M. Henri de Raincourt. C’est faux ! La mesure était gagée !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. L’affirmer encore aujourd’hui, monsieur de Raincourt, c’est peut-être tout aussi audacieux de votre part.
En effet, je me souviens que le gage prévu consistait à élaborer une exit tax. Or, quand je suis arrivé à Bercy, les instructions fiscales relatives à cette taxe n’avaient pas été données, de sorte que son rendement pour 2012 est plus qu’aléatoire…
Autrement dit, après avoir proposé au Parlement de voter cette taxe, le précédent gouvernement n’avait pas cru devoir prendre les dispositions indispensables à son recouvrement, comme il lui incombait légitimement de le faire.
Je pourrais vous faire la même démonstration à propos de la taxation des trusts.
Voilà au moins deux exemples de mesures censées gager la réforme de l’ISF qui, de fait, en 2012, ne la gageront pas.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Avez-vous donné les instructions nécessaires ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’observe que, au moment de la réforme de 2011, on a demandé à ceux que l’on exonérait de payer le gage de ce qu’on leur épargnait : curieuse réforme consistant à dire aux mêmes qu’ils payent trop et que l’on va les exonérer mais que c’est à eux qu’il reviendra de combler la différence !
En outre, ceux qui se sont penchés sur cette réforme se souviennent qu’elle fut en partie financée par un relèvement des droits de partage.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En effet !
M. Henri de Raincourt. Et voilà !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ces droits, jusqu’alors de 1,1 %, ont été doublés, sur l’initiative du rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale - une augmentation de 100 %, mesdames, messieurs les sénateurs -, puis, sur l’initiative du Sénat, ils ont été relevés de 2,2 à 2,5 %.
Or qui acquitte les droits de partage ? Certainement pas les plus fortunés de nos concitoyens, puisque ces droits s’appliquent à tous les couples qui divorcent, malheureusement pour eux, ou à toutes les fratries ou associations qui décident de sortir d’une indivision. Affirmer qu’il s’agissait précisément de ceux qui payaient l’ISF était tout à fait exagéré.
Bref, monsieur de Raincourt, non seulement cette mesure n’était pas complètement gagée – je vous en ai donné les deux raisons –, mais, en outre, ce qui existait en fait de gage consistait à solliciter non pas ceux qui pouvaient le plus, mais tous les Français, notamment les classes moyennes, car il ne vous aura pas échappé que les divorces les frappent aussi…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous ne nous proposez pas de revenir sur les droits de partage !
M. Henri de Raincourt. Est-ce que vous allez revenir dessus ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le projet de loi de finances rectificative répond à une partie de vos interrogations. La loi de finances initiale pour 2013 complétera cette réponse et, dans la mandature, je suis sûr que nous finirons par vous convaincre que le choix de ce nouveau cours était nécessaire pour nos finances publiques.
Monsieur le président de la commission des finances, vous vous êtes félicité que le spread de taux entre la France et l’Allemagne soit seulement de 100 points de base. Je m’en réjouis avec vous.
Je vous rappelle que nous avons connu bien pire : presque 300 points de base. Vous accordez au gouvernement précédent le mérite de cette situation. J’imagine quels auraient été vos propos si le spread avait été différent ! (M. Marc Daunis s’esclaffe.)
Convenons que c’est le gouvernement de la France, dans sa diversité et par-delà les alternances, qui en est responsable… La bonne foi commande de reconnaître que cette présentation des faits est probablement plus honnête.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout est très volatile. Et très dangereux !
M. Dominique de Legge. Il n’est pas là !
M. Francis Delattre. Il s’est « déplacé » !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … d’avoir souligné le gisement de recettes que constitue la remise en cause de niches préjudiciables à l’environnement.
Son propos a naturellement retenu toute l’attention du ministre du budget, sans pour autant le surprendre.
M. Arthuis a prononcé un vibrant plaidoyer en faveur d’un basculement massif du financement de la protection sociale pour alléger le coût du travail. J’ai trouvé dans le propos de M. Arthuis toute l’honnêteté intellectuelle que nous lui connaissons depuis bien longtemps, et à laquelle je rends un hommage sincère et chaleureux. Mais, en même temps, quel aveu !
Nous voyons qu’il s’agissait bien d’augmenter encore et encore la TVA, alors que la consommation des ménages, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, assure 60 % de la croissance économique du pays. Or cette consommation des ménages aurait naturellement été compromise si la TVA avait été augmentée dans les proportions que le président Arthuis a paru envisager.
Peut-être pourrions-nous tomber d’accord sur ce schéma : avant toute réforme d’une telle ampleur, reportant dans de telles proportions le financement de la protection sociale sur la consommation des ménages, il faudrait nous pencher sur la structure même de notre croissance.
Plus précisément, nous devrions nous efforcer collectivement, je l’espère dans un certain consensus, de la faire moins dépendre de la consommation des ménages et davantage de l’investissement et du commerce extérieur. Bref, il faudrait nous inspirer de la structure de la croissance allemande.
Certes, l’Allemagne a augmenté sa TVA, encore que 1 point seulement ait servi à l’allégement des charges, les autres points servant au désendettement – probablement était-ce d’ailleurs une bonne stratégie.
Cependant, pour pouvoir espérer d’une hausse de la TVA en France les mêmes conséquences qu’en Allemagne, indépendamment même des réserves que l’on peut avoir à propos d’une telle mesure, il faudrait au préalable que la structure de notre croissance soit comparable à celle de l’Allemagne, alors qu’aujourd’hui elle est très différente.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je maintiens donc la position du Gouvernement : il vous propose de revenir sur cette augmentation de la TVA, dont les effets bénéfiques sont incertains mais dont les conséquences préjudiciables à la croissance économique sont, en revanche, certaines.
M. Thierry Foucaud a mis en relation, à juste titre, l’explosion de notre dette et l’allégement de la fiscalité des plus privilégiés.
À ce propos, la Cour des comptes a publié un rapport dont les chiffres sont parfois mal compris ou mal exposés. Personne ne songe à nier les effets de la crise sur l’accroissement des déficits publics et l’emballement de la dette ; le faire ne serait pas bien raisonnable.
Je rappelle cependant que la politique fiscale de la précédente majorité, dont l’échec économique est patent, a été faite totalement à crédit : en particulier, pas une des mesures proposées dans le projet de loi de finances rectificative proposé en 2007 n’était financée.
Prétendre que cela n’a pas contribué à l’aggravation du déficit public ne serait pas plus raisonnable.
Sachons, les uns et les autres, reconnaître nos responsabilités. À cet égard, le présent projet de loi de finances rectificative présente au moins une différence avec celui de l’été 2007 : les mesures qui vous sont proposées sont financées, tandis que celles qui avaient été présentées au Parlement il y a cinq ans ne l’étaient pas.
Monsieur le président de la commission des finances, vous avez repris, à propos du présent projet de loi de finances rectificative, l’expression de « paquet fiscal ».
Je vous rappelle que le paquet fiscal voté en 2007, même si son coût a baissé – estimé entre 13 et 15 milliards d’euros, il s’est finalement élevé à une somme comprise entre 10 et 12 milliards d’euros –, n’en est pas moins resté marqué, fondamentalement, par son péché originel, lui qui était exclusivement financé, du premier au dernier euro, par l’emprunt et la dette !
Au contraire, les mesures que le Gouvernement vous propose aujourd’hui sont, elles, financées.
Dès lors, monsieur le président de la commission des finances, il me semble que la bonne foi devrait commander de trouver, pour les désigner, un autre nom que celui de « paquet fiscal ». Peut-être votre imagination y pourvoira-t-elle…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ne mettez pas en cause ma bonne foi, monsieur le ministre. N’exagérez pas, je vous en prie !
M. David Assouline. On pourrait pourtant le faire… Et facilement !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cette expression restera définitivement attachée à une disposition du projet de loi de finances rectificative pour 2007, d’un coût de 12 milliards d’euros, financée, je le redis, du premier au dernier euro par la dette !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout le monde sait que, à l’époque, les conditions n’étaient pas du tout les mêmes !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Dassault, nos visions s’opposent de façon évidente. Il n’y a aucune acrimonie dans le constat que je fais de notre désaccord, qui d’ailleurs ne vous surprend pas.
Vous considérez qu’en période de crise il faut choisir entre l’égalitarisme, la morale et l’efficacité. Vous prônez l’efficacité. J’aimerais vous convaincre que nous aussi souhaitons être efficaces, mais nous n’estimons pas que ces trois objectifs soient impossibles à atteindre simultanément. Pour ma part, en tout cas, je ne souhaite pas les opposer.
Vous suggérez d’augmenter la TVA pour la porter à 23 %. Convenez que ce serait un effort assez rude pour les consommateurs.
Vous proposez, en outre, de supprimer les allégements Fillon, que vous aviez pourtant votés. Nous connaissons bien ce débat sur le coût du travail dans le bas de l’échelle des rémunérations.
Un certain consensus s’était fait jour pour reconnaître que l’allégement du coût du travail en bas de l’échelle des salaires est nécessaire, sauf à ce que ces emplois soient détruits.
L’évolution très récente du chômage ne devrait pas inciter le Parlement à vous suivre. J’espère qu’il ne le fera pas, et je m’y opposerais dans le cas contraire.
Pour ma part, je ne crois pas économiquement opportun de revenir sur ces allégements de cotisations sociales dont l’architecture a été conçue, d’une manière ou d’une autre, par les majorités successives que notre pays a connues.
Monsieur Patient, je vous remercie de votre soutien au projet de loi de finances rectificative. Il se veut en effet égalitaire dans les domaines que vous avez cités.
Les mesures de justice que nous proposons touchent à la fois la métropole et les outre-mer. Je connais votre attachement à certaines dispositions relatives à la Guyane.
M. Yvon Collin a raison d’appeler de ses vœux une taxe sur les transactions financières plus ambitieuse. Celle qui a été proposée au Parlement l’année dernière n’a consisté qu’à rétablir l’impôt de bourse, puisque, après avoir supprimé cet impôt, l’ancienne majorité a finalement décidé de le recréer.
Nous savons que les trois assiettes sur lesquelles cette taxe repose se réduisent en réalité à une seule.
En effet, la taxe sur les transactions à haute fréquence a une assiette extraordinairement faible, pour ne pas dire nulle. Souvenez-vous de ce que disait à ce propos François Baroin : ce type de pratiques n’existe pas en France, ou alors à un niveau tout à fait marginal.
Quant à la deuxième assiette, c'est-à-dire les transactions sur les credit default swaps, les CDS, elles seront interdites par une directive européenne à compter de l’automne. Cette assiette était donc extrêmement transitoire.
Demeure donc la taxation des échanges de titres pour les sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros. Dans le cas de l’impôt de bourse, ce seuil était de 250 millions d’euros, mais il était prévu des exonérations.
Bref, c’est l’impôt de bourse qui a été rétabli. Nous vous proposons d’en doubler le taux, non pas par frénésie fiscale, mais parce qu’une certaine continuité de l’État s’impose parfois, comme certains d’entre vous l’ont fait valoir.
Les autorités de la France avaient espéré un certain rendement de la taxe sur les transactions financières ; nous proposons le doublement de son taux précisément pour garantir que le rendement de cette taxe, dont l’actuelle opposition, qui était alors la majorité, avait fixé le niveau, sera effectivement atteint.
Madame Marie-Hélène Des Esgaulx, vous faites partie des sénateurs qui ont regretté que j’aie été contraint de quitter l’hémicycle. Je vous prie à nouveau d’accepter les excuses que j’ai présentées au Sénat.
Vous avez marqué votre défiance à l’égard du Gouvernement. La chose n’est pas surprenante. La discussion des articles nous donnera peut-être l’occasion d’examiner plus précisément les raisons de cette défiance et, le cas échéant, de les réduire.
Nous pouvons au moins nous accorder sur la devise de la maison d’Orange : il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer… Je vous suggère d’adopter cette méthode, au moins pour ce projet de loi de finances rectificative ! (Sourires.)
M. Aymeri de Montesquiou a fait preuve à mon égard d’une courtoisie dont je le remercie. J’ai beaucoup apprécié sa citation de saint Augustin, selon laquelle il vaut mieux emprunter le bon chemin en boitant que le mauvais d’un pas ferme… Mais il vaut encore mieux emprunter le bon chemin d’un pas ferme : c’est ce que le Gouvernement s’efforcera de vous proposer !
Je comprends l’appel de M. Dominique Watrin au sujet de la taxation des retraites chapeaux. Un amendement a été déposé en ce sens. Je ne vous cache pas que le Gouvernement est assez enclin à accepter cette suggestion, qui me paraît frappée au coin du bon sens.
Je remercie M. Christian Bourquin d’avoir relevé le changement de méthode. La nôtre repose notamment sur la volonté de dialogue et la prudence dans les prévisions économiques.
S’agissant de ce dernier point, nous nous efforçons de faire preuve d’une transparence et d’une sincérité qui, je crois, ne sont pas contestables.
Par le passé, au contraire, il s’est trouvé des lois de finances reposant sur des prévisions de croissance bien peu réalistes. Il a tout de même fallu plusieurs lois de finances rectificatives pour corriger, précisément, des prévisions de croissance que l’on savait illusoires au moment du vote sur le projet de loi de finances initiale.
Les révisions auxquelles le Gouvernement a procédé peuvent, me semble-t-il, faire consensus. Au moins de ce point de vue-là pourrait-on reconnaître que le Gouvernement fait preuve d’une loyauté certes nécessaire, normale, de bon aloi, mais d’une vraie loyauté à l’égard du Parlement.
Mme Michèle André, à l’instar de plusieurs autres orateurs, a rappelé le contexte très difficile dans lequel s’inscrit notre discussion, ainsi que la nécessité impérieuse de tenir des engagements de redressement. Madame la sénatrice, je vous remercie d’être sensible à une notion qui, je crois, fait consensus au Sénat et, plus généralement, au Parlement : lorsque la France a donné sa parole, elle doit la respecter.
Mme Fabienne Keller et d’autres parlementaires se sont exprimés sur les heures supplémentaires. Sans doute peut-on éviter certains malentendus. Il ne s’agit évidemment pas de supprimer dans leur principe les heures supplémentaires, qui continueront à être payées à un tarif supérieur aux heures dites « normales », c'est-à-dire, je crois, 25 % jusqu’à la huitième heure et 50 % au-delà. En clair, le « travailler plus pour gagner plus », tant qu’il est raisonnable, ne me semble pas contredit par les propositions que le Gouvernement vous soumet.
En revanche, il est vrai que nous revenons sur la désocialisation et la défiscalisation des heures supplémentaires pour les entreprises, en tout cas pour celles dont les effectifs ne les qualifie pas comme de très petites entreprises, et pour l’ensemble des salariés, au nom de l’égalité devant l’impôt.
Nous le faisons pour des raisons de fond, après avoir dressé un constat : le dispositif, qui était destiné à encourager le travail, donc à lutter contre le chômage, a échoué.
M. Francis Delattre. Personne ne le démontre !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Comment expliquer autrement que, en dépit de l’instauration d’une telle mesure et de la vigueur avec laquelle elle fut mise en œuvre et maintenue, le nombre de chômeurs ait augmenté de plus de un million ? Comment expliquer, puisque la mesure était destinée à encourager le travail, que son entrée en vigueur n’ait pas eu pour effet d’augmenter le volume d’heures supplémentaires travaillées ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il aurait peut-être été plus faible sans cela ! Qu’en savez-vous ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Car, qu’ils émanent du Parlement, du Conseil des prélèvements obligatoires ou de la Cour des comptes, les rapports ont abondé sur le sujet, honnêtes, sincères et opposables à chacun, qui tous démontrent que le nombre d’heures supplémentaires n’a pas augmenté.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous réécrivez l’histoire telle qu’elle vous arrange !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. D’autres arguments justifient, me semble-t-il, notre position.
Premièrement, appartient-il vraiment à la puissance publique de se substituer à des entreprises quand il s’agit de rémunérer le travail ?
C’est une question à laquelle nous avions pu répondre de manière assez consensuelle, pour les uns en instaurant la prime pour l'emploi, pour les autres en l’augmentant. Car la prime pour l'emploi n’est rien d’autre que la déclinaison d’un tel principe. Il s’agit de décharger les entreprises de ce qui a toujours été leur obligation historique – elles étaient jusque-là les seules à rémunérer le travail fourni en leur sein – pour que la puissance publique se substitue d’une manière ou d’une autre à elles.
Mais, convenons-en, si la prime pour l'emploi a atteint ses objectifs – les uns l’ayant créée, les autres l’ayant augmentée, je suppose qu’il n’y aura pas d’opposition farouche entre nous sur le sujet –, ce n’est pas le cas, me semble-t-il, du dispositif de politique publique relatif aux heures supplémentaires.
Deuxièmement, il est tout de même délicat de financer de telles mesures exclusivement par l’emprunt et par la dette. Car c’est bien cela qui fut mis en œuvre pendant cinq ans. Au nom de quoi les générations futures, quand elles rembourseront les emprunts que nos générations auront contractés, devront-elles rembourser ce que l’État aura dû emprunter pour payer les heures supplémentaires effectuées par des salariés dans des entreprises ? Il me paraît difficile d’affirmer que cela est légitime. Nous avons une opposition sur ce sujet. Nous aurons donc le débat le plus serein possible, un débat qui sera naturellement de qualité.
Il est vrai que deux visions politiques s’affrontent en la matière. Là encore, il n’y a rien de surprenant. Nous en avons l’habitude, depuis cinq ans au moins.
Mme Archimbaud partage le double objectif du Gouvernement de justice fiscale et de rétablissement des comptes publics. Je la remercie de ses propos. Elle appelle, comme son collègue Jean-Vincent Placé, à revoir les niches fiscales dites « grises », qui sont en particulier défavorables à ce que l’on appelle le « développement durable ».
Nous voyons bien quels sont les sujets que vous souhaitez aborder, madame la sénatrice. Nous aurons donc un débat qui, je l’espère, sera fructueux. Soyez en tout cas certaine qu’il sera mené avec la plus grande sincérité de la part du Gouvernement.
M. Nègre, comme plusieurs orateurs de l’ancienne majorité, a évoqué un « satisfecit » que la Cour des comptes aurait adressé au précédent gouvernement. Je me suis exprimé assez largement sur ce point à la tribune tout à l’heure. J’ai reconnu que le déficit public avait effectivement été réduit de manière historique. Simplement, cela s’est produit après que le déficit public eut atteint un niveau lui-même historique. L’Histoire répond à l’Histoire ; cela tombe bien !
En même temps, j’ai indiqué en quoi une telle réduction consistait réellement : un effort structurel de 0,8 point de PIB, constitué exclusivement de recettes supplémentaires. Mais, et je m’adresse ici aux parlementaires qui ont fait de l’absence d’augmentation des impôts l’alpha et l’oméga de leur projet politique et de leur stratégie pour réaliser des économies et qui ont même érigé cet objectif en nécessité impérieuse et incontournable pour réduire le déficit public, convenez-en, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque la Cour des comptes écrit noir sur blanc que le seul effort structurel réalisé par notre pays en 2011 fut une augmentation des impôts, et certainement pas une économie dans les dépenses, il est difficile d’y trouver le satisfecit que certains y ont vu !
Mais, après tout, chacun peut lire ce qu’il lui plaît de lire dans les rapports. C’est d’ailleurs bien le rôle de la Cour des comptes que de donner à réfléchir aux uns et aux autres. Les uns voient dans certains propos ou écrits de la Cour des comptes de quoi se féliciter des politiques déjà menées quand d’autres y voient condamnation de ces mêmes politiques, et réciproquement. À tout le moins, la Cour des comptes contribue à un débat de qualité au sein du Parlement. Sur ce constat-là, nous pourrons tous, je le crois, nous retrouver de manière consensuelle.
M. Rebsamen a rappelé le bilan économique et social, qualifié de « catastrophique », de la précédente majorité présidentielle. Il a mis en perspective notre action, en rappelant qu’elle s’inscrivait dans la durée, avec des réformes qui seraient concertées, puis présentées au Parlement. Je le remercie très vivement de son soutien.
Le présent collectif budgétaire peut être, me semble-t-il, caractérisé par deux principes, même si cela n’en exclut évidemment pas d’autres.
Premier principe, la sincérité. J’en ai dit quelques mots, en précisant ce qu’étaient nos révisions de croissance économique. Je ne crois pas que les évaluations du Gouvernement, sur lesquelles notre texte se fonde, soient contestables. En tout cas, je n’ai pas entendu d’orateur les remettre en question.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Sur vos commodités, vous ne m’avez pas répondu ! Vous vous en êtes bien gardé !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous ne m’avez répondu en rien sur la présentation des chiffres !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Eh bien, je suis désolé de vous avoir déçu ! J’essaierai de me rattraper et de mieux vous répondre lors de la discussion des articles.
Deuxième principe, la responsabilité. Il y a effectivement des mesures nouvelles dans ce projet de loi de finances rectificative. Elles sont d’une ampleur relativement limitée, par comparaison avec le coût, que j’ai déjà évoqué, du paquet fiscal de la précédente législature. Ce sont des priorités.
Les 90 millions d’euros au titre des nouveaux emplois dans l’éducation nationale sont financés par la réduction de crédits sur d’autres programmes. Les 400 millions d’euros d’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire le sont par l’affectation à la branche famille d’une recette que nous maintenons et que la présente majorité avait votée. C’est donc financé. Les 500 millions d’euros, toutes institutions confondues, c'est-à-dire l’État et l’ensemble des collectivités publiques et locales, liés à l’augmentation du SMIC sont financés, en tout cas pour l’État, par redéploiement. Enfin, les 200 millions d’euros de mesures d’âge, c'est-à-dire la reprise partielle de dispositions de la réforme des retraites, sont aussi financées.
Vous pouvez critiquer nos choix et condamner les hausses de cotisations, mais cette mesure, à l’instar des autres, est financée.
Je m’aperçois que je n’ai pas répondu aux sénateurs représentant les Français de l’étranger. Pardon d’avoir failli commettre une telle omission.
Sur la prise en charge, là encore, nulle surprise ! Il avait été indiqué pendant la campagne présidentielle, puis pendant les législatives, qu’une telle mesure serait prise. Pour un peu moins de 10 % des élèves, plus de 25 % des crédits de la mission ont été consommés. Peut-être est-ce un peu excessif.
En outre, conformément à l’engagement du Président de la République, si cette mesure est supprimée, les crédits ne sont pas annulés pour autant. Bien entendu, il appartient au ministre responsable, en liaison avec les parlementaires ayant une légitimité sur le sujet, de veiller à ce que l’utilisation des crédits se fasse au mieux.
À mon sens, l’annulation de la mesure et la récupération des crédits auraient été très critiquables. Mais ce ne sera pas le cas.
J’ai été interrogé sur le choix d’assigner aux plus values immobilières le soin de contribuer, via la CSG et la CRDS, au rétablissement de nos finances publiques. J’y répondrai de manière plus détaillée lors de l’examen de l’article concerné. Quoi qu’il en soit, cela repose sur un principe fiscal que personne n’a jamais, je crois, contesté ici et que je serais surpris d’entendre les parlementaires représentant les Français établis hors de France remettre en cause : le principe de territorialité. Car c’est au nom de ce principe que nos compatriotes qui se sont expatriés pour des raisons qui les regardent et qui sont évidemment respectables, n’acquittent pas l’impôt sur le revenu en France. Si le principe de nationalité devait prévaloir – j’ai cru comprendre que certains parlementaires représentant les Français de l’étranger pourraient le souhaiter dans ce cas d’espèce –, je vous engage à réfléchir à ce qu’en seraient les conséquences pour nos compatriotes expatriés, s’agissant non seulement de l’impôt sur le revenu, mais également de la CSG. Peut-être faudrait-il veiller à ne pas condamner une disposition avec tel argument pour ensuite oublier cet argument lorsqu’il s’agit d’en éviter une autre…
Je m’aperçois que je n’ai pas répondu à Pierre Charon. Je le prie vraiment de m’en excuser. Je le connaissais naturellement de nom et de réputation : esprit pétillant, personnage ayant beaucoup contribué, en 2007, aux événements politiques que l’on connaît et s’étant singularisé lors d’élections sénatoriales récentes ! (Sourires.) J’emploie le terme « singularisé » dans le bon sens du terme. Le courage, quand il s’agit de se présenter à des élections, est chose tout à fait estimable et appréciable. (Nouveaux sourires.) Je crois qu’aucun élu ne pourra en disconvenir. J’ai peut-être été un peu déçu par la chute de votre intervention, monsieur le sénateur. J’espère que vous trouverez l’occasion de vous rattraper au cours du débat.
Je vous répondrai avec autant d’humour que vous, c'est-à-dire, en fait, sans vraiment d’humour. Accuser l’actuel gouvernement et la majorité qui le soutient de ne penser qu’aux prélèvements obligatoires et aux impôts, c’est oublier que la majorité à laquelle vous apparteniez a voté 15 milliards d’impôts supplémentaires pour cette année, quand nous nous contentons de 7 milliards d’euros, c'est-à-dire deux fois moins.