Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° II-169 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Je vais le retirer, madame la présidente. Je trouvais cependant intéressant, compte tenu des contraintes budgétaires que nous connaissons, d’obtenir quelques explications sur ce point.
On nous dit que les 8 millions d’euros nécessaires à l’organisation de ces élections relèvent du budget du ministère de l’intérieur. Soit, mais, après tout, nous nous sommes d’ores et déjà battus pour la DGF, pour le FISAC et sur bien d’autres fronts encore ; il est donc normal que je sollicite des explications, au moment du débat budgétaire.
Ayant un peu voyagé, je me doute bien que les modalités d’organisation de ces élections sont différentes ; mais je suis en cohérence avec la position que j’avais défendue lors de l’examen de la révision constitutionnelle. Au travers d’amendements, j’avais en effet combattu la création des députés élus par les Français de l’étranger, car j’estimais que la conjoncture économique globale ne s’y prêtait pas.
M. Alain Néri. C’était une bonne idée !
Mme Nathalie Goulet. Ces députés ayant été sacralisés par la Constitution, nous verrons bien ce que donneront ces élections.
Je remercie le ministre d’État et nos collègues sénateurs des Français de l’étranger, solidaires avec les futurs députés, de nous avoir fourni ces quelques explications. Nos compatriotes métropolitains seront sans doute très satisfaits de l’arrivée de ces nouveaux députés !
Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-169 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° II-159, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Action de la France en Europe et dans le mondeDont Titre 2 |
100 000 |
100 000 |
||
Diplomatie culturelle et d’influenceDont Titre 2 |
100 000 |
100 000 |
||
Français à l’étranger et affaires consulairesDont Titre 2 |
||||
Présidence française du G20 et du G8 |
||||
TOTAL |
100 000 |
100 000 |
100 000 |
100 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Cet amendement vise à augmenter les crédits d’intervention affectés à la Direction de la prospective, qui s’élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2012, à 400 000 euros, auxquels s’ajoutent 730 000 euros destinés à l’invitation en France de personnalités d’avenir.
Cette direction, dont le rôle éminent est plus que jamais d’actualité dans notre monde instable, doit en effet, nous semble-t-il, disposer de financements plus importants.
Je concède qu’il peut paraître incongru de déposer un tel amendement, alors que nous allons voter contre les crédits de cette mission. Après avoir reçu un représentant de cette direction, il nous a cependant paru nécessaire d’attirer votre attention sur la situation de ces crédits. Ne convient-il pas, dans une période aussi instable, de renforcer une structure susceptible de nous apporter des éclairages pertinents ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances. Cet amendement d’appel est intéressant dans son principe, car il pose un vrai problème. M. le ministre d’État nous dira ce qu’il en pense ; pour ma part, au nom de la commission des finances, j’en demande le retrait.
En effet, comme l’a dit le président de la commission des affaires étrangères, la majorité de la commission des finances souhaitant voter contre les crédits de la mission, il ne serait pas cohérent que l’on adopte un amendement visant à les modifier.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Juppé, ministre d’État. La Direction de la prospective fait un travail remarquable, et dispose des moyens pour accomplir sa mission : 27 agents à temps complet et des collaborateurs recrutés pour des missions ponctuelles, ce qui représente, au total, un budget de 700 000 euros.
Vous avez eu raison de le rappeler, monsieur le président de la commission, cette direction est chargée de gérer l’excellent programme d’invitation des personnalités d’avenir, le fameux PIPA, qui nous permet, comme son nom l’indique, d’investir pour l’avenir. Je peux vous assurer que je suis très attentif au travail de cette direction, et je ferai en sorte de renforcer les moyens de ce programme, qu’il n’est pas question de raboter.
Je vous serai donc très reconnaissant, monsieur Carrère, de bien vouloir retirer ce que je considère comme un amendement d’appel.
Mme la présidente. Monsieur le président de la commission, l’amendement n° II-159 est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Compte tenu de l’élégance des propos du ministre d’État, j’accepte de retirer cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-159 est retiré.
Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », figurant à l’état B.
Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable à l’adoption de ces crédits.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. Alain Néri. Très bien !
Mme la présidente. J’appelle en discussion l’amendement tendant à insérer, avant l’article 48 A, un article additionnel qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».
Article additionnel avant l'article 48 A
Mme la présidente. L'amendement n° II-30, présenté par M. Yung, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. - Avant l’article 48 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 141 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, un décret pris après avis de l’Assemblée des Français de l’étranger et, au plus tard, le 31 juillet 2012, détermine les conditions dans lesquelles le niveau de revenu des familles peut faire obstacle à une telle prise en charge. »
II. - En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :
Action extérieure de l'État
La parole est à M. Richard Yung, rapporteur spécial.
M. Richard Yung, rapporteur spécial. Cet amendement concerne les aides à la scolarité pour les enfants français scolarisés à l’étranger, question qui a déjà été évoquée.
Comme vous le savez, ces aides prennent deux formes : d’une part, les bourses, à caractère social, attribuées pendant toute la scolarité et, d’autre part, la prise en charge par l’État des frais de la scolarité au lycée, la PEC, d’une durée de trois ans.
Les crédits dévolus à ces aides ont considérablement augmenté depuis 2007. Cela a été indiqué, en 2012, ils s’élèveront à 125 millions d’euros, 93 millions d’euros pour les bourses et 32 millions d’euros pour la PEC.
La question revêt deux aspects.
Sur l’aspect financier, le Parlement a déjà agi. En effet, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, le Sénat avait introduit un plafonnement des droits d’écolage. Depuis cette rentrée, la PEC se limite donc aux frais constatés depuis l’année scolaire 2007-2008, afin d’éviter la très forte tentation pour un certain nombre d’établissements de gonfler leurs frais.
L’économie a été significative puisque, aujourd’hui, la PEC s’élève à 76 % des frais d’écolage.
Malgré cette action, si, pour 2012, aucune difficulté n’est à craindre, tel ne sera pas le cas dès 2013. En effet, sous l’effet du dynamisme des bourses, le coût réel des aides devrait alors, semble-t-il, excéder de 23 millions d’euros les crédits prévus par la loi de programmation. Un problème d’enveloppe budgétaire se posera donc.
Quant à l’aspect social, il s’agit en fait de prévoir une mesure plus juste non seulement pour ceux qui n’y ont pas accès, mais aussi pour les parents non français qui doivent acquitter des frais d’écolage de plus en plus élevés.
M. Robert del Picchia. Mais non !
M. Richard Yung, rapporteur spécial. Nous risquons de créer une machine à exclusion.
C’est pourquoi je vous propose de compléter la loi de finances pour 2011 en instaurant un plafond de revenus. Ainsi, au-delà d’un certain niveau de revenus, très variable selon les pays et que devra définir le pouvoir réglementaire – je ne dispose pas des moyens adéquats pour le fixer moi-même –, la PEC ne s’appliquerait plus sous cette forme.
Les économies ainsi dégagées pourraient s’élever chaque année à environ 10 millions d’euros et serviraient utilement à financer une partie de l’augmentation des bourses.
Cette proposition figurait d’ailleurs dans le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, qui comprenait des représentants de toutes tendances politiques. Elle est beaucoup moins radicale, si je puis dire, que la solution qu’a proposée M. Rochebloine à l’Assemblée nationale, c'est-à-dire purement et simplement la suppression de la PEC.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Juppé, ministre d'État. Je voudrais tout d’abord rappeler que, dans la ligne du rapport remis par Geneviève Colot et Sophie Joissains, qui vient d’être évoqué, un système de plafonnement a été mis en place et qu’il a fait la preuve de son efficacité.
Au sein de la couverture des frais de scolarité, ce n’est pas la PEC qui augmente, ce sont les bourses, attribuées, bien entendu, sous conditions de ressources. Les prévisions pour 2013 montrent que ce budget devrait être stabilisé.
Je signale également que le coût administratif de la mise en place d’une telle mesure ne serait pas nul. Il est très difficile d’établir un bilan exact de l’économie qui serait réalisée.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Je veux dès à présent mettre un terme au suspense : je voterai contre cet amendement ! (Sourires.)
Je vais maintenant vous expliquer les raisons de mon vote, puisque je dispose d’un temps de parole de quatre minutes quarante-cinq secondes.
M. Jean-Yves Leconte. Vous n’êtes pas obligé de l’utiliser en totalité !
M. Christophe-André Frassa. J’en conviens, mon cher collègue, mais plus vous m’interrompez, moins je peux m’exprimer… Par conséquent, nous allons tous perdre du temps !
Je ne trouve aucune once de souci de l’intérêt général ou des finances publiques dans l’amendement que nous examinons. En revanche, j’y vois la poursuite du dogme rabâché depuis quatre ans par l’opposition nationale : « Il faut en finir avec la PEC ! » Vous étiez, chers collègues, philosophiquement opposés à cette prise en charge et vous continuez ce combat.
Déjà, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, nous avons accepté, à votre demande, mais aussi par souci de l’intérêt général et des finances publiques, d’instaurer un plafonnement. Aujourd’hui, vous finissez de dénaturer la prise en charge en la rabaissant au rang de simple bourse, alors qu’elle n’a jamais été conçue comme telle. En fin de compte, vous voulez fondre les deux dispositifs !
Or ce sont les personnes que vous pensez défendre avec ce plafonnement, celles qui appartiennent aux classes moyennes, qui seront les premières exclues. En effet, le pouvoir réglementaire n’aura pas les moyens d’instituer un plafonnement juste et équitable partout dans le monde. On a d’ailleurs constaté les excès auxquels a donné lieu le plafonnement de la prise en charge dans certains pays. À titre d’exemple, en Argentine, la prise en charge ne représente plus que 42 % des frais de scolarité, et elle est même tombée en deçà de 40 % à Pondichéry, pour ne plus être que de 35 % environ.
Pour ces raisons, et bien d’autres encore, je voterai contre l’amendement n° II-30. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean Besson. Vous défendez les riches !
M. Christophe-André Frassa. Voilà une remarque intelligente !
Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.
Mme Claudine Lepage. Je ne prolongerai pas inutilement le débat, que j’ai envie de qualifier de « dialogue de sourds ».
Je souhaite cependant indiquer que le présent amendement répond à une véritable exigence de justice sociale. Son adoption permettrait de revenir à une aide à la scolarité fondée exclusivement sur des critères sociaux.
Parce que nous devons tout mettre en œuvre pour préserver l’enseignement français à l’étranger, je vous demande, mes chers collègues, de voter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Comme je suis quelque peu responsable de la prise en charge, j’essaie chaque fois de fournir des explications, mais il est parfois bien difficile de se faire comprendre.
Monsieur Yung, vous savez très bien que votre argument selon lequel la PEC exclut des élèves étrangers est faux. Prenez les chiffres réels, que l’AEFE peut vous confirmer. Au lycée, le nombre des élèves étrangers est deux fois plus élevé que celui des élèves français. La proportion des premiers a augmenté de 4,5 %, tandis que celle des seconds a enregistré une hausse de 4,7 %.
M. Jean-Yves Leconte. Combien paient-ils ?
M. Robert del Picchia. Monsieur Leconte, je ne vous ai pas interrompu ; je vous demande de bien vouloir me laisser m’exprimer !
Donc, ce premier argument ne tient pas.
Le coût de la PEC est stabilisé, comme l’a fort bien expliqué M. le ministre d’État, et le restera.
Réalisez une étude afin de savoir qui actuellement « profite » de la PEC. Au lycée, 44 % des enfants bénéficient d’une aide à la scolarité, par le biais d’une bourse ou de la PEC. Quant aux autres élèves, les enfants des fonctionnaires, des diplomates, des expatriés de l’AEFE, ils sont pris en charge par ailleurs. Par conséquent, l’État ne va pas payer deux fois.
Si je voulais être encore plus méchant, je rappellerais aux diplomates qui sont opposés à la PEC que, eux, en profitent dès la naissance de leur enfant, et pas seulement à partir du moment où celui-ci est scolarisé…
M. Richard Yung, rapporteur spécial. C’est méchant !
M. Jean-Yves Leconte. La situation est différente !
M. Robert del Picchia. Cela revient au même, puisqu’il s’agit de l’aide attribuée aux familles pour la scolarité de leurs enfants.
M. Jean-Yves Leconte. On la refuse à des familles qui gagnent 3 000 euros, mais on l’attribue à d’autres qui gagnent 15 000 euros !
M. Robert del Picchia. Madame la présidente, puis-je poursuivre ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, la parole est à M. Robert del Picchia, et à lui seul !
M. Robert del Picchia. On nous dit encore que les sociétés ne paient plus. C’est faux !
Mme Claudine Lepage. Mais non, et vous le savez !
M. Robert del Picchia. Selon les enquêtes réalisées, seules quatre sociétés ont adopté ce comportement.
Et quand bien même leur nombre serait deux ou trois fois plus élevé ! Tout ce qui aide les PME-PMI aide notre pays. Si nos PME-PMI peuvent exporter, c’est tant mieux ! La France a besoin des exportations en cette période. Soyez contents si les PME-PMI peuvent envoyer des cadres à l’étranger, à l’instar des sociétés allemandes. Regardez les exportations allemandes ! Si le nombre de cadres français présents à l’étranger était plus élevé, la rentabilité de nos entreprises serait peut-être meilleure. Par conséquent, l’utilité de la PEC ne peut pas être niée.
M. Yung veut un plafond de ressources pour les bénéficiaires de la PEC, mais c’est impossible. D’ailleurs, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger le reconnaît elle-même, car les revenus exacts de tous les expatriés ne pourront pas être vérifiés.
M. Alain Néri. Ah bon ?
M. Robert del Picchia. Quel serait le résultat de l’adoption de l’amendement n° II-30 ? Qui fréquenterait encore ces classes ? Les enfants des expatriés riches, ceux des fonctionnaires et ceux des familles aux revenus les plus faibles, qui bénéficient d’une bourse. En réalité, ce sont les familles à revenu moyen qui seraient pénalisées.
M. Jean-Yves Leconte. Il faut augmenter le montant des bourses pour les classes moyennes !
M. Robert del Picchia. Ces familles ne sont pas assez riches pour payer les frais de scolarité, mais le sont trop pour prétendre à une bourse. Vous allez donc empêcher cette catégorie moyenne, qui représente la plus grande partie des Français expatriés, d’accéder à la PEC.
Je souhaite apporter une précision supplémentaire. Les 30 millions d’euros ont été affectés à la PEC pour une fin précise. Si l’on supprime ces crédits, croyez-vous que Bercy ne les reprendra pas ?
M. Jean-Yves Leconte. C’est le Parlement qui décide, et non Bercy !
M. Robert del Picchia. Quant au montant des bourses, monsieur Leconte, il a doublé depuis l’instauration de la PEC ; le poste est passé de 46 millions d’euros à 93 millions d’euros.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Ce n’est pas une explication de vote, c’est un débat !
M. Robert del Picchia. Mon cher collègue, j’explique simplement les raisons pour lesquelles je ne voterai pas l’amendement n° II-30 et j’utilise le même temps de parole que l’orateur précédent.
Monsieur le ministre d’État, à une époque – vous en souvenez-vous ? –, la somme dédiée aux bourses a été augmentée de 50 millions de francs, ce qui fut une très bonne chose. Tous les membres de l’opposition au sein de l’Assemblée des Français de l’étranger avaient alors applaudi debout.
Mes chers collègues, vous feriez bien aujourd’hui, comme les membres de mon groupe, de ne pas voter cet amendement.
M. Christophe-André Frassa. Très bien !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 48 A.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que l’amendement n° II-123 rectifié quinquies a été précédemment retiré.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.)
PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.
Ville et logement
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Ville et logement » (et articles 64 et 64 bis).
La parole est à M. Jean Germain, rapporteur spécial.
M. Jean Germain, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans le projet de loi de finances pour 2012, les crédits de la mission « Ville et logement » s’élèvent à 7,719 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 7,595 milliards d'euros en crédits de paiement.
Cette mission, la dixième plus importante du budget de l’État, présente trois particularités.
Tout d'abord, elle est constituée à 99 % de dépenses d’intervention, dont l’évolution est donc immédiatement ressentie, sur le terrain, par les ménages, les entreprises, les associations et les collectivités.
Ensuite, le montant des dépenses budgétaires de la mission est presque deux fois moindre que celui des dépenses fiscales qui lui sont rattachées. La disparition du dispositif Scellier, que l’Assemblée nationale a entérinée, n’interviendra pas avant un an, et les dépenses générationnelles perdureront. Si l’on met de côté les taux réduits de TVA, les dépenses fiscales rattachées, dont l’augmentation a été rapide et constante depuis 2007, n’ont pas toutes la même efficacité au regard des objectifs de la mission : certaines ont favorisé la hausse des prix du foncier et du logement.
Enfin, nous ne disposons que d’une faible marge de manœuvre sur les dépenses budgétaires que nous examinons, puisque plus des deux tiers des crédits de la mission sont destinés à financer les aides personnelles au logement, les APL. Celles-ci, qui sont affectées de façon mécanique, constituent un indicateur de la baisse des revenus des ménages et de la montée de la précarité du fait de la crise.
Malheureusement, le Gouvernement a répondu à cette situation en faisant adopter par l’Assemblée nationale, sous la forme d’un article non rattaché, une réduction de 88 millions d’euros des crédits affectés aux APL, via une limitation à 1 % de la revalorisation de leur barème. Cette dernière est inférieure à celle que prévoyait le dispositif traditionnel, qui consistait en une indexation sur l’évolution de l’indice de référence des loyers.
Malgré tout, la hausse du montant des crédits affectés aux APL entraîne l’augmentation des crédits de la mission. Toutefois – il ne faut pas s’y tromper –, les crédits des autres actions stagnent ou diminuent, alors que cette mission devrait constituer une priorité, dans la mesure où elle concerne le premier poste du budget des ménages. Par ailleurs, les choix opérés sont irréalistes : la mission est sous-budgétisée, à un niveau inférieur aux montants prévus en loi de finances initiale, alors même que ceux-ci se sont révélés insuffisants et ont donc dû être abondés en cours d’année.
J’en viens maintenant aux points principaux des quatre programmes de la mission. Trois d’entre eux concernent la politique du logement ; le quatrième traite de la politique de la ville.
Le programme 177, « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », représente 1,2 milliard d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Le montant prévu dans la loi de finances initiale pour 2011 est donc reconduit.
Voilà un parfait exemple de l’irréalisme que je viens de souligner. En effet, ce programme était manifestement sous-budgété : depuis plusieurs années, les dotations initiales doivent être abondées en cours d’année par des décrets d’avance et des lois de finances rectificatives.
Face au mécontentement des associations, le Premier ministre a annoncé, le 26 septembre dernier, que le projet de loi de finances rectificative qui sera examiné dans quelques jours prévoirait une rallonge de 75 millions d’euros pour l’hébergement et l’accès au logement. L’annonce est belle mais, si une partie de cette somme complétera les crédits de l’année 2011, l’autre ne sera allouée qu’en 2012. Pourquoi ne pas inclure directement dans le projet de loi de finances pour 2012 les sommes inscrites dans le prochain projet de loi de finances rectificative pour 2011 mais dont le versement n’interviendra qu’en 2012 ?
Les associations agissant dans le domaine de l’hébergement et de la réinsertion sociale se trouvent dans une situation d’insécurité financière, que la politique du « logement d’abord » ne fait qu’accroître. Lors du dernier conseil des ministres, vous avez déclaré, monsieur le ministre, que votre stratégie était « partagée avec les associations ». Pourtant, le 10 novembre dernier, leurs responsables ont manifesté devant le Sénat pour clamer leur mécontentement, affirmer leur attachement à « un toit pour toutes et tous » et dénoncer les conséquences d’une politique qui jette les personnes sans domicile dans la rue, dans des campements indignes ou aux urgences hospitalières.
Concrètement, votre politique du « logement d’abord » consiste à remplacer les crédits destinés à l’hébergement d’urgence par des sommes consacrées à la construction de logements qui n’existent pas encore.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement. Les baisses dont vous avez parlé n’existent pas non plus !
M. Jean Germain, rapporteur spécial. L’unique objectif de ce tour de passe-passe est de faire des économies en diminuant les moyens alloués au travail social mené auprès de ceux qui en ont le plus besoin ! Les crédits affectés au logement adapté augmentent certes de 39 millions d’euros, mais ceux qui sont destinés à l’hébergement diminuent de 57 millions d’euros. Le compte n’y est pas.
Le « logement d’abord » est un concept qui sert de prétexte au désengagement de l’État. Comment accueillir les personnes expulsées, celles qui sortent de prison sans attache ou encore les migrants qui se heurtent au manque de places dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile ? Cette politique budgétaire n’est pas de nature à apaiser les tensions que fait naître la crise, et dont l’espace public est le théâtre.
Le programme 109, « Aide à l’accès au logement », finance les aides à la personne, les crédits de soutien aux associations intervenant dans le domaine du logement et le système de garantie des risques locatifs. Il représente plus des deux tiers du montant total des crédits de paiement de la mission.
La prévision des dépenses de l’État au titre de la subvention d’équilibre du Fonds national d’aide au logement, le FNAL, est dangereusement irréaliste, puisqu’elle les situe à un niveau inférieur à ce qui a été nécessaire en 2011, et cela alors même que, comme je l’ai rappelé à l’instant, le nombre de personnes éligibles, donc de prestations versées, est en augmentation. Qui pis est, en ces temps de crise, la contribution patronale assise sur la masse salariale, qui constitue la principale ressource du FNAL après celle de l’État, diminue en même temps que l’emploi.
Le programme 135, « Développement et amélioration de l’offre de logement », regroupe essentiellement les interventions de l’État dans le domaine de l’aide à la pierre.
Dans la mesure où ces interventions prennent souvent la forme de dépenses fiscales et où l’État s’est très largement désengagé de cette politique, l’importance de ce programme s’est fortement réduite. Ainsi, les crédits de l’action n° 01, Construction locative et amélioration du parc, diminuent de 9,8 % en autorisations d’engagement et de 31,1 % – près d’un tiers ! – en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, alors même que celle-ci prévoyait déjà une baisse de 17 %. Aucun autre programme n’enregistre un tel décalage entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement !
Selon les réponses fournies par le Gouvernement, la dotation de 450 millions d’euros en autorisations d'engagement doit permettre de financer la construction de 120 000 logements locatifs sociaux, à travers 22 500 prêts locatifs aidés d’intégration, les PLAI, 55 000 prêts locatifs à usage social, les PLUS, et 42 500 prêts locatifs sociaux, les PLS.
Toutefois, ces objectifs, qui portent seulement sur le financement, et non sur la production réelle, ne sont maintenus qu’au prix d’une réduction permanente de la subvention moyenne par logement : entre 2011 et 2012, celle-ci passera de 800 à 600 euros pour un PLUS et de 10 800 à 9 600 euros pour un PLAI. Comment peut-on produire autant de logements avec moins de crédits ?