M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, j’interviendrai ici en tant que membre de la commission des affaires sociales et que vice-présidente du conseil général de la Loire-Atlantique, déléguée à l’enfance, à la famille et à l’égalité des droits.
En effet, la question de la justice des mineurs se situe à l’articulation des politiques de protection de l’enfance et de la politique pénale. Jusqu’à ces dernières années, l’éducatif avait la priorité sur le répressif, mais les dispositifs successifs votés par les gouvernements de droite ont gravement modifié cet équilibre. Le texte qui nous est aujourd'hui soumis, s’il était adopté, viendrait encore renforcer l’arsenal des mesures répressives, comme si la fermeté suffisait à tout régler. Que d’illusions !
Sans tomber dans l’angélisme, je soulignerai que personne n’a oublié le grand progrès humain qu’a constitué l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante. Elle a promu l’accompagnement éducatif des mineurs délinquants et permis au plus grand nombre d’entre eux de se construire un avenir.
En effet, on peut trébucher à un moment de son enfance ou de sa jeunesse puis se reprendre. Le respect de la règle fait partie du processus éducatif et ne s’y oppose pas, comme on l’entend encore trop souvent dire sur les travées de la droite. J’en veux pour preuve les propos qu’a tenus à l’instant M. Nègre…
M. Louis Nègre. Vous m’avez bien compris…
Mme Michelle Meunier. Il est plus que temps de se confronter aux réalités objectives de la délinquance des mineurs et des majeurs afin de rechercher des solutions concrètes, adaptées et sur mesure, et d’évaluer leurs effets réels.
Les actes délictueux sont le fait de personnes de tous les âges, de toutes les classes sociales,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
Mme Michelle Meunier. … issues de tous les territoires, même s’il ne fait aucun doute que la précarité, la pauvreté et la misère sociale peuvent accroître les risques, tout au moins ceux d’être repéré et pénalisé, comme cela a été récemment rappelé à l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère.
Mais surtout, mon expérience d’élue locale m’amène à constater que de nombreux auteurs de faits délictueux, pour ne pas dire la grande majorité d’entre eux, ont antérieurement été des victimes, particulièrement dans leur enfance, le plus souvent de violences intrafamiliales, d’agressions sexuelles, d’incestes. Comment ne pas s’interroger, à une époque où les victimes s’expriment, sur le lien, démontré par de nombreuses études sérieuses, entre une situation subie à un moment donné et un passage à l’acte délictueux ?
Il nous faut renforcer les interventions précoces auprès des victimes, mais aussi agir de manière préventive. En effet, à ce moment de la vie, on peut encore redonner à la personne confiance en l’être humain, en la justice, et lui permettre de poursuivre son chemin en sachant que ce qu’elle a subi ou vu n’était ni normal ni acceptable. C’est alors, en respectant l’enfant, le ou la jeune victime, qu’on instaure une relation de confiance et de respect mutuel, car le respect ne s’impose pas par la force, contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire.
C’est là tout le rôle des services de la protection de l’enfance. Je veux souligner ici le travail remarquable effectué par les professionnels des services départementaux, du service national téléphonique pour l’enfance en danger, le « 119 », en lien avec les policiers, les gendarmes, les magistrats et les associations habilitées, pour aider les enfants cabossés par la vie à construire leur avenir. Les résultats sont très positifs, même si des progrès restent à faire. De nombreux exemples nous montrent qu’il faut toujours garder confiance en nos jeunes et le leur faire savoir.
Il me paraît important de regarder en face une autre réalité : la dimension sexuée de la délinquance. Ainsi, 96 % des personnes incarcérées sont des hommes. Dans la très grande majorité des cas, ils le sont pour des faits commis à l’encontre de femmes ou d’enfants. Comment peut-on ignorer la relation entre cette situation objective et les fondements de notre société, qui accepte encore trop facilement la domination masculine et ne s’interroge pas sur cette toute-puissance ? Nous aurons fait de grands progrès dans notre fonctionnement social lorsque nous aurons accepté de regarder et d’analyser nos rapports sociaux de sexe.
Je tiens également à vous parler de méthode. En effet, celle qui nous est proposée est d’un autre âge ; elle est dépassée.
On le sait, mon département, la Loire-Atlantique, a été particulièrement éprouvé, ces dernières années, par des faits d’une extrême gravité. Je pense à Marina Lebeau, Nazairienne enceinte de sept mois, tuée par son conjoint, à Agnès Dupont de Ligonnès et à ses quatre enfants, tués méthodiquement, de lourds soupçons pesant sur le mari et père. Je pense évidemment aussi à Laetitia, tuée sauvagement, et à sa sœur Jessica, violée par le père de sa famille d’accueil.
Si je rappelle ces drames, c’est parce qu’ils ont déclenché la mobilisation de l’ensemble des professionnels de la justice de Nantes, laquelle a suscité une émotion nationale inédite. Ces professionnels, que j’ai rencontrés à plusieurs reprises, nous ont dit qu’ils restaient fortement motivés par leur mission auprès des jeunes en difficulté et des jeunes délinquants. Ils demandent qu’on leur donne les moyens d’exercer leur mission conformément à la loi et ils souhaitent être associés à la construction des réponses pénales. Les avocats réunis à la fin de la semaine dernière à Nantes pour leur convention nationale n’ont pas demandé autre chose.
Votre méthode consistant à imposer des réponses toutes faites n’a donc aucune chance de succès. Il faut au contraire écouter les professionnels de la justice pour construire ensemble des solutions pertinentes. Il nous faut aussi associer les familles et les jeunes eux-mêmes à la recherche de réponses, car ni les familles ni les jeunes ne se satisfont de l’échec social.
Mais rien ne se fera sans moyens, car l’éducation est un investissement pour l’avenir. C’est sur ce point, principalement, que notre position diverge de celle du Gouvernement, qui ne mise, quant à lui, que sur des solutions de court terme, excessives et dures pour les plus faibles. Les désengagements financiers successifs de l’État obèrent les démarches d’accompagnement éducatif et de prévention en faveur des mineurs et des jeunes majeurs rencontrant des difficultés.
La liste de ces désengagements est trop longue pour que je puisse être exhaustive. Je me bornerai donc à évoquer ici la diminution des moyens accordés aux services de la protection judiciaire de la jeunesse, qui a entraîné, au fil des années, des reports de charges vers les départements, dont les budgets sont déjà contraints.
Je ne nie pas la nécessité d’inventer de nouvelles réponses à la délinquance de certains jeunes, mais la présente proposition de loi est si lourde d’ambiguïtés et de sous-entendus, elle vise des effectifs si insignifiants, que je ne peux qu’avoir des craintes quant aux intentions réelles qui la sous-tendent. Or, avec les jeunes, monsieur le ministre, il faut avoir un discours particulièrement clair.
L’inscription de quelques jeunes délinquants dans un dispositif coercitif à forte teinture militaire risque de venir s’ajouter au catalogue des mesures coûteuses et inefficaces, voire contre-productives, déjà mises en œuvre. Je propose donc de réorienter les crédits prévus vers les services de la protection judiciaire de la jeunesse, qui en ont grand besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai le sentiment que, quelles que soient les réponses que j’apporterai, elles ne changeront rien à la volonté de la majorité du Sénat de ne pas débattre ! (Mme le rapporteur s’exclame.)
Madame le rapporteur, je ne vous ai pas interrompue tout à l’heure ; je vous saurais gré d’essayer d’en faire autant !
M. Alain Gournac. C’est terrible ! Il faut qu’elle apprenne ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Michel Mercier, garde des sceaux. En vous écoutant, madame le rapporteur, j’ai constaté que, dans le texte qui nous occupe, rien, pas un mot, pas la moindre disposition, ne trouve grâce à vos yeux ! Vous seule détenez la vérité, et les autres sont dans les ténèbres…
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je ne partagerai jamais une telle conception du vivre-ensemble. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) Pour ma part, tout au long de ma vie politique, j’ai toujours pensé que mon interlocuteur pouvait détenir une part de la vérité. Mais vous, vous êtes enfermée dans votre sphère, et tous les autres sont dans l’erreur ! Jamais je n’aurais pensé qu’il existait une telle distance entre l’Ille-et-Vilaine et Valençay, le point d’ancrage étant Issoudun…
Ce rappel de temps passés me semble hors de propos. Notre pays a besoin que la majorité et la minorité débattent. Or vous refusez la discussion : je le regrette profondément, car peut-être aurions-nous pu trouver des points d’accord…
Mme Éliane Assassi. Il n’y a rien à prendre dans ce texte !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Madame Borvo Cohen-Seat, dire « non » est consubstantiel à votre marxisme, qui réapparait de temps en temps !
Mme Éliane Assassi. Mais qu’est-ce qu’il vous arrive, monsieur le ministre ?
M. Alain Gournac. Laissez parler le ministre !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Libre à vous de refuser la discussion, mais telle n’est pas notre conception du travail législatif. Nous considérons pour notre part que nous n’avons pas forcément raison en tout et que débattre aurait pu permettre d’améliorer le texte. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ben voyons !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais vous avez tous les droits, bien sûr !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je déplore donc vivement votre refus du débat, lequel ne se résume pas à la juxtaposition de dix-sept discours. Débattre, c’est s’écouter les uns les autres, afin d’essayer d’aboutir à des avancées en prenant en compte les idées de chacun.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. En ce qui concerne l’article 6, monsieur Michel, il n’est tout de même pas qu’un mensonge, reconnaissez-le !
M. Jean-Jacques Hyest. Quel donneur de leçons !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Vous ne pouvez d’ailleurs pas tout savoir sur le mensonge, sauf à en être un véritable spécialiste ! (Sourires sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-ELLV.)
Je ferai observer à Mme Tasca, pour qui j’ai beaucoup d’estime, que l’article 6 vise à mettre en œuvre deux décisions du Conseil constitutionnel.
La première d’entre elles résulte d’une question prioritaire de constitutionnalité, qui a conduit le Conseil constitutionnel à mener un travail extrêmement intéressant.
Dans sa décision du 8 juillet 2011, le Conseil constitutionnel a fixé, une fois pour toutes, le contenu constitutionnel du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cet apport important devrait retenir certains d’invoquer l’ordonnance de 1945 à tout propos. D’ailleurs, pourquoi refusez-vous toujours de mentionner ce grand texte pour la justice des mineurs qu’est la loi du 12 avril 1906 ? Qui était au gouvernement à l’époque ? Clemenceau ! Évoquer sa mémoire et son rôle vous rappellerait pourtant votre ancrage radical, madame Escoffier ! (Sourires.)
M. Alain Néri. Et le Conseil national de la Résistance ?
Mme Cécile Cukierman. Il y avait des marxistes en son sein !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Justement, le Conseil national de la Résistance représente la fin d’une époque et le début d’une nouvelle République !
Voici maintenant ce que dit le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée :
« Considérant que l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle ; que ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l’ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante ; que, toutefois, la législation républicaine antérieure à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives ; qu’en particulier, les dispositions originelles de l’ordonnance du 2 février 1945 n’écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et n’excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention ; que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs. »
Je rappelle également au Sénat que l’article 62 de la Constitution dispose que les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à tous. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a veillé à ce que soit inscrit dans le présent texte le dispositif de l’article 6. Certes, nous avons jusqu’au 1er janvier 2013 pour mettre en œuvre ces mesures demandées par le Conseil constitutionnel, mais je signale que le Parlement ne siégera pas du 20 février prochain jusqu’au mois de juin. Il est probable qu’une session extraordinaire se tiendra ensuite…
M. Alain Néri. Et il y aura une autre majorité à l’Assemblée nationale !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il y aura une majorité, celle que les Français auront choisie. Si vous persistez à vous considérer comme les seuls détenteurs de la vérité, je ne doute pas qu’ils voteront plutôt pour ceux qui pensent que l’on peut échanger et débattre sans rejeter a priori les idées des autres, comme vous le faites aujourd’hui !
Étant donné que la fin de l’année sera consacrée à la discussion budgétaire, il ne sera pas possible de voter les dispositions reprenant les décisions du Conseil constitutionnel avant décembre 2012 pour qu’elles puissent entrer en vigueur au 1er janvier 2013. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de les présenter par le biais de cette proposition de loi.
En ce qui concerne la seconde partie de l’article 6, le procureur, à tout moment de l’instruction, si les investigations sur la personnalité sont suffisantes et si des investigations sur les faits ne sont plus nécessaires, peut requérir du juge des enfants qu’il ordonne la comparution du mineur dans un délai compris entre un et trois mois. L’amendement qui a été voté par l’Assemblée nationale prévoit que ce délai sera compris entre dix jours et un mois lorsque le mineur, récidiviste et âgé de plus de seize ans, doit comparaître devant le tribunal correctionnel des mineurs. En effet, s’il est récidiviste, une enquête de personnalité a déjà été conduite.
Le texte voté par l’Assemblée nationale donne au juge des enfants trois possibilités : premièrement, faire droit à la demande du procureur ; deuxièmement, rejeter cette demande en application de l’article 82 du code de procédure pénale, auquel l’article 8-2 de l’ordonnance de 1945 renvoie ; troisièmement, ne rien faire, ce qui sera le cas de loin le plus fréquent.
Telle est la teneur de l’amendement adopté par l’Assemblée nationale et de l’article 6. Je crois que cela méritait d’être rappelé, car les orateurs de la majorité sénatoriale ont donné du dispositif une description qui ne correspond pas du tout à la réalité.
Sur le fond, honnêtement, de quoi s’agit-il ? Il s’agit simplement d’ouvrir une possibilité nouvelle au juge des enfants pour répondre à la situation particulière de certains mineurs primo-délinquants. Ces derniers pourront passer un contrat de service avec l’EPIDE.
J’ai entendu dire que les centres relevant de l’EPIDE ne s’adressent pas du tout au même public que celui qui est visé par le texte.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Personne n’a dit cela !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui vous moquez du monde !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je lis, à la page 17 du rapport de Mme Klès – pour ma part, j’essaie de diversifier au maximum les sources qui alimentent ma réflexion – que « si, en principe, ces jeunes » – ceux qui relèvent actuellement de l’EPIDE – « doivent jouir de leurs droits civiques et ne pas avoir de mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire jugées incompatibles avec cette démarche, 30 % d'entre eux ont néanmoins été déjà jugés, 15 % sont sous suivi judiciaire ». Il s’agit donc du même public ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Essayer de faire prendre des vessies pour des lanternes n’a jamais fait avancer les choses !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. De jeunes mineurs primo-délinquants pourront signer, si telle est leur volonté, un contrat avec l’EPIDE. S’ils ne le veulent pas, ils seront placés dans un foyer : ils n’iront pas en prison, comme l’a prétendu M. Néri !
Je rappelle que ce gouvernement est le seul à avoir fait baisser le nombre de mineurs incarcérés, grâce à la création des centres éducatifs fermés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il faut rappeler la vérité !
Mettre des mineurs en prison n’est un titre de gloire pour aucun gouvernement. Ce n’est donc nullement ce que je recherche, mon objectif est au contraire de faire diminuer le nombre de mineurs incarcérés. Pour ce faire, il faut offrir d’autres possibilités, comme nous le faisons au travers du présent texte : 200 places dans les centres relevant de l’EPIDE seront ouvertes. Les magistrats pourront choisir de recourir ou non à cette autre mesure de placement, les jeunes pourront accepter ou non de signer un contrat avec l’EPIDE. Cela nous semble être une bonne solution, car les jeunes bénéficieront, dans ces structures, d’un encadrement assuré par d’anciens militaires, des éducateurs et, surtout, des représentants du monde industriel, économique et artisanal, qui leur donneront une préformation professionnelle.
Je ne vois pas, honnêtement, ce que l’on peut reprocher à ce système. C’est d’ailleurs bien parce que vous n’avez rien à lui reprocher que vous avez décidé de ne pas en débattre, ce que je regrette profondément ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire tout d’abord que j’ai été un peu surpris de vous voir présenter ce débat, que j’ai trouvé pour ma part très riche et très argumenté,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … de manière aussi manichéenne ! Cela vous a même conduit à recourir à des métonymies quelque peu douteuses. En effet, tous les habitants d’Issoudun ne seront pas marqués pour l’éternité par la parole de l’un d’entre eux, de même que les habitants de Grenoble ne seront pas voués aux gémonies à cause de certain discours tenu dans leur ville… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
En outre, monsieur le ministre, votre rhétorique relative au dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable me paraît quelque peu sujette à caution : je tiens à votre disposition une liste impressionnante de textes dont la précédente majorité sénatoriale a, dans le passé, écourté la discussion par le biais de l’adoption d’une telle motion, en dépit de nos invitations à les améliorer par le débat ! Le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable fait partie des outils prévus par le règlement du Sénat : il est donc parfaitement légitime d’en user !
Cela étant dit, je voudrais maintenant, monsieur le ministre, vous poser une question précise d’ordre financier, car vous n’avez pas répondu aux orateurs qui vous ont interrogé sur ce point.
L’EPIDE disposait de 99,987 millions d’euros de crédits en 2010, et de 82,430 millions d’euros en 2011.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle chute !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Dans le projet de budget pour 2012, ainsi que le mentionne le rapport de Mme Klès, il est prévu que les crédits des deux principales sources de financement des centres relevant de l’EPIDE – le programme n° 102 « Accès et retour à l’emploi » et le programme n° 147 « Politique de la ville et Grand Paris » – diminueront de 13 % et de 12 % respectivement.
Ma question sera donc très simple : comment pouvez-vous imaginer sérieusement confier de nouvelles tâches aux centres relevant de l’EPIDE alors que leurs crédits diminuent aussi fortement ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. J’aime beaucoup les Grenoblois, et les Orléanais plus encore, monsieur le président de la commission des lois ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Merci !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. On ne saurait les voir à travers la seule histoire de Jeanne d’Arc, j’en ai bien conscience !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Jeanne d’Arc est très importante, pour la France et au-delà !
Mme Éliane Assassi. Si vous voulez parler entre vous, nous pouvons vous laisser seuls !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Me permettez-vous de répondre à M. le président de la commission des lois, madame Assassi ? Si vous ne voulez pas que je m’exprime, je peux très bien m’arrêter ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, seul M. le garde des sceaux a la parole !
Veuillez poursuivre, monsieur le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Pour répondre à votre question, monsieur le président de la commission des lois, il s’agit en l’occurrence non pas de financer l’EPIDE dans son ensemble, mais simplement les 200 places que nous proposons aujourd'hui de créer.
Aux termes de l’arbitrage rendu par M. le Premier ministre, les 8 millions d’euros nécessaires seront pris en charge à égalité par quatre ministères, dont celui de la justice. Plusieurs orateurs l’ont d’ailleurs rappelé, ce qui m’a conduit à ne pas y revenir dans ma réponse.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mais cela ne remettra pas l’EPIDE au niveau, monsieur le garde des sceaux !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je vous parle non pas de l’EPIDE, monsieur le président de la commission des lois, mais des 200 places dont la création fait l’objet de la proposition de loi.
Mme Virginie Klès, rapporteur. Mais les moyens…
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Pourriez-vous me laisser achever mon propos, madame le rapporteur ? N’étant qu’un pauvre provincial, je ne suis pas capable de faire deux réponses à la fois ! C’est ainsi, il faut vous y faire !
Mme Virginie Klès, rapporteur. Je voulais juste compléter la question qui vous est posée, monsieur le garde des sceaux.
Mme Cécile Cukierman. Quel rapport avec le fait d’être provincial ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Permettez que je réponde à M. le président de la commission des lois !
Mme Virginie Klès, rapporteur. Justement ! Quand M. le président de la commission vous interrompt pour vous interroger, vous l’écoutez, mais quand je vous pose une question, vous vous fâchez ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. C’est le président qui donne la parole ! C’est incroyable !
M. le président. Madame le rapporteur, je ne vous ai pas donné la parole.
Veuillez poursuivre, monsieur le garde des sceaux.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. … mais j’essaie d’abord de répondre à la question que M. le président de la commission des lois m’a posée.
Contrairement à ce qu’ont prétendu plusieurs orateurs, en 2012, le budget de la justice augmentera de 4 %, et celui de la PJJ de 1,98 %. Il n’y a donc pas de baisse des crédits.
Quant au financement des 200 places dont la création est l’objet de la présente proposition de loi, il sera assuré par la mobilisation de 8 millions d’euros, les ministères de la justice, des solidarités et de la cohésion sociale, du travail, de l’emploi et de la santé et de la défense contribuant chacun à hauteur de 2 millions d’euros.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Une enveloppe de 8 millions d’euros sera donc mobilisée, mais, dès lors que les crédits ont baissé de 10 millions d’euros entre 2010 et 2011 et qu’ils diminueront sans doute d’autant, au minimum, entre 2011 et 2012, il y a un déficit de 12 millions d’euros. Je pense que chacun peut comprendre cela ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Virginie Klès, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je voudrais essayer d’expliquer de nouveau à M. le garde des sceaux, en espérant qu’il ne se fâchera pas, que je souhaitais simplement compléter la question posée par M. le président de la commission des lois.
Monsieur le garde des sceaux, ces 8 millions d’euros, qui pour l’heure n’existent que sur un « bleu » de Matignon mais ne sont pas encore inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012, sont destinés à financer les missions supplémentaires confiées à l’EPIDE.
Cependant, le budget global de l’EPIDE, qui connaît une forte diminution, contribuera également au financement des 166 places supplémentaires destinées à des mineurs délinquants. En réalité, le coût de vos mesures dépassera largement 8 millions d’euros, ce montant ne prenant pas en compte la mutualisation des moyens actuels. Je voudrais donc que vous nous précisiez ce que représente cette mutualisation.