M. le président. La parole est à M. le président de la mission commune d’information.
M. Martial Bourquin, président de la mission commune d’information. Le voyage en Allemagne a été une étape importante pour la mission commune d’information.
Nous avons rencontré le numéro trois de Bosch, que nous avons interrogé sur le temps de travail et le coût du travail.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Martial Bourquin, président de la mission commune d’information. S’agissant du coût du travail, il nous a affirmé qu’il était légèrement moins élevé dans l’usine française que dans l’usine allemande.
Par ailleurs, il nous a indiqué que le temps de travail était de 32 heures dans les établissements allemands !
Enfin, nous avons pu constater que les salaires sont attractifs dans l’industrie allemande.
Il ne faudrait donc pas, quand nous voulons établir des comparaisons avec l’Allemagne, ne prendre que ce qui nous arrange.
M. Jean-Louis Carrère. Bien sûr !
M. Martial Bourquin, président de la mission commune d’information. Il faut tout prendre en compte ! Parlons d’exemple allemand, plutôt que de modèle allemand ! Naguère, on ne jurait que par la réussite irlandaise, et l’on sait ce qu’il est advenu. Aujourd’hui, on invoque à tout propos la réussite allemande ! Si l’Allemagne a des atouts, la France en a aussi.
Ce qui est certain, c’est qu’en Allemagne toutes les PME et TPE ont accès à l’innovation. Elles peuvent déposer facilement des brevets ou en acheter, bénéficier du soutien de fondations associant le privé et le public. Ce point est très important.
Par ailleurs, le système des Länder est extrêmement décentralisé. Il est fondamental d’engager une nouvelle étape dans la décentralisation : nous ne nous en sortirons pas en procédant par décrets en matière de politique industrielle.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Martial Bourquin, président de la mission commune d’information. Cela a été souligné par plusieurs orateurs, les régions, les départements, les communautés d’agglomération, les communautés de communes ont un rôle à jouer en la matière pour « coller » au territoire, écouter les chefs d’entreprise, les partenaires sociaux et faire en sorte qu’un véritable lien unisse les différents acteurs.
La loi NOME représente un danger pour notre pays. Si elle est appliquée sans aménagements, les industries électro-intensives risquent de quitter notre territoire dans les mois qui suivront. Les dirigeants de l’entreprise Rio Tinto, dans la vallée de la Maurienne, nous l’ont dit : s’ils ne peuvent disposer d’une électricité à bas prix, ils partiront ! Peut-être en Chine, mais ce serait catastrophique sur le plan environnemental, ou mieux au Canada, où l’énergie, comme en France actuellement, n’est pas chère.
Pour relever ces défis, il importe de s’appuyer sur une filière nucléaire présentant une sécurité maximale tout en développant l’usage des énergies renouvelables, pour préparer l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la mission commune d’information.
M. Alain Chatillon, rapporteur de la mission commune d’information. Ne nous trompons pas de débat : à aucun moment, contrairement à ce qu’a dit M. Mirassou, nous n’avons stigmatisé les augmentations de salaires. Nous avons simplement fait un constat, sans tirer aucune conclusion. Dès lors, arrêtons les procès d’intention !
Le voyage de la mission en Allemagne a duré trois heures. En tant que chef d’entreprise, j’ai passé trois jours par mois dans ce pays pendant vingt-cinq ans ! Je crois donc pouvoir parler de la situation en Allemagne aussi bien que d’autres…
En Allemagne, 80 % des chefs d’entreprise sont issus de l’enseignement technique. En outre, les Allemands ont fait des choix stratégiques bien meilleurs que les nôtres. Enfin, un certain Gerhard Schröder a abaissé le taux de l’impôt sur les sociétés de 46 % à 24 %.
Aujourd’hui, les entreprises allemandes de taille intermédiaire sont quatre fois plus nombreuses que les nôtres et, de surcroît, leur capacité d’autofinancement est deux fois plus élevée.
On évoque parfois l’externalisation des activités. N’oubliez pas que les entreprises allemandes achètent 52 % de leurs produits intermédiaires à l’étranger, essentiellement dans les pays de l’Est, où elles vendent en retour des produits finis. C’est ainsi qu’elles dégagent une capacité d’autofinancement de leurs investissements.
Nous devons, me semble-t-il, libérer nos entreprises du poids trop important qui pèse sur elles. Aujourd’hui, le taux de charges sociales est de 28 % en Allemagne, contre 43 % en France, alors que les salariés allemands bénéficient d’une meilleure protection que les nôtres.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et la productivité ?
M. Alain Chatillon, rapporteur de la mission commune d’information. Il convient peut-être de s’interroger sur les raisons de cette situation ! (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Votre rencontre avec le numéro trois de Bosch vous a manifestement marqué, monsieur Bourquin, puisque vous l’évoquez en toute occasion !
S’agissant d’abord de la durée du travail, je ferai tout de même observer que cette entreprise a négocié le passage de 35 heures à 36 heures à Vénissieux, et même à 38 heures à Rodez ! Votre interlocuteur vous a-t-il expliqué pourquoi il était favorable aux 32 heures en Allemagne, mais partisan de l’allongement de la durée du travail au-delà de 35 heures en France ?
M. Claude Bérit-Débat. La question n’est pas là !
M. Éric Besson, ministre. En ce qui concerne le coût du travail, je ne connais pas la situation spécifique de Bosch, mais l’INSEE, qui a corrigé ses données à la suite des remarques qui lui avaient été faites, nous apprend que le coût horaire du travail, dans l’industrie manufacturière, a augmenté de 44 % en France en dix ans et de 19 % en Allemagne pendant la même période. C’est un constat brut que l’on ne peut, me semble-t-il, contester : quoi que l’on puisse en penser, telle est la réalité des chiffres !
Par ailleurs, vous ne cessez d’affirmer qu’il faut développer la production d’électricité d’origine photovoltaïque. Très bien, mais je vous redis que produire de l’électricité de cette façon coûte dix fois plus cher qu’à partir de l’énergie nucléaire. Rio Tinto, dont vous avez évoqué le cas, ne veut pas que le prix de l’électricité dépasse 30 euros le mégawattheure. Or la loi NOME a fixé le coût du mégawattheure à 40 euros au 1er juillet prochain et à 42 euros au 1er janvier 2012, et le coût de l’électricité d’origine photovoltaïque est encore dix fois supérieur à ce chiffre…
Comment pouvez-vous, dans la même après-midi, nous dire à la fois que nous n’en faisons pas assez pour le photovoltaïque et que nous ne nous battons pas suffisamment pour le maintien en France des industries électro-intensives ?
S’agissant du Canada, ce pays a la chance d’avoir une forte capacité de production d’électricité hydraulique, comme la Norvège, la Suisse ou l’Autriche. La France, quant à elle, a réussi l’exploit d’avoir une électricité parmi les moins chères en Europe sans disposer de grandes ressources naturelles ! C’est le nucléaire qui l’a permis !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je souhaite aborder la question du crédit d’impôt recherche, dispositif dont on fait volontiers l’éloge.
Or, à la page 223 du rapport de la mission commune d’information, je lis ceci :
« Lors des auditions et des déplacements de la mission, certaines dérives du crédit d’impôt recherche ont en effet été pointées du doigt, à l’instar d’une utilisation abusive par les grandes entreprises, les banques, les assurances ou, encore, par des entreprises de services. Ces effets d’aubaine, de même que l’utilisation du crédit d’impôt recherche pour des activités qui ne seraient pas directement liées au soutien de l’innovation, ne peuvent perdurer et nécessitent une adaptation du dispositif. »
Monsieur le ministre, je constate qu’il existe de réelles dérives : certaines entreprises affectent le crédit d’impôt recherche à des dépenses qui ne sont pas liées à la recherche. Dans le même temps, un certain nombre de chercheurs et d’universitaires sont indignés : quand un jeune chercheur a la chance d’obtenir un poste dans un laboratoire de recherche en France, son salaire est peu élevé, bien inférieur à celui qu’il percevrait dans d’autres pays, par exemple aux États-Unis.
M. Jean-Jacques Mirassou. En Allemagne !
M. Jean-Pierre Sueur. En effet, mon cher collègue ! Certains pays investissent beaucoup plus que nous dans la recherche, qu’elle soit publique ou privée, offrant par là même bien plus de débouchés aux doctorants. D’ailleurs, beaucoup de nos doctorants souhaitent partir à l’étranger, car ils ne trouvent pas de travail en France.
Eu égard à ces difficultés réelles, la France ne fait pas, me semble-t-il, ce qu’il faut pour la recherche publique. Certes, votre ministère n’est pas directement impliqué, monsieur le ministre, mais il est tout de même concerné. En tout état de cause, ces incontestables effets d’aubaine sont choquants.
J’aimerais connaître votre sentiment à ce sujet. Quelles dispositions envisagez-vous de prendre pour faire en sorte que le crédit d’impôt recherche soit géré avec une extrême rigueur, compte tenu de la nécessité de soutenir nos chercheurs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez raison, tout outil est en permanence perfectible. Lorsqu’un outil a un impact important, il peut toujours entraîner des effets d’aubaine.
Le secteur des banques et des assurances représente 3 % du crédit d’impôt recherche octroyé. Certes, je n’ai pas examiné cette question de manière aussi détaillée que l’ont fait le président et le rapporteur de la mission commune d’information, mais le fait que ce secteur soit potentiellement éligible au CIR ne pose pas en soi de problème. Peut-être y a-t-il, parmi ces 3 %, des effets d’aubaine ? Mais l’administration et le Gouvernement vérifient en permanence l’utilisation de ces fonds.
Cela étant, globalement, réjouissons-nous de l’impact du crédit d’impôt recherche ! Vous connaissez tous, comme moi, nombre de chefs d’entreprise qui ont soit maintenu, soit recréé, soit créé des centres de recherche et de développement en France, alors qu’ils envisageaient de le faire ailleurs.
La semaine dernière, j’ai reçu un chef d’entreprise français ayant créé dans la Silicon Valley des entreprises internet qui se développent très bien. Il m’a fait part de son projet de créer un centre de recherche en France, ce dont il était très heureux en tant que Français, bien que très attaché désormais à la Californie. Il a souligné que le crédit d’impôt recherche et le dispositif jeune entreprise innovante constituaient des atouts qui lui permettaient d’être compétitif par rapport à ce qu’offrait la Silicon Valley. Il a ajouté, pour être tout à fait juste, qu’il lui semblait que, en matière de capital-risque ou de capital-développement, nous devions encore passer un palier. C’est une exigence qui, je crois, s’impose à nous.
Je retiens de votre intervention, monsieur le sénateur, que vous considérez que cet outil est perfectible et que nous pouvons lutter contre d’éventuels effets d’aubaine. J’attirerai de nouveau l’attention de mes collègues, notamment de Christine Lagarde, sur le sujet. Mais je le répète, très sincèrement, l’impact du crédit d’impôt recherche est globalement extrêmement positif.
M. Jean-Pierre Sueur. Un rapport d’Alain Claeys sur ce sujet fait des propositions très utiles pour mieux cibler le CIR !
M. le président. La parole est à M. le président de la mission commune d’information.
M. Martial Bourquin, président de la mission commune d’information. Au cours de la mission commune d’information, le crédit d’impôt recherche a été plébiscité par toutes les entreprises, quels que soient les territoires sur lesquels elles sont implantées. Il s’agit, à l’évidence, d’un bon dispositif.
Toutefois, il existe effectivement des effets d’aubaine. Veillons à les corriger en resserrant le dispositif, pour qu’il s’adresse plus encore aux PME innovantes. Il s’agit non pas de valoriser le dispositif existant, mais de favoriser réellement l’innovation. Voilà ce qui ressort des auditions que nous avons menées.
Monsieur le ministre, je ne veux pas polémiquer, mais permettez-moi de revenir sur plusieurs points.
Tout d’abord, un fait est un fait et une statistique, une statistique.
Si j’ai évoqué à plusieurs reprises l’entreprise Bosch, c’est parce que les propos du responsable que nous avons rencontré étaient clairs et concrets.
En revanche, je me méfie des statistiques. Ainsi, je pensais qu’en France l’impôt sur les sociétés était de 33 %. Or, à la lecture de mon journal, j’ai appris que Total n’avait pas payé d’impôt sur les sociétés ! Pas plus que Vivendi ! D’ailleurs, les sociétés du CAC 40 paient en général 20 % au titre de l’impôt sur les sociétés !
M. Bernard Frimat. 8 % !
M. Martial Bourquin, président de la mission commune d’information. Certaines n’en paient effectivement que 8 % ou 10 % !
Les chiffres qui nous ont été donnés la première fois par le Centre d'observation économique et de recherche pour l'expansion de l'économie et le développement des entreprises, COE-Rexecode, étaient faux ! Ils avaient été traficotés ! J’avais d’ailleurs prévenu le rapporteur, M. Chatillon !
Soyons prudents, car on arrive parfois à faire dire aux statistiques ce qu’elles ne veulent pas dire ! Au contraire, lorsqu’un dirigeant d’entreprise vous énonce un fait concret, tout est clair.
Enfin, concernant l’énergie, il nous faut conserver l’énergie la moins chère possible. Toutefois, ce qui arrive aux ménages, avec le commencement de l’application de la loi NOME, est scandaleux. Libérons les capacités d’innovation que nous avons pour produire des énergies renouvelables !
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la mission commune d’information.
M. Alain Chatillon, rapporteur de la mission commune d’information. Pour revenir une dernière fois sur l’exemple de l’Allemagne, je tiens à souligner que nous n’avons fait que reprendre le rapport d’un certain Didier Migaud. J’espère que vous êtes favorable à ce qu’il a écrit. Si vous êtes contre, dites-le !
M. Jean-Pierre Sueur. Le parti socialiste est pluraliste ! D’ailleurs, M. Besson le sait bien !
M. Alain Chatillon, rapporteur de la mission commune d’information. C’est à la virgule près ce qu’a dit M. Migaud !
Par ailleurs, s’agissant du crédit d’impôt recherche, je souligne qu’il n’est pas orienté à 30 % vers le secteur de l’assurance.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Alain Chatillon, rapporteur de la mission commune d’information. Je le sais bien, mon cher collègue, mais je tiens à le préciser pour éviter toute mauvaise interprétation : ce sont les holdings qui en bénéficient.
C’est pourquoi nous avons demandé, à l’unanimité, que le crédit d’impôt recherche soit beaucoup plus largement orienté vers les PME.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument ! Je suis d’accord !
M. Alain Chatillon, rapporteur de la mission commune d’information. C’est dans ce cadre-là que nous nous situons. Il faut resserrer le filtre du crédit d’impôt recherche, car un certain nombre de très grands groupes arrivent, par filialisation, par holdings séparées, à récupérer des masses relativement importantes. Nous devons rééquilibrer cette situation en faveur des petites et moyennes entreprises.
M. Jean-Pierre Sueur. Il y a donc un véritable effet d’aubaine ! Je suis d’accord avec ce que vous dites !
M. le président. La parole est à M. René Beaumont.
M. René Beaumont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’avais pas l’intention d’intervenir dans ce débat, mais j’y suis incité par les vigoureux plaidoyers, que j’ai entendus tout à l'heure et que je partage, sur le développement des infrastructures, base indispensable à l’industrialisation, et sur le ferroutage.
Pour être à proximité de la région lyonnaise, je connais bien les difficultés de transport posées par le franchissement des Alpes. À ce propos, où en est-on du tunnel Lyon-Turin et du projet de ferroutage ? Le chantier semble en panne… Où en est l’étoile ferroviaire lyonnaise ? Là aussi, le chantier semble en panne ! Cela prouve, comme l’a souligné tout à l'heure notre collègue communiste, que le fret ferroviaire est aujourd'hui en déclin total dans notre pays. C’est un constat que je déplore comme tout le monde, mais c’est la vérité !
Dans les débats relatifs aux infrastructures, on assiste en permanence à un duel entre la voie ferrée et la route. Cependant, on oublie un autre mode de transport, très utile là où il est possible, je veux bien sûr parler de la voie d’eau.
Pour ma part, je me félicite que le Président de la République ait pris, voilà quinze jours, l’initiative courageuse d’engager un dialogue compétitif entre les entreprises pour la réalisation du canal Seine-Nord Europe (M. Jacques Legendre applaudit.), qui devrait être achevée – c’est officiel – dans trois ans. C’est une grande victoire pour le transport en général et pour les infrastructures françaises en particulier que d’avoir décidé de créer ce canal !
En outre, un tel projet constitue à mes yeux une grande ouverture dans la mesure où c’est la première fois en cent ans que l’État français s’intéresse aux voies navigables.
Il faut donc lui donner une suite, monsieur le ministre. Ce sera, vous l’imaginez bien, la fameuse liaison Rhin-Rhône que l’on a voulu occulter en 1997. Je ne reviendrai pas sur le passé, car il faut aller de l’avant. Je vous parlerai aujourd'hui du canal Saône-Moselle, qui a la même fonction. Ce projet devrait pouvoir être mis en chantier dans quatre ou cinq ans, le temps de creuser définitivement le canal Seine-Nord Europe. Il s’agit d’une grande infrastructure nord-sud.
Faut-il rappeler que tout le fret entre le nord et le sud de l’Europe passe par la Bourgogne ? Les Bourguignons, dont je suis, en ont assez des camions, monsieur le ministre !
Nous avons besoin d’une vraie voie d’eau dans ce secteur et non pas d’un TGV Rhin-Rhône qui ne servirait à rien ! Aidez-nous à la réaliser dès que le canal Seine-Nord Europe sera achevé !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Monsieur le sénateur, sitôt que ce débat sera terminé, je rencontrerai Nathalie Kosciusko-Morizet et Thierry Mariani. Je leur ferai part de vos remarques, auxquelles je souscris en tant que maire d’une commune située au bord du Rhône, le long de l’autoroute A7 et de la route nationale 7, car je suis, comme vous, confronté régulièrement aux bouchons de Montélimar. Je partage donc votre diagnostic.
Monsieur le président de la mission commune d’information, vous avez dit ne pas vouloir polémiquer. Telle n’est pas non plus ma volonté. Considérez donc que mes propos participent à l’échange et au dialogue que nous avons.
Tout d’abord, vous avez indiqué que Total ne paie pas d’impôt sur les sociétés en France. Il se trouve que l’actualité m’a conduit à examiner la situation de cette entreprise. Certains ont cru, moi le premier, que Total ne payait pas d’impôt sur les sociétés au titre de ce que l’on appelle le bénéfice mondial consolidé, en vertu duquel un certain nombre de grands groupes ayant des activités en France retirent, pour partie, de leurs bénéfices les pertes qu’ils enregistrent à l’étranger.
Cependant, Total n’est pas dans ce cas. La société réalise des bénéfices dans la distribution pétrolière, mais perd beaucoup d’argent dans le raffinage, de par la volonté même de l’État qui lui demande de ne pas fermer des raffineries aujourd'hui déficitaires, alors même que l’Europe est en situation d’excédent dans ce domaine. Il faut donc faire attention à ce que disent les uns ou les autres !
Par ailleurs, vous ne pouvez pas dire de bonne foi – je sais pouvoir compter sur la vôtre ! – que le prix de l’énergie a aujourd'hui un quelconque rapport, pour les particuliers notamment, avec la loi NOME.
Vous le savez, aux termes mêmes de la loi que le Parlement a votée, les tarifs pour les particuliers resteront des tarifs régulés ou réglementés jusqu’en 2015. Après cette date, il reviendra à la Commission de régulation de l’énergie de fixer le niveau des prix.
Accordons-nous au moins pour dire que la question ne se pose pas jusqu’en 2015. Certes, vous pouvez me dire que vous anticipez, mais vous ne pouvez pas accuser la loi NOME de tous les maux.
De surcroît, il faut rappeler que c’est le ministre chargé de l’énergie – je le dis d’autant plus volontiers qu’il s’agit de mon prédécesseur, Jean-Louis Borloo – qui, en la circonstance, a très intelligemment négocié cette loi avec la Commission européenne pour que nos industriels ne soient pas tous condamnés à des amendes de plusieurs centaines de millions d’euros, voire quelques milliards d’euros, pour avoir bénéficié de tarifs régulés indus au regard de la réglementation européenne.
M. Martial Bourquin, président de la mission commune d’information. On aurait pu négocier !
M. Éric Besson, ministre. Je vous assure que les participants à la négociation savent ce qu’il en a été.
De ce point de vue-là, la loi NOME nous a permis de trouver un terrain d’entente avec la Commission européenne au bénéfice de nos industries, et donc de nos emplois.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai pris connaissance avec beaucoup d’intérêt du rapport de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires, dont je veux, à mon tour, remercier l’ensemble des membres et saluer chaleureusement le président, Martial Bourquin, qui est à l’origine de cette démarche. Ces travaux étaient indispensables, de trop nombreux territoires souffrant de fermetures et de réductions d’effectifs en cascade.
Mon département, où l’industrie représente 18 % de l’emploi total, a été particulièrement touché. Le taux de chômage a explosé depuis la crise à près de 14 %. Dans l’Aisne, on répertorie 2 291 établissements industriels, 31 700 salariés et 6 400 destructions d’emplois depuis 2008, notamment dans le secteur des biens intermédiaires, de la plasturgie et de l’automobile.
Comme cela a été souligné, aujourd’hui, après les états généraux, on discerne mal la stratégie nationale mise en œuvre.
Mon intervention portera sur trois points.
D’abord, les pôles de compétitivité ont vocation à créer ou à renforcer le lien entre l’université, la recherche et les entreprises. Le pôle de compétitivité Industries et Agro-Ressources, IAR, commun aux régions Picardie et Champagne-Ardenne, doit, dans l’Aisne, être à l’origine d’un site de développement orienté dans le secteur des questions environnementales – monsieur le ministre, votre appui est attendu sur ce dossier – à proximité d’un site militaire qui sera abandonné en 2012.
Ensuite, l’impératif est de donner aux PME les moyens de se développer et, pour ce faire, le rôle du maillage territorial est essentiel. C’est en cela que le schéma national d’infrastructures de transport, le SNIT, dont nous avons débattu dans cette enceinte, est insuffisant, au regard tant de la question du ferroutage que de celle la modernisation des axes routiers stratégiques ; bien entendu, je pense au dossier de la RN 2.
Enfin, il est temps de doter notre pays d’une véritable stratégie industrielle, de renouer avec la compétitivité et de sortir de leur isolement nombre de territoires, tels que l’Aisne.
La question se pose donc – cela a déjà été dit – des tarifs prohibitifs en matière de fret ferroviaire par wagons isolés, qui pénalisent les territoires enclavés où sont implantées des entreprises au fort potentiel de développement ; je pense notamment à une société du groupe Bayer, dont le site implanté dans le bourg rural de Marle-sur-Serre est particulièrement pénalisé.
Monsieur le ministre, quelle ambition pouvons-nous porter pour permettre aux activités économiques implantées dans le tissu rural de garder leur compétitivité en matière de logistique, d’approvisionnement et de distribution de leurs produits ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Monsieur le sénateur, une nouvelle fois, seule la première partie de votre question relève de la compétence du ministre de l’industrie que je suis, la seconde étant du ressort de mes collègues en charge des transports, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et M. Thierry Mariani.
Concernant la première partie de votre question, je confirme votre diagnostic et notre approche commune. Nous avons créé un pôle de compétitivité Industries et Agro-Ressources, qui porte spécifiquement sur la question que vous voulez développer, à savoir le lien entre recherche, industrie et ressources humaines. Beaucoup a été fait depuis 2007, vous le savez, mais nous devons poursuivre dans cette voie.
S’agissant du fret ferroviaire et des infrastructures de transport, je vais répercuter vos questions à mes collègues et peut-être suggérer que vous approfondissiez le sujet avec eux.
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.
M. Philippe Leroy. Monsieur le ministre, mon propos sera bref, car j’ai déjà abordé ce point dans le débat sur la question orale, et je ne vous demande pas forcément une réponse immédiate.
Dans les années à venir, l’industrie européenne va se heurter au problème des quotas de gaz carbonique, qui, dans certaines régions, seront de véritables enjeux stratégiques. Je pense, par exemple, à la Lorraine et à la Moselle, qui, en matière de sidérurgie, envisagent de garder une filière fonte, laquelle émet du gaz carbonique.
Aujourd’hui, nous participons au programme-cadre de recherche et développement de l’Union européenne sur la sidérurgie à très faibles émissions de CO2, baptisé Ultra Low CO2 Steelmaking, ou ULCOS.
Pour sauver la sidérurgie française, il faut parvenir à enterrer une partie du gaz carbonique produit, afin qu’il ne se dégage pas dans l’atmosphère. C’est justement sur les quotas de dioxyde de carbone que nous allons être en compétition à l’avenir !
Comment faire pour continuer à produire, par exemple dans les domaines de la chimie ou de la pétrochimie ? C’est toute la pétrochimie française qui est menacée. Comment utiliser la filière bois, qui recycle énormément de gaz carbonique ? Comment maintenir une sidérurgie, développer des activités souvent productrices du fameux gaz carbonique que nous craignons tous, même en faisant des économies ?
Monsieur le ministre, il s’agit, je le sais, d’une préoccupation forte de votre gouvernement. Les Lorrains, mais aussi les Marseillais, sont très concernés. En effet, tous ceux qui s’occupent d’énergie, de pétrole, de chimie et de sidérurgie se sentent inquiétés par ces fameux quotas de dioxyde de carbone. Aussi aimerions-nous être rassurés sur les réflexions gouvernementales à cet égard.
M. le président. La parole est à M. le ministre.