M. Jean Germain, rapporteur spécial. Certes, ces aides apportées par l’État déclenchent d’autres mécanismes. Cependant, il est prévu que la diminution drastique des crédits de paiement sera compensée par une enveloppe de 140 millions d’euros en fonds de concours, qui correspond à la fraction principale du prélèvement sur les HLM et les sociétés d’économie mixte qu’a institué la précédente loi de finances. Or, dans la mesure où leur reversement a posteriori au budget de l’État sera effectué exclusivement en crédits de paiement, ces fonds serviront non pas à financer de nouveaux programmes de construction, mais à compenser le désengagement de l’État.
Par ailleurs, on ne peut que dénoncer de nouveau les conditions dans lesquelles est effectué ce prélèvement sur les HLM et les sociétés d’économie mixte, qui a suscité beaucoup d’émotion. L’objectif annoncé était d’introduire de la péréquation entre les organismes HLM. J’y souscris, mais je ne vois pas en quoi ce prélèvement est péréquateur ! En effet, 43 % des recettes qu’il suscite sont affectées à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, dont un tiers des dépenses relève de la politique de la ville et ne concerne pas directement le logement.
Du reste, Action Logement – l’ancien 1 % logement – est également mise à contribution pour financer l’ANRU, au détriment de sa mission naturelle – les prêts aux salariés –, qui lui procure sa principale source de financement, soit 2 milliards d'euros, devant la participation des employeurs à l’effort de construction, pour 1,7 milliard d'euros. Or le nombre de salariés bénéficiant de ces prêts a baissé de près de 40 % entre 2006 et 2010, ce qui entraîne mécaniquement une diminution des ressources d’Action Logement.
Dès lors, et dans la mesure où la participation des employeurs à l’effort de construction n’est pas un prélèvement obligatoire – le Conseil des prélèvements obligatoires l’a rappelé en 2009 –, puisque ses organismes gestionnaires appartiennent au secteur privé, Action Logement a intenté, en octobre dernier, une action en justice contre l’État devant le tribunal administratif de Paris. Au passage, je rappelle que, aux termes de l’article L. 313-3 du code de la construction et de l’habitation, une procédure de concertation précise aurait dû être suivie. Celle-ci prévoit notamment que « le Parlement est saisi des répartitions annuelles lors du dépôt des projets de loi de finances ». Or tel n’a pas été le cas.
Détourner l’emploi du 1 % logement en le compensant par une partie du prélèvement effectué sur les HLM est dangereux non seulement pour ces acteurs essentiels du logement, mais également pour l’ANRU elle-même, puisque son financement repose ainsi sur des acteurs fragilisés.
J’en viens au programme 147, « Politique de la ville et Grand Paris », auquel sont affectés 535,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 548,4 millions d’euros en crédits de paiement. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, cela représente une diminution de crédits de plus de 14 % et 12 %, respectivement. Cette diminution est due pour l’essentiel à la baisse des compensations d’exonérations de cotisations sociales dans les zones franches urbaines, les ZFU, conséquence de la réforme de 2010, qui a plafonné le niveau de salaire ouvrant droit à exonération ; nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen des amendements déposés sur l’article 64, qui traite de ces ZFU.
Les crédits mis en œuvre par l’Agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSE, constituent les deux tiers des crédits du programme. S’ils restent stables, leur distribution varie significativement d’une année sur l’autre. Des outils pourtant efficaces ne sont activés que par intermittence, ce qui nourrit la frustration. Par exemple, l’objectif « Lien social, citoyenneté et participation à la vie publique » a perdu plus d’un cinquième de ses moyens en deux ans. Est-ce ainsi que nous amènerons les nombreux habitants de ces territoires, très souvent issus de l’immigration et en quête de références identitaires, à trouver celles-ci dans les valeurs qui fondent la République ?
Les crédits du programme 147 ne représentent qu’un quart des dépenses publiques en faveur des territoires de la politique de la ville. La situation n’est pas saine : d’un côté, l’Inspection générale des affaires sociales a montré que les crédits de la politique de la ville évinçaient parfois les crédits de droit commun, dont chacun considère qu’ils sont insuffisants dans les territoires difficiles ; d’un autre côté, dans le cadre de la LOLF, il est plus facile d’évaluer l’utilisation des crédits de la politique de ville que celle des crédits de droit commun, puisque ceux-ci sont répartis sur plusieurs missions.
Pour la « ville qui va mal », une politique efficace doit s’inscrire dans la durée, offrir des perspectives. La difficulté d’évaluer nourrit le sentiment d’inefficacité, qui lui-même pousse aux remises en cause à répétition des dispositifs. Il faut sortir de cet enchaînement et mener une véritable politique de la ville.
Quant au rattachement du Grand Paris, il est budgétairement symbolique. En effet, l’action Grand Paris du programme ne comprend que 1,5 million d’euros, correspondant à la participation du ministère de la ville au groupement d’intérêt public « Atelier international du Grand Paris ».
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Jean Germain, rapporteur spécial. J’en viens à ma conclusion, monsieur le président.
Des projets contestables ont été trop longtemps mis en avant par l’État, contre l’avis de la plupart des collectivités concernées. Des retards ont été pris. Ce programme correspond pourtant à l’une des priorités affichées du quinquennat qui se termine et nul ne pouvait le contester.
Je rappellerai que la présentation des crédits de cette mission n’est pas sincère, ce que dénonçait déjà mon prédécesseur Philippe Dallier. (M. Philippe Dallier manifeste son étonnement.) Elle est également largement sous-budgétisée, comme il le relevait également. Le recours aux financements extrabudgétaires fragilise, à terme, la politique du logement et de la ville.
La commission des finances avait choisi de rejeter les crédits de cette mission. Depuis, les crédits affectés aux dépenses de communication sur la mise en œuvre de ces dispositions complexes ont été diminués à l’Assemblée nationale. Aussi, je vous demande, mes chers collègues, de suivre l’avis de la commission des finances et de rejeter les crédits de la mission « Ville et logement ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Dilain, rapporteur pour avis.
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que la crise économique et sociale touche très durement les quartiers populaires, j’ai le regret de constater que, cette année encore, l’État se désengage de la politique de la ville.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. En effet, les crédits du programme 147, « Politique de la ville et Grand Paris », baissent de plus de 14 % en autorisations d’engagement et de plus de 12 % en crédits de paiement. Ainsi, en trois ans, ils auront diminué d’un tiers.
Ce recul est inacceptable quand on sait les difficultés que certains de nos concitoyens éprouvent dans leur vie quotidienne. Le dernier rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles le montre, chiffres à l’appui : les habitants des quartiers prioritaires s’appauvrissent, l’écart se creuse avec les autres territoires de la ville en matière de revenus, d’emploi et de qualifications professionnelles. Songez que, dans les deux cents quartiers classés « les plus difficiles », le taux de chômage des jeunes dépasse 40 % !
L’écart se creuse aussi en matière de santé : des maladies infectieuses qu’on croyait éradiquées – je pense en particulier à la tuberculose – réapparaissent dans certains quartiers. À Clichy-sous-Bois, par exemple, le taux d’incidence de la tuberculose est actuellement trente fois plus élevé que la moyenne nationale. Cette maladie, excellent marqueur de pauvreté, recule peut-être à l’échelle du territoire, mais elle réapparaît dans les zones les plus pauvres, avec des chiffres – est-ce un hasard ? – comparables à ceux des pays africains.
Dans les quartiers populaires, on hésite plus qu’ailleurs à se soigner, par manque de moyens et de médecins. L’écart se creuse, encore, dans les pratiques de loisirs, l’accès à la culture et, finalement, les valeurs mêmes auxquelles on adhère. Mes chers collègues, je vous invite à lire à cet égard l’enquête intitulée Banlieue de la République, que Gilles Kepel et ses collaborateurs viennent de publier grâce à l’Institut Montaigne. Il y est montré que les quartiers pauvres sont encore « mis au ban », c'est-à-dire à l’extérieur, et que nous vivons dans une société de plus en plus riche, mais où les pauvres sont toujours plus nombreux et encore « relégués » dans des territoires de la ville où, quoi que l’on en dise, les politiques publiques n’atteignent pas encore les objectifs qu’elles se fixent.
La baisse des crédits du programme « Politique de la ville et Grand Paris » est donc non seulement injuste, mais également irresponsable, car ce que nous ne faisons pas aujourd’hui, nous aurons à le faire demain, et cela coûtera beaucoup plus cher.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit que vous étiez parvenu à « limiter la casse ». Je crains que ce ne soit pas suffisant, compte tenu des coups de rabot antérieurs, même si vous avez exprimé votre volonté de rendre les communes prioritaires.
Je sais gré à M. le Premier ministre d’avoir rétabli l’an passé un portefeuille ministériel de plein exercice pour la ville. Toutefois, je suis inquiet, s’ils venaient à être confirmés, des propos tenus par M. le ministre de l’intérieur, lequel propose de fondre les ministères de la ville et de l’intérieur. Nous serions alors à contre-courant de ce qu’il faut faire pour redonner espoir aux villes de banlieue et, surtout, à leurs habitants !
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Les faits sont têtus, monsieur le ministre : les crédits des cinq actions du programme 147 sont en baisse. S’il arrive qu’une enveloppe soit maintenue, les arbitrages sont tels que les dotations d’actions particulièrement utiles sont minorées.
Vous nous dites, monsieur le ministre, tout le bien que vous pensez des associations de quartier : elles sont devenues incontournables pour les politiques publiques elles-mêmes, tous les élus et tous les préfets vous le diront. Vous vous félicitez, et vous avez raison, car ce n’est pas une mince victoire, d’avoir obtenu que les associations reçoivent leurs subventions au premier trimestre de l’année plutôt qu’au quatrième, ce qui est en effet très utile. Cependant, les crédits du volet « lien social, citoyenneté et participation à la vie publique », qui sont destinés aux associations de quartier, auront diminué de 20 % en deux ans : le bilan n’est certainement pas positif.
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. La situation est identique pour ce qui concerne l’accès aux droits et la prévention des discriminations : l’INSEE et l’Institut national d’études démographiques soulignent que les Français d’origine étrangère qui habitent en zone urbaine sensible se sentent, pour 90 % d’entre eux, Français. Ce qui les déçoit, c’est la façon dont on les regarde. Ils se sentent beaucoup moins « perçus comme des Français » que les Français d’origine étrangère vivant dans des quartiers moins stigmatisés.
Les statistiques nationales mesurent l’incidence très forte du quartier sur le sentiment de pleine appartenance à la collectivité nationale. Pourtant, le Gouvernement réduit de 22 % les crédits affectés aux actions relatives à l’accès aux droits et à la prévention des discriminations.
M. Roland Courteau. Encore un coup de rabot !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Nous souscrivons tous à l’idée selon laquelle l’apprentissage de la langue française est particulièrement important. Mais comment atteindre un tel objectif si les financements ne sont pas assurés dans les structures chargées de l’accès aux droits ?
M. le ministre de l’intérieur, décidément en verve ces derniers temps, risque de creuser encore un peu plus les clivages entre les habitants des banlieues les plus pauvres et le reste de la société, en soupçonnant certains étrangers de ne pas vouloir s’intégrer. Si seulement on leur en donnait les moyens !
Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que la commission dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur pour avis a émis un avis défavorable sur les crédits du programme « Politique de la ville et Grand Paris ».
Mes chers collègues, nous sommes en discussion budgétaire, vous attendiez peut-être de moi une analyse détaillée de chaque ligne du budget. J’ai préféré vous parler des territoires eux-mêmes, de ce qui compte lorsqu’on y vit, en vous invitant à lire mon rapport pour plus de détails. C’est également grâce à ma connaissance du terrain que je veux témoigner de l’utilité, mais également des limites du programme national de rénovation urbaine.
Le Gouvernement se félicite d’un effort sans précédent en faveur de la rénovation urbaine ; des sommes importantes ont effectivement été investies depuis 2004, tous les élus le reconnaissent. Néanmoins, je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le désengagement total de l’État du financement de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU.
M. René Vandierendonck. Très bien !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Les acteurs du logement social sont désormais seuls à financer l’agence, ce qui peut avoir des conséquences sur les arbitrages en faveur du logement, mais au détriment des espaces et équipements publics. La rénovation urbaine ne doit pas, monsieur le ministre, se transformer en rénovation de logements !
Il est urgent de préciser les grandes lignes et le financement de l’acte II de la rénovation urbaine.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Mon temps de parole m’oblige à conclure, au moment où mon propos, vous l’aurez compris, invite à refonder la politique de la ville, ou plutôt l’intervention générale des politiques publiques dans les territoires pauvres. Il est grand temps d’affirmer que la République, pour être effective, doit faire un effort continu de solidarité envers les quartiers pauvres, plutôt que de multiplier les « grands plans banlieue », toujours à recommencer.
Il faut mobiliser et coordonner les politiques publiques de droit commun, l’effort de la République devant être au moins proportionnel aux besoins, ce qui implique un engagement exceptionnel dans les territoires véritablement prioritaires.
Tout le monde ou presque s’accorde sur la nécessité d’un contrat unique – son nom importe peu –, associant les politiques spécifiques consacrées à la ville et les politiques de droit commun s’imposant à tous. J’espère, mes chers collègues, que nous en débattrons prochainement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis.
M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chacun en convient, le logement est, avec l’emploi et le pouvoir d’achat, l’une des principales préoccupations de nos concitoyens. La politique du logement devrait donc constituer une priorité de l’action de l’État. Force est de constater, hélas, qu’il n’en est rien : le projet de budget pour 2012 est loin d’être à la hauteur des enjeux.
Nombre de ses aspects, dont certains ont d’ailleurs été évoqués par les orateurs précédents, l’illustrent : évolution globale des crédits, insincérité du budget en matière d’hébergement, réduction des crédits de l’hébergement d’urgence en pleine période de crise économique, indexation des aides personnelles au logement sur la croissance et non plus sur l’évolution des prix.
Je concentrerai mon propos sur trois aspects de la politique du logement.
Tout d’abord, le projet de budget pour 2012, personne ne peut le contester, confirme le désengagement de l’État en matière de logement social.
M. Pierre Hérisson. Pas du tout !
M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis. Examinez les chiffres, cher collègue ! Les aides à la pierre diminueront de 10 % en autorisations d’engagement et de près d’un tiers en crédits de paiement. Cette baisse ne sera même pas compensée par une partie de la « ponction » opérée depuis l’année dernière sur les organismes HLM et censée permettre une péréquation entre organismes ! En prenant en compte cette ressource extrabudgétaire, que nous avions condamnée en son temps, ces aides diminueront en 2012 de 16 %. Comment pouvez-vous justifier une telle baisse, monsieur le ministre ?
Je relève même que, en 2012, la somme du prélèvement opéré sur les organismes HLM, soit 245 millions d’euros, et du coût pour ces mêmes organismes du relèvement à 7 % du taux de TVA applicable aux opérations portant sur les logements sociaux, estimé à 225 millions d’euros, sera supérieure au montant des crédits budgétaires destinés aux aides à la pierre ! Cela signifie que, en 2012, l’État recevra plus qu’il ne donnera à la politique du logement, pour la première fois de notre histoire.
M. Roland Courteau. C’est de la folie !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Une grande première !
M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, vous mettez régulièrement en avant les bons résultats obtenus en matière de financement des logements sociaux. Saluons donc ici l’action des opérateurs du logement social et des collectivités territoriales, qui, malgré leurs difficultés financières, restent fortement mobilisés dans ce domaine.
S’agissant, par exemple, du financement d’un logement en prêt locatif à usage social, ou PLUS, les subventions de l’État atteignent 2,7 % du montant de l’opération, contre 7,7 %, soit près du triple, pour ce qui concerne les subventions des collectivités territoriales ! Je note par ailleurs, mes chers collègues, que l’évolution de la subvention unitaire illustre la lente extinction des aides à la pierre : pour un logement de 140 000 euros, la subvention de l’État est de 600 euros, alors qu’elle atteignait, dix ans auparavant, 6 000 euros !
J’évoquerai ensuite un deuxième aspect de la politique du logement, à savoir le poids des dépenses fiscales.
Ces dernières sont en croissance – personne ne le contestera – de près de 4 % en 2012. Je ne suis pas opposé par principe aux dépenses fiscales : certaines peuvent être utiles et très efficaces, à l’instar du taux réduit de TVA dans le secteur du bâtiment, qui avait d’ailleurs été mis en place, voilà plus d’une dizaine d’années, sous le gouvernement de Lionel Jospin.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis. Les finances publiques sont cependant grevées par des dépenses fiscales mal calibrées. Ces dernières vont constituer un héritage lourd et durable pour vos successeurs, quels qu’ils soient, monsieur le ministre !
La meilleure illustration est le dispositif Scellier : son coût va ainsi atteindre 650 millions d’euros en 2012, soit une augmentation de 60 % par rapport à 2011. Il s’agit pourtant d’une dépense inefficace, du point de vue du zonage comme du loyer de sortie. De surcroît, comme la Cour des comptes l’a constaté il y a quelques semaines, elle exerce un réel effet inflationniste.
Le Gouvernement a décidé de supprimer ce dispositif. Tant mieux ! Nous saluons cette prise de conscience, même si elle est très tardive.
À court terme, cependant, cette suppression n’aura aucune incidence sur les finances publiques. Le Scellier constitue en effet une réduction d’impôt répartie sur neuf ans, de sorte que l’État ne commencera à réaliser des économies qu’en 2018… Merci, monsieur le secrétaire d’État, pour les ministres du logement qui vous succéderont.
M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis. Je veux, pour finir, évoquer la situation des jeunes.
La crise du logement touche plus durablement les plus précaires, au premier rang desquels les jeunes, qui rencontrent des difficultés importantes : 35 % des bénéficiaires de l’hébergement d’urgence ont moins de vingt-cinq ans. Pourtant, les jeunes restent les grands oubliés de la politique du logement : aucune action spécifique n’a été mise en place en leur faveur.
À nos yeux, une vraie réflexion doit être conduite sur cette question. Certaines mesures pourraient contribuer à répondre aux difficultés des jeunes, comme l’encadrement des loyers en zone tendue ou, surtout, l’institution d’un dispositif mutualiste de garantie universelle des risques locatifs, qui sécuriserait l’accès des jeunes au logement.
En définitive, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous comprendrez que la commission de l’économie n’ait eu d’autre choix que d’émettre un avis défavorable sur les crédits de la mission « Ville et logement ». Il ne pouvait, hélas, en être autrement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Luc Carvounas, rapporteur pour avis.
M. Luc Carvounas, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je partage, vous vous en doutez, les analyses de mes collègues rapporteurs.
Dans sa version initiale, le projet de loi de finances prévoyait une augmentation de 1 % des crédits de paiement de la mission « Ville et logement ». Toutefois, en réalité, cette hausse résultait de la croissance mécanique des aides personnelles au logement.
En outre, le Gouvernement a fait adopter par l’Assemblée nationale une baisse de plus de 125 millions d’euros de cette dotation, ce qui ramène les crédits de paiement de la mission « Ville et logement » à un niveau inférieur à celui de 2011 !
L’évolution de ces crédits me paraît particulièrement emblématique d’une gestion court-termiste, peu efficace, voire insincère de nos finances publiques.
Trois problèmes ont particulièrement retenu l’attention de la commission des affaires sociales.
Premièrement, je veux vous faire part de ma profonde inquiétude, car je ne peux m’empêcher d’interpréter la baisse de 12 % des crédits alloués au programme « Politique de la ville et Grand Paris » comme le signe d’un désengagement de l’État qui ne manquera pas de poser, à court terme, de sérieuses difficultés à nos territoires.
Si l’absence totale de financement par l’État, depuis 2009, du programme national de rénovation urbaine, le PNRU, est particulièrement révélatrice de ce désengagement, je suis également préoccupé par les efforts continuellement demandés à l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSE : en ne la dotant pas de moyens suffisants pour faire face à des missions dont le champ s’élargit sans cesse, l’État prend le risque de fragiliser le volet social de la politique de la ville.
Le souci d’efficacité commande, en plus de mettre en œuvre des moyens financiers, de veiller à mieux articuler les volets urbain et humain de la politique de la ville ; il s’agit, en d’autres termes, d’assurer une coordination renforcée entre l’ANRU et l’ACSE.
Pour autant, les crédits de la politique de la ville n’ont pas vocation à se substituer aux moyens de droit commun alloués aux politiques de l’éducation, de l’emploi, de la sécurité ou de la santé : il convient de trouver, sur ce point, une plus grande complémentarité.
Deuxièmement, je tiens à exprimer une véritable déception.
Voilà maintenant deux ans que le Gouvernement a lancé la politique dite du « logement d’abord ». D’inspiration américaine, même si plusieurs de nos voisins européens l’ont reprise à leur compte, elle repose sur le postulat que le logement est non pas l’aboutissement du parcours d’insertion, mais bien une condition nécessaire de celui-ci, qui doit être préalablement remplie.
J’adhère pleinement à cette démarche. Toutefois, elle ne portera ses fruits qu’à la condition d’être soutenue : d’abord par la mise à disposition d’une offre de logements adaptée aux besoins, ensuite par la garantie apportée, sur le long terme, à la solvabilité des personnes accompagnées.
Or ce n’est pas du tout la politique du Gouvernement, qui fait le choix de réduire drastiquement le montant des aides à la pierre et continue de sous-estimer largement les besoins d’hébergement.
Nous sommes aujourd’hui proches de l’impasse : le droit au logement reste théorique pour un nombre croissant de nos concitoyens et la solution transitoire que constitue l’hébergement d’urgence n’est même plus garantie, en raison des coupes budgétaires.
M. Luc Carvounas, rapporteur pour avis. Troisièmement, je souhaite adresser un avertissement pressant sur la question de l’aide alimentaire.
Alors que le volet européen de cette aide est aujourd’hui en sursis, il est urgent de réfléchir aux moyens d’asseoir le programme européen d’aide aux plus démunis sur une base juridique non contestable.
Les États membres de l’Union européenne s’étant fixé l’objectif commun de réduire la pauvreté de 25 % dans le cadre de la stratégie « Europe 2020 », il serait singulier, et plus encore regrettable, de voir disparaître cette aide alimentaire dont l’utilité est aujourd’hui unanimement reconnue.
Je reste personnellement convaincu que l’une des réponses à la crise économique et sociale que nous traversons réside dans l’approfondissement des solidarités entre les États européens.
M. Roland Courteau. Bien dit !
M. Luc Carvounas, rapporteur pour avis. Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission « Ville et logement », ainsi que sur l’article 64 bis rattaché, dont nous ne partageons pas la philosophie.
En revanche, elle s’est déclarée favorable à l’adoption de l’article 64, qui proroge jusqu’au 31 décembre 2014 le dispositif d’exonération fiscale et sociale dans les zones franches urbaines : celui-ci a fait ses preuves et ne doit pas être interrompu. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yvon Collin.