M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme Klès, au nom de la commission, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (n° 26, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme le rapporteur, pour la motion.
Mme Virginie Klès, rapporteur. Il me semble que le Gouvernement a lui-même scié la branche sur laquelle il est assis en recourant à la procédure accélérée.
Le présent texte nous a été transmis par l’Assemblée nationale le 12 octobre et nous l’avons examiné en commission le 19 octobre, pour en débattre en séance plénière dès ce 25 octobre. Comment aurions-nous pu étudier de manière suffisamment approfondie ce texte et élaborer des propositions concertées dans ces conditions ?
De surcroît, nous n’avons aucune réelle garantie quant à la mobilisation des moyens humains et financiers nécessaires à la mise en œuvre du dispositif.
Dès lors, nous estimons être en présence d’un texte « médiaticophile », si l’on me permet ce néologisme. Les effets de manches auxquels nous avons pu assister tout au long de l’après-midi ne font que me renforcer dans cette conviction.
La proposition de loi était amendable, nous dit-on. C’est faux : elle ne l’était pas dans des délais aussi courts ! Dans le cas contraire, que n’avez-vous déposé des amendements, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité gouvernementale ? Pourquoi ne sommes-nous pas en train de nous féliciter des effets de la politique que vous avez menée et de l’inflation législative que nous constatons depuis des années ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Non, le texte n’était pas amendable. Cela a été dit, y compris sur vos propres travées : il fallait le récrire en totalité. Or, dans un délai aussi bref, c’était tout à fait impossible. D’ailleurs, il est parfois plus facile de repartir d’une page blanche.
C’est pourquoi je propose au Sénat d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable, fruit d’une initiative conjointe de la commission et de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe CRC.
La majorité de la commission des lois considère qu’en introduisant la possibilité d’inciter fortement un mineur délinquant – j’insiste sur le fait qu’il s’agit d’obtenir l’accord d’une personne mineure, et non l’expression de la volonté d’insertion d’un majeur – à rejoindre un centre relevant de l’EPIDE en échange d’un abandon des poursuites, d’un ajournement de peine ou d’un sursis, la présente proposition de loi risque de déstabiliser ce dispositif d’insertion, dont la réussite repose sur le volontariat, de dénaturer ses objectifs et de brouiller son image à l’égard tant de ses partenaires, c'est-à-dire les élus, les citoyens ou les entreprises, que des jeunes volontaires et de leurs familles.
Par ailleurs, les moyens alloués à l’EPIDE pour la réalisation de ses missions actuelles n’étant déjà à la hauteur ni des objectifs affichés ni des objectifs souhaitables, il n’est pas raisonnable de lui confier des missions supplémentaires sans avoir préalablement garanti les ressources nécessaires.
Au demeurant, il serait sans doute souhaitable d’accorder un budget d’investissement à l’EPIDE, afin de lui permettre d’entretenir son patrimoine immobilier, qui est aujourd'hui disparate et plus ou moins adapté à ses missions, car parfois constitué de biens mis à disposition par des collectivités territoriales, dont certaines y ont vu l’occasion de faire réhabiliter des locaux désaffectés. Il en résulte que certains centres sont mal situés et que le maillage territorial est incomplet.
En outre, dans le contexte actuel de diminution des dépenses publiques, nous estimons qu’il y a lieu d’évaluer précisément l’incidence budgétaire de toute modification de la législation, afin notamment de s’assurer que la mise en œuvre de celle-ci ne s’effectuera pas au détriment d’autres modes de prise en charge plus adaptés.
La majorité de la commission des lois considère également que l’adaptation de l’organisation des juridictions pour mineurs aux exigences posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-147 du 8 juillet 2011 ne peut se faire sans concertation préalable avec les magistrats et les professionnels concernés et que le délai fixé par le Conseil constitutionnel est suffisant pour mener à bien une telle concertation.
Il nous paraît donc totalement inacceptable de modifier l’ordonnance de 1945 par le biais d’un cavalier législatif, sans qu’ait été accompli un réel travail de fond, aboutissant à l’élaboration d’un code de la justice pénale des mineurs.
Enfin, les dispositions relatives aux modes de saisine du tribunal correctionnel pour mineurs sont totalement dépourvues de lien avec le texte en discussion.
Pour l’ensemble de ces raisons, la majorité de la commission des lois invite le Sénat à adopter la présente motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture.
Nous estimons nous être exprimés largement sur le fond et n’avoir pas refusé le débat, contrairement à ce qui nous a été reproché. Nous récrirons entièrement ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Pillet, contre la motion.
M. François Pillet. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous pouvons au moins nous accorder sur un constat : jamais la discussion n’aura été à ce point « générale »…
Cela est tout à fait dommage à mon sens, car, faute d’être entrés dans le détail de la proposition de loi, nous n’aurons pu faire pleinement la lumière sur sa teneur et son opportunité.
Je prendrai l’exemple du sursis avec mise à l’épreuve : un juge prononce une sanction, à l’exécution de laquelle il est sursis sous réserve de la réussite d’une épreuve. Cela suppose nécessairement le consentement du mineur. Or, aujourd'hui, aucun consentement du mineur n’est sollicité, alors que des mesures dépourvues de tout caractère éducatif et extrêmement contraignantes – je pense notamment aux mesures de placement dans certains centres – peuvent être décidées.
Pourquoi attendre une modification plus globale de l’ordonnance de 1945 pour donner au juge une solution lui permettant de recueillir l’accord du mineur ? Cette attitude éclaire le faux débat qui s’est tenu sur la portée du consentement de l’enfant !
Par ailleurs, vous regrettez le recours à la procédure accélérée, mais vous en précipitez l’issue, en écartant tout débat sur le fond du texte : le Sénat refuse de légiférer !
Personnellement, je pense que l’adoption de cette motion nous conduira à un double et grave échec. Nous fuyons nos responsabilités et nous abdiquons notre pouvoir, puisque c’est maintenant l’Assemblée nationale qui décidera seule. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je suis évidemment très déçu que le Sénat soit privé d’un débat constructif sur cette proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.
Je suis surtout déçu que le dépôt de cette motion, révélateur d’une attitude politicienne à propos d’un texte que la Haute Assemblée ne pourra pas amender, vienne contredire les récentes déclarations du président Bel. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Nous regrettons que ses promesses soient si vite devenues lettre morte.
M. Bel déclarait souhaiter que le Sénat continue à être « utile ». (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Ronan Kerdraon. Eh bien c’est le cas !
Mme Éliane Assassi. Ce que nous faisons aujourd'hui est parfaitement utile !
M. François Zocchetto. Or quelle est notre utilité cet après-midi ? Quelle sera la plus-value apportée par le Sénat sur ce texte si nous nous privons de la possibilité de l’amender et de l’examiner dans le détail ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On limitera les dégâts !
M. François Zocchetto. M. le président Bel souhaitait que le Sénat « soit conforté dans ses prérogatives tant législatives que de contrôle ». Repousser une proposition de loi sans même chercher à l’améliorer ne constitue pas, selon moi, un renforcement des prérogatives législatives de la Haute Assemblée…
Nous constatons depuis maintenant plusieurs jours une forme de double discours. D’un côté, le président du Sénat affirme ne pas vouloir pratiquer l’obstruction et entendre renforcer le rôle du Sénat. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) De l’autre, la nouvelle majorité, par ses initiatives et par ses votes, démontre sans équivoque qu’elle s’inscrit d’abord et avant tout dans une perspective politicienne. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Nous en avons une excellente démonstration cet après-midi !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et M. Ciotti ?
M. François Zocchetto. Ce constat est alarmant, et M. Ciotti n’a rien à y voir !
Les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine refusent que le Sénat ne puisse plus jouer le rôle qui est le sien dans la navette parlementaire.
L’exemple de l’examen du texte qui nous est soumis aujourd’hui est symbolique. Le rejet de cette proposition de loi par le Sénat laisse bien évidemment présager un échec de la commission mixte paritaire à venir.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes trop drôle, monsieur Zocchetto !
M. François Zocchetto. Le texte reviendra donc une dernière fois devant le Sénat, mais notre pouvoir, à ce stade de la navette, sera, nous le savons, très limité. Est-ce la politique du pire que vous souhaitez pratiquer ?
Mme Éliane Assassi. Vous l’avez tellement pratiquée, monsieur Zocchetto !
M. François Zocchetto. En définitive, les députés adopteront un texte qu’ils auront été seuls à rédiger – je rappelle en effet qu’il émane non pas du Gouvernement, mais de l’Assemblée nationale – et à amender. Ce n’est pas là l’idée que nous nous faisons d’un parlement bicaméral. En adoptant cette motion tendant à opposer la question préalable, vous inaugurerez le Parlement monocaméral ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est trop drôle !
M. François Zocchetto. Nous refusons, pour notre part, cette nouvelle pratique parlementaire, et nous voterons contre la motion. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout cela est absurde !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le vote de notre groupe va de soi, puisque nous avions déposé une motion tendant à opposer la question préalable en commission.
Monsieur Zocchetto, votre envolée rhétorique est malvenue. Dois-je rappeler certains comportements passés de votre groupe, quand il votait sans états d’âme, parfois en échange d’un plat de lentilles, des textes qu’il avait critiqués ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.) Vous êtes mal placé pour nous donner des leçons aujourd’hui !
Une motion tendant à opposer la question préalable est un outil de procédure parlementaire, et y recourir n’est pas une manifestation de marxisme, monsieur le ministre ! Cela n’a rien à voir ! Voter une telle motion nous offre simplement la possibilité de dire « non », ce qu’il faut quelquefois savoir faire.
En l’occurrence, nous disons « non » à une énième loi d’affichage sécuritaire du Gouvernement, introduite par l’intermédiaire d’un député tout dévoué, M. Ciotti ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.) Le dépôt de cette proposition de loi répond à des considérations électoralistes, et non à votre prétendue volonté d’instaurer un grand débat sur la délinquance des mineurs ; c’est là que le bât blesse.
Oui, la jeunesse en danger est un sujet qui mérite réflexion. Mais cette réflexion doit porter sur votre action depuis dix ans et sur les résultats de celle-ci, qui sont mauvais.
Pourquoi un dispositif semblable à celui qui nous est proposé, les « Jeunes en équipes de travail », qui permettait de placer de jeunes délinquants sous encadrement militaire, mesure que nous n’avons pas particulièrement critiquée aujourd’hui, a-t-il été abandonné en 2004 ? Parce que le ministère de la défense avait constaté, à l’époque, qu’il ne disposait pas des moyens d’assurer une telle mission. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la commission de la défense de l’Assemblée nationale, où vous êtes pourtant majoritaires, a voté contre le texte de M. Ciotti.
Je vous ferai observer que l’ordonnance de 1945 permet déjà le placement de mineurs délinquants dans des établissements habilités à cette fin. Si votre objectif avait été d’habiliter les centres relevant de l’EPIDE à accueillir un tel public, vous auriez procédé à une concertation avec les militaires, les magistrats, les éducateurs, sans qu’il soit besoin que M. Ciotti dépose une proposition de loi de pur affichage !
Voilà ce qui nous a amenés à dire « non » ! Il faut savoir dire « non » à une nouvelle modification de l’ordonnance de 1945. Certes, il est nécessaire aujourd’hui de remettre à plat ce texte, qui a connu de nombreuses modifications. Mais, de budget en budget, les crédits consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse augmentent moins vite que l’inflation : comment pourra-t-on, dans ces conditions, mobiliser des moyens en faveur de la prévention de la délinquance ? C’est là aussi que le bât blesse !
Je souligne en passant que, contrairement à ce que vous affirmez, la délinquance des mineurs a moins augmenté que la délinquance générale. La violence progresse, c’est vrai, mais dans l’ensemble de la société, chez les majeurs comme chez les mineurs.
Interrogez-vous sur le bien-fondé de votre politique consistant à accroître sans cesse les moyens consacrés aux mesures d’enfermement, au détriment de la prévention. Rappelez-vous ces mots de Victor Hugo, qui siégeait à la place que j’occupe actuellement : « ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons » ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est un peu facile et caricatural de nous accuser d’amoindrir le rôle du Sénat en déposant une motion tendant à opposer la question préalable.
De tels procès d’intention sont malvenus, surtout de la part de ceux qui ont usé et abusé, par exemple, de la procédure accélérée et du vote conforme ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
En effet, un vote conforme a souvent été imposé au Sénat, par exemple sur le texte relatif au travail le dimanche ou sur le collectif budgétaire du 8 septembre dernier. En ces circonstances, vous ne vous êtes pas inquiétés d’un amoindrissement du rôle du Sénat ! Vous étiez simplement déterminés à faire passer un texte.
Soyons donc objectifs : la question préalable, comme le vote conforme, est une arme législative dont il faut savoir user sans en abuser !
Il est des textes de principe qui peuvent justifier des oppositions de principe. En l’espèce, la majorité de notre groupe a exprimé son opposition à l’accumulation de textes sécuritaires dont la motivation fondamentale est d’obtenir un affichage médiatique. Telle est la réalité.
Monsieur le ministre, cette proposition de loi que vous défendez ardemment, du moins dans la forme, est en fait manifestement d’inspiration gouvernementale : c’est aussi une facilité de procédure, pour le Gouvernement, que de faire déposer une proposition de loi plutôt que de présenter un projet de loi.
Tout cela nous amène à vous dire que trop, c’est trop ! C’est aussi le message que vous ont récemment adressé nombre de grands électeurs. Il faut en revenir à davantage de mesure. Le groupe du RDSE votera majoritairement en faveur de l’adoption de cette motion. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n’est pas de gaîté de cœur que nous voterons cette motion tendant à opposer la question préalable.
D’ailleurs, dans le passé, n’avons-nous pas montré que nous savions discuter avec nos collègues de droite afin d’améliorer ensemble certains textes, y compris en commission mixte paritaire, où nous avons réussi à faire prévaloir la position du Sénat sur celle de l’Assemblée nationale, s’agissant par exemple de la loi pénitentiaire ?
Par conséquent, monsieur Zocchetto, ne vous laissez donc pas aller à de telles envolées lyriques ! Cela ne vous ressemble pas ; vous vous tenez d’habitude plus près des réalités ! (M. François Zocchetto sourit.)
Il y a des textes que nous jugeons amendables, comme on a pu le voir la semaine dernière encore à propos de l’allégement des contentieux, et d’autres dont nous pensons qu’ils ne le sont pas. La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui fait partie de ces derniers.
En effet, comme l’a dit à l’instant M. Mézard, il s’agit d’un texte strictement idéologique, de pure communication politique, et qui n’a pas véritablement de raison d’être puisque l’ordonnance de 1945 permettrait déjà aux juges des enfants, si vous le vouliez, par le biais de conventions, de placer des mineurs délinquants dans les centres relevant de l’EPIDE. La présente proposition de loi était donc superflue, mais il fallait laisser à M. Ciotti, qui a remis un rapport très intéressant au Président de la République, la possibilité de la déposer.
En défendant cette motion tendant à opposer la question préalable, nous manifestons notre volonté de ne pas amender un texte qui, selon nous, n’est pas amendable.
Quant au débat, monsieur Zocchetto, il a bien eu lieu, puisque de nombreux orateurs, de tous les groupes, se sont exprimés dans la discussion générale, de façon souvent très nuancée. L’opinion publique et l’Assemblée nationale seront donc informées de la position des groupes politiques du Sénat sur cette proposition de loi. L’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable manifestera que la majorité sénatoriale estime qu’il n’y a pas lieu d’amender le présent texte.
Vous avez affirmé, monsieur Zocchetto, qu’une telle attitude marquait l’avènement d’un parlement monocaméral. À qui la faute, sinon au Gouvernement ? En effet, s’il n’avait pas été recouru à la procédure accélérée pour ce texte, il nous serait revenu en deuxième lecture. Qu’aurions-nous fait alors ?
M. Jean-Jacques Hyest. La même chose !
M. Jean-Pierre Michel. Personne ne peut en préjuger ! Je me souviens très bien, monsieur Hyest, d’une proposition de loi à laquelle le Sénat avait opposé la question préalable avant de la discuter par la suite à l’occasion d’une nouvelle lecture, parce qu’elle n’avait pas fait l’objet de la procédure accélérée.
Si le Sénat n’aura plus la parole sur le texte qui nous occupe aujourd’hui, c’est donc bien parce que le Gouvernement la lui aura retirée en recourant à la procédure accélérée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Pierre Michel. Voilà la réalité ! Ne faites pas porter à la majorité sénatoriale une responsabilité qui n’est pas la sienne. Vous le savez très bien, nous sommes contre le recours aux procédures accélérées.
La CMP interviendra tout de suite après les deux lectures. Bien sûr, elle échouera et nous n’aurons rien eu à dire. Peut-être aurions-nous adopté une autre position s’il y avait eu une deuxième lecture, mais vous ne nous en donnez pas l’occasion, monsieur le ministre ; je le regrette.
Nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Franchement, je suis surpris que l’on puisse refuser de discuter d’un sujet qui est pourtant fondamental, à savoir l’avenir des délinquants mineurs.
Il me semble important de proposer des mesures alternatives à l’incarcération des mineurs délinquants, car celle-ci débouche presque toujours un échec, le taux de récidive étant extrêmement important. Nous avons d’ailleurs beaucoup travaillé sur cette question, notamment lors de la création des établissements pour mineurs, destinée à empêcher que ceux-ci côtoient des majeurs délinquants, ou à propos des centres éducatifs renforcés.
Dans ces conditions, je suis absolument stupéfait de l’hypocrisie de certains (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.),…
M. Roland Courteau. Des noms !
M. Jean-Jacques Hyest. … qui dénonçaient hier, à propos de l’EPIDE, une militarisation scandaleuse de l’encadrement des jeunes délinquants, et plébiscitent aujourd’hui ce dispositif ! S’il est aussi merveilleux que cela, pourquoi ne pas permettre à de jeunes mineurs délinquants d’en bénéficier également ?
Monsieur le garde des sceaux, si nous étions allés jusqu’au bout de l’examen de ce texte, je pense que nous aurions pu l’améliorer. L’accueil d’un nouveau public dans les centres relevant de l’EPIDE doit tout de même être assorti d’un certain nombre de précautions. Je rappelle que ce sont toujours les magistrats qui sont responsables ; il y avait lieu de débattre de cette proposition de loi.
Nos collègues de gauche ont tenu des discours totalement contradictoires. C’est pour masquer leurs divergences et l’absence de toute proposition nouvelle de leur part qu’ils voteront une motion tendant à opposer la question préalable ; c’est tellement plus facile ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Didier Guillaume. On en reparlera dans six mois !
M. Jean-Jacques Hyest. Pour notre part, nous rejetons ces tactiques politiciennes et pensons que le sujet méritait mieux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il méritait mieux que la proposition de loi Ciotti !
M. Jean-Jacques Hyest. Le Sénat se prive d’un vrai débat, alors qu’il a toujours travaillé dans un esprit de consensus en cette matière. Je déplore que la gauche ait choisi de déposer une motion de procédure plutôt que des amendements ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Rires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 9 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 168 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, la proposition de loi est rejetée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Ronan Kerdraon. Ça fait du bien !