M. Éric Besson, ministre. Pardonnez-moi de faire la même réponse pour la quatrième fois consécutive, mais cette question du marché du CO2 est de la compétence de ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet. Je vais toutefois vous rappeler quelques éléments que vous connaissez.
Le paquet énergie-climat, adopté sous présidence française en décembre 2008, renforce et améliore le système de quotas à partir du 1er janvier 2013, en pérennisant le dispositif qui s’étend désormais au-delà de la période de validité actuelle, en fixant un niveau élevé d’ambition, puisque le plafond d’émission sera réduit de 21 %, en généralisant progressivement la mise aux enchères de quotas, ce qui permettra d’améliorer l’efficacité économique du système et accroîtra l’incitation des acteurs concernés à réduire leurs émissions à court terme et à moyen terme.
Nous sommes conscients du problème que vous avez évoqué et nous veillons à ce que nos industriels ne soient pas pénalisés de la façon que vous avez à juste titre décrite ; nous en parlons en permanence dans les négociations.
L’autre voie est évidemment celle du progrès technologique. De nombreux secteurs industriels que vous avez cités essaient de développer des activités « propres ». C’est notamment le cas du programme ULCOS, que vous connaissez et qui apparaît majeur et intéressant.
Au sein de l’État, nous sommes en train de discuter, notamment avec Arcelor, de son financement qui n’est pas aujourd’hui bouclé, mais nous espérons avancer.
Même dans ces domaines, il existe d’importantes potentialités créatrices de nouvelles technologies et d’emplois.
Monsieur le président, nous avons eu le plaisir de nous réunir depuis quatorze heures trente, un plaisir long, puisqu’il est presque dix-neuf heures ! (Sourires.) Ce débat était extrêmement intéressant. Je remercie toutes les sénatrices et tous les sénateurs qui, cet après-midi, ont témoigné de leur passion pour l’industrie, une passion que le Gouvernement partage. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la mission commune d’information.
M. Martial Bourquin, président de la mission commune d’information. Permettez-moi d’ajouter, monsieur Leroy, qu’un mètre cube de bois séquestre une tonne de carbone et que, en France, l’utilisation de la filière bois en est à ses balbutiements.
Nous avons besoin d’utiliser le bois dans la construction, dans les travaux publics, pour faire en sorte que ce que nous dépensons en CO2 soit capturé par la filière bois. Cette dernière a effectivement des possibilités méconnues qui s’ouvrent à nous, en particulier la chimie verte.
Plusieurs pays sont pilotes : un pays scandinave et, au Canada, la province du Québec. Sur cette question-là, ce sont des emplois induits très importants non seulement pour la construction, mais aussi pour l’avenir de notre société. Voilà pourquoi votre question était, comme à l’accoutumée, très intéressante.
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la désindustrialisation des territoires.
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Réforme de la formation des enseignants
Discussion d'une question orale avec débat
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 5 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, sur la réforme de la formation des enseignants.
Cette question est ainsi libellée :
« Mme Brigitte Gonthier-Maurin interroge M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sur la réforme de la formation des enseignants.
« Plusieurs rapports émanant du ministère pointent de réelles difficultés dans la mise en place de la mastérisation.
« En juillet dernier, un rapport de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale alertait le ministère sur l’insuffisance des moyens prévus pour financer la formation des professeurs débutants et soulignait le risque de recours juridictionnel des stagiaires au motif d’une rupture d’égalité de traitement. Ce rapport montrait en effet comment la situation sur le terrain se traduisait par une extrême hétérogénéité des situations pour les enseignants stagiaires se retrouvant sans aucune formation devant les élèves et, pour certains, dès la rentrée de septembre.
« Une étude, datée de novembre, relative au dispositif d’accueil, d’accompagnement et de formation des enseignants stagiaires des premier et second degrés et émanant de la direction générale des ressources humaines du ministère, fait état des difficultés rencontrées par les enseignants stagiaires : fatigue, difficulté à concilier, dans l’urgence, organisation des classes et formation, manque de méthode, manque de recul, retard dans la nomination de tuteur... Les jeunes enseignants se trouvent ainsi dépourvus des outils pour remplir leurs missions auprès de leurs élèves.
« Le 19 janvier dernier, lors de ses vœux au monde de la culture et de la connaissance, le Président de la République a déclaré qu’il fallait remettre “sur le chantier certains éléments de cette formation”, afin « de mettre devant nos enfants des professeurs mieux formés, connaissant mieux leurs matières, et mieux préparés à l’enseignement d’une classe d’âge ».
« Aussi, elle demande au ministre comment et dans quels délais le Gouvernement compte revenir sur cette réforme afin de satisfaire pleinement à ce triple objectif. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cette question sur la réforme de la formation des enseignants, j’ai souhaité remettre « l’ouvrage sur le métier » et prendre ainsi au mot le Président de la République qui, lors de ses vœux au monde de la connaissance et de la culture, avait entrouvert cette porte.
Je ne reviendrai pas sur la méthode employée par le Gouvernement ni sur l’absence de concertation réelle, pour aboutir, au final, à une réforme qui fait l’unanimité contre elle, tant elle tourne le dos à l’objectif affiché : améliorer la formation des enseignants.
À l’inverse, son objectif comptable, soit la suppression de 16 000 postes de stagiaires et de l’année de formation rémunérée, a bien été atteint.
L’objectif idéologique consistant à « régler leur compte aux IUFM », qui était un engagement du candidat Sarkozy, a été également atteint.
J’en viens à l’objectif éminemment politique. L’importance grandissante des savoirs dans notre société est une réalité. Dès lors, le système néolibéral est face à une contradiction : comment obtenir un salariat mieux et plus formé sans dépenser plus dans la formation, ni donner aux futurs salariés la maîtrise des savoirs ? Il y parvient par une différenciation, une individualisation des parcours de formation dans un système éducatif reposant sur un cadre de moins en moins national et de plus en plus territorialisé et, donc, par une différenciation de la formation des enseignants, par la casse du cadre national, l’affaiblissement du concours face au master.
Confortée par les auditions que j’ai menées de personnalités, de syndicalistes, d’enseignants stagiaires – je salue ceux qui sont présents dans les tribunes –, j’ai la profonde conviction, je le dis très solennellement, qu’il est urgent d’agir, tant la catastrophe annoncée est aujourd’hui devenue réalité.
C’est une réalité que le Gouvernement tente de masquer depuis septembre, malgré tous les signaux d’alerte, même ceux qui proviennent de ses propres services.
Je pense, bien sûr, à la synthèse de juillet 2010 émanant des trois inspecteurs généraux de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche. Ils y pointent l’insuffisance des moyens prévus pour financer la formation des professeurs débutants, décrivant l’extrême hétérogénéité des situations pour les stagiaires et le risque de recours juridictionnel au motif d’une rupture d’égalité de traitement.
Je pense également à l’étude de la Direction générale des ressources humaines, en novembre dernier, qui fait état des difficultés rencontrées par les enseignants stagiaires : fatigue, difficulté à concilier, dans l’urgence, organisation des classes et formation, manque de méthode, manque de recul, retard dans la nomination de tuteur...
En outre, vient de vous être remis, comme à Mme Pécresse, un rapport d’étape sur la mastérisation de la formation initiale des enseignants, élaboré par le président du Comité de suivi du master, M. Jean-Michel Jolion. Le constat qu’il dresse est sévère. J’y retrouve le sombre tableau qui m’a été dépeint.
Je n’en partage cependant pas les recommandations, qui préconisent « de simples ajustements ». En effet, il faut aller bien au-delà et redonner de l’ambition à la formation des enseignants ; je vais y revenir.
À présent, en ma qualité aussi de rapporteur pour avis de la mission « Enseignement scolaire », je dirai un mot sur les professeurs de lycée professionnel, les PLP.
Ces professeurs sont les grands oubliés de cette réforme. Les IUFM n’ont plus de candidat. On ne pourra donc plus recruter dans les disciplines professionnelles, soit parce qu’il n’existe tout bonnement pas de master, soit parce que l’effort supplémentaire exigé, notamment financier, finira de décourager les vocations.
Si rien n’est fait, ce sera la perte garantie de tout un potentiel d’intervenants de qualité et un recours accru à des contractuels. On se heurte à un principe de réalité.
Il faut donc sortir du déni. C’est aussi le sens de ma démarche.
Je le dis avec force en pensant aux témoignages des enseignants du collectif « Stagiaire impossible » que j’ai reçus, à la souffrance exprimée, aux sentiments d’abandon et d’isolement, au stress, à la tension, à l’épuisement physique et psychologique ressentis ; mais je le dis aussi en pensant à leur détermination à réagir face au mépris de l’institution qui refuse de les entendre, à l’acuité de leur conscience professionnelle à l’égard de leurs élèves, lesquels, ils en sont conscients, paieront les pots cassés.
« Nous sommes des cobayes, mais aussi des preuves que cela peut fonctionner… a minima ! », me confiait avec lucidité l’un de ces stagiaires qui se sent « complice » du désastre. En effet, la perversité de cette réforme est bien là !
La rentrée a eu lieu, cahin-caha, grâce à une « surmobilisation » des équipes sur le terrain, des inspecteurs aux enseignants, pour répondre à une situation d’urgence. Comment ? Par du bricolage ! Le mot revient régulièrement. Et l’on retrouve cette « diversité kaléidoscopique » des situations pour les enseignants stagiaires, décrite par les inspecteurs généraux. La génération que l’on peut qualifier de « sacrifiée » est composée de ceux qui n’ont pas eu de stage du tout.
« Année de transition », rétorque-t-on au ministère. Faux ! La situation des étudiants de master montre qu’il n’en est rien. Du fait de cette réforme, tant par son contenu que par sa philosophie, rien ne se réglera, bien au contraire.
Alors que faut-il faire ? Je me suis interrogée sur les mesures à prendre, celles qui sont urgentes et les autres.
Je pense que l’urgence, ce sont les enseignants stagiaires. Il faut en faire de vrais stagiaires, ce qui signifie le rétablissement immédiat du tiers temps devant la classe.
Pour le reste, il faut tout reprendre. On ne pourra replâtrer cette réforme.
Cela tient principalement à la conception du métier d’enseignant qui la sous-tend, selon laquelle si l’on est bon et fort dans sa discipline, on est capable de l’enseigner ; avec un bac+5, il suffit de s’appuyer ensuite sur les « bonnes pratiques » transmises par le « compagnonnage » de professeurs aguerris.
Il existe certes des pratiques meilleures que d’autres, mais l’imitation ne fonctionne pas. Enseigner est un métier qui s’apprend ; il faut donc être formé pour l’exercer. La réalité de ce métier, c’est l’inverse d’un métier que vous voulez de plus en plus encadrer et enfermer dans un rôle de simple prescripteur.
Le sort que vous avez réservé aux stages et aux formateurs en est une preuve flagrante.
Les stages ont été réduits à la portion congrue. Aujourd’hui, la réalité approche les cinquante heures, moitié moins que ce qui avait été promis. C’est une régression terrible par rapport au volume d’heures qui prévalait d’environ quatre cents heures pour le premier degré et deux cent soixante pour le second degré.
Faute de moyens, la mise en stage des étudiants se révèle extrêmement difficile, quand elle n’est pas impossible dans le second degré. Certains rectorats, lorsqu’ils disposent encore de quelques surnombres, y parviennent tant bien que mal, mais il existe autant de situations que d’académies. Les disparités sont énormes. Il n’y a plus ni cohérence ni cadrage national.
Les étudiants servent de bouche-trous au gré des problèmes de remplacement, dont on connaît l’ampleur du fait des suppressions massives de postes. « On met en stage pour mettre en stage et faire du chiffre », m’a confié un inspecteur de l’éducation nationale. Un autre témoigne de stages remplacés par du tutorat d’élèves en bibliothèque.
Quid de l’obligation de stage dans chacun des différents cycles ? Elle a disparu ! Un professeur des écoles pourra ainsi être nommé en maternelle, sans y avoir jamais mis les pieds.
La question des formateurs est aussi révélatrice.
Dans le primaire, la catastrophe a été un peu amortie grâce au maintien du réseau de maîtres formateurs et de conseillers pédagogiques formés à dessein. Mais le rétrécissement de leur champ d’intervention a coupé leur lien avec la recherche. Cette perte du « regard croisé » est dommageable.
Dans le second degré, où ce réseau n’existait pas, la charge revient aux tuteurs, sur lesquels vous faites reposer un prétendu « compagnonnage ». Ce terme est, en réalité, vidé de son sens. En effet, un compagnon est reconnu comme tel par ses « pairs » du fait de la formation qui lui a été délivrée. Ces tuteurs, eux, n’ont reçu aucune formation de « formateur ».
Malgré la meilleure volonté, il ne suffit pas de transmettre un geste ; il faut aussi savoir l’analyser, sans compter que ce geste transmis est subjectif. Quid de son évaluation ? Un inspecteur pédagogique régional m’a ainsi indiqué que 10 % environ des tuteurs désignés avaient eu des rapports d’incompétence de leur hiérarchie et que d’autres leur étaient totalement « inconnus », au sens où leur méthode n’a jamais été éprouvée.
De plus, cette formation se trouve réduite à un tête-à-tête stagiaire-tuteur, où le tuteur est juge et partie. L’avis de ce dernier sera déterminant pour la titularisation, ce qui lui impose une très lourde responsabilité. Il s’ensuit un climat malsain, de tension, qui conduit nombre de stagiaires à ne pas se confier à leur tuteur, s’ils en ont un ou quand ils se trouvent dans le même établissement qu’eux.
La perte de ce « regard croisé » des formateurs est un des aspects très négatifs de cette réforme, sur lequel il faudra revenir. Tout comme il faudra réinterroger le devenir des IUFM au sein des universités. Mon collègue Ivan Renar y reviendra plus longuement tout à l’heure.
Nous sommes en train de voir disparaître toute une ingénierie en termes de potentiel humain et d’outils de formation.
J’aborderai maintenant le master, le cœur de votre réforme.
Ingérable, aberrante, absurde, l’année de M2 fait l’unanimité contre elle, car son fonctionnement est tout bonnement impossible ! Les étudiants sont censés tout faire à la fois : préparer le concours, passer l’admission, valider le master, faire des stages, s’initier à la recherche et produire un mémoire. La réalité, c’est qu’ils préparent surtout le concours. « On forme des candidats au concours et non plus des maîtres », a résumé fort justement un formateur de l’IUFM de Versailles.
Votre réforme a « mastérisé » non pas la formation comme elle le prétendait, mais le concours, ce qui n’est pas sans conséquence et sans risque sur le maintien d’un concours national et, donc, d’un cadre national de recrutement.
De ce fait, la formation des enseignants de ce pays n’est aujourd'hui ni davantage professionnalisante ni davantage qualifiante, paradoxe du passage à un bac+5. Elle a gravement reculé sur les deux tableaux, qu’elle n’articule absolument pas, comme le ferait un modèle intégré. Pis, elle constitue une caricature de modèles successifs : le futur enseignant se consacre d’abord à l’acquisition de savoirs académiques et à la préparation d’un concours, avec quelques stages optionnels.
Les étudiants trancheront, et c’est déjà le cas, en faveur de la préparation du concours !
Une fois admis et le master validé, détail non négligeable, l’enseignant stagiaire dispose d’un an pour apprendre le métier et décrocher sa titularisation. Sachant qu’il assure un service complet devant sa classe, contre 40 % auparavant, il n’aura ni le temps, ni les ressources, ni l’énergie pour prendre le moindre recul sur sa pratique. Les stagiaires auront le nez dans le guidon !
« On rate un cours, mais on refait le même, car on n’a pas le temps de le modifier », m’expliquait un jeune enseignant d’histoire-géographie. « On nous formate à une médiocrité. Il n’y a pas de bonne recette. C’est pour cela qu’il faut une formation complète. »
Vous avez ainsi mis en place un modèle qui est unique en Europe, mais aussi en France au sein même de la fonction publique : le métier d’enseignant est désormais le seul où l’on ne soit pas formé après le concours.
Dis-moi comment tu formes tes enseignants, je te dirai quelle ambition tu as pour ton école !
Œuvrer en faveur de la réussite de tous les élèves, c’est relever le défi d’une réelle démocratisation scolaire, ce qui nécessite que la nation investisse dans la formation de ses enseignants et fasse preuve d’ambition. C’est pourquoi, même si certains points font encore débat, comme la place du concours, les divergences peuvent être dépassées en bâtissant une réforme sur des principes solides et intangibles.
Je pense, tout d’abord, à la réaffirmation d’un cadre et d’un cadrage national de la formation : masters, stages formateurs, lieux de formation, avec l’idée d’IUFM rénovés, autonomes, garantissant un maillage territorial pour un égal accès à la formation.
À cela, vous allez me rétorquer l’argument de « l’autonomie des universités ». Or autonomie ne veut pas dire absence de règles, comme l’a dit votre collègue Valérie Pécresse, qui a défini un cadrage pour les licences.
Je pense, ensuite, au maintien d’un recrutement sans concours et d’un statut de fonctionnaire avec des contenus de concours révisés incluant une partie professionnalisante.
Je pense également à la mise en place d’un « continuum de formation », seul à même de former de véritables enseignants-concepteurs. Ainsi, une formation initiale de type intégré articulerait, dans la durée et la progressivité, la formation disciplinaire, l’acquisition d’une solide culture de référence, notamment mathématique, scientifique, artistique, sportive, la formation professionnelle, tant pédagogique, didactique, qu’en matière de psychologie de l’enfant, le tout en lien avec la recherche, dans des allers et retours permanents, avec une véritable formation continue.
Sur ce point, soyons clairs, nous partons désormais de zéro tant les crédits ont été rabotés. Il faudra donc une formation continue digne de ce nom, pérenne et en lien avec la recherche. Cela implique de développer très fortement une recherche « en éducation, sur et pour l’éducation ». Il est grand temps de rattraper le retard au regard des enjeux que recouvre notre système éducatif.
Je pense, enfin, à des stages dans leur diversité rétablie : des stages d’observation, accompagnés, en responsabilité, avec une montée en puissance progressive, dans chacun des cycles et niveaux d’enseignement, avec un temps de service aménagé après la titularisation.
Tel est, brossé à grands traits, le portrait d’une autre réforme. Pour remplir pleinement son objectif, elle devra être irriguée par deux idées force.
La première, c’est une plus grande démocratisation dans l’accès au métier d’enseignant et une relance de son attractivité.
La seconde, tout aussi essentielle, c’est d’écarter les mesures qui, de près ou de loin, auront pour conséquence de créer un vivier de vacataires précaires, comme le seront les bataillons de reçus-collés, lesquels constituent une aubaine pour des établissements que l’on pousse vers toujours plus d’autonomie, jusqu’au pouvoir de recrutement des personnels confié aux chefs d’établissement, pouvoir vers lequel ce gouvernement chemine avec le programme « collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite », dit programme CLAIR.
Pour concilier ces objectifs, je crois en la pertinence d’un pré-recrutement, dont les modalités sont à discuter. Cela me semble être la clef capable de dénouer bien des fils. Cette solution a le mérite de sortir de l’impasse « de la place du concours », en proposant non plus une, mais plusieurs voies d’accès au concours. C’est une arme pour une meilleure démocratisation du métier, pour sa vitalité, en supportant ceux qui se destinent tôt au métier. Enfin, elle marquerait un réel engagement de la nation en faveur de la formation, du métier d’enseignant et au profit des élèves.
Ces principes inscrits dans le marbre, un modus vivendi me paraît possible afin que ces métiers de l’éducation, en perte de sens, mais d’une capacité d’invention formidable, reprennent collectivement la main pour défendre un « métier de qualité » et son rôle dans une école démocratique.
Il y a donc la place, monsieur le ministre, pour un autre projet, ambitieux, avec des propositions qui, pour beaucoup, recueillent un consensus. Allez-vous enfin accepter de revenir sur cette réforme de la formation des enseignants ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quinze jours, Jean-Michel Jolion, président du Comité de suivi du master, remettait à Valérie Pécresse son rapport d’étape sur la mastérisation, qui constitue la clé de voûte de la réforme de la formation des enseignants.
L’éducation de nos enfants constitue un élément fondamental de l’avenir de notre nation. C’est pourquoi l’école de la République se doit d’offrir les mêmes chances à tous. La formation des enseignants est bien évidemment la clef de voûte de cette réussite.
Je veux tout d’abord saluer le formidable travail de nos enseignants, et ce à quel que niveau que ce soit. Ils sont les garants d’une éducation complète de nos enfants, je tiens à le souligner. Il est vrai que leur tâche est ardue. C’est un métier de vocation, et quelle plus belle vocation que la transmission du savoir à nos jeunes !
L’enseignement connaît aujourd’hui de nombreuses difficultés, que nous nous efforçons d’atténuer.
Je prendrai un exemple pour illustrer mes propos. Au regard du paradoxe français, si l’investissement de la France dans l’éducation nationale se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE, les résultats obtenus sont cependant insuffisants et ne sont pas toujours en corrélation avec les moyens mis en œuvre. En effet, aujourd’hui, 15 % au moins des élèves sortant du primaire ne savent pas lire. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de ce résultat.
On voit ici l’importance de l’école primaire dans le parcours scolaire. Si la lecture et l’écriture ne sont pas maîtrisées à l’arrivée au collège, comment espérer que la scolarité des élèves se déroule sans problème par la suite ?
La réforme de la formation des enseignants, qui nous réunit aujourd’hui, a pour ambition de pallier ces difficultés.
Elle tend à élever le niveau de qualification des personnels au moment de leur recrutement, à intégrer la formation des maîtres dans le dispositif licence-master-doctorat, ou LMD, à préserver les possibilités de réorientation pour les étudiants qui ne seront pas recrutés, à préparer progressivement au métier avant les concours et à offrir des mécanismes d’encouragement et de promotion sociale pour ceux qui se destinent à l’enseignement.
Cette réforme, engagée en 2008, n’a été mise en œuvre qu’à la rentrée dernière. Il faut laisser le temps à ce nouveau système de se mettre en place et éviter l’écueil des conclusions trop hâtives. Je pense qu’il est important de prendre le temps de la réflexion.
Je tiens également à faire un point sur la formation des professeurs des écoles.
L’intégration des IUFM dans les universités était l’occasion de modifier la formation des maîtres, dans une meilleure articulation des volets académique et professionnel. Le Comité de suivi du master avait d’ailleurs rappelé l’importance de l’implication personnelle des formateurs, enseignants et enseignants-chercheurs de ces instituts dans un processus de recherche. S’il nous faut revoir le plan de restructuration de cette formation, il est primordial que cela se fasse en concertation avec toutes les parties concernées et en prenant en compte les recommandations les plus pertinentes.
Encore une fois, je suis prudente quand il s’agit d’évaluer les effets de cette politique ; nous ne sommes pas en mesure, à ce jour, me semble-t-il, d’avoir le recul nécessaire pour en apprécier tous les effets.
Monsieur le ministre, je souhaite toutefois souligner les questionnements légitimes que peut soulever la réforme elle-même, ainsi que les propositions d’ajustement, qui méritent d’être étudiées.
Il semble que le contenu trop fortement théorique et disciplinaire du concours et de la formation puisse poser problème. La pédagogie et l’expérience pratique sont absolument indispensables ; il est donc primordial que cet aspect ne soit pas négligé.
Il est nécessaire que la mastérisation entraîne une approche du métier d’enseignant qui soit non pas trop académique, mais didactique et pédagogique. Il s’agit là de la clef de la réussite des élèves. En ce sens, un réajustement doit être opéré, en corrélation avec la professionnalisation.
Il est indispensable que les professeurs appréhendent à la fois l’aspect théorique et pratique de leur mission, avec une compréhension des problématiques de terrain. La transmission du savoir ne peut se cantonner à une simple approche théorique.
L’autre point que je souhaite soulever concerne justement la nécessaire professionnalisation des enseignants, avant qu’ils ne débutent leur carrière.
Là encore, l’IUFM permettait, grâce à une année « en classe », de prendre pied dans l’univers scolaire, d’observer, d’avoir une approche quant aux méthodes déployées, et ce afin de maîtriser l’application des outils pédagogiques, la gestion de la discipline, dans le cadre de la formation à l’enseignement.
Le fait que la mastérisation donne une priorité aux acquis théoriques des différentes disciplines ne me semble pas suffisant, n’étant pas assez professionnalisant pour les futurs enseignants.
Ce qui fait défaut ici, c’est non pas leur savoir, mais plutôt leurs difficultés à le mettre en pratique.
Il est indispensable que les jeunes professeurs maîtrisent les différents aspects de leur métier, afin que chacun puisse appréhender au mieux ses fonctions. C’est pourquoi j’accueille favorablement les expérimentations qui vont avoir lieu dans quelques rectorats, permettant de mettre en place une formation en alternance.
En d’autres termes, au lieu de concentrer l’essentiel des périodes de stage à la fin des deux dernières années de master, il s’agira de mener en parallèle la formation théorique et, à raison d’une journée par semaine, « l’immersion » pratique dans une classe.
Si le volume horaire des stages doit être équivalent, la répartition tout au long de la formation permet un apprentissage pratique et théorique en douceur et de manière proportionnée.
Bien évidemment, ces expérimentations, qui s’étendront, je l’espère, à un plus grand nombre de rectorats, ne doivent en aucun cas être un palliatif au manque d’enseignants. L’alternance qui est proposée se doit d’être au service de la formation des enseignants et leur permettre de découvrir différents types de cadres, d’écoles et de niveaux, de diversifier leur connaissance pratique de l’éducation nationale, tout en étant opérationnels dans les classes.
Monsieur le ministre, j’espère, que ces pistes seront soutenues et qu’elles permettront de stopper le mouvement de désaffection des étudiants pour la formation d’enseignant. En effet, en septembre 2010, le nombre de candidats présents aux épreuves des concours a chuté de près de moitié par rapport à l’année 2009.
Nous sommes à un moment charnière de cette réforme. Il est indispensable non seulement de donner de l’attractivité au « plus beau métier du monde », mais surtout d’assurer, par la formation, sa qualité au service de l’éducation de nos jeunes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)