était préparé par l’entreprise, mais la suppression de 8 000 emplois n’a été annoncée qu’après les élections…
M. Jean-Marc Todeschini. Comme par hasard !
Mme Marie-France Beaufils. On nous dit aujourd’hui que le secteur de l’automobile rencontre des difficultés liées à une baisse d’activité, mais nous savons aussi que PSA a décidé de se développer en Slovaquie et que les trois quarts des véhicules construits dans ce pays sont commercialisés en Europe de l’Ouest, notamment en France. PSA n’est qu’un exemple parmi d’autres à cet égard.
On nous dit aujourd’hui que le coût du travail handicape la compétitivité de nos entreprises. Or, aux termes d’une étude publiée par l’OCDE il y a quelques semaines, la part des richesses produites affectée à la masse salariale est en diminution, tandis que la rémunération des actionnaires s’accroît, au détriment des investissements indispensables à la compétitivité de nos entreprises et à la qualification des salariés.
L’opposition affirme que les mesures de ce projet de loi de finances rectificative toucheront essentiellement les classes moyennes, or les 300 000 redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune représentent un peu moins de 1 % de l’ensemble des contribuables : soyez donc un peu plus rigoureux dans votre argumentation, chers collègues ! N’est-ce pas vous qui avez pénalisé les salariés les plus modestes en refusant d’actualiser, en décembre dernier, le barème de l’impôt sur le revenu, comme cela se faisait chaque année ?
M. Jean-Marc Todeschini. Eh oui !
Mme Marie-France Beaufils. Cette mesure a rapporté au budget 1,7 milliard d’euros, soit l’équivalent de l’allégement de l’impôt de solidarité sur la fortune que vous aviez voté l’année précédente…
Les mesures contenues dans ce projet de loi de finances rectificative ne pénaliseront pas les salariés les plus modestes : la défiscalisation des heures supplémentaires sert avant tout les entreprises, car elle leur permet de réduire ce que vous appelez le « coût du travail », lequel n’est rien d’autre que la rémunération de ceux qui produisent les richesses. On sait que cette mesure n’a pas produit d’effets sur le chômage ; les chiffres en témoignent : plus de 10 % de la population active est aujourd’hui sans emploi. M. le ministre vient de le rappeler, à cause d’elle, entre 40 000 et 80 000 emplois n’ont pas été créés !
La solution la plus efficace à nos yeux en matière d’emploi serait d’améliorer la rémunération des salariés. Cet après-midi, M. le ministre délégué a d’ailleurs rappelé que l’activité économique dépendait fortement du pouvoir d’achat des salariés.
Ce projet de loi de finances rectificative amorce la réflexion sur une nouvelle conception de la fiscalité dans ce pays. Nous sommes, pour notre part, profondément attachés au principe posé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel chacun doit contribuer aux besoins du pays et à l’intérêt général en fonction de ses capacités.
Le présent collectif budgétaire constitue à cet égard une première étape, même s’il reste insuffisant à nos yeux ; nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des articles. Nombre de dossiers sont désormais ouverts : refonte de l’impôt sur le revenu, nouvelle définition de l’imposition des patrimoines, réflexion sur l’impôt sur les sociétés en vue de sa réforme. Le choix des électeurs nous oblige à aller dans ce sens et nous entendons bien faire de cette discussion le début de l’élaboration d’un nouveau droit fiscal. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
Mme Marie-France Beaufils. Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous n’en serez pas surpris, le groupe UMP votera la motion tendant à opposer la question préalable.
Un sénateur du groupe socialiste. C’est un scoop !
M. Philippe Marini. En effet, ce projet de loi de finances rectificative ne s’attaque pas aux problèmes structurels de notre pays. Le Gouvernement a pris la grave responsabilité de limiter les dispositions qu’il contient à quelques points, à quelques retours en arrière, alors que nous devons réaliser un ajustement majeur, portant sur 35 milliards à 40 milliards d’euros, d’ici à la fin de l’année 2013. Tel est bien l’enjeu essentiel !